Les déchets: le point de non-retour?

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Vers une société durable Les déchets: le point de non-retour? N o 2 | Mai 2019

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Vers une société durableLes déchets: le point de non-retour?

No 2 | Mai 2019

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Table des matières

Photo de couverture: Stefan Rüde | Cette usined’incinération près de Vienne symbolise bience phénomène de surproduction de déchets dusà notre économie libérale et à notre gaspillageet également la prise de conscience de notredevoir de citoyens. Nous nous devons de toutmettre en œuvre pour que nous ne soyons pasvictimes d’un style de vie irresponsable.

4 La terre atteint les limites de sa résilience Quand le redressement économique et social aura-t-il lieu?6 «Laudato si’» – Comment le pape entrevoit notre maison commune L’abus humain dans la création de Dieu10 François d’Assise: hautement sensible à la création L’effet d’un choc existentiel14 Emmaüs, pionnier de l’économie circulaire L’Abbé Pierre avait tout compris16 Zero Waste Switzerland: chacun peut agir à son niveau On s’organise pour réduire les déchets18 A Emmaüs, on recycle aussi des personnes Témoignage d’un volontariat enrichissant20 Les déchets plastiques finissent dans les océans Un problème non résolu26 La décharge comme métaphore de l’espoir Le Père Benigno Beltran et les enfants des ordures de Manille30 «Mon oncle recycle de vieux pots de confiture» Une étudiante s’inquiète de tous ces déchets31 Arrêtez le gaspillage de nourriture Trucs et astuces32 Vêtements de haute qualité: solution la plus écolo Entretien avec le directeur général de TEXAID Suisse34 Des initiatives contre la mentalité du tout-jetable Idées novatrices contre la montagne de déchets36 Bénédiction et malédiction sur la perle de la Colombie L’exemple d’un projet Interteam

Kaléidoscope38 Une rencontre avec un guérisseur40 Le Pape François aux Emirats Arabes Unis42 Marguerite Bays canonisée en automne43 «Laudato si’» dans le jardin et … dans notre assiette45 Caricature | Présentation | Impressum46 Anciens couvents capucins Schüpfheim: Du couvent des capucins au Centre d’accueil «Sunnehügel»

10 20 34Le respect de la créationse nourrit des bellesexpériences que nousen faisons.

Les mers sont submergéesde plastiques de toutgenre et elles vont finirpar être asphyxiées.

Dénoncer est une chose, agir en estune autre. Soutenir des initiativesnouvelles qui luttent contrele tout-jetable contribue déjà àla sauvegarde de notre univers.

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Éditorial

Frère Bernard Maillard, rédacteur

Chères lectrices et chers lecteurs

Gérer les déchets de notre société de consommation, c’est une affairecommune pour une maison commune, selon notre Pape François. Car il enva de la santé de notre mère la terre. Réduire ses déchets, c’est donc un devoircitoyen qui nous oblige à une conversion urgente de nos comportements.

Que de débats autour des questions environnementales à la CO P24 àKatowice, en Pologne, en décembre 2018! Les négociations ont pris du tempspour arriver à quelques compromis économiques et politiques. Mieux vautde petits pas que pas d’accords du tout. Pourtant, ne soyons pas aveuglesou naïfs. Est-ce que nous jouons à nous faire peur ou avons-nous consciencede notre coresponsabilité dans ces questions? D’un bout de la chaîne à l’autre,nous sommes concernés, car le monde est la terre de tous!

Les articles consacrés à la question de notre environnement et des déchetsque nous produisons nous aident à en prendre une meilleure connaissanceet une plus vive conscience. Notre milieu de vie est en pleine révolution.On peut dire que ça chauffe un peu partout. Il n’y a pas que le changementclimatique qui nous fait réfléchir, mais également les revendications deslaissés-pour-compte, gilets jaunes de France et d’ailleurs compris, traduisentles malaises de nos sociétés de consommation: l’homme se trouve de plusen plus bafoué dans sa dignité.

Nul n’est prophète dans son pays, c’est connu, mais de plus en plus de voixse font entendre aussi en Suisse. Nous sommes déjà comme pris à la gorge!Soyons donc conséquents, au nom de cette terre qui nous accueille. Elle estl’œuvre de Dieu, reflet de sa créativité et de la nôtre, devant être au servicede cette dernière et de ceux et celles qui la partagent, pour le bien et lebonheur de tous. Le défi est de taille. Les saints d’Assise, François et Claire,ont un message pour aujourd’hui: la création est notre sœur. A en prendrebien note et à réagir en fonction!

En janvier dernier, des milliers de jeunes étudiants de plusieurs collèges etuniversités suisses ont «séché» les cours pour réclamer des politiques unengagement «immédiat» en faveur de la création. Cette initiative avait étélancée par Greta Thunberg, collégienne de 16 ans, et activiste du climatqui s’est rendue en train depuis sa Suède natale au Forum économiquede Davos. La jeune fille a tancé les grands de ce monde qui s’étaient,quant à eux, déplacés en jet privé dans les Grisons pour aller débattredu climat. C’est un message fort que ces jeunes nous envoie de leur volontéde «changer la donne»! A nous tous d’agir, avant qu’il ne soit trop tard.

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Nous, les Suisses, sommes, avec leDanemark, en tête du classementdes ordures ménagères, avec 715kilogramme par personne et paran. Mais nous sommes aussi parmiles quatre premiers en Europe entermes de recyclage (52 pour centselon l’Agence européenne pourl’environnement,2016).Malgré tousnos efforts, cependant, notre pays– comme la plupart des autres na-tions – n’a pas réussi à dissocier lacroissance économique et l’aug-mentation des volumes de dé-chets. On ne peut que le déploreren lisant le rapport «Environne-ment Suisse 2018» du Conseilfédéral, lequel conclut sobrement:«Avec ses modes de consomma-tion et de production actuels, laSuisse utilise les ressources natu-relles dans une mesure qui dé-passe la capacité de régénérationde la terre.»

Disparitions et gaspillageSi un organisme ne peut plus se ré-générer, à long terme, il meurt, puisdisparaît. Cela s’applique proba-blement aussi à notre planète. Sa-vez-vous que disparition et gaspil-lage ont la même étymologie enallemand? «Le gaspillage fait ré-férence à l’utilisation excessive ou

inefficace des ressources», selon lesite internet Wikipédia. Je pourrais vous bombarder dechiffres sur la consommation desressources, les émissions de CO2;ou le réchauffement climatique,sur la réduction dramatique de la

biodiversité de la faune et de laflore ou sur l’intoxication desocéans par toutes sortes de plas-tiques, etc. L’abondance des chif-fres est déconcertante, voire dé-sespérante. Mais ces statistiquesne donnent pas une boussole surle chemin à parcourir. Elles nefont que transmettre les dévelop-pements du passé vers l’avenir.Comme l’indique, avec une espècede résignation, l’étude du Conseilfédéral sur les déchets: «A l’avenir,le niveau de consommation auratendance à augmenter avec lacroissance économique. Sans dé-couplage de la consommation etde la production de déchets, les

La terre atteint les limitesde sa résilienceLa terre gémit sous notre consommation croissante de ressources et de déchets.La plupart d’entre nous nourrissent encore l’espoir que ces graves problèmesenvironnementaux pourront être résolus tôt ou tard, par l’innovation et des moyens de haute technologie. Beat Baumgartner

volumes de déchets continuerontd’augmenter.» En fait, notre raison aurait dûdepuis longtemps en arriver àla conclusion qu’un changementradical dans notre économie etnotre société d’aujourd’hui estplus que nécessaire. Parce queles sciences de l’environnementmodernes nous fournissent uneabondance de matériaux solideset d’outils de prévision sophisti-qués sur l’état de notre planèteet notre empreinte écologique. Nesommes-nous pas tous des ration-nels, capables de lire des chiffres,et donc d’utiliser de manière opti-male et durable des ressources deplus en plus rares dans le monde?Mais pourquoi avons-nous encoredes modes de consommation«homines oeconomici», incompa-tibles avec notre environnement,comme l’écrit l’étude «Environne-ment Suisse 2018»? L’une des raisons décisives denotre inaction est probablementque personne ne peut imaginerune existence dans la prospéritéet le bien-être sans cette crois-sance économique. Et cela est iné-vitablement lié à un gaspillagecroissant des ressources naturel-les. Il y a aussi un manque d’imagi-

Ne sommes­nous pas tousdes rationnels, capablesde lire des chiffres et doncd’utiliser de manièreoptimale et durable desressources de plus en plusrares dans le monde?

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nation flagrant quant à la possi-bilité d’une gestion et d’une ré-flexion durables dans des cyclesqui protègent notre environne-ment. Aujourd’hui, nous conti-nuons donc à vivre comme avant,à l’exception de certains succèspartiels (qualité de l’eau, pollutionde l’air). L’objectif est d’atténuerles pires excès de la croissanceéconomique par des solutionstechniques et scientifiques.

Les initiatives ambitieusesdonnent de l’espoirNéanmoins, il existe de nombreu-ses initiatives de la part d’individusou de groupes, dans notre pays etailleurs dans le monde, pour envi-sager de vivre de façon plus dura-ble et de façon plus modeste, afinde protéger ce qui peut encorel’être de notre planète. Ces initia-tives – la plupart du temps avecde beaux termes anglais comme«FoodWaste», «MinimalWaste» ou«ZeroWaste» ne sont pas soute-nues par des motifs religieux expli-cites, mais par un respect généralpour la création. Ils ne voient pasle renoncement et la restrictionnégativement, mais croient plutôtque ce nouveau comportementest la base du vrai bonheur.

Nous prenons conscience del’ampleur des déchets que

nous produisons quand celacrève les yeux, au cœur de nos

villes et de nos villages.

Photo: Presse-Bild-Poss

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Le Pape François écrit qu’une ac-célération constante des change-ments est liée à une intensificationde notre rythme de vie. La vitessede la croissance contraste avec lalenteur naturelle de l’évolutionbiologique. «Le changement estquelque chose de souhaitable,mais il devient dangereux quand ilse transforme en une détériora-tion du monde et de la qualité dela vie de l’humanité» (18).

La culture du déchetDes matières polluent l’environne-ment et nuisent également auxpersonnes qui y sont exposéesquotidiennement. Des millions dedécès prématurés sont dus à lapollution par les carburants et l’in-dustrie, aux décharges et aux pro-duits agrochimiques (20). Le pape voit les raisons des dom-mages causés dans l’élan d’un dé-veloppement technique et écono-mique débridé. Il critique le mythedu progrès et le «consumérisme»qui y est associé, ainsi que la men-talité du tout jetable dont les genssont également victimes. «Les considérations de rende-ment ne laissaient aucune place

pour la réflexion sur les rythmes dela nature, leurs temps de dégrada-tion et de régénération, et la com-plexité des écosystèmes qui sontgravement affectés par l’interven-tion humaine. De plus, quand onparle de biodiversité, on considèrefinalement qu’elle est un réservoirde ressources économiques ex-ploitables, mais on ne considèrepas sérieusement la valeur réelledes choses, leur importance pour

«Laudato si’» – Comment le papeentrevoit notre maison communeDans l’encyclique «Laudato si’», le Pape François se plaint de la destruction de l’environnement.Ce texte s’adresse à toutes les personnes qui vivent sur cette planète (13)*. Il faut unenouvelle solidarité universelle «pour réparer les dommages causés par les abus humainsà l’encontre de la création de Dieu» (14). Kurt Zaugg­Ott

les personnes et les cultures, lesintérêts et les besoins des pau-vres» (23).

La terre, notre maison commune –une décharge«Des centaines de millions detonnes de déchets sont produitschaque année, dont beaucoup nesont pas biodégradables... La terre,notre maison commune, sembledevenir de plus en plus une im-

La mer envahit peu à peu cette place de carrousel de Baku, sur la mer Caspienne.

Photo: Presse-Bild-Poss

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*Référence au paragraphe dudocument: https://bit.ly/1epT8Yy

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mense décharge. «A plusieurs en-droits de la planète, les person-nes plus âgées ont la nostalgiedes paysages d’autrefois qui, au-jourd’hui, se voient inondés d’or-dures» (22).

La sortie de l’impasse: l’économiecirculaire«Il n’a pas encore été possibled’adopter un modèle de produc-tion circulaire qui garantisse desressources pour toutes les généra-tions à venir, limitant au maxi-mum l’utilisation de ressourcesnon-renouvelables, réduisant leurconsommation, maximisant leurefficacité. Aborder cette questionserait une façon de contrecarrerla culture du déchet qui finit paraffecter la planète entière» (22).

Prêter attention à la valeurdes chosesLe pape a une vision positive dudéclin perçu de la situation envi-ronnementale. Les chapitres théo-

logiques et spirituels de l’ency-clique respirent un esprit humainet franciscain favorable à la créa-tion. La condition préalable à notreexistence et à celle de la créationest l’amour de Dieu: «La terre,l’eau, les montagnes - tout est une

caresse de Dieu» (84). Par consé-quent, les créatures du monde nesont pas un bien sans maître,mais la propriété de Dieu, un amide la vie (89). Le sentiment d’unlien intime avec la nature est né-cessairement lié à la compassionet au souci des gens. La pensée technologique do-minante alimente la croissanceéconomique et la maximisationdes profits. Le Pape François metdans cette optique la liberté del’homme de limiter, diriger et pla-cer la technologie au service d’un

autre type de progrès plus sain,plus humain, plus social et plus ho-listique (112). La question du sensdoit être posée, car notre existencen’a de sens que si nous pouvonsremettre une planète habitableaux générations futures (160). Ralentir le rythme de la produc-tion et de la consommation pour-rait conduire à un autre type deprogrès et de développement:«Les actions visant à utiliser les ri-chesses naturelles de manière du-rable ne constituent pas un effortinutile, mais un investissementqui peut offrir d’autres avantageséconomiques à moyen terme»(191). Le Pape François voit dansla conversion du système écono-mique en une économie circulairela chance d’échapper à la culturedu jetable (20). Mais cela néces-site une nouvelle façon de penser

Surmonter la culturedu déchet grâce àl’économie circulaire.

