Les droits fondamentaux des migrants en situation...

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SOLIDARITé Les droits fondamentaux des migrants en situation irrégulière dans l’Union européenne

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  • SOLIDARIT

    Les droits fondamentauxdes migrants en situation irrgulire

    dans lUnion europenne

    Les droits fondamentaux des m

    igrants en situation irrgulire dans lUnion europenneFRA

    Assurer aux travailleurs migrants en situation irrgulire ceux qui ne satisfont pas aux conditions dentre, de sjour ou de rsidence dans un tat membre de lUnion europenne (UE) la jouissance de leurs droits fondamentaux reste un dfi. En effet, ces migrants courent un risque lev dexploitation sur le march du travail et comblent souvent le manque de main duvre sur le march du travail en acceptant des emplois dangereux, salissants ou dgradants. Leur situation en matire de logement peut savrer prcaire. Ils ne bnficient daucune protection en matire de soins de sant et le droit lducation de leurs enfants reste une donne floue. Si les tats membres de lUE dtiennent le droit de contrler limmigration, le non-respect des rgles applicables en matire de migration ne peut en aucun cas priver les migrants en situation irrgulire de certains droits fondamentaux dont ils doivent pouvoir jouir en tant qutres humains. Ce rapport de lAgence des droits fondamentaux de lUnion europenne (FRA) analyse les difficults juridiques et pratiques rencontres par les tats membres de lUE pour assurer ces migrants le respect de leurs droits fondamentaux, et propose des solutions pour intgrer ces droits dans les politiques, les textes lgislatifs et les pratiques administratives qui les concernent.

    FRA AGENCE DES DROITS FONDAMENTAUX DE LUNION EUROPENNESchwarzenbergplatz 11 1040 Vienne Autriche Tl: +43 (1) 580 30 0 Fax: +43 (1) 580 30 699 fra.europa.eu [email protected] facebook.com/fundamentalrights twitter.com/EURightsAgency

    HELPING TO MAKE FUNDAMENTAL RIGHTS A REALITY FOR EVERYONE IN THE EUROPEAN UNION

    AcronymesCEDAW Convention sur llimination de toutes

    les formes de discrimination lgard des femmes

    CEDH Convention europenne des droits de lhomme

    CEDS Comit europen des droits sociauxCESR Comit des droits conomiques,

    sociaux et culturels (ONU)CJUE Cour de justice de lUnion europenne

    (cet acronyme est galement utilis pour la priode prcdant lentre en vigueur du Trait de Lisbonne en dcembre 2009)

    CouEDH Cour europenne des droits de lhommeCRC Convention relative aux droits de lenfantCRPD Convention relative aux droits des

    personnes handicapesCSE Charte Sociale europenneDUDH Dclaration universelle des droits

    de lhommeECRI Commission europenne contre le

    racisme et lintolrance (Conseil de lEurope)

    FRA Agence des droits fondamentaux de lUnion europenne

    HCDH Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de lhomme

    ICCPR Pacte international relatif aux droits civils et politiques

    ICERD Convention internationale sur llimination de toutes les formes de discrimination raciale

    ICESCR Pacte international relatif aux droits conomiques, sociaux et culturels

    ICMPD International Centre for Policy Migration Development

    ICRMW Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

    JRS Service jsuite des rfugisOIT Organisation internationale du travailOMS Organisation mondiale de la sant ONU Organisation des Nations UniesPICUM Plateforme pour la coopration

    internationale sur les sans-papiersREM Rseau europen des migrationsTFUE Trait sur le fonctionnement de

    lUnion europenneUE Union europenne

    Ce rapport aborde les questions de la dignit humaine (article 1), du respect de la vie prive et familiale (article 7), du droit de se marier et du droit de fonder une famille (article 9), du droit lducation (article 14), du droit des conditions de travail justes et quitables (article 31), du droit la protection de la sant (article 35) et du droit un recours effectif et un tribunal impartial (article 47) relevant des Titres I Dignit , II Liberts , IV Solidarit et VI Justice de la Charte des droits fondamentaux de lUnion europenne.

    La FRA met en vidence les diffrents Titres de la Charte des droits fondamentaux de lUE en utilisant le code couleur suivant :

    Ces deux rapports de la FRA examinent en dtail deux problmatiques concernant les droits des migrants en situation irrgulire.

    Dignit

    Liberts

    galit

    Solidarit

    Citoyennet

    Justice

    TK-30-12-815-FR-Cdoi:10.2811/15275

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    Luxembourg : Office des publications de lUnion europenne, 2012

    ISBN 978-92-9192-999-3doi:10.2811/15275

    Agence des droits fondamentaux de lUnion europenne, 2011Reproduction autorise, sauf des fins commerciales, moyennant mention de la source.

    Printed in Luxembourg

    Imprim sur papier blanchi sans chlore lmentaire (ECF)

    Agence des droits fondamentaux de lUnion europennes

    Les droits fondamentaux des migrants en situation irrgulire dans lUnion europenne Rapport comparatif

    2012 117 p. 21 x 29,7 cm

    ISBN 978-92-9192-999-3doi:10.2811/15275

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  • Les droits fondamentauxdes migrants en situation irrgulire

    dans lUnion europenne

    Rapport comparatif

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    Avant-proposDes millions de migrants vivent dans lUnion europenne de manire irrgulire, cest--dire dans une situation vulnrable qui les expose des risques levs de violation des droits de lhomme. Ces personnes se retrouvent en situation irrgulire car elles ne possdent pas de permis de sjour ou de rsidence valide, tant entres dans lUnion europenne de diffrentes manires. Dautres se retrouvent en situation irrgulire en prolongeant leur sjour au-del de la priode autorise. Ces migrants tentent de gagner leur vie en occupant les postes vacants sur le march du travail, cest--dire souvent en exerant des mtiers dangereux, salissants ou dgradants, parfois dans des conditions dexploitation. Craignant dtre identifis, arrts ou expulss, les migrants en situation irrgulire se heurtent souvent des obstacles considrables pour accder leurs droits fondamentaux, comme les soins de sant, lducation de leurs enfants et un logement dcent. Ce rapport porte sur un certain nombre datteintes aux droits fondamentaux des migrants en situation irrgulire.

    LUnion europenne (UE) sest dote dinstruments lgislatifs dont les mesures visent faciliter les migrations rgulires et combattre les migrations irrgulires. Dans de nombreux pays de lUE, les possibilits de migration rgulire sont encore limites pour les travailleurs peu qualifis. Le droit driv de lUE sest en effet concentr principalement sur la main-duvre hautement qualifie. En 2010, la Commission europenne a prsent une proposition de directive sur les travailleurs migrants saisonniers dont ladoption devrait permettre dutiliser les voies lgales pour satisfaire une demande saisonnire de main-duvre, en particulier non qualifie. Cette directive constituerait un premier pas vers une simplification et un largissement des possibilits de migration rgulire et rduirait par l mme la demande de main-duvre irrgulire.

    lexception de certaines catgories de personnes telles que les demandeurs dasile, cest aux tats quappartient la dcision dautoriser ou non une personne entrer sur leur territoire. En revanche, une fois quune personne se trouve sur le territoire dun tat, elle jouit dune srie de droits fondamentaux octroys tous les tres humains indpendamment de leur statut migratoire. Comme le dmontre le prsent rapport, laccs des migrants en situation irrgulire certains droits fondamentaux tels lducation ou la protection de la sant diffre de manire significative dun tat membre lautre, dans la loi comme dans la pratique.

    LAgence des droits fondamentaux de lUnion europenne (FRA) a ralis cette tude comparative sur les droits fondamentaux des migrants en situation irrgulire, en se fondant sur un examen de sources documentaires et juridiques, sur un ensemble de questionnaires adresss aux autorits nationales et locales et des reprsentants de la socit civile, et sur des entretiens qualitatifs avec des migrants en situation irrgulire et avec les personnes les ctoyant au travail. Sappuyant sur les conclusions de cette tude, la FRA formule une srie davis concernant linscription des droits fondamentaux dans les politiques publiques, les lois et les pratiques administratives qui touchent les migrants en situation irrgulire.

    Ce rapport a t prsent en novembre 2011 lors de la Confrence sur les droits fondamentaux organise par la FRA en collaboration avec la Prsidence polonaise.

    Morten KjaerumDirecteur

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    Table des matires

    AvAnT-propos............................................................................................................................................. 3

    rsUM .......................................................................................................................................................... 7

    Avis ................................................................................................................................................................11

    inTrodUcTion ..............................................................................................................................................15

    1 cAdre des droiTs fondAMenTAUx .................................................................................................... 19

    1.1. Droit international relatif aux droits de lhomme ......................................................................................... 191.2. Le cadre du Conseil de lEurope ...................................................................................................................... 231.3. Droit de lUnion europenne ........................................................................................................................... 25Conclusions .................................................................................................................................................................26

    2 personnes non Loignes ..................................................................................................................29

    2.1. Obstacles empchant lloignement .............................................................................................................. 312.2. Mesures face linloignabilit ......................................................................................................................36Conclusions .................................................................................................................................................................41

    3 Mise en AppLicATion de LA LgisLATion en MATire diMMigrATion ........................................ 43

    3.1. Mesures de rpression directes ..................................................................................................................... 443.2. Obligation de signalement ............................................................................................................................. 46Conclusions .................................................................................................................................................................50

    4 droiTs des TrAvAiLLeUrs..................................................................................................................... 53

    4.1. Retenue sur salaire ou salaire inquitable ....................................................................................................544.2. Indemnisation en cas daccident du travail ..................................................................................................584.3. Accs la justice .............................................................................................................................................. 60Conclusions ................................................................................................................................................................ 64

    5 niveAU de vie sUffisAnT ...................................................................................................................... 67

