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Les dermatoses professionnelles

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2 Suva Médecine du travail n° 11

SuvaMédecine du travailCase postale, 6002 Lucerne

RenseignementsTél. 041 419 58 51

Commandeswww.suva.ch/publicationsFax 041 419 59 17Tél. 041 419 58 51

Les dermatoses professionnelles

Auteur Dr. med. Hanspeter Rast,Division Médecine du travail, Suva, Lucerne(Auteur de la première édition: Dr. med. G. Ziegler)

Reproduction autorisée, sauf à des fins commerciales, avec mention de la source.1re édition – février 1974

12e édition remaniée – février 2009 – de 16000 à 17000 exemplaires

Référence 2869/11.f

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Index

A. Définition et classification 5

B. Causes 6

C. Pathogénie 8

D. Tableaux cliniques, diagnostic, pronosticet thérapeutique 14

E. Prévention technique et médicale 28

F. Fréquence, professions exposées 31

G. Aspects légaux 32

H. Statistique 34

I. Bibliographie 35

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A. Définition et classification

1. Définition

Les dermatoses professionnelles apparaissent en général au coursd'une activité professionnelle prolongée, dans des conditions de travail quine sont pas forcément exceptionnelles. Il est rare qu'un événement uniquesoit à l'origine d'une dermatose professionnelle. Les altérations accidentellesde la peau (coupures, déchirures, contusions; brûlures causées par la chaleurou un agent caustique; dermites actiniques aiguës) ne constituent pas desdermatoses professionnelles. Par ailleurs, nous ne pouvons aborder ici cer-taines dermatoses professionnelles très rares.

2. Classification

Les dermatoses professionnelles sont causées par:

● des agents physiques

● des agents chimiques

● des agents microbiens

● des plantes et des animaux

Le plus souvent, plusieurs facteurs agissent simultanément. Le nombredes atteintes plurifactorielles est élevé.

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B. Causes

Les dermatoses professionnelles résultent pratiquement toujours del'action externe d'agents nocifs de nature diverse. Certains facteurs consti-tutionnels peuvent aussi intervenir.

Atteintes cutanées par agents physiques

● Atteintes cutanées mécaniques

● Atteintes cutanées par le chaud ou le froid

● Atteintes cutanées par la lumière solaire, les rayons ultravioletsartificiels et les lasers

● Atteintes cutanée par les radiations ionisantes.

Atteints cutanées par agents chimiques

Substances à effet toxique: après un temps d’exposition qui dépend dela concentration, elles provoquent immanquablement une lésion de l’épiderme(dermatite de contact toxique par solvant, alcali, acide, produits de nettoyage).

Substances allergisantes: elles provoquent une sensibilisation chezcertaines personnes et agissent parfois même en traces. Des eczémas decontact allergiques typiques sont provoqués notamment par certains selsmétalliques comme ceux du chrome, du nickel et du cobalt, la formaline, lesrésines époxy, les acrylates et méthacrylates, les composés aromatiques nitrésou aminés (p.ex. la paraphénylènediamine), les carbamates, les parfums et lesagents de conservation.

Substances à effet photodynamique: elles provoquent des réactionsphototoxiques ou photoallergiques de la peau: furocoumarines de certains sucsde plantes (dermite bulleuse des prés), composants du goudron de houille,dérivés halogénés de la salicylanilide (désinfectants), éclaircisseurs optiques(dans les poudres à lessive).

Substances lésant les follicules: huiles minérales, certains composantsdu goudron de houille, hydrocarbures cycliques chlorés.

Substances provoquant une dépigmentation de la peau: phénols alkylés.

Substances cancérigènes: 3,4-benzopyrène, dibenzoanthracène dugoudron et de la poix.

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Atteintes cutanées par agents microbiens

Bactéries et virusChampignons (hyphomycétes et levures du genre Candida)

Atteintes cutanées par des plantes

Tabacs, fleurs (primevère, chrysanthème, géranium, tulipe), plantes et bois exo-tiques, aliments (citron, céleri, carotte, artichaut, aromates, farines), latex.

Atteintes cutanées par des animaux

Chenilles, poux, acariens et leurs larves (gale des céréales), cercaires.

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C. Pathogénie

1. Irritants physiques

Actions mécaniques sur la peau

Un frottement d’intensité moyenne provoque la formation de bulles parlésion des cellules épidermiques et décollement de la couche cornée. Unfrottement ou une pression légers mais durables amènent un épaississement decette couche. Les micro-traumatismes sont la cause d’érosions et de rhagadesminuscules. La pénétration de corps étrangers (fibres de verre, d’amiante,poussières métalliques, poils d’animaux) peut provoquer des réactions cutanéesinflammatoires et des granulomes. On observe des troubles de la circulationartérielle chez les personnes qui manipulent des outils vibrant à des fréquencessupérieures à 80 Hz.

Actions caloriques sur la peau

Chaleur: I’exposition chronique à la chaleur rayonnante aboutit à unépaississement de la couche cornée avec vasodilatation durable. Les chaleursélevées causent un érythème réticulé avec pigmentation, alors que les onglesprésentent des altérations dystrophiques. Une forte transpiration peut favoriserl’apparition d’une dyshidrose avec formation de vésicules et de bulles au niveaudes mains et des pieds.

Froid: le froid humide peut provoquer à la longue crevasses et rhagades.Si le refroidissement est plus intense, des lésions tissulaires locales peuventapparaître en surface.

