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InternationalCentre

Health andSociety

LES DÉTERMINANTSSOCIAUX DE

LA SANTÉ

LESFAITS

La politique de Santé pour tous pourl’Europe : but 14RESPONSABILITÉ MULTISECTORIELLE POUR LA SANTÉ

D’ici 2020, tous les secteurs devraient avoir reconnu etaccepté leur responsabilité en matière de santé.

RésuméLes politiques et l’action pour la santé doivents’orienter vers une prise en compte des déterminantssociaux de la santé afin de s’attaquer aux causes de lamauvaise santé avant que celles-ci ne créent desproblèmes. Cette approche est un défi aussi bien pourles décideurs que pour les acteurs de la santépublique. Les faits scientifiques concernant lesdéterminants sociaux sont solidement établis, maissont pris en compte surtout par les chercheurs. Cettebrochure s’inscrit dans une campagne du Bureaurégional de l’OMS pour l’Europe visant à présenter laréalité des déterminants sociaux sous une forme claireet compréhensible. Les grands domaines d’action despouvoirs publics sont présentés dans dix chapitres. Lacampagne a pour objectif de développer la prise deconscience, stimuler le débat et promouvoir l’action.

Mots-clésSANTÉ PUBLIQUEFACTEURS SOCIOÉCONOMIQUESENVIRONNEMENT SOCIALACTION SOCIALECOMPORTEMENTS DE SANTÉPROMOTION DE LA SANTÉVILLES-SANTÉEUROPE

ISBN 92-890-1189-0

© Organisation mondiale de la santéTous les droits relatifs au présent document sont réservés par leBureau régional de l’OMS pour l’Europe. Toutefois, ce documentpeut faire l’objet de comptes rendus et être résumé, reproduit outraduit (mais non en vue d’une vente ou d’une utilisation à des finscommerciales), pour autant que la source soit dûment indiquée.Pour utiliser l’emblème de l’OMS, il faut demander l’autorisation duBureau régional de l’OMS pour l’Europe. Toute traduction doitcontenir la mention suivante : Le traducteur du présent documentest seul responsable de la fidélité de la traduction. Le Bureaurégional souhaite recevoir trois exemplaires de toute traduction. Lesopinions exprimées par des auteurs nommément désignésn’engagent que ces derniers.

WBS: 663.04.01AMS: 50268112000

Traduction :Centre collaborateur OMS pour les Villes-santéfrancophones, Rennes ; avec le concours de ZoéHéritage, Rennes Ville-santé, et d’Olivier Grimaud.

LES DÉTERMINANTSSOCIAUX DE

LA SANTÉ

Sous la direction de Richard Wilkinson et Michael Marmot

LESFAITS

Dr Mel BartleyUniversity College de LondresRoyaume-Uni

Dr David BlaneÉcole médicale de Charing Cross et Westminster, LondresRoyaume-Uni

Dr Eric BrunnerUniversity College de LondresRoyaume-Uni

Dr Danny DorlingDépartement de géographieUniversité de BristolRoyaume-Uni

Mme Jane FerrieUniversity College LondresRoyaume-Uni

Dr Martin JarvisFondation impériale de la recherche sur le cancerUnité comportements de santéUniversity College de Londres,Royaume-Uni

Professeur Michael MarmotUniversity College de Londres,Royaume-Uni

COLLABORATEURS

Professeur Mark McCarthyUniversity College de LondresRoyaume-Uni

Dr Mary ShawDépartement de géographieUniversité de BristolRoyaume-Uni

Professeur Aubrey SheihamUniversity College de LondresRoyaume-Uni

Dr Stephen StansfeldUniversity College de LondresRoyaume-Uni

Professeur Mike WadsworthConseil médical de rechercheEnquête nationale sur la santé et le développementUniversity College de LondresRoyaume-Uni

Professeur Richard WilkinsonUniversité du Sussex, Brighton, et University College de LondresRoyaume-Uni

Collaborateurs 2

Avant-propos 4

Préface 5

Introduction 6

1 – Les disparités sociales 8

2 – Le stress 10

3 – La petite enfance 12

4 – L’exclusion sociale 14

5 – Le travail 16

6 – Le chômage 18

7 – Le soutien social 20

8 – Les toxicomanies 22

9 – L’alimentation 24

10 – Les transports 26

SOMMAIRE

Un appel aux décideurs et aux professionnels de santépublique pour qu’ils prennent en compte lesdéterminants sociaux de la santé doit reposer sur despreuves solides. La plupart des gens conçoiventintuitivement les effets positifs et négatifs de leursconditions de vie et de travail sur leur santé. Bienqu’on ne soit pas à court de preuves avérées, le débatsur les déterminants sociaux de la santé reste encoreconfiné quasi exclusivement au milieu universitaire.L’histoire récente de la santé publique montre denombreux exemples de passivité inexcusable, mêmelorsque les faits sont indiscutables, comme c’est le cas,par exemple, pour le tabac. Il est troublant deconstater que l’industrie du tabac a fini par reconnaîtrequ’il existe une dépendance il y a un an seulement. Lemanque d’action suffisamment énergique a étésouvent imputé au fait que les preuves n’étaient passuffisamment évidentes.

Reconnaître l’impact sur la santé des politiques et desconditions économiques et sociales pourrait avoir deseffets à long terme sur les processus de décision de lasociété. Cela aurait une influence sur les valeurs et lesprincipes sur lesquels les institutions sont bâties et àpartir desquels s’évalue le progrès. Cependant, il estheureux de constater que les décideurs, à tousniveaux, ont intégré le besoin de prendre en compte lasanté et le développement durable. Pour concrétisercette orientation, ils ont besoin de données claires,d’orientations stratégiques et d’outils politiques.Personne n’attend de la science des réponsestranchées ; en revanche il faut que la science soitaccessible, permette au débat de s’instaurer et éclairela prise de décision.

