Les dessous des protestations étudiantes au venezuela (la jornada)

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Les dessous des protestations étudiantes au Venezuela Luis Hernandez Navarro - Journaliste mexicain - 04/03/14 …ou comment sont fomentées les révolutions de couleurs dans les pays opposés aux intérêts de Washington. Lorent Saleh est un jeune vé- nézuélien de 25 ans, excellent orateur, qui a fait des études de commerce international. C’est un des leaders de la coa- lition qui cherche à faire tom- ber le président Nicolas Madu- ro. Il dirige l’organisation Opé- ration Liberté, pour qui le cas- tro-communisme cubain est le principal ennemi du Venezue- la. Lorent a commencé son com- bat contre la révolution boliva- rienne en 2007. Il n’a pas lâché prise depuis. Il a organisé des grèves de la faim, tout comme des campagnes comme celle appelée « Chavez ment » (1). Même si il a abandonné les bancs de l’université depuis plusieurs années, il se présen- te toujours comme un leader étudiant. Et, bien qu’il n’ait pas d’emploi connu, il voyage à travers toute l’Amérique latine pour essayer d’isoler le gou- vernement de Maduro. Le jeune Saleh a de bons amis dans plusieurs pays. En Colom- bie, par exemple, il est protégé et aidé par l’Alliance nationalis- te pour la liberté et Troisième force, des mouvements néona- zis (El Espectador, 21/7/2013). Vanessa Eisig est une blonde sympathique de 22 ans, qui porte des lunettes et se décrit sur son compte Twitter comme une « guerrière de la lumière et bigame, mariée avec ses études et avec son pays ». Elle fait des études de communica- tion à l’Université Andrés Bello (2) et elle confesse qu’en parti-

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Un article du journal La Jornada (du 04/03/2014 - traduit par Le Grand Soir http://bit.ly/XvX5BO) sur ce que beaucoup de médias ne se prennent pas la peine d'enquêter... Il est intéressant de noter que Lorent Saleh, pseudo-étudiant vénézuélien, vient de se faire expulser par la Colombie et arrêter au Venezuela à cause de ses activités de déstabilisation.

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Les dessous des protestations étudiantes au Venezuela

Luis Hernandez Navarro - Journaliste mexicain - 04/03/14

…ou comment sont fomentées les révolutions de couleurs dans les pays opposés

aux intérêts de Washington.

Lorent Saleh est un jeune vé-nézuélien de 25 ans, excellent orateur, qui a fait des études de commerce international. C’est un des leaders de la coa-lition qui cherche à faire tom-ber le président Nicolas Madu-ro. Il dirige l’organisation Opé-ration Liberté, pour qui le cas-tro-communisme cubain est le principal ennemi du Venezue-la.

Lorent a commencé son com-bat contre la révolution boliva-rienne en 2007. Il n’a pas lâché

prise depuis. Il a organisé des grèves de la faim, tout comme des campagnes comme celle appelée « Chavez ment » (1). Même si il a abandonné les bancs de l’université depuis plusieurs années, il se présen-te toujours comme un leader étudiant. Et, bien qu’il n’ait pas d’emploi connu, il voyage à travers toute l’Amérique latine pour essayer d’isoler le gou-vernement de Maduro.

Le jeune Saleh a de bons amis dans plusieurs pays. En Colom-

bie, par exemple, il est protégé et aidé par l’Alliance nationalis-te pour la liberté et Troisième force, des mouvements néona-zis (El Espectador, 21/7/2013).

Vanessa Eisig est une blonde sympathique de 22 ans, qui porte des lunettes et se décrit sur son compte Twitter comme une « guerrière de la lumière et bigame, mariée avec ses études et avec son pays ». Elle fait des études de communica-tion à l’Université Andrés Bello (2) et elle confesse qu’en parti-

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cipant aux protestations elle a le sentiment de laisser sa trace dans l’histoire.

