Les déterminants de la performance à long terme …...Les déterminants de la performance à long...

23
Les déterminants de la performance à long terme des introductions en bourse: le cas français François Degeorge* François Derrien** 12 juillet 2001 Cet article a été publié dans le numéro de novembre-décembre 2001 de la revue Banque et Marchés Cette étude a reçu le soutien financier d’Euronext et de la Fondation HEC. Nous remercio ns Edith Ginglinger et Pascal Grandin pour leurs commentaires et suggestions. (*) Groupe HEC et CEPR (**) Groupe HEC

Transcript of Les déterminants de la performance à long terme …...Les déterminants de la performance à long...

Page 1: Les déterminants de la performance à long terme …...Les déterminants de la performance à long terme des introductions en bourse: le cas français François Degeorge* François

Les déterminants de la performance à long terme des introductions

en bourse: le cas français

François Degeorge*

François Derrien**

12 juillet 2001

Cet article a été publié dans le numéro de novembre-décembre 2001 de la revue

Banque et Marchés

Cette étude a reçu le soutien financier d’Euronext et de la Fondation HEC. Nous remercions Edith

Ginglinger et Pascal Grandin pour leurs commentaires et suggestions.

(*) Groupe HEC et CEPR

(**) Groupe HEC

Page 2: Les déterminants de la performance à long terme …...Les déterminants de la performance à long terme des introductions en bourse: le cas français François Degeorge* François

2

Les déterminants de la performance à long terme des introductions en bourse : le cas français

Résumé Nous analysons les performanc es boursières d’un échantillon de 243 introductions en bourse réalisées en France entre 1991 et 1998. Premièrement, la performance des titres émis sur 36 mois n’est pas significativement négative. Deuxièmement, les caractéristiques des émissions de l’échantillon n’expliquent pas la performance boursière: les prix d’émission incorporent correctement en moyenne l’information connue au moment de l’introduction en bourse.

Page 3: Les déterminants de la performance à long terme …...Les déterminants de la performance à long terme des introductions en bourse: le cas français François Degeorge* François

3

The determinants of IPO stock price performance: some French evidence

Abstract We study the stock price performance of 243 French companies that went public on the

French Second Marché and Nouveau Marché between 1991 and 1998. First, the stock price performance is not significantly negative over a 36-month period. Second, the IPO and firm characteristics of the offerings do not explain this performance. This suggests that the IPO price correctly summarizes the information at hand at the time of the offering on average.

Page 4: Les déterminants de la performance à long terme …...Les déterminants de la performance à long terme des introductions en bourse: le cas français François Degeorge* François

4

1. Introduction

Plusieurs études portant sur des échantillons d’introductions en bourse réalisées aux Etats-

Unis mettent en évidence une sous-performance à long terme (1 à 5 ans) des titres émis: en 1991,

Ritter montre que sur une période de 5 ans, les titres émis aux Etats-Unis affichent une

performance boursière inférieure de 29% en moyenne à celle de sociétés comparables. Loughran et

Ritter (1995) étendent cette étude aux sociétés cotées qui procèdent à de nouvelles émissions de

titres, et aboutissent à la même conclusion.

Ce phénomène a été expliqué par des théories comportementales: Teoh, Welch et Wong

(1997) montrent que les investisseurs ne décryptent pas les manipulations de résultats qui sont

opérées par les sociétés qui s’apprêtent à émettre des titres sur les marchés d’actions. Degeorge et

Zeckhauser (1993) montrent pour leur part que les sociétés choisissent d’émettre des titres après

avoir obtenu des performances anormalement élevées. Si c’est le cas, et si les investisseurs ne

tiennent pas compte de ce phénomène, le retour à la moyenne des performances dans les années

suivant l’émission conduit les investisseurs à réviser à la baisse leurs anticipations, ce qui explique

les mauvaises performances boursières de ces titres. Enfin, Michaely et Womack (1999) montrent

que les recommandations des analystes affiliés aux intermédiaires financiers en charge des

introductions en bourse sont exagérément positives au moment de l’émission, ce qui peut inciter

les investisseurs à surestimer la valeur des titres concernés.

Ces théories semblent toutefois contredire l’hypothèse d’efficience des marchés, qui prédit

que les investisseurs doivent apprendre ou disparaître. Les tenants de l’efficience des marchés

estiment donc qu’une anomalie telle que la sous-performance à long terme des introductions en

bourse ne peut perdurer. Ils s’attachent à montrer que la sous-performance à long terme obtenue

par des auteurs comme Ritter n’est que le résultat d’erreurs de mesure ou de mauvais choix dans

les références auxquelles sont comparées les performances des titres émis.1 Ainsi, Brav et

Gompers (1997) montrent que lorsque la performance des introductions en bourse est comparée à

celle de sociétés de taille et de book-to-market comparables, la sous-performance observée par

Ritter disparaît. Selon eux, cette sous-performance ne serait donc pas propre aux titres

nouvellement émis, mais ne serait que la manifestation d’un phénomène connu: la sous-

performance boursière des titres de petite taille et de book-to-market faible. Ce débat sur la réalité

de la sous-performance à long terme des introductions en bourse n’est pas clos. Il porte

essentiellement sur des échantillons d’émissions effectuées aux Etats-Unis. De ce fait, les études

actuelles peuvent légitimement être soupçonnées de data mining.

1 Dans la suite de l’étude, nous emploierons le terme “benchmark” pour évoquer ces outils de référence.

Page 5: Les déterminants de la performance à long terme …...Les déterminants de la performance à long terme des introductions en bourse: le cas français François Degeorge* François

5

Le premier objectif de la présente étude est de contrib uer à ce débat en utilisant des données

relativement peu explorées, les introductions en bourse réalisées sur le Second Marché et le

Nouveau Marché entre 1991 et 1998. Soucieux de ne privilégier a priori aucune hypothèse, nous

effectuons le calcul de la performance à long terme (de 1 à 3 ans) en utilisant plusieurs types de

mesures ainsi que plusieurs benchmarks. Les résultats obtenus sont proches de ceux de Brav et

Gompers (1997). Nous ne pouvons rejeter l’hypothèse nulle de performance normale des

introductions en bourse sur une période de 1 à 3 ans.

Dans la seconde partie de l’étude, nous tentons de répondre à la question suivante: certaines

caractéristiques des introductions en bourse connues au moment de l’émission ou juste après celle-

ci expliquent-elles leur performance à long terme? Autrement dit, nous cherchons à déterminer si

certaines caractéristiques affectant la valeur de marché des titres émis sont systématiquement mal

prises en compte au moment de l’émission. Pour ce faire, nous disposons d’informations de trois

types:

- premièrement, les caractéristiques de l’entreprise dont les titres sont émis: composition du

capital avant l’émission, taille ou âge de l’entreprise,…,

- deuxièmement, les caractéristiques de l’introduction en bourse proprement dite: procédure

d’émission et marché de cotation choisis, notoriété de l’intermédiaire financier,

- troisièmement, les conditions de marché qui prévalent au moment de l’émission et la

performance à court terme des titres émis.