Le Centre pour la santé urbaine du Bureau régional del’OMS pour l’Europe, en partenariat étroit avec leservice Communications et relations extérieures et lenouveau Réseau européen de communication sur la

santé, a lancé une campagne qui vise à sensibiliser ungrand nombre de personnes aux déterminants sociauxde la santé et à favoriser un débat et une action lesconcernant. Cette campagne entend toucher le plusgrand nombre possible de défenseurs de la santépublique, de professionnels, de militants associatifs etde décideurs. Cette campagne sera l’occasion deproduire et utiliser des outils attrayants et faciles à lireet traduire. Les réseaux de Villes-santé de l’OMSdoivent être un des principaux promoteurs de lacampagne dans la Région européenne. Cette initiativese situe dans une excellente période, qui coïncide avecle lancement de la nouvelle stratégie de la Santé pourtous, révisée pour le XXIe siècle, le lancement de laphase III du programme Villes-santé (1998–2002), ainsiqu’avec l’engagement croissant de villes vis-à-vis duprogramme local Action 21. L’axe central de lacampagne est constitué par la fournitured’informations mises à jour dans les secteurs clés desdéterminants sociaux, ceci dans une présentationconcise et claire.

C’est ce qui a pu être réalisé grâce à un partenariatétroit entre l’OMS et l’International Centre for Healthand Society de l’University College de Londres. Jesouhaite exprimer ma gratitude au professeur MichaelMarmot et au professeur Richard Wilkinson, qui ontcoordonné la préparation et ont mis en forme leséléments de cette brochure. Le processus deréalisation a consisté en une série de séances de libreéchange d’idées et de consultations. Je voudrais aussiremercier tous les membres de l’équipe scientifique quiont participé à cet excellent travail. Je suis convaincuque cette brochure constituera un outil précieux pourla compréhension et la prise en compte desdéterminants de la santé.

Je tiens à remercier particulièrement le Dr JillFarrington, consultante de l’OMS, pour ses idées

AVANT-PROPOS

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Traduire en politiques et en actions des acquisscientifiques est une démarche toujours complexe.Ceci est particulièrement difficile lorsque les résultatsattendus risquent de modifier notre conception despolitiques qui ont une influence sur la santé. Lesgouvernements comme les décideurs ont mis plusd’une demi-génération à reconnaître et commencer àaborder la question des inégalités sociales en matièrede santé.

Aujourd’hui, les connaissances scientifiques sur lesdéterminants sociaux de la santé s’accumulentrapidement. La nécessité d’orienter nos efforts danscette direction est devenue de plus en plus évidente. Ilconvient donc d’agir au niveau des responsables de lasanté publique, de faire connaître plus largement cesdéterminants sociaux et de lancer un débat à leursujet.

L’International Centre for Health and Society a étéchargé d’étudier les déterminants sociaux de la santéet de présenter les résultats de cette recherche sousdes formes utilisables par les responsables politiques etpar le public. La campagne lancée par l’OMS est uneoccasion particulièrement opportune pour contribuer àcette gageure de promouvoir des politiques favorablesà la santé.

Sir Donald Acheson,Président de l’International Centre for Health andSocietyUniversity College de Londres

innovantes, la qualité de sa contribution et les bonnesrelations qu’elle a su établir avec le Centre. Un grandmerci aussi à Mme Patricia Crowley, de l’InternationalCentre for Health and Society, pour la façoncompétente et efficace dont elle a géré toutes lesétapes de la préparation des documents scientifiques.Pour terminer, un mot de remerciement à MaryStewart Burgher, qui a mis au point le texte définitif dela brochure dans un très court délai.

Dr Agis TsourosResponsable du Centre pour la santé urbaineBureau régional de l’OMS pour l’Europe

PRÉFACE

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Même dans les pays les plus développés, les richesvivent plusieurs années de plus et sont en meilleuresanté que les pauvres. Ces différences de santé sontune grande injustice sociale et illustrent bien les

INTRODUCTION

facteurs qui influent le plus sur la santé dans le mondemoderne : les modes de vie et les conditions de vie etde travail, qui ont une influence considérable sur lasanté et la longévité. Les services médicaux peuvent

Les styles de vie et les conditions de vie et de travail des gens ont une forte influence sur leur santé.

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prolonger la vie de personnes atteintes de certainesmaladies graves, mais les conditionssocioéconomiques qui, selon le cas, favorisent la santéou engendrent des maladies, sont bien plusimportantes sur le plan de l’amélioration de la santé del’ensemble de la population. De mauvaises conditionsnuisent à la santé. Un environnement physique ou uncomportement malsain ont des effets nocifs directs,mais les tracas et l’insécurité de la vie quotidienne, etl’absence de soutien extérieur, ont également uneinfluence.

Cette brochure aborde dix aspects différents – maisinterdépendants – des déterminants sociaux de lasanté. Sont successivement développés :

1) la nécessité de politiques qui peuvent éviter à despersonnes de se retrouver dans des situationsdéfavorisées prolongées ;

2) la façon dont l’environnement social etpsychologique influe sur la santé ;

3) l’importance d’un environnement favorablependant la petite enfance ;

4) les effets du travail sur la santé ; 5) les problèmes résultant du chômage et de

l’emploi précaire ; 6) le rôle de l’amitié et de la cohésion sociale ; 7) les dangers de l’exclusion sociale ; 8) les effets de l’alcool et des autres drogues ; 9) la nécessité de permettre à tous de bénéficier

d’une alimentation saine ;10) la nécessité de disposer de moyens de transports

plus favorables à la santé.

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L’examen de ces différents thèmes permettrad’énoncer les messages essentiels sur l’action enfaveur d’une amélioration de la santé de la populationdes pays industrialisés d’Europe. Ces messages ontpour objet de montrer comment les facteurséconomiques et sociaux influent, à tous les niveaux dela société, sur les décisions personnelles et la santé. Ilincombe à chacun de s’alimenter de façon équilibrée,de faire suffisamment d’exercice et d’éviter de fumerou de consommer trop d’alcool. En revanche, nousconnaissons aujourd’hui l’importance de facteurséconomiques et sociaux qui agissent sur la santé etsont souvent indépendants de la volonté des individus.Cette brochure vise donc à faire en sorte que lapolitique menée – à tous les échelons de décision,dans les organismes publics et privés, sur les lieux detravail et dans les quartiers – tiennent dûment comptede la nécessité d’offrir à chacun la possibilité d’être enbonne santé. C’est pourquoi cette brochure présentedes informations sur ce qu’est un environnementsocial et économique favorable à une meilleure santéde la population.

