Les diodes électroluminescentes et le risque rétinien dû à ...

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www.photoniques.com 44 Christophe MARTINSONS Centre scientifique et technique du bâtiment [email protected] Cet article dresse l’état des connaissances sur la toxicité potentielle sur la rétine de la lumière émise par les diodes électroluminescentes (LED). En raison de leur forte luminance et de leur spectre d’émission comprenant une raie dont le maximum est situé dans le bleu, le risque rétinien potentiel dit de « lumière bleue » a été identifié et étudié depuis plusieurs années. Plusieurs expertises indépendantes menées par des agences de sécurité sanitaire ont montré que le risque présenté par les LED en tant que sources d’éclairage général est faible, mais ne peut être négligé dans certains usages ou pour certaines populations sensibles, étant donné la croissance rapide de l’éclairage à LED et l’augmentation régulière des flux lumineux des composants utilisés. Les diodes électroluminescentes et le risque rétinien dû à la lumière bleue Les diodes électroluminescentes et leurs caractéristiques optiques Les sources d’éclairage traditionnelles telles que la lampe à incandescence ou la lampe fluorescente compacte sont progressivement remplacées par des dis- positifs intégrant des diodes électrolumi- nescentes (LED). L’éclairage à semi-con- ducteur, dit SSL pour solid-state lighting en anglais, présente un certain nombre d’avantages comme une durée de vie plus longue, une consommation énergétique moindre et des impacts environnemen- taux généralement plus faibles [1]. La fi- gure 1 montre quelques exemples de LED et de dispositifs d’éclairage utilisant des LED. La Commission européenne, suivant l’exemple de plusieurs gouvernements de par le monde, a programmé de manière réglementaire l’interdiction progressive des lampes les plus énergivores au profit de nouvelles technologies d’éclairage plus efficaces, au rang desquelles les LED appa- raissent comme étant incontestablement dominantes. Les acteurs industriels de l’éclairage prédisent d’ailleurs que plus de 90 % de toutes les sources d’éclairage dans le monde seront basées sur des LED d’ici à 2020. Comme toutes les nouvelles technolo- gies émergentes, les produits d’éclairage utilisant des LED doivent se révéler aussi sûrs que les produits qu’ils prétendent supplanter. De plus, les propriétés uniques des LED comme leur compacité et leurs propriétés colorimétriques ont généré beaucoup de nouvelles applications et de nouveaux usages de l’éclairage qui n’étaient pas envisageables avec les an- ciennes technologies. À titre d’exemple, on peut citer certains jouets et certains vêtements qui incorporent des LED. Les aspects sécuritaires de ces produits à LED doivent être évalués en considérant les in- teractions possibles avec le corps humain non seulement selon les usages bien connus mais aussi selon les nouvelles uti- lisations qui en sont faites. Les effets néfastes des rayonnements optiques sur la peau et les yeux font partie du domaine de la sécurité photobiolo- gique. Les LED utilisées à l’heure actuelle dans les applications d’éclairage ont l’avan- tage d’émettre des quantités extrême- ment faibles de rayonnements ultraviolet et infrarouge. Le seul risque photobiolo- gique à considérer dans le cas des LED est celui lié à la lumière visible et en particu- lier aux faibles longueurs d’onde, c’est-à- dire la partie bleue et violette du spectre. Plusieurs agences de sécurité sanitaire comme l’ANSES [2] et le SCENIHR [3] ont récemment fait le point sur la littérature scientifique relative au risque photobiolo- gique présenté par les LED. Deux caracté- ristiques principales ont attiré l’attention des experts de ces agences : – Les LED sont de très petites sources de lumière qui peuvent être éblouissantes. Photoniques 63 CAHIER TECHNIQU E ÉCLAIRAGE Figure 1. Photographies de plusieurs dispositifs d’éclairage LED. (a) Luminaire directionnel (spot) utilisant une LED. (b) Lampe utilisant trois LED et utilisable en remplacement d’une lampe à incan- descence. (c ) Luminaire d’éclairage extérieur de forte puissance et utilisant 121 modules de LED. (d) Composant LED typique, utilisé dans de nom- breux dispositifs d’éclairage. Ce type de LED a une puissance électrique d’environ 1 W et génère un flux lumineux supérieur à 100 lm. a b c d Article disponible sur le site http://www.photoniques.com ou http://dx.doi.org/10.1051/photon/20136344