Vanessa milite aux Jeunesses Actives Venezuela Unie (JAVU). Elle exige la déposition de l’u-surpateur Nicolas Maduro et de tout son gouvernement. L’organisation a comme emblè-me un poing droit de couleur blanche, lequel –selon elle- « est un signe de résistance et un pied de nez au socialisme ».

JAVU, qui promeut l’initiative Opération Liberté, a joué un rôle important dans les actuel-les perturbations que vit le Ve-nezuela. Fondée en 2007, l’or-ganisation se définie comme une plateforme juvénile de ré-sistance, qui cherche à renver-ser « les piliers qui soutien-nent un gouvernement qui méprise la Constitution, porte atteinte à nos droits et offre notre souveraineté sur un pla-teau d’argent aux décrépites frères Castro ».

Dans son communiqué du 22 février de cette année, JAVU a dénoncé « des forces étrangè-res ont assiégé militairement

le Venezuela. Leurs mercenai-res nous attaquent de façon vile et sauvage. Son objectif est de nous convertir en escla-ves ». Selon eux, pour obtenir la liberté il est vital de défen-dre la souveraineté de la na-tion, en expulsant les commu-nistes cubains qui usurpent le gouvernement et les Forces Armées.

JAVU est inspirée et maintient une étroite relation avec Ot-por, ce qui signifie Résistance en espagnol, et avec le Centre pour l’application d’actions et de stratégies non violentes

(Canvas en anglais). Otpor était un mouvement étudiant crée en Serbie pour éjecter du gouvernement le président Slobodan Milosevic en 2000, qui a reçu de financements d’agences gouvernementales étatsuniennes. Canvas est le nouveau visage d’Otpor.

Le gourou de ces groupes est le philosophe Gene Sharp, qui revendique l’action non-violente pour faire tomber les gouvernements. Sharpe a fon-dé l’Institut Albert Einstein, promoteur des « révolutions de couleur » dans des pays qui

Le mouvement Otpor, en

serbe cyr illique Отпор

(« Résistance »), est une

organisation polit ique, créée

en 1998 , avec le soutien de

l'organisation amér icaine

National Endowment for De-

mocracy, organisatr ice de

nombreuses révoltes violen-

tes ou non de par le mon-

de, dans les pays opposés

polit iquement aux États-Unis

et généralement considérée comme l'un des acteurs majeurs de la

chute de Slobodan M ilošević. Après la chute du régime, Otpor est

devenu le centre de formation pour l'act ion non-violente et a formé

des jeunes révolut ionnaires de différents pays, en Géorgie, puis en

Ukraine, mais aussi en Biélorussie, aux Maldives, en 2011 Égypte

et en 2013 au Venezuela. (W ikipedia)

Jeunes vénézuéliens membres de

l’organisation JAVU, Juventud Activa

Venezuela Unida.

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ont des intérêts contraires à ceux de l’OTAN et de Washing-ton.

Des câbles diffusés par Wiki-leaks ont rendu public le fait que le Canvas – présent au Ve-nezuela depuis 2006 – a élabo-ré pour l’opposition de ce pays un plan d’action, dans lequel il est proposé d’utiliser les grou-pes d’étudiants et les acteurs informels pour construire toute une infrastructure et exploiter leur légitimité dans la lutte contre le gouvernement d’Hugo Chavez.

La relation entre JAVU, Otpor et Canvas est très étroite. Comme l’a confessé Marialvic Olivares,

militante du groupe d’extrême droite : « les organisations in-ternationales qui nous soutien-nent en ce moment ont tou-jours travaillé avec nous, pas seulement pour les protesta-tions, mais aussi pour des for-mations, nous avons toujours marché main dans la main ». Nous n’avons pas honte, cela ne nous fait pas peur de le dire ».