Les conditions économiques et socialesaffectent fortement la santé des individustout au long de leur vie. C’est pourquoi lespolitiques de santé doivent être élaboréesen fonction des déterminants sociaux etéconomiques de la santé.

Ce que l’on saitDes conditions socioéconomiques défavorablesaffectent la santé tout au long de la vie. Ceux qui sontau plus bas de l’échelle sociale sont au moins deux foisplus exposés au risque de maladie grave ou de décèsprématuré que ceux qui sont en haut de l’échelle.Entre ces deux extrêmes, il existe une variationcontinue de l’état de santé en fonction du niveausocial. Ainsi, même les employés de bureausubalternes sont plus victimes de maladies et de décèsprématurés que leurs collègues investis deresponsabilités plus importantes.

La plupart des maladies et des causes de décès sontplus fréquentes au bas de la hiérarchie sociale. Cetécart social sur le plan de la santé est dû à demauvaises conditions matérielles, à l’insécurité, àl’anxiété et au manque d’insertion sociale.

Les conditions défavorables sont multiformes, etpeuvent être absolues ou relatives. Elles résultent, parexemple, de l’absence de patrimoine familial, d’unmanque d’instruction, d’une situation d’emploibloquée, de la précarité de l’emploi, de mauvaisesconditions de logement ou de circonstances quirendent difficile d’élever des enfants. Ces conditionsdéfavorables ont tendance à toucher les mêmespersonnes, et leurs effets sur la santé, par conséquent,se cumulent. Plus les gens vivent longtemps dans desconditions économiques et sociales stressantes, plusl’usure physiologique est grande, et moins ils ont dechances de vivre une vieillesse en bonne santé.

BARTLEY, M. ET AL. Healthand the life course: why safetynets matter. British medicaljournal, 314: 1194–1196(1997).

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LES DISPARITÉS SOCIALES

L’action à menerLa vie est semée de transitions critiques : leschangements émotionnels et matériels de la petiteenfance, le passage de l’école primaire au collège, lepremier emploi, le départ de la maison, la fondationd’un foyer, le changement d’emploi, la perspectived’un licenciement possible et enfin la prise de laretraite. Chacun de ces changements est susceptibled’agir, favorablement ou défavorablement, sur lasanté.

À chaque période de changement, ceux qui ont subides conditions défavorables antérieures sont les plusexposés. Cela signifie que les politiques socialesdoivent comprendre, outre les filets de protectiontraditionnels, des tremplins pour compenser lesdésavantages antérieurs.

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WUNCH, G. ET AL.Socioeconomic differences inmortality: a life courseapproach. European journalof population, 12: 167–185(1996).

RÉFÉRENCES PRINCIPALES

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Pour améliorer la santé, il faut réduire les taux d’échecscolaire, la précarité de l’emploi et les écarts derevenus dans la société. Nous devons faire en sorteque moins de gens soient exclus et que ceux qui lesont le soient moins. Les politiques en matièred’éducation, d’emploi et de logement ont des effets

Les mauvaises conditions économiques et sociales affectent la santé tout au long de la vie.

sur la santé. Les sociétés qui permettent à tous leurscitoyens de jouer pleinement un rôle utile dans la viesociale, économique et culturelle se caractérisent parune meilleure situation sanitaire que celles où les genssont confrontés à l’insécurité, à l’exclusion et lapauvreté.

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Le stress nuit à la santé.

Ce que l’on sait Les conditions sociales et psychologiques peuventprovoquer un stress continu. Une situation prolongéed’anxiété, d’insécurité, de mauvaise opinion de soi-même, de solitude ou d’absence de maîtrise de sa vieprofessionnelle ou familiale peut retentirconsidérablement sur la santé. Ces facteurs

psychosociaux ont des effets cumulatifs avec le tempset augmentent le risque de dégradation de la santémentale et celui de décès prématuré. Quelles quesoient les circonstances de la vie, de longues périodesd’anxiété ou d’insécurité, ou encore l’absence d’unenvironnement social chaleureux sont préjudiciables.

Comment ces facteurs psychosociaux affectent-ils lasanté physique ? Dans les situations de danger, le

LE STRESS

Le manque d’autonomie au travail et chez soi peut avoir des effets importants sur la santé.

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RÉFÉRENCES PRINCIPALES

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SHIVELY, C.A. & CLARKSON,T.B. Social status and coronaryartery atherosclerosis infemale monkeys.Arteriosclerosis thrombosis,14: 721–726 (1994).

stress engendre la production d’hormones qui agissentsur les systèmes cardiovasculaire et immunitaire. Noshormones et notre système nerveux nous préparent àfaire face à un danger physique immédiat enaugmentant la fréquence cardiaque, en mobilisant lesang vers les muscles et en augmentant l’anxiété et lavigilance. Cependant, le recours trop fréquent ou tropprolongé au stress biologique est susceptible de causerde nombreux problèmes de santé. Parmi ceux-ci, onpeut citer les dépressions, une plus grandevulnérabilité aux infections, l’apparition d’un diabèteou d’un taux dangereux de cholestérol ou de graissesdans le sang, et d’une hypertension, avec les risquesd’infarctus ou d’accident vasculaire cérébral quil’accompagnent.