Lésions cutanées dues à la lumière

Seule ou associée à d’autres facteurs exogènes, la lumière peut êtreresponsable de lésions cutanées professionnelles. Les infra-rouges (700–1200nm; 1 nm = 10 A° = 10 -9 m) n’ont qu’une action calorique. Parmi les ultraviolets,ceux qui ont la plus grande longueur d’onde (330–400 nm), soit les UVA,pénètrent jusque dans le derme (chorion) et provoquent une pigmentationnon-inflammatoire de la peau. Les UV-B, de longueur d’onde plus courte (290–330 nm) ne pénètrent que jusqu’au corps muqueux de Malpighi dont ils peuventléser les cellules. Il en résulte un érythème avec pigmentation et épaississementde la couche cornée. Les UV-C (250–290 nm) sont présents dans la lumière émisepar des sources artificielles mais pas dans celle du soleil. Ils produisent une im-

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portante réaction inflammatoire de la peau et des conjonctives. Les cellules quisont lésées par les rayons lumineux sont les mélanocytes, les kératinocytes etles fibroblastes. Au sein du spectre solaire, les UVB exercent une action mu-tagène connue sur l’ADN. Mais les UVA à haute énergie ont également cet effetà un moindre degré et contribuent notamment au vieillissement de la peau.

Lésions cutanées par radiations ionisantes

Les rayonnements électromagnétiques (rayons X et gamma) et corpus-culaires (rayonnements de particules α et β, de neutrons, de protons) lèsent lescellules par des processus d’ionisation. Leurs effets varient avec leur pouvoirionisant. La publication de la Suva No 2869/4 donne de plus amples ren-seignements sur les affections provoquées par les radiations ionisantes.

2. Irritants chimiques

Lésions toxiques des cellules épithélialespar des substances agressives

Troubles fonctionnels, «stigmates», professionnels: les irritations cu-tanées légères et de relativement courte durée ne laissent aucune marquedurable. Les lésions de la couche cornée sont immédiatement comblées. Lorsd’irritations intermittentes, un accroissement de l’activité mitotique des cellulesde l’épiderme produit une hyperkératose réactionnelle (phénomène d’adapta-tion). Son apparition nécessite cependant un certain temps et elle persiste égale-ment relativement longtemps.

Dermatoses d’usure (eczéma irritatif chronique, eczéma toxique cumu-latif): Les irritations répétées, isolément incapables de provoquer des lésions,aboutissent cependant à la longue à l’épuisement des facultés régénératricesde la peau. Les irritants peuvent alors pénétrer plus profondément l’épidermedont ils lèsent les cellules vivantes, et il en résulte une inflammation non-spéci-fique (dermite toxique chronique). Des érosions et des rhagades peuvent appa-raître. Aucun processus allergique n’est en jeu. En revanche, outre le pouvoir derégénération de la peau, ce sont la durée d’exposition et la concentration de l’ir-ritant qui sont déterminants pour l’apparition de ces dermatoses d’usure.Les lésions par usure surviennent lorsque l’irritation dépasse un certain seuild’intensité. Ce seuil varie dans certaines limites d’un sujet à l’autre, en fonctionde facteurs cutanés constitutionnels ou acquis. L’examen histologique montredes altérations dégénératives avec hypo- ou hyperrégénération. La spongiosebasale typique des eczémas allergiques n’est que faiblement présente. Letableau est dominé par l’hyperkératose et l’acanthose.

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Dermite toxique aiguë («eczéma toxique aigu»): l’exposition massive àdes substances toxiques pour la peau (acides ou bases moyennement concen-trés) provoque une dermite toxique aiguë en raison de la lésion des cellules épi-dermiques. Les acides et les bases forts provoquent des brûlures (accidents!).

Dermite de contact allergique

La sensibilitation de la peau provient de contacts répétés avec cer-taines substances (antigènes) qui parviennent à pénétrer l’épiderme et à ac-quérir des propriétés allergisantes en réagissant avec les protéines cutanées.Il s’agit le plus souvent de composés chimiquement actifs qui réagissentfacilement avec les protéines (exemples p. 6: substances allergisantes etchapitre statistique p. 36 «Allergènes cutanés les plus fréquents en 2002»).Les complexes antigène-protéine se fixent sur les cellules épidermiques den-dritiques (cellules de Langerhans) et parviennent dans les ganglions ré-gionaux par les voies lymphatiques afférentes où ils sensibilisent une lignéede lymphocytes T spécifiques et déclenchent leur prolifération. Ces derniersgagnent la peau par voie sanguine. Lors du contact des lymphocytes T sen-sibilisés avec l’antigène correspondant, une réaction eczémateuse allergiquese produit après quelques heures ou quelques jours (réaction tardive); le dé-cours de cette réaction est le même pour toutes les substances sensibil-isantes. Elle induit un oedème intra – et intercellulaire dans les couches pro-fondes de l’épithélium, provoquant une spongiose et la formation devésicules. Il s’agit là de la réaction eczémateuse classique (dermite ou eczé-ma de contact allergique). La spécificité de la sensibilisation peut être dé-montrée par des tests épicutanés.

Il faut distinguer les formes aiguës, récidivantes et chroniques de l’eczé-ma de contact allergique. La dermite de contact causée par les protéines enconstitue une forme particulière. L’urticaire de contact est une atteinte plutôtrare qui peut être déclenchée par des mécanismes allergiques et non allergiques.

Réactions cutanées phototoxiques et photo-allergiques

Les réactions phototoxiques surviennent obligatoirement et dès le pre-mier contact, alors que les photo-allergiques ne concernent que certaines per-sonnes, et seulement après une exposition relativement longue.

Lésions cutanées phototoxiques par les furocoumarines: L’action com-binée sur la peau des rayons UV-A de la lumière solaire et des furocoumarinescontenues dans le suc de certaines plantes (panais, rue, grande berce, angéli-que) aboutit, à l’endroit irradié, a des nécroses dans le corps muqueux de Mal-pighi, lequel se soulève ensuite par la formation de bulles. Immédiatement aprèsapparaît une forte pigmentation.

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Lésions phototoxiques par le goudron de houille: Ce goudron contientquelques composés phototoxiques: anthracène, pyrène, fluoranthène, benzo-pyrène et analogues. Lorsque la peau a été en contact avec ces composés etqu’elle est ensuite exposée aux UV-A de la lumière solaire, il se produit unedégénérescence dans le corps muqueux de Malpighi ainsi qu’une infiltrationIymphocytaire des papilles et un dépôt de pigment.