Les résultats suggèrent que les titres émis sont correctement évalués en moyenne. En effet,

aucune caractéristique n’explique de façon significative les performances boursières à 12, 24 et 36

mois. Certaines variables expliquent toutefois la performance à certains de ces horizons: les

émissions dont la rentabilité initiale est forte (après contrôle des conditions de marché) continuent

à afficher de bonnes performances pendant une période de deux ans suivant leur émission. Par

ailleurs, et ceci contredit les résultats de Brav et Gompers (1997), les entreprises financées par des

sociétés de venture-capital avant leur introduction en bourse affichent des performances boursières

inférieures à la moyenne, et en particulier à celles qui étaient financées par des banques avant leur

émission.

L’étude est organisée comme suit: après avoir décrit les données utilisées, nous présentons

les statistiques descriptives de l’échantillon étudié. Dans une quatrième partie, nous calculons les

performances boursières à long terme des introductions en bourse de notre échantillon. Dans une

cinquième partie, nous étudions l’impact des caractéristiques de l’émission sur la performance

boursière. Enfin, dans une sixième partie, les résultats obtenus sont commentés.

Page 6: Les déterminants de la performance à long terme …...Les déterminants de la performance à long terme des introductions en bourse: le cas français François Degeorge* François

6

2. Source et description des données

L’échantillon étudié est constitué de 243 introductions en bourse réalisées en France entre

janvier 1991 et juillet 1998 sur le Second Marché (SM) et le Nouveau Marché (NM).2 Nous

ignorons les émissions réalisées sur le Premier Marché (Règlement Mensuel et Marché au

Comptant), les rares entreprises concernées ayant des caractéristiques différentes de celles de notre

échantillon. 3 Nous ignorons également les transferts du Marché Libre, les titres concernés étant

déjà cotés avant leur transfert ce qui diminue l’importance de l’information divulguée lors de

l’émission dans le processus de découverte du prix.

Deux types de variables sont utilisées dans cette étude:

- des variables de performance à long terme (de dix jours4 à trois ans après la date d’émission),

- des variables de caractéristiques des émissions de l’échantillon,

Dans le Tableau 1 ci-dessous figure une liste des données considérées, ainsi que la source de

ces données.

Tableau 1 Type et source des données de l’étude

Type de variable Description Source des données

Variables de performance boursière

- Rentabilités journalières des introductions en bourse - Rentabilités journalières des titres cotés sur le “Second Marché” et le “Marché au Comptant” - Valeurs journalières de l’indice MIDCAC - Valeurs journalières d’indices industriels

Base de données de prix journaliers de la Bourse de Paris

2 Le Second Marché a été créé en 1983 pour permettre aux entreprises de taille moyenne d’accéder aux marchés d’actions. Le Nouveau Marché a pour sa part été créé en 1996 sur le modèle du NASDAQ et est destiné aux entreprises jeunes et à forte croissance, opérant typiquement dans le secteur de la haute technologie. Les caractéristiques des sociétés cotées et les conditions d’émission de titres sur ces deux marchés sont différentes, aussi nous tiendrons compte du marché de cotation choisi dans les analyses présentées dans la suite de l’étude. 3 Les entreprises du Premier marché ont typiquement une capitalisation boursière et un volume de transactions très supérieurs à ceux des sociétés cotées sur les Second et Nouveau Marchés. Par ailleurs, certaines introductions en bourse effectuées sur le Premier Marché au cours de la période étudiée concernent des privatisations, opérations pour lesquelles les objectifs de l’actionnaire principal (l’Etat) peuvent diverger de ceux des actionnaires “traditionnels”. 4 Ce choix vise à ignorer les effets à court terme (sous-évaluation volontaire des titres émis, soutien des cours par l’intermédiaire financier en charge de l’émission).

Page 7: Les déterminants de la performance à long terme …...Les déterminants de la performance à long terme des introductions en bourse: le cas français François Degeorge* François

7

Caractéristiques des émissions

- Année d’émission

- Marché de cotation (NM ou SM) - Procédure d’émission (PG, OPM ou OPF) - Rang de l’intermédiaire (lead) - Raisons annoncées de l’émission - % de titres créés - Taille de l’émission - Age de l’entreprise à la date d’émission - Book-to-market à la date d’émission - Dette à long terme (>1 an) à la date d’émission - Composition du capital avant l’émission - Rentabilité initiale (10 jours) - Conditions de marché à la date d’émission

Prospectus d’introduction

Prospectus d’introduction Prospectus d’introduction Prospectus d’introduction Prospectus d’introduction Prospectus d’introduction Prospectus d’introduction Prospectus d’introduction Prospectus d’introduction Prospectus d’introduction Prospectus d’introduction Base de données de prix journaliers de la Bourse de Paris

La performance boursière des introductions en bourse est calculée en utilisant les données de

prix journaliers de la Bourse de Paris. Trois benchmarks sont utilisés : l’indice MIDCAC, des

indices industriels et des portefeuilles de comparaison constitués de sociétés cotées sur le Marché

au Comptant proches de celles dont on souhaite mesurer la performance en termes de

capitalisation boursière et de book-to-market (voir Brav et Gompers (1997)). Les données portant

sur les caractéristiques des émissions proviennent quant à elles des documents produits avant

l'émission. L’intermédiaire financier en charge de l’émission est tenu de communiquer ces

documents, qui contiennent des informations sur les caractéristiques de l’émission et de

l’entreprise concernée5 environ un mois avant la date d’introduction en bourse.

Trois procédures d’émission sont disponibles : le Placement Garanti (PG), équivalent au

« book building » qui prévaut sur les marchés américains, octroie à l’intermédiaire financier un

rôle essentiel dans le choix du prix d’émission et du placement des titres. Ce choix intervient après

une période dite de « construction du livre d’ordres », au cours de laquelle les investisseurs sont

invités à transmettre des ordres (prix / quantité) à l’intermédiaire financier en charge de l’émission.

La procédure d’Offre à Prix Minimal (OPM) est une procédure d’enchères modifiée. Enfin,

lorsque la procédure d’Offre à Prix Ferme (OPF) est choisie, le prix d’émission est déterminé

conjointement par l’émetteur et l’intermédiaire sans faire appel au marché.6

5 Les informations requises diffèrent en fonction du marché de cotation choisi. Les sociétés qui s’orientent vers le Second Marché, qui sont supposées être plus établies que leurs homologues du Nouveau Marché, doivent fournir davantage de données historiques, alors que l’on demande à ces dernières de communiquer des prévisions de résultats. 6 Pour une description détaillée des procédures d’émission disponibles sur les marchés d’actions français, voir Derrien et Womack (2001), Auctions vs. book building and the control of underpricing in hot IPO markets.