L’espèce humaine et différents autres primates qui ontpu être étudiés à l’état sauvage et en captivitéprésentent des mécanismes similaires de réaction austress psychosocial. L’étude des primates a montré queles individus dominés présentent une plus grandeincidence de thromboses et d’autres modifications deleur métabolisme que les individus dominants. Cesmodifications sont corrélées, chez l’homme, avec uneaugmentation du risque de maladie cardiovasculaire.Dans les sociétés industrialisées, plus les gens sont basdans l’échelle sociale, plus ce type de problèmes desanté est fréquent.

L’action à menerIl est bien sûr possible de répondre médicalement auxmodifications biologiques induites par le stress ententant de les maîtriser à l’aide de médicaments. Maisl’attention doit surtout se porter en amont, afin deremédier aux causes des problèmes de santé.

À l’école, au travail et dans d’autres circonstances, laqualité de l’environnement social et la sécuritématérielle sont souvent aussi importantes pour la

santé que l’environnement physique. Les lieux qui sonten mesure d’apporter un sentiment d’appartenance etde valorisation de soi sont plus génératrices de santéque ceux où l’on se sent exclu, déprécié et exploité.

Il faut que les pouvoirs publics acceptent que lesprogrammes sociaux doivent prendre en compte lesbesoins psychosociaux autant que les besoinsmatériels, les deux étant sources d’anxiété etd’insécurité. Ils doivent plus spécifiquement épauler lesfamilles avec de jeunes enfants, soutenir les activitésassociatives, combattre l’isolement, réduire la précaritématérielle et financière et, par l’éducation et laréinsertion, promouvoir les capacités à affronter lesproblèmes de l’existence.

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Ce qui se passe pendant les premières phases dedéveloppement de l’individu le marque pour lavie ; un bon départ dans la vie passe par une aideà la mère et au jeune enfant.

Ce que l’on saitLes fondements de la santé de l’adulte s’établissentdans la période prénatale et la petite enfance. Unecroissance insuffisante ou une carence affectivependant cette période augmente pour le reste de la viele risque d’une santé physique déficiente et réduit lescapacités physiques, intellectuelles et affectives de la

vie adulte. Des conditions sociales et économiquesdéfavorables font peser une menace considérable surle développement d’un enfant, le positionnant sur unetrajectoire sociale et éducative de faible niveau.

Une alimentation déséquilibrée de la mère, ainsi que letabagisme et la pauvreté de la famille peuvent être àl’origine d’un développement insuffisant pendant lapériode prénatale ou la petite enfance. Un début decroissance insuffisant est associé à une diminution descapacités fonctionnelles cardiovasculaires,respiratoires, rénales et pancréatiques de l’adulte. Le

LA PETITE ENFANCE

Des éléments importants de la santé des adultes sont établis dans la petite enfance.

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RÉFÉRENCES PRINCIPALES

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SCHWEINHART, L.J. ET AL.Significant benefits: the High/Scope Perry Preschool Studythrough age 27. Ypsilanti, TheHigh Scope Press, 1993.

tabagisme des parents entravent le développementrespiratoire de leurs enfants, ce qui aura aussi poureffet d’augmenter leur vulnérabilité à l’âge adulte.

Le développement intellectuel de l’enfant est affectépar une alimentation et un développement physiquedéficients. De plus, l’état d’épuisement mental et ladépression liés à la pauvreté font que l’enfant estmoins stimulé par les parents, ce qui peut perturber lesliens affectifs.

La pauvreté familiale entraîne des risques sociaux ensérie. Dès l’enfance, cela commence par un manquede maturité et d’acceptation de l’école, puis se

poursuit par un comportement peu actif et de faiblesacquisitions scolaires, et conduit à une probabilitéélevée de chômage, à un sentiment de marginalité,ainsi qu’à un niveau professionnel bas et peu autonomedans la vie adulte. Ce faible niveau éducationnel etprofessionnel est nuisible à la santé et, à terme, aufonctionnement intellectuel lors de la vieillesse.

L’action à menerIl faut prendre des initiatives nouvelles pour améliorerla santé et le développement au cours du premier âge,particulièrement chez les plus démuniséconomiquement et socialement. Les politiquesdevraient viser à :

1) réduire le tabagisme des parents ;2) améliorer les connaissances des parents sur la santé

et les besoins affectifs des enfants ;3) mettre en place des programmes préscolaires non

seulement pour améliorer l’apprentissage de lalecture et stimuler le développement intellectuelmais aussi pour réduire les troubles ducomportement pendant l’enfance et faciliter lesacquisitions scolaires, les chances de trouver unemploi satisfaisant et l’adoption d’uncomportement favorable à la santé à l’âge adulte ;

4) faire participer les parents aux programmespréscolaires pour renforcer leurs effets éducatifs etréduire la maltraitance ;

5) assurer aux mères des ressources sociales etéconomiques suffisantes ;

6) augmenter les occasions d’acquisitions scolaires àtout âge, car l’instruction va de pair avec unemeilleure prise de conscience des questions desanté et une meilleure prise en charge personnelle.

L’investissement dans de telles politiques serait trèsprofitable à la santé et aux capacités professionnellesde la future population adulte.

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L’exclusion sociale crée de la misère et coûteparfois des vies.

Ce que l’on saitL’exclusion sociale et l’ampleur de la pauvreté relativeont un impact majeur sur la santé et sur la mortprécoce. Les atteintes à la santé ne viennent passeulement des privations matérielles mais aussi desproblèmes sociaux et psychologiques de la vie en étatde pauvreté.

La pauvreté, le chômage et l’absence de domicile fixeont augmenté dans de nombreux pays dont quelques-uns figurent parmi les plus riches. Dans certains pays,pas moins d’un quart de la population totale –proportion qui est encore plus élevée en ce quiconcerne les enfants – vit dans un état de pauvretérelative (ce qui correspond selon l’Union Européenne àun niveau de revenus de 50 % inférieur à celui duniveau national moyen). La pauvreté relative aussi bienque la pauvreté absolue, sont la cause d’un mauvaisétat de santé et de risques élevés de mort précoce. Lespersonnes qui ont vécu la plus grande partie de leurvie dans la pauvreté souffrent d’un état de santéparticulièrement mauvais.