Lésions photo-allergiques de la peau: Elles ne surviennent que chez derares personnes, après un temps de sensibilisation de quelques semaines àplusieurs mois. Elles résultent de l’action des UV-A ou des rayons visibles decourte longueur d’onde de la lumière solaire conjuguée à celle de l’une ou l’autredes substances suivantes: salicylanilides halogénés (désinfectants), phéno-thiazines (médicaments psychotropes), sulfamidés, éclaircissants optiques(produits à lessive). Les réactions photo-allergiques provoquent une infiltrationIymphohistiocytaire prononcée dans le derme avec spongiose de l’épiderme.

Lésions chimio-toxiques des follicules

Les huiles minérales, certains produits de distillation du goudron dehouille et les hydrocarbures cycliques halogénés stimulent la production de kéra-tine des follicules pileux, ce qui aboutit à la kératose folliculaire, aux comédons,à des altérations cutanées acnéiformes. Il s’agit de réactions toxiques localiséessans participation bactérienne primaire. Les réactions généralisées sont rares.

Huiles minérales: les huiles de coupe provoquent une kératose follicu-laire, une acanthose épidermique avec forte réaction inflammatoire autour desannexes cutanées ainsi que des micro-abcès.

Produits de distillation du goudron de houille: les huiles lourdes, le gou-dron et le brai de goudron causent des kératoses folliculaires avec réaction in-flammatoire modérée, ainsi qu’une production marquée de mélanine dans lescouches profondes de l’épiderme et le chorion.

Hydrocarbures cycliques chlorés: la toxicité marquée pour l’appareil fol-liculaire de certaines substances de ce groupe est bien connue, notamment cel-le de la chloronaphtaline, de l’oxyde de diphényle chloré et de la tétrachlorodi-benzodioxine. Elles provoquent une kératose folliculaire prononcée avecformation de gros kystes de rétention kératinique. Les plus toxiques peuventmême léser des organes internes (foie, système nerveux) et provoquer des symp-tômes généraux (fatigue, faiblesse, céphalées).

Lésions chimio-toxiques des cellules pigmentaires

Par action directe ou résorption systémique, les phénols alkylés peuventléser les mélanocytes, cellules responsables de la pigmentation cutanée et

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provoquer une dépigmentation de la peau. Ce sont avant tout les dérivés desphénols et du catéchol (p-tertiobutylphénol, éther monobenzylique de l’hydro-quinone) qui ont cette propriété. Ils se rencontrent en petites quantités commeantioxydants dans de nombreux produits.

Lésions cutanées par substances cancérigènes

L’action chronique de substances cancérigènes telles que le 3,4-ben-zopyrène ou le dibenzoanthracène (présentes dans le goudron et ses produitsde distillation ainsi que dans la suie) peut aboutir après des années à des pré-cancéroses ou à des cancers de la peau.

3. Agents microbiens et parasitaires

Infections bactériennes

Les matériaux infectés par des bactéries qui entrent en contact avec la peauy pénètrent et provoquent des infections. Les staphylocoques, responsables de lamajorité des infections professionnelles (pyodermies), se multiplient aisément chezles personnes qui font des travaux rudes, sales, ou qui sont exposées à la chaleurou à l’humidité. L’infection par le bacille du rouget du porc (Erysipelothrix rhu-siopathiae) se fait par voie percutanée. Ce ne sont pas seulement les porcs quitransmettent ce bacille, mais d’autres animaux aussi (gibier, volailles).

Infections virales

L’éclosion d’une infection par le virus atténué de la vaccine est facilitéepar l’irritation mécanique de la peau chez ceux qui traient à la main. Cette in-fection aboutit aux altérations cutanées caractéristiques connues sous le nomde nodule des trayeurs.

Mycoses

Infection par hyphomycètes (dermatophytes):Le personnel de certains laboratoires et de branches professionnelles oùexistent des contacts avec les animaux domestiques (abattoirs, agriculture,boucheries, chenils) ont des contacts avec les hyphomycètes. Les lésionsmécaniques de la peu facilitent la pénétration du champignon dans l’épi-derme et les zones pileuses.

En raison de la grande diffusion de mycoses plantaires au sein de la po-pulation (Epidermophyton Kaufmann-Wolf, Trichophyton rubrum), la démons-

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tration de l’origine professionnelle en est pratiquement impossible. L’humidité,la chaleur et la promiscuité dans certains établissement publics favorisent l’é-closion de mycoses des pieds. Hyperhidrose et mauvaise circulation sanguinelocale favorisent la propagation des champignons dans la kératine.

Infection par les levures: les contacts avec le Candida albicans sur-viennent lors de la manipulation d’aliments riches en hydrates de carbone(fruits, légumes, sucreries), ainsi que lors de travaux de nettoyage. Humiditéet macération jouent un rôle, en plus de facteurs internes (tendance au dia-bète). Le Candida albicans peut également causer des paronychies et desmycoses unguéales.

Lésions cutanées par parasites

Les contacts professionnels avec des poux, des chenilles et leurs poils,des acariens et leurs larves (Trombicula autumnalis) sont possibles selon les caspour les agriculteurs et les sylviculteurs. La borréliose de Lyme est transmise parles tiques (érythème chronique migrant); cette forme de contamination est con-sidérée par les assurances comme un accident.

4. Rôle de facteurs étrangers à la maladieprofessionnelle

Facteurs constitutionnels

L’état et la susceptibilité individuelle de la peau sont influencés pardes facteurs constitutionnels. Ces derniers peuvent favoriser l’apparition dedermatoses professionnelles. Les mêmes agressions ont donc des résultatstrès divers selon les individus. La prédisposition atopique joue un rôle toutparticulier.

Mécanismes de défense de la peau normaux ou altérés

La peau saine peut se défendre contre les agents physiques, chimiquesou microbiens. Ces mécanismes de défense dépendent de l’épaisseur et del’élasticité de la peau, du film superficiel formé de corps gras et de sueur, del’intégrité de la couche cornée, de la résistance aux alcalis et de la circulationsanguine.