Page 8: Les déterminants de la performance à long terme …...Les déterminants de la performance à long terme des introductions en bourse: le cas français François Degeorge* François

8

Rang de l’intermédiaire est calculée en comparant le nombre d’émissions dans lesquelles

l’intermédiaire concerné assurait le rôle de lead au cours de la période considérée (l’intermédiaire

impliqué dans le plus grand nombre d’émissions au cours de la période obtenant le rang 1).

Nous identifions trois Raisons annoncées de l’émission. Une variable indicatrice est créée

pour chacune de ces raisons : but-finan, but-acqui et but-sortie prennent la valeur 1 lorsque la

raison annoncée de l’émission est respectivement l’amélioration de la situation financière de

l’entreprise, le financement d’une acquisition et la sortie du capital d’un actionnaire. Plusieurs de

ces raisons peuvent être invoquées. Pour certaines émissions, aucune de ces raisons n’est

invoquée, soit parce que cette information ne figure pas dans la documentation, soit parce que

nous ne disposons pas de la partie du prospectus d’introduction dans laquelle figure cette

information.

Taille de l’émission est égal au logarithme de la capitalisation boursière (exprimée en

millliers de francs) des sociétés cotées, au moment de l’émission.

Book-to-market est le ratio de la valeur comptable des capitaux propres sur la capitalisation

boursière de l’entreprise, au moment de l’émission.

Dette à long terme est le ratio des dettes à plus d’un an (telles qu’elles apparaissent au bilan

de l’entreprise avant son introduction en bourse) sur la valeur comptable des capitaux propres de

l’entreprise.

% de titres crées est le ratio du nombre de titres créés au moment de l’émission sur le

nombre de titres cédés par l’entreprise au moment de son introduction en bourse.

La composition du capital avant l’émission est représentée par trois variables indicatrices : k-

banque, k-venture et k-perso prennent la valeur 1 lorsque le capital est détenu, avant l’émission,

respectivement par une ou des banques à plus de 10%, par une ou des sociétés de venture-capital à

plus de 10%, et par les dirigeants de l’entreprise à plus de 90%.

Rentabilité initiale (10 jours) est la rentabilité du titre sur le marché secondaire entre son

émission et son dixième jour de cotation. 7

Les Conditions de marché sont calculées, de la même manière que dans Derrien et Womack

(2001), comme la moyenne pondérée des rentabilités journalières de l’indice MIDCAC sur une

période de 3 mois précédant l’émission, un poids supérieur étant octroyé à la performance du mois

précédant l’émission, qui est supposée avoir une plus grande influence sur le comportement des

titres émis sur le marché secondaire.

7 On considère généralement qu’à l’issue d’une période de dix jours, le titre a atteint un prix d’équilibre sur le marché secondaire.

Page 9: Les déterminants de la performance à long terme …...Les déterminants de la performance à long terme des introductions en bourse: le cas français François Degeorge* François

9

3. Statistiques descriptives

Dans le Tableau 2 ci-après sont présentées les statistiques descriptives de l’échantillon par

année d’émission.

Tableau 2 Statistiques descriptives par année d’émission

L’échantillon est constitué de 243 introductions en bourse effectuées sur le Second Marché et le Nouveau Marché entre janvier 1991 et juillet 1998. Les variables étudiées sont décrites ci-dessus. Pour les variables indicatrices, le nombre d’émissions concernées par la caractéristique étudiée est présenté. Pour les variables quantitatives sont présentés la moyenne, la médiane et l’écart inter-quartile (EIQ).

1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 Total Nombre d’émissions

8 3 9 32 13 45 54 79 243

Marché de cotation

NM=1 SM=1

0 8

0 3

0 9

0 32

0 13

15 30

18 36

28 51

61 182

Procédure d’émission

OPM=1 PG=1

OPF=1

2 0 4

2 1 0

1 1 5

11 11 7

8 1 3

23 19 3

21 30 3

26 52 1

94 115 26

Raisons annoncées de l’émission

but-finan=1 but-acqui=1 but-sortie=1

0 0 0

1 0 0

0 0 0

4 4 1

1 3 0

9 6 0

8 17 0

15 16 11

38 46 12

% de titres créés

Moyenne Médiane

EIQ

0 0 0

0 0 0

17% 0

18%

25% 0

46%

17% 0 0

42% 39% 80%

45% 50% 73%

44% 50% 82%

37% 28% 73%

Rentabilité initiale (10 jours)

Moyenne Médiane

EIQ

10.3% 5.6% 13.3%

5.7% 8.7% 9.1%

25.6% 22.9% 16.1%

6.6% 1.6% 12.2%

5.4% 3.8% 9.7%

15.7% 9.8% 2.7%

17.6% 11.3% 34.1%

25.2% 12.7% 35.6%

17.5% 7.9% 27.1%

Conditions de marché

Moyenne Médiane

EIQ

-0.5% -0.4% 2.0%

0.8% 2.6% 8.3%

1.9% 2.7% 2.0%

-1.5% -2.3% -3.1%

-1.2% -0.4% 2.7%

2.2% 2.1% 2.4%

0.9% 0.6% 2.6%

4.8% 5.0% 5.4%

2.0% 1.7% 4.4%

Taille de l’émission

Moyenne Médiane

EIQ

12.22 12.13 1.57

13.16 12.55 3.77

13.35 13.11 1.58

12.88 12.70 1.37

12.57 12.06 2.12

12.58 12.50 1.28

12.36 12.20 1.11

12.41 12.37 1.08

12.54 12.38 1.32

Age de l’entreprise

Moyenne Médiane

EIQ

13 13 15

53 52 16

18 11 18

24 17 27

19 21 16

18 14 16

15 10 11

16 11 12

18 12 16

Book-to-market

Moyenne Médiane

EIQ

0.50 0.43 0.40

0.48 0.55 0.30

0.48 0.33 0.50

0.44 0.36 0.38

0.47 0.38 0.30

0.23 0.22 0.20

0.21 0.17 0.18

0.25 0.17 0.24

0.30 0.22 0.24

Dette à long terme

Moyenne Médiane

EIQ

17% 12% 31%

19% 11% 35%

29% 25% 12%

20% 18% 19%

17% 15% 13%

22% 23% 20%

24% 23% 19%

22% 21% 22%

22% 21% 20%

Capital avant l’émission

k-venture=1 k-banque=1

k-perso=1

2 4 2

0 0 2

0 6 2

5 17 8

0 3 7

6 11 24

6 13 32

6 21 34

25 75

111

On observe premièrement une nette tendance à l’augmentation du nombre annuel

d’introductions en bourse, de 7 émissions par an en moyenne sur les trois premières années

étudiées à 59 émissions par an sur les trois dernières. Le nombre d’introductions en bourse au

Page 10: Les déterminants de la performance à long terme …...Les déterminants de la performance à long terme des introductions en bourse: le cas français François Degeorge* François

10

cours d’une période est corrélé avec des variables comme rentabilité initiale et conditions de

marché. Ce résultat confirme les résultats d’études portant sur les marchés américains (par

exemple Ritter (1998)), qui montrent que le nombre d’introductions en bourse est lié aux

conditions du marché.