Les immigrés, les groupes ethniques minoritaires et lesréfugiés sont particulièrement vulnérables vis-à-vis del’exclusion sociale, et il apparaît que leurs enfantscourent aussi des risques à cet égard. Ils sont parfoisexclus de la citoyenneté et ont souvent aussi de moinsbonnes chances de trouver un emploi et de bénéficierd’une formation. Le racisme, la discrimination etl’hostilité auxquels ils doivent souvent faire facepeuvent nuire à leur santé.

De plus, la communauté a tendance à marginaliser età rejeter les personnes malades, invalides ouvulnérables psychologiquement, telles que celles qui

L’EXCLUSION SOCIALE

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RÉFÉRENCES PRINCIPALESont résidé dans des maisons d’enfants, en prison ou enhôpital psychiatrique. Celles qui présentent desproblèmes de santé physique ou mentale ont souventdes difficultés à atteindre un niveau d’instructioncorrect ou à gagner leur vie. Les enfants handicapésrisquent davantage de vivre dans la pauvreté. Ladéconsidération qu’entraînent les troubles mentaux,l’invalidité ou des maladies comme le sida, aggrave leschoses. Les sans-logis, qui souffrent parfois deplusieurs de ces problèmes, ont les taux les plus élevésde décès précoce.

Les sociétés qui mènent une politique plus égalitaireenregistrent souvent une croissance économique plusélevée et bénéficient d’une meilleure situationsanitaire.

Les mesures à prendrePour s’attaquer aux méfaits de l’exclusion sur la santé,il faut prendre diverses mesures se situant à différentsniveaux, et notamment :

1) la législation peut contribuer à protéger les droitsdes immigrés et des minorités, et à empêcher ladiscrimination ;

2) des interventions de santé publique devraient leverles obstacles à l’accès aux soins de santé, auxservices sociaux et aux logements à prix modérés ;

3) l’attribution d’aides financières, un revenu nationalminimum correct, et des politiques en matièred’emploi et d’enseignement sont nécessaires pourlutter contre l’exclusion sociale ;

4) pour réduire les inégalités matérielles et l’ampleurde la pauvreté relative, le revenu et la richessedevraient être redistribués ; les sociétés pluségalitaires ont généralement une situation sanitaireplus favorable.

POWER, C. Health andsocial inequality in Europe.British medical journal,309: 1153–1160 (1994).

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Les sans-logis ont le taux le plusélevé de décès prématurés.

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Le stress au travail augmente le risque demaladie.

Ce que l’on sait Il a été démontré que le stress au travail est unecomposante importante des grandes différences d’étatde santé, d’arrêt maladie et de mortalité prématuréeobservée entre les différentes couches sociales.

Plusieurs études européennes en milieu de travailmontrent que l’impossibilité d’utiliser la plupart de sescompétences et d’influer sur les décisions a un effetnégatif sur la santé des individus.

Un faible niveau d’autonomie dans son travail estfortement associé à un risque élevé de douleurlombaire, d’arrêt maladie et de maladie

LE TRAVAIL

Les professions qui associent forte sollicitation et peu d’autonomie présentent des risques particulièrement élevés.

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RÉFÉRENCES PRINCIPALES

cardiovasculaire. Ces risques pour la santé sontindépendants des caractéristiques psychologiques despersonnes étudiées. En bref, ils semblent liés àl’environnement professionnel.

Des études ont également porté sur l’effet de lacharge de travail. Certaines ont montré une relationentre charge de travail et autonomie. Le risque est eneffet élevé pour les postes où la charge de travail estélevée et le niveau d’autonomie faible. Certainsrésultats suggèrent que la qualité des relations socialesen milieu de travail pourrait réduire ce risque.

De plus, il a été montré que le fait de ne pas êtresuffisamment valorisé pour les efforts fournis au travailétait associé à un risque élevé de maladie

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KARASEK, R.A. & THEORELL, T.Healthy work: stress,productivity and thereconstruction of working life.New York, Basic Books, 1990.

cardiovasculaire. Cette valorisation peut se manifestersur le plan financier, par la considération dont l’intéresséjouit ou par des satisfactions d’amour-propre. Sousl’effet de l’évolution actuelle du marché du travail, lesperspectives de carrière pourraient changer et il pourraitdevenir plus difficile de voir ses efforts reconnus.

Ces résultats indiquent que l’environnementpsychosocial au travail est une composante importantedes disparités de santé observées entre les couchessociales.

L’action à mener1. Santé et productivité au travail ne sont pas opposés.

Il est possible d’établir un cercle vertueux :l’amélioration des conditions de travail peutcontribuer à améliorer la santé des travailleurs. Ceciaura pour conséquence d’améliorer la productivité etde créer ainsi un environnement de travail propice, àla fois à la santé et à la productivité.

2. Une participation au processus de prise de décision ade grandes chances d’être bénéfique aux salariés àtous les niveaux de l’entreprise.

3. Une modification des méthodes de travail dans lesbureaux et d’autres cadres professionnels – pourpermettre aux salariés d’être plus autonomes,d’accomplir des tâches plus diverses et de s’épanouirdans leur travail – est bénéfique pour la santé.

4. Tout travail insuffisamment valorisé – sur les plans dela rémunération, de la considération ou desatisfactions d’amour-propre – nuit à la santé.

5. Afin de réduire la charge représentée par les troublesde l’appareil locomoteur, il faut aménager les lieuxde travail et organiser le travail de façonergonomique.

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RÉFÉRENCES PRINCIPALES

La sécurité de l’emploi améliore la santé, lebien-être et la satisfaction professionnelle.

Ce que l’on saitLe chômage met la santé en danger et le danger estd’autant plus élevé que le taux de chômage d’unerégion est élevé. Des recherches menées dans plusieurspays ont montré que les personnes au chômage et leurfamille ont un risque sensiblement plus élevé de décèsprématuré. Les effets du chômage sur la santé sont liésà ses conséquences tant psychologiques quefinancières, en particulier l’endettement.