Une peau sèche favorise l’apparition des dermites toxiques. Une peauhumide avec hyperhidrose laisse plus facilement pénétrer les substancestoxiques et favorise la croissance des bactéries et des champignons, en rai-son de l’oedème et de la macération.

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D. Tableaux cliniques, diagnostic,pronostic et thérapeutique

1. Dermatoses professionnelles par agentsphysiques

Lésions mécaniques

Les bulles dues à des frottements répétés et les callosités par com-pression ont dans certains métiers des localisations caractéristiques: régionprérotulienne chez les carreleurs, paumes des mains chez les travailleursmanuels. Chez les personnes qui manipulent des objets rugueux, on observedes zones d’hyperkératose ou des rhagades. La laine de verre provoque unexanthème prurigineux avec de petites papules.

Lésions caloriques

Chaleur: chez les travailleurs de fonderies, de chaufferies et les souf-fleurs de verre, on observe sur les parties exposées un érythème réticulaire etdes pigmentations; les ongles sont fragiles, cassants; il existe une kératose cir-conscrite et des zones d’atrophie de la peau. En cas de sudation abondante, denombreux petits nodules rouges ou de nombreuses vésicules apparaissent surle tronc (miliaire rouge).

Froid: la peau exposée chroniquement au froid humide se crevasse, desrhagades apparaissent. Les engelures des personnes qui travaillent dans lesforêts ou les entrepôts frigorifiques ne sont pas considérées comme maladiesprofessionnelles car elles sont conditionnées avant tout par des facteurs cons-titutionnels (troubles circulatoires).

Lésions actiniques

Parmi les lésions résultant de la seule action de la lumière, on compte lecoup de soleil. Selon la gravité, on constate un érythème, une vésiculation ouune nécrose épithéliale. Chez les personnes qui travaillent en plein air, I’actionchronique de la lumière aboutit à une atrophie cutanée avec dépigmentation ouhyperpigmentation, on peut même observer des précancéroses ou des carci-nomes.

Lésions par radiations ionisantes

Les lésions chroniques résultent de l’action relativement prolongée dedoses de rayons subliminaires. L’effet des radiations s’additionnant, la peau de-

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vient à la longue sèche, atrophique (nette diminution du relief des empreintesdigitales) et délicate, des ectasies vasculaires apparaissent. Les ongles devien-nent ternes et cassants.

2. Dermatoses professionnelles par agentschimiques

Dermite de contact toxique – dermatose d’usure

Comme dans les dermatoses toxiques banales dues à des agents al-calinisants, dégraissants et desséchants (eau, savons, shampoo, alcalis dilués,solvants), la peau devient sèche et légèrement rouge; elle desquame et présentedes crevasses (fig. 1). Aux endroits où la peau est particulièrement épaisse,calleuse, les lésions hyperkératosiques et rhagadiformes occupent le devant dutableau clinique. Il peut y avoir formation de vésicules toxiques par acantholysemais, contrairement à ce qu’il se passe dans les eczémas de contact allergiques,on ne trouve point de papulo-vésicules. Les lésions sont limitées aux endroitsexposés, il n’y a pas de dissémination à d’autres territoires cutanés.

Eczéma de contact allergique

Dans les formes aiguës, la peau est érythémateuse et oedématiée, avecdes papules et des vésicules prurigineuses (fig. 2). Les vésicules s’ouvrent facile-ment, laissant s’écouler un liquide séreux qui se dessèche et forme des croûtes.Dans les formes subaiguës, les papules érythémateuses prédominent, souventrecouvertes d’une petite croûte (fig. 3). Dans la forme chronique enfin, la peauprend un aspect grossier (lichénification) (fig. 4). Lorsque la sensibilisation estforte, des foyers de dissémination peuvent apparaître à distance du foyer pri-maire: I’antigène résorbé est transporté par voie Iymphatique ou sanguine dansdes territoires cutanés plus ou moins éloignés où il déclenche une réactionantigène-anticorps.

Dermatoses professionnelles acnéiformes

Acné due aux huiles («bouton d’huile»): Elle se rencontre sur tout chezles ouvriers des industries métallurgiques dont la peau entre en contact avecdes huiles minérales, et siège au dos des mains, à la face d’extension des avant-bras, sur les parties latérales du visage ainsi qu’aux endroits où les habits detravail souillés d’huile entrent en contact avec la peau. Elle est faite de kérato-se folliculaire, de comédons noirs et de papules ou de papulo-pustules inflam-matoires (fig. 5). Les abcès laissent souvent une cicatrice.

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Fig. 1: Dermatose d’usure (collection dermatologique Ciba)

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Fig. 2: Eczéma de contact aigu (collection dermatologique Ciba)

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Fig. 3: Eczéma subaigu (collection dermatologique Ciba)

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Fig. 4: Eczéma chronique (collection dermatologique Ciba)

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Fig. 5: Acné due aux huiles (collection dermatologique Ciba)

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Fig. 6: Kérato-acanthome (collection du Professeur W. Burckhardt)

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Acné du goudron: Rare aujourd’hui. Le tableau clinique est le même quecelui de l’acné due aux huiles minérales. Par ailleurs, certaines substancesphototoxiques contenues dans les goudrons provoquent une pigmentation enplaques de la peau (mélanose du goudron).

Dermatoses acnéiformes par les hydrocarbures cycliques chlorés: Ac-tuellement rares. Elles se rencontrent chez les ouvriers des industries électri-ques, des câbleries, des industries chimiques, et siègent surtout au visage etaux parties découvertes du cou et de la nuque. Dans certains cas, les lésionspeuvent s’étendre au tronc et aux membres, mains et pieds restant toutefoisépargnés. On constate la présence de comédons serrés les uns contre lesautres, avec kystes de rétention, nodules, pustules et furoncles. La maladie esttrès lente à guérir.