Le Pape François n’est pas opposé audéveloppement technique. Mais il tient à

être conséquent avec lui-même en circulantnon plus en papamobile de la marque

Mercedes mais tout simplementd’une autre moins prestigieuse.

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qui respecte la valeur intrinsèquedes choses. Nous devons appren-dre à penser dans la logique dudon gratuit que nous recevons ettransmettons. Si la terre nous est

donnée, alors nous ne pouvonsplus penser seulement à un critè-re d’efficacité et de productivitépour le bénéfice individuel (159).

La vertu de sobriétéLa spiritualité chrétienne peutjouer un rôle important. Elle en-courage un style de vie prophé-

tique et contemplatif qui permetde se réjouir profondément, sansêtre obsédé par la consommation.

Les vertus de sobriété et d’humi-lité devraient être à nouveau re-mises en valeur (224). L’économie et la technologiesont indispensables pour un déve-

Les vertus de sobriétéet d’humilité devraientêtre à nouveau remisesen valeur.

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loppement réellement durable,mais le Pape François n’y est pashostile. Il conteste cependant ledéveloppement actuel et croit enla possibilité d’inverser le mouve-ment et ouvrir de nouvelles pers-pectives. L’arrière-plan est la convictionque Dieu n’abandonne pas lemonde. Le pape exige une pri-mauté des valeurs et une orien-tation éthique. Non seulementl’Église voulait rappeler le devoirde protéger la nature, mais elle de-vait avant tout protéger l’hommede son autodestruction (79).

Kurt Zaugg-Ott, Dr. est un théologienréformé et dirige le département «oeku,Église et environnement» à Berne.

Le travail environnemental de l’oekuPlus de 800 paroisses, organisations ecclésiales et particuliers soutiennentl’association œcuménique oeku, Église et environnement, par le biaisde leurs membres, de dons et de collections. L’oeku est relié, par son conseild’administration, à la Conférence des évêques suisses et à la Fédérationsuisse des Églises protestantes.

• Sepuis 1993, oeku a rassemblé divers documents. En 2016, l’associationa lancé une série de sujets sur les cinq sens. En 2019, le slogan s’intitule«A fleur de peau: le toucher». Les Eglises suisses recommandent decélébrer le temps de la création, du 1er septembre au 4 octobre.

• Les cours et les publications oeku se concentrent également surl’économie d’énergie dans les bâtiments de paroisse. Depuis 2015,elle dirige également le bureau du certificat environnemental de l’Église«Grüner Güggel» et forme des consultants en environnement pourles instances ecclésiastiques. À la fin de 2018, une vingtaine de paroisseset d’institutions religieuses ont réussi ou sont sur le point de devenircertifiées. De même, oeku a publié le manuel environnemental pour lesparoisses «It’s Going Green» (2015).

• oeku s’adresse au public en tant que voix des Églises sur des questionsenvironnementales telles que la politique climatique et énergétique,l’aménagement du territoire ou la politique des transports.oeku a soutenu l’initiative contre le mitage du territoire.

oeku, Église et environnement | Schwarztorstrasse 18 | Boîte aux lettres |3001 Berne | Tél. 031 398 23 45 | [email protected] | www.oeku.ch

L’association Oeku tient à sensibiliser toutun chacun sur les problèmes d’environnementet les questions alimentaires. Ici, lors d’un repassur le côté de l’église la plus proche de la garede Berne (Heiliggeistkirche).

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Il existe déjà des décharges auMoyen-âge. Les détritus sont en-tassés devant les murs de la ville,les châteaux et les monastères. Lefilm «Le nom de la rose» montrecomment les moines d’un monas-tère de montagne se débarrassentde leurs ordures: déchets végé-taux, fruits pourris, vêtementsusés jusqu’à la corde, arêtes depoisson et animaux morts sont je-tés en contre-bas, par une trappe.Les femmes et les enfants desfermes avoisinantes viennent ré-cupérer ce qu’ils peuvent encoreréutiliser. Aujourd’hui encore, de tellesscènes peuvent être observées surles décharges dans de nombreusesparties du globe. Du sud de l’Italieà l’Égypte, en passant par Afrique,l’Asie ou l’Amérique latine, les villeset les communautés façonnent laculture moderne du jetable.

Il a fallu un choc existentielComme marchand de tissus, Fran-çois d’Assise s’est à peine demandéce qu’il en était des restes de safamille, de ses soirées avec sesamis, ou du crottin de son cheval.Il devient sensible à la dimensionsociale et écologique, à la suited’une vive prise de conscience. Unecampagne militaire dévastatrice,un an de captivité et une maladiegrave ont transformé radicale-ment son regard sur le monde.

Le jeune expert en tissus de valeuret le leader charismatique de lajeunesse d’Assise découvre alorsle côté sombre de sa bonne cité:la vie précaire de bien des familles,le sort des mendiants aux portesde la ville et la misère des lépreuxjetés au ban. Car qui est atteintde la lèpre est chassé de la ville.On organise même un simulacre

d’enterrement et on le considèredès lors comme un mort-vivant: illui est interdit d’approcher l’agglo-mération. Qu’elle frappe une mèrede famille ou un noble chevalier,la lèpre signifiait du jour au lende-main la mort sociale. Les expériences avec les lépreuxpoussèrent François à changer decamp. Comme chef de vente juniordans le négoce familial, il étaitcopropriétaire de cinq maisonsà Assise. Le futur Poverello selaissa déshériter et vécut volon-tairement sans plus rien posséderet sans domicile fixe. Il se renditau pied des murs de la ville. Là,il vit d’abord avec les parias etretape une chapelle de campagnedélabrée dont l’icône du «Christpauvre» l’avait surpris.

François d’Assise: hautementsensible à la créationFrançois d’Assise en est venu à s’intéresser à la création, à ce qu’elle doit représenter,après une expérience de vie qui l’a profondément transformé. Dès lors, une relationspirituelle profonde à l’environnement et à la création de Dieu est devenuefondamentale pour lui. Niklaus Kuster

Reconnaissant son appel commeambassadeur de paix, à la suite desdisciples de Jésus et sa vocationd’apôtre itinérant, il voyage bientôtdans toute l’Italie, passant la nuitdans les lazarets, les églises etles grottes. Il se considère commepartie prenante de la création et ilse sent apparenté aux alouettes:vêtu simplement et se contentantde peu de nourriture, il est librepour contempler le ciel et chanterle Créateur.

Vie matériellement sansprétentionLes frères de François et les sœursde Claire mènent une vie sans pré-tention matérielle. Ils se procurentque ce qui est nécessaire et parta-gent leurs biens. Ils vivent soli-daires des nécessiteux. Un événe-ment illustre bien la fibre sociale etécologique du nouveau mouve-ment. François a été invité dans laVille éternelle par le Cardinal Hugode la famille des comtes de Segnipour y partager un repas. L’Évêqueet Seigneur d’Ostie présenta lecélèbre frère à sa noble parentéet ses proches prélats. Une tablegarnie fut dressée et tous se re-trouvèrent. Toutefois, le petit frèreFrançois ne se sentit pas à l’aiseparmi les comtes et ces excel-lences. Il quitta la place d’honneurà côté de son hôte et il s’excusapour un court instant, il sortit dans

Vêtu simplement,content du peu denourriture et libre pourcontempler le ciel,il chante le Créateur.

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Photo: Bruno Fäh

la ruelle et s’assit parmi les men-diants qui attendaient les surplusdu festin pour repas de midi. Unefois rassemblés dans un bol en boiscouennes et légumes, il revint au-près du Cardinal Hugo et alla par-tager avec chaque invité un peudes restes récoltés puis reprit saplace à table.

La conscience sociale unit etle luxe individuel sépareFrançois n’a pas abandonné sonmode de vie pour se comporter enascète. Il était plein de joie et re-fusa de prendre dans sa Règle devie les anciennes pratiques dujeûne dans les monastères. Il enappela aux conseils de Jésus à sesdisciples et pressa ses frères àmanger de tout et à accepter de

ce que les gens leur offraient. L’épi-sode de Rome indique clairementoù peut mener une vie de privilé-giés: la conscience sociale met encommunion, tout luxe sépare; unevie matérielle ayant le sens de l’au-tre enseigne à mettre en valeur lesrestes, de s’occuper d’autrui sansgêne; François surmonta la frac-

ture entre la table du Cardinal etles restes que reçoivent les men-diants à sa porte. Il rappelle coura-geusement l’Évangile à la richeÉglise, parce que le Cardinal ne

peut ignorer l’appel de la paraboledu pauvre Lazare dans cette scèneembarrassante. En 1979, le Pape Jean-Paul IIn’a pas nommé le mystique duMoyen-âge patron de l’écologieparce qu’il nous donnerait des so-lutions concrètes sur les questionsenvironnementales. Ce qui a étédéterminant, c’est l’attitude fonda-mentale avec laquelle François arencontré le monde créé. C’est lecantique de Frère Soleil chantévers la fin de sa vie qui fait de luice saint patron, car il y fait l’élogede la bonté de Dieu avec et dansses créatures. Son premier biographe définitl’amour du Poverello pour la créa-tion comme suit: «Ce joyeux vaga-bond a trouvé son plaisir dans les

Claire d’Assiseappelle aussi ses sœursà rencontrer toutesles créatures avecbeaucoup d’amour.

Saint François prêchant aux oiseaux

(fresque de laBasilique du Sacro

Convento à Assise)

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choses qui sont dans le monde. Ilvoyait le monde comme un miroirde la bonté de Dieu. Dans toute

œuvre d’art, il a salué l’artiste. Il adirigé vers le créateur tout ce qu’iltrouve dans le monde créé. Il a vuen toute œuvre de la création lesmains du Seigneur et dans tout

ce qu’il voyait, il le renvoyait àson origine et donc à la source detoutes choses. Il a reconnu le plusbeau dans tout ce qui est beau, ettout bien, il le retourne à celui quinous a créés, c’est lui le meilleur.» Dans le cantique de Frère So-leil appelé également Cantiquedes créatures, François loue FrèreSoleil qui est à l’image de Dieu,

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parce qu’il diffuse sur terre la lu-mière, l’énergie et la force, SœurLune et les étoiles dans le cielsont lumineuses, précieuses etbelles. Frère Vent et soufflecontribuent au changement de

temps pour le bien de toutesles créatures, comme égalementSœur Eau, qui est utile, simple,précieuse et pure. Frère Feu illu-mine la nuit dans les foyers etles camps et François le poèteencourage les hommes, à êtreeux-mêmes des êtres de feu,beaux, dynamiques, joyeux et

forts. Sœur Terre, maternelle,suscite la joie et la reconnais-sance du poète parce qu’elleporte et nourrit toutes les créa-tures et produit des fruits si di-vers, des fleurs et les herbes.Claire d’Assise appelle aussi sesSœurs à rencontrer toutes lescréatures avec beaucoup d’amour«où que vous voyiez de beauxarbres, des fleurs et des feuilles,ou alors des humains ou d’autrescréatures. Les Sœurs doivent tou-jours louer Dieu pour tout et entoute chose.» Dans son encyclique consacréeà l’environnement qui se réfèreau Cantique des créatures, en sonpremier verset, Le Pape Françoislui donne comme titre «Loué soistu», «Laudato si’». D’ailleurs, il enparle dès les premières pages.

Pour le pape, l’exemple de Fran-çois d’Assise montre que, toutaussi importante qu’une actionécologique concrète dans la viequotidienne. Une politique envi-ronnementale déterminée au ni-veau local, national et internatio-nal ainsi qu’une nouvelle forma-tion à l’écologie constituent unretournement spirituel fonda-mental. Le monde n’a d’avenirque si les hommes se reconnec-tent avec tous les créatures. Il fautabandonner la conception quiveut que tout ce qui existe soittraité comme un objet dont nouspouvons disposer à notre guise.Le Pape François souligne que lacontemplation est importanteparce qu’elle permet une nou-velle relation entre les hommeset les créatures.

La contemplation est importantepour une nouvelle capacité

de l’homme à la nature.L’image montre l’étonnement

de randonneurs devant le plus grand glacier de Suisse,

dans la région d’Aletsch.

La contemplationpermet une nouvellerelation entreles personnes etles créatures.