Les effets commencent à se faire sentir dès que l’onpense que son travail est menacé et donc avant laperte de l’emploi. Ceci montre que l’anxiété suscitéepar l’insécurité de l’emploi est nuisible à la santé. Laprécarité de l’emploi influe sur la santé mentale(particulièrement l’anxiété et la dépression), lesdéclarations de l’intéressé concernant ses problèmesde santé, les maladies cardiaques et leurs facteurs derisque. Comme la précarité de l’emploi ou le manqued’intérêt d’une activité professionnelle peut être aussinéfaste que le chômage, le simple fait d’avoir dutravail ne protège pas la santé physique ou mentale. Laqualité de l’emploi est importante.

Au cours des années 90, l’évolution des économies etdes marchés du travail des pays industrialisés aexacerbé le sentiment de précarité de l’emploi. À lalongue, cela contribue à un état de stress chroniqued’autant plus dommageable qu’il se prolonge. Cestress augmente l’absentéisme et le recours auxservices de santé.

L’action à menerIl faut mettre en œuvre des politiques pour atteindreles trois buts suivants :• prévenir le chômage et la précarité du travail ;• atténuer les difficultés liées à la condition de

chômeur ;• rétablir la sécurité de l’emploi.

Si les pouvoirs publics réduisent les fluctuations descycles économiques, cela peut contribuer à améliorerla sécurité de l’emploi et à réduire le chômage. Laréduction du temps de travail peut également êtrebénéfique, si elle va de pair avec la sécurité de l’emploiet la satisfaction professionnelle.

LE CHÔMAGE

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Un système éducatif performant et de bonsprogrammes de recyclage jouent un rôle importantdans la préparation des individus aux emploisdisponibles. Pour ceux qui n’ont pas d’emploi, il estprobable que l’octroi d’indemnités de chômage

Les demandeurs d’emplois et leur famille courent un risque très élevé de décès prématuré.

représentant une proportion plus élevée du montantdes salaires a un effet protecteur. Enfin, les sociétés decrédit mutuel peuvent jouer un rôle bénéfique endiminuant les dettes et en renforçant les réseaux derelations.

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L’amitié, de bonnes relations sociales et desolides réseaux d’entraide améliorent lasanté à la maison, au travail et dans lequartier.

Ce que l’on sait Un environnement social favorable et de bonnesrelations interpersonnelles ont des effets positifs sur lasanté. Ils sont une source de soutien affectif etmatériel dont chacun a besoin. L’appartenance à un

LE SOUTIEN SOCIAL

Un bon réseau social permet de se sentir soutenu.

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RÉFÉRENCES PRINCIPALES

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La cohésion sociale – l’existence d’une confiance etd’un respect mutuels au sein d’une communauté etdans la société en général – tend à protéger lesindividus et leur santé. Dans les sociétés où lesinégalités de revenus sont importantes, la cohésionsociale a tendance à être plus faible, la criminalitéviolente plus répandue et la mortalité plus élevée. Uneétude menée au sein d’une communauté ayant uneforte cohésion sociale a montré que les taux demaladie coronarienne étaient faibles mais qu’ilss’élevaient quand la cohésion sociale déclinait.

L’action à menerLes études expérimentales suggèrent que l’existenced’un bon tissu de relations sociales peut réduire laréaction physique au stress. Des interventions menéesdans des groupes à risque élevé ont montré que ledéveloppement du soutien social améliore le pronosticaprès une crise cardiaque, prolonge la vie de patientsatteints de certains types de cancer et favorise le bondéroulement de la grossesse chez les femmes à risque.

Au sein de la population, la réduction des inégalités derevenus et la lutte contre l’exclusion sociale peuventrenforcer la cohésion sociale et améliorer la santé.L’amélioration de l’environnement social dans lesécoles, au travail et dans la société en général aide lesgens à se sentir valorisés et aidés dans de plusnombreux domaines de leur vie. Leur santé,particulièrement leur santé mentale, s’en trouveaméliorée. Dans tous les domaines de la viepersonnelle et sociale, les pratiques qui classentcertains comme « socialement inférieurs ou moinsimportants » doivent être proscrites, car ellesconstituent des facteurs de division.

réseau de relations et de soutien mutuel donne lasensation d’être reconnu, aimé, estimé et valorisé.Cela a un effet protecteur sur la santé.

L’environnement social agit à la fois au niveauindividuel et à celui de la société. L’isolement etl’exclusion sont associés à des taux élevés de décèsprématurés et à une diminution des chances de survieaprès un accident cardiovasculaire. Les personnes quiont peu de liens sociaux ont moins de chances deressentir du bien-être et risquent plus d’êtredéprimées, d’avoir des complications lors d’unegrossesse et d’être davantage handicapées à la suitede maladies chroniques. Qui plus est, la mauvaisequalité des relations avec les proches peut affecter lasanté mentale et physique.

La possibilité de trouver un soutien affectif et pratiquevarie selon le niveau social et économique. La pauvretépeut contribuer à l’exclusion et à la solitude.

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L’alcool, la drogue et le tabac ont des effetsnéfastes, mais la consommation de cesproduits dépend du contexte social au senslarge.

Ce que l’on saitLa toxicomanie est à la fois une réponse à la fracturesociale et un déterminant puissant des inégalités desanté. La drogue offre le mirage d’une échappatoire à

LES TOXICOMANIES

Face aux difficultés économiques et sociales, certains croient trouver un réconfort dans l’alcoolisme, la toxicomanie et le tabagisme.

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RÉFÉRENCES PRINCIPALES

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l’adversité et au stress, mais ne fait qu’empirer lesproblèmes.

L’alcoolisme, la consommation de drogue et letabagisme sont étroitement associés aux indicateursde précarité économique et sociale. Dans la Fédérationde Russie, par exemple, des bouleversements sociauxse sont produits au cours de la décennie écoulée. Lenombre des décès liés à la consommation d’alcool –dus à des accidents, à des actes de violence, à desintoxications alcooliques, à des traumatismes et à dessuicides – a très nettement augmenté. L’associationentre alcoolisme et mort violente est présente dansd’autres pays également.