Photodermatoses professionnelles

Dermatoses professionnelles photo-allergiques: Un érythème aigu pru-rigineux apparaît sur les territoires cutanés exposés à la lumière. Les lésions peu-vent aussi essaimer dans d’autres territoires, ce qui n’est pas le cas dans lesdermatoses phototoxiques. L’évolution est souvent périodique, les pousséesultérieures pouvant être déclenchées par la seule exposition à la lumière.

Dermatoses professionnelles phototoxiques: La mélanose du goudronintéresse le visage et le cou où apparaît une dyspigmentation cutanée brunvio-let, diffuse, en plaques ou réticulée. Cette pigmentation persiste longtemps.Dans la dermite des près professionnelle, qui s’observe chez les jardiniers et lesagriculteurs, les parties de la peau exposées au soleil présentent des bandesérythémateuses qui s’entrecroisent et qui correspondent en quelque sorte à des«décalques» des plantes en cause. De relativement grandes bulles peuvent aus-si se développer. Les zones cutanées atteintes conservent parfois longtempsune pigmentation foncée.

Leucodermies d’origine chimique

Leur présentation clinique est souvent identique à celle d’un vitiligoidiopathique avec répartition symétrique des dépigmentations sur le corps entier.Mais elles peuvent également toucher uniquement les zones de contact, commeles mains et les avant-bras. La dépigmentation est en général irréversible.

Cancers cutanés professionnels

lls siègent surtout à la tête, au cou, aux organes génitaux et aux avant-bras. Outre les papillomes bénins, il s’agit de kératoses ou de dyskératoses pré-cancéreuses (maladie de Bowen), d’épithéliomas baso-cellulaires, de kérato-acanthomes («verrues du goudron» – fig. 6) ou d’epithéliomas spinocellulaires.Dans les zones cutanées particulièrement exposées au soleil, des lésions tar-

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dives peuvent s’observer sous la forme de kératoses actiniques, de carcinomesspinocellulaires ou, dans de rares cas, de lentigo malin.

3. Dermatoses professionnelles microbiennes

Pyodermites

Les microbes pyogènes causent l’impétigo, les folliculites, les furoncles.La surinfection de lésions cutanées préexistantes retarde souvent leur guérison.

Erésipéloïde

Le bacille du rouget du porc, qui pénètre en général par une petiteblessure à un doigt, cause tout d’abord localement un oedème inflammatoire dela peau de couleur rouge clair. Il est rare que de fortes réactions généralessurviennent. Cette infection s’observe très rarement chez le personnel des abat-toirs, les vétérinaires, les bouchers et les cuisiniers.

Nodules des trayeurs

lls sont dus au virus atténué de la vaccine et consistent en bulles de lataille d’un pois, d’aspect opaque, sur un fond de peau érythémateuse et oedé-matiée. Une croûtelle sèche se forme au centre des bulles qui se déprime. Ils’agit d’une affection très rare dans le milieu agricole.

Trichophyties

Aux endroits où la peau est pauvre en poils, Trichophyton mentagro-phytes et Trichophyton verrucosum provoquent des dermites en foyers ronds oucircinés (trichophyties superficielles). Là où les poils sont plus abondants sedéveloppent des infiltrats inflammatoires avec chute temporaire des poils (tri-chophyties profondes). Les ongles eux-mêmes peuvent être atteints.

Moniliases

Les infections à Candida, que l’on contracte en travaillant dans un milieuhumide produisent des paronychies avec érythème douloureux des replis latérauxqui sont enflés. Par la suite les ongles, épaissis, présentent des sillons transversesirréguliers. Dans les espaces interdigitaux, I’infection provoque une macération dela couche cornée superficielle, qui se détache en grandes lamelles.

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4. Dermatoses professionnelles parasitaires

Dermite due à des chenilles

Certaines chenilles, surtout celles de la variété processionnaire, possè-dent des poils irritants qui provoquent un exanthème fortement prurigineux avecpapules urticariennes disposées en ligne.

Gale des céréales

Les larves de divers acariens (trombididés) provoquent un exanthèmepapuleux ou papulo-urticarien qui s’observe soit sur les parties exposées de lapeau (jambes), soit aux endroits où celle-ci est comprimée par les vêtements(ceinture, siège).

Erythème chronique migrant

En cas d’infection par une Borrelia lors d’une piqûre de tique, un éry-thème migrant à croissance centrifuge se développe en l’espace de quelquesjours à quelques semaines après la piqûre. La zone centrale pâlit fréquemment,ne laissant subsister qu’un anneau érythémateux.

5. Diagnostic

Anamnèse professionnelle

Pour pouvoir poser le diagnostic de dermatose professionnelle, il fautévidemment que l’anamnèse révèle l’exposition à une substance nocive au coursdu travail. L’anamnèse professionnelle a donc une grande importance. Le plussouvent, la relation chronologique entre contact avec la substance et apparitiondes troubles est claire.

Clinique

La morphologie d’une dermatose ne permet pas de conclusions sur sescauses ni sur ses relations avec l’activité professionnelle.

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Localisation

Elle donne de bons renseignements sur la nature (éventuellementprofessionnelle) d’une dermatose, car une affection professionnelle commencetoujours à l’endroit du contact avec la substance nocive. Cela explique que lesmains et les avant-bras soient les régions les plus atteintes. Si le haut des cuisses et les organes génitaux présentent des lésions, on trouvera en généralque les vêtements de travail sont souillés par la substance en cause. En casd’atteinte du visage, il faut également penser à une origine aéroportée ou àune photodermatose.

Evolution

Elle permet des conclusions valables sur la nature professionnelle ou nonde la dermatose. Si une rémission survient chaque fois que le malade interromptson travail (pour les fins de semaine, les vacances, le service militaire ou touteautre cause), et qu’il y a aggravation à chaque reprise de ce même travail, ondoit penser que le travail exerce une influence sur la dermatose.

Tests dermatologiques

lls peuvent donner des renseignements importants au sujet de la rela-tion causale entre dermatose de contact et profession. En tenant compte del’anamnèse professionnelle, du tableau clinique et de l’évolution, il est en généralpossible de découvrir la cause exacte de l’affection.