    5.1. Accs un logement priv ............................................................................................................................. 695.2. Accs aux refuges destins aux sans-abri ....................................................................................................735.3. Aide au logement et aide sociale aux migrants non loigns ...................................................................74Conclusions ................................................................................................................................................................78

    6 soins de sAnT ..................................................................................................................................... 81

    6.1. Le droit aux soins de sant dans les 27 tats membres de lUE ............................................................... 846.2. Droits de certains groupes de migrants........................................................................................................ 886.3. Obstacles laccs aux soins ..........................................................................................................................93Conclusions ................................................................................................................................................................ 94

  • Les droits fondamentaux des migrants en situation irrgulire dans lUnion europenne

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    7 dUcATion ................................................................................................................................................97

    7.1. Le droit lducation dans le droit national ................................................................................................. 997.2. Obstacles pratiques la frquentation scolaire .......................................................................................... 1037.3. Engagement civique ........................................................................................................................................106Conclusions ...............................................................................................................................................................106

    8 vie fAMiLiALe ....................................................................................................................................... 107

    8.1. Motifs dirrgularit concernant les familles ...............................................................................................1098.2. Profils dirrgularit concernant les familles ...............................................................................................1118.3. Regroupement familial ....................................................................................................................................1128.4. Accs au mariage .............................................................................................................................................115Conclusions ................................................................................................................................................................ 116

    Annexe.........................................................................................................................................................117

    figures et tableauxTableau 1 : tats membres de lUE ayant ratifi les principaux instruments de lONU et de lOIT, UE-27 ..................................................................................................................................20Tableau 2 : Options politiques relatives aux personnes non loignes en raison dobstacles pratiques ou techniques Certificat donn aux personnes concernes ......................................35Tableau 3 : Solutions au flou juridique : exemples de titre de sjour pour les personnes tolres............ 40Tableau 4 : Principales dispositions internationales sur la rmunration quitable.......................................55Tableau 5 : Principales dispositions internationales sur lindemnisation en cas daccident du travail .........59Tableau 6 : Principales dispositions du droit international relatif aux droits de lhomme sur le niveau de vie suffisant ........................................................................................................... 68Tableau 7 : Principales dispositions du droit international relatif aux droits de lhomme sur les soins de sant ..........................................................................................................................82Tableau 8 : Gratuit des soins de sant pour les enfants migrants en situation irrgulire ........................91Tableau 9: Principales dispositions relatives lducation dans le cadre de la protection des droits de lhomme ....................................................................................................................... 98Tableau 10 : Le droit lducation des enfants sans documents didentification, UE-27 .............................. 101Tableau11: Membres dune famille se retrouvant le plus souvent en situation irrgulire, daprs les rponses de la socit civile, slection dtats membres de lUE ............................111Figure 1: Ordres de quitter le territoire pour 2009 et 2010 et indications des retours confirms de ressortissants de pays tiers (en nombre de personnes) ........................................30Figure2 : Obstacles lloignement ..................................................................................................................32Figure 3: Niveau de scurit de sjour .............................................................................................................37Figure 4 : Entre/sjour irrgulier(e) consider(e) comme une infraction pnale...................................... 47Figure 5: Attitude face lhbergement de migrants en situation irrgulire, UE-27 ................................ 71Figure 6: Vue densemble des prestations mdicales pour les migrants en situation irrgulire, UE-27 .......................................................................................................... 84Figure 7: Motifs considrs comme essentiels justifiant le statut dirrgularit de membres dune famille, selon les rponses de la socit civile. tats membres de lUE slectionns (en %) .......................................................................................................................... 110Figure 8: Accs au statut rgulier pour des membres en situation irrgulire dune famille de rsidents en situation rgulire, daprs les rponses de la socit civile, slection dtats membres de lUE ...................................................................................................112Figure A1: Estimation du nombre de migrants en situation irrgulire, UE-27 ............................................ 117

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    rsum

    Les instruments internationaux relatifs aux droits de l homme et la Convention europenne de sauvegarde des droits de lhomme et des liberts fondamentales (CEDH) consacrent certains droits universels dont ils garantissent la mise en uvre. Sauf exclusion expresse de leur champ dapplication, les droits et liberts sappliquent toute personne relevant de la juridiction des parties contractantes, y compris aux migrants en situation irrgulire. Le non-respect des conditions dentre, de sjour ou de rsidence dans un tat membre de lUnion europenne (UE) ne peut priver un migrant1 en situation irrgulire de lexercice de certains droits fondamentaux communs tous les tres humains.

    Le droit de lUE a t interprt la lumire de normes relatives aux droits de lhomme qui simposent aux tats membres de lUE, comme le dmontrent les rfrences de la Cour de justice de lUnion europenne (CJUE) la CEDH, la Charte sociale europenne (CSE), au pacte international relatif aux droits civils et politiques (ICCPR) et aux conventions de lOrganisation Internationale du Travail (OIT).

    Le droit de lUE doit tre mis en uvre et appliqu en accord avec la Charte des droits fondamentaux de lUE. Dans tous les domaines non couverts par le droit de lUE, les droits fondamentaux continuent dtre garantis au niveau national. Contrairement ce qui passe pour les migrants en situation rgulire, le droit primaire de lUE ne garantit pas de manire explicite les droits des personnes faisant lobjet de mesures de contrle de limmigration irrgulire et de la traite des tres humains. Cependant, des mesures de protection sociale et de protection de la sant qui ne sont pas expressment rserves aux ressortissants nationaux ou aux ressortissants de pays tiers dont le sjour est rgulier sont prvues, par exemple par le Trait sur le fonctionnement de lUnion europenne (TFUE). En outre, le droit driv de lUE nonce diffrents niveaux de protection des droits des migrants en situation irrgulire selon le domaine thmatique. Par ailleurs, la directive retour de lUE fixe un niveau minimum de protection des droits fondamentaux spcifiques dont jouissent les personnes qui font lobjet dune procdure de retour ou qui ne sont pas loignes.

    1 Dans lintrt dune meilleure lisibilit, lutilisation de la forme grammaticale masculine pour la dsignation des personnes et des fonctions doit tre comprise comme se rfrant toute personne sans considration de genre.

    La population immigre se trouvant dans lUE en situation irrgulire peut tre divise en deux grands groupes. Le premier se compose des personnes qui vivent caches. Ni la police, ni les services de limmigration ne sont au courant de leur prsence sur le territoire de lUE. Selon les estimations du projet Clandestino, financ par lUE, en 2008 entre 1,9 et 3,8 millions de migrants en situation irrgulire se trouvaient dans lUE. Le deuxime groupe se compose de ressortissants de pays tiers dont la prsence sur le territoire est connue des services de limmigration mais qui, pour diverses raisons dordre juridique ou humanitaire ou cause dobstacles pratiques ou de choix politiques, ne sont pas loigns. Les autorits nationales peuvent alors soit suspendre la dcision de retour, soit ne pas la dlivrer, soit ne pas lexcuter, sans pour autant accorder un droit de sjour. Bien quil nexiste pas de donnes statistiques fiables, on estime que le nombre de personnes qui ne sont pas loignes mais dont le statut nest pourtant pas rgulier est considrable.

    La directive retour de lUE ne contient que des orientations gnrales sur la protection des droits fondamentaux des personnes non loignes (article 14). Elle ne prvoit aucun mcanisme permettant de rsoudre les situations de vide juridique rsultant dune inloignabilit acquise. Les tats membres de lUE ont choisi diffrentes approches en matire de reconnaissance des personnes non loignes. Certains leur octroient des titres de sjour (temporaires), dautres tolrent leur prsence officiellement ou de facto, dautres encore ne dclarent pas du tout leur non-loignement. Dans la majorit des cas, loctroi dun titre de sjour dpend des raisons pour lesquelles le ressortissant dun pays tiers na pas t loign et est soumis des conditions tablies individuellement par chaque tat membre. Ces conditions affectent directement le respect des droits fondamentaux tant donn que le statut de sjour dtermine le degr daccs ces droits.

    Si les tats ont le droit de contrler limmigration, certaines mesures rpressives, telles que lobligation de signalement, l change dinformations ou larrestation de migrants en situation irrgulire devant une cole ont un impact ngatif et souvent disproportionn sur leffectivit de lexercice de leurs droits fondamentaux. De mme, le contrle du statut dimmigration dans le cadre de linspection du travail cre un environnement peu propice la dtection des cas dexploitation au travail ou dabus, puisquil nencourage pas les migrants en situation irrgulire signaler un abus ou tmoigner. Cest souvent le climat

  • Les droits fondamentaux des migrants en situation irrgulire dans lUnion europenne

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    de peur engendr par de telles mesures qui empche les migrants en situation irrgulire de revendiquer leurs droits fondamentaux ou de chercher obtenir rparation en cas de violation de ceux-ci. Dans certains pays o lentre ou le sjour irrgulier font lobjet de sanctions pnales, il arrive que les institutions publiques soient obliges de signaler les migrants en situation irrgulire. Souvent, lincertitude prvaut et empche les migrants en situation irrgulire de chercher du soutien.