La relation de cause à effet est sans doute à doublesens. On se réfugie dans l’alcool pour échapper auxdures réalités économiques et sociales, et l’alcoolismeconduit à la déchéance sociale. Hélas, après lesoulagement temporaire qu’il procure, l’alcoolrenforce les causes mêmes qui ont incité l’intéressé àcommencer à boire.

Cela vaut également pour le tabagisme. Ladésocialisation, quel qu’en soit l’indicateur (mauvaisesconditions de logement, insuffisance des revenus,situation monoparentale, chômage ou absence delogement), est associée à des taux élevés de tabagismeet à la faible réussite des tentatives de sevrage. Letabagisme prélève un tribut important sur les revenusdes plus démunis, nuit gravement à la santé etprovoque un grand nombre de décès prématurés. Orla nicotine ne réduit pas véritablement le stress, pasplus qu’elle n’améliore l’humeur.

L’action à menerPour résoudre le problème de la toxicomanie, il fautnon seulement offrir soutien et soins aux personnes en

état de dépendance mais aussi s’attaquer au processusfondamental de désocialisation. Les politiques menéesdoivent réglementer l’accessibilité par les prix et lalimitation des licences de vente, par exemple. Mais ilfaut aussi informer le public au sujet de modes deconsommation moins néfastes, recourir à l’éducationsanitaire afin de dissuader les jeunes de se mettre àconsommer des substances nocives, et mettre enoeuvre des traitements efficaces pour les toxicomanes.

Aucune de ces mesures ne réussira si les conditionssociales sur lesquelles se développent la toxicomanierestent inchangées. On ne peut montrer du doigt leseul consommateur. Cela revient à rejeter laresponsabilité sur la victime, au lieu de s’attaquer auxcirconstances sociales complexes qui engendrent latoxicomanie. Une politique efficace de lutte contre lesdrogues doit donc s’inscrire dans le cadre général de lapolitique économique et sociale.

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RÉFÉRENCES PRINCIPALES

L’alimentation saine est une question politique.

Ce que l’on sait Un régime alimentaire équilibré et un approvisionnementsuffisant en denrées alimentaires sont essentiels pour lasanté et le bien-être. Les pénuries alimentaires et lemanque de variété des aliments engendrent la malnutritionet des maladies carentielles. L’excès de nourriture(également une forme de malnutrition) contribue àl’apparition de maladies cardiovasculaires, du diabète, ducancer, de maladies dégénératives de l’œil, de l’obésité etde caries dentaires. Le manque d’aliments côtoiel’abondance. Le véritable problème de santé publiqueréside dans la disponibilité et le coût d’aliments sains etnourrissants. La possibilité de se procurer des aliments sainset bon marché a des effets plus importants sur les habitudesalimentaires que les efforts d’éducation pour la santé.

L’industrialisation a eu pour effet une modificationépidémiologique : les maladies infectieuses ont régressé etles maladies chroniques ont progressé (en particulier lesaffections cardiaques, les accidents vasculaires cérébraux etle cancer). Ce phénomène s’est accompagné d’unemodification nutritionnelle, avec l’arrivée d’unesurconsommation de graisses et de sucres à teneur élevéeen énergie, entraînant une progression de l’obésité. Dansle même temps, l’obésité est devenue plus courante chezles pauvres que chez les riches.

Le marché mondial de l’alimentation est devenu un grosenjeu économique. L’Accord général sur les tarifs douanierset le commerce (GATT) et la Politique agricole commune del’Union européenne permettent aux forces du marchémondial de déterminer les approvisionnementsalimentaires. Des comités internationaux tel que le CodexAlimentarius, qui fixent les normes de qualité et de sécuritésanitaire des aliments, n’ont pas de représentant de lasanté publique en leur sein, et les entreprises du secteuralimentaire sont puissantes.

Les conditions économiques et sociales créent desdisparités dans la qualité de l’alimentation, qui contribuentà accentuer les inégalités de santé. La principale différenceentre classes sociales réside dans les sources de nutriments.

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L’ALIMENTATION

Production locale pour consommation

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Les pauvres remplacent les aliments frais par les produitstransformés bon marché. Néanmoins, on retrouve desrégimes riches en graisse dans tous les groupes sociaux.Les personnes disposant de revenus peu élevés (jeunes

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ménages, personnes âgées, chômeurs, etc.) sont les moinsà même de bien s’alimenter.

Pour la prévention des maladies chroniques, il fautconsommer plus de fruits et légumes frais et de féculentspeu transformés, mais moins de graisses animales, desucres raffinés et de sel. Plus de 100 comités d’experts sesont accordés sur ces objectifs diététiques.

L’action à menerLes organismes publics locaux, nationaux etinternationaux, les organisations non gouvernementales etl’industrie agro-alimentaire devraient assurer :

1) la disponibilité d’aliments frais et de bonne qualité pourtous ;

2) un processus démocratique de prise de décision et uneresponsabilité vis-à-vis de l’ensemble des questionsrelatives aux dispositions réglementaires sur les alimentsavec la participation de toutes les parties prenantes, ycompris les consommateurs ;

3) la promotion de méthodes de production agro-alimentaire viables, qui préservent les ressourcesnaturelles et l’environnement ;

4) la protection de la production alimentaire locale vis-à-vis des effets du marché mondial de l’alimentation ;

5) une sensibilisation aux vertus d’une alimentation saine,en diffusant des informations sur l’alimentation et lanutrition, en encourageant l’acquisition de talentsculinaires et en montrant l’intérêt qu’il y a, du point devue des relations sociales, à préparer et à prendre lesrepas ensemble ;

6) la disponibilité d’informations utiles concernant lesaliments, la diététique et la santé ;

7) l’utilisation de références nutritionnellesscientifiquement incontestables et derecommandations diététiques pour faciliterl’élaboration et l’application de politiques en matièred’alimentation et de nutrition.