Photo: Bruno Fäh

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tant les effets du changementclimatique. Des objets en tousgenres, des meubles, des vête-ments, des outils, des jouets, serontréparés, restaurés dans les 27 ate-liers du village. Quant aux déchetsverts, gravats et autres encom-brants, ils seront recyclés dans lecadre de partenariat avec diffé-rentes entreprises régionales. L’ob-jectif étant à terme de recycler100 pour cent de déchets. Au cœur de l’économie localeet régionale, Emmaüs Lescar Paucompte rien que pour le recyclageplus de 160 partenaires revendi-quant une stratégie gagnant/ga-gnant, comme le reconnaissait lemaire de Lescar, Christian Laine:«Nous avons deux déchetteriessur la ville; l’une, gérée par un syn-dicat, qui nous coûte de l’argent.L’autre, gérée par Emmaüs, qui nenous coûte rien.» Au-delà de la gestion des dé-chets, le village Emmaüs LescarPau a aussi innové dans d’autressecteurs, comme l’éco-construc-tion, avec l’édification de maisonsen bois pour les compagnons.Dans le souci de lutter contre le

En créant, il y a 70 ans le mouve-ment Emmaüs, l’abbé Pierre etses premiers compagnons se sontmontrés prophétiques sur biendes points, liant notamment luttecontre l’exclusion et contre le gas-pillage, en proposant de refaireune santé dans un cadre commu-nautaire à des personnes que lasociété a exclues et en leur faisantretaper des objets dont cette mêmesociété ne veut plus. A l’époque,l’urbanisation génère de nouvelleshabitudes avec la consommationde masse. L’on découvre les dé-chets, les plastiques et la poubelle. Dans ce contexte Emmaüs vajouer un rôle de pionnier dans lestechniques de la récupération etdu recyclage inventant le tri sélec-tif dès les années 1960, anticipantavec le bric-à-brac l’explosion desvide-greniers et des brocantes,puis des boutiques vintage et du e-commerce version «le bon coin» etconcevant l’économie circulaire,bien avant que les grandes entre-prises ne s’y intéressent. Tous ces éléments demeurentdans l’ADN du mouvement Em-maüs, en France comme dans le

monde. C’est notamment le cas auvillage Emmaüs Lescar Pau, la plusgrande communauté de France,qui, sous la houlette de son fonda-teur et actuel responsable, Ger-main Sarhi, n’a pas cessé d’innoverau cours des dernières décennies. La création en 2008 d’une recy-clerie-déchetterie liée à la Commu-nauté d’agglomération de Pau apermis le développement d’autres

activités. Aujourd’hui, avec plus de100 000 passages par an, (le sa-medi, ce sont entre 400 et 600 voi-tures), Emmaüs Lescar Pau recyclebon an mal an plus de 80 pour centdes 85 000 tonnes de déchets ap-portés. Ce qui, du point de vue environ-nemental, permet d’éviter le rejetde 6030 tonnes de CO2 dans l’at-mosphère et donc de limiter d’au-

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Emmaüs, pionnier del’économie circulaireLe mouvement Emmaüs a, dès l’origine, lutté contre le gaspillage, à contre­courantdes trente glorieuses, mais anticipant les comportements aujourd’hui de bonnombre de nos contemporains, de plus en plus nombreux, vers plus de sobriété.Denis Lefèvre

En créant, il y a 70 ansle mouvement Emmaüs,l’abbé Pierre et sespremiers compagnonsse sont montrésprophétiques sur biendes points.

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Photo: mise à disposition

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réchauffement climatique, de pro-téger la biodiversité et de défendrel’agriculture durable, le village acréé une ferme alternative quis’étend sur une trentaine d’hec-tares de terres et de prés. Elle per-met une forte autonomie alimen-taire (de 5 pour cent pour les fruits

et les légumes à 80 pour cent pourla viande). Près de 200 repas sontpris chaque midi au réfectoire,sans compter le restaurant, etl’épicerie qui valorise les spécialités

locales. Depuis peu, un atelier detransformation et de conserves etune boulangerie sont venus ren-forcer cette stratégie d’autonomiealimentaire.

Ressourcement créatifLe village Emmaüs de Lescar-Pauqui a prospéré sur la folie consu-mériste tout en promouvant uneforme de sobriété heureuse, chèreà Pierre Rabhi, est devenu au fildes années un lieu de ressource-ment créatif, qui accueille plusd’un millier de chineurs quotidien-nement. C’est aussi un lieu futuristed’échanges et de diversité, de ren-contres et de convivialité, qui per-met tout à la fois de déposer des

déchets à la déchetterie-recyclerie,fouiner au bric-à-brac. On y peutà loisir se promener dans la fermealternative, visiter les ateliers et,éventuellement, s’initier aux pre-miers rudiments de certains mé-tiers, déjeuner au restaurant oupique-niquer au milieu des ani-maux de la ferme. Il est possible dedécouvrir l’architecture originaledu village avec comme perspec-tive la magnifique chaîne desPyrénées, s’offrir une petite crêpe,si l’on a un creux à l’estomac, ouboire une bière au bar, se distraireen écoutant un concert ou se cul-tiver lors d’une conférence débatsur les abeilles, la biodiversité,l’altermondialisme, la Palestine oule changement climatique …

Au­delà de la gestiondes déchets, le villageEmmaüs Lescar Paua aussi innové dansd’autres secteurs.

Chaque jour, les clients farfouillent dans les allées de la salle de ventes, chez Emmaüs Lescar-Pau.

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16 frères en marche 2|2019

Le mode de vie de Béa Johnson etdes siens a fait des émules nonseulement en Suisse mais aussidans le monde entier. En 2016,Frères en Marche lui avait consacréun reportage dans le cadre du nu-méro sur la protection de l’environ-nement. Depuis, Bea Johnson estdevenue une référence internatio-nale et ses livres sont des best-sellers. L’association ZeroWasteSwitzer-land, fondée en 2015, a pour mis-sion d’œuvrer en faveur de la ré-duction des déchets et du gaspil-lage, en sensibilisant la populationaux problématiques liées aux dé-chets, en encourageant un chan-gement de comportement versun mode de consommation auplus proche du zéro déchet. Cetteassociation, qui compte presque1000 membres, soutient l’implica-tion active des acteurs du change-

ment vers une économie circulaire,en se positionnant en faveur d’unelégislation visant à réduire la pro-duction de déchets en Suisse.

Reconnue d’utilité publiqueDepuis sa création, ZeroWaste n’aeu de cesse de réunir des acteursdu changement dans toutes lesrégions du pays. L’association a misen place des ateliers pratiquespour donner des solutions localesaux personnes prêtes à adopter cenouveau mode de vie. Dans les dif-férentes régions où l’associationest présente, des espaces de dis-cussion se sont créés et le nombred’initiatives ne cesse de croître.Depuis 2018, ZeroWaste Switzer-land est même reconnue d’utilitépublique. La structure compte aussi surl’expertise de 25 ambassadrices etambassadeurs qui font connaître

ZeroWaste Switzerland:chacun peut agir à son niveau«Refuser, réduire, réutiliser, recycler, composter», tels sont les règles d’or à appliquerpour limiter ses déchets. Béa Johnson et les membres de sa famille sont connus dans toutel’Amérique pour un défi qu’ils relèvent depuis dix ans: vivre sans occasionner de déchets.Alors que nous produisons des dizaines de kilos par mois, cette famille en génère en effetmoins d’un kilo par année! Nadine Crausaz

le concept «zéro déchet» au seinde leur communauté de vie. Cesont pour la plupart des jeunesfemmes, mères de famille, dyna-miques, qui ont pris conscience del’importance de changer de styleet de mode de fonctionnementpour préserver la nature et la pla-nète.

En pratique au quotidienLeurs missions: sensibiliser, inspi-rer et aider les personnes qui sou-haitent changer leurs habitudeset réduire leur consommation etleurs déchets. Au cours de confé-rences, ou d’ateliers, ces bénévoles

partagent des idées pour unesociété zéro déchet et zéro gaspil-lage. Grâce également aux réseausociaux, leurs bons plans, les re-cettes et les adresses utiles sontpartagées avec les plus grandnombre. Elles mettent en prati-que au quotidien des mécanismes

Leurs missions:sensibiliser, inspirer etaider les personnes quisouhaitent changer leurshabitudes et réduireleur consommationet leurs déchets.

La pionnière parcourt le mondePassionnée et optimiste, Béa Johnson, originaire du Sud de la France estdevenue le porte-parole mondial de ZeroWaste. Elle écrit des best-sellers etdonne des conférences dans le monde entier pour inciter les gens à vivresimplement et à réduire radicalement leurs déchets, grâce à l’applicationde cinq règles: refuser, réduire, réutiliser, recycler, composter.

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17frères en marche 2|2019

salvateurs pour l’humanité et sontdonc bien placées pour savoir que:oui, c’est possible. Il suffit pour tout un chacun deregarder autour de soi l’étenduedu gaspillage et se rendre comptede toutes les possibilités qui exis-tent pour agir. Environnement,santé et simplicité sont les maî-tres-mots de ces mouvementsqui s’étendent aussi ailleurs enEurope.

https://zerowasteswitzerland.ch

Les cinq conseils efficaces pour une vie zéro déchet.1 Refuser (ce dont vous n’avez pas besoin). Le premier objectif est deréduire sa consommation pour réduire ses déchets. Vous n’aurez pas à jeterce que vous ne consommez pas. L’objectif «zéro déchet» n’est pas de recyclerplus, mais de faire barrage aux éléments qui envahissent nos maisons.

2 Réduire (ce dont vous avez besoin et ne pouvez pas refuser). Préférer laqualité à la quantité, l’expérience aux biens matériels. Ainsi, vous allezremettre en question toutes vos habitudes d’achat et de consommationpour aller à l’essentiel.

3 Réutiliser (ce que vous consommez et ne pouvez ni refuser, ni réduire).Réutiliser permet d’utiliser plusieurs fois le même objet. Un sac plastiquepeut servir à transporter des chaussures boueuses ou devenir sac poubelle.

4 Recycler ce que vous ne pouvez ni refuser, ni réduire, ni réutiliser.

5 Composter. Le compostage est le recyclage des matières organiques.

C’est difficile à croire: les ordures produites en une année (2015)par la Française Bea Johnson et sa famille, qui vivent à proximitéde San Francisco, tiennent tous dans un bocal à confiture.

Voici à quoi cela ressemble le frigidaire chez Bea Johnson.La nourriture n’est pas emballée ou alors dans desmatières recyclables.

Bea Johnson doit êtrela représentante la plus connue

du mouvement Zéro Déchet.Mais elle n’est pas complètement

«sans reproche» elle non plus.Car, pour diffuser son message,

elle voyage sans relâcheautour du monde... en avion.

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Les regards en disent plus que delongs discours. Les compagnonsont pour la plupart connu les affresde la désocialisation, les angoissesde la vie dans la rue, la prison pourcertains. On sait ici mieux qu’ail-

leurs que la frontière entre unevie confortable et les abîmes de laprécarité est plus ténue qu’on nepense, épaisse comme une feuillede papier. Les vicissitudes del’existence, maladie, divorce, perte

A Emmaüs, on recycle aussides personnesJ’ai été invitée à Emmaüs Pau Lescar, au pied des Pyrénées, par le fondateur Germain Sahri,croisé par hasard dans un avion, entre Paris et Bogota. J’y ai séjourné une première fois enfévrier, puis l’automne suivant. Je me suis soumise aux mêmes règles que les compagnons,pour ce qui est des horaires de travail et les repas pris collectivement. Nadine Crausaz

d’emploi ou problèmes d’addic-tions, ont fait en sorte que l’on seretrouve dans la bordure. Curieusement, je me suis vitesentie à ma place, au milieu de cescabossés de la vie. Peut-être parce

Emmaüs Lescar Pau joue sur la solidarité et la collectivité, les valeurs prônées par l’Abbé Pierreplus que jamais d’actualité, aussi au moment de l’entretien des chemins du village.

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Photos: mise à disposition

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que je le suis dans doute un bonbout moi-même. Les femmes sontles bienvenues et ont aussi un rôleà jouer. J’ai croisé égalementquelques familles, les enfants sontnormalement scolarisés dans lacommune adjacente. Le constatest bien amer: toujours plus dejeunes frappent à la porte pour ytrouver refuge.

L’expérience de la vieen communautéL’accueil est nuancé. Certains semontrent affables et donnent vo-lontiers un coup de main pour quel’on se sente vite à l’aise. D’autrescompagnons, en revanche, se ter-rent dans leur mutisme. Ils gardentpour eux leurs lourds secrets. Lescoups vaches du destin ont laissédes marques sur les visages, surdes corps, vieillis prématurément,souvent voûtés… Pour certains, lasouffrance est à fleur de peau. Ilfaut beaucoup de tact pour gérertous ces forts caractères, dans unvivre ensemble pas toujours de

tout repos. Mais au fil des jours,j’ai pu observer comment ils re-viennent à la vie et retrouvent leurdignité à travers leurs activités. En échange d’un toit et des re-pas, j’ai fait comme les autres, j’aioffert de mon temps. Ici, on formedes chauffeurs, des déménageurs,mais aussi des réparateurs demeubles, d’appareils électroména-ger, d’ordinateurs, et même desvendeurs. Dans tous les ateliers,

chaque responsable gère sa petiteéquipe pour trier les tonnes delivres ou redonner une nouvellevie à des milliers d’objets, jouetsou bibelots, vêtements. Le matin,le travail consiste principalement àla réception et au tri, les après-midià la vente. J’ai donné un coup demain dans plusieurs ateliers et j’airencontré des personnages hautsen couleur et très attachants, avecdes parcours de vie hors du com-mun.

Le vœu de l’Abbé est respectéIl y règne un véritable esprit de vil-lage, avec son maire et ses conseil-lers, élus par tous les résidents, aucours d’une assemblée à laquelleil m’a été permis d’assister, sansvoter bien sûr. La communautén’est pas enregistrée officielle-ment en tant que telle et ne peutpas ainsi participer au concours duVillage le plus fleuri de France, augrand dam du jardinier. Car autourdes maisonnettes construites despropres mains des compagnons,les jardinets fleurissent en été. «On peut sortir un homme de larue, mais pas la rue de l’homme»,c’est vrai. Mais à Pau Lescar etdans les autres communautésd’Emmaüs, on tend une main se-courable depuis 70 ans. Ici, on recy-cle aussi des personnes. Le vœu del’Abbé est respecté.

Une longue cape noire, une canne et un béret ... Voici l’abbé Pierre!Un Franciscain qui a consacré sa vie à aider les autres. Durant la SecondeGuerre mondiale, l’abbé Pierre a été résistant. Il a caché et sauvé des Juifs.Il est ensuite sollicité pour entrer en politique et est élu comme député deMeurthe-et-Moselle en octobre 1945. En 1949, il crée Emmaüs. Son idée,récupérer de vieux meubles, des appareils, des vêtements usés... les répareret les revendre. Les compagnons travaillent et gagnent ainsi un pécule.