Tests épicutanés («patch-test», «Läppchentest»): Les tests épicutanéspermettent d’objectiver une hypersensibilité de type retardé à une substance dé-terminée et d’établir si l’épiderme contient des anticorps spécifiques. Ils se po-sent en peau saine, ce qui présuppose une sensibilisation de l’ensemble de lapeau du corps – ce qui est le plus souvent le cas. Si le test devient positif, onconstate l’apparition après 24 à 72 heures d’un eczéma allergique en miniature,sous forme de minuscules papulo-vésicules (réaction retardée). Il faut prendregarde de n’appliquer la substance examinée que dans une concentration qui nedéclenche aucune réaction chez des personnes normales. Des informations pré-cises à ce sujet se trouvent dans les tabelles spéciales jointes aux tests. C’estla raison pour laquelle on confie en général l’exécution et l’interprétation de cestests à un médecin spécialisé. Des erreurs d’interprétation peuvent survenir avecdes substances appliquées en concentration trop élevée ou aussi dans les casoù les tests ont été appliqués pendant une poussée eczémateuse aiguë, alorsque la peau présentait une sensibilité augmentée mais non spécifique.

Tests par humidification («Benetzungsproben»): lls sont particulièrementutiles dans l’étude des dermatoses d’usure dues à des solvants, des détergents,

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des produits à lessives ou autres liquides. Les réactions cutanées positives sonten général de nature toxique, plus rarement de nature allergotoxique. Cette tech-nique a l’avantage de reproduire plus fidèlement les conditions de travail réel-les. Diverses modalités de ce test sont décrites dans la littérature spécialisée.

Examen de la résistance aux alcalis: cet examen permet d’apprécierla résistance de la peau aux alcalis dilués et de façon beaucoup plus généraleaux agressions chimiques. On a utilisé depuis longtemps de la soude caus-tique 0,5 normale. Le test se fait sur une zone de peau saine. Le test estpathologique si une réaction survient après la première ou la seconde goutte.La lecture s’effectue immédiatement et/ou après 24 heures. Le classiqueexamen de la résistance aux alcalis est de plus en plus fréquemment rem-placé par le test d’irritation au sulfate de lauryle.

6. Thérapeutique

Le traitement des dermatoses professionnelles se fait selon les principesgénéraux de la dermatologie. Le malade doit éviter d’entrer en contact avec lessubstances nocives pour lui tant que les lésions cutanées sont encore en activité.

7. Pronostic et évolution

Dermatoses d’usure

L’épuisement des mécanismes de défense de la peau survient d’autantplus vite que la substance nocive a agi plus longuement et en plus forte con-centration. Des mesures de prévention appropriées peuvent avoir une influencefavorable sur ces mécanismes, évitant ainsi les récidives.

Eczémas de contact allergiques

Chez les sujets déjà sensibilisés, des traces d’allergène suffisent parfoisà déclencher une poussée eczémateuse. Les récidives sont donc plusfréquentes et souvent impossibles a éviter. Un changement de profession peuts’avérer nécessaire.

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Formes chroniques des dermites de contact toxiques et

allergiques

«Eczémas par hypersensibilité»: Après un eczéma de contact allergiquetout comme après une dermatose d’usure, la peau peut rester un certain tempshypersensible de façon non spécifique à de nombreux agents. Ce phénomènedépend d’une certaine capacité réactionnelle de la peau et ne s’observe doncque chez certaines personnes. La relation de la dermatose avec le travail estdans de tels cas de moins en moins évidente. Cette hypersensibilité s’estompesouvent à nouveau avec le temps. La forme persistante s’observe souvent chezdes malades dont la dermatose de contact a pris un cours chronique, ou récidivecontinuellement pour des raisons qui nous échappent puisque la substance quicause l’eczéma a été éliminée. On dit alors que l’eczéma est devenu autonome.

Eczémas microbiens: Lors d’évolution chronique d’une dermatose decontact, on peut également observer parfois le passage à une forme d’eczémamicrobien. Ce dernier se caractérise par des foyers nummulaires bien délimités.Une telle évolution n’est pas exceptionnelle en cas d’eczémas au ciment alca-litoxiques ou par allergie au chrome.

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E. Prévention technique et médicale

1. Mesures techniques

Elimination

Il faut chercher à éliminer les substances toxiques, mais cela n’est pastoujours possible.

Suppression des contacts

Diverses mesures permettent de supprimer totalement ou au moins par-tiellement le contact direct avec les substances nocives. On peut p. ex.:

● raccourcir la durée du travail nuisible

● travailler en installations fermées

● aspirer poussières et vapeurs (travail en chapelle par exemple)

● utiliser des outils tels que pinces, crochets, paniers plongeurs

● Iutter contre les salissures (en couvrant la place de travail avec du papier eten recourant à des techniques de travail sans contact direct).

2. Mesures individuelles

Propreté au travail

Moyens de protection

Habits protecteurs: les vêtements étanches préviennent les contactsnuisibles, mais on ne peut les porter plus d’un certain temps.

Gants: Le port de gants de protection adaptés en caoutchouc ou enmatières synthétiques est nécessaire lors de la manipulation de substancesfortement irritantes, caustiques, sensibilisantes, résorbables par la peau, mu-tagènes, cancérigènes, toxiques ou contagieuses. Mais le port de gants s’im-

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pose également souvent pour des raisons d’hygiène, de stérilité ou pour se pro-téger de la saleté et de divers risques physiques. Il ne faut pas les porter pluslongtemps que nécessaire. Au cours du temps, il se crée un espace clos humidequi entraîne une macération de la peau, surtout lors du port de gants encaoutchouc. En cas d’eczémas préexistants, se greffe parfois une hypersensi-bilité aux additifs du caoutchouc ou au latex. Le port d’un gant fin en coton souscelui en caoutchouc permet de ménager la peau. Les travailleurs qui souffrentd’un eczéma au ciment ne supportent souvent pas les gants tannés au chrome,en raison de leur allergie aux composés de ce métal. En fonction du but visé, lematériau constituant le gant doit être soigneusement choisi. Les commercesspécialisés proposent toute une gamme de gants offrant une protection contreles diverses agressions chimiques et physiques. En cas d’allergies aucaoutchouc ou à certains de ses additifs, il est également possible la plupart dutemps de trouver des gants adéquats.