Une politique de transports soucieuse de lasanté décourage le recours à l’automobile,favorise la marche à pied et le vélo, etrenforce les transports en commun.

Ce que l’on saitLa bicyclette, la marche et l’utilisation des transportsen commun améliorent la santé de quatre façons :elles favorisent l’exercice, font baisser le nombred’accidents mortels, augmentent les contacts sociauxet réduisent la pollution atmosphérique.

Comme la mécanisation a réduit les travaux manuelset domestiques, il faut trouver de nouvelles façons depratiquer l’exercice physique. Il est possible d’atteindrecet objectif en utilisant moins la voiture, en recourantdavantage à la marche et au vélo et en renforçant lestransports en commun. La pratique régulière d’uneactivité physique protège des maladies cardiaques et,en limitant l’obésité, prévient le diabète. Elle procureune sensation de bien-être et protège les personnesâgées de la dépression.

Une réduction de la circulation routière diminuerait lenombre de décès et de traumatismes gravesconsécutifs aux accidents de la route. Alors que lesaccidents de voiture causent des blessures chez lescyclistes et les piétons, les accidents de vélo neblessent qu’un nombre relativement peu élevé depersonnes. Des aménagements urbains bien planifiés,séparant cyclistes et piétons des voitures, augmententla sécurité des premiers.

Le développement de la marche à pied et du vélo, etune plus grande utilisation des transports en communstimuleraient les contacts sociaux dans les rues, alorsque les voitures ont plutôt isolés les gens les uns desautres. La circulation routière crée des divisions et

sépare les personnes vivant d’un côté d’une rue decelles qui habitent de l’autre côté. La diminution dunombre de piétons tend à réduire l’utilisation de la rueen tant qu’espace social, au point que le piéton isolécraint d’être agressé. Qui plus est, les banlieuesaccessibles uniquement aux voitures tendent à isolerles personnes qui n’en disposent pas, en particulier lesjeunes et les personnes âgées. L’isolement et lemanque de contacts sociaux sont fortement associés àune moins bonne santé.

À une réduction du trafic correspond une diminutiondes effets néfastes liés aux gaz d’échappement. Lamarche et la bicyclette réduisent la consommationd’énergies non renouvelables et ne contribuent pas auréchauffement de la planète. Elles n’engendrent pasde pollution atmosphérique, sont peu bruyantes etsont les modes de transport de choix pour les cités dufutur, écologiquement denses. Contrairement auxvoitures, les bicyclettes, qui peuvent être produiteslocalement, constituent un moyen de déplacement« écologique ».

L’action à menerMalgré leurs effets néfastes sur la santé, le nombre dedéplacements en voiture augmente rapidement danstous les pays européens, alors que les déplacements àpied ou à vélo diminuent. Les politiques nationales etlocales doivent inverser cette tendance. Cependant,les lobbies du transport sont puissants. Beaucoup desecteurs – ceux du pétrole, du caoutchouc, des travauxpublics, de la construction, de la vente et de laréparation de voitures, et de la publicité – ont intérêt àl’utilisation de la voiture. Au XXe siècle, des succès ontcommencé à être remportés dans la lutte contre laconsommation de tabac, d’alcool et de drogue ; auXXIe siècle, il faudra réduire la dépendance vis-à-vis dela voiture.

LES TRANSPORTS

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RÉFÉRENCES PRINCIPALES

La voiture devrait laisser la place à la bicyclette et à lamarche pour les déplacements courts, surtout dans lesvilles. Les transports publics devraient être amélioréspour les déplacements plus longs et il faudrait assurerdes liaisons régulières et fréquentes pour les zonesrurales. Les incitations doivent changer ; par exemple,il faut réduire les subventions de l’État pour laconstruction de routes, augmenter le soutien financieraux transports en commun, créer une taxe quipénaliserait l’utilisation professionnelle de la voiture, etaugmenter le coût du stationnement. Des modificationsde l’aménagement du territoire sont égalementnécessaires : conversion des routes en espaces verts,diminution des superficies de parking, réservation decertaines voies aux piétons et cyclistes, multiplicationdes couloirs d’autobus et des pistes cyclables et arrêtde la croissance des banlieues à faible densité et de laconstruction de supermarchés en dehors des villes. Deplus en plus, l’expérience prouve que la constructionde routes encourage l’usage de la voiture, alors que lesrestrictions apportées à la circulation des véhiculespeut, paradoxalement, réduire les embouteillages.

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Les routes doivent donner la priorité aux cyclistes.

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États membresAlbanieAllemagneAndorreArménieAutricheAzerbaïdjanBiélorussieBelgiqueBosnie-HerzégovineBulgarieCroatieDanemarkEspagneEstonieex-République yougoslave de MacédoineFédération de RussieFinlandeFranceGéorgieGrèceHongrieIrlandeIslandeIsraëlItalieKazakstanKirghizistanLettonieLituanieLuxembourgMalteMoldavieMonacoNorvègeOuzbékistanPay-BasPolognePortugalRépublique tchèqueRoumanieRoyaume-UniSaint-MarinSlovaquieSlovénieSuèdeSuisseTadjikistanTurkménistanTurquieUkraineYougoslavie

Le Bureau régional de l’OMSpour l’Europe

L’Organisation mondiale de lasanté (OMS), créée en 1948, estune institution spécialisée desNations Unies à qui incombe,sur le plan international, laresponsabilité principale enmatière de questions sanitaireset de santé publique. Le Bureaurégional de l’Europe est l’undes six bureaux régionaux del’OMS répartis dans le monde.Chacun d’etre eux a sonprogramme propre, dontl’orientation dépend desproblèmes de santé particuliersdes pays qu’il dessert.

Centre pour la santé urbaineOrganisation mondiale de la santéBureau régional de l’EuropeScherfigsvej 8,DK-2100 Copenhague Ø,DanemarkTéléphone +45 39 17 12 24http://www.who.dk/healthy-cities/