Les Créateurs Célestes Master

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Les Créateurs célestes

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Les Crateurs clestes

Christopher B. de Centaures

Les Crateurs clestes

RomanLes Crateurs Clestes

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Introduction

Et si la pense ne connaissait pas de temporalit ?Que les plus grands penseurs de notre Humanit se retrouvaient dans un banquet, au-del des ges ? Que se diraient-ils ? Ctait l lide de dpart : convoquer en une mme assemble des hommes et des femmes de pense qui auraient, par leur vision, la possibilit de (r)volutionner nos socits. Je ne vous les citerai pas de suite, mais cest en termes de crateurs clestes que je vous les dcrirai.Ils furent (ou seront) les initiateurs prophtiques dune nouvelle faon de voir le monde et de le comprendre, selon leur propre orientation idologique, quils incarnaient (ou incarnrent) parfois au pril de leur vie, confronts aux anathmes dune vie faite dexil et derrance. Les crateurs clestes, tel que je les nomme, ont fait de leur vie une exprimentation. Pour eux, la pense vaut bien le sacrifice de leur confort matriel. Cest en cela quils sont inactuels et quils sommeillent, en attendant lheure dune nouvelle (r)volution. Le crateur cleste est en fait rvolt contre toute forme de mdiocrit, et partant contre le modle de socit quon lui propose, savoir le travail, la famille ou la patrie (comme du mtro, boulot, dodo). cela sajoute sa rbellion contre les valeurs dun empire (amricain) qui veut, tout prix, lacculturer. Cest ainsi que le narrateur rencontre dautres personnages anims par la mme fougue, pour convertir toutes les valeurs de notre socit (fonde sur le Matrialisme et le Capitalisme Financier) en un univers fait de plus de salubrit. Le narrateur devait se rsoudre au choix divis entre la pense et laction (ou la praxis), tmoin (pour les gnrations futures) dun monde rduit la globalisation, cest--dire au rouleau compresseur du Nolibralisme. Cest en cela que les crateurs clestes sont atypiques, car, en souvrant les veines (comme le Christ en Croix), ils font acte dun don absolu pour tous ceux quils aiment et qui souffrent, savoir le don de soi, pour une meilleure comprhension du monde, dont ils entendent la souffrance et qui rduit tout livre au Nant, au Rien, si ce nest un message pour les grands de ce monde comme pour les indigents !

Le ciel au-dessus de toiLa Terre en dessous de toiEntre le paradis et lenfer Stend lhomme mortel

Chapitre premier

Au sortir dun trottoir, je fis la rencontre dun homme inconnu, reclus dans un recoin, proche de mon supermarch. Je vins sa rencontre, car cet homme hirsute, barbu, muet, me semblait bien trange. Il tait l chaque jour, aux mmes heures, et, bien que certainement souffrant de faim (ou tel que je limaginais), il ne disait mot et ne qumandait point. Prenant mon courage deux mains, jallai laborder : qui tait-il ? Quelle avait t son histoire, pour en venir demeurer ainsi ? Sa figure me rappelait celle de Karl Marx, mais quaurait-il fait de son capital, lui, le crateur cleste ?

Monsieur, monsieur : jai besoin de comprendre ! Ou peut-tre de vous comprendre ? moins que cela ne soit de me comprendre moi-mme ?Il me sourit et dit : quattends-tu de moi, garon, dun pauvre homme impuissant ? De la sagesse, peut-tre. Tu es jeune, plutt attirant, et pourtant tu semblesvivre de peu, mon jeune ami. Je souffre, monsieur, et votre assise de bouddha minterpelle. Vous vivez l, pauvre, dmuni, comme un ascte, ct dun temple de la consommation. Vous attendez peut-tre quelque argent, une obole, comme disent les Chrtiens ?Marx me rpondit : Oublie toutes les religions, oublie toutes les philosophies, oublie toutes les politiques, ainsi que les sciences et les conomistes ; enfin, oublie-toi toi-mme, et fais de ton pass table rase.Cest alors quil sortit de sa poche un morceau de papier tout froiss : Voici un billet de cinq cents euros, encadre-le : tu verras, il prendra un jour de la valeur !

Je suis dconcert. On ma toujours appris que la seule valeur tait largent, et vous, vous voulez que je renonce consumer cette idole. Nous pourrions aller dner, vous habiller, changer mme cet argent contre une bonne dose de pur sexe, avec les putes du quartier, ou quelques lignes de coke, avec un de mes amis dealer (je faisais rfrence au petit Jean, mon ami, homosexuel thalandais, qui mavait pris damiti, me nourrissant, tout en assurant son existence, de la vente de quelques pilules decstasy, lors de nos soires night-clubbing ).

Mais Marx me rpondit : Tu sais, jeune homme, au jour daujourdhui, cest la disparition des Utopies, certains mont mme parl de la mort des idologies ! Je taime bien, tu sais ; pour un homme de mon ge, tes proccupations sont prophtiques, mais je te prfre abandonn ceux qui constituent prsentement les lites de la nation. Alors, cris de ma part Adam Smith, sur la richesse des nations, Von Hayek, un trs bon modle pour lanoblissement de lady Margaret (Thatcher), ou encore Friedman, et dis-leur, tous ces philosophes conomistes, que le crateur cleste les emmerde, eux et leur Nolibralisme.Et de continuer :

Tu verras : ils te rpondront lvocation de mon seul nom, car la guerre ne connat pas de fin pour lHomme ; il suffit dtre du bon parti. Alors, encadre ce billet, et offre-le-leur en srigraphie, comme un certain Andy Warhol, continue te faire des amis milliardaires, vivre lt Porto-Cervo, Saint-Tropez, Ibiza, Marbella ou Saint-Barth, et tu trouveras l-bas la plus grande erreur, ou la plus grande bassesse : le vide, la mort, le dclin dune civilisation que lon a voulu timposer avec lavnement du Capitalisme Financier Enfin, grandeur et dcadence de lempire romain ; crois-moi, petit homme, tout cela scroulera bien un jour, mais cela grce toi, comme dun nouveau prophte. Allez, dit-il encore, lve-toi, jeune homme, moi qui suis trop vieux pour le devenir.

Je quittai donc ce crateur cleste, cet homme de rien qui mavait tout appris. La richesse des hommes ntait dcidemment pas dans le bien Matriel, comme je lavais crit un jour dans lun de mes livres, intitul Le Livre de la connaissance.Il tait temps den finir avec cette socit du mensonge : halte au marketing et aux manipulations ! Lempire amricain, bien sr, contre-attaquerait, mais que pouvait-il faire contre ces derniers guerriers Jedi, unis en une mme conscience en tout point de notre terre ? Contre la pense, il ne pouvait rien, si ce ntait sincliner. Cest donc de part mon exprience que je vais mieux vous faire comprendre le combat de ces hommes contre le Systme financier tel quil prvalait en notre Postmodernit.

Chapitre II

Bel Ami, ancien pirate des carabes, mavait bien expliqu la fin du productivisme. Comment par le vol (car la proprit tait du vol , comme le disait mon ami Proudhon) cesser toute activit de labeur, celui-l mme qui avait t lorigine des premires scurits sociales. Comme quoi, loin de nos prjugs, ceux que lon aurait qualifis de dlinquants taient en fait des hommes de gnie, par leur courage. Il me fallait donc trouver une solution, afin de mieux redistribuer cette richesse spolie par des affairistes drogus.Je soumettais lide Oussama ben Laden. Il fallait faire un coup de force : court-circuiter llectronique des Bourses du monde entier.Je lavais dj tent par une autre voie, lorsque javais rencontr, dans un club slect dnomm La Couronne, le professionnel des soires pseudo-excentriques particulires la jet-set de mon poque, ma jeunesse et ma fracheur ayant sans doute attir son regard dhomosexuel.Jtais toujours invit par Homro (tel tait son prnom) et je lui rendis grce, car, derrire son masque et ses bouffonneries, il sagissait dun homme de cur. Et cest donc cette poque que je rencontrais Georges, ex-trader qui devait minitier lunivers des affaires, terme a posteriori bien trouble, puisque sy mlangeaient plus darnaqueurs et de tuyaux vents, que la capacit de faire un one shot en millions de dollars pour vivre jusqu la fin de ses jours dans une fiction de libert. Jentrai donc dans le milieu des affaires comme on entre en religion, avec la ferme intention de dtourner de largent pour faire de ce monde de voleur un monde dquit. Telle tait la praxis, aurait rpondu le crateur cleste, un sacrifice au nom dun certain idalisme.