L’hiver 1954 est glacial. A Paris, des gens meurent de froid. L’abbé Pierrelance alors son célèbre appel: «Mes amis, au secours.» Il demande à tous sescompatriotes d’ouvrir leurs portes aux sans-abri. Même après sa disparition,le 22 janvier 2007, à l’âge de 94 ans, L’abbé Pierre est resté une despersonnalités préférées des Français.

Dans un des nombreux ateliers deLescar-Pau, un compagnon répare

les appareils électroménagers.

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Lorsque des militants de Green-peace ont mené une opération denettoyage de plages dans la capi-tale philippine de Manille, ils ontété consternés: sur 1200 mètrescarrés, la surface d’une grandemaison familiale, ils ont trouvé54 000 déchets plastiques: brossesà dents, emballages, bouteilles PETet shampooings, pailles et cuillè-

res. «Nos militants n’ont plus vula plage en dessous à cause de toutle plastique», écrit Yves Zenger,porte-parole de Greenpeace.

Matériel miracle?Une vie sans plastique est pres-que impensable aujourd’hui, carle plastique est un matériau poly-valent. Il est léger, bon marché,

Les déchets plastiques finissentdans les océansLe réchauffement climatique dû à l’augmentation des gaz à effet de serre est sur toutesles lèvres. On oublie que la pollution croissante des océans par le plastique est tout aussidramatique. Il n’y a actuellement aucune preuve que l’augmentation mondiale de laproduction de plastique ralentit. On se noie dans les déchets plastiques? Beat Baumgartner

malléable, hygiénique, inodore etsouvent incolore et durable. Ilest principalement utilisé commematériau d’emballage, dans laconstruction, dans les voitures etdans l’électronique. La productionmondiale est passée de 1,5 millionde tonnes à 335 millions de tonnesen 2016 (PlasticsEurope 2017), de-puis le début de la consommation

Photo: Joerg Boethling

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de masse dans les années 1950.Cette production devrait encoreaugmenter de 40 pour cent dansles 10 prochaines années, selonGreenpeace. Chaque année, unSuisse en jette plus de 100 kilo-gramme à la poubelle. Parce que le plastique ne se dé-grade pas naturellement, il duredes décennies, voire des siècles. Lerecyclage du plastique fonctionneaussi difficilement: de nombreuxtypes de plastique ne peuvent êtretraités qu’avec une consomma-tion d’énergie élevée et seulementquelques fois avec des matériauxde haute qualité, après quoi ils nepeuvent être utilisés que dans desproduits de qualité inférieure. Pourcette raison, seulement 9 pourcent environ des plastiques sont

recyclés dans le monde, environ12 pour cent sont incinérés etprès des quatre cinquièmes finis-sent dans des décharges, dansl’environnement et enfin dans lesocéans. Une grande variété d’informa-tions est donnée lorsqu’on parle de«plastique dans la mer». Par consé-quent, les chiffres cités doiventêtre interprétés avec prudence(voir encadré). Une seule chose estcertaine: il y a des tonnes de plas-tique qui finissent dans les océanschaque année, qui sont déjà là etqui nuisent aux animaux et à l’en-vironnement.

Une fois dans les océans, lesrestes de plastique suivent lescourants et s’accumulent dansd’immenses tourbillons. Il existedeux gigantesques décharges flot-tantes dans l’Atlantique, une dansl’océan Indien et deux autres dansle Pacifique, dont la plus grandeest le Great Pacific Garbage Patch,quatre fois plus grand que l’Alle-magne. L’eau salée, les mouvements desvagues et le rayonnement solairepulvérisent ces pièces en mor-

ceaux toujours plus petits – microet nano plastiques. Selon leur gra-vité, ces particules sont disperséessur toutes les couches de l’océanet s’enfoncent dans le fond marin.Seulement 1 pour cent des déchetsplastiques flotte à la surface de lamer, sous forme d’îlots. Les cher-

Une fois dans les océans,les restes de plastiquesuivent les courants ets’accumulent dansd’immenses tourbillons.

Près des quatrecinquièmes du plastiqueproduit finissent dansdes décharges, dansl’environnement etenfin dans les océans.

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Des déchets plastiquesdans un égout dansle bidonville Dagat-Dagatande Manille.

Les milliards de déchets plastiques flottants forment une gigantesquedécharge dont émerge en surface que le un pour cent de son volume.

Faits et chiffres sur le plastique dans la merEntre 4,8 et 12,7 millions de tonnes de plastique entrent dans la merchaque année.Entre 100 et 147 millions de tonnes est le poids total du plastiquedans les océans.Le plastique représente entre 60 et 80 pour cent de tous les déchets en mer.Environ un cinquième d’entre eux proviennent de navires, le reste deségouts, des rivières, des houillères ou des plages.Environ 1,8 milliards de particules de plastique flottent autour du GreatPacific Garbage Patch, avec une quantité estimée à 5,25 milliards departicules de micro plastique pesant 269 000 tonnes à travers les océans.Plus de la moitié des déchets plastiques ne proviennent que de 5 paysasiatiques: Chine, Indonésie, Philippines, Vietnam et Sri Lanka.D’ici 2025, les déchets plastiques du monde doubleront.8 pour cent de la production de pétrole est nécessaire pour produire le plastique.34,1 pour cent des déchets trouvés dans le Swiss Littering Report 2018étaient des mégots de cigarettes. Ils ne sont pas biodégradables etcontiennent environ 4000 substances toxiques à des concentrations élevées.

Sources: Greenpeace, OceanCare, Die Zeit, Anja Krieger

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cheurs ne savent toujours pasexactement où se trouvent lesimmenses décharges de plastiqueau fond de l’océan.

De retour dans notre corpsLe plastique flottant dans lescouches océaniques supérieuresdevient un piège mortel pour lesanimaux marins. Des centainesde milliers de dauphins, baleines,phoques, tortues, oiseaux aqua-tiques et même des ours polairesmeurent, car ils confondent dé-chets plastiques et nourriture. Lesanimaux marins s’emmêlent dansdes pièces de plastique et sontlentement étranglés, les animauxadultes se noient parce que leursnageoires sont carrément ligotéespar des ficelles. Cependant, ceci n’est qu’un côtéde la médaille: les micro et nano

particules, qui sont saturées desubstances toxiques, en partiecancérogènes, sont absorbées parles animaux marins – des pluspetits organismes du plancton, enpassant par les coquillages et lespoissons jusqu’aux grandes ba-leines. Si ces produits en micro

plastique sont ingérés par les pluspetits animaux marins, qui sont àleur tour des aliments pour lesplus gros, les toxines s’accumu-lent dans leur chair et reviennentfinalement dans notre vie, viala chaîne alimentaire. Les consé-quences pour notre corps ne sontpas encore étudiées. Peut-être plus important en-core, les humains ont besoin des

océans pour respirer. La mer nousprocure en effet une grande partiede l’oxygène vital. Jusqu’à 70 pourcent de la production du O2 sontfournis par des micro-organismes,tels que le plancton, les microbeset les algues. Si la mer bascule àcause d’une trop grande pollutionet qu’elle perd sa fonction de pro-ducteur d’O2, alors il en sera rapide-ment fini avec la vie sur terre...

Résoudre le problème desordures sur terreLentement, on prend de plus enplus conscience dans le mondeentier que la pollution des océanspar le plastique doit être stoppéeà tout prix. Cependant, des idéestechniques, comme celles du net-toyage des océans n’ont guère desens. L’entreprise du jeune entre-preneur hollandais Boyan Slat pro-

L’homme a besoin desocéans pour respirer.❯

Qui peut encore rêver de bords de mer salubrepour s’y détendre ou y passer des vacances bénéfiques?

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Double-page (24/25):Des enfants ne manquent pas de

s’engager pour récolter tout ce quitraîne sur l’espace public et donnent

ainsi aux adultes un bel exemplede leur conscience écologique.

Photo: Stefan Maurer

pose d’utiliser des filtres à eaugigantesques pour extraire le plas-tique des tourbillons de la merd’une manière efficace. «Il s’agitd’environ 0,5 pour cent du plas-tique qui atteint les océans cha-que année», comme le souligne lechercheur Mark Lenz de Geomarà Kiel (Die Zeit, août 2018). «Nous devons résoudre le pro-blème des ordures sur la terreferme», dit Mark Lenz. La vraie so-lution, cependant, n’est pas depêcher à nouveau ou de recycler leplastique ou de passer à des pro-duits de substitution comme lepapier. Cela ne change pas notrementalité de jeter ou de gaspillerdes ressources. Le seul moyen significatif estd’éviter systématiquement le plas-tique et son utilisation abusive.Tous les secteurs de la société sont

Pour une Suisse sans déchet plastiqueSTOPPP, une organisation à but non lucratif, a pour objectif de prévenirla pollution par les plastiques. En juin 2018, il a publié le «Swiss LitterReport», qui prouve que les eaux suisses sont de plus en plus polluéespar les déchets plastiques. STOPPP rappelle différentes données:

• Il a été prouvé que de nombreux produits chimiques dans les plastiquessont nocifs pour l’homme et les animaux.

• Les plastiques sont produits à partir de pétrole brut, de gaz naturel,de charbon ou de matières premières renouvelables telles que l’amidonou la lignine.

• Les bioplastiques ne sont respectueux de l’environnement que s’ils sontbiosourcés et biodégradables.

• Les particules micro plastiques dans les eaux ont la propriété d’attireret de lier les toxines, appelées polluants organiques à vie longue (POP).

• Des études démontrent que les déchets plastiques s’accumulent dansla mer, non seulement dans les grands tourbillons océaniques,mais également au fond des mers, des rivières et des lacs où ils formentun limon toxique.

• Les déchets plastiques dans notre environnement proviennent engrande partie de la consommation privée: emballages, sacs, bouteilles,ustensiles ou produits cosmétiques éliminés de manière inappropriée.

www.stoppp.org

appelés à le faire: nous, consom-mateurs, en n’utilisant plus devaisselle, vêtements et chaussuresjetables en fibres de plastique, nidentifrice avec billes micro plas-tiques et, si possible, en achetantles aliments sans emballage, envrac. Depuis que les grandes sur-faces ne fournissent plus gratuite-ment de sacs en plastique, leur utili-sation a diminué de 80 pour cent. Et enfin, et ce n’est pas lemoins important: les multinatio-nales des biens de consommation.C’est là qu’intervient Greenpeaceavec sa campagne «Pour un avenirsans plastique»: «Les entreprisesqui produisent des biens de con-sommation de courte durée telsque les aliments, les boissons, lesproduits de nettoyage, les déter-gents et les produits de soinscorporels... sont principalementresponsables de la pollution plas-tique», écrit Greenpeace (p. 5).

Pour ces sociétés, Nestlé, Unile-ver, Procter&Gamble, Coca Colaou Pepsi, l’activité plastique jetableest centrale... Ils ne prennent au-cune mesure de réduction. Ils affir-ment en effet que le recyclage etune meilleure gestion des déchetsrésoudront la crise et transfèrentl’entière responsabilité aux con-sommateurs et aux politiciens.Mais on ne peut pas continuercomme ça!

Photo: Adrian Müller

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Le Père Ben est prêtre depuis plusde 30 ans dans cet univers de ladécharge. Né en 1946 aux Philip-pines, il a étudié l’ingénierie, laphilosophie et la théologie et aenseigné dans un séminaire deson Ordre aux Philippines. Dansle même temps, il a décidé de re-joindre ceux qui vivent en marge.Le monde des décharges est un

monde dangereux. Le Père Ben entémoigne en parlant d’EnquietaEscarda. «Quand elle est arrivée à Smo-key-Mountain, elle est allée au tasde déchets avec un crochet en feret un panier. En tant que femme,il était difficile de tenir tête aux

La décharge comme métaphorede l’espoirDepuis 2013, le drame musical «Les chansons des enfants des décharges» composé par leP. Benigno des pères de Steyl, traduit l’expérience de ceux et celles qui trient les ordures de la«Smokey Mountain» (montagne d’ordures) à Tondo, Manille, aux Philippines. Prof. Engelbert Gross

hommes plus forts et plus rapides,puis de faire la lessive et de prépa-rer la nourriture. Clairement etavec une simplicité désarmante,elle a parlé de son travail de recy-clage des déchets, de la faim quironge quand il n’y avait rien àramasser, des combats violentset des coups de couteau commeaussi des cadavres de criminelsou d’insurgés qui avaient été jetésà la poubelle. Elle se souvient dequelques bébés morts qui avaient

Sur une des décharges de Manille,que d’hommes, de femmes etd’enfants de tout âge sontcomme des fourmis qui tiennentà collecter tout ce qui représentepour eux un gagne-pain oupeut-être une fortunepour se nourrir et aiderla famille à survivre.

Ils réclament un changement de vie en chantant «Oya»

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simplement été abandonnés. Elleles a ensuite mis dans des cartonsde lait, a fait une prière puis les aenterrés dans la décharge.»