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Christophe MARTINSONSCentre scientifique et technique du bâtiment

[email protected]

Cet article dresse l’état des connaissances sur la toxicité potentielle sur la rétine de la lumière émise par les diodesélectroluminescentes (LED). En raison de leur forte luminance et de leur spectre d’émission comprenant une raiedont le maximum est situé dans le bleu, le risque rétinien potentiel dit de « lumière bleue » a été identifié et étudiédepuis plusieurs années. Plusieurs expertises indépendantes menées par des agences de sécurité sanitaire ontmontré que le risque présenté par les LED en tant que sources d’éclairage général est faible, mais ne peut êtrenégligé dans certains usages ou pour certaines populations sensibles, étant donné la croissance rapide del’éclairage à LED et l’augmentation régulière des flux lumineux des composants utilisés.

Les diodes électroluminescentes et le risque rétinien dû à la lumière bleue

Les diodes électroluminescenteset leurs caractéristiques optiques

Les sources d’éclairage traditionnellestelles que la lampe à incandescence ou la lampe fluorescente compacte sont progressivement remplacées par des dis-positifs intégrant des diodes électrolumi-nescentes (LED). L’éclairage à semi-con -ducteur, dit SSL pour solid-state lightingen anglais, présente un certain nombred’avantages comme une durée de vie pluslongue, une consommation énergétiquemoindre et des impacts environnemen-taux généralement plus faibles [1]. La fi-gure 1 montre quelques exemples de LEDet de dispositifs d’éclairage utilisant desLED. La Commission européenne, suivantl’exemple de plusieurs gouvernements depar le monde, a programmé de manièreréglementaire l’interdiction progressivedes lampes les plus énergivores au profitde nouvelles technologies d’éclairage plusefficaces, au rang desquelles les LED appa-raissent comme étant incontestablementdominantes. Les acteurs industriels del’éclairage prédisent d’ailleurs que plus de 90 % de toutes les sources d’éclairagedans le monde seront basées sur des LEDd’ici à 2020.

Comme toutes les nouvelles technolo-gies émergentes, les produits d’éclairage

utilisant des LED doivent se révéler aussisûrs que les produits qu’ils prétendentsupplanter. De plus, les propriétés uniquesdes LED comme leur compacité et leurspropriétés colorimétriques ont générébeaucoup de nouvelles applications et

de nouveaux usages de l’éclairage quin’étaient pas envisageables avec les an-ciennes technologies. À titre d’exemple,on peut citer certains jouets et certainsvêtements qui incorporent des LED. Lesaspects sécuritaires de ces produits à LEDdoivent être évalués en considérant les in-teractions possibles avec le corps humainnon seulement selon les usages bienconnus mais aussi selon les nouvelles uti-lisations qui en sont faites.

Les effets néfastes des rayonnementsoptiques sur la peau et les yeux font partiedu domaine de la sécurité photobiolo-gique. Les LED utilisées à l’heure actuelledans les applications d’éclairage ont l’avan-tage d’émettre des quantités extrême -ment faibles de rayonnements ultravioletet infrarouge. Le seul risque photobiolo-gique à considérer dans le cas des LED estcelui lié à la lumière visible et en particu-lier aux faibles longueurs d’onde, c’est-à-dire la partie bleue et violette du spectre.

Plusieurs agences de sécurité sanitairecomme l’ANSES [2] et le SCENIHR [3] ontrécemment fait le point sur la littératurescientifique relative au risque photobiolo-gique présenté par les LED. Deux caracté-ristiques principales ont attiré l’attentiondes experts de ces agences :– Les LED sont de très petites sources delumière qui peuvent être éblouissantes.Ph

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Figure 1. Photographies de plusieurs dispositifsd’éclairage LED. (a) Luminaire directionnel (spot)utilisant une LED. (b) Lampe utilisant trois LED etutilisable en remplacement d’une lampe à incan-descence. (c) Luminaire d’éclairage extérieur deforte puissance et utilisant 121 modules de LED.(d) Composant LED typique, utilisé dans de nom-breux dispositifs d’éclairage. Ce type de LED aune puissance électrique d’environ 1 W et génèreun flux lumineux supérieur à 100 lm.

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Article disponible sur le site http://www.photoniques.com ou http://dx.doi.org/10.1051/photon/20136344

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Elles possèdent une luminance très éle-vée (tableau  1) qui engendre un niveaud’éclairement important de la rétine.– La grande majorité des LED blanchessont basées sur une puce émettant de lalumière bleue ou violette associée à descouches de matériaux fluorescents (lumi-nophores) pour produire des rayonne-ments de plus grandes longueurs d’onde.Par conséquent, le spectre d’émission deces LED blanches comporte une raie pri-maire relativement étroite (environ 20 nmFWMH) et une zone secondaire plus largecorrespondant à la désexcitation des lumi-nophores dans les parties jaune, orange et

rouge du spectre (figure 2). Les deux zonessont séparées par une région de très fai-ble émission située dans la zone vert-bleudu spectre, typiquement vers 480 nm.

Les risques rétiniens liés à la lumière bleue

Dans le domaine visible, des niveauxd’éclairement trop importants sur la rétinepeuvent induire des lésions thermiques etphotochimiques. Les lésions thermiquesrésultent d’une exposition aigue à unesource de lumière intense, de manière

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En haut, image d’une larve de drosophile en microscopie THG non-corrigée. En bas, image du même échantillon corrigée avec l’optique adaptative.Images de E. Beaurepaire, D. Débarre etN. Olivier, Ecole Polytechnique, LOB

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Figure 2. La courbe bleue représente le spectre d’émission typique d’une LED blanche. Dans cet exemple,le pic bleu atteint son maximum vers 435 nm. Il correspond à l’émission de la jonction de la LED. Le picsecondaire est maximum vers 550 nm et représente l’émission lumineuse des luminophores excités parla lumière bleue (fluorescence). La combinaison (synthèse additive) de ces deux composantes est à l’ori-gine de la perception d’une couleur blanche par l’œil. La courbe rouge est la courbe de photo-toxicitérétinienne de la lumière bleue (spectre d’action) représentée par la fonction B(λ). Cette fonction est maxi-male entre 435 et 440 nm, dans le domaine spectral correspondant au pic bleu émis par les LED blanches.

Source Ordre de grandeur de la luminance

Soleil, vu au travers de l’atmosphère terrestre Plusieurs milliards de cd/m² au milieu de la journée en France

Ciel clair Quelques milliers de cd/m²Filament d’une lampe à incandescence Un million de cd/m² Enveloppe d’une lampe à incandescence dépolie 10 000 à 50 000 cd/m²Tube fluorescent et lampe fluocompacte 5000 à 10 000 cd/m²

LED blanche alimentée avec une puissance électrique de 1 W et délivrant un flux lumineuxtypique de 100 lm

Entre 10 et 20 millions de cd/m²

LED blanche utilisée pour l’éclairage automobilede jour 60 millions de cd/m²

Tableau 1. Ordres de grandeur de la luminance de différentes sources de lumière.

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assez peu sensible aux longueurs d’ondede son spectre [4].

En excluant les rayonnements ultravio-lets, généralement filtrés par les milieuxoculaires situés en avant de la rétine, leslésions photochimiques rétiniennes nesont provoquées que par les photons si-tués dans les zones bleues et violettes duspectre lumineux [5]. Ces photons sontresponsables de processus oxydatifs dansl’épithélium pigmentaire rétinien (EPR) [4][5] [6]. Situé sous la rétine, l’EPR assure le renouvellement des pigments visuels et l’élimination quotidienne d’une partiede la zone photosensible des photo -récepteurs. Cette élimination du segmentexterne des photorécepteurs conduit àl’accumulation de dépôts photo-sensibi-lisateurs à la lumière bleue, la lipofuscine.Lorsque ce composé est excité par desphotons de courtes longueurs d’onde, ilgénère des espèces réactives d’oxygène,comme les radicaux libres par exemple,qui sont responsables de lésions qui peu-vent être irréversibles et conduire à lamort des neurones visuels et donc altérerla vision. Ces phénomènes de stress oxy-datifs sont observés également dans plu-sieurs pathologies, dont la DMLA (dégé-nérescence maculaire liée à l’âge), ainsique dans les processus de vieillissement.À l’inverse des lésions thermiques, les lésions photochimiques dépendent de

l’éclairement cumulé auquel la rétine estexposée [7]. Celui-ci peut être le résultatd’une exposition courte à une source in-tense mais aussi d’une exposition de fai-ble niveau mais répétée (exposition detype chronique).

Les niveaux d’éclairement rétinien pro-duits par les LED basées sur les techno -logies actuelles sont trop faibles pour provoquer des lésions thermiques. Parcontre, les LED peuvent potentiellementprovoquer de forts niveaux d’éclairementrétinien dans le bleu, ce qui motive deconnaître les niveaux atteints.

L’exposition rétinienne à la lumièrebleue peut être estimée en suivant les re-commandations de l’ICNIRP (InternationalCommission on Non-Ionising RadiationProtection) [4]. Pour la population géné-rale, le spectre d’action de la lumièrebleue sur la rétine est représenté par lafonction B(λ) dont les valeurs sont préci-sément tabulées dans [4]. Cette fonctionatteint son maximum entre 435 et 440 nm(figure 2). La fonction B(λ) peut être utili-sée pour intégrer la luminance spectriqueLλ

d’une source d’éclairage, mesurée dansun champ de vision effectif qui dépenddu temps d’exposition considéré :

On obtient alors la quantité LB, appeléela luminance pondérée dans le bleu. Unevaleur limite d’exposition (VLE) a été fixée

par l’ICNIRP pour la luminance pondéréeLB selon le temps d’exposition considéré :

LB < 106/tavec LB exprimée en Wm-2sr-1 et t expriméen s.

Durant les trois dernières années, les ni-veaux d’exposition à la lumière bleue ré-tinienne produits par les LED ont été four-nis en termes de luminance pondérée LB

par des fabricants de LED et des syndicatsprofessionnels d’éclairage mais aussi pardes laboratoires indépendants et desagences publiques. Ces données mon-trent que les niveaux produits à la dis-tance de 200  mm de l’œil par certainesLED dépassent les VLE au-delà d’unedurée d’exposition de l’ordre de quelquessecondes pour des LED bleues et dequelques dizaines de secondes pour desLED de type blanc froid (tableau 2).

Par conséquent, la toxicité potentiellede certaines LED observées à courte dis-tance ne peut pas être négligée. Cepen -dant, lorsque la distance d’observation estportée à 1 m, les durées limites d’exposi-tion (temps au-delà duquel les VLE sontdépassées) augmentent très rapidementà quelques milliers ou quelques dizainesde milliers de secondes. Ces temps trèslongs fournissent une marge de sécuritéraisonnable pour affirmer que les LED,prises individuellement, ne présententpas de risque pour la rétine si elles sont

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Tableau 2. Tableau tiré de la référence [2] : examen des valeurs limites d’exposition de la rétine à la lumière bleue émise par de plusieurs LED blanches etbleue à la distance de 200 mm de l’œil. Les intervalles de valeurs correspondent aux variations des résultats observés avec plusieurs types de spectres et delongueur d’onde dominante.

Type de LED Flux énergétique (W) ou lumineux (lm)

Luminance énergétique(Wm-2sr-1)

ou lumineuse (cd/m²)

Durée d’observation à partir de laquelle les valeurs limitesd’exposition (VLE) de la rétine

à la lumière bleue sont dépassées(valeurs données pour une distance

d’observation de 200 mm)

Groupe de risqueselon la norme NF EN 62 471

Bleu

0,07 W 21 000 Wm-2sr-1 100 s à 10 000 s RG 1 : risque faible

0,5 W 150 000 Wm-2sr-1 15 à 20 s RG 2 : risque modéré

1 W 300 000 Wm-2sr-1 3 à 4 s RG 2 : risque modéré

Blanc froid100 lm 1,6.107 cd/m² VLE non atteinte RG 0 : sans risque

200 lm 3,2.107 cd/m² 50 à 100 s RG 2 : risque modéré

Blanc neutre100 lm 1,6.107 cd/m² VLE non atteinte RG 0 : sans risque

200 lm 3,2.107 cd/m² 100 s à 10 000 s RG 1 : risque faible

Blanc chaud100 lm 1,1.107 cd/m²

VLE non atteinte RG 0 : sans risque200 lm 2,2.107 cd/m²

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observées au-delà d’un mètre par un indi-vidu n’appartenant pas à une populationsensible.

À l’inverse, certains usages des LED pré-sentent potentiellement un risque réti-nien. Des exemples sont donnés ici, sansprétendre à l’exhaustivité :– Tests et ajustements de LED par les in-génieurs, opérateurs et installateurs lorsde la conception, la fabrication et l’instal-lation de ces dispositifs. Les risques sontaccrus par l’utilisation de systèmes op-tiques grossissants (collimateurs) qui aug-mentent optiquement la taille de la sourceet conduisent à une augmentation de laluminance pondérée LB.– Jouets incorporant des LED. Les risquessont ici liés à la plus grande transparencedu cristallin des enfants, ce qui les place defacto dans les populations sensibles pourlesquels l’ICNIRP préconise d’utiliser unautre spectre d’action dont l’amplitude estdix fois plus grande que celle de la fonctionB(λ). Un facteur aggravant est que les LEDsont souvent regardées par les enfants àdes distances extrêmement courtes.– Les LED utilisées dans les phares auto-mobiles de jour, qui présentent actuelle-ment les plus hauts niveaux de luminancepondérée LB parmi toutes les LED d’éclai-rage. Le faisceau de ces dispositifs peutêtre dirigé dans le champ de vision debébés et d’enfants situés à proximité desvéhicules et à la même hauteur que lesphares.– Certains types de lampes direction-nelles à LED pour applications domes-tiques, comportant des LED bleues oublanches froides associées à des collima-teurs optiques. Possédant des niveaux deluminance pondérée élevés, elles peuventêtre installées à proximité des yeux desutilisateurs (luminaire d’appoint pour lalecture, lampe de chevet, etc.).

Les conclusions tirées pour des compo-sants LED ne peuvent pas être appliquéesà tous les dispositifs utilisant des LED. Eneffet, la luminance pondérée d’un sys-tème doit être évaluée indépendammentde celle de ses composants. Dans le cas delampes ou de luminaires d’éclairage, la va-leur de LB est en effet très différente. Parexemple, un luminaire utilisant des LED àforte luminance peut avoir une luminancefaible avec la simple utilisation d’un diffu-

seur optique. À l’inverse, une lampe com-posée d’un assemblage dense de LED àfaible luminance peut avoir une forte va-leur de LB et présenter plus de risque po-tentiel.

Par ailleurs, l’exposition simultanée àplusieurs lampes ou luminaires à LED aug-mente l’éclairement rétinien et nécessitedonc une évaluation au niveau de l’instal-lation complète d’éclairage, comme parexemple une installation d’éclairage inté-rieur complexe ou d’éclairage scénogra-phique [8].

Pour toutes les LED et les dispositifs in-corporant des LED, une évaluation durisque photobiologique doit être effec-tuée pour déterminer si les VLE peuventêtre dépassées dans les conditions d’uti-lisation. Cette évaluation de risque estproposée par un nombre croissant de la-boratoires d’essais spécialisés dans laphotométrie des sources lumineuses. EnFrance, le LNE (Laboratoire  national demétrologie et d’essais), le CSTB (Centrescientifique et technique du bâtiment) etl’INRS (Institut de recherche et de sécu-rité) effectuent régulièrement ce typed’évaluation.

La méthodologie expérimentale utili-sée par les laboratoires pour l’évaluationdu risque photobiologique des sourceslumineuses est la publication CIE S009 [9],publication dont le contenu a été trans-posé dans la norme internationale IEC62 471 et adapté en Europe puis en Francedans la norme NF EN 62 471 [10].

La méthodologie d’évaluation durisque dans la norme de sécuritéphotobiologique NF EN 62471

La norme NF EN 62471 porte sur la sécu-rité photobiologique des lampes et des ap-pareils utilisant des lampes. Elle propose

une classification d’une source lumineuseselon plusieurs groupes de risque (RG). La norme prend en compte l’ensemble des risques photobiologiques relatifs auximpacts sur la peau et les yeux dans les domaines visible, infrarouge et ultraviolet.

Quatre groupes de risque sont définis :RG 0 (absence de risque), RG 1 (risque fai-ble), RG 2 (risque modéré), RG 3 (risqueélevé). Le groupe de risque dépend de ladurée limite d’exposition tlim, qui est ladurée au-delà de laquelle les VLE sont dé-passées. Si on ne considère, dans le casdes LED, que le risque rétinien dû à la lu-mière bleue, la définition des groupes derisque est décrite dans le tableau 3.

Notons que le groupe de risque dépendde la luminance pondérée LB. Il est doncfonction de la distance d’observation autravers du champ de vision effectif utilisépour l’évaluation de la luminance. La nor -me NF EN 62471 introduit deux critèresdifférents pour déterminer la distanced’observation à laquelle le groupe de ris -que doit être évalué :– Les sources d’éclairage général doiventêtre évaluées à la distance correspondantà un éclairement de 500 lx.– Les autres types de sources doivent êtreévalués à une distance de 200 mm.

Pour les LED, prises en tant que compo-sants, il n’y a pas d’ambiguïté dans le choixde la distance d’évaluation puisque lesLED seules ne constituent pas des pro-duits finis d’éclairage général. La normeNF EN 62471 requiert donc une évaluationdu groupe de risque à la distance de 200mm. Ainsi, selon cette norme, on constateque certaines LED bleues et blanc froidsont dans la catégorie RG 2 (tableau 2) quicorrespond à un risque modéré.

Le choix de la distance d’évaluation de risque dans la norme NF EN 62471 estparfois ambigu et ne représente pas l’usa -ge réel des produits. Par exemple, dans

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Tableau 3. Définition des groupes de risque permettant de classer les sources lumineuses à LED selon lerisque rétinien dû à la lumière bleue (norme NF EN 62471).

Groupe de risque RG 0 (absence de risque) tlim ≥ 10 000 s

Groupe de risque RG 1 (risque faible) 100 s ≤ tlim < 10 000 s

Groupe de risque RG 2 (risque modéré) 0,25 s ≤ tlim < 100 s

Groupe de risque RG 3 (risque élevé) tlim < 0,25 s

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l’éclairage scénographique, les artistessont exposés à des éclairements pouvantlargement dépasser les 500 lx. Dans cecas, l’application de cette norme sous-es-time largement les risques photobiolo-giques. Dans une situation plus courante,les lampes directionnelles utilisées dansles pièces d’habitation produisent unéclairement de 500 lx à une distance dequelques mètres, alors qu’elles peuventêtre accessibles à des distances beaucoupplus courtes. À l’opposé, dans le domainede l’éclairage public, les luminaires pro-duisent des niveaux d’éclairement dequelques dizaines de lx, ce qui est infé-rieur au niveau de 500 lx requis dans lanorme. Dans ce cas, le risque photobiolo-gique est surestimé.

Il est intéressant de noter que la stricteapplication de la norme NF EN 62471 auxlampes et luminaires à LED à usage do-mestique fournit des groupes de risqueRG 0 et RG 1, similaires aux groupes derisques des lampes traditionnelles à incan-descence ou fluorescentes. Néanmoins,lorsque le critère de distance de 200 mmest choisi, des campagnes de mesures[2,6] ont mis en évidence quelques pro-duits d’éclairage LED dont le groupe étaitRG 2. Ces résultats démontrent que latechnologie LED augmente potentielle-ment l’exposition rétinienne à la lumièrebleue dans l’habitat, ce qui soulève des in-terrogations sur l’impact généré sur lespopulations sensibles comme les enfants.À l’heure de la rédaction de cet article, lepublic n’est pas informé des risques po-tentiels puisque aucun marquage de sécu-rité photobiologique n’est présent sur lesproduits ou leur emballage.

Pour les produits d’éclairages installéspar des professionnels (électriciens, ins-tallateurs, éclairagistes), la notion de dis-tance minimale de sécurité est une gran-deur qui pourrait être communiquée parles fabricants de manière à ce que les pro-duits soient posés dans de bonnes condi-tions. Cette distance est par définition, ladistance d’observation pour laquelle legroupe de risque ne dépasse pas RG 0.

Il est important de rappeler que les au-tres technologies de lampes d’usage pro-fessionnel, comme les lampes halogènesde forte puissance et les lampes à dé-charge de haute intensité (HID) ont des

groupes de risques RG 2. À l’inverse desLED, ce sont les émissions dans l’ultravio-let et l’infrarouge qui sont les plus cri-tiques [3]. Les impacts sur la peau sontpotentiellement plus élevés avec ce typede lampe qu’avec les LED.

Limitations de la norme NF EN 62471 concernant les populations sensibles

L’ICNIRP précise dans ses recomman -dations [4] que les valeurs limites d’expo-sition définies pour la population géné-rale, et reprises dans la norme NF EN62471, ne sont pas applicables pour lesexpositions chroniques et répétées à la lumière bleue. En particulier, ces valeursne prennent pas en compte les exposi-tions répétées dites « sous-critiques », in-férieures aux VLE, qui se cumulent aucours de très longues périodes, voire aucours de la vie entière.

La norme NF EN 62471 ne considèrepas non plus la sensibilité accrue auxrayonnements optiques pour certainespopulations sensibles. Ces populationssont les suivantes :– personnes ayant une affection préexis-tante des yeux ou de la peau et pour les-quels la lumière artificielle déclenche ouaggrave certains symptômes ;– personnes aphakes (personnes dont l’œilne possède pas de cristallin) et pseudo-phakes (personnes possédant un cristallinartificiel, souvent après une opération dela cataracte) qui filtrent insuffisamment lesrayonnements de courte longueur d’onde(UV, violet, bleu) ;– les enfants, dont le cristallin est naturel-lement beaucoup plus transparent quecelui des adultes ;– les personnes âgées dont la rétine estplus sensible aux rayonnements optiquesde courte longueur d’onde en raison del’accumulation au cours de la vie de dé-pôts photo-sensibilisants dans la rétine.

La norme de sécurité photobiologiquerelative aux LED et aux systèmes d’éclairageen général, devrait donc être adaptée à cespopulations, en prenant notamment encompte la courbe de phototoxicité (spectred’action) de la lumière bleue donnée parl’ICNIRP pour les populations sensibles.

En plus des lésions de type photochi-mique de la rétine résultant d’une expo-sition aiguë à la lumière bleue, il subsisteune méconnaissance des effets des expo-sitions chroniques et répétées à faibledose. Ces effets sont actuellement encours d’étude par des ophtalmologistes,des biologistes et des physiciens spéciali-sés en optique. En France, le projet RETI-NALED cherche à comprendre les effetsde la lumière émise par les LED sur la ré-tine de rongeurs exposés sur de longuesdurées à des éclairements relativementfaibles mais permanents. En attendant lesrésultats de ces recherches, le principe deprécaution voudrait que des mesures deprotection individuelles soient mises enplace chez les travailleurs particulière-ment exposés lors de leurs activités pro-fessionnelles et chez les populations sen-sibles décrites ci-dessus.

En conclusion

Grâce à leurs propriétés uniques d’émis-sion lumineuse, les LED sont sur le pointde devenir les sources de lumière les plusutilisées dans le monde pour les applica-tions d’éclairage. Les risques oculairesprésentés par ces nouvelles sources sontmalheureusement liés de manière intrin-sèque à ces propriétés : un flux lumineuximportant émis par une très petite sur-face, conduisant à de fortes luminances,ainsi qu’un spectre comportant une com-posante bleue très marquée. La combinai-son de ces deux caractéristiques aug-mente le risque potentiel de lésionphotochimique de la rétine, en comparai-son avec des sources traditionnelles de lu-mière telles que les lampes à incandes-cence et fluorescentes.

Les industriels dominant le marché del’éclairage mesurent parfaitement les ni-veaux de risque photobiologique des pro-duits à LED qu’ils fabriquent. Beaucoup dedispositifs sont maintenant orientés versl’émission de lumière blanche de typeblanc chaud, réduisant ainsi la compo-sante bleue du spectre. Ils intègrent éga-lement des diffuseurs de lumière ou d’au-tres systèmes optiques visant à réduire lesniveaux de luminance. Parmi les produitsd’éclairage à LED qui ont été testés lors

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de plusieurs campagnes de mesures, lagrande majorité présentait des groupesde risque nul ou faible pour la populationgénérale lorsque la distance d’observa-tion était fixée à 200 mm. Cependant, ilsubsiste sur le marché des lampes et desluminaires dont le groupe de risque estplus élevé que celui des produits tradi-tionnels. À l’heure actuelle, aucune men-tion n’est faite du groupe de risque ou dela distance minimale de sécurité sur cesproduits. Il est donc impossible pour lepublic d’identifier ces produits.

L’évaluation du risque pour la rétine liéà l’émission lumineuse des LED peut s’ef-fectuer en laboratoire sur la base de lanorme NF EN 62471 qui n’est pas parfaite-ment claire en ce qui concerne le choix de la distance d’observation à considérer.De plus, cette norme ne prend pas encompte les populations sensibles quesont les enfants, les aphakes et pseudo-phakes ainsi que les personnes âgées, endépit du fait que ces populations sontplus sensibles à l’exposition aux lumièresbleues et violettes.

Au-delà de l’évaluation d’un systèmed’éclairage effectué en laboratoire sur labase de la norme NF EN 62471, il subsisteune incertitude quant aux niveaux réelsd’exposition de la rétine à la lumière bleueémise par un ensemble de lampes ou deluminaires à LED dans des installationsd’éclairage au sein desquelles l’œil estsoumis à une multiplicité de sources pré-sentes dans son champ de vision. Seulesdes études menées sur des installationsréelles permettront de statuer sur l’inno-cuité ou la toxicité potentielle de ces ins-tallations.

La connaissance des mécanismes de latoxicité rétinienne de la lumière bleue estencore incomplète. En particulier, les ef-fets des expositions chroniques et de leuraccumulation pendant de longues pé-riodes sont encore à étudier et font l’ob -jet de nombreuses recherches dans lemonde entier. En ce qui concerne les LED,

la meilleure compréhension de ces effetsà long terme sur la rétine est fondamen-tale si l’on veut que cette véritable révo-lution dans le domaine de l’éclairage nevienne pas compromette notre sécurité etnotre santé.

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est responsable de la division Éclairage et électromagnétisme ausein de la direction Santé et confort du Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) situéà Saint-Martin-d’Hères.Christophe Martinsons est également expert à l’Agence de sécurité sanitaire de l’alimen tation,de l’environnement et du travail (ANSES). Il a notamment contribué à l’élabo ration du rapportd’expertise de l’ANSES sur les impacts sanitaires des LED [2].

Christophe Martinsons

É C L A I R A G E

[1] Tähkämo L., Bazzana M., Ravel P., GrannecF., Martinsons C., Zissis G. “Life Cycle Assessmentof Light Emitting Diode Downlight Luminaire – a case study”, accepted for publication in TheInternational Journal of Life Cycle Assessment

[2] « Effets sanitaires des systèmes d’éclairageutilisant des diodes électroluminescentes (LED) »,Saisine n°2008-SA-0408, Rapport d’expertisecollective de l’Agence Nationale de SécuritéSanitaire de l’Alimentation, de l’Environnement etdu Travail (ANSES), octobre 2010, téléchargeablesur le site internet de l’ANSES : www.anses.fr

[3] “Health Effects of Artificial Light”, Opinion ofthe Scientific Committee on Emerging and NewlyIdentified Health Risks (SCENIHR), EuropeanCommission, March 2012, ISSN 1831-4783,téléchargeable : http://ec.europa.eu/health/scientific_committees/policy/index_en.htm

[4] International Commission on Non-IonizingRadiation Protection, “Guidelines on limits ofexposure to broad-band incoherent opticalradiation (0.38 to 3 µm)”, Health Physics 73(3)(1997), 539–554

[5] Noell W.K., Walker V.S., Kang B.S., BermanS. “Retinal damage by light in rats”, Invest.Ophthalmol. 5(5) (1966), 450-473

[6] Behar-Cohen F., Martinsons C., Viénot F., ZissisG., Barlier-Salsi A., Cesarini J.P., Enouf O., GarciaM., Picaud S., Attia D. “Light-emitting diodes (LED)for domestic lighting: Any risks for the eye?”,Progress in Retinal and Eye Research 30(4)(2011), 239-257

[7] Ham W.T., Mueller H.A., Sliney D.H. “Retinalsensitivity to damage from short wavelength light”,Nature 260 (1976), 153-155.

[8] Barlier-Salsi A., Salsi S., « Mesures des rayon -nements optiques aux postes de travail :comparaison de différentes méthodes et matérielsde mesure », Radioprotection 45(3), 307-320

[9] Photobiological safety of lamps and lampsystems, publication CIE S009 (2002) de laCommission Internationale de l’Éclairage

[10] Sécurité photobiologique des lampes et desappareils utilisant des lampes, norme NF EN62471 (2008), publiée par l’AFNOR

Références

CT COMPRENDRE_GAB-TECHNIQUE 30/01/13 14:17 Page49