    Les travailleurs migrants en situation irrgulire sont particulirement exposs lexploitation sur le march du travail. Les droits des migrants en situation irrgulire relatifs au travail sont reconnus au niveau international par le droit international des droits de lhomme et par le droit international du travail et partiellement, au niveau de lUE, par la directive concernant les sanctions lencontre des employeurs. Pourtant, tous les tats membres de lUE ne reconnaissent pas le droit de rclamer des arrirs de paiement ou des indemnits en cas daccident sur le lieu de travail. Sagissant des arrirs de paiement, les dernires disparits devraient tre gommes puisque la date limite de transposition de la directive sanctions, fix au 20 juillet 2011, est dpasse. Certains obstacles pratiques, comme la difficult de prouver la relation de travail, sa dure ou lidentit de lemployeur, entravent lexercice de ces droits. Lorsque des liens personnels existent entre employeur et travailleur, toute tentative de recours judiciaire est perue comme inapproprie ou vite par crainte de reprsailles. De nombreuses victimes de traitement discriminatoire ou abusif prfrent changer demployeur plutt que de signaler leur cas. La crainte dtre identifi, la mconnaissance de leurs droits et linstabilit de leur statut de sjour constituent dautres facteurs qui accentuent la dpendance des migrants en situation irrgulire par rapport lemployeur et les dissuadent du recours devant les tribunaux.

    Le travail des syndicats et des organisations non gouvernementales (ONG) en matire de soutien et de dfense des migrants en situation irrgulire est essentiel pour le rglement quitable des litiges. Bien quils aient tendance se concentrer sur des secteurs conomiques moins syndiqus et mme si les positions leur encontre divergent, les migrants en situation irrgulire sont de plus en plus frquemment associs aux activits syndicales.

    La situation des migrants en situation irrgulire en matire de logement est souvent prcaire et instable. Ils sappuient habituellement sur leur famille, leurs amis ou leur rseau social pour trouver un toit. Gnralement, il sagit dun hbergement court terme, souvent dans des logements surpeupls et prcaires qui sont parfois mme dpourvus dun

    accs aux services les plus lmentaires tels que leau courante, llectricit et le chauffage. Le soutien aux migrants en situation irrgulire, loin dtre encourag, est passible de sanctions au titre daide au sjour irrgulier en vertu du droit de lUE (directive dfinissant laide lentre, au transit et au sjour irrguliers) qui doit tre appliqu dans le respect des droits prvus par la Charte des droits fondamentaux. Lexigence denregistrement auprs des autorits locales, la ncessit de prsenter des papiers didentit ou lobligation de signaler la prsence dtrangers la police sont autant dobstacles qui dans la pratique limitent encore plus laccs au logement. Cette vulnrabilit est souvent exploite par les propritaires qui exigent des loyers levs pour un logement dune qualit parfois insuffisante. Les refuges pour sans-abri constituent gnralement la solution de dernier recours et uniquement court terme car ceux-ci sont obligs de communiquer lidentit des personnes accueillies, exigent un titre de sjour ou la preuve dune source de revenus, imposent certaines restrictions daccs ou simplement manquent de place.

    La suspension de lloignement ne saccompagne pas ncessairement de la mise disposition dun logement ou de laccs laide sociale. Dans certains tats membres de lUE, les personnes non loignes ont accs aux centres dhbergement publics sans pour autant avoir le droit de sjour. Dans dautres cest linverse, tandis que dans dautres encore, ces personnes ne reoivent ni titre de sjour, ni logement. Il en va de mme pour laide sociale, qui peut tre soit offerte, soit refuse, soit rserve aux rsidents des centres dhbergement. Cette situation est particulirement problmatique dans la mesure o les personnes dont lloignement ne peut tre excut y compris lorsquelles ny sont pour rien sont souvent exclues du march rgulier du travail et nont aucune source de revenus. La mconnaissance des droits confrs par la loi aux migrants non loigns, que ce soit par les individus concerns ou par les prestataires de services, rend difficile leur accs laide sociale.

    Concernant la sant, le droit fondamental la protection de la sant pour les migrants en situation irrgulire est reconnu de manire ingale au sein des tats membre de lUE. Dans certains tats, seuls les soins durgence payants leurs sont accords tandis que dans dautres ils ont accs de plein droit au systme de soins de sant, au mme titre que les ressortissants nationaux. Les obstacles les plus courants la mise en uvre de ces droits sont, entre autres, leur mconnaissance par les migrants et les prestataires de soins de sant, ainsi que lchange de donnes entre ces prestataires et les services de contrle de limmigration.

    La situation des personnes qui ne sont pas loignes est gnralement meilleure, bien que trs htrogne,

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    en ce qui concerne lampleur et les possibilits de prise en charge des frais mdicaux. Le droit aux soins de maternit et aux soins pdiatriques nest pas garanti par tous les tats et les conditions requises pour y avoir accs varient. Ce flou juridique est source de confusion pour le personnel soignant, incit prendre des dcisions de manire discrtionnaire.

    Le droit lducation des enfants migrants en situation irrgulire reste galement incertain dans de nombreux pays. Dans cinq tats membres de lUE, seuls un certain nombre denfants sont autoriss frquenter gratuitement les coles publiques. Dans la pratique, une grande confusion rgne au sein des tablissements scolaires, du corps enseignant, des organisations non gouvernementales (ONG) et des autorits nationales et locales concernant lapplicabilit de ce droit aux enfants migrants en situation irrgulire. Le droit lducation est aussi potentiellement menac par des facteurs tels que lobligation de prsenter certains documents au moment de linscription ou de la dlivrance du diplme, lobligation de signalement pesant sur ltablissement, les mesures de contrle de limmigration irrgulire et lallocation de subventions fonde sur une estimation du nombre dlves rgulirement inscrits et non sur le nombre rel dlves. Laccs lducation est dautant plus limit que le niveau denseignement est lev et lenfant g.

    Laccs lducation des personnes non loignes est gnralement moins controvers. Cela dit, son tendue et les conditions pralables requises diffrent dun tat membre lautre. Les obstacles pratiques rencontrs

    par les personnes non loignes sont similaires ceux que rencontrent les migrants non reprs en situation irrgulire. Pour les surmonter, il faut compter sur lapproche humanitaire et lengagement civil des directeurs dcoles, des ONG, des associations de parents dlves ou des dfenseurs de la protection des donnes.

    Les migrations irrgulires dans lUE comportent une importante dimension familiale. Souvent, des regroupements familiaux ont lieu en dehors du cadre lgal en raison de facteurs tels quune dfinition trop stricte de la notion de famille, les frais levs dintroduction de la demande, lobligation pour le sponsor de justifier de revenus stables et rguliers ou de respecter certaines exigences en matire dhbergement, ou encore lincapacit fournir les pices ncessaires au regroupement depuis un pays tranger. Or, le respect dune dcision de retour comme lobligation dintroduire la demande depuis ltranger peuvent conduire les autorits sinterroger sur lexistence de liens familiaux actifs entre parents disperss, et partant, hypothquer les chances daboutissement de la demande.

    Une large incertitude persiste concernant les possibilits de rgularisation. Le statut de sjour du parent dun rsident en situation rgulire au sein dun tat membre peut tre rgularis diffrents degrs, par exemple en obtenant un titre de sjour temporaire ou par la suspension de la dcision dloignement. Par ailleurs, linterdiction absolue du mariage fonde sur lirrgularit du sjour, pourtant en vigueur dans certains tats membres, est problmatique et disproportionne.

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    Avis

    partir des conclusions et de lanalyse comparative du prsent rapport, lAgence des droits fondamentaux de lUnion europenne (FRA) a formul les avis suivants:

    Migrants faisant lobjet dune procdure de retour et qui ne sont pas loigns

    Aucun texte europen, pas mme la directive retour, ne prvoit de mcanisme permettant de mettre fin aux situations de flou juridique rsultant dune inloignabilit acquise. Les garanties prvues par la directive retour (article 14, paragraphe 1) concernant les personnes non loignes ne couvrent pas tous les droits et ne sappliquent que si la mesure dloignement est formellement suspendue.

    Les institutions et les tats membres de lUE devraient sintresser davantage la situation des migrants en situation irrgulire qui se sont vu signifier une dcision de retour mais nont pas t loigns. Des mcanismes doivent tre mis en uvre au niveau de lUnion europenne ou des tats membres afin dviter que les personnes non loignes se retrouvent dans une situation de flou juridique pendant de nombreuses annes.

    Aprs lvaluation de la directive retour, programme en 2014, la Commission europenne devrait proposer des amendements visant garantir le respect des droits fondamentaux des personnes non loignes.

    Les tats membres de lUE devraient dlivrer aux personnes non loignes une confirmation crite du report de lloignement, comme lexige la directive retour. Cet outil important les protgerait et faciliterait lexercice de leurs droits. Cette mesure devrait galement tre prise lorsque ce report intervient de facto uniquement.

    Pour de plus amples informations, voir le Chapitre 2.

    Les politiques de dtection et leur impact sur les droits fondamentauxLa directive retour reconnat expressment, dans son considrant 13, le principe de proportionnalit, en vertu duquel lobligation de prendre une dcision de retour lencontre de tout ressortissant dun pays tiers en sjour irrgulier (article6) ne peut tre invoque pour justifier des pratiques de contrle

    excessives dissuadant les migrants dexercer leurs droits fondamentaux.

    Les tats membres de lUE sont ds lors encourags prendre dment en considration les consquences pour les droits fondamentaux des migrants lorsquils planifient et valuent leurs stratgies et oprations didentification.

    cet effet, les tats membres de lUE devraient accorder une attention particulire llaboration de recommandations lattention des agents de police, sous forme, par exemple, dun manuel ou dune liste de pratiques privilgier et viter. Cet outil devrait dconseiller en particulier les arrestations proximit ou dans lenceinte des coles, des tablissements mdicaux, des centres daide psychologique, des glises ou dautres institutions offrant des services de base aux migrants. Il devrait galement dcourager lchange de donnes entre ces institutions et les organes chargs de lapplication des lois sur limmigration, car ces pratiques peuvent exercer une influence disproportionne sur laccs aux droits fondamentaux des migrants ou poser problme quant au respect de la vie prive et la protection des donnes.

    Pour de plus amples informations, voir le Chapitre 3.

    possibilit de porter plainte contre un employeur pour traitement abusif ou exploitationLe droit daccs la justice revt une importance capitale dans la mesure o la violation de ce droit entrave lapplication de lensemble des droits fondamentaux. Les syndicats, les organisations de la socit civile, les institutions nationales de dfense des droits de lhomme et les organismes de promotion de lgalit jouent un rle essentiel dans la facilitation de laccs aux mcanismes judiciaires. Les tats membres de lUE devraient donc lever les obstacles pratiques cet accs en prenant les mesures suivantes:

    Sappuyant sur la directive sanctions, tablir des mcanismes efficaces permettant aux travailleurs migrants en situation irrgulire de dposer une plainte en cas de traitement abusif par leur employeur.

    Sassurer, dans la mesure du possible, quaucun renseignement personnel rvlant lidentit des migrants ou lendroit o ils se trouvent ne soit chang avec les services de limmigration lorsque

  • Les droits fondamentaux des migrants en situation irrgulire dans lUnion europenne

    12

    les migrants demandent rparation en cas dabus de la part de leur employeur.

    Soutenir financirement et par dautres moyens appropris les syndicats, les organismes de promotion de lgalit et les ONG afin de leur permettre daider les migrants en situation irrgulire demander justice, y compris via diffrentes formes darbitrage.

    Pour de plus amples informations, voir le Chapitre 4.

    impact des dispositions qui pnalisent laide au sjour irrgulierLes mesures qui pnalisent laide au sjour irrgulier prises en vertu de la directive dfinissant laide lentre, au transit et au sjour irrguliers (directive 2002/90/CE du Conseil) peuvent dcourager les personnes et les organisations doffrir une assistance aux migrants en situation irrgulire et empcher ces derniers de louer un logement sur le march priv, les forant ainsi accepter des solutions dhbergement prcaires et dangereuses, parfois dans des conditions dexploitation.

    La directive 2002/90/CE du Conseil devrait tre rexamine, et la non pnalisation des actes commis des fins humanitaires devrait simposer aux tats membres de lUE. Le texte devrait tre reformul de manire exclure toute sanction lencontre des personnes qui louent un logement des migrants en situation irrgulire, sauf lorsque lunique but de cette action est dempcher leur loignement.

    Dans lattente de cet amendement et afin de rduire le risque de situations dexploitation ou dabus, les tats membres de lUE devraient appliquer la directive de manire ne pas empcher les migrants en situation irrgulire de louer un logement sur le march libre.

    Pour de plus amples informations, voir le Chapitre 5.

    Hbergement et aide sociale pour les migrants sans ressources faisant lobjet dune procdure de retour

    La directive retour ntablit pas de normes minimales de traitement en matire dhbergement et daide sociale, sauf peut-tre indirectement pour les personnes vulnrables.

    Les garanties actuelles prvues par la directive concernant lhbergement et laide sociale dont bnficient les migrants sans ressources ou les personnes appartenant des groupes

    particulirement vulnrables doivent tre renforces eu gard au devoir de respect de la dignit humaine nonc par larticle premier de la Charte des droits fondamentaux de lUnion europenne ainsi quaux pratiques encourageantes en cours dans les tats membres de lUE.

    Pour de plus amples informations, voir la Section 5.3.

    Accs aux soins de santLe droit fondamental aux soins de sant dont jouissent les migrants en situation irrgulire est protg de manire ingale dans les tats membres de lUE. La crainte dtre identifi, fonde sur lchange de renseignements rel ou peru entre les prestataires de soins et les services de limmigration, pousse les migrants en situation irrgulire attendre le dernier moment pour avoir recours aux soins urgents, ce qui a des consquences nfastes la fois pour leur propre sant et pour la socit.

    Les migrants en situation irrgulire devraient au minimum avoir lgalement le droit la prestation de services essentiels de soins de sant. Cette protection de la sant ne devrait pas se limiter aux soins durgence, mais englober dautres formes de services essentiels, tels que la possibilit de consulter un mdecin ou de se voir prescrire les mdicaments ncessaires. Les migrants en situation irrgulire devraient en outre bnficier des mmes rgles que les ressortissants nationaux en ce qui concerne le paiement dhonoraires ou la gratuit des soins.

    Les tats membres de lUE devraient dissocier la protection sociale de leur politique de contrle de limmigration. Ils ne devraient pas obliger les prestataires de soins, ni leur autorit de tutelle administrative, signaler les migrants en situation irrgulire et cette absence de devoir de signalement devrait leur tre clairement communique.

    Pour de plus amples informations, voir le Chapitre 6.

    Accs lducationLa lgislation devrait explicitement aborder le droit lducation des enfants migrants en situation irrgulire et, ds lors, garantir leur accs lducation. De plus, les tats membres de lUE devraient prendre les mesures suivantes afin de lever les obstacles laccs lenseignement primaire et secondaire:

    Ordonner aux administrations scolaires de ne pas exiger des migrants en situation irrgulire, au moment de linscription, des documents que ceux-ci ne sont pas en mesure de produire.

  • 13

    Interdire le signalement denfants migrants en situation irrgulire aux services chargs de lapplication de la loi sur limmigration et lchange dinformations avec ces services.

    Mener des campagnes dinformation en collaboration avec la socit civile afin de sensibiliser les migrants et les autorits scolaires au sujet des droits en matire dducation des enfants migrants en situation irrgulire.

    Pour de plus amples informations, voir le Chapitre 7.

    vie de familleLe choix dun individu de rejoindre des membres de sa famille au mpris des procdures tablies peut sexpliquer par de nombreux facteurs. Ainsi, linterdiction dentre peut entraver ou retarder les regroupements familiaux. Les efforts visant contrler les mariages blancs ne devraient pourtant pas compromettre le droit de se marier et de fonder une famille.

    Les facteurs essentiels (obstacles procduraux, techniques ou financiers) qui contribuent au phnomne du regroupement familial spontan

    en dehors des procdures tablies devraient tre davantage tudis, tant donn que le statut irrgulier des membres de la famille fait partie des lments qui augmentent le risque de violation des droits fondamentaux. Ces travaux de recherche devraient sappuyer sur les conclusions du prsent rapport.

    La FRA estime quil est important de surveiller lincidence dun systme dinterdiction dentre gnralis toute lUE sur le droit au regroupement familial et dinscrire une premire valuation au programme du rapport sur la mise en uvre de la directive retour, prvu pour 2014. Ce rapport devrait galement vrifier si le processus de consultation entre ltat membre dlivrant un titre de sjour et celui interdisant lentre entrane des retards superflus.

    Les mesures de contrle de limmigration adoptes par les tats membres de lUE ne devraient pas leur permettre dappliquer des restrictions disproportionnes au droit de se marier et de fonder une famille, telles que linterdiction absolue du mariage ou limposition de restrictions dpassant le cadre de lexamen de lauthenticit de la relation.

    Pour de plus amples informations, voir le Chapitre 8.

  • 15

    introduction

    objectif du rapportLa plupart des droits fondamentaux sappliquent toute personne, quel que soit son statut migratoire. Toutefois, les migrants en situation irrgulire ont souvent des difficults jouir de leurs droits, et ce pour plusieurs raisons: des dispositions juridiques restrictives sur le plan national, des obstacles matriels ou bureaucratiques, ou encore une mconnaissance de leurs droits.

    Un projet financ par lUnion europenne a estim le nombre minimal et maximal de migrants en situation irrgulire en 2008. Lestimation globale prsente pour les 27 tats membres de lUE allait de 1,9 3,8millions de personnes.2 Si cette large fourchette est le rsultat dhypothses ne reposant quen partie sur des donnes empiriques, les chiffres trop levs et trop bas, qui semblaient peu vraisemblables, nont pas t retenus. Lannexe 1 propose un aperu par pays des estimations prsentes.

    La population de migrants en situation irrgulire dans lUE prsente dautre part une forte composante sexospcifique et familiale. Les ratios lis au sexe et lge chez les migrants en situation irrgulire peuvent servir dindicateur : en 2010, les femmes reprsentaient en moyenne 18 % des migrants apprhends dans les tats membres de lUE-27. Dans la mesure o les femmes sont en gnral moins souvent lobjet de mesures agressives de la part de la lgislation relative limmigration que les hommes, leur nombre pourrait en ralit tre plus lev.

    2 Clandestino, Undocumented Migration: Counting the Uncountable. Data and Trends Across Europe. Commission europenne, DG Recherche, Sixime programme-cadre, Priorit 8: Soutien scientifique aux politiques, disponible sur: http://clandestino.eliamep.gr; http://irregular-migration.hwwi.net (Tous les hyperliens ont t vrifis le 15 octobre 2011).

    Parmi les personnes apprhendes dans les 25 pays de lUE pour lesquels des donnes chiffres taient disponibles, le nombre denfants slevait 41455.3 Parmi eux, 16250 avaient moins de 14ans et 25205 taient gs entre 14 et 17 ans.

    Le phnomne de migration irrgulire devrait perdurer, les possibilits de migration rgulire restant limites et les mesures de contrle des migrations ne permettant pas de mettre un terme aux flux dimmigration irrgulire. De nombreux migrants sont titulaires dun visa lorsquils entrent dans lUE et ne se retrouvent en situation irrgulire que par la suite, parfois en raison de procdures complexes ou dactes arbitraires commis par des particuliers.4

    Il nest donc pas improbable que de nombreux migrants en situation irrgulire continuent de vivre dans lUE dans les prochaines annes.

    Dans ce contexte, le Conseil dadministration de la FRA a demand celle-ci, dans le cadre de ses programmes de travail pour 2009 et 2010, de raliser une tude sur la situation des migrants en situation irrgulire dans lUE. Le prsent rapport comparatif est lun des principaux rsultats de cette tude. Il examine la situation des migrants en situation irrgulire du point de vue des droits fondamentaux, indpendamment de considrations plus gnrales concernant la gestion des migrations. En dehors de la publication,

    3 Eurostat (2011), Statistiques sur la mise en uvre de la lgislation relative limmigration, http://epp.eurostat.ec.europa.eu/portal/page/portal/statistics/search_database, extrait du 7 juillet2011.

    4 Pour une illustration, voir lexemple de la Grce, cit dans le rapport thmatique de la FRA, dans lequel les employeurs ont parfois refus de payer ou nont pu sacquitter des charges sociales ncessaires pour les migrants, qui, par consquent, nont pu renouveler leurs titres de sjour. FRA (2011), Coping with a fundamental rights emergency The situation of persons crossing the Greek land border in an irregular manner, p. 43.

    http://irregular-migration.hwwi.nethttp://irregular-migration.hwwi.nethttp://epp.eurostat.ec.europa.eu/portal/page/portal/statistics/search_databasehttp://epp.eurostat.ec.europa.eu/portal/page/portal/statistics/search_database

  • Les droits fondamentaux des migrants en situation irrgulire dans lUnion europenne

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    ces dernires annes, de plusieurs rapports dONG sur certains droits fondamentaux des migrants en situation irrgulire en Europe,5 il sagit du premier rapport couvrant une srie de droits pour lensemble des 27 tats membres de lUE.

    Lobjectif de ce rapport est dtablir dans quelle mesure les droits fondamentaux des migrants en situation irrgulire sont protgs juridiquement dans lUE. Il prsente les instruments lgislatifs et les politiques des 27 tats membres de lUE cet gard. De plus, il illustre des difficults concrtes qui peuvent devenir des obstacles et empcher les migrants de jouir des droits que leur confre la lgislation nationale de leur pays daccueil.

    Le rapport se penche sur une slection de droits civils, sociaux et conomiques, regroups en six domaines thmatiques. Il observe dans un premier temps les consquences, au niveau des droits fondamentaux, de la mise en application de la lgislation relative limmigration, avant dexaminer les droits des travailleurs, laccs au logement et laide sociale, la protection de la sant et lducation. Le dernier chapitre est consacr la vie de famille. La FRA a choisi ces domaines en particulier dans la volont de couvrir les aspects considrs comme essentiels dans la vie quotidienne des migrants. Lanalyse du cadre juridique europen et international relatif la protection des droits de lhomme, ainsi que des actes lgislatifs europens sy rfrant, sert de base une analyse comparative de ces six domaines thmatiques.

    Se fondant sur le droit de lUE, le rapport opre une importante distinction entre les migrants faisant lobjet de procdures dexpulsion ou de retour mais qui nont pas encore t loigns et ceux qui vivent dans lUnion europenne sans avoir t identifis. Le droit de lUE fixe des rgles de base concernant le traitement des personnes qui font lobjet dune dcision de retour mais nont pas encore t loignes parce quon leur a accord un dlai de dpart volontaire ou que leur loignement a t report. Le rapport consacre ainsi un chapitre aux migrants en situation irrgulire qui ne sont pas loigns.

    Les migrants non identifis font surtout lobjet de politiques et de mesures europennes de lutte contre la migration irrgulire. De faon directe ou indirecte, ces politiques nuisent souvent considrablement aux droits des migrants en situation irrgulire. Dans

    5 Voir les diverses publications de la Plateforme pour la coopration internationale sur les sans-papiers (PICUM), disponibles sur: www.picum.org/en/publications/reports; Service jsuite des rfugis (JRS) (2010), Living in Limbo: forced migrant destitution in Europe, Bruxelles, JRS Europe, disponible sur: www.jrseurope.org/news_releases/ANDES%20report2010.htm; ainsi que les recherches rcemment effectues dans le domaine de la sant cites au Chapitre 6.

    certains cas, le droit de lUnion europenne protge expressment ces droits. Cest notamment le cas du droit relatif au recouvrement des salaires impays prvu dans le cadre de la directive sanctions. De plus, les migrants en situation irrgulire ne sont pas exclus des mesures prises par lUE dans dautres domaines telles que, par exemple, celles relatives la sant publique ou la sant et la scurit des travailleurs.

    Toutefois, conformment aux comptences europennes en la matire, les droits des migrants non identifis sont couverts ou non par la lgislation europenne, selon le domaine thmatique examin. Pour ces domaines, il faut considrer que les rfrences la Charte europenne des droits fondamentaux faites dans lensemble du texte ne concernent que les aspects couverts par le droit de lUE. Dans tous les autres cas, les droits fondamentaux restent garantis au niveau national par les systmes constitutionnels nationaux, par le droit international relatif la protection des droits de lhomme et par les dispositions du droit du travail.

    dfinition des migrants en situation irrgulire

    De manire gnrale, ce rapport utilise lexpression migrants en situation irrgulire comme syno-nyme de lexpression ressortissants de pays tiers en sjour irrgulier contenue dans larticle3 de la directive retour:6

    sjour irrgulier: la prsence sur le territoire dun tat membre dun ressortissant dun pays tiers qui ne remplit pas, ou ne remplit plus, les conditions dentre nonces larticle5 du code frontires Schengen, ou dautres conditions dentre, de sjour ou de rsidence dans cet tat membre.

    Ce rapport ne concerne pas les citoyens de lUE, mais uniquement les ressortissants de pays tiers. Parmi ces derniers, les groupes suivants ne sont pas considrs comme des migrants en situation irrgulire tel que lentend le rapport : les demandeurs dasile et les personnes bnficiant du statut de rfugi ou dune protection subsidiaire; les personnes travaillant en violation de leur visa ou de leur titre de sjour. Ces personnes ne sont pas couvertes par le rapport, car elles ont (encore) le droit de sjourner dans un tat membre de lUE. Le rapport ne traite pas non plus des personnes sjournant sous de faux papiers, celles-ci

    6 Directive 2008/115/CE du Parlement europen et du Conseil du 16dcembre2008 relative aux normes et procdures communes applicables dans les tats membres au retour des ressortissants de pays tiers en sjour irrgulier, JO 2008 L 348/98 (directive retour).

    http://www.picum.org/en/publications/reportshttp://www.jrseurope.org/news_releases/ANDES%20report2010.htmhttp://www.jrseurope.org/news_releases/ANDES%20report2010.htm

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    Introduction

    tant traites comme disposant dun titre de sjour tant quelles nont pas t identifies. Ce nest quaprs leur identification quelles pourraient relever de ce rapport.

    Le rapport opre une distinction entre deux principaux sous-groupes de migrants en situation irrgulire: le premier groupe concerne les migrants sans titre de sjour non identifis. Le second groupe concerne les migrants en situation irrgulire connus des services de limmigration car ils ont fait lobjet dune dcision dexpulsion ou de retour, mme si cette dernire na pas t excute, gnralement pour des raisons humanitaires ou pratiques. Dans le cas o ces personnes nont pas droit un titre de sjour, elles restent dans le pays sans quaucun droit de sjour (complet) ne leur soit accord. Ce second groupe est dsign comme les personnes non loignes.

    Si ce rapport donne une vue densemble des droits des migrants en situation irrgulire en gnral, certaines parties, notamment celles sur les conditions de vie satisfaisantes, portent avant tout sur les migrants en situation irrgulire qui ne sont pas loigns. Ce rapport na pu couvrir de faon systmatique les droits des personnes non loignes dans les 27 tats membres, leur situation juridique dpendant du type de titre de sjour accord. Cela dit, leur situation juridique est souvent la mme que celle des migrants en situation irrgulire non identifis.

    De mme, certaines catgories de ressortissants vulnrables de pays tiers bnficiant dune protection spciale dans le cadre du droit europen et international, tels que les victimes de la traite des tres humains ou les mineurs non accompagns, ne sont pas incluses dans cette tude.7

    Enfin, les thmes couverts dans ce rapport sont surtout analyss du point de vue des migrants qui restent en situation irrgulire sur une priode prolonge. Les migrants qui, par exemple, font lobjet de procdures de retour volontaire (cest dire qui lon a accord un court dlai pour quitter le territoire de faon volontaire avant un retour forc) peuvent tre confronts des difficults spcifiques sur le plan des droits fondamentaux, qui ne sont pas traites dans ce rapport.

    7 Sur ces questions, voir: FRA (2009), La traite des enfants dans lUnion europenne Dfis, perspectives et bonnes pratiques, Luxembourg, Office des publications de lUnion europenne (Office des publications); FRA (2010), Separated, asylum-seeking children in European Union Member States Comparative report, Luxembourg, Office des publications.

    Mthodologie de ltudeLe prsent rapport repose la fois sur des recherches documentaires et sur la collecte de donnes primaires recueillies au moyen de questionnaires et dentretiens qualitatifs. Plus concrtement, les donnes proviennent de trois sources:

    Recherches documentaires de sources secondaires existantes, telles que les tudes et demandes ponctuelles accessibles au public du Rseau europen des migrations (REM),8 les bulletins mensuels et trimestriels de PICUM publis entre dbut 2007 et mi-2011,9 ainsi que les donnes et informations collectes par la FRA dans le cadre danciens projets10 et un examen des lgislations nationales applicables.

    Trois sries de questionnaires structurs, en vue de recueillir des informations comparables sur laccs aux droits fondamentaux dans lensemble des tats membres de lUE et sur dautres thmes tels que lestimation du nombre de migrants en situation irrgulire ou lobligation de signalement, qui ne sont pas disponibles auprs des sources existantes. Les questionnaires ont t adresss:

    aux autorits nationales, principalement aux Points de contact nationaux dans le cadre du Rseau europen des migrations. Au total, 24 des 27 tats membres de lUE ont rpondu.11

    aux autorits locales, par le biais des rseaux Eurocities et CLIP,12 ainsi qu des responsables municipaux connus des chercheurs ayant contribu au projet. Cependant, ce questionnaire na permis de recueillir que 13 rponses13 et na pu servir que dans une certaine mesure lanalyse.

    aux organisations de la socit civile (avec une version abrge diffuse spcialement auprs des syndicats) par le biais de PICUM, et aux fdrations syndicales nationales par le biais de la Confdration europenne des syndicats

    8 Pour de plus amples informations, voir: http://emn.intrasoftintl.com/Downloads/prepareShowFiles.do?entryTitle=4.%20EMN%20Ad-Hoc%20Queries.

    9 Les lettres dinformation de PICUM sont disponibles sur: http://picum.org/en.

    10 Les informations sur les pays recueillies par la FRA en 2009 auprs de son rseau Fralex dans le cadre du projet sur les droits des migrants en situation irrgulire dans les procdures de retour volontaire et involontaire ont t systmatiquement passes en revue. Les rapports annuels manant du rseau Raxen de la FRA ont galement t examins.

    11 Tous les tats membres ont rpondu, sauf le Luxembourg, Malte et la Roumanie.

    12 Eurocities, disponible sur: www.eurocities.eu; CLIP (Rseau de villes europennes pour des politiques locales dintgration des migrants), disponible sur: www.eurofound.europa.eu/areas/populationandsociety.

    13 Seuls 13 rponses concernant sept tats membres de lUE ont t reues.

    http://emn.intrasoft-intl.com/Downloads/prepareShowFiles.do?entryTitle=4. EMN Ad-Hoc Querieshttp://emn.intrasoft-intl.com/Downloads/prepareShowFiles.do?entryTitle=4. EMN Ad-Hoc Querieshttp://emn.intrasoft-intl.com/Downloads/prepareShowFiles.do?entryTitle=4. EMN Ad-Hoc Queries\\fileserver\projects\FJ+ECR\Editing and production\B - Products\Fundamental rights of irregular migrants\Editing\Deliverables\Comparative report\EN sent to layout & print\picum.org\enhttp://www.eurocities.eu www.eurofound.europa.eu/areas/populationandsocietywww.eurofound.europa.eu/areas/populationandsociety

  • Les droits fondamentaux des migrants en situation irrgulire dans lUnion europenne

    18

    (CES).14 Prs de 133 rponses ont t reues au total.15 Si le questionnaire destin la socit civile a enregistr un taux de rponse trs lev, les rponses sont rparties ingalement entre les tats membres. Toutefois, tant donn la nature de ltude (essentiellement une enqute dopinion auprs dexperts), le manque de reprsentativit statistique ne rend pas ncessairement les informations recueillies moins valides. Cependant, au vu des diffrences, parmi les personnes interroges, quant au niveau dexpertise, des partis pris politiques en raison de la nature controverse du sujet et des diffrentes pratiques en vigueur au sein dun mme pays, ces rsultats doivent tre interprts avec prudence.

    Deux tudes de cas empiriques menes sur le terrain (sur les thmes du travail domestique et de laccs aux soins de sant) dans 10 tats membres de lUE, savoir lAllemagne, la Belgique, lEspagne, la France, la Grce, la Hongrie, lIrlande, lItalie, la Pologne et la Sude. Si les rsultats de ces tudes ont t publis dans deux rapports thmatiques distincts, le prsent rapport sen inspire galement le cas chant.

    La premire tude de cas consistait en 118 entretiens approfondis de travailleurs migrants en situation irrgulire employs dans le secteur du travail domestique, ainsi que dONG et de syndicats travaillant avec eux.

    La seconde tude de cas tait consacre laccs aux soins de sant. Au total, 221 entretiens qualitatifs semi-directifs ont t raliss avec des migrants en situation irrgulire, des autorits publiques, des reprsentants de la socit civile et du personnel soignant.

    Dans la mesure du possible, les informations recueillies au moyen des questionnaires ont t recoupes et vrifies avec dautres sources, notamment la lgislation nationale. Toutefois, la jurisprudence est souvent trop limite en la matire pour permettre une interprtation

    14 Pour les syndicats, seule la partie concernant lemploi et les droits des travailleurs a t diffuse.

    15 Ce chiffre reprsente le nombre total de rponses valides, moins les rponses incompltes et les doublons.

    claire quant lapplication des dispositions juridiques prvues pour les migrants en situation irrgulire. Il peut exister plusieurs avis juridiques, tandis que les pratiques peuvent diverger dun pays lautre. Ainsi, les questionnaires nont pas seulement port sur les dispositions lgislatives nationales, mais galement sur la jouissance des droits fondamentaux dans la pratique. De plus, lenqute mene auprs des autorits locales et des acteurs de la socit civile a galement permis de mettre au jour des interprtations contradictoires des politiques nationales et de recueillir des informations sur la connaissance des droits des migrants au sein de ces deux groupes dacteurs concerns. Au final, un certain nombre dinformations demeurent manquantes, dans la mesure o tous les tats membres nont pas rpondu aux questionnaires.

    La collecte des informations pour cette tude a t ralise en 2010 par un consortium dirig par lInternatio-nal Centre for Policy Migration Development (ICMPD) et regroupant le Centre for European Policy Studies (CEPS), la Fondation hellnique pour la politique europenne et trangre (Eliamep) et la Plateforme pour la coo-pration internationale sur les sans-papiers (PICUM). Les premiers rapports ont t prsents la FRA par ICMPD (Alina Cibea, Christina Hollomey, Albert Kraler), le CEPS (Sergio Carrera, Massimo Merlino), Eliamep (Thanos Maroukis) et des experts dautres institutions (Franck Dvell, Dita Vogel, Bastian Voll-mer) mandats par le consortium. Ces rapports ont t revus et consolids par la FRA. Le projet de rapport rvis a t prsent pour commentaires aux Points de contact nationaux du Rseau europen des migra-tions, une slection dorganisations internationales et aux autorits comptentes des 27 tats membres de lUE par le biais des agents de liaison nationaux de la FRA. Les commentaires formuls par le Haut-Commissariat aux droits de lhomme, la Commission europenne et 17tats membres, notamment par le biais des Points de contact nationaux du Rseau euro-pen des migrations, ont contribu amliorer la qualit de ce rapport.

  • 19

    La ncessit de protger les droits fondamentaux des migrants en situation irrgulire a t souligne plusieurs reprises tant par de multiples organisations internationales et rgionales que par divers acteurs non tatiques. En 2006 par exemple, lAssemble parlementaire du Conseil de lEurope (PACE) attirait lattention sur la vulnrabilit des migrants en situation irrgulire, soulignant la ncessit doctroyer aux migrants en situation irrgulire en Europe un certain nombre de droits civiques et politiques minimaux, ainsi que des droits sociaux et conomiques.16 Plus rcemment, le 14 octobre 2010, des organismes intergouvernementaux se sont runis afin dlaborer une dclaration commune appelant les tats renforcer le cadre de protection de ces droits.17

    16 Rsolution 1509 de lAssemble parlementaire (PACE) (2006), Droits fondamentaux des migrants en situation irrgulire, 27 juin 2006.

    17 Parmi les organisations intergouvernementales en question se trouvaient la Banque mondiale, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les rfugis (HCR), le Fonds des Nations Unies pour lenfance (UNICEF), lOrganisation des Nations Unies pour lducation, la science et la culture (UNESCO), le Programme des Nations Unies pour le dveloppement et lOrganisation internationale du travail. Groupe mondial sur la migration (GMG) (2010), Dclaration du Groupe mondial sur la migration sur les droits de lhomme des migrants en situation irrgulire, 30 septembre, disponible sur: www.ohchr.org/FR/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=10396&LangID=F. Linitiative de cette dclaration avait t lance par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de lhomme (HCDH) durant sa prsidence du GMG. Protger et promouvoir les droits de lhomme des migrants en situation irrgulire fait partie des priorits du HCDH. ce sujet, voir galement: HCDH, Plan de gestion stratgique de la Haut-Commissaire 2010/2011, Genve, HCDC, et plus spcifiquement p. 31.

    Ce chapitre fournit un aperu du cadre des droits fondamentaux et des droits de lhomme applicables aux migrants en situation irrgulire et met laccent sur les droits faisant lobjet du prsent rapport. Il se compose de trois parties. La premire aborde les principaux instruments de dfense des droits de lhomme des Nations Unies (ONU) et de lOrganisation internationale du travail (OIT). La deuxime examine le cadre des droits de lhomme dvelopp au sein du systme du Conseil de lEurope, essentiellement la Convention europenne des droits de lhomme (CEDH) et la Charte sociale europenne (CSE). La troisime traite du droit de lUnion europenne.

    1.1. droit international relatif aux droits de lhomme

    Le droit nonc par la Charte internationale des droits de lhomme comprend entre autres la Dclaration universelle des droits de lhomme (DUDH),18 le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (ICCPR)19 et le Pacte international relatif aux droits conomiques, sociaux et culturels (ICESCR).20 Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de lhomme a identifi neuf principaux traits internationaux relatifs aux droits de lhomme, dont certains prvoient des protocoles optionnels portant sur certaines

    18 Organisation des Nations Unies, Dclaration universelle des droits de lhomme (DUDH), article3, 10 dcembre 1948, 217A (III).

    19 Pacte international relatif aux droits civils et politiques (ICCPR) de lAssemble gnrale des Nations Unies, 16dcembre1966.

    20 Pacte international relatif aux droits conomiques, sociaux et culturels (ICESCR). Rsolution 2200A (XXI) de lAssemble gnrale des Nations Unies, 16dcembre1966.

    1 cadre des droits fondamentaux

    www.ohchr.org/FR/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=10396&LangID=Fwww.ohchr.org/FR/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=10396&LangID=F

  • Les droits fondamentaux des migrants en situation irrgulire dans lUnion europenne

    20

    Tableau 1 : tats membres de lUe ayant ratifi les principaux instruments de lonU et de loiT, Ue-27

    tat membre

    Allemagne

    Autriche () ()

    Belgique ()

    Bulgarie

    Chypre

    Danemark

    Espagne

    Estonie

    Finlande

    France () () ()

    Grce

    Hongrie

    Irlande

    Italie

    ICERD

    ICCPR

    ICESCR

    CEDAW

    CAT

    CRC

    ICRMW

    OIT 87

    OIT 143questions particulires.21 Un ensemble dinstruments adopts dans le contexte de lOIT dfinit des normes internationales dans le domaine du droit du travail.

    Les normes internationales en matire de droits de lhomme sappliquent gnralement nimporte quel tre humain, indpendamment de son statut migratoire. Par consquent, les droits de lhomme sappliquent en rgle gnrale aux migrants en situation irrgulire, moins que ces derniers soient explicitement exclus du champ dapplication de la disposition. Paralllement, les instruments fondamentaux de lOIT sappliquent tous les travailleurs migrants, sans discrimination aucune.

    21 Selon le Haut-Commissariat aux droits de lhomme, les neuf conventions suivantes constituent les instruments interna-tionaux des droits de lhomme: la Convention internationale sur llimination de toutes les formes de discriminations raciales (1965), le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (1966), le Pacte international relatif aux droits conomiques, sociaux et culturels (1966), la Convention sur llimination de toutes les formes de discrimination lgard des femmes (1979), la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dgradants (1984), la Convention relative aux droits de lenfant (1989), la Convention internationale sur la protec-tion des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (1990), la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forces (2006), la Convention relative aux droits des personnes handicapes (2006). Liste disponible sur: www2.ohchr.org/french/law.

    Les normes en matire de droits de lhomme qui sont contraignantes pour les tats membres de lUE peuvent galement tre prises en compte aux fins de linterprtation du droit de lUnion europenne. Par exemple, la Cour de justice de lUnion europenne (CJUE) a fait rfrence la Charte sociale europenne,22 au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (ICCPR)23 et aux conventions de lOIT,24 ce qui tmoigne de lhabitude dinterprter le droit de lUE en accord avec les normes internationales reconnues en matire de droits fondamentaux. En outre, lorsquelle identifie des principes gnraux du droit, la Cour sinspire [] des indications fournies par les instruments internationaux concernant la protection des droits de lhomme auxquels les pays europens ont coopr et adhr.25

    22 CJUE, Defrenne c. Sabena (n3), C-149/77, 15juin1978. 23 CJUE, Orkem c. Commission des Communauts europennes,

    C-374/87, 18octobre1989; Grant c. South-West Trains Ltd., C-249/96, 17fvrier1998.

    24 CJUE, Hfner et Elser c. Macrotron, C-41/90, 23avril1991; Levy, C-158/91, 2aot1993; Commission c. France, C-197/96, 16janvier1997.

    25 CJUE, Avis de la Cour du 28mars1996, Adhsion de la Communaut la convention de sauvegarde des droits de lhomme et des liberts fondamentales, Avis 2/94, Recueil de jurisprudence 1996.

    www2.ohchr.org/french/law.

  • Cadre des droits fondamentaux

    21

    tat membre

    Lettonie

    Lituanie

    Luxembourg

    Malte ()

    Pays-Bas

    Pologne

    Portugal

    Roumanie

    Rpublique tchque

    Royaume-Uni ()

    Slovaquie

    Slovnie

    Sude

    Notes: ICERD - Convention internationale sur llimination de toutesles formes de discrimination raciale; ICCPR- Pacte international relatif aux droits civils et politiques ; ICESCR - Pacte international relatif aux droits conomiques, sociaux et culturels; CEDAW - Convention sur llimination de toutes les formes dediscrimination lgard des femmes; CAT - Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dgradants; CRC - Convention relative aux droits de lenfant; ICRMW - Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille; OIT 87 - Convention sur la libert syndicale et la protection du droit syndical; OIT 143 - Convention sur les travailleurs migrants. Les (parenthses) indiquent des rserves et des rserves effectives (dclarations) pouvant limiter les droits des migrants en situation irrgulire. Une coche souligne signifie que des mcanismes de plainte individuelle sont en vigueur. Sagissant de lICESCR, des 10 ratifications exiges du Protocole facultatif, seules trois ont t soumises lheure actuelle. LEspagne est le seul tat membre de lUE avoir ratifi le Protocole. Huit autres tats membres de lUE lont sign (Belgique, Finlande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal, Slovaquie et Slovnie). Les mcanismes de plainte individuelle ne sont pas en vigueur pour la CRC et ne sont pas prvus pour les conventions de lOIT.

    Source: FRA, 2011

    ICERD

    ICCPR

    ICESCR

    CEDAW

    CAT

    CRC

    ICRMW

    OIT 87

    OIT 143

    Il importe ds lors de prsenter ltat des ratifications par les tats membres de lUE des instruments les plus pertinents pour la protection des migrants en situation irrgulire. Comme lillustre le Tableau 1, tous les tats membres de lUE ont ratifi les principaux instruments de lONU,26 hormis la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (ICRMW), quaucun na accepte. La ratification des instruments de lOIT abords dans le prsent rapport diffre dun tat membre lautre.

    26 Voir les Tableaux 4, 6, 7 et 9 pour les rserves/dclarations relatives certaines dispositions spcifiques de ces conventions qui concernent les migrants en situation irrgulire.

    Larticle2 de la DUDH dispose en toutes lettres que chacun peut se prvaloir de tous les droits et de toutes les liberts proclams dans la dclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, dopinion politique ou de toute autre opinion, dorigine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation.27 La DUDH a t accepte par lensemble des tats membres de lUE, mais ne constitue pas un trait juridiquement contraignant.

    Les deux pactes (ICCPR et ICESCR) ont t ratifis par tous les tats membres et sont juridiquement contraignants. Ils sappliquent gnralement quiconque, sauf mention contraire. LICCPR prcise quil existe des droits uniquement applicables aux citoyens (tel que le droit de vote prvu larticle25) et des droits uniquement applicables aux ressortissants

    27 Soulign par les auteurs.

  • Les droits fondamentaux des migrants en situation irrgulire dans lUnion europenne

    22

    trangers se trouvant sur le territoire dun tat partie au Pacte de manire rgulire.28 En revanche, le texte de lICESCR nopre quant lui aucune distinction sur la base de la nationalit ou du statut juridique et accorde des droits chacun.29 Nanmoins, linterprtation du champ dapplication personnel des droits sociaux inclus dans le Pacte (scurit sociale, services sociaux, soins mdicaux et protection de la sant) a t matire controverse. En 1985, la Dclaration des Nations Unies sur les droits de lhomme des personnes qui ne possdent pas la nationalit du pays dans lequel elles vivent a limit exclusivement lapplication des droits sociaux aux migrants rsidant de manire rgulire sur le territoire dun tat. Cependant, le Comit des droits conomiques, sociaux et culturels (CESCR) a prcis ensuite, dans trois Observations gnrales, que les migrants en situation irrgulire jouissaient du droit aux soins de sant.30 la lecture de larticle2 de la CRC, il a galement confirm que le droit lenseignement stendait toutes les personnes dge scolaire rsidant sur le territoire dun tat partie.31

    Les traits thmatiques relatifs aux droits de lhomme, qui portent sur des groupes ou des droits de lhomme fondamentaux prcis, doivent galement tre pris en considration dans le cadre de la protection des migrants en situation irrgulire. Dans la mesure o ces conventions manquent parfois de clart, des prcisions ont t apportes par les comits dexperts indpendants mis en place par les diffrents instruments afin de surveiller leur mise en uvre.32

    28 Tels que le droit de circuler librement et de choisir sa rsidence (article12) et les limites lexpulsion des trangers (article13). Pour de plus amples dtails, voir: Comit des droits de lhomme des Nations Unies, Observation gnrale n 15: Situation des trangers au regard du Pacte, 11avril1986.

    29 Larticle3(2) du Pacte prvoit la possibilit dintroduire des restrictions pour les non-ressortissants, mais cette disposition sapplique uniquement aux pays en voie de dveloppement et nest donc pas pertinente pour les tats membres de lUE.

    30 Voir: CESCR, Observation gnrale n14:Le droit au meilleur tat de sant susceptible dtre atteint (article12), 11 aot 2000, paragraphe 34; CESCR, Observation gnrale n19: Le droit la scurit sociale (article9), 4 fvrier 2008, paragraphe 37; voir aussiau sujet de la non-discrimination: CESCR, Observation gnrale n20: La non-discrimination dans lexercice des droits conomiques, sociaux et culturels (article2.2), 10juin2009, qui stipule explicitement que le motif de la nationalit ne peut tre invoqu pour priver les migrants des droits consacrs dans le Pacte, quel que soient leur statut juridique et leurs titres didentit (paragraphe 30). Les observations gnrales prsentent linterprtation que fait le Comit du contenu des dispositions relatives aux droits de lhomme. Le CESCR est lorgane de contrle de lICESCR.

    31 Voir: CESCR, Observation gnrale n13: Le droit lducation (article13 du Pacte), 8 dcembre 1999, paragraphe 34.

    32 Pour une liste des principaux instruments internationaux des droits de lhomme et de leurs organes de contrle, voir la page internet du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de lhomme: www2.ohchr.org/french/law.

    La Convention sur llimination de toutes les formes de discrimination raciale(ICERD)33 appelle les tats parties mener une politique visant supprimer la discrimination raciale. LICERD autorise une diffrence de traitement entre les ressortissants et les non-ressortissants (article 1 (2)). Nanmoins, les garanties contre la discrimination raciale sappliquent galement aux non-ressortissants, quel que soit leur statut migratoire. 34

    De la mme faon, le Comit pour llimination de la discrimination lgard des femmes a interprt le CEDAW comme tant un document garantissant aux travailleuses migrantes sans documents didentification des droits de lhomme fondamentaux, tels que laccs des voies de recours juridique et la justice et le droit un traitement humain, mme en dtention.35

    Le champ dapplication de la Convention relative aux droits de lenfant(CRC)36 est lui aussi tendu. Il stipule, en son article 2, que ses dispositions sappliquent tous les enfants relevant de la juridiction des tats signataires : sans distinction aucune, indpendamment de toute considration de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, dopinion politique ou autre de lenfant ou de ses parents ou reprsentants lgaux, de leur origine nationale, ethnique ou sociale, de leur situation de fortune, de leur incapacit, de leur naissance ou de toute autre situation.37 LObservation gnrale n6 du Comit des droits de lenfant spcifie par ailleurs que les droits prvus dans la CRC sappliquent, sauf mention contraire explicite, tous les enfants, quel que soit leur statut.38

    33 Pour une vue plus dtaille de lICERD, voir: Thornberry, P. (2005), Confronting Racial Discrimination: A CERD Perspective, Human Rights Law Review, Vol. 5, n2, p. 239-69.

    34 Comit pour llimination de la discrimination raciale (CERD), Observation gnrale n30: Discrimination contre les non-ressortissants, 1eroctobre2004, paragraphe 7.

    35 Comit des Nations Unies pour llimination de la discrimination lgard des femmes, Recommandation gnrale n26 concernant les travailleuses migrantes, 5 dcembre 2008. Alors que le paragraphe 6 numre un certain nombre de droits applicables aux travailleuses migrantes en gnral, le paragraphe 26(l) dresse la liste des responsabilits des pays daccueil envers les travailleuses migrantes sans documents didentification. Voir aussi le paragraphe 26(c)(i) sur les voies de recours juridique et les mcanismes de plainte destins les protger contre la discrimination ou lexploitation et la violence sexuelle, ainsi que le paragraphe 26 (i) selon lequel les victimes de mauvais traitements doivent pouvoir bnficier des services durgence et de laide sociale adquats, quel que soit leur statut dimmigration. Voir aussi ce propos: Kapuy, K. (2009), European and International Law in Relation to the Social Security of Irregular Migrant Workers, dans: Pieters D. et Schoukens, P. (ds.), The Social Security Coordination Between the EU and Non-EU Countries, Oxford, Intersentia, p. 124-25.

    36 Convention relative aux droits de lenfant des Nations Unies (CRC), 20novembre1989.

    37 Soulign par les auteurs.38 Comit des droits de lenfant, Observation gnrale n6:

    Traitement des enfants non accompagns et des enfants spars en dehors de leur pays dorigine, 1er septembre 2005.

  • Cadre des droits fondamentaux

    23

    Bien que la Convention internationale des Nations Unies sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (ICRMW) nait encore t ratifie par aucun tat membre de lUE,39 la plupart des droits quelle numre raffirment lapplication de droits dj garantis par lICCPR, lICESCR et les autres traits fondamentaux relatifs au respect des droits de lhomme ratifis par lensemble des tats membres de lUnion europenne.40

    Enfin, certains instruments de lOIT sont applicables lensemble des travailleurs migrants, indpendamment de leur nationalit ou de leur statut juridique. Le Conseil dadministration de lOIT a identifi huit Conventions de lOIT perues comme fondamentales au respect des droits des personnes au travail et donc valables pour tous les travailleurs.41 Parmi ces huit conventions de lOIT, on retrouve la Convention n 87 sur la libert syndicale et la protection du droit syndical. La Convention n 143 de 1975 sur les travailleurs migrants (dispositions complmentaires)42 prvoit des dispositions spcifiques aux travailleurs migrants en situation irrgulire. De plus, la Convention concernant le travail dcent pour les travailleurs domestiques, adopte en 2011, sapplique lensemble des travailleurs domestiques (article2).

    39 Un rapport command par lUNESCO (MacDonald et Cholewinski (2007), voir la note suivante), ralis sur la base dinterviews de parties impliques dans la question des migrations, examine les obstacles la ratification de lICRMW par sept tats membres, parmi lesquels la mauvaise comprhension de la substance de certaines dispositions. Voir galement: HCDH, Bureau rgional Europe (2011), Migrant Workers Rights in Europe, Bruxelles, disponible sur: http://europe.ohchr.org/Documents/Publications/Migrant_Workers.pdf.

    40 Voir: MacDonald et Cholewinski (2007), The Migrant Workers Convention in Europe: Obstacles to the Ratification of the International Convention on the Protection of the Rights of All Migrant Workers and Members of Their Families: EU/EEA Perspectives, Paris, UNESCO, p. 23; Weissbrodt et Meili (2010), Human Rights and Protection of Non-Citizens: Whither Universality and Indivisibility of Rights?, Refugee Survey Quarterly, 28(4), p. 43.

    41 Les conventions de lOIT n 29, 87, 98, 100, 105, 111, 138 et 182 couvrant la libert syndicale, la ngociation collective, le travail des enfants, le travail forc et obligatoire, la discrimination en matire de travail et demploi. Ces Conventions ont t ratifies par lensemble des tats membres de lUnion europenne. Adopte en 1998, la Dclaration de lOIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail spcifie, en son article2, que tous les membres de lOIT, mme lorsquils nont pas ratifi les conventions en question, ont lobligation, du seul fait de leur appartenance lOrganisation, de respecter, promouvoir et raliser, de bonne foi et conformment la Constitution, les principes concernant les droits fondamentaux qui sont lobjet desdites conventions.

    42 Convention sur les travailleurs migrants (n 143) (dispositions complmentaires), 1975, ratifie par cinq tats membres de lUnion europenne. Lapplicabilit de larticlepremier de la Convention n143 aux migrants en situation irrgulire a t confirme par le Comit dexperts. ce sujet, voir: Confrence internationale du travail, 87e Session, 1999, tude densemble sur les travailleurs migrants, paragraphe297, disponible sur: www.ilo.org/public/libdoc/ilo/P/09662/09662(1999-87_1B).pdf.

    Bien quil ny ait cet gard aucune obligation lgale, les droits des migrants en situation irrgulire ont galement fait lobjet de conclusions et recommandations faites aux tats membres de lUnion europenne dans le cadre du processus dExamen Priodique Universel (EPU). LEPU est un mcanisme instaur en 2008 par le Conseil des droits de lhomme des Nations Unies qui passe en revue, tous les quatre ans, les ralisations des tats membres de lONU dans le domaine des droits de lhomme. Chaque tat prsente les mesures quil a prises pour amliorer la situation des droits de lhomme sur son territoire. Les autres tats peuvent mettre des recommandations non contraignantes. Traditionnellement, les recommandations formules lintention des tats membres de lUnion europenne incluent des appels ratifier lICRMW et protger les droits de tous les migrants, quel que soit leur statut.43 Dautres recommandations concernent explicitement les migrants en situation irrgulire, comme celles encourageant les tats membres de lUnion europenne leur garantir laccs aux services sociaux lmentaires ou prendre des mesures lgislatives appropries afin de dcriminaliser lentre et le sjour irrguliers.44

    1.2. Le cadre du conseil de leurope

    Le Conseil de lEurope supervise un vaste cadre rgional en matire des droits de lhomme regroupant environ 200 traits et conventions juridiquement contraignantes. Le Conseil de lEurope dispose notamment de deux instruments essentiels de dfense des droits de lhomme, savoir la Convention europenne des droits de lhomme et la Charte sociale europenne rvise. Lus la lumire de la jurisprudence qui en dcoule, ces deux instruments

    43 Voir la recommandation du Mexique lAllemagne, qui a t invite maintenir ltude la ratification de cette convention dans la perspective des droits de lhomme, tant donn que ces droits taient universels par nature et ntaient donc pas subordonns au statut de migrant. Conseil des droits de lhomme (HRC) (2008), Rapport du Groupe de travail sur lExamen priodique universel: Allemagne, 4 mars2009, paragraphe 2: la recommandation de lAlgrie la Roumanie de travailler amliorer la situation des droits de lhomme et dadhrer la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille; HRC (2008), Rapport du Groupe de travail sur lExamen priodique universel: Roumanie, 3 juin2008, paragraphe 14; lgypte a recommand aux Pays-Bas dadhrer la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille; HRC (2008), Rapport du Groupe de travail sur lExamen priodique universel: Pays-Bas, 13 mai 2008, paragraphe 23.

    44 Voir par exemple la recommandation du Canada lAllemagne dviter que les mesures visant freiner limmigration irrgulire naient pour effet dempcher laccs aux soins de sant primaires, lenseignement et la justice; HRC (2009), Rapport du Groupe de travail sur lExamen priodique universel: Allemagne, 4 mars2009, paragraphe 38.

    http://europe.ohchr.org/Documents/Publications/Migrant_Workers.pdfhttp://europe.ohchr.org/Documents/Publications/Migrant_Workers.pdfwww.ilo.org/public/libdoc/ilo/P/09662/09662(1999-87_1B).pdf

  • Les droits fondamentaux des migrants en situation irrgulire dans lUnion europenne

    24

    sont pertinents dans le cadre de la protection des migrants en situation irrgulire.

    Sauf mention contraire, les dispositions de la Convention europen