Arrête de crier! Regarde,nous sommes pleins d’espoir!Le Père Ben est un prêtre créatif etengagé. Il a lancé de nombreusesinitiatives pleines d’espoir, commepour Rhuwin, que je connais de-puis des années. Sa famille vit au4e étage de l’une des «maisonsen dur» juste à côté de la partiemaintenant fermée de la dé-charge. Elle n’y passe plus sa vie. Lepère de famille conduit le camiond’une entreprise de ramassagedes ordures. Rhuwin, comme «pro-tégé» du Père Ben, je le connaiscomme un jeune chef, qui dit delui-même: «Tout ce que je vais en-treprendre, je le ferai contre Smo-key-Mountain, contre l’emprise del’horreur, la mentalité d’une foiaveugle au destin et le fatalismeambiant ici. Ce que je deviens, jele ferai par choix pour un mondedans lequel les gens croient ‹vert›,économisent ‹vert›, vivent ‹vert›.Les idées doivent germer et sedévelopper, l’humanité doit pros-pérer et avoir un avenir dans le-quel justice, miséricorde, bonheursoient des raisons d’applaudir etde danser…» Rhuwin est membre du groupede danse «Enfants de la Terrenourricière», qui se trouve ici à ladécharge, sa petite sœur égale-ment. Rhuwin incarne une saine

confiance en lui. Comme éboueur,il a osé étudier. Il se veut au servicede la communauté: il a passé sesexamens en 2018 et occupe main-tenant un poste d’ingénieur élec-

tricien. C’est le fruit de sa ténacitéet d’un Investissement humain. Je décris quelque chose de la di-versité et de l’ampleur du contenudu travail durable du Père Ben, ducri des enfants et de la déchargecomme une «métaphore de l’es-poir» (Ben Beltran). Si on pense que le Père Ben estun théologien «vert», alors on doitreconnaître son sens écologique.L’énergie «verte» signifie la forcede vie. Ben Beltran a vécu avec sespauvres sur la décharge, inspirantles désespérés, pacifiant les vio-lences et organisant des moyensde subsistance. Il a fait construiredes maisons au lieu de cabanes,une usine de compostage, uneentreprise de recyclage, une sa-vonnerie. Il a organisé des coursd’apprentissage en ligne approu-vés par l’État pour les étudiants en

décrochage scolaire. Il a exhortéles jeunes à acquérir des compé-tences en informatique qui leurfourniraient un emploi. Il a essayéde construire une église écologi-quement bien pensée. Son archi-tecture doit non seulement êtreverte et communautaire, maisaussi un symbole efficace qui rap-pelle aux habitants de notre pla-nète «de ne pas faire du mondeune grande décharge, à l’instar deSmokey Mountain».

«Église verte faite de pierresvivantes»Parallèlement à cette vision de«l’Église verte», Ben Beltran adéveloppé la vision d’une «égliseverte» spécifiquement constituéede «pierres vivantes» (1 Pt 2, 5).C’est un groupe de jeunes qui sontnés et ont grandi dans ce contexte

Rappelez­vous de ne pastransformer le mondeen un seul grand SmokeyMountain.

Les enfants sont particulièrement exposés aux maladies infectieuses etau risque d’intoxication ou d’empoisonnement sur ces décharges publiques!

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de la Smokey Mountain, qui doi-vent travailler quotidiennementdans la puanteur et le bruit dela décharge avec leur famille, aucontact de déchets dangereux,comme des tôles et autres ordu-res, pour vendre tout ce qui estrecyclable pour un peu d’argent.

Ben Beltran a rencontré cesjeunes, les a rassemblés et les aformés et discipliné pour les artsde la scène dans une communautéde destin. Le Père Beltran a pu ainsiinclure ces filles et garçons de 12à 18 ans dans un projet porteur.Celui-ci comprend des contenus

très variés, comme la sensibilisa-tion au destin tragique du mondeet la destruction de l’environne-ment, la danse, la discipline et l’en-gagement, les compétences fon-damentales pour la vie, l’hygiènepersonnelle, les bonnes manières,la communication et le dialogueavec d’autres jeunes de religionsdifférentes. Le Père Beltran les ap-pelle «Enfants de la Terre nourri-cière». Ils sortent ainsi du tas ets’impliquent dans l’écologie. Ils for-ment un groupe environnementalengagé de jeunes artistes. Le jour-nal Asian les présente comme des«joyaux».

La merveille du bambou:«Nouvelle Terre»Les «Enfants de la Terre nourri-cière» du Père Ben grimpent dansles montagnes boisées prochesde la ville de Marikina. Ils y rencon-trent une double détresse. Lesmontagnes abritent le peuple au-tochtone des Dumagats. Loin de lacivilisation, ils vivent de ce que lanature leur offre. Ce dont ils ontégalement besoin, ils l’obtiennenten produisant et en vendant ducharbon de bois – du moins jusqu’àmaintenant. La forêt a été saignéeà blanc. Les Dumagats pressententla fin du monde, la leur! Dans les vallées, dans les centresurbains, le commerce et l’industrie

se sont installés avec succès. Vuque les montagnes situées au-des-sus ne stockent plus d’eau en rai-son de la déforestation et n’offrentaucune protection contre les tem-pêtes et les typhons, des inonda-tions destructrices menacent les

«Une chanson des enfants de la décharge»Le monde des enfants vivant dans les décharges à Tondo etailleurs est clairement illustré par l’une des chansons qui rendentleur cri public dans le drame susmentionné.

Refrain:Ton père pour boire, il lui manque le verre.Ta mère apporte sa misérable contributiontrop peu pour vivre.Enfant, maintenant, tu dois y aller,sinon tu vas crever de faim.Il n’y a aucune issue pour toi.Il n’y a pas personne su qui tu peux compter.La seule chose qui te reste est de crier.Décharge, engloutis-moi donc!

Strophes:Mon panier à ordures, il est plus grand que moi.Le croc, mon outil de travail à la poubelle,est complètement rouillé.Mon visage: c’est comme un masque-couvertde crasse, de toxines et de cendres.Mes pieds: je les ai protégésavec des chiffons sales.Je dois grimper sur la décharge.Je dois monter sur ces tas d’ordures et les ramasser.

Mes poumons sont remplisde la fumée corrosive des ordures fumantes.Mes yeux sont tout jaunes,mon foie est déjà attaqué.Mon estomac rempli de vers est en train de pourrir.Pieds blessés, ongles abîméspar des éclats de verre.Ma peau est ravagée, tout égratignéeet attaquée par les produits chimiques.

Mes camarades ont été engloutis par la masse des ordures.D’autres sont passés sous le bulldozer qui les a écrasés.Je suis personnellement cassé à vie.Mon cerveau est vide.Je me suis détruit en me droguant.Oui, je ne veux qu’une chose:oublier cette fichue misère.

Les «Enfants de laTerre nourricière»remontent à l’originede la misère,dans les montagnesdes Dumagats.

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29frères en marche 2|2019

populations en contre-bas, détrui-sant tout ce qui se trouve sur leurpassage. Présageant bien ce déclin im-minent au-dessus et en dessousd’eux, les «Enfants de la Terre nour-ricière» remontent à l’origine de lamisère des Dumagats. Les jeunesartistes du Père Ben se rendentdans cette périphérie de la civilisa-tion. Ils entrent en contact aveceux et communiquent. Il s’agit d’uncontrat de réciprocité. L’objectif estde «sauver des vies grâce au reboi-sement». Le bambou est plantésur les conseils de professionnels.Les Dumagats sont impliqués dé-mocratiquement dans le projet. Par le biais du Père Ben, les«Enfants de la Terre nourricière»

Photo: mise à disposition

s’investissent pour financer l’achatde jeunes plants de bambou.«Nous nous associerons au miracledu bambou!» À Eichstätt des étu-diants du collège Willibald unis-sent leurs efforts pour demanderun soutien à cette démarche desauvetage de vies par le reboise-ment. «Les enfants de la Terrenourricière» et les indigènes Du-magats se mettent ensemble pourlutter contre un fléau dans la SierraMadre, aux Philippines.

Énergiquement engagé pourla vérité et la justiceLe rapport sur les activités du PèreBen démontre qu’ils communi-quent «Oya». Ces trois lettres sontdisponibles dans plusieurs lan-

gues. Par exemple, chez les Yorubaau Nigéria, Oya fait référence à ladéesse traditionnelle de la trans-formation. Comme le «vent duchangement», elle remet en causeles structures obsolètes. Elle esténergiquement engagée pour lavérité et la justice. Tous, Rhuwin,les «Enfants de la Terre nourri-cière», les Dumagats, les enfantsde la décharge eux-mêmes et lePère Ben comme aussi les étu-diants d’Eichstätt: ils veulent unchangement.

La déforestation au bénéfice de grossesplantations d’huile de palme requiert

aujourd’hui un reboisement de bambous.Ici deux jeunes d’une ethnie philippine

s’occupent de la plantation de jeunespousses dans une école-pilote

lancée par le P. Ben.

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30 frères en marche 2|2019

Amine, que fais-tu personnelle-ment contre la grande quantitéde déchets?Je pense que l’on ne peut pas fairegrand-chose. Mais si j’avais dupouvoir et de l’influence, j’engage-rais des gens pour ramasser lesordures. Ma famille est aussi trèséconome. Mon oncle recycle devieux pots de confiture et les rem-plit de sauces maison.

Que penses-tu des conséquencesdes déchets plastiques?Les mers sont remplies de déchets.Les animaux mangent tout le plas-tique. Cela colle à leur estomaccomme du chewing-gum. Leurorganisme en est rempli et lesanimaux meurent.

Que devons-nous faire ensemblepour rendre le monde meilleur?Il faut réintroduire la consigne,comme cela se pratique en Alle-

Mon oncle recycle devieux pots de confitureL’élève Amine Balsiger (12 ans) de Berne­Bethlehem,a eu quelques réflexions sur les nombreux déchetsen Suisse, au cours de la préparation du projet«containers originaux» et leurs localisations.Adrian Maurer, diacre de la paroisse réformée deBerne­Bethlehem, en charge du social, s’est entretenuavec elle sur ce sujet. Adrian Maurer

magne, pour que les gens rappor-tent les bouteilles. Nos alimentsne doivent pas être emballés dansdu plastique, mais dans d’autresemballages écologiques.

Combien de déchets sont jetésen moyenne par an en Suisse?Je pense 24 kilogramme d’ordures.

En 2017, 702 kilogramme enmoyenne par habitant ont étéjetés en Suisse. Cela nous place à latroisième place mondiale. Et quepenses-tu des microplastiques?C’est mauvais pour les poissonset si nous en mangeons, cela estnuisible à notre santé.

Comment doit s’impliquer laparoisse réformée de Bethléem?Elle devrait s’occuper de la ques-tion des déchets pour que les gensen jettent moins. Les gens doiventêtre informés.

Informations sur le projet «containers originaux»Du 11 au 15 septembre 2018, de petites et de grandes créatures mythiques ont conquis le secteur de l’Église réformée deBethléem. Des enfants, des adolescents et des passants ont créé et construit des containeurs à déchets en bouteilles PET,sous la direction de l’artiste Stefan Maurer. Les avis sur les déchets ont été recueillis sur un stand d’information puis accrochésà des cordes à linge. À la fin de l’action, il y a eu une petite fête avec apéritif et soupe.

Sculpture en bouteille PET de l’action«Fantastique broyeur d’ordures.»

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31frères en marche 2|2019

Dans la littérature et sur le Web, ilexiste une pléthore de conseils surla façon de mettre un terme augaspillage alimentaire. Tous ceuxqui surfent sur le net découvrentde nombreuses initiatives et pro-jets visant à prévenir le gaspillagede nourriture.

Voici d’abord quelquesconseils généraux:«Pour éviter le gaspillage de nour-riture, vous devez entreposer vosaliments correctement», dit Ka-thrine Balsiger von Gunten, pro-fesseur d’économie domestique.Le réfrigérateur devrait être biengéré pour la bonne conservationdes aliments. Particulièrementutile: marquez un compartimentavec la mention «Mangez mainte-nant»! C’est la place réservée auxdenrées qui seront bientôt misesau rebut. On ne peut pas imaginer com-bien de bonnes recettes il y a pourrecycler les restes. Par exemple, lelivre de cuisine thématique «heu-reux sans restes» (www.ogg.ch).Avec les restes, vous pouvez ob-tenir un bon repas, même si vousn’avez pas beaucoup de tempsdans la vie de tous les jours. «L’outil le plus important pourjeauger la nourriture est nos sens»,dit Kathrine Balsiger von Guntendans le programme Einstein de laSRF 1. Elle recommande de bienvérifier tous les aliments avant de

les jeter, mais elle met cependanten garde contre les moisissures:«De nombreux types de moisis-sures sont toxiques pour nous.C’est mieux de jouer la sécurité.»Vous devriez être un peu plus tolé-rant avec les aliments qui n’ontplus l’air si jolis, les pommes avecdes taches brunes ou la saladefanée. «Alors c’est important de nepas tout jeter par dégoût. On peuttransformer la pomme en puréeou la salade en smoothie.»

Et voici quelques conseils pourles aliments populaires:Le pain est un chef de file dans lesecteur des déchets. Par consé-quent, il est préférable de ne pasacheter trop de pain à la fois ou dene pas congeler le pain en portions.Si vous mettez une pomme dansla boîte à pain, le pain reste fraisplus longtemps! En outre, il existed’innombrables recettes de ce quel’on peut faire avec du vieux pain,comme le pain perdu, un mets àbase de pain trempé dans un mé-

lange de lait et d’œuf puis dorédans du beurre. Les pommes de terre doiventêtre conservées dans un endroitsombre et frais, mais pas au réfri-gérateur. Si vous achetez les pom-mes de terre non lavées (avec dela terre), elles se conservent beau-coup plus longtemps et si vousmettez une pomme à côté, ellesgerment moins vite. Des températures trop bassesfont perdre leur saveur aux to-mates. Elles aiment les endroitssecs avec des températures de13 à 18 degrés. Les tomates ontbesoin d’oxygène, mieux vautdonc les stocker à l’air libre quedans des sacs ou des récipients enplastique. Le yaourt doit toujours êtreconservé au réfrigérateur, afin qu’ilpuisse être consommé après ladate de péremption. Si le couvercledu yaourt n’est pas arqué, le yaourtdoit être goûté (aspect, odeur,goût) et dans la plupart des cas,il est encore bon.