Produits de protection pour la peau: L’usage de pommades, crèmes etautres préparations de protection de la peau visent à empêcher l’apparition d’unedermatose de contact ou du moins à la retarder. La pratique a cependant mon-tré que l’objectif d’obtenir un «gant invisible» ne peut être que partiellement at-teint. Les rechutes d’eczémas allergiques ne peuvent être évitées de cettemanière. Il existe par contre de meilleures chances de succès pour les der-matoses d’usure, surtout lorsque les contacts avec les substances causales sontcourts ou intermittents ou lorsqu’il s’agit de contacts prolongés avec des subs-tances relativement inoffensives (p. ex. travaux dans l’humidité). Ces produits deprotection doivent être appliqués plusieurs fois par jour sur la peau propre (avantle travail et après les pauses). Il ne faut pas négliger une application soigneuseau niveau des espaces interdigitaux, des poignets et autour des ongles.

Le choix du produit utilisé doit être dicté par le type d’agression atten-due. Une pommade hydrophobe sera utilisée en présence de milieux hydriques,acides ou alcalins (p. ex. ciment), une préparation hydrophile pour les graisses,les huiles et les solvants. Malheureusement, en cas de transpiration abondante,les produits hydrosolubles sont inefficaces. L’usage régulier des produits de pro-tection diminue la tendance au salissement de la peau et le nettoyage en est fa-cilité. Pour certains postes de travail, un produit de protection contenant un fil-tre UV est recommandé. Il existe un riche assortiment de produits de protectionde la peau sur le marché (consulter également les informations disponibles surinternet p. 38). Lors du choix, on se rappellera que les produits offrant une pro-tection ciblée donnent en général de meilleurs résultats que les préparations«universelles». L’acceptation par l’utilisateur est également un facteur importantde succès à long terme.

Dans l’industrie alimentaire (odeur, compatibilité avec les aliments) etdans les entreprises de peinture (le silicone perturbe la prise des vernis), il fautappliquer des critères de sélection particuliers. De nombreuses préparations deprotection conviennent également aux soins de la peau après le travail.

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Propreté de la peau

En enlevant rapidement et soigneusement les substances toxiques ousensibilisantes qui se déposent sur la peau, on peut prévenir une lésion. Maistout nettoyage représente une irritation supplémentaire. Il importe donc den’utiliser que des procédés aussi inoffensifs que possible.

On peut utiliser des savons ou des détergents synthétiques («syndets»des Anglo-Saxons). Les savons sont des sels alcalins d’acides gras supérieurs.Ils s’insinuent sous les particules de saletés et les enrobent. Mais il faut savoirque l’alcali qui se libère au cours de l’opération augmente le gonflement de lapeau. Par contre les détergents synthétiques peuvent provoquer un desséche-ment et un dégraissage de la peau. Il faut choisir la méthode de nettoyage en fon-ction du degré de saleté de la peau. Il existe des produits spéciaux pour certainspolluants (p. ex. détergents pour résines synthétiques et laques, v. informationssur internet p. 38). On utilise aussi avec succès des émulsions qui graissent lapeau; elles sont bien tolérées et particulièrement indiquées pour les peauxsensibles. On n’utilisera qu’avec retenue les solvants et les abrasifs commeproduits de nettoyage; dans certains cas on ne peut cependant se passer desabrasifs par exemple en cas de contamination radioactive de la peau.

Il faut aussi prêter attention à la méthode de séchage après nettoyage.Les essuie-mains d’étoffe sont ce qui se fait de mieux, mais ils se salissentrapidement et perdent leur pouvoir absorbant. C’est pourquoi on a tendance àles remplacer dans la règle par des essuie-mains en papier à usage unique oupar le séchage à l’air chaud.

Soins de la peau

L’application de produits appropriés permet de régler la teneur en eauet en corps gras de la couche superficielle de la peau. Lorsque celle-ci a été net-toyée après le travail (ou lors de fréquents nettoyages ou désinfections en coursde travail également), il convient de rendre à la peau humidité et souplessenécessaires au moyen de préparations hydratantes et grasses (dites «crèmesnourissantes», v. informations sur internet p. 38).

Hygiène personnelle

Les personnes qui travaillent avec de la suie, du goudron, du brai degoudron, des huiles minérales et autres substances analogues, ainsi que lors d’exposition à des aérosols, doivent veiller tout particulièrement à leur propretécorporelle. Elles changeront régulièrement leurs habits de travail et les net-toyeront souvent. Elles se doucheront ou se baigneront chaque jour.

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3. Prévention médicale

ll faudrait exclure des travaux dangereux pour la peau les personnes quisouffrent d’un psoriasis ou d’anomalies constitutionnelles s’accompagnantd’une diminution de la résistance aux alcalis (atopie avec eczéma endogènechronique constitutionnel, séborrhée). Si l’anamnèse révèle des dermatoses decontact antérieures, on examinera si la place de travail est appropriée. La posede tests cutanés lors des examens d’embauche n’est pas usuelle. Des examensd’entrée et de contrôle dans le cadre de la prévention médicale comportant unexamen de la peau sont effectués p. ex. dans l’industrie chimique. Il en va demême pour les travailleurs exposés aux radiations ionisantes ou au contact degoudron et de brai.

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F. Fréquence, professions exposées

Environ un quart des maladies professionnelles concernent la peau. Leurnombre absolu était nettement plus élevé il y a quelques années. Plus de 80%des dermatoses professionnelles sont des eczémas de contact allergiques outoxiques/irritatifs. Les plus fréquents sont causés par les huiles minérales, lesrésines époxy, le ciment et les solvants. Les professions les plus exposées sont: les métiers du bâtiment et de la peinture, les industries chimiques etmétallurgiques, la mécanique, les entreprises de nettoyage, les professions desoins, la coiffure, les activités en cuisine et dans l’alimentation, ainsi que lapaysannerie.

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G. Aspects légaux

1. Indemnisation des dermatosesprofessionnelles selon la Loi fédérale sur l’assurance-accidents (LAA)

Définition

Sont considérées comme dermatoses professionnelles les maladies dela peau dues exclusivement ou de manière prépondérante à des substances no-cives utilisées dans l’activité professionnelle ou à certains travaux (art. 9, 1er para-graphe). La liste de ces substances nocives, de ces travaux et des affectionsdues au travail se trouve dans l’Annexe 1 à l’Ordonnance sur l’assurance-acci-dents (OLAA).

Sont aussi réputées dermatoses professionnelles d’autres maladies dela peau dont il est prouvé qu’elles ont été causées exclusivement ou de maniè-re nettement prépondérante par l’activité professionnelle (art. 9, 2e paragraphe).

Début de la dermatose

On considère qu’une dermatose professionnelle est déclarée dès lemoment où l’assuré doit se faire traiter pour la première fois par un médecin ouqu’il ne peut plus travailler.

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2. Exclusion de travailleurs menacés, selonles articles 78 à 89 de l’Ordonnance sur laprévention des accidents et des maladiesprofessionnelles (OPA)

Condition préalable

Un travailleur peut être définitivement ou temporairement exclu d’un tra-vail dangereux si la poursuite de celui-ci menace sérieusement sa santé. C’estla Suva qui décide de l’exclusion.

Conseils personnels

Les travailleurs déclarés inaptes peuvent demander conseil à la Suva.Ils seront alors informés de la portée pratique de l’exclusion, et des instancesqui peuvent les aider à trouver un travail approprié ou à réaliser une réadapta-tion.

Indemnité journalière temporaire

Si l’exclusion du travail dangereux entraîne à court terme de gravesdifficultés économiques, I’intéressé peut réclamer une indemnité journalière àl’assureur compétent. Cette indemnité est versée pendant 4 mois au plus.

Indemnité pour changement d’occupation

Lorsque certaines conditions sont remplies, le travailleur a droit à uneindemnité pour changement d’occupation si ses possibilités de gain de-meurent considérablement réduites. Il doit en faire la demande à son assureur.Cette indemnité est versée durant 4 ans au plus.

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H. Statistique

Données statistiques sur les dermatoses professionnelles(maladies professionnelles reconnues, données en provenance de tous lesassureurs LAA, information de la Commission des statistiques de l’assurance-accidents LAA [CSSA])

Principaux diagnostics des affections cutanées reconnues comme mal. prof. en 2004 (Total 734, ensemble des assureurs LAA)

Autres diagnostics

Maladies cutanées causées par les UV

Urticaire

Ampoules, crevasses

Dermite de contact allerg. chronique

Dermite de contact toxique chronique

Dermite de contact toxique aiguë

Dermite de contact allergique aiguë

App. locomoteur

Peau

Bruit

Voies respiratoires

0

200

400

600

800

1000

1200

1400

1600

1800

2000

19941996

1998 20002002

2004

Evolution de quelques maladies professionnelles de 1994 à 2004

0 100 200 300 400

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0 50 100 150

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Causes les plus fréquentes d’eczémas professionnels en 2004

Allergènes cutanés professionnels les plus fréquents en 2004

Farine

Produits de coiffure/cosmétiques

Médicaments/désinfectants

Caoutchouc/Latex

Nickel

Inconnu

Résines époxy

Ciment

Produits de nettoyage

Huiles minérales/liquides de coupe

Farines/céréales

Inconnu

Produits de coiffure

Désinfectants

Caoutchouc/Latex

Nickel

Ciment

Produits de nettoyage/bains

Huiles minérales/liquides de coupe

Résines époxy

0 10 20 30 40 50

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I. Bibliographie (choisie)

Adams R.M.:Occupational Skin Disease, Saunders, Philadelphia (1999)

Gebhardt M., Elsner P., Marks J.G.:Handbook of Contact Dermatitis, Dunitz, London (2000)

Géraut Ch.:L'essentiel des pathologies professionnelles, Ellipses, Poitiers (1995)

Kanerva L., Elsner P., Wahlberg J.E., Maibach H.I.:Handbook of Occupational Dermatology, Springer, Berlin (2000)

Kanerva L., Elsner P., Wahlberg J.E., Maibach H.I.:Condensed Handbook of Occupational DermatologySpringer, Berlin (2004)

Menné T., Maibach H.I.:Hand Ecezma, CRC Press, Boca Raton (2000)

Rast H.:Hautschutz bei der Arbeit (Broschüre). Suva, LuzernBestellnummer 88037

Rast H., Bircher A.:Begutachtung von Berufsdermatosen aus Sicht des Unfallversicherungsträgers in der Schweiz: In: Szliska Ch. et al.: Berufsdermatosen, Dustri-Verlag Dr. Karl Feistle, München-Deisenhofen (2006)

Rietschel R.L., Fowler J.F. (jr):Fisher's Contact Dermatitis, BC Decker Inc, Hamilton (2008)

Frosch P.J., Menné T., Lepoittevin J.-P.:Textbook of Contact Dermatitis, Springer, Berlin (2006)

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Informations disponibles sur internet:

www.suva.ch/fr/hautschutz:Brochures, checklistes et modules de formation sur la protection de la peau

www.suva.ch/medecine-du-travail:Moyens d’information et publications de la division Médecine du travail de la Suva

www.2mains.ch:Informations sur la protection de la peau et les moyens de protectionpour les écoles professionnelles et les entreprises

www.sapros.ch:site commercial offrant des articles de protection pour letravail et les loisirs, en particulier des gants (rubrique «gants»)et des produits de protection de la peau.

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Adresse pour la correspondance:

SuvaDr. med. H. RastDivision Médecine du travailcase postaleCH-6002 Lucerne