Mais les liens entre les jeunes dirigeants étudiants vénézué-liens et les think tanks et agen-ces de coopération de droite vont beaucoup plus loin que l’alliance avec Optor/Canvas. Diverses fondations étatsunien-nes ont financé ouvertement le mouvement dissident. Celui-ci a

aussi pu compter sur le Parti Populaire d’Espagne et sur l’or-ganisation juvénile de Silvio Ber-lusconi en Italie.

C’est le cas du jeune avocta Yon Goicochea, étoile scintillante des protestations de 2007 et qui étudie aujourd’hui une maî-trise à l’Université de Columbia, après s’être encarté au parti de Henrique Capriles et l’avoir abandonné lorsqu’il n’a pas ob-tenu le poste de député qu’il

Le National Endowment for Democracy (NED) (en français, Fondation nationale pour la démocratie) est une

fondation pr ivée à but non lucratif des États-Unis dont l'objectif déclaré est le renforcement et le progrès

des institutions démocratiques à travers le monde.

La NED a été fondée en 1983 et la plus grande par t de ses fonds provient du dépar tement d'État des États

-Unis, avec approbation du Congrès.

Depuis sa création conjointement par les républicains et les démocrates, la NED est restée bipar tite. Elle

est dir igée par un conseil équilibré entre les deux par tis et est soutenue par l'ensemble des formations poli-

t iques du Congrès.

La NED publie le Journal of Democracy (en), dif-

fusé mondialement, et Encuentro de la Cultura

Cubana, un tr imestr iel spécialement publié pour

Cuba, ainsi que des livres collectifs.

L'ancien directeur de la CIA, W illiam Colby, déclarait en 1982 , dans le W ashington Post, à propos du pro-

gramme de la NED : « Il n'est pas nécessaire de faire appel à des méthodes clandestines. Nombre des pro-

grammes qui [...] étaient menés en sous main, peuvent désormais l'être au grand jour , et par voie de

conséquence, sans controverse ».

En 1991 , un des fondateurs de la NED, Allen W einstein (en), expliquait au W ashington Post que « bien des

choses qu'ils [à la NED] faisaient maintenant étaient faites clandestinement par la CIA 25 ans auparavant ».

Selon Ralph Morr is Goldman, cer tains au Congrès soupçonnent tout effor t de collaboration entre les grands

par tis comme une forme douteuse de connivence pour se par tager les fonds publics et le parrainage. D'au-

tres voient dans le programme de démocratie de la NED soit le prolongement des opérations polit iques se-

crètes de la Central Intelligence Agency (CIA) soit l'instrument des préjugés idéologiques du Président Rea-

gan. Du fait que dans les années passées la CIA a été impliquée, quelque peu maladroitement, dans la diffu-

sion d'assistance polit ique, un nouveau et officiel programme d'assistance sera sans aucun doute perçu au

début comme la continuation des activités de la CIA. Ainsi W illiam Blum écr it que cet organisme a été créé

spécialement pour servir de substitut à la CIA. (W ikipedia)

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NDT (1) La campagne de propagande « Chavez ment » a été lan-cée en 2010 par le mouvement étudiant Jeunesse Active Ve-nezuela Unie (JAVU) dans 17 régions du pays avec pour ob-jectif de « dénoncer les mensonges réitérés du Président de la République (Hugo Chavez à l’époque) et montrer aux vé-nézuéliens avec quelle facilité il continue de tromper le peu-ple qui a voté pour lui », d’après Ulises Rojas, secrétaire de Communication de cette organisation. En 2009, cette organi-sation avait lancé la campagne « Chavez est coupable » ; Lo-rent Saleh était alors le secrétaire général de cette organisa-tion.