Arrêtez le gaspillagede nourritureChaque ménage suisse jette de la nourriture d’une valeur de 1000 francs par an.Les déchets alimentaires sont le nom donné au phénomène qui attire de plus en plusl’attention du public. Beat Baumgartner

Où puis-je trouver plus d’informations?https://www.vitaminelocale.chhttps://www.frc.chConseils contre les déchets alimentaires:http://foodwaste.ch/trucs-astuces/5-etapes/?lang=frhttps://www.consoglobe.com/6-astuces-pour-jeter-moins-de-nourriture-cg

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32 frères en marche 2|2019

Selon TEXAID, 36000 tonnesde vêtements sont collectéesannuellement en Suisse.Combien de pourcentage peutvraiment être réutilisés?TEXAID atteint un taux de recy-clage d’environ 95 pour cent. Envi-ron 65 pour cent des marchandisescollectées peuvent être à nouveauportées. Environ 30 pour cent sontinutilisables, défectueu-ses ousales. Selon le matériau, ces tex-tiles sont transformés en chiffonsde nettoyage ou en matériaux iso-lants. 5 pour cent des marchan-dises collectées sont des maté-riaux non textiles ou des textilestrès sales qui doivent être recyclésthermiquement.

Est-il vrai qu’en Suisse, on jetteun nombre impressionnantde vêtements de haute qualité,du jamais vu auparavant?Malheureusement, nous n’avonspas de chiffres concrets à ce sujet.Une étude menée par l’Officefédéral de l’environnement, en2012, montre cependant qu’envi-ron 3 pour cent des textiles se re-trouvent dans les ordures ména-gères. Sur la base du volume de

collecte actuel, environ 60000tonnes de vêtements sont collec-tées en Suisse. Avec un potentielde 7,5 kilogramme par habitant, lacollection textile atteint un tauxde plus de 97 pour cent.

Beaucoup de vêtements bienconservés se vendent en Afrique,au Moyen-Orient et en Asie.Aujourd’hui, cependant, ces régionsrésistent à cette importationde vêtements usagés, au motifqu’elle détruit l’industrie localedu vêtement.Les problèmes du secteur textileafricain peuvent être attribués àun certain nombre de raisons, tel-les que les conditions macroéco-nomiques généralement difficiles,l’instabilité politique et juridiqueet les déficits d’infrastructures. Cesproblèmes, conjugués à l’élimina-tion des barrières commerciales,ont conduit dans les années 80à un déplacement de la capacitéde production vers des sites asia-tiques moins chers et/ou plus sta-bles. En conséquence, la demandeintérieure africaine a été de plusen plus satisfaite par les importa-tions de vêtements nouvellement

Vêtements de haute qualité:solution la plus écoloIl y a 45 ans, les six organisations d’entraide suisses SRK, Secours d’hiver suisse, Solidar Suisse,Caritas Suisse, Kolping Suisse et l’EPER ont uni leurs forces pour coordonner et optimiserleurs collectes de vêtements usagés. Avec TEXAID, elles sont devenues l’une des plus grandessociétés européennes de ramassage de vêtements. La parole au directeur de TEXAID Suisse,Philipp Stoller. Beat Baumgartner

produits en provenance des paysasiatiques. Les vêtements anciensde la zone européenne n’ont euqu’une faible influence sur cetteévolution. Je voudrais me référerà l’étude de 1997 de l’Académiesuisse pour le développement.

Retour au cœur de métier actuelde TEXAID. Pouvez-vous nousexpliquer brièvement commentfonctionne l’installation detri de Schattdorf, l’une des plusmodernes d’Europe?Les trieuses examinent chaquevêtement, un à un. Par l’intermé-diaire de micro-casques, elles trans-mettent la classification des vête-ments au système de distributionpour les conteneurs respectifs. Cecigarantit la meilleure réutilisationde tous les vêtements triés.

Est-il économiquement etécologiquement raisonnable derecycler les vêtements, ne préfére-raient-ils pas être incinérés – commeles ordures ménagères – pourproduire de l’énergie?Si un vêtement encore portabletrouve un acheteur sur le marchéde l’occasion, l’acheteur n’est pas

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obligé d’acheter un vêtement neufdont la production nécessite desmatières premières précieuses. Laconsommation de ressources pourla collecte et le tri des vieux vête-ments est beaucoup plus faibleque pour la production de nou-veaux textiles.

Depuis une vingtaine d’années,la mode est en plein essor,les vêtements sont achetés plusfréquemment, portés moinslongtemps et jetés plus rapidement.De plus, la qualité des marchandisesdiminue. Ressentez-vous cettetendance dans les résultatsde la collecte?Depuis la création de TEXAID il y a40 ans, le nombre de vêtementsusagés que nous collectons a aumoins décuplé. L’une des raisonsen est aussi la tendance de la modeà changer rapidement ses offres.La qualité des vêtements achetésaujourd’hui est certes inférieure.Quant à la quantité de nos ré-coltes, elle ne faiblit pas, bien aucontraire.

Il faudrait donc qu’il y aitune nouvelle réflexion?

Quelques faits effrayants sur la mode etla consommation de vêtements

Un Suisse dépense environ 2600 francs par an pour la modeet les chaussures ce qui représente 15 à 18 kilogramme.

En moyenne, les textiles sont portés de 7 à 10 fois, près de la moitié des vêtements achetés ne sont pas portés.

Les ventes de vêtements ont augmenté entre 2000 et2015 et devraient encore augmenter de 60 pour cent d’ici 2030,de 1,8 à 2,1 billions de dollars.

En 2014, plus de 100 milliards d’euros ont été investis en vêtements,soit 14 pièces par habitant sur terre.

90 pour cent des vêtements importés nous arrivent par bateau.17 des plus gros navires de transport émettent la même quantitéde dioxyde de soufre que toutes les voitures sur terre.

La fabrication, le transport et l’utilisation de vêtements génèrent850 tonnes d’émissions de CO2 par an.

Source: Blick 1.8.2018, Greenpeace FR«Consum-collapse through fast fashion» 1/2017

Par l’intermédiairede micro-casques,

les trieuses transmettentla classification des

vêtements au systèmede distribution pour les

conteneurs respectifs.Ceci garantit la meilleure

réutilisation de tous lesvêtements triés.

Oui, d’un point de vue écologique,il est plus judicieux d’acheter desvêtements de haute qualité et deles porter le plus longtemps possi-ble. TEXAID est impliqué dans di-

vers projets de recherche et asso-ciations dans le but de réaliser unerecyclage le plus complet possible.

https://www.texaid.ch

Photo: mise à disposition

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34 frères en marche 2|2019

La fermentation des légumes –une technique très ancienneremise en valeur«On donne une seconde chanceaux légumes.» Telle est la philoso-phie de la Fermentation Factory,lancée en novembre 2017 par PetraKörner et Matteo Leoni à Bâle.Depuis longtemps, ils étaient eneffet scandalisés par le fait quedes paysans doivent jeter une par-tie considérable de leurs légumesparce qu’à un moment donné ilsarrivent sur le marché en quanti-tés excédentaires ou ne correspon-dent pas aux normes-standard. Ilsont alors mis en place un réseaude fournisseurs bio qui vendentleur surproduction de légumes àdes conditions favorables. Ils lestraitent et les mettent à fermenter.L’usine de fermentation proposeégalement des cours pour se for-mer à cette méthode de conserva-tion. Environ 40 produits sont main-tenant inclus dans la gamme Fer-mentation Factory. Les produitscommandés en ligne sont livréspar la poste ou peuvent être reti-rés directement au marché auxlégumes Lola, dans le quartier duGundeli à Bâle. Il existe mainte-

nant d’autres points de vente àBerne, Köniz, Widen AG et Zurich.https://puretaste.ch

Les appareils électriques remisen état – Les Repair-Cafés luttentcontre la croissance des déchetsélectroniquesChaque Suisse produit environ16kg de déchets électriques paran: machines à café, aspirateurs,lecteurs de CD et sèche-cheveuxhors d’usage. Ils sont remplacéspar des appareils neufs, bon mar-ché et dotés des technologies lesplus modernes. Face à cette ten-dance, les Repair-Cafés sont deplus en plus nombreux; il y en aactuellement 98 dans toute laSuisse. La Fédération des consomma-teurs qui a lancé ces cafés dans lebut de sensibiliser les consomma-teurs à la valeur d’un produit et dedémontrer que pratiquement toutpeut être réparé. Pour la troisièmefois, la journée consacrée à la répa-ration en Suisse a eu lieu en octo-bre dernier. 1800 articles ont étéramenés dans 40 cafés de répara-tion, ce qui correspond à plus de 5,6 tonnes. C’est un nouveau record.https://repair-cafe.ch

Des initiatives contrela mentalité du tout­jetableLes Suisses ne sont pas seulement les champions du monde du recyclage des déchets.De nombreuses initiatives et projets luttent contre la mentalité du tout jetable.En voici une petite sélection. Beat Baumgartner

Date d’expiration dépassée?RestEssBar offre gratuitementdes alimentsParfois, il suffit d’une personnepour lancer une initiative origina-le. Comme celle de Sarah Weibel àWinthertour, après avoir vu un filmdocumentaire sur un projet de ré-frigérateur en Allemagne, au début2014. Après un bon repas et unéchange d’idées animé, un groupemet en place le RestEssBar, un réfri-gérateur gratuit où les denrées ali-mentaires collectées dans diversesépiceries trouvent leur place. Decette idée sont nés 13 lieux derécolte en Suisse alémanique. Le mouvement non confession-nel et politiquement neutre. Il estsoutenu par de nombreux volon-taires et fournit une nourritureprovenant de la production excé-dentaire ou dont la date d’expira-tion est dépassée. Cette nourri-ture, disponible gratuitement, eststockée dans des frigos situés surl’espace public. Les produits alimen-taires sont collectés quotidienne-ment dans les magasins locaux. Les réfrigérateurs sont libresd’accès, mais ils sont protégés parun code d’utilisateur qui doit êtredemandé au responsable local par

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35frères en marche 2|2019

SMS. À Olten, par exemple, plus de100 personnes s’y rendent réguliè-rement à la Rosengasse 16 où lesfrigos sont accessibles de 11h00à 21h00. www.restessbar.ch

Distribuer de la nourriture –combattre la pauvreté:Schweizer TafelDepuis près de 20 ans, la Fondation«Espoir pour les personnes dans lebesoin» s’engage avec les «SwissTafeln» en faveur des gens défavo-risés. Il est intéressant de noter

que ce service n’a pas été crééà l’origine comme une initiativecontre le gaspillage alimentaire,mais comme une contribution à laréduction de la pauvreté en Suisse.Même dans l’un des États les plusriches du monde, environ 600000personnes, soit 7,5% de la popula-tion résidente, sont touchées par lapauvreté. Ce service est actif dans12 régions. À Genève, il collaboreavec l’organisation «Partage», dansles Grisons et au Tessin, avec «Tisch-lein deck dich/Tavolino Magico».

Trente-sept véhicules frigori-fiques de cette organisation col-lectent 16 tonnes d’aliments excé-dentaires, mais toujours consom-mables, auprès d’environ 600 do-nateurs et les distribuent à 450institutions sociales. Les person-nes nécessiteuses ne sont pas di-rectement prises en charge. Ceservice emploie 13 personnes etil est exclusivement financé pardes dons de partenaires-clés, defondations et de particuliers.https://www.schweizertafel.ch

Photo: © repair-cafe.ch / Matthias LuggenLes Cafés Repair (réparation) sont à la mode. Ils permettent à du matériel de tout genre

à connaître une seconde vie, comme ici un laptop qui date mais qui peut encore servir.

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36 frères en marche 2|2019

Les amateurs de beauté et d’his-toire coloniale ne manqueront pasle port colombien de Carthagènedes Indes. Malheureusement, labeauté, la propreté et la sécuritédu quartier historique et populairede Carthagène sont trompeuses:sur le million d’habitants, environplus d’un quart vit dans la capitaledu département du Bolívar dansla pauvreté financière. Comparéeà toutes les autres capitales dépar-tementales de Colombie, Cartha-gène a le deuxième revenu parhabitant le plus faible. Ce tristetableau se reflète également dansles établissements d’enseignementde la ville: 78 pour cent de toutesles écoles obtiennent la note Cou D, le pire classement pour lesétablissements d’enseignement. En 2017, 462177 tonnes de dé-chets ont été produites dans laville de Carthagène, soit 1,24 kilo-gramme par personne et par jour.Seulement une fraction a été recy-clée – il n’y a pas de statistiquesofficielles. La politique en matièrede déchets semble avoir peu d’in-térêt réel. Les études sur la qualitéde l’eau autour de Carthagènesont tout aussi précaires. Il n’est donc pas étonnant qu’en2006, ce soit devenu trop pour un

biologiste marin, Luis FernandoSánchez qui a fondé l’organisationFUPAC (Foundation for a Blue Pla-net in the Caribbean). L’organisa-tion s’est fixée comme objectif laprotection de l’environnement etle développement social durabledans sept quartiers le long dufleuve Juan Angola, l’un des ré-seaux de canaux les plus impor-tants autour de Carthagène. Luis

Fernando et son équipe veulentrestaurer l’écosystème de JuanAngola, où vivent environ 60000personnes. Pour atteindre ces objectifs am-bitieux, il faut éduquer et repenserla prochaine génération. La jeunegénération en particulier est trèsconcernée par les problèmes envi-ronnementaux croissants et beau-coup de jeunes sont disposés àmodifier les vieilles habitudes deleurs parents et à intégrer un modede vie durable dans leur vie quoti-dienne. Ce n’est qu’ainsi qu’uneamélioration de la situation est

Bénédiction et malédictionsur la perle de la ColombieLa ville portuaire de Carthagène, sur la côte caraïbe de la Colombie, est l’une des plus bellesvilles d’Amérique latine. Mais avec l’augmentation du nombre de touristes et de la productionéconomique, la pollution de l’environnement augmente également. Un projet innovant,soutenu par INTERTEAM, veut maintenant gagner la prochaine génération à la protectionde l’environnement et il rencontre un écho favorable. Daniel Scherrer, INTERTEAM

réaliste et possible à long terme.Le projet «Navegando por Carta-gena» (naviguer à travers Carta-gena), lancé en 2015, relève préci-sément ce défi en offrant une for-mation dans le domaine de la pro-tection de l’environnement et del’eau ainsi que dans celui de l’entre-preneuriat social. L’accent est missur le travail avec un groupe sélec-tionné de jeunes qui, l’après midi –après les cours réguliers de l’écolesecondaire le matin, s’engagentcomme écologistes volontaires. L’idée qui la sous-tend est aussisimple qu’efficace: les jeunes quireçoivent une éducation à l’envi-ronnement de manière ludique etpratique deviennent des multipli-cateurs dans leur propre société,directement impactée par leurconscientisation. Leurs nouvellesconnaissances et idées environne-mentales retournent dans lessalles de classe. Pour que cela soitpossible, une bonne coopérationavec les enseignants et les recteursest nécessaire. D’autre part, ils sen-sibilisent leurs amis et leur famille,mais surtout leur quartier et leurvoisinage par des actions dites«porte-à-porte». Qu’est-ce que le «recyclage» etcomment fonctionne-t-il? Com-

C’est surtout la jeunegénération qui est trèsconcernée par l’augmen­tation des problèmesenvironnementaux.