L’évolution des caractéristiques des introductions en bourse au cours de la période 1991-

1998 peut également être expliquée par les changements des marchés français d’actions. La

création du Nouveau Marché en 1996 a permis à des sociétés jeunes, de taille réduite et avec un

fort potentiel de croissance d’accéder aux marchés d’actions, comme en atteste l’évolution de

variables telles que taille de l’émission, âge de l’entreprise et book-to-market, qui ont toutes

diminué en moyenne à partir de 1996. On note aussi une augmentation de la variable % de titres

créés à partir de 1996, qui s’explique par le fait que les entreprises qui accèdent au Nouveau

Marché doivent émettre des titres nouveaux.

Pour résumer de façon quelque peu caricaturale l’évolution du marché des introductions en

bourse entre 1991 et 1998, on peut donc dire que les entreprises qui accèdent désormais au marché

sont jeunes, en croissance, et font appel au marché pour lever des fonds leur permettant d’assurer

leur développement, comme le montre l’évolution de la variable raisons annoncées de l’émission.

Au contraire, les firmes introduites en bourse au début de la période étudiée étaient des sociétés

établies. On note également une présence accrue de sociétés de venture-capital dans le capital des

sociétés introduites en bourse après 1996. Toutefois, les entreprises détenues à plus de 90% par

leurs dirigeants (k-perso=1) constituent toujours une part significative de l’échantillon.

Dans le Tableau 3 ci-dessous, la présentation des statistiques descriptives par marché de

cotation permet d’identifier plus clairement les différences existant entre les deux marchés étudiés.

Les constats précédents sont confirmés : les entreprises qui choisissent le Nouveau Marché sont

typiquement plus jeunes, de taille plus réduite que leurs homologues du Second Marché. Elles

affichent également des ratios de book-to-market et de dette à long terme plus faibles. Enfin, les

raisons annoncées lors de l’émission suggèrent que l’introduction en bourse est pour ces sociétés

un moyen d’obtenir des fonds afin de financer leur croissance future, alors que la première raison

invoquée par les sociétés qui choisissent le Second Marché est la sortie d’un des actionnaires du

capital de l’entreprise.

Tableau 3 Statistiques descriptives par marché de cotation

L’échantillon est constitué de 243 introductions en bourse effectuées sur le Second Marché et le Nouveau Marché entre janvier 1991 et juillet 1998. Les variables étudiées sont décrites ci-dessus. Pour les variables indicatrices, le nombre d’émissions concernées par la caractéristique étudiée est présenté. Pour les variables quantitatives sont présentés la moyenne, la médiane et l’écart inter-quartile (EIQ). Dans la colonne Tests d’égalité figurent des tests

Page 11: Les déterminants de la performance à long terme …...Les déterminants de la performance à long terme des introductions en bourse: le cas français François Degeorge* François

11

d’égalité des moyennes et des médianes (test de Wilcoxon) pour ces variables. *** (respectivement **, *) signale une différence significative entre les marchés au seuil de 1% (respectivement 5%, 10%).

Second Marché Nouveau Marché Tests d’égalité Nombre d’émissions

182 61

Procédure d’émission

OPM=1 PG=1

OPF=1

94 54 26

0 61 0

Raisons annoncées de l’émission

but-finan=1 but-acqui=1 but-sortie=1

32 41 12

6 5 0

% de titres créés

Moyenne Médiane

EIQ

22.9% 0%

48.6%

78.3% 81.6% 38.4%

*** ***

Rentabilité initiale (10 jours)

Moyenne Médiane

EIQ

15.8% 7.8% 24.2%

22.8% 9.8% 34.4%

Conditions de marché

Moyenne Médiane

EIQ

1.5% 1.1% 4.6%

3.4% 2.5% 5.3%

*** ***

Taille de l’émission

Moyenne Médiane

EIQ

12.68 12.45 1.38

12.11 11.79 0.99

*** ***

Age de l’entreprise

Moyenne Médiane

EIQ

21 15 19

9 8 6

*** ***

Book-to-market

Moyenne Médiane

EIQ

0.35 0.28 0.28

0.12 0.09 0.12

*** ***

Dette à long terme

Moyenne Médiane

EIQ

20.9% 19.7% 19.5%

26.7% 24.8% 22.0%

** **

Capital avant l’émission

k-venture=1 k-banque=1

k-perso=1

19 61 87

6 14 24

On constate par ailleurs que la rentabilité initiale et les conditions de marché sont

supérieures en moyenne pour les émissions du Nouveau Marché. Ceci s’explique par la

concentration de ces émissions à la fin de la période étudiée, caractérisée par des conditions de

marché supérieures au reste de la période.

4. La performance boursière à long terme des introductions en bourse

Nous étudions dans cette partie la performance boursière des titres émis sur une période de

trois ans. La littérature existante sur le sujet suggère que les résultats sont très sensibles d’une part

au mode de calcul de la performance choisi, d’autre part au benchmark utilisé pour calculer la

performance (voir à ce sujet Barber et Lyon (1997) et Brav et Gompers (1997)). Aucune des

Page 12: Les déterminants de la performance à long terme …...Les déterminants de la performance à long terme des introductions en bourse: le cas français François Degeorge* François

12

méthodes utilisées dans la littérature ne nous semblant bénéficier d’avantages décisifs en termes de

rigueur statistique et de signification économique, nous utilisons plusieurs méthodologies de calcul

de la performance.

Deux méthodes de calcul de la performance sont utilisées : celle dite de Cumulative

Abnormal Return (CAR), ou rentabilités anormales cumulées, et celle de Buy-and-Hold Return

(BHR), ou rentabilités anormales composées, qui vérifient :

où Rit est la rentabilité de la société i au jour t, E(Rit) la rentabilité de son benchmark au jour t, et

ARit=Rit - E(Rit). BHRiτ et CARiτ sont calculés pour la société i entre la date d’émission + 10 jours

de bourse et τ. Les CAR correspondent à une stratégie dans laquelle le portefeuille est ré-équilibré

quotidiennement. Au contraire, les BHR correspondent à une stratégie sans ré-équilibrage, c’est-à-

dire d’achat du titre au début de la période considérée, et de vente de ce titre à la fin de la période.

D’un point de vue statistique, les CAR présentent des propriétés de normalité plus satisfaisantes

que les BHR.

Par ailleurs, trois benchmarks sont utilisés : premièrement, l’indice MIDCAC des valeurs

moyennes. Les caractéristiques des entreprises entrant dans la composition de cet indice sont

quelque peu différentes de celles des entreprises de notre échantillon, notamment en terme de

secteur d’activité, les introductions en bourse étant concentrées dans quelques secteurs. Pour

pallier ce problème, nous utilisons comme second outil de comparaison des indices sectoriels

fournis par Euronext. Cet outil pose potentiellement le problème inverse : certaines introductions

en bourse de notre échantillon figurent dans cet indice, ce qui peut faire converger les

performances des introductions en bourse et celles de ces indices. Enfin, nous utilisons comme

troisième outil de comparaison des portefeuilles constitués à partir de 250 entreprises cotées sur le

Marché au Comptant et n’ayant pas fait l’objet d’introduction en bourse au cours de la période

étudiée. Ces 250 entreprises sont réparties en 16 groupes en fonction de leur capitalisation

boursière (4 groupes) et de leur ratio de book-to-market (4 groupes) à partir des données

disponibles en fin d’année. Pour chaque année considérée, chaque introduction en bourse est

affectée à un des 16 groupes en fonction de sa capitalisation boursière et de son ratio de book-to-

market, et sa performance boursière est comparée à celle de son groupe. Cette méthodologie

permet de contrôler l’impact des effets de taille et de book-to-market identifiés par Brav et

Gompers (1997).