(2) L’Université Catholique Andrés Bello est une université privée située à Caracas, membre de l’Association des Univer-sités confiées à la Compagnie de Jésus en Amérique Latine (AUSJAL) ; elle fait partie des 10 meilleures universités du pays d’après le Conseil supérieur de recherches scientifique. Elle a formé de nombreuses personnalités vénézuéliennes, parmi lesquelles l’on peut compter Henrique Capriles Ra-donski (gouverneur de l’Etat de Miranda et candidat malheu-reux aux présidentielles de 2012 contre Hugo Chavez et de 2013 contre Nicolas Maduro) et María Corina Machado

(actuelle députée de l’opposition qui risque de perdre son immunité parlementaire si l’enquête sollicitée le 19/03/2014 par l’Assemblée Nationale au Ministère public aboutit – elle est accusée de planification de coup d’état et de mener des actions de déstabilisation contre le gouvernement).

(3) L’Institut Cato est un think tank étatsunien qui annonce dans ses statuts soutenir des politiques qui défendent « les libertés individuelles, un gouvernement réduit, les libertés économiques et la paix. » Les universitaires qui en font par-tie défendent souvent des positions libertariennes : abolition du salaire minimum, suppression de l’État-providence et des barrières douanières, retrait de l’État du marché, etc. Il dé-cerne depuis 2002 le prix Milton Friedman (tous les deux ans) à ceux « qui ont fait une contribution remarquable au progrès de la liberté humaine ».

(4) Milton Friedman est un économiste étatsunien (1912-2006) considéré comme l’un des économistes les plus in-fluents du XXe siècle, titulaire du « prix Nobel d’économie » en 1976 pour ses travaux sur « l’analyse de la consomma-tion, l’histoire monétaire et la démonstration de la complexi-té des politiques de stabilisation », il a été un ardent défen-seur du libéralisme. Il fut à l’origine du courant monétariste ainsi que le fondateur de l’École de Chicago.

souhaitait. En 2008 il a été généreusement récom-

pensé pour son compromis dans la lutte contre

Hugo Chavez. L’Institut Cató (3) lui a remis le pris

Milton Friedman (4) pour de Liberté, d’un demi

million de dollars.

Le Mouvement Social Universitaire 13 Mars, orga-

nisation étudiante présente à l’Université des An-

des, est une autre forcé qui a joué un rôle impor-

tant dans la tentative de renverser le gouverne-

ment de Maduro. Son dirigeant le plus connu est

Nixon Moreno, ancien étudiant de sciences politi-

ques, accusé d’avoir violé Sofia Aguilar, aujourd-

’hui fugitif et exilé au Panama.

Ces jeunes savent ce qu’ils font : promouvoir la

déstabilisation politique. Ils reçoivent des finance-

ments de l’étranger. Ils militent dans les files de

l’ultra-droite et de l’anticommunisme. Ils sont xé-

nophobes. Ils ont des liens avec des organisations

nazies et conservatrices dans plusieurs pays. Ils

travaillent main dans la main avec des hommes

politiques de la droite radicale [vénézuélienne,

ndt] comme Leopoldo López, Maria Corina Macha-

do et Antonio Ledezma.

Bien qu’ils reçoivent tous ces soutiens, Lorent Sa-

leh, l’instigateur d’Opération Liberté se plaint :

« Nous sommes extrêmement seuls ». Il a en par-

tie raison. Ils ne provoquent ni sympathie ni soli-

darité aux autres jeunes latino-américains. Au

contraire, ils suscitent méfiance et rejet. Quoi de

plus normal lorsqu’on voit leurs connexions ? Leur

cause n’a rien à voir avec les idéaux du mouve-

ment étudiant-populaire mexicain de 1968. Au

Chili [qui a connu un soulèvement étudiant sans

précédent en 2011 notamment pour la gratuité de

l’enseignement, ndt], ce n’est pas pour rien que

les combatifs étudiants les ont répudiés publique-

ment. Pour eux, les serviteurs de la réaction sont

indéfendables.

Luis Hernández Navarro — Journaliste mexicain

Titre original : « Venezuela :

los cachorros de la reac-

ción », La Jornada 04/03/2014

www.jornada.unam.mx/2014/03/04/opinion/021a1pol

Traduction pour Le Grand Soir

www.legrandsoir.info/