Page 37: Les déchets: le point de non-retour?

37frères en marche 2|2019

Photos: mise à disposition

ment dois-je traiter les déchetsmoi-même? Ou quand auront lieules prochaines collectes de matiè-res recyclables? Pour les jeunes

«Guardientales ambientales multi-plicadores» – gardiens de l’environ-nement – la fierté et le défi vont de

pair. Les amis de l’école, la proprefamille, le voisinage et finalementtout le quartier, tous, jeunes etvieux, devraient profiter de leursnouvelles connaissances environ-nementales. Navegando por Cartagena aideainsi la nouvelle génération à dé-velopper une vive conscience de laprotection de l’environnement età créer de nouvelles perspectives.Avec ce projet, il est possible de

prendre en main les changementsnécessaires à un avenir meilleur,au sens classique de l’aide à l’auto-assistance. La vision de Luis Fernando Sán-chez pourrait donc devenir réalité,grâce au soutien financier et logis-tique d’INTERTEAM.

www.interteam.ch

Prendre le changementen main pourun avenir meilleur.

Les membres du groupe«Guardianes Ambientales

Multiplicateurs.»(écologiste) de Carthagène

partagent leurs connais-sances avec d’autres

jeunes. Il sensibilisentainsi la génération

future à la protectionde l’environnement et

à un mode de vie et uneéconomie durables.

Niveau de sensibilisation dansune école. Comment puis-je

composter correctement?A quoi sert le compost? Utiliser

de l’humus? Sous la houlette desgardiens de l’environnement.

Atelier de compostagedans l’école Descalzos de

Carthagène. Plus de 1700enfants et adolescents

ont été initiés à l’art ducompostage en 2014.

Page 38: Les déchets: le point de non-retour?

Kaléidoscope

Une rencontre avec un guérisseur

Dans l’univers traditionnel afri-cain, on y rencontre des êtres delumière et d’autres de l’ombre.Avec pour insigne à la main unebranche de l’arbre de paix, appelée«pfuekan», ces rares femmes por-teuses de paix m’étaient connues.Par contre il y avait aussi dans lasociété des catégories de per-sonnes qui étaient craintes à causede leurs «pouvoirs» à double tran-chant. Certains étaient reconnuspour leurs bienfaits comme guéris-seurs et d’autres pour leurs mé-faits, donc des «sorciers». Tout cetunivers de l’ombre m’échappait. Aujourd’hui, je reviens sur uneexpérience faite dans un quartierde la chefferie de Bandjoun (Ca-meroun) il y a maintenant 40 ans.L’occasion de cette rencontre futsimplement la requête d’un jeuneprofesseur au collège de la mis-sion. Un jour, en fin de journée, ilvint me demander mon aide pouraller chez un «guérisseur-devin». Ilétait confronté en fait à une situa-tion extrêmement pénible, à savoirla maladie de sa jeune épousealors hospitalisée. J’étais indécis,mais je me dis alors que c’étaitune bonne occasion d’approcherconcrètement cet univers. Plus que la maladie de sonépouse, ce qui le travaillait, c’étaitle fait qu’il était accusé de sorcel-lerie par sa belle-famille. Il étaitmarié et il n’avait pas encore d’en-fant. Sa femme était au plus mal etil était pressé par sa belle-parentéà consulter un «devin» chargé dedéterminer la cause de sa maladie

et de la soigner. Il était chrétien et,pour lui, aller consulter un «devin»,un «guérisseur» était contraire àsa foi. Mais vu la gravité de la situa-tion, il ne lui restait qu’une seulesolution: aller le rencontrer le plusvite possible, car s’il ne le faisaitpas, il serait accusé de sorcelle-rie, de «vouloir la mort de sonépouse», de la «manger», commecela se disait. Accusation doncextrêmement grave et dangereusepour sa vie. Je me rendis donc chez le guéris-seur et devin avec le professeurqui devait apporter, au retour, lasolution préconisée. Cet hommes’adressa d’emblée à moi en medisant en français qu’en tant que«médecin» blanc, je ne pouvaisrien pour soigner cette malade.J’avais eu bien raison d’amener cejeune homme chez lui. Il consultales Esprits et en conclut que poursauver la jeune épouse, il fallaitqu’il se rende à son chevet poury exercer son art. Cette décisiondécoulait d’un rite, à savoir la«lecture» d’une bassine d’eau danslaquelle il y avait une couche desable. Il la balança de manière à ydétecter la réponse des Esprits.Elle fut sans appel!Puis, pour nous donner une idéede son «centre de guérison» oùdes gens y étaient enchaînés, il jetades seaux d’eau sur les malades.J’étais bouleversé par la scène,mais je me devais de rentrer auplus vite pour que le jeune hommepuisse apporter la réponse afin decalmer sa belle-famille. Je lui de-

mandai aussi de se rendre auprèsdu médecin chef de l’hôpital (quiétait un étranger) pour lui signifierque le guérisseur allait venir avecson chauffeur pour y pratiquer sonart. Le médecin s’y opposa: la jeunefille mourut dans la nuit d’unecrise aigüe de paludisme cérébral. L’univers de la tradition, avec sescroyances et ses rites, avait permisà un jeune d’éviter d’être pour lemoins jeté au ban de la société.Il avait dû accepter un compromisentre la perception religieuse deson entourage et son attachementau Christ qui «guérit» et «sauve».C’était pour lui comme un sautdans l’absolu, dans sa tradition etsa foi. Pas facile du tout de vivrecomme on dit sur «le fil du rasoir!»,ce qui fut le cas autant par l’inté-ressé que par son chauffeur d’oc-casion, ce soir-là.

Fr. Bernard Maillard, ofmcap

38 frères en marche 2|2019

L’univers des guérisseurs et des sorciers est difficile d’accès à un blanc. La requête d’un jeune marié del’accompagner dans sa démarche m’a donné d’entrer ainsi en contact avec l’un d’entre eux, alors queje craignais d’affronter un jour cette réalité. Moment délicat pour un prêtre! Expérience d’il y a 40 ans,en Pays Bamiléké (Cameroun) récit inédit.

L’univers des guérisseurs nous estsouvent impénétrable. Toutefois,

des chercheurs et des missionnairesont pu «profiter» de leur longue

expérience de proximité dans un peuplepour y être initiés. Le P. Eric de Rosny,

jésuite, a décrit son initiation dans denombreux ouvrages, comme son fameux

premier ouvrage fort connu «Les yeuxde ma chèvre» qui l’a fait connaître.

Page 39: Les déchets: le point de non-retour?

39frères en marche 2|2019

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Page 40: Les déchets: le point de non-retour?

Le Pape François aux Emirats Arabes UnisCette visite historique s’inscrit sans aucun doute dans les annales religieuses du monde: François, invité parle Prince héritier Mohammed Ben Zayed, est le premier pape à fouler la péninsule arabique, terre d’Islam.C’est un évènement décisif pour nos relations avec l’Islam et non un Win Win diplomatique du Vatican etdes Émirats Arabes Unis.

de cette Déclaration communesur la fraternité universelle, contre-signée par le pape et le Grand Imand’Al-Azhar. En tout cas, personnene peut douter des intentions del’un et de l’autre, à savoir: construi-re ensemble la fraternité humainedans la reconnaissance et le res-pect mutuel, pour plus de solida-rité, de justice et de paix. Nousne pouvons que nous émerveillerde cette chiquenaude à l’histoire.A nous, désormais, de bouger en-semble, dans la solidarité. Un ter-rain miné a été assaini. Le désertrefleurit. Oui, cette volonté com-mune ressemble à un arbre de paixqui va prendre sur lui tout ce qui

nous pollue, pour nous ré-oxygé-ner. Cette image a été évoquéeplus d’une fois par le pape.

Démarche d’amitié etd’admiration mutuellesA 800 ans de distance, deux Fran-çois, celui d’Assise et celui deRome, ont osé une démarche faited’amitié et d’admiration mutuel-les. Mgr Paul Hinder, notre con-frère, a bien relevé cela dans sondiscours d’adieu au Pape François,à la fin de l’Eucharistie, le 5 févrierdernier. Il l’a fait en ces termes:«Il y a huit cents ans, St Françoisd’Assise a rencontré le sultan MalikAl Kamil en Egypte. Ce fut une ren-

En arriver à se retrouver, de passerpar-dessus les évènements histo-riques qui ont blessé les deux par-ties, d’aller au-delà des actions desterroristes qui se réclament faus-sement de Dieu et de surpassertous les préjugés, force est d’ad-mettre qu’il ne s’agit pas simple-ment de diplomatie. Il faut en effetmanifester une ouverture d’esprit,qui n’est finalement que le fruitde l’Esprit qui travaille le cœur del’homme, et ce, quel qu’il soit. Unange est passé par là, car c’est unebonne nouvelle pour tous les hom-mes d’aujourd’hui. Pas plus que quiconque, nousne savons quels seront les fruits

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La visite du Pape François à Abu Dhabi fut un temps fort pour les catholiques des Emirats Arabes Unis, tous d’origine étrangère et pour lesmusulmans. A la messe célébrée par le St Père, de nombreux musulmans ont tenu à vivre ce moment en communion avec les catholiques.

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contre caractérisée par un respectréciproque. De façon analogue,vous êtes venu dans un pays mu-sulman, avec l’intention de fairecomme François en 1219. Nous,chrétiens, cherchons à suivre ladirective que St François demandaalors à ses frères de «vivre spiri-tuellement parmi les musulmans… sans s’employer à des discus-sions mais simplement en recon-naissant que nous sommes chré-tiens». A un peu plus de 50 ans duConcile Vatican II et de sa Déclara-tion sur les relations de l’Egliseavec les religions non-chrétiennes,voilà un pas déterminant franchi.Tout un chacun, chrétien ou mu-sulman, doit en arriver à une dé-marche commune, au nom d’un

Dieu, père et Miséricorde. L’audacede St François d’Assise ressembleà une étoile dans le ciel de nosrelations avec les musulmans etles autres ne partageant pas notrefoi. L’audace du pape de Rome et duGrand Iman du Caire, représentantl’islam, témoignent que ce sontdeux communautés de foi qui vi-vent un moment clef de leur his-toire et de leur cheminement reli-gieux. Il y a eu dans cet événementune prise de conscience du rôle desreligions et tout particulièrementde ces deux religions du Livre. Ce voyage est plus qu’une visitefaite aux catholiques, elle est enpremier lieu un signe d’une volontécommune de travailler à la fra-ternité humaine. Cette rencontre

s’inscrit aussi, il faut le souligner,dans l’effort fait par les Nations-Unies de favoriser le rôle des reli-gions dans la résolution des grandsproblèmes de notre monde. Pour nous, capucins suisses quisommes présents dans les EmiratsArabes Unis par deux confrèresqui y travaillent – Mgr Paul Hinder,vicaire apostolique et Fr. GandolfWild, son secrétaire personnel-cefut un jour particulièrement tou-chant, parce qu’il entre dans unedimension typiquement francis-caine. Et, de plus, à l’instar de nom-breux capucins philippins, indienset libanais engagés dans le travailpastoral de ces Emirats, nous espé-rons nous inscrire aussi comme«artisans de paix».

Bernard Maillard

La signature commune de la Déclaration sur la fraternité est aussi un jalon pour le dialogue interreligieux.