[ ] [ ]∏ ∏= =

+−+=τ τ

τ1 1

)(11t t

ititi RERBHR

CAR ARi itt

τ

τ

==

∑1

Page 13: Les déterminants de la performance à long terme …...Les déterminants de la performance à long terme des introductions en bourse: le cas français François Degeorge* François

13

Les résultats obtenus apparaissent dans les Figures 1 et 2. 8 Six mesures sont présentées, en

fonction de la méthode de calcul de la performance (CAR ou BHR) et du benchmark (indice

MIDCAC ou MID, indices sectoriels ou IND, portefeuilles de comparaison ou POR) utilisés. Dans

la figure 1 ci-dessous apparaît la performance moyenne pour chacune des six mesures.

Conformément aux observations de la littérature existante, on note en premier lieu une grande

disparité dans les performances en fonction de la méthodologie utilisée. Une performance

moyenne sur 36 mois proche de +10% est obtenue avec la méthodologie BHRMID (rentabilité du

type BHR / indice MIDCAC), alors que la rentabilité moyenne sur 36 mois obtenue avec la

méthodologie BHRIND (rentabilité du type BHR / indices sectoriels) est inférieure à –50%.

Figure 1

Performance moyenne des introductions en bourse sur 36 mois L’échantillon est constitué de 243 introductions en bourse effectuées sur le Second Marché et le Nouveau Marché entre janvier 1991 et juillet 1998. Deux méthodes de calcul (CAR et BHR) et 3 benchmarks (indice MIDCAC ou MID, indices sectoriels ou IND, portefeuilles de comparaison ou POR) sont utilisés pour calculer la performance ajustée. 6 mesures sont donc présentées : - CARMID : méthode CAR / indice MIDCAC - CARIND : méthode CAR / indices sectoriels - CARPOR : méthode CAR / portefeuilles de comparaison - BHRMID : méthode BHR / indice MIDCAC - BHRIND : méthode BHR / indices sectoriels - BHRPOR : méthode BHR / portefeuilles de comparaison

De manière générale, on constate que les performances boursières des introductions en

bourse de l’échantillon sont très inférieures à celles des indices sectoriels sur l’ensemble de la

8 Les données de prix journaliers ont été collectées jusqu’à fin décembre 2000. De ce fait, nous ne disposons pas d’un historique de 36 mois pour les émissions de 1998. La performance est calculée sur l’échantillon complet jusqu’à un horizon de 30 mois.

-70%

-60%

-50%

-40%

-30%

-20%

-10%

0%

10%

20%

30%

bhrind

bhrmid

bhrpor

carind

carmid

carpor

Page 14: Les déterminants de la performance à long terme …...Les déterminants de la performance à long terme des introductions en bourse: le cas français François Degeorge* François

14

période étudiée, alors qu’elles sont comparables à celles de l’indice MIDCAC et des portefeuilles

de comparaison. Ce résultat est probablement lié à la concentration des introductions en bourse de

l’échantillon dans des secteurs à forte croissance boursière (en particulier dans les secteurs de

haute technologie en fin de période).

En terme de significativité des résultats, seules les performances relatives aux indices

sectoriels sont significativement différentes de 0 (et négatives) aux seuils usuels, à partir du

douzième mois suivant l’introduction en bourse. Ces résultats doivent toutefois être considérés

avec prudence. En effet, les phénomènes de « clustering » sont caractéristiques des introductions

en bourse : les émissions sont en général concentrées sur quelques périodes, chaque période de

forte activité émettrice étant favorable à un secteur particulier. Autrement dit, il est fréquent que

des entreprises aux caractéristiques comparables émettent des titres au même moment. D’un point

de vue statistique, ces observations peuvent difficilement être considérées comme indépendantes.

Ce phénomène, qui conduit à surestimer le nombre d’observations indépendantes, surestime

également la significativité des résultats obtenus.

En somme, nous n’avons pas mis en évidence une performance moyenne anormale des

introductions en bourse sur une période de 36 mois.

Figure 2

Performance médiane des introductions en bourse sur 36 mois L’échantillon est constitué de 243 introductions en bourse effectuées sur le Second Marché et le Nouveau Marché entre janvier 1991 et juillet 1998. Deux méthodes de calcul (CAR et BHR) et 3 benchmarks (indice MIDCAC ou MID, indices sectoriels ou IND, portefeuilles de comparaison ou POR) sont utilisés pour calculer la performance ajustée. 6 mesures sont donc présentées : - CARMID : méthode CAR / indice MIDCAC - CARIND : méthode CAR / indices sectoriels - CARPOR : méthode CAR / portefeuilles de comparaison - BHRMID : méthode BHR / indice MIDCAC - BHRIND : méthode BHR / indices sectoriels - BHRPOR : méthode BHR / portefeuilles de comparaison

-100%

-80%

-60%

-40%

-20%

0%

20%

bhrind

bhrmid

bhrpor

carind

carmid

carpor

Page 15: Les déterminants de la performance à long terme …...Les déterminants de la performance à long terme des introductions en bourse: le cas français François Degeorge* François

15

La Figure 2 ci-dessus présente la performance médiane obtenue pour le même échantillon

sur une période de 36 mois. Les performances ajustées y apparaissent inférieures aux

performances moyennes étudiées précédemment. Ceci est lié à une asymétrie dans la distributio n

des performances boursières : les performances des cas extrêmes positifs sont supérieures, en

valeur absolue, à celles des cas extrêmes négatifs : à titre d’illustration, les trois meilleures

performances (du type BHRPOR) à 36 mois de l’échantillon sont +1210%, +778% et +758%, les

trois moins bonnes –262%, -255% et –189%. Toutefois, les six mesures ne permettent pas de

rejeter de façon unanime l’hypothèse d’une performance boursière normale des titres émis.

5. Caractéristiques des émissions et performance boursière

Comme nous l’avons constaté précédemment, les performances boursières à trois ans des

introductions en bourse françaises n’affichent pas de performance anormale. Dans cette partie,

nous cherchons à déterminer si certaines caractéristiques des émissions sont systématiquement mal

prises en compte lors du choix du prix d’émission. Autrement dit, nous étudions le lien entre la

performance boursière (à 12, 24 et 36 mois) et les variables caractérisant les émissions et décrites

ci-dessus. Selon l’hypothèse nulle d’efficience des marchés, toutes ces caractéristiques sont en

moyennes correctement prises en compte dans le choix du prix d’émission. Selon l’hypothèse

alternative, certaines caractéristiques sont systématiquement sur ou sous-évaluées au moment de

l’émission.