Nous avions, Georges et moi, une affinit commune : changer le monde par lcroulement du Systme capitaliste, au sein mme du Nolibralisme qui rgnait alors en matre. Georges connaissait mon Bottin mondain, bien que je ne fusse pas, quant moi, une putain de la Rpublique. Georges tait un escroc, mais je ne lui en voulais point. Ayant perdu son travail de trader, il avait chut et connu les affres du darwinisme social, alors que moi, reclus dans mon ignorance, je me divertissais. Au fond, ctait l une revanche sur mes tudes de philosophie. Divertir, amuser, sympathiser, sduire, japprenais cette mme poque les codes de la nuit, de mon night-clubbing celui de la jet-set bling-bling . Ctait que javais connu quelques princes arabes venus sacoquiner, grce la globalisation, des jeux ludiques. Jappris trs vite (mais aussi parfois trs lentement) quun nom ne faisait pas une richesse, et que celle l tait toute relative.Georges mexpliqua son projet : crer un fond commun de placement offshore, domicili dans un paradis fiscal, une le paradisiaque. Collecter largent des plus riches, par un fond ferm, comme celui dnomm Quantum , du mme Georges (Sorros), qui lui stait appuy sur la pense pragmatique et lide dune socit ouverte de Karl Popper pour lutter contre lempire communiste, et son enfer totalitaire. Il sagissait l de bien placer son argent, et de corrompre si ncessaire. Mais Georges allait plus loin : son objectif tait le principe dun Projet quit : faire affluer, par des crdits taux zro, des masses colossales dargent, pour ensuite faire banqueroute. Telle aurait t l la vengeance ultime dun trader fou, la foi gnie, mgalomane et escroc, empli de ressources, mais tout aussi combatif, que certains de ses frres, savoir les crateurs clestes.

Aprs tout, les gens, aujourdhui, ne pensaient qu se divertir, lorsquils rentraient de leur petit boulot ; ils devaient supporter leur femme, ou inversement, dans une maison crdit sur vingt, trente, quarante ou cinquante ans, avec un enfant charge, fruit dun amour qui ne sera jamais, au fil du temps, quvanescent. Alors pourquoi ne pas profiter de ces esclaves pour senrichir, puis faire table rase par une Crise conomique mondiale ? Pourquoi se battre pour tous ces cons qui ne veulent aucun prix rflchir, ce qui, pour eux, reprsente une vritable prise de tte ?Je retrouvai l Oussama ben Laden. Tu sais, lui dis-je, nous avons en commun un combat, une lutte pour un monde meilleur, mais ceux qui nous nuisent, ce sont les politiciens. Ce sont tous ces faiseurs de grands discours : ils vivent de leur parole. Moi, personnellement, je vis de mes actes.Faire le choix de la praxis tait en effet faire le choix de lisolement, de la rprobation, des manipulations mdiatiques, dun manichisme ambiant, entre les forces du mal et celle du bien.Oussama me rpondit : Je ne crois quen ma cause, et celle-l est spirituelle. Au fond, je suis peut-tre comme toi un crateur cleste, mais jai le got de la vengeance, pour ceux qui mont utilis puis lchement abandonn, comme le roi Fahd, qui avait prfr mes missionnaires, lutilisation des forces militaires de lempire amricain en ntre Terre sainte. Tout comme toi, nomade, je hais le Matrialisme ! Mais voil, moi, je ne suis pas un hros, et donc nullement un djihadiste. Or, il nous restait en commun cette mme flamme dun Sens donn sa vie qui ne soit pas rduit au seul confort dune vie matrialiste. Dautres horizons souvraient donc nous

Chapitre III

Javais dans ma vie connu quelques individus rares : Granier, philosophe nietzschen, mavait enseign la facult, alors que je navais que seize ans et que je poursuivais mes tudes au lyce, lamour de la philosophie. Cet homme toujours lgant, en complet cravate, dgageait une aura qui irradiait sa figure dun halo de blancheur cleste. Ctait lui aussi un de ces crateurs clestes, totalement dsintress par le fric, ou les rcompenses que notre socit rserve aux chiens mdiatiss. Je devais donc tomber en philosophie par cet tre sublime, qui apportait enfin les questionnements exacts que je mtais toujours poss depuis ma plus tendre enfance. Au catchisme dj je posais la question de lexistence ou de la non-existence de Dieu. Granier merpondait par la preuve de saint Anselme. Si lon parle de Dieu, cest quil doit exister. Mais voil, les crateurs clestes ne niaient pas Dieu, puisquils en taient les prophtes. Leur secret rsidait dans lasctisme.Cest eux que lon devait les plus grandes rvolutions de lHumanit. La Crise de lultralibralisme tait par eux annonce, tout comme la mort de lempire amricain et celle de Dieu. De nouvelles valeurs taient construire. Ils sy taient dj prparsJe retournai donc voir Karl qui comme son habitude, tait l, au coin de son temple de la consommation. Que dois-je faire Marx ? Ne fais rien ! Quand tu as faim, tu manges, quand tu as soif, tu bois, quand tu veux texprimer, exprime-toi. La vie est facile pour ceux qui ont compris sa simplicit ! Et, toi comment vas-tu ? Jai des hauts, jai des bas. Je voudrais peut-tre lever les gens de nouvelles Valeurs. Mais voil, je ne suis rien. Je nai mme pas le courage de ton asctisme. Connais-tu un homme qui sappelle Jim, un plasticien ? Appelle-le, il vit aujourdhui dans la terre de Thatcher, comme moi lorsque je finirai mes jours en cette ville de Londres. Cet homme est 1 Erudit. Il tentretiendra de physique quantique comme de Philosophie Analytique. Nous partageons tous 2 la mme Volont de faire de la grandeur de nos penses 1 large diffusion aux gnrations hbtes par les ides consensuelles qui nous sont par trop mdiatises. Lui, saura torienter ( dfaut de Toi-mme) car au fond, tu sais, ton meilleur ennemi peut tre ton meilleur ami. Nest-ce pas le cas des Nolibrauxqui paradent aujourdhui!!!Je rpondis : Jentends parler gauche dAltermondialisme et, droite, dAnti-mondialisme. Dun ct, un nouvel Ordre conomique mondial teint de Tiers-mondisme, de lautre un retour au Protectionnisme et au Nationalisme. Quelle est la voie, Karl ? Je suis perdu ! La voie, cest en toi-mme que tu la dcouvriras.

Chapitre IV

Il est vrai qu mon adolescence jtais un individu romantique anim par des valeurs aristocratiques plutt conservatrices, quelque peu duqu dans la flagellation catholique et les rcits de mon grand-pre sur les guerres hroques. Jtais n le jour de la mort du Christ, le 7 avril, lHtel-Dieu ; ma vie avait t marque par ce pessimisme prophtique, au son de la Tristesse de la musique de Chopin. Il est vrai que javais t abandonn et que, tant pass de mains en mains la maternit, cela avait d marquer ma vie, jusqu lge de mes trente ans, o une bouff dlirante me conduisit lhpital psychiatrique, suite la dcouverte dun trouble bipolaire, anciennement appel psychose maniaco-dpressive. Je dcouvris ainsi que Jsus tait lui aussi un crateur cleste, tout comme Mose ou le prophte Mahomet. Les ayant rencontrs, ils mavaient expliqu quils avaient tous t comme moi, ds leur enfance, des tres isols et rvolts : rvolts par la misre des braves gens, leurs souffrances, leur esclavage, leurs garements ou leur ignorance, et, comme des mdecins de lme, avaient tent de les gurir de leurs maux. Ils me rappelaient la philosophie, car la rvolte nat de lexpression du doute, dans un monde dstructur o tout semblait marcher sur la tte, puisque ceux den bas, des gens souvent merveilleux qui sauvaient chaque jour des vies, comme les infirmiers, les mdecins, les chirurgiens ou les sapeurs-pompiers, taient moins bien rtribus que les connards qui tiraient, mon poque, dans un ballon de foot, et qui sduisaient le peuple du haut des arnes, comme de jeunes gladiateurs !

Ce nest quarriv la grande ville que mon idalisme se transforma en un cynisme dsabus. Comme disait mon ami Nietzsche, tout ce que lon mavait appris jusqualors tait erron.Il sagissait donc de retourner aux sources de la pense, qui ne rduisait pas lhomme sa simple capacit de consommer.

Chapitre V

Cest que le Capitalisme devait jusqu nous encore perdurer avec ses consquences dsastreuses lis au consumrisme et au productivisme.Je madressai donc Marx : Que penses-tu que du pass nous fassions table rase ? tais-ce l le pass de lHumanit, ou ton pass personnel, que tu voulais annihiler ? Marx, nas-tu jamais eu honte de tes origines ?Karl me rpondit : Si ! Si seulement mon enfance avait t diffrente, bien sr, je naurais peut-tre pas cherch, sous les traits dun Chiron, vouloir soigner les maux et les mes dune classe laborieuse, moi, fils de bourgeois, dune famille que je hassais ! Cest au fond peut-tre cela que lon appelle lmancipation ? Refaire lHistoire, slever en mythe ? La haine de soi nous conduit de grandes choses. Peut-tre que Hitler ntait pas un si mauvais artiste : peintre ou crivain, il et t prfrable quil le demeure. En tout cas, tel tait mon point de vue dalors : rejetant ma famille dans les oubliettes de sa mdiocrit, et travers elle la majorit dun peuple de labeur que jexcrais. La plume est plus forteque le glaive, et la parole sainte rsiste au temps. Ce que ne fait pas la balance de la justice, lHomme laccomplit par des mots , me disait Pyrrhon dlis, fondateur du scepticisme, lui qui avait suivi Alexandre dans ses conqutes, mais qui nen avait pas retir un denier. Lui avait fait le choix de ne pas crire : quelle vanit pour un crateur cleste. Alors mes mots auraient-ils une Postrit, ctait l ce que je recherchais. Mais, voil la parade, javais trouv les moyens matriels de les immortaliser. Tel tait lun de mes secrets. Accder lAu-del, telle tait lorigine de ma mlancolie, et cela sans Dieu (puisqu mon poque, il tait mort), mais grce au diable, mon bien cher ennemi, qui avait depuis longtemps annonc la mort de la chrtient : jtais libr de mon idalisme romantique pour un cynisme dsabus. Car la beaut ne peut tre que luvre du diable. Jen appelais donc au dmon de lacdie (peut-tre une part restante et nostalgique de mon pass romantique). Il me fallait galerDieu ! Pour cela, je frappai sa porte. Il me louvrit. Je lui dis : Jai essay en ce bas monde dtre un homme libre, mais ce monde dici-bas ne connat pour seule valeur la libert que largent. Penses-tu me dire ce que reprsente pour toi mille milliards de dollars ? cela, Dieu me rpondit simplement : Un dollar.Je rflchis, moi pour qui comptait par-dessus tout la Postrit. Que reprsente pour toi lternit ? Pour moi, une seconde. Mais alors, tu pourrais me prter un dollar ? (Ce que ne faisaient mme plus les gens de bont qui avaient renonc toute charit, depuis la mort de la chrtient.) Et Dieu me rpondit : Attend une seconde !Dcidment, mme Dieu tait un enfoir !

Je renonai donc galer Dieu. Je retournai sur Terre et retrouvai ce trader fou, ce crateur cleste si prompt utiliser les gens contre eux-mmes afin de les escroquer, dans une Rpublique devenue le paradis du vice. Ctait l certainement le chtiment dun ange dchu. Le Mal est sans espoir, aussi ai-je d le taire et poursuivre mon dsespoir dans un engagement rvolutionnaire : un travail herculen (cela va sans dire) ! Mais ntait-ce pas l le lot de tous les grands hommes, me dit Znon ; un crateur cleste doit savoir rester stoque.Personnellement, je nattendais rien du peuple, un troupeau de moutons, mais qui sait si, un jour, je ne pourrai pas conduire ces btes labattoir. Aprs tout, lhomme est un loup pour lhomme.Je savais que rester dans cette socit matrialiste ne me ferait pas connatre dutopistes : aucune reconnaissance, aussi bien de la part des lites de la nation, prchant loligarchie et la ploutocratie, que de la part du peuple, trop habitu subir les maux, plutt qu lire un livre de dlivrance.Je repartis donc dans les dserts visiter mes frres bdouins.Un retour au dsert, en attendant que scroule lempire amricain. Tel tait mon refuge. Je vivais l sur cette Terre, menfonant dans la vie comme dans le sable. Le crateur cleste tait donc un mystique, citoyen du monde, Au-del des temps, libr de lespace et ternellement errant.Je dlaissai mes tudes. Je faisais fi de la raison et retrouvai mon ami, le prince Saoud. Je me souvenais des paroles de Marx : Quand tu as faim, tu manges, quand tu as soif, tu bois, etc. Une vie simple dans un espace immense. Peu pour vivre, mais le partage et la famille nous structurant : en fait, encore un reste dun communisme primitif, o tous les biens taient mis en commun. La plus grande amiti pour la plus grande solidarit. lheure du Terrorisme anti-matrialiste, dans le jeu dune Mondialisation en fin de rgne, largent ici-bas navait sens que comme une culture dexportation. Ctait l la fin de limprialisme financier qui tait proche puisque totalement fictif !

Chapitre VI

Le cheikh Anazi, chef de tribu, mavait invit sous sa tente, o les gens chantaient chaleureusement. Il fut mon gard dune grande coute : Khaled, mon ami bdouin, moffrit son faroua, sorte de grand manteau que les Bdouins utilisaient pour leur servir de couverture contre les froideurs du dsert. Sa tribu stendait de la Syrie la Terre dArabie et comptait au bas mot quatre cent mille nomades en dshrence.

Puis, un instant, les hommes se levrent (ce qui tait la coutume lorsquun invit de haute ligne apparaissait). Ctait Oussama ben Laden. Alors Christopher, me dit-il, comprends-tu mieux pourquoi la technologie est impuissante me condamner ? Toi le chrtien, nous vivons ici comme lpoque du Christ. Les faucons sont nos messagers, nos dserts reintent nos adversaires. Qui nest pas n Bdouin ne peut lassimiler.Quelle belle faon pour un mystique que de retrouver des gens de foi, car, en ce qui me concerne, je savais que je navais nul courage pour devenir un kamikaze. Ici nul productivisme, nul impratif commercial, nul travail : ne rien faire, si ce nest mditer, aimer et jouer.Oussama continua minterpeller : Nous aussi avons forms des traders aux tats-Unis.Et cest l la meilleure arme que le gouvernement amricain nous ait fournie, bien plus que les armes de guerre en Afghanistan. La guerre est conomique : le ptrole bien sr en est une dimension. Je serai un mort sans spulture.Voil la vraie histoire des crateurs clestes : celles dhommes dchus, de juifs errants, de marginaux, de rsistants, de rfractaires, de rvolutionnaires, dternels vagabonds, nomades ou chasseurs solitaires, condamns errer pour lternit, pour des sicles et des sicles : Amen !Nous sommes des astres dont linfluence sexerce dans tout lunivers, des toiles filantes dans le ciel nocturne : des soleils noirs, comme le rptait le dmon de lacdie.Cest quil ne fallait plus penser le monde, mais le transformer, comme un individu seul peut voluer de son adolescence sa maturit !

Chapitre VII

Je cherchais, ladolescence, sortir tout prix de ma condition. Il me fallait fuir, quitter cette province au regard trop troit, la mdiocrit trop patente.Je me voyais, peut-tre par ma mgalomanie, un enfant issu du mariage improbable entre un prince (le prince Yazid, pour ne pas le nommer, lui qui au cours de ses voyages tait pass dans ma ville de nombreuses reprises par attrait pour les courses hippiques) et une catholique non musulmane que ses parents auraient renie si elle avait d reconnatre cet enfant issu dune union illgitime. Moi qui tais n orphelin, jimaginais faire du pass table rase, et fuir cette province qui me condamnait un Destin par trop mdiocre. Jeune homme noble au sang aristocratique, portant un nom clbre, je recherchais l un Sens une qute de mes origines. Je me rinventais, comme dans une fiction, pour un mythe, une nouvelle identit.Tel tait le dbut dune nouvelle orientation. Fuir ma condition me permit, la capitale, de rencontrer nombre de gens comme moi dsabuss. Cest ainsi que je retrouvai mon Projet quit . Mais voil, mes dpens, japprenais lentement le domaine des affaires. Georges (au sujet duquel il ny avait rien dire, si ce nest quil devait mescroquer) mavait fait prouver une sincre et nave amiti pour sa personne, puisquil vivait sans le sou, et avait su survivre au sein de la jungle urbaine. Notre projet commun, dit Projet quit , devait ruiner la finance internationale de lintrieur, grce nos expriences la marge de la lgalit. Au fond, nous pratiquions un certain entrisme. Peut-tre comme un gourou avait-il su me manipuler, mes risques et prils ? Cest l que jappris ce qutait un effet de levier, ou comment utiliser les gens leurs dpens, sous le masque de lamiti, tout en conservant un profond machiavlisme a-crdit. Cest alors que je compris que la Grandeur de nos socits pouvait engendrer des monstres atrocement dsesprs.Comme je disais Marx : Il nest plus question de praxis.Et Marx me rpondait : Ne tinquite pas : dautres consciences de part le monde suivent comme toi le chemin des crateurs clestes. Un jour, tu verras, tu ne seras plus seul ! moins que tu ne prfres faire de ta vie une uvre dart !Mais, voil, toutes ces expriences ntaient pas vaines, car elles me renforaient, moi qui tais n dans un milieu populaire, trop habitu se laisser aller, je repris mes tudes pour mieux avancer.Le risque de toute exprience aventureuse est le fourvoiement. Je recherchais vivre lextra-ordinaire, dans la mdiocrit ordinaire de notre Temps. Jtais bien un souffle, jtais bien une me. Je nattendais que le moment o Babylone seffondrerait. mon tour dtre glorifi, mon tour dtre sacralis, mon tour dtre starifi : il tait temps que je gagne, comme eux, de largent, pour immortaliser ma pense, et faire comprendre aux gnrations futures le chemin dun homme de peu lheure de sa temporalit. Je me devais dtre inclus dans la socit, de me socialiser, de trouver ma parole et ma voie. Mais voil, Hasard ou Destine, il semblait que je ntais que de passage partout o je me rendais. Ctait un chemin fait de croix. Je ntais peut-tre pas ce crateur cleste, moi qui ne demandais partout quune boue de sauvetage, une aide, mme sociale.Il sagissait donc de me rincarner et dappliquer moi-mme mes propres penses !

Chapitre VIIIIl tait temps de faire un point : nous avons tous une vision du monde qui sancre dans un espace et dans un temps qui nous sont propres. Et ctait le cas des crateurs clestes, la diffrence prs quils incarnaient cette vision.Gandhi mavait dit avant quil ne meurt : Je nutilise pas la non-violence mes propres fins, je suis la non-violence jusque dans ma chair, jusque dans mes gnes, tout comme ltait mon Matre Jane Vardhamana. Mais voil, toi, jeune Jedi n de la Crise de la Postmodernit des annes 60, voil ton tour de recrer les Lumires, au grand jour, pour clairer les indigents.tait-ce dire que les crateurs clestes avaient une Mission ? Nietzsche me rpondit en sursaut de son veil : Tu ne nais pas sage : tu le demeures. Telles sont les histoires des hros, telle est la souffrance de la vie dun crateur cleste, et Jsus en Croix ne te contredirait pas, mme sil voyait aujourdhui seffondrer son difice, et comprenait finalement que son pre, vrai dire Dieu, tait bien mort et enterr.Le crateur cleste ntait jamais seul, mme sil vivait en ascte : il tait dans le monde, par le monde, puisquil faisait le monde ( sa manire). Au fond, il ntait quun homme, mais un homme malade, malade de sa situation, victime de ses incomprhensions, de ses doutes, de ses angoisses, triste lide de mourir sans avoir enfant : son enfance tait dtre un homme de souffrance. Telle tait sa condition. Il ne pouvait que sourire lui-mme, sil ne voulait verser dans la tragdie de son existence. Heureusement, seul ses amis, consciences lointaines et isoles, pouvaient le rconforter. Si tu as les mains sales et la nause, Sartre te rpondrait : Ne ten inquite pas, ce nest peut-tre au fond pas ta responsabilit, mais, cela, ne le rpte personne, cest notre secret. Moi aussi jai appris douter ! Anormal, le crateur cleste sera toujours un tranger, mais son Altrit nest que la prmisse de son Identit, toujours sur le fil de limpermanence et de la variabilit. Son don, cest dtre l tout en ny tant pas, comme ces masques africains que lon retrouve dans les muses, masques momifis ayant perdu leur raison dtre, puisque avilis par les colonisateurs issus dun monde blanc et sans couleurs. En cela, le crateur cleste rve parfois dun monde imaginaire, utopique et meilleur. Souviens-toi du petit Platon, de ses Lois et de sa Rpublique, du jeune saint Franois dAssise ou encore du dlirant Thomas More et de Fontenelle ou Robert Owen, comme dun tienne Cabet, etc., qui, en leur temps, et en leur cit, avaient su encore rver de lauthenticit dun monde meilleur. Qui se souvient de la provocation de Copernic ? Il avait eu une formation de boxeur en mtaphysique. Son direct du gauche tait redoutable, et voil qu la Renaissance il mit chaos tout ldifice hrit depuis des sicles de part son prdcesseur Ptolme. Sa critique mit en cause toute leur belle scientificit. Du gocentrisme, nous passions lhliocentrisme, du dogmatisme au relativisme, et au scepticisme. Il remit en question par sa simple prsence, en homme seul, tout le modle de la connaissance classique, ainsi que ses concepts et ses schismatiques. Et tout cela pour une question de Vision ! Tout devait ds lors tre redfini. Dcidment, ces crateurs clestes faisaient de nous des nihilistes, et les libres-penseurs, au fond de leur tombeau, pouvaient bien en rire. La philosophie tait mre des sciences, mais les scientifiques lavaient oubli, nous qui sommes des empcheurs de tourner en rond sur cette Terre, invivables, et voil pourquoi nous mourrons pour la Postrit tels des hros. Nous tions acculs, totalement dsorients, mais, voil, nous ne tenions pas la boussole, car les crateurs clestes, par leur magntisme, aimantent et irradient bien plus que la nature humaine, qui perd son Universalisme. Plus de limites, plus de discriminations, plus de rationalisme, la mort et la fin des encyclopdistes : la vie, seulement la vie, dans un monde devenu sans repres car instable.

Mais voil, en qui croit le crateur cleste, si tout le monde croit : il croit quil ne croit pas et, dans un long priple, smancipe de toutes les croyances des hommes, dans leur pluralit, pour leur demander de se comprendre les unes les autres, sans quaucune delle ne se veuille un jour suprieure lautre (et cela, je men excuse auprs de Nietzsche). Au fond, le penseur, tout comme lhomme de science, est le rvlateur dune pense commune une famille dune poque donne dans un lieu donn. Il sagissait donc pour moi, en tant que crateur cleste, de continuer mes prgrinations, par de nouvelles rincarnations ou rencontres, au Banquet de mes surs et de mes frres de noble Mission.

Chapitre IX

Qui na jamais eu la sensation de se perdre ? Au cours de mes prgrinations, je partis observer le monde : lors de mon dplacement en Inde, je devins hindouiste. Mais en ma qualit de libre penseur on m leva au rang de la classe sacerdotale des brahmanes. Un jour, je rencontrai Vardhamana, que je suivis dans ses mditations et dans son asctisme, lui qui avait renonc son rang et tous ses biens pour atteindre la voie de la non-existence, que mon ami Bouddha appelait le nirvana. Je fis donc seul lexprience de la souffrance, de la vieillesse, de la maladie et de la pauvret (ce qui tait un comble pour le jeune homme que jtais, habitu vivre dans une socit de con-sommation). Et pourtant, voil quun autre modle de vie tait possible, sans nul besoin des politiques : un chemin intrieur, plus fort que leurs lois ou leurs dcrets, amends par un parlement dont leffectivit restait dmontrer. Telle tait ma rvolution copernicienne : changes et le monde changera .Puis, avec le dveloppement du bouddhisme, dabord austre, du petit vhicule, sa lacisation, vers le grand vhicule, mon chemin se spara de celui de Siddharta. De lInde, je passai en Chine : l, jy rencontrai Confucius. Lui stait lev contre les princes fainants. Le prince pour lui devait tre un modle, un homme de vertu, un sage, mais, mes yeux, il portait encore trop de foi en la socit dans laquelle il vivait et qui lavait si souvent exclu.Je me rapprochai donc du Taosme, qui tait une croyance religieuse plus proche de lAnimisme. Lao-tseu mouvrit donc ses portes et dit :

Tous les crateurs clestes ont porte ouverte dans les lieux de mes sanctuaires.Je lui demandai si je pouvais tlphoner et inviter quelques amis, que seul reliaient nos consciences, des distances comptes en annes-lumire. Fort heureusement, je ne payai jamais la note de tlphone. chacun deux, je leur dis de venir me rejoindre dans la contre sauvage de mon nouvel ami, Laozi. Jinvitai donc de faon compltement hasardeuse sir Edward Burnett Tylor lanimiste, Baruch Spinoza le panthiste, Vardhamana le janiste, Siddharta le bouddhiste, Socrate lAthe, Confucius, Mencius, Guo Xiang, Homre le polythiste, Hsiode, Apollonius de Tyane le paen, Amnophis IV le monothiste, Mans, Mose, David, Jsus, dit le Christ, Luther le protestant, Mahomet, dit le Prophte le musulman, Abaris le mystique, Pythagore, Plotin, Al-Ghazali, sainte Thrse dAvila, Georges Cuvier le crationniste, Charles Darwin lvolutionniste, Galile le dterministe, Isaac Newton, Albert Einstein, Max Planck lindterministe, Niel Bohr, Pyrrhon dlis le sceptique, Michel Eyquem de Montaigne, nsidme le relativiste, Friedrich Nietzsche le perspectiviste, Max Stirner lindividualiste, Aristippe de Cyrne lhdoniste, Pierre Ablard le nominaliste, Guillaume dOccam, Charles Sanders Peirce le pragmatique, Antisthne le cynique, Diogne de Sinope le dogmatique, Znon de Citium le stoque, Snque, picure lpicuriste, John Locke lempiriste, David Hume, John Duns Scot le raliste, Gautier Burley, John Wyclif, Dmocrite le matrialiste, Pierre Henri Dietrich dHolbach, Diderot, Soren Kierkegaard lexistentialiste, Jean-Paul Sartre, Platon lidaliste, Hegel, George Berkeley limmatrialiste, Ren Descartes le rationaliste, Emmanuel Kant, Voltaire le progressiste, Ptrarque lhumaniste, Leibniz loptimiste, Antiochus dAscalon lclectique, Henry David Thoreau lcologiste, Frantz Fanon le tiers-mondiste, Ernesto Guevara (dit le Che) le gauchiste, Guy Ernest Debord, Pierre Joseph Proudhon lanarchiste, Michel Bakounine, Kropotkine, Louise Michel, Jules Guesde le socialiste, Jean Jaurs, Gandhi le pacifiste, Oussama ben Laden le terroriste, Gracchus Babeuf lgalitariste, Aristophane le fministe pour son Assemble des femmes, Christine de Pisan, Simone de Beauvoir, saint Franois dAssise, Thomas More lutopiste, Robert Owen, tienne Cabet, Jeremy Bentham lutilitariste, Condorcet le laque, Montesquieu le libral, Alexis de Tocqueville, Sophocle limmoraliste et son Antigone, Edmund Burke le conservateur, Joseph de Maistre, Louis Gabriel de Bonald, Maurice Barrs le nationaliste, Charles Maurras, Charles de Gaulle, Juan Peron, Gamal Abdel Nasser, Arthur de Gobineau le raciste, Adolf Hitler pour son livre Mein Kampf, John Maynard Keynes linterventionniste, Friedrich List le protectionniste, Adam Smith le libral, Friedrich von Hayek, Milton Friedman, mon ami Karl Marx le communiste, Friedrich Engels et Lnine, dont vous pouvez retrouver les biographies dans mon Encyclopdie cognitive. ma surprise, ils rpondirent tous prsents, pour ce qui devait tre le Banquet de la Postrit. Austrit dans les plats, austrit dans les mots, si seulement les peoples de mon temps avaient pu sen faire cho.

Chapitre X

Les crateurs clestes, nomades, voyageurs, ne sont pas soumis au diktat des milieux dans lesquels ils vivent, car ils ne restent pas suffisamment pour sintgrer leur communaut adoptive, quils questionnent, quils observent pour mieux comprendre ce que le commun des mortels napprhende pas. Ils ne sont donc pas prisonniers dune seule manire de penser, de sentir ou dagir. Mme choqus, ils ne le sont jamais vraiment, ils ne jugent pas : ils constatent et voient. Les crateurs clestes sont dans leur grande majorit des gens sympathiques, mme si leurs rflexions peuvent apparatre cruelles, car ce nest pas le libre penseur qui est stigmatiser, mais plus souvent les comportements des gens quils peroivent. Certes, comme pour tout individu, ce que disent les crateurs clestes est recontextualiser, dans le temps et dans lespace qui sont les leurs. Si leurs penses sont mortelles, leurs actes, entranaient par leurs penses, ne le sont point, car ils marquent toujours lHistoire dun grand H. Toute dfinition se veut arbitraire et rductible. Que de sens pour un mme mot : cela expliquant ceci, les incomprhensions et les querelles des crateurs clestes resteraient clbres. lheure de mes vingt ans, je me considrais comme un philosophe de la praxis, ce qui faisait sourire mon ami Marx. Il est vrai qu mon poque je me consacrais pleinement la ralisation de mes desseins philosophiques. Ma vie mondaine primant alors sur ma vie estudiantine, le milieu universitaire mtant devenu tranger: jy tais devenu rfractaire. Je prfrais dj pour tout dire lexprimentation dans des univers divers et varis. Une Mission occupait alors tous mes loisirs : la direction dun projet nomm Excellence , cercle daffaires ayant pour vocation de promouvoir les valeurs aristocratiques, dans le respect des Traditions et dun certain art de vivre. Jentrais en affaires comme on entre en religion, avec la foi de lentrepreneur. Mais toute Croyance est illusoire, et aux illusions devaient succder les dsillusions. La cruaut nest pas un concept mme nietzschen , mon cher Friedrich : elle est faite de chair, de sueur et de sang. En cela, vous pourrez toujours reconnatre mon criture. Mais cette exprience fut une Ouverture au monde qui me fut salutaire. Quimportent les propos de la mtaphysique. Elle affirmait ma position critique lgard du philo-centrisme, et confirmait ma position relativiste concernant lensemble des entreprises cognitives (quelles soient dordre scientifique ou philosophique), les re-contextualisant comme vision, vue de lesprit, et aperception transcendantale relevant dune mythologie ethnocentrique. Jtais l encore bien loin de notre Banquet engag avec Laozi.

Chapitre XI

De tous les crateurs clestes que jai pu rencontrer ou retrouver notre Banquet, aucun navait denfant, demploi ou de femme, ni ne vivait dans une structure adapte. Ils taient trangers et rfractaires toute Autorit, peut-tre parce quils faisaient Autorit. Ils vivaient en marge, influencs sans tre influenables. Par exemple, je me souviens de Mahomet, que les premiers disciples considraient comme prophte, et dont la vie devait tre dune grande influence. Il avait lu la Bible, lAncien Testament des juifs et celui, moins anciens, des chrtiens. Il en reconnaissait la Postrit et me disait : Jai crit ce livre, me prsentant le Coran, un livre saint comme ltait pour moi Le Livre de la connaissance. Jencre ma vie dans lHistoire : celle dune certaine Humanit que je veux universelle. Voil ce qui ma influenc (influenc sans tre influenable).Je me disais personnellement quil avait certainement raison, pour celui qui deviendrait le dernier des prophtes, et je me disais aussi quil tait bien temps que je retourne sur le chemin austre de la connaissance, en retournant vivre dans les villes de mes dserts dvasts ( savoir mes crits si divers, depuis laube de ma crativit). Jessaierai peut-tre toute ma vie den faire une uvre dart. Mais, en tant que Centaures ctait la russite que je puisais ma source. Mes mots taient comme cette eau sans laquelle la vie nest que mortelle, et la dcadence, virtuelle. La mort, le mal, la vieillesse, la maladie sont pour tout un chacun des maux fuir, ce qui explique que la souffrance de toute exprience en vaut bien la peine. Dpasser le mal, se dpasser soi-mme est une justification que seul un lgionnaire ou un boxeur pourrait vous expliquer. Jeune, jessayais dtre plus que moi-mme, vivant entre fantasme et ralit. Ctait peut-tre l une escroquerie, mais envers moi-mme, et dont jtais la victime. Japprendrai plus tard que cette forme de mystique relevait peut-tre de la pathologie psychiatrique, mais, en attendant, comment pourrais-je vous expliquer cette exaltation de vivre dans lunion du microcosme et du macrocosme, dans cette union de lme avec lesprit universel, o lHomme ne se contrle plus, o tout sacclre dans sa petite bote penser : ce que jappelais de mes mots, pour lavoir vcu, le complmentarisme dialectique! Le crateur cleste tait donc un mystique, et savait se contenter de peu : il ne dsirait rien dautre que lAbsolu. quoi bon une petite vie de merde lorsque lon peut toucher la gloire par la pense ? Mais allez faire comprendre cela aux tres de peu de sensibilit, anesthsis quils sont par leur perception ! Insoumis, rvolt, engag, puis tout la fois du, dsol par le monde et son iniquit, le crateur cleste prfre sisoler en attendant lheure, lappel au jugement dernier, car il garde, et gardera toujours son me de guerrier. Le crateur cleste ne cherche pas faire carrire, il rejette toute certitude. Sa science est inconstante, variable, indtermine. Il ne cherche ni sexclure de la socit ni sy adapter. Il ne rejette que la mdiocrit, et cest peut-tre pour cette raison que la socit le rejette, la fois admirative et effraye. Ce fut dailleurs ce que Adolf Hitler me confirmait : Regarde-moi, me disait-il, ils nont pas voulu de moi, le peintre, lcrivain, le fou : jen ai ressenti de la haine jusque dans mes veines pour tous ces mcrants. Qui, dans la vie, na pas un jour t rejet pour sa diffrence : eh bien, voil ce que jen fais de leur diffrence : je la brle!Ctait peut-tre une faon suicidaire den finir avec la navet, la sienne comme, surtout, celle dautrui, qui se dit toujours innocent alors quil est le premier suivre les ordres dun grad. Quils brlent tous en enfer, ces imbciles manipuls !Au fond, comme Bel Ami, Hitler avait d tre un corsaire. Belle revanche contre la socit, pour ceux que la socit rejetait au nom de leur perversit.Les crateurs clestes ne pouvaient pas se contenter de donner comme Sens leur vie le pouvoir de largent et du sexe, se contenter de la basse matrialit des corps enchevtrs. Oh ! certains dentre eux nauraient pas dni (comme moi dailleurs) partouzer ; mais ne faire que cela, comme une pute ou un trader, les aurait vite agacs, car, comme la belle nature, ils ne savaient se contenter du Vide d1 existence conduite lAbsurdit!!!Libertins, dpravs peut-tre, mais aux yeux de la cit, car, ce qui leur importait, ctait de rsister. Comme des chevaux sauvages, ils prfraient mourir que de se faire dompter, apprivoiser, enfermer dans un zoo ou un muse. Ils ne se satisfaisaient pas non plus de manipuler que dtre manipuls, ils taient de la race de ces seigneurs qui prfraient la contrainte la lchet. Ce que Georges, mon ami trader avec lequel je fus un certain temps associ (et dont jai d vous parler), exprimait par le terme deffet de levier.tre un crateur cleste relevait dune certaine Destine. Moi le fils, lenfant adopt, on mavait affubl dun prnom de saint patron au cur des voyageurs. la maternelle, le sceau qui me distinguait tait celui dun petit homme. Pendant un temps, jhabitais rue de Nazareth, et je priais la synagogue de mon quartier : peut-tre tais-je atteint du syndrome de Jrusalem, moi, le nouveau prophte ? Tu te prends pour Jsus de Nazareth ! me rpliquait ma petite amie dalors.Mais peut-tre ntait-ce l quun signe (pathologique).Le crateur cleste ne veut pas grandir : il sen moque. Il restera toujours cet enfant au fond de lui-mme, avec ce sceau de petit homme attach sa besace.En fait, pour revenir ce que disait Hitler, cest peut-tre plutt le crateur cleste qui se brlait et se consumait. Il tait un ange sans aile : un ange dchu, un dmon qui avait chut dans la mlancolie, un dmon de lacdie. Mais voil, laventure comme laventure. De toute faon, tout sarrterait bien un jour. O en tait donc notre fameux Banquet ?, me rptait Laozi, lui qui prfrait mditer et me laisser tout organiser. Cela suit son cours, lui rpondis-je, le cours de ma pense !Laventure est un long voyage la qute de soi-mme, et je peux vous laffirmer, dautant plus que jai moi-mme t abandonn (ce qui fut lorigine de ma plus grande blessure). Tel un mystique, le crateur cleste sabandonne et drive au gr des flots, dans un mouvement de va-et-vient, dans les cits du monde. Son identit nest pas nationale, car il ne connat pas de frontires : cest au fond un citoyen du monde ; mais voil, trop souvent, ce monde lattriste, lui qui ny voudrait voir que beaut. Le crateur cleste dans ses prgrinations ne connat point de structures, car, enfant lui-mme, il nest que peu structur. Sil tait lunivers, il serait excentr. Et cest peut-tre l toute sa nouveaut, car, o quil soit, il interpelle et est interpell. Tel est son art : art de vivre, art daimer, art dhar, etc. Le crateur cleste est un artiste du concret. Mais revoil Hitler (dcidment, il nous fait chier). Un artiste du concret, mais un artiste reni, et voil pourquoi mes peintures ont t brles.Et maintenant de citer Antisthne : Ceux que lon traite comme des chiens finissent par agir comme des chiens, et voil pourquoi, de mon nom, on me fit un cynique.La petite histoire fait la grande Histoire : mais voil, tout le monde sen fout.

Lnine, que de morts en ton nom ! Je devais porter la lutte des classes par la dictature du proltariat.Et voil Marx, qui revenait memmerder. O.K. ! Karl, ton tour de parler. La religion est lopium du peuple, tu le sais, alors Jsus, toi le Christ, que de crimes en ton nom !Et Jsus de rpliquer : Ce nest pas moi qui ai tir la premire balle : que fais-tu dAmnophis ; aprs tout, il est bien le fondateur du monothisme !Et Luther de relancer : Quavons-nous fait de si mal, nous les protestants, que de protester pour revenir aux origines des critures saintes, et des textes sacrs ? Ce sont bien les catholiques qui ont voulu nous museler ! Mose dinterroger : Je nai pas crits les tables de la Loi pour quun nouveau prophte du nom de Mahomet se dise porteur dun message universel, au-del de son propre peuple : lArche dAlliance nous appartient !Et Darwin de rsister :

Cest vous, les crationnistes, qui vous tes fourvoys, avec votre influence sur des pseudosciences. La cration nest pas divine, lHistoire de lHomme nest que celle dune lente volution.Devant tout ce brouhaha, je devais intervenir : Charles, repris-je, que fais-tu du darwinisme social ; il est le mme qui a justifi notre mission civilisatrice, en anantissant des cultures entires, dont les croyances animistes nous reportaient la sagesse de laube de lHumanit.Comme le constatait Laozi, son Banquet tait dj des plus anims. Quant moi, isol, je contemplais ces penseurs affams avec une certaine hilarit.Dcidment, nos crateurs clestes devaient prfrer fuir le monde dans lequel ils vivaient plutt que, par la praxis, sy impliquer. Je vous laisse seul juge des querelles du pass. Quant moi, je comptais les points. Que resterait-il de toutes ces penses ? Peut-tre rien, dans limmensit de notre univers de papier glac !On dit que les hros sont souvent solitaires : qui na pas fait sa traverse du dsert ? Je ne peux citer de nom. Chacun se reconnatra. Les crateurs clestes ont toujours de grands desseins, et pour une raison simple : ils se savent mortels. Cest peut-tre pour cela quils comprennent mieux que quiconque la vie, les errances, les doutes, les excommunications de leurs frres . Et, sils sont francs, ils ne sont pas toujours maons, bien quils construisent des difices de papier en des cathdrales de mots. Quils crivent ou ncrivent pas, leur parole est un non-sens pour leur poque, mais cest lenfantement dune histoire, redessine par les peines de leurs disciples dissidents qui y peroivent une lumire dans lobscurit du jour. Comme Zarathoustra, ils se promnent dans les belles journes, flammes au vent, pour annoncer : Dieu est mort ! Et voil que parfois, aprs leur mort, en moins dun sicle, la profondeur de leur pense renat, aprs des annes dexil, dexclusion ou de rejet. Car cest aussi dans la lutte que saccrot lexprience. Nul ne saurait viter les luttes, les guerres et les jeux de pouvoir, mais le crateur cleste, intern, isol, se fout de tous ces regards, puisque lui seul est mme de Voir. Pourquoi ce terme de crateur associ un univers cleste ? Tout simplement parce que ces hommes se moquaient de la monnaie pour conqurir leur libert : ils taient totalement dsintresss, sauf pour ce qui touchait leur Immortalit. Mais quelles taient leurs croyances ? Je vous rpondrai : toutes comme aucune. Seul le don de leur personne pour un but qui les dominait faisait de leur transcendance une vie inestimable, que seuls les spculateurs auraient aim soffrir par une donation des muses. Car voil, le Temps na pas de prise sur les crateurs clestes. Leur petite histoire se confond avec la grande : les crateurs clestes ne sont pas des marchands, des bourgeois ou des roturiers, mais des Seigneurs ! Amen. Tel fiert qui ne tue point est leur devise. Leurs mains ne sont pas entaches de sang, car le sang leur sert de plume. Mais leurs uvres ou leur parole sont des armes contresens pour tout idiot qui sen veut aller guerroyer.

Chapitre XII

Cest ainsi que se poursuivait notre Banquet avec au Menu lexpression des Ides de chacun de nos invits, des plus proches au plus op-poss. Sir Edward Burnett Tylor engagea la conversation: je vous le dis, et je le pense mes Amis, lorigine des Systmes religieux trouve sa naissance dans 1 Animisme primitif, pour lequel la Croyance se fonde en des tres spirituels, en dautres termes, en 1 Ame spare du Corps! .Et Lucien Lvy-Bruhl dajouter quil fallait voir dans les prmices des mentalits dites primitives, des Croyances en des forces mystiques. Voil ce que jentends, nous dit Levy Bruhl: le primitif travers ses Visions, ses rves et la prsence des Morts, provoque des expriences spirituelles tout fait singulires, le renseignant sur le Monde qui lenvironne!Et pourtant lheure de la Mondialisation, nous ne pouvions constater, malgr nos rsistances, qu la fin annonce de la Biodiversit de nos modes de vie et de pense. Seuls les Crateurs clestes prouvaient quil existait encore des dissidences face lUniformisation d1 Mode de Vie Made in USA. Nous devions prendre 1 exemple, et ce fut au tour de Pythagore de se lever pour expliquer sa Vision de la cit: Il sagissait pour Moi, nous dit-il, non pas daffranchir lindividu de son existence terrestre, que de raliser un lien entre lHomme et le Divin, et sur la base de ce lien, de transformer la cit, en exaltant lidal civique, et sur ce Modle galitaire, dimposer 1 discipline collective.

Pour nos amis mystiques, auxquels figuraient attabls Plotin, Al Ghazali ou encore Sainte Thrse dAvila, il sagissait pour un moment de ne plus faire qu Un avec le Tout, ou la Totalit de lUnivers, dans 1 qute dAbsolu, tendue vers lExtase, et ce par-del les Mots.Mais les rationalistes slevrent vite pour critiquer 1 telle supercherie et un tel dvouament de la Pense, dnonant lapproche du rel par la seule sensibilit, limagination, les Mythes, les Religions ou encore lintuition!Malebranche, en fin gourmets, pris la Parole:Il nest de vraie connaissance que par les Ides claires et distinctesEt Descartes dajouter: Il sagit pour nous, votre diffrence, de nous rendre Maitre et possesseur de la Nature. Les hommes pourrait ainsi jouir, sans aucune peine, des fruits de la Terre, et de toutes les commodits qui sy rencontrent. Ils pourront de mme conserver la sant et peut-tre sexempter de laffaiblissement de la vieillesse.Ntais-ce pas l la promesse d1 Eternelle Richesse, comme nos utopistes nous lavaient exposs, tel 1 Ovide, dans ses Mtamorphoses: une socit sans contraintes et sans armes, voue lconomie de la cueillette, vivant dans 1 printemps Eternel, 1 communisme primitif en quelque sorte, retrouv chez les Amrindiens, chez lesquels lAbsence de proprit, tant individuelle que collective, se caractrisait par 1 mise en commun de tous les Biens.Thomas More sur ces mots sleva et d1 verre la main dit: Levons nos verres au Bonheur collectif!!! A la fin de la Misre, et que ce Banquet en atteste. Faisons ripaille nous qui clbrons le bien commun tous diffrents de convictions que nous sommes. Car pour vous dire le fond de ma pens, il me semble que partout o lappropriation est prive, ou pour tous lArgent est la mesure de tout, il est peu prs impossible que la Rpublique soit rgie de faon juste et prospre, moins que vous nestimiez juste 1 socit o les meilleurs biens choient au plus mchants, et heureuse une socit o tous les biens, encore que de faon ingale soient rparties entre le plus petit nombre, les autres tant rduits 1 totale Misre!!!Marx d1 bon sleva et entonna lInternationale, pendant quAdam Smith sgosilla: Que nai-je t invit ce Banquet pour entendre de telles ignominies, un mme Individu peut tre guid la fois par son intrt personnel dans ses comportements conomiques, et par la Morale commune dans sa vie sociale. Jajouterais qu1 main invisible pousse chacun agir en conformit avec les intrts de lensemble de la socit!!!Mais tait-ce encore le cas avec lAbolition des frontires lheure de la Mondialisation No-librale, en ce dbut de 21me sicle (de notre re chrtienne)??? Je soutiens que oui rpondit Von Hayeck: il est possible et souhaitable de laisser lconomie aux libres Lois immanentes du March. Je rcuse lintrt gnral au nom duquel les keyneysiens impot-sent leurs interventions tatiques, et font des pouvoirs publics le seul recours la marche de la cit. Cela ne peut que nous conduire laRcession, cest--dire linflation, au chmage et la dpression!!!Marx, dans son coin, maugrait, pendant que Keynes ne dit mot et partit, laissant son repas froid, en interpellant Smith, Hayeck et Friedman d1,vous ntes qu1 bande descrocs. Diogne assistant la scne, moiti avin, au sortir de son tonneau, lui cria: te toi de mon soleil Keynes!!!, Nul na besoin de ton assistance, comme de notre amiti dailleurs, mes frres et mes surs. Laissez-moi me gaver, et menivrer de tous ces bons metsen toute impudeur. La Vertu est dans les Actes et elle na besoin ni de Discours, ni de Sciences exactes. ta gueule Diogne, lui rpliqurent dun seul et mme propos Proudhon,Bakounine et Louise Michel ton attitude de dprav ne nous fait nullement avance, et tes mots nont de subversifs que ta conduite malheureuse qui ne peut tre prise pour Modle. Quant nous Rsistons, contre le Capitalisme financier et son systme de castes, pour 1 redistribution quitable des richesses par le recours lAutogestion comme seule solution 1 conomie quitable. Bien plus que rformer le Systme, cest lindividu que nous voulons voir mancip. Tel est le Sens d1 Ame rvolt par la misre des opprims!!! Et Proudhon dexpliquer le fond de sa pense: Je sais ce que cest que la misre. Jy ai vcu. Tout ce que je suis, je le dois au dsespoir. Pour la supprimer, je nevois que la suppression de la Monnaie pour 1 plus juste change entre des citoyens clairs par 1mutualisme pour lequel jai t condamn mexiler. Tel est le Destin des socialistes utopistes.

Et de tous les anarchistes!!!Lui rpondit Bakounine, qui lui aussi avait connu 1 vie faite dexil,cest des dclasss que naitra notre ( R)volution, comme d1 phnomne spontan.Ce qui ntait pas sans me rappeler Georges, cet ex trader, avec lequel javais initi notre projet quit et qui faisait de nous, tous, 2, des conspirateurs.A vous de voir par notre labeur (comme dans ce livre) notre verve, 1 dimension subversive.Mais voil, il tait temps de donner la parole 1 femme, notre amie Louise: Ton livre, camarade, trne sur mon chevet. Jen ferai bonne lecture auprs des plus jeunes comme des indigents, car cest de noir vtu que nous comparaitrons devant la Justice des puissants, mme sils prfrent ne voir en nous que des FOUS, pour impot-ser leur Etat de fait comme d1 normalit justifiant les ingalitssubies par la Majorit, qui chaque jour est repouss dans la pauvret, enferme dans les portes cltures dAsile dAlins

Chapitre XIII

Comment rencontrer un crateur cleste : je dirai par exemple lors de la fte des fous, de ces carnavals o tout est permis pour quelques jours et qui font oublier au peuple sa condition de misre. Pour un temps soublie la pauvret. Ceux den bas sont les rois, ceux den-haut, les esclaves ou les bagnards. Le sexe smancipe : voil la fte des libertins, or, le crateur cleste est un libre-penseur. Il y peut l senivrer sous les masques dors sans se faire remarquer. Le crateur cleste est avant tout un homme du peuple, non dmagogue, puisque ses valeurs aristocratiques nient leur mdiocrit ; mais voil, pour un jour, un jour seulement, il retourne avec ceux qui lont duqu, rejet ou maltrait : en un mot, maudit ; tel tait son dmon de lacdie. Aprs tout, le temps est fuyant, il faut le vivre intensment, ici, l et maintenant. Le crateur cleste demeure et demeura, jusqu sa vieillesse, et sa mort, un enfant, aim comme mal-aim, de ses parents. Il se laisse donc guider par sa vie, ce qui le conduit sa perte, errant de porte en porte, cherchant toujours de nouvelles conqutes, lchant prise et laissant son jugement aux autres, leurs discours moraux et leurs dbats mtaphysiques. Si la beaut rend lamour, le crateur cleste est un homme aimant, aimant des femmes, aimant des hommes, aimant de la vie, si aimant que lui-mme aimante autrui. Tout comme souffrir lui-mme lui donne la mesure de la douleur dautrui, il svertue lui donner un Sens pour mieux se guider dans un monde avili quil maudit, ce qui le rend parfois cruel. Tout ici nest plus quun je . Et voil Max Stirner dlever la voix : Nous sommes seuls au monde, seuls avec nos souffrances, seuls et mortels, alors jouissons dun pur gosme indiffrent aux autres o lorsque tu es dans le merde, toi seul te dmerdes. Rappelle-toi, les gens ne sont mus que par leur intrts personnel, ce qua bien compris Jeremy (Bentham), alors nattends rien deux, car le bonheur commun, le bien, le mal ne viennent que du bien priv, du bonheur ludique.Et de rajouter : La vie est une fte, mme si elle nest que la fte dun jour, alors sois comme moi spontan, enlve ton masque, ne cache plus rien, mancipe-toi de la collectivit. Vis au prsent, fais comme ce connard de Marx, de ton pass fais table rase.Mais voil que revoil Marx et ses amis, commencer par Engels, Lnine, Platon et Aristote. Lhomme est un animal politique, il ne serait rien sans la collectivit. Comment pouvez-vous nier ainsi la socit ? Au chaos, nous prfrons le logos et les rvolutions, mme utopiques. Stirner, un jour, un de nos hommes te tuera.Et Mahomet dacquiescer : Tu nexistes en rien sans lOuma et sa communaut. Nous sommes l pour unir et non diviser. Tu nes quun serpent, Stirner.Dcidment, plus le temps passait, plus notre Banquet sanimait.Un homme affranchi de ses limites est un homme sage : au fond, nest-ce pas l la Destine de lHomme ; toujours plus haut, toujours plus fort ? En tant que libertin, japprenais vivre de mes matres contemporains. Exalter mes sentiments (prfrant le sexe la dpendance romantique et son corollaire, la jalousie), courir les plaisirs, accepter le vouloir vivre comme le plaisir dionysiaque, loubli de soi jusque dans la frnsie, lexacerbation des sens et de la sexualit, lros, non comme sens la vie, mais comme la libration de la morale judo-chrtienne, et ce jusqu livresse des Centaures, qui violaient habilement les Lois de la Nature dans une urgence de vivre et de dsirer (jusqu en souffrir) o, lorsque dans lexcs, le plaisir devient souffrance, et que derrire les sens se profile le vide, lalchimie entre la bte et le surhumain, comme tu aimais le dire, mon cher ami Nietzsche. Je me souviens quaprs un bon dner aux chandelles nous descendions dans ce club, ma petite amie et moi-mme, pour aller danser. L, les premiers corps corps samoraient : les caresses, les frottements et le toucher, sur des rythmes endiabls (car voil, je ntais quun cur dfroqu). Entre deux verres de champagne, le temps dun repas bien mrit, laccord des couples, des deux parties se reformait, dhommes femmes ou de femmes femmes, jusqu se conduire dans les chambres coucher ou sur les canaps. L encore les premiers baisers, les caresses renouveles, les jeux de langues jusquentre les fessiers, puis, autour de soi, les autres couples jouisseurs, les voyeurs patents. changistes, mlangistes et autres mateurs enfoncs dans la pnombre, runis pour mieux sencanailler jusqu ce que la baise commence, ou recommence, aprs stre une nouvelle fois changs. Tout cela veillait ma curiosit. Hdoniste, le crateur cleste savait aussi se mouiller, et ce nest pas Aristippe qui maurait contrari, mme si je risquais dans la nouvelle Rome de mattirer les foudres de puritains comme Jean Calvin : Vie laborieuse et chastet ! Dans ces moments divresse, le crateur cleste tait un danseur : il lchait prise, se jetait et ne mentait point, car sinon il tombait. Ce qui lui importait, ctait de ressentir ce que les autres pouvaient prouver. Sil tait le Christ, il en accepterait, comme Socrate, la souffrance, jusqu la mort. Toujours dans le devenir, il aimerait citer Hraclite (comme linitiateur de tout mouvement) : On ne se baigne jamais deux fois dans le mme fleuve. Lorsquil se fait anthropologue, pour mieux comprendre son monde contemporain, il prfre saisir les Traditions et les us et coutumes de ses compagnons, et cela au sein de sa communaut. Il rejoint ainsi leur subjectivit, et est plus mme daccepter, par leur comprhension, leurs diffrences. Cest ainsi quil parle de la vie, en partant de lexprience quotidienne pour mieux la transcender, do son naturel dcomplex. Mais voil, notre Banquet, nous navions pu convier que quelques femmes clbres depuis laube de lHumanit. Il ntait donc pas question de bander. Cependant, pourquoi taient-elles si rares dans le milieu de la pense ? Les crateurs clestes les avaient-ils condamnes tre les faire-valoir de leur incrdulit ?Seul pour lui la simplicit permettait de comprendre la complexit de(s) monde(s). Sans compromission, les crateurs clestes avaient bien compris Pindare : Deviens ce que tu es ! Mais voil, qutaient-ils, tous ces penseurs qui firent de leur originalit lHistoire de notre Humanit ?

Chapitre XIV

La ralit nous est souvent insupportable : mais nullement pour lAntchrist. Esprit libre, le crateur cleste est le plus loign du centre. Sa vie, il la conduit aux extrmes, ce qui ne laisse pas de faire peur, car voil, la peur est la chose la plus commune aux braves gens. Les crateurs clestes conjurent le sort : chaque jour, ils dfient la mort. Nul ne sait sils sont plus proches du Diable que de Dieu. Mais, en cela, tout nest quune question de Croyances. lui ltre, aux autres lAvoir, comme disait Simone de Beauvoir. Leurs pouvoirs diaboliques, ils les puisent dans lros, car lexistence prcde lessence le sexe nest pour eux qu1 acte de volont. Une forme de dlinquance contre loppression et en raction la misre physique, sociale ou morale de notre Humanit. En quelque sorte, un acte militant. Et puis tout cela finira par mourir un jour. Alors continuons vivre la fte des fous. lassemble des femmes, Aristophane leur donne le pouvoir. Plus de socit patriarcale. Mais les femmes jouissent toujours de leurs armes. Tant dhommes imbciles se sont fait tuer pour nous, me rappelait Christine de Pisan, et mme des chevaliers des plus estimables.Sauf que la femme na pu se rsoudre tre un ange crateur. Cest peut-tre pour cela quelle se dissimule, invisible, dans lHistoire de la Pense. Peu de femmes sont des saintes : je nen retiendrai quune, celle dAvila, la sur Thrse, mais rare sont les gens atteindre ce prilleux chemin qui fait du Mysticisme un territoire de spiritualit. Bien que celle-ci affirmait : LAmour est ma dlivrance. Aime, aime, aime de tout ton cur, et autrui taimera. Aimer, cest esprer. Depuis toujours, les hommes ont eu besoin dAmour. Pour tous ceux qui tendent leurs mains, lamour est leur Salut. Aimer, cest fonder une esprance. Que peut-on contre lAmour ? Contre lamour, on ne peut rien, et cela explique notre saint sacrifice, et qu lenfer, femme, je prfre le paradis. Un monde sans amour est un monde de prostitution.Et elle avait bien raison, jusqu mon poque, o se gnralisait une gnration de jeunes hommes et de jeunes femmes sans repres, paums, seuls, dsuvrs, qui ne savaient que faire : abandonns de tout foyer, de ce feu ancestral, issus de familles recomposes qui les dlaissaient leurs propres responsabilits, quils ne savaient pas assumer. De quel monde sera fait ce lendemain ? Je minquitai : une gnration de SDF, doisifs, dassists, ou de curs rebelles prts tout faire sauter ? Comprenne ds lors quen dautres socits plus asexues le Terrorisme soit peru comme un vent de libert. Il ne suffisait pour cela que de sengager, me dit loreille Oussama ben Laden. Comme toi, lorsque jtais jeune, jtais un idaliste passionn.Si le monde nest quillusion, quelle chute, quelle dsillusion fait basculer la vie dhommes et de femmes dans la voie du Terrorisme ? Quitter le monde, se suicider, mais en beaut : une explosion suivie dun clat de cruaut. Une lutte arme, un bref moment de lucidit sur la comprhensiondun monde dsordonn. Puis le silence dans les nues.Et Oussama dajouter : Je ntais pas n comme toi, mais je taimais.Telle tait sa faon de rejoindre notre communaut. Esprits clestes, terre de libert, nomade marginaliss. JEMMERDE LES U.S.A.Ntait-ce pas l une autre faon de lutter au sein dun empire dshumanis ? qui, et pour qui, le pouvoir : dans la volont de dsacraliser et de profaner lindiffrence de tous ces nantis qui vivaient de la misre et de la pauvret dAutrui, de tous les peuples martyriss, acculturs ou humilis par ces colons si fortement arms ?Alors voil, prfrer encore la mort lindignit. Mais cela les marchands ne faisaient que plus dargent. Fort heureusement, le monde ne peut tre matris.Les crateurs clestes taient l pour le prouver. Il nen suffisait que dun pour que les gens voient enfin toutes les possibilits de (r)volutionner leur quotidiennet. Tel tait le don de ces aventurier : camlons mtamorphoss. lheure de la dcadence de lempire amricain, tel un Alcibiade, les crateurs clestes savaient encore rire et se moquer de toute leur sacralit. Ils faisaient de leur vie une uvre dart, de la pense, une pense incarne, et cest en cela que je continuerai vous les prsenter

Chapitre XV

Le crateur cleste ne juge pas, et cest bien l tout lenseignement que reprit Montaigne dans ses Essais, du sage Pyrrhon la dicte. Cest aussi pour cela quil risquait tout moment de se fourvoyer, avec des dlinquants et tant dautres marginaux, car il essayait den comprendre leur humanit. Et cest bien fort de toutes ses expriences quil savait reconnatre les arrivistes, les opportunistes, les irresponsables, les dlictueux, les sophistes, les dmagogues, les avocats, des inculps ; car le crateur cleste avait appris dun grand art, aujourdhui dsuet, survivre dans le dsintrt. Ambitieux, il ne ltait quavec lambitieux, fort avec le fort, faible avec le dshrit, virulent avec lobscnit, indulgent avec limbcillit.Les crateurs clestes aiment faire de leur vie une exprimentation. Leur seul et unique but tait de comprendre lme humaine et ses mystres. Il en allait de mme de leur comportement, qui ntait que le rsultat dune analyse du comportement de leurs contemporains. Ils savaient tre aimables avec les gens aimables, insolents avec les gens violents, cyniques avec les puissants, immoraux avec les aristocrates de leur rang, et que sais-je encore. Pourtant eux qui essayaient de comprendre Autrui ntaient pas compris des autres, do leurs tourments. Ils prfraient donc lailleurs, dans leurs propres voyages intrieurs, et savraient tre souvent fuyants : par peur ? Ou peut-tre pour viter trop de malheurs. Ils taient au fond des potes errants. On a souvent remarqu que ce qui tait fiction pour les uns tait ralit pour les autres. Cest peut-tre pour cela que les hommes et les femmes les plus sceptiques ignorent ou nient lexistence des crateurs clestes : ils ny croient tout simplement pas. limpossible lHomme est tenu, mais voil, ctoyer les anges, mme dchus, le commun des mortels prfre la retenue. Il est parfois avantageux de ne pas Croire, surtout lorsquil sagit de la Destine ou du Hasard. Les crateurs clestes ont pourtant grav leur nom dans lHistoire, et leur intuition de grandeur tait une prdtermination. Ils ont fait le choix, ou peut-tre pas ? dune vie faite de sacrifices pour comprendre lHumanit : prophte, mystique, pote, scientifique, philosophe ou politique, etc. Je vous avais cit certain des plus clbres, mais combien nombreux taient-ils par leur conscience universelle ! Frres ou surs, ils avaient su, travers les ges, travers les Temps, communiquer en tlpathes. Celui qui mourait redonnait vie celui qui naissait. Ce don, mon ami Platon vous la trs bien expliqu. Je ne vous rvlerai donc pas plus sur celui-l, et je me tairai. Les crateurs clestes nattendaient rien de personne et encore moins de la cit : ils ne votaient pas, car ils ne connaissaient aucunes lois que celles quils simposaient eux-mmes. Ils prfraient inventer et savaient plus que dautres sadapter, et faire de leur destin une destine. Le crateur cleste tait pour tout dire indtermin. Sil cheminait, dun pas lent ou rapide, ctait pour mieux frler la mort : homme libre, son issue tait incertaine et imprvisible, car il demeurait ouvert tous les possibles. Les crateurs clestes font face mme linfortune ou au sentiment de lAbsurde (ce que Sartre confirmait).Pour quelle raison pensaient-ils la vie ? Je vous rpondrais : pour en conjurer le sort. Il sagissait de sen sortir, mais de quoi ? De la misre ? De la banalit ? De la solitude ? De lexclusion ? De la fragilit ? Mais la rponse tait universelle, et seul lui se la posait. Quel SENS donner sa vie ? Entre solitude et conformit, anticonformisme et amiti, le crateur cleste tait un homme de science, nullement par passion ou par vocation, mais par ncessit. Son exprimentation, qui faisait de lui un camlon, il laccomplissait comme une Mission. Peu importent les logiques, la sagesse ou la raison, qui, par calcul, font de vous un carririste : les crateurs clestes taient quant eux des hros qui connaissaient tous les risques, et pour lesquels la question que faire ? ne simposait pas, puisquils ne faisaient que ce qui leur plaisait. Plaire, ctait peut-tre l au fond ce quils auraient aims faire. Mais alors pourquoi tant de sacrifices, puisque les crateurs clestes prfraient lombre la lumire ? Cest peut-tre pour cela quils taient ternellement insatisfaits et maladivement perfectionnistes (jusqu en mourir). Mais que reprsentait la mort pour eux, dans une socit qui les avait toujours stigmatiss comme des condamns. Pour vivre comme un crateur cleste, il fallait savoir tre fort : ne pas se laisser emporter par les bonnes, comme par les mauvaises influences. Ce qui faisait du crateur cleste un homme indiffrent aux critiques dautrui, car toujours dominant et tolrant face la diversit des opinions du monde, avec lesquelles il aimait entretenir une relle et sincre convivialit. Mais voil, il tait temps de revenir notre Banquet, o sanimaient les penses en un combat fictif des idologies pugilistiques, jusqu plus soif, dans1 sincre convivialit. Car jaimais retrouver la compagnie de mes frres et de mes surs clestes : sir Edward Burnett Tylor, Baruch Spinoza, Vardhamana, Siddharta, Socrate, Confucius, Mencius, Zhou Dunyi, Homre, Hsiode, Apollonius de Tyane, Flavius Claudi, Amnophis IV, Mans, Mose, David, Jsus, dit le Christ, saint Pierre, Luther, Jean Calvin, Mahomet, dit le Prophte, Abaris, