les deux degres de liberte du photon

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Appendice aux cours de physique théorique 1 Appendice A : Les deux degrés de liberté du Photon Ce qui suit sert de complément, aussi bien au cours de « statistiques quantiques » pour la partie concernant l’étude du rayonnement du corps noir que de « mécanique quantique approfondie » en complétant l’approche faite dans le contexte de la quantification du champ électromagnétique classique (dans une boite : avec conditions aux limites). Il sera dès plus utile de faire les exercices proposés à la fin du présent appendice. Lors du cours de mécanique quantique approfondie (au premier semestre), il a été montré que le photon peut être obtenu suite à de la procédure de seconde quantification appliquée à la théorie du champ électromagnétique classique libre. Ainsi, le nombre de degrés de liberté (physiques) du champ libre est identifié à celui du photon qui devient dès lors la particule associée au champ électromagnétique. On sait en outre que, dans le vide, ce dernier se réduit à un ensemble d’ondes transverses possédant par conséquent deux degrés de liberté. Nous allons maintenant démontrer cela dans le contexte de la formulation covariante (relativiste) du champ électromagnétique libre. Deux approches distinctes (mais complémentaires pour une compréhension exhaustive de la question) sont exposées. La première, dans le contexte de la formulation Hamiltonienne, fait appel à la notion de contraintes issue du formalisme de la mécanique analytique, adapté à la théorie des champs. La seconde dans le contexte de la formulation lagrangienne utilise la notion de symétrie de jauge. Toutes deux aboutissant au même résultat : deux degrés de liberté pour le photon. Démarrons de la théorie relativiste du champ électromagnétique classique. Dans ce contexte, l’espace-temps quadridimensionnel est muni de la métrique de Minkowski de composantes !" . Pour un choix du système de coordonnées cartésiennes (, , ) augmenté de la coordonnée temporelle ! = est la vitesse de la lumière, formant ainsi le système de coordonnées ! !!!,!,!,! , la métrique aura la forme (indépendantes des coordonnées) !" = (+ ++) où seules les signes des composantes (non nulles) de la diagonale sont indiquées. Première Partie

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Page 1: les deux degres de liberte du photon

Appendice aux cours de physique théorique 1    

Appendice A : Les deux degrés de l iberté du Photon Ce qui suit sert de complément, aussi bien au cours de « statistiques quantiques » pour la partie concernant l’étude du rayonnement du corps noir que de « mécanique quantique approfondie » en complétant l’approche faite dans le contexte de la quantification du champ électromagnétique classique (dans une boite : avec conditions aux limites).

Il sera dès plus utile de faire les exercices proposés à la fin du présent appendice.

Lors du cours de mécanique quantique approfondie (au premier semestre), il a été montré que le photon peut être obtenu suite à de la procédure de seconde quantification appliquée à la théorie du champ électromagnétique classique libre. Ainsi, le nombre de degrés de liberté (physiques) du champ libre est identifié à celui du photon qui devient dès lors la particule associée au champ électromagnétique. On sait en outre que, dans le vide, ce dernier se réduit à un ensemble d’ondes transverses possédant par conséquent deux degrés de liberté.

Nous allons maintenant démontrer cela dans le contexte de la formulation covariante (relativiste) du champ électromagnétique libre. Deux approches distinctes (mais complémentaires pour une compréhension exhaustive de la question) sont exposées. La première, dans le contexte de la formulation Hamiltonienne, fait appel à la notion de contraintes issue du formalisme de la mécanique analytique, adapté à la théorie des champs. La seconde dans le contexte de la formulation lagrangienne utilise la notion de symétrie de jauge. Toutes deux aboutissant au même résultat : deux degrés de liberté pour le photon.

Démarrons de la théorie relativiste du champ électromagnétique classique. Dans ce contexte, l’espace-temps quadridimensionnel est muni de la métrique de Minkowski de composantes 𝜂!". Pour un choix du système de coordonnées cartésiennes (𝑥, 𝑦, 𝑧) augmenté de la coordonnée temporelle 𝑥! = 𝑐𝑡 où 𝑐 est la vitesse de la lumière, formant ainsi le système de coordonnées 𝑥! !!!,!,!,!, la métrique aura la forme (indépendantes des coordonnées)

𝜂!" = (− + ++)

où seules les signes des composantes (non nulles) de la diagonale sont indiquées.

Première

Partie

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2 N. Djeghloul  

Sur cet espace, les équations de Maxwell, dans le vide, prendront les formes tensorielles suivantes

𝜕!𝐹!" = 0 et 𝜕!𝐹!" + 𝜕!𝐹!" + 𝜕!𝐹!" = 0 (A.1)

où 𝜕! = 𝜕/𝜕𝑥! et 𝐹!" = 𝜕!𝐴! − 𝜕!𝐴! est le tenseur de Maxwell, tel que

𝐴!(!!,𝐴) représente le quadrivecteur potentiel définissant complétement les

champs électrique et magnétique du champ électromagnétique. Remarquons à ce stade que la deuxième équation de (A.1) est une identité, indépendante des valeurs que peut prendre 𝐴!.

Il est facile de montrer que la première de ces équations découle, en tant qu’équations d’Euler-Lagrange, de l’action

𝑆!" = ℒ𝑑!𝑥 (A.2)

pour la densité lagrangienne suivante (dite de Maxwell)

ℒ = −14𝜇!

𝐹!"𝐹!" (A.3)

où 𝜇! est la perméabilité magnétique du vide. La densité lagrangienne (A.3) ne dépendant exclusivement que du champ 𝐴!, définit ce dernier en tant que champ fondamental de la théorie du champ électromagnétique.

A la question : combien de degrés de liberté possède donc le champ électromagnétique ? Une première réponse serait qu’a priori, le champ électromagnétique est complètement défini par les quatre composantes de 𝐴! soit quatre degrés de liberté. A l’analyse, on se rend contre que non et les degrés de liberté physiques du champ électromagnétique sont bien au nombre de deux. Pour cela, il conviendra de passer à la formulation Hamiltonienne et analyser les contraintes du système (et leur nature) afin de faire un comptage correcte de ses degrés de liberté.

Remarquons tout d’abord que de par l’expression du tenseur 𝐹!", la densité lagrangienne (A.3), et donc le lagrangien, ne peut dépendre de la dérivée temporelle (c’est à dire la « vitesse ») de la composante temporelle de 𝐴!. La composante 𝐴! ne se propagera donc pas. Les composantes du moment conjugué 𝜋! de 𝐴! seront alors1

𝜋! =𝜕ℒ

𝜕𝜕!𝐴!= 0            et          𝜋! =

𝜕ℒ𝜕𝜕!𝐴!

= 𝐹!! (A.4)

                                                                                                                         1  Pour  la  suite,  nous  travaillerons  dans  le  système  d’unités  de  Heaviside  où  𝜇! = 1.  

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Qui peuvent s’écrire

𝜋! = 𝐹!! (A.5) De fait 𝜋! ≈ 0 sera une contrainte primaire. Il faudra alors calculer l’évolution de cette contrainte afin de voir si d’autres contraintes n’apparaissent alors. Pour cela, il est nécessaire de calculer l’Hamiltonien défini par

𝐻 = 𝜋! 𝜕!𝐴! − ℒ 𝑑!𝑥

         = 𝐹!!𝜕!𝐴! +14𝐹!"𝐹!" +

12𝐹!!𝐹!! 𝑑!𝑥

         =14𝐹!"𝐹!" −

12𝐹!!𝐹!! + 𝐹!!𝜕!𝐴! 𝑑!𝑥

         =14𝐹!"𝐹!" −

12𝜋!𝜋! − 𝐴!𝜕!𝜋! 𝑑!𝑥

(A.6)

où la dernière égalité est obtenue en exécutant une intégration par partie en mettant en évidence une dérivation totale (divergence).

En calculant l’évolution de la contrainte 𝜋! ≈ 0, on trouve2

𝜋!,𝐻 = 𝜕!𝜋! (A.7) Faisant apparaître alors une nouvelle contrainte 𝜕!𝜋! ≈ 0 afin que la première contrainte soit une constante du mouvement. Remarquons au passage qu’au vu de la valeur de 𝜋!, cette contrainte n’est autre que la loi de Gauss dans le vide (∇.𝐸 = 0).

Cette contrainte secondaire est bien la dernière puisqu’il est aisé de montrer que

𝜕!𝜋! ,𝐻 = 0 (A.8) sans aucune nouvelle condition. Il faudra enfin, pour clôturer cette étude, identifier la nature des deux contraintes ainsi obtenues. Le calcul de leur crochet de Poisson, montre bien qu’elles sont de première classe, puisqu’elles commutent entre elles,

𝜋!, 𝜕!𝜋! = 0 (A.9)

                                                                                                                         2  Où        ,        est  le  crochet  de  Poisson  sur  l’espace  des  phases  induit  par  les  variables  𝐴!  et  𝜋! .  3  Revoir  pour  cela  votre  cours  de  mécanique  analytique  ou  (par  exemple)  le  livre  de  M.  Henneaux  et  C.  Teitelboim,  

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4 N. Djeghloul  

Nous obtenons bien deux contraintes de première classe. En appliquant la règle de comptage des degrés de libertés physiques dans l’espace des phases3, soit

2×degrés  de  liberté

physiques

=nombre  total  de

variables  canonique4 = 8 − nombre  de  contraintesde  seconde  classe = 0

− 2×nombre  de  contraintesde  première  classe = 2 = 4

Aboutissant ainsi aux deux degrés de liberté physiques du champ électromagnétique et par conséquent de sa particule associée : le photon.

Une autre façon d’aboutir à ce résultat consiste à observer que la densité lagrangienne (A.3) est invariante sous l’action de la transformation locale (de jauge) suivante

𝐴′! = 𝐴! + 𝜕!𝑐 𝑥 ⇒ ℒ 𝐴!! = ℒ 𝐴! (A.10)

Pour une fonction scalaire arbitraire  𝑐 𝑥 . Les quatre composantes de 𝐴! ne peuvent, par conséquent êtres complètement définies par les équations de mouvements dérivant de (A.3), c’est à dire de

𝜕!𝐹!" = 0 (A.11) En effet, par un choix particulier de 𝑐 𝑥 , il est toujours possible d’annuler une des composantes de 𝐴! de sorte que seules trois des quatre composantes peuvent être à priori, considérées comme indépendantes.

Afin d’éliminer une composante non physique due à la liberté du choix de 𝑐 𝑥 , il convient de fixer une condition, qui bien évidemment, ne doit pas être invariante par la transformation (A.10). Un choix possible de « fixation de jauge » est donné par la condition (ou jauge) de Lorenz

𝜕!𝐴! = 0 (A.12) Cette dernière contraint donc le champ 𝐴! à trois composantes uniquement.

A ce stade, remarquons que la jauge de Lorenz (A.12) admet encore la transformation de jauge (A.10) comme invariance pour des fonctions particulières 𝑐 𝑥 . En effet, pour des fonctions satisfaisant à 𝜕!𝜕!𝑐 𝑥 = 0 (dont la solution est non triviale, par exemple les fonctions harmoniques), la

                                                                                                                         3  Revoir  pour  cela  votre  cours  de  mécanique  analytique  ou  (par  exemple)  le  livre  de  M.  Henneaux  et  C.  Teitelboim,  «  Quantization  of  Gauge  Systems  »,  premier  chapitre,  en  particulier  la  section  1.4.  4  Les  variables  canoniques  sont  les  toutes  les  variables  de  l’espace  des  phase  non  contraint  :  les  champs  de  la  théorie  et  leur  champs  conjugués.  Ici  les  4  𝐴!  et  les  4  𝜋!.  

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condition (A.12) reste invariante. On dit alors qu’il y a invariance de jauge résiduelle. Il y a donc moyen de contraindre encore une composante du champ 𝐴! en la fixant par une fixation de jauge résiduelle, au sens où elle doit être compatible avec la première fixation de jauge choisie pour l’invariance de jauge initiale (pour 𝑐 𝑥 quelconque).

La condition communément utilisée à ce stade est celle de Coulomb. Elle est la suivante

𝐴! = 0 (A.13)

Ne laissant non nul que les composantes du potentiel magnétique 𝐴. Notons au passage que cette condition est compatible avec le fait que conformément au résultat obtenu concernant le champ conjugué de 𝐴!, soit 𝜋! = 0, ce champ ne se propage pas et donc ne contribuera pas au comptage des degrés de libertés.

Implémentée dans la condition de Lorenz, la jauge de Coulomb impliquera dès lors

∇.𝐴 = 0 (A.14) Cela mènera alors au comptage suivant des degrés de liberté

4  composantes   𝐴! − 1   symétrie  de  jauge:  jauge  de  Lorenz −1  (symétrie  résiduelle: jauge  de  Coulomb) =2  𝑑égrés  de  liberté  "physiques"

(A.15)

Notons en fin que (A.14) mènera directement au résultat que les ondes électromagnétiques dans le vide sont transverses. En effet, considérant tout d’abord la jauge de Lorenz, les équations de mouvement du champ 𝐴! deviennent

𝜕! 𝜕!𝐴! − 𝜕!𝐴! = 𝜕!𝜕!𝐴! − 𝜕!𝜕!𝐴! = 𝜕!𝜕!𝐴! = 0 (A.16)

Le champ 𝐴! obéit donc à l’équation de propagation des ondes libres. Après la fixation de la jauge de Coulomb, 𝐴! se réduit à 𝐴 qui obéira à l’équation d’onde

1𝑐!

𝜕!

𝜕𝑡!−𝜕!

𝜕𝑥!−𝜕!

𝜕𝑦!−𝜕!

𝜕𝑧!𝐴 = 0 (A.17)

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Qui a pour solution la superposition (paramétrée par les valeurs des vecteurs constants 𝑘!) d’ondes planes progressives et régressives

𝐴(𝑥, 𝑡) = 𝜀 𝑎 𝑘 𝑒!(!"!!!) + 𝑎! 𝑘 𝑒!!(!"!!!) (A.18)

Où 𝜀 est le vecteur polarisation de l’onde vectorielle 𝐴(𝑥, 𝑡), 𝜔 = 𝑘!𝑐 et 𝑎! 𝑘 est le complexe conjugué de l’amplitude 𝑎 𝑘 afin d’assurer la réalité de 𝐴(𝑥, 𝑡).

Afin de vérifier que (A.18) est bien solution de (A.17) il est nécessaire d’avoir

𝑘. 𝑘 = 𝜔!/𝑐! (A.18)

Enfin, en appliquant (A.14), il vient alors

𝜀. 𝑘 = 0 ⇒ 𝜀 ⊥ 𝑘 (A.19)

Montrant bien que le vecteur polarisation 𝜀 est perpendiculaire au vecteur d’onde 𝑘 et donc à la direction de propagation de l’onde électromagnétique 𝐴(𝑥, 𝑡)  : c’est la définition d’une onde transverse ! Les trois degrés de liberté, à priori, de cette onde, représentés par le vecteur polarisation 𝜀 se réduisent à deux degrés de libertés indépendants (physiques) dès lors que l’on remarque que ce vecteur, de part le résultat (A.19) appartient obligatoirement à un plan : celui perpendiculaire à la direction de propagation définie par 𝑘.

Exercices

1. Montrer les égalités (A.7), (A.8) et (A.9). On rappel que le crochet de Poisson est donnée par

𝑋,𝑌 = 𝑑!𝑧𝛿𝑋

𝛿𝐴! 𝑧, 𝑡𝛿𝑌

𝛿𝜋! 𝑧, 𝑡−

𝛿𝑋𝛿𝜋! 𝑧, 𝑡

𝛿𝑌𝛿𝐴! 𝑧, 𝑡

2. Montrer que 𝜕!𝐹!" + 𝜕!𝐹!" + 𝜕!𝐹!" = 0 est une identité. 3. Montrer que 𝜕!𝐹!" = 0 correspond bien aux équations de mouvement

considérant la densité lagrangienne (A.3). Ecrire explicitement cette équation pour le champ 𝐴!.

4. Montrer l’équation (A.18). En déduire la relation entre le module du vecteur d’onde 𝑘 et la longueur d’onde de l’onde électromagnétique associée.

5. Montrer que (A.18) implique une masse nulle pour le photon. Pour cela utiliser le principe de correspondance considéré en mécanique quantique.