Des régressions linéaires sont effectuées, dans lesquelles la variable à expliquer est la

performance boursière et les variables explicatives sont les suivantes:

n âge: comme nous l’avons constaté plus haut, les entreprises procédant à des introductions en

bourse en France étaient traditionnellement établies. Récemment, en particulier depuis la

création du Nouveau Marché, des entreprises ont eu accès aux marchés d’actions quelques

années après leur création. Ce phénomène nouveau peut avoir été perçu négativement par les

investisseurs, habitués à investir dans des valeurs “sûres”, et exigeant de fortes décotes sur les

titres des entreprises les plus jeunes. Dans ce cas, on peut s’attendre à de bonnes performances

à long terme de ces titres, et donc à un coefficient négatif pour la variable âge. Il est également

possible que les investisseurs aient été exagérément optimistes, à la fin de la période étudiée,

quant aux perspectives des entreprises de croissance qui ont afflué vers les marchés d’actions.

Ceci expliquerait au contraire un coefficient positif de la variable âge.

Page 16: Les déterminants de la performance à long terme …...Les déterminants de la performance à long terme des introductions en bourse: le cas français François Degeorge* François

16

n % de titres créés: les titres nouvellement créés génèrent pour l’émetteur des liquidités

nouvelles. Si les projets dans lesquels ces liquidités doivent être investis sont abandonnés ou

s’avèrent moins rentables que prévu, la valeur des titres émis en est affectée. On peut donc

s’attendre à un coefficient négatif pour cette variable.

n Raisons annoncées de l’émission: si les investisseurs tendent à réagir favorablement

(défavorablement) à l’annonce d’une des trois raisons identifiées plus haut (financement,

acquisition ou sortie d’un des actionnaires du capital), le coefficient de cette raison annoncée

sera négatif (positif).

n Book-to-market et taille de l’émission: dans la littérature existante (voir Brav et Gompers

(1997), pour qui les mauvaises performances boursières des titres émis ne seraient que la

manifestation du “value / growth puzzle”, i.e. le fait que les performances boursières des

sociétés de croissance sont typiquement inférieures à celles des entreprises de taille et book-to-

market élevés), les coefficients de ces variables de contrôle sont positifs.

n Dette à long terme: si la dette de l’entreprise est un moyen d’incitation de ses dirigeants, le

coefficient de cette variable sera positif.

n Structure du capital avant l’émission (k-venture, k-banque et k-perso): Brav and Gompers

(1997) montrent que les titres émis par des entreprises préalablement soutenues par des

sociétés de venture-capital ont en moyenne de bonnes performances à long terme.

n Marché de cotation (Nouveau Marché, NM, ou Second Marché, SM): nous ne formulons

aucune hypothèse quant au coefficient de ces deux variables.

n Rentabilité initiale / conditions: cette variable est construite à partir des variables rentabilité

initiale (10 jours) et conditions de marché. Chacune de ces variables est divisée en quartiles.

Rentabilité initiale / conditions est égale, pour chaque observation, à son quartile de

rentabilité initiale moins son quartile de conditions de marché. Ainsi, pour une émiss ion qui se

trouve dans le quatrième quartile de rentabilité initiale (rentabilité initiale très élevée) et dans

le premier quartile de conditions de marché (conditions de marché très mauvaises), la variable

rentabilité initiale / conditions prendra la valeur 3 (soit 4-1). Cette variable nous permet

d’analyser l’information contenue dans la rentabilité à court terme du titre sur le marché

secondaire, en contrôlant l’effet des conditions de marché sur cette rentabilité. Si la rentabilité

initiale est la conséquence d’une asymétrie d’information entre investisseurs, il est possible

que cette asymétrie d’information ne se dissipe que progressivement, et que la rentabilité

initiale d’un titre soit un bon indicateur de ses performances futures. Dans ce cas, le coefficient

associé à cette variable sera positif . Si, au contraire, la rentabilité initiale est le résultat d’une

Page 17: Les déterminants de la performance à long terme …...Les déterminants de la performance à long terme des introductions en bourse: le cas français François Degeorge* François

17

euphorie des investisseurs ou de manipulations des cours par les acteurs de l’émission, le

coefficient associé à rentabilité initiale / conditions sera négatif.

n Procédure d’émission (book building, PG, ou enchère, OPM): certaines études suggèrent que,

pour des questions d’aléa moral, l’intermédiaire financier impliqué dans les émissions par

book building est incité à choisir un prix d’émission bas (voir par exemple Baron (1982)). Si

c’est le cas, ces émissions devraient afficher des performances à long terme supérieures à

celles qui utilisent des procédures alternatives.

n Rang de l’intermédiaire: on peut supposer que les intermédiaires les plus réputés (i.e. ceux

dont le rang est le plus faible) ont une incitation forte à maintenir leur réputation en pratiquant

des choix prudents en termes de prix d’émission.9 Si c’est le cas, les émissions pratiquées par

ces intermédiaires auront en moyenne de bonnes performances à long terme, et le coefficient

associé à la variable rang de l’intermédiaire sera négatif.

Les statistiques descriptives de l’échantillon (voir les tableaux 2 et 3), suggèrent que ces

variables présentent une certaine colinéarité. Nous avo ns par exemple constaté que les émissions

sur le Nouveau Marché concernent des entreprises plus jeunes, de taille et de book-to-market plus

réduits, introduites en bourse dans des conditions de marché plus favorables (à la fin de la période

étudiée) que leurs homologues du Second Marché. Cette colinéarité risque de réduire la précision

des coefficients obtenus par une régression linéaire.

Pour pallier ce problème potentiel, nous effectuons, outre des régressions linéaires utilisant

l’ensemble des variables indépendantes, des régressions linéaires pas-à-pas, dans lesquelles seules

les variables indépendantes dont la significativité des coefficients est la plus élevée sont prises en

compte. Deux types de régressions pas-à-pas sont effectués: premièrement, des régressions pas-à-

pas “ascendantes”, dans lesquelles les variables indépendantes sont ajoutées une à une aux

régressions, à condition que leur coefficient soit suffisamment significatif (p<0,20).

Deuxièmement, nous procédons à des régressions pas-à-pas “descendantes”: le modèle de départ

utilise l’ensemble des variables indépendantes. Celles dont les coefficients sont les moins

significatifs (p>0,20) sont ensuite éliminées une à une.

Les résultats obtenus en utilisant ces trois spécifications sont présentés dans le Tableau 4 ci-

dessous. La variable dépendante de ces régressions est la performance boursière du type CARPOR

9 Booth et Smith (1986) suggèrent également que le choix d’un intermédiaire réputé permet à l’émetteur de signaler sa qualité au marché.

Page 18: Les déterminants de la performance à long terme …...Les déterminants de la performance à long terme des introductions en bourse: le cas français François Degeorge* François

18

(méthode de calcul: CAR, et benchmark: portefeuilles de comparaison) 10 à 12 mois (Panel A), 24

mois (Panel B) et 36 mois (Panel C).

Tableau 4

Caractéristiques de l’émission et performance boursière La variable dépendante des régressions est la performance boursière (de type CARPOR) à 12 mois (panel A), 24 mois (panel B) et 36 mois (panel C). La taille de l’échantillon varie du fait de données manquantes et de la disparition de sociétés de la cote. Les régressions présentées dans les panels A, B et C contiennent respectivement 161, 155 et 104 observations. - spécification 1: régression linéaire, - spécification 2: régression pas -à-pas ascendante, - spécification 3: régression pas -à-pas descendante. * (et respectivement, **, ***) signalent un coefficient significativement différent de 0 au seuil de 10% (et respectivement, 5%, 1%) en utilisant le t de Student modifié de White. Panel A: performance 12 mois (161 observations) Spécification 1 Spécification 2 Spécification 3

Caractéristiques de Age -0.0039* -0.0041 -0.0043 l’émetteur et de % de titres créés -0.1745 -- --

l’émission Book-to-market -0.3166* -0.3242* -0.2956 Dette long terme -0.1261 -- -- Taille -0.0367 -- -- Marché (SM=1, NM=0) -0.0529 -- -- Rentabilité initiale / conditions 0.1154*** 0.1084*** 0.1404*** Rang de l’intermédiaire (lead) -0.0091 -0.0094* -0.0091

Raisons annoncées But-finan -0.0664 -- -- de l’émission But-acqui 0.0630 -- --

But-sortie 0.1282 -- -- Capital avant émission K-banque 0.2216* 0.2363** 0.2407***

K-perso 0.0740 -- -- K-venture -0.3355** -0.3457*** -0.3217**

Procédure d’émission OPM -0.0987 -- -- PG 0.0871 -- --

Année d’émission 1994 0.1350 -- -- (variables indicatrices) 1995 0.5059* 0.3314* 0.4371**

1996 0.2674 -- 0.2067** 1997 0.1126 -- -- 1998 -0.0737 -0.2119** -- Terme constant 0.6423 0.2748 0.1340 R2 0.30 0.22 0.22

Panel B: performance 24 mois (155 observations) Spécification 1 Spécification 2 Spécification 3

Caractéristiques de Age -0.0037 -- -- l’émetteur et de % de titres créés -0.2038 -- --

l’émission Book-to-market 0.0274 -- -- Dette long terme -0.7326 -0.8934** -0.9022** Taille 0.0330 -- -- Marché (SM=1, NM=0) -0.4684 -0.3391** -0.3286**

10 Nous choisissons cette mesure car les recherches antérieures (par exemple Brav et Gompers (1997)) suggèrent qu’elle est la plus robuste. De plus, les résultats précédents montrent qu’elle constitue une mesure intermédiaire. Les résultats présentés ci-après sont pour l’essentiel inchangés si une autre mesure est utilisée.

Page 19: Les déterminants de la performance à long terme …...Les déterminants de la performance à long terme des introductions en bourse: le cas français François Degeorge* François

19

Rentabilité initiale / conditions 0.1149* 0.1158** 0.1126** Rang de l’intermédiaire (lead) -0.0015 -- --

Raisons annoncées But-finan 0.1953 -- -- De l’émission But-acqui 0.0557 -- --

But-sortie -0.1099 -- -- Capital avant émission K-banque 0.4150** 0.3318** 0.3639**

K-perso 0.1650 -- -- K-venture -0.2707 -0.3813* -0.3470*

Procédure d’émission OPM -0.1593 -- -- PG -0.1276 -- --

Année d’émission 1994 0.2725 -- -- (variables indicatrices) 1995 0.5958 -- 0.4368

1996 0.2744 -- -- 1997 0.0255 -0.3465** -- 1998 0.4709 -- 0.2704* Terme constant -0.2020 0.4264 0.3547 R2 0.19 0.13 0.12

Panel C: performance 36 mois (104 observations) Spécification 1 Spécification 2 Spécification 3

Caractéristiques de Age 0.0028 -- -- l’émetteur et de % de titres créés -0.0705 -- --

l’émission Book-to-market -0.6810 -- -- Dette long terme -0.3128 -- -- Taille -0.0997 -- -- Marché (SM=1, NM=0) -0.6159 -0.3738* -0.4797** Rentabilité initiale / conditions 0.0177 -- -- Rang de l’intermédiaire (lead) 0.0290 0.0253** 0.0244*

Raisons annoncées But-finan -0.0406 -- -- De l’émission But-acqui 0.2255 -- --

But-sortie 0.0210 -- -- Capital avant émission K-banque 0.2763 -- --

K-perso 0.0159 -- -- K-venture 0.3268 -- --

Procédure d’émission OPM -0.2462 -- -- PG -0.4762 -- --

Année d’émission 1994 -0.3918 -- -- (variables indicatrices) 1995 -- 0.6701** --

1996 -0.7675** -- -0.5018** 1997 -0.8872** -- -0.5692** 1998 -- -- -- Terme constant 1.5114 -0.1399 0.4059 R2 0.19 0.07 0.08

On observe en premier lieu qu’aucune des variables explicatives utilisées n’a un impact

significatif sur la performance boursière des introductions en bourse sur toutes les périodes

considérées et pour toutes les spécifications. Nous pouvons en conclure qu’en règle générale, et en

moyenne, ces variables sont correctement prises en compte dans le prix d’émission.

Page 20: Les déterminants de la performance à long terme …...Les déterminants de la performance à long terme des introductions en bourse: le cas français François Degeorge* François

20

Toutefois, certaines variables affichent des coefficients significatifs aux seuils usuels pour

certains horizons. C’est le cas des variables d’année d’émission. Comme nous l’avons constaté

plus haut (voir le Tableau 2), certaines périodes sont propices aux introductions en bourse. Ces

périodes sont caractérisées par des conditions de marché favorables.11 En utilisant le critère des

conditions de marché, on note que les années 1993, 1996, 1998 et, dans une moindre mesure 1997,

sont favorables aux introductions en bourse (i.e. sont caractérisées par de bonnes conditions de

marché), contrairement aux années 1994 et 1995 (caractérisées par de mauvaises conditions de

marché). Or on observe dans le Tableau 4 que les années défavorables identifiées ci-dessus sont

associées à des performances boursières meilleures que les années favorables. C’est en particulier

le cas à un horizon de 36 mois: les émissions réalisées en 1996 et 1997 affichent des performances

significativement négatives au seuil de 5% à cet horizon (spécifications 1 et 3). En revanche, on

observe pour la spécification 2 (régression pas-à-pas ascendante) que les émissions réalisées en

1995 ont une performance à 36 mois significativement positive au seuil de 5%. Du point de vue

des émetteurs, ce résultat semble confirmer l’existence de “fenêtres d’opportunité” lors desquelles

les investisseurs sont enclins à investir dans les titres nouvellement cotés à des prix élevés.

Le coefficient de la variable rentabilité initiale / conditions est quant à lui significativement

positif jusqu’à un horizon de 24 mois, et ce quelle que soit la spécification considérée. Ceci

confirme l’hypothèse présentée plus haut: les titres à forte performance à court terme (10 jours)

émis dans de mauvaises conditions de marché tendent à sur -performer à long terme. Ceci suggère

que ces titres sont sous-évalués à l’émission, et que cette information n’est incorporée que

progressivement dans leur prix de marché.

En outre, les résultats concernant l’impact de la composition du capital avant l’émission sur

la performance boursière contredisent ceux de Brav et Gompers (1997). Ces derniers montrent

qu’aux Etats-Unis, les titres des entreprises financées par des sociétés de venture-capital affichent

des performances boursières supérieures à la moyenne. Ici, nous observons le résultat inverse: ces

entreprises ont des performances significativement négatives à 12 mois (et à 24 mois pour les

spécifications 2 et 3), et significativement inférieures à celles des entreprises préalablement

financées par des banques à 12 et 24 mois. Ce résultat peut s’expliquer par une confiance

excessive des investisseurs dans le rôle des sociétés de venture-capital, dans un pays où,

contrairement aux Etats-Unis, cette activité est relativement peu développée (et l’était a fortiori

encore moins sur la période couverte par l’étude).

11 Voir Derrien et Womack (2001) sur la relation entre conditions de marché et rentabilité initiale des introductions en bourse.

Page 21: Les déterminants de la performance à long terme …...Les déterminants de la performance à long terme des introductions en bourse: le cas français François Degeorge* François

21

Enfin, les régressions pas-à-pas font apparaître ponctuellement certains résultats: à un

horizon de 24 mois, l’endettement est associé à de mauvaises performances boursières, ce qui

contredit l’hypothèse énoncée plus haut. Par ailleurs, à un horizon de 36 mois, les émissions

réalisées par les intermédiaires de rang élevé affichent de mauvaises performances. Ce résultat

contredit également notre hypothèse. Toutefois, il peut être lié à la façon dont nous construisons la

variable Rang de l’intermédiaire. Cette variable n’est en effet pas une mesure de la qualité des

intermédiaires mais de leur activité. Or il est possible que les intermédiaires qui ont l’activité la

plus importante soient également les moins sélectifs. Enfin, à un horizon de 24 et 36 mois, les

émissions du Second Marché affichent des performances boursières significativement inférieures à

celles du Nouveau Marché. Ces résultats doivent toutefois être considérés avec prudence; le critère

de sélection utilisé dans les régressions pas-à-pas (la significativité des coefficients), ne garantit

pas que les variables sélectionnées sont les plus pertinentes. Les résultats obtenus peuvent provenir

de la corrélation des variables sélectionnées avec d’autres variables indépendantes exclues de la

régression.

6. Conclusion

Cette étude analyse la performance boursière à long terme (jusqu’à trois ans) des sociétés

introduites en bourse en France entre janvier 1991 et juillet 1998. Dans un premier temps, elle

confirme les résultats d’études antérieures portant sur les marchés américains: les performances

boursières sont extrêmement variables, et dépendent en grande partie de la méthodologie choisie.

Ainsi, les introductions en bourse semblent sous-performer si l’on compare leurs performances à

celles de leurs secteurs d’activité. En revanche, si l’on utilise une méthodologie fondée sur la

comparaison des performances avec celles de portefeuilles constitués d’entreprises comparables en

terme de capitalisation boursière et de book-to-market, cette sous-performance disparaît. Au total,

on ne peut affirmer que les titres émis affichent des performances boursières anormales sur

l’horizon étudié.

Dans une deuxième partie, nous étudions le lien entre un certain nombre de variables

connues avant ou dans les jours qui suivent l’émission et la performance boursière. Les résultats

obtenus montrent que l’impact de ces variables est en moyenne correctement pris en compte dans

le prix d’émission, c’est-à-dire qu’aucune caractéristique ne conduit à une sur(sous)-évaluation

systématique sur l’ensemble de l’horizon étudié. Toutefois, quelques “anomalies” apparaissent.

Certaines, comme les mauvaises performances des titres émis lors de périodes favorables aux

introductions en bourse, ont été mises à jour dans des études antérieures portant sur les marchés

Page 22: Les déterminants de la performance à long terme …...Les déterminants de la performance à long terme des introductions en bourse: le cas français François Degeorge* François

22

américains. D’autres sont identifiées pour la première fois. Ainsi, les émissions qui surperforment

à court terme dans un contexte de conditions de marché difficiles tendent à surperformer à long

terme. D’autres enfin mettent en évidence une particularité française: les entreprises de notre

échantillon soutenues par des sociétés de venture-capital affichent de mauvaises performances

boursières, toutes choses égales par ailleurs.

L’explication proposée pour expliquer ce résultat est la suivante: les investisseurs ont

surestimé le rôle des venture-capitalists dans un pays où cette activité était, au moment de l’étude,

relativement nouvelle. A ce propos, il serait intéressant d’analyser ce rôle plus en détail, pour

mettre en évidence d’éventuelles différences de pratique avec les Etats-Unis, ou pour déterminer si

le rôle des venture-capitalists a évolué avec le développement de ce type de financements depuis

quelques années.

Page 23: Les déterminants de la performance à long terme …...Les déterminants de la performance à long terme des introductions en bourse: le cas français François Degeorge* François

23

Bibliographie

Barber, B., et J. Lyon, 1997, Detecting long-run abnormal stock returns: the empirical power and

specification of test statistics, Journal of Financial Economics, 341-372.

Baron, D. P., A model of the demand for investment banking advising and distribution services for

new issues, Journal of Finance 37, 955-976.

Booth, J., et R. Smith, 1986, Capital raising, underwriting and the certification hypothesis, Journal

of Financial Economics 15, 261-281.

Brav, A, et P. Gompers, 1997, Myth or reality? The long-run underperformance of initial public

offerings. Evidence from venture and non-venture capital-backed companies, Journal of Finance

52, 1791-1821.

Degeorge, F., et R. Zeckhauser, 1993, The reverse LBO decis ion and firm performance: theory

and evidence, Journal of Finance 48, 1323-1348.

Derrien, F., et K. Womack, 2001, Auctions vs. book-building and the control of underpricing in

hot IPO markets, à paraître, Review of Financial Studies.

Loughran, T., et J. Ritter, 1995, The new issue puzzle, Journal of Finance 50, 23-51.

Michaely, Roni, et Kent L. Womack, 1999, Conflicts of interest and the credibility of underwriter

analyst recommendations, Review of Financial Studies 12 (4), 653-686.

Ritter, J., 1991, The long-run underperformance of Initial Public Offerings, Journal of Finance 46,

3-27.

Ritter, J., 1998, Initial Public Offerings, Contemporary Finance Digest.