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Marguerite Bays canonisée en automne

Mr. l’abbé Martial Python, curé-modérateur de l’Unité pastoraleBse Marguerite Bays, comprenantRomont et une vingtaine de parois-ses environnantes, a œuvré sansrelâche pour la faire connaître, endonnant de nombreuses confé-rences, même à l’étranger. Il luia d’ailleurs consacré un livre: «Lavie mystique de Marguerite Bays»,aux éditions Parole et Silence. Le rayonnement de cette laïquehabitant le hameau de La Pierraz,aujourd’hui fusionné avec Siviriez,dépasse nos frontières. Elle est eneffet connue et vénérée jusqu’auCanada et en Amérique latine. Cette humble femme livre unmessage de simplicité, de sobriétéet d’abandon au Christ! Peu sa-vait que la «Gotron» (diminutif deMarguerite) a porté les stigmatesde Jésus-Crucifié pendant si long-temps. Aujourd’hui, on la compareà Marthe Robin, fort connue àcause du rayonnement des Foyersde Charité qu’elle avait voulus. L’humble laïque était tertiairede Saint François d’Assise et faisaitpartie de la fraternité de la pa-roisse de Siviriez. Le rattachementà cette spiritualité franciscaine amodelé sa vie de foi qui se tradui-sait par une attention toute parti-culière aux marginalisés de sontemps: les domestiques, les alcooli-ques, les divorcés ou les pauvres.Elle ne jugeait personne. Bien aucontraire, elle était le reflet incarnéde la miséricorde de Dieu, jusquedans son corps de stigmatisée. Comme capucins, nous avonscontribué à la première étape desdémarches devant amener à sacanonisation qui aura lieu cet au-tomne. Feu Fr. Samuel Horner a étél’un des postulateurs de la cause

de béatification. Aujourd’hui, aprèsd’autres encore, c’est le P. Morel,des pères de Saint François deSales, qui récolte les fruits de sesprédécesseurs.

Nous reviendrons bien entendusur sa canonisation et donneronsun large écho de cet évènementecclésial dans nos colonnes.

Fr. Bernard Maillard

La nouvelle de la canonisation de Bienheureuse Marguerite Bays est parvenue le 15 janvier dernier.Elle a fait des heureux, dans l’Eglise qui est en Suisse, et tout particulièrement dans le diocèse de Lausanne,Genève et Fribourg.

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Marguerite Bays bientôt canonisée, pour la grande joie des Fribourgeois.

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«Laudato si’» dans le jardin et… dans notre assiette!Par une belle après-midi d’au-tomne, dans le jardin du couventdes capucins de Fribourg, LionelAvanthay se promène dans lesallées, entre les tomates noires deCrimée, les touffes d’hysope et lescucurbitacées. Valaisan d’origineet cuisinier de formation, anciengarde suisse, il a déjà plusieursvies derrière lui. L’an passé, il aétudié à l’Institut Philanthropos àBourguillon. Il s’est posé de nom-breuses questions sur sa foi, qu’iljugeait trop spirituelle et pas assezincarnée. Comment unir la foi etla vie quotidienne? Ne peut-onchanger le monde qu’en priant?

Le temps de la réflexionLionel Avanthay a pris le temps dela réflexion et a conclu que chacunpeut influencer la vie du mondepar des choix très simples: la nour-riture, les vêtements, la manière dese déplacer, etc. Puis il est tombésur «Laudato si’», l’encyclique duPape François sur la sauvegarde dela maison commune notre mère laTerre. D’abord rebuté par la figuredu Saint-Père, Lionel a été surprisde constater que l’encyclique met-tait des mots sur sa propre ré-flexion. Aimant le travail de la terre,Lionel Avanthay a pris son bâtonde pèlerin et s’en est allé visiter lesmonastères et couvents de Fri-bourg: peut-être pourrait-il mettreen application, dans leurs jardins,les enseignements du Pape Fran-çois? L’accueil des religieux a étébienveillant, mais on lui a surtoutpromis de prier pour lui et sonprojet … Quelque temps plus tard, ilreçut deux coups de téléphone. Lepremier venant du Père BernardMaillard, qui cherchait un jardinierpour le couvent des capucins. Lesecond de la part du Père-abbéd’Hauterive, qui lui proposait aussi

un travail de cuisinier à tempspartiel. Avec son autre travail demaraîcher à Villarlod, Lionel s’estrendu compte que son projet pre-nait corps.

Conversion alimentaireCe projet, justement, quel est-il?Lionel Avanthay cherche un mo-dèle de conversion alimentairerentable, sans grands investisse-ments, sur de petites surfaces –comme les jardins conventuels. Enbref, travailler avec des produitsnaturels, de saison, sans pesticide,

et distribuer les fruits de la terrelocalement. Le but de ce projet,pour reprendre l’intuition du PapeFrançois, est de favoriser l’harmo-nie de la vie et de la nature, desoigner le lien social entre les pro-ducteurs, les fournisseurs et lesclients, de prendre conscience dubien que fait le travail de la terreau corps et à l’âme. Lionel souligned’ailleurs que l’homme est pluscomplexe qu’il n’y paraît et quede nombreux éléments concou-rent à son bonheur et à sa qualitéde vie.

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«Laudato si’, mi’ Signore» (Loué sois-tu, mon Seigneur): c’est sur ces motsde Saint François d’Assise que commence la deuxième encyclique du PapeFrançois, publiée en 2015. Le Saint-Père commence par citer le Poverello qui,dans son cantique, «nous rappelle que notre maison commune (la Terre)est comme une sœur, avec laquelle nous partageons l’existence, et commeune mère, qui nous accueille à bras ouverts». Il développe sa réflexion surla sauvegarde de la création et l’écologie intégrale, qui prend en comptela nature, l’homme et les rapports sociaux.

Lionel Avanthay est un jeune qui a plusieurs cordes à son arc. Il cultive le jardin ducouvent de Fribourg de manière écologique et sauvegarde des légumes qui avaientquasi disparu de notre alimentation.

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Aujourd’hui, grâce à l’infrastruc-ture de l’abbaye d’Hauterive, LionelAvanthay et son collègue MayeulJamin produisent des pâtes defarine d’épeautre (labellisées «Lau-dato si’») et du pain, qu’ils vendentau marché de Pérolles, le mercrediet le samedi. Depuis l’été dernier,ils cultivent aussi des fruits et deslégumes dans le jardin des capu-cins. Les religieux reçoivent ce quileur est nécessaire et le reste estvendu au marché. La tête des deuxtravailleurs de la terre fourmillede projets: du vinaigre sera bien-tôt produit, une bière de l’abbayed’Hauterive est à l’étude, et pour-quoi pas une petite coopérativepour gérer tous ces produits? Pourconnaître l’avancement des pro-jets, venez-leur rendre visite aumarché de Pérolles!

Emmanuel Rey

Pates et pains d’épeautrede sa fabrication en

vente sur les marchés deFribourg et au magasinmonastique de l’Abbaye

d’Hauterive où il travaillecomme cuisinier à

temps partiel.

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frères en marche 2 | 2019 | MaiISSN 1661-2523

Revue missionnaire des capucins suisseswww.freres-en-marche.chwww.ite-dasmagazin.ch

Rédaction frères en marcheBernard Maillard, rédacteur, FribourgE-mail: [email protected] Crausaz, Le Grand-Saconnex GEAssistante de rédaction romandeE-mail: [email protected]

Rédaction aAdrian Müller, rédacteur en chef,RapperswilBeat Baumgartner, rédacteur, EbikonStefan Rüde, Hofstetten SOAssistant de rédaction

Commissaires aNiklaus Kuster, Olten | Bruno Fäh, Luzern |Sarah Gaffuri, Dübendorf

AdministrationProcure des Missions28, rue de Morat, 1700 FribourgTél. 026 347 23 70 | Fax 026 347 23 67CCP 17-2250-7E-mail:[email protected]

La procure est ouvertemardi et jeudi après-midi, de 14 h à 17 h.Les autres jours, le répondeur enregistre vos appels.

Pour le changement d’adresseindiquer l’ancienne adresseet votre numéro d’abonné

GraphisteStefan Zumsteg, Dulliken

ImpressionBirkhäuser+GBC AG4153 Reinach BL

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Prochain numéro 3/2019

© Marius Buner, Bâle

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gieuses d’Assise nous révèlent quetous les amis de Dieu de par le mondejetent des ponts et n’édifient pas desmurs. Le prochain frères en marche conju-gue passé et présent. Qu’est-ce quele voyage de François en Égyptecomme celui du pape à Abu Dhabien février signifient pour notre vivreensemble dans la reconnaissance devaleurs communes? Comment jeterdes ponts dans la vie quotidienne,entre les cultures et les religions, enpolitique nationale et internationale? En premier lieu, laissons-nous sur-prendre par les beaux noms de Dieuen Islam ainsi que par la surprenanteet heureuse Déclaration d’Abu Dhabide février entre le Pape François etl’imam d’Al Azhar, Ahmed al Tayeb?A Berlin, 30 ans après la chute du mur,pourquoi s’érigent des murs d’un nou-veau genre? Et chez nous, pourquoila barrière de Röstis est-elle toujoursévoquée? Finalement, une missioncommune nous revient: être des ins-truments de paix!

Des ponts au lieu de mursL’année 2019 marque le 800e anniver-saire de la rencontre de François avecle sultan Al-Kāmil d’Égypte. La ren-contre avec les musulmans a inspiréle Petit Pauvre. L’Angelus en témoigne.Depuis 1986, les rencontres interreli-

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Le couvent de Schüpfheim a été le premier couvent des capucins suisses à être fermé,en 1979. Par la suite, divers projets y ont vu le jour. L’année dernière, une annexe y a étéinaugurée et le couvent comme tel, qui a une valeur historique, a été rénové dansles règles de l’art. Aperçu de son utilisation jusqu’à ce jour.Basil Amrein/Beat Baumgartner

Les autorités du canton de Lucerne prévoyaient defonder un troisième couvent des capucins, aprèsceux de Lucerne (Wesemlin) et de Sursee, avant quen’éclate «la guerre des Paysans» en 1653. Ce dernierdevait être construit dans l’Entlebuch pour endiguerla colère des paysans et servir de bastion de la foicatholique contre les Bernois passés à la Réforme.

Werthenstein a été le premier choix entrevuL’emplacement du couvent était loin d’être clair audépart. Werthenstein était le premier lieu de pèleri-nage de l’Entlebuch et les autorités cantonales pen-saient le confier aux capucins, mais ces derniers neconsidéraient pas cet endroit comme idéal, car tropbruyant et, de surplus, trop éloignés des aggloméra-tions pour y desservir les paroisses et y faire leurquête. La guerre des Paysans éclata avant même que soitprise la décision finale sur le lieu de cette implanta-tion. Mais, auparavant, les paysans et les citadins deLucerne, les deux parties en cause, ont cherché unesolution diplomatique. Les autorités de Lucerne pen-saient pouvoir pacifier les paysans grâce à la présenceet la médiation des capucins. Finalement les tensions entre les deux frontsfurent telles qu’il y eut des combats sanglants. Laville de Lucerne l’emporta sur les campagnes. Dansce contexte, les responsables ont décidé d’installer lecouvent entrevu à Schüpfheim. Le 1er août 1655, lapremière pierre est posée sur «la colline ensoleillée(Sunnehügel)» et les premiers capucins s’y installè-rent en 1659. Au cours des trois siècles qui suivirent, peu detravaux furent entrepris sur le bâtiment. Ce n’est en1954 que des projets de rénovation et d’agrandisse-ments importants furent élaborés. Ce projet devaitêtre financé par une collecte de dons. Toutefois,l’objectif de cette action n’étant pas atteint, le canton

de Lucerne et les institutions publiques ont finale-ment payé les deux tiers des coûts du projet. Outrela rénovation de l’ensemble du bâtiment, une annexede deux étages a été construite à l’est du couvent.

Nouvelle utilisationAprès avoir quitté le monastère en 1979, les capucinsont mis à disposition ce couvent à la FédérationSainte-Claire des capucines suisses, de manière à ceque des sœurs de différentes monastères ou cou-vents puissent y mener la vie contemplative d’une

Schüpfheim: du couvent descapucins au Centre d’accueil«Sunnehügel»an

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manière renouvelée dans l’esprit conciliaire. Lescapucines accueillirent aussi un nombre limité defemmes intéressées à la spiritualité franciscaine.Cette expérience a duré une bonne dizaine d’années. Ensuite, c’est le réseau de santé de Schüpfheim etenvirons qui a utilisé les espaces conventuels pen-dant deux ans, selon les termes du contrat. En 1993,l’association Sunnehügel, faute de repreneurs, sou-haite retourner la structure aux capucins. Le groupeSunnehügel a été financé par des dons et a pu occu-per le couvent sans contrepartie financière. En 2011, les capucins ont fait don du monastèreà la «Fondation Edith Maryon» de Bâle. Celle-ci aaccepté la propriété pour éviter que le couvent netombe entre les mains de spéculateurs. L’associationSunnehügel gère toujours le complexe. Depuis les années 1960, le couvent n’avait pasété rénové. Après une collecte de fonds réussie, il aété reconstruit pour 3,6 millions de francs en deuxétapes. Premièrement, entre août 2017 et mai 2018,la construction des années 1960 a été démolie etremplacée par une nouvelle construction en bois,magnifique et écologiquement durable. De mai àoctobre 2018, l’ancienne partie du couvent a égale-ment été refaite. Les 20/21 octobre 2018, la commu-nauté résidente a célébré l’achèvement des travaux

Les capucins occupèrentle couvent de 1759 à 1979.Depuis 26 ans il sertde maison d’accueuil.

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Informations supplémentaires:www.sunnehuegel.orgOu encore Sunnehugel-Haus der GastfreundschaftKapuzinerweg 1, 6170 Schüpfheim

de rénovation «Gap Fill» ainsi que les «25 ans duSunnehügel», avec un week-end «portes ouvertes». Aujourd’hui, une communauté thérapeutiqueoccupe les lieux. Depuis 2009, Lukas Fries et SandraSchmid Fries y sont les responsables. Elle reçoitchaque année plus de 50 personnes rencontrantdes problèmes sociaux et psychologiques, ce qui leurpermet ainsi de retrouver leur place dans la sociétégrâce à l’expérience d’une vie en commun.

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Contraste saisissant entrece vieillard «vêtu» de plas-tiques et ce jeune hommeà la recherche d’une vesteà son goût, sur le marché

de Yongningxiang, dans laprovince de Yunnan,

en Chine.

frères en marche, revue franciscaine avec ouverture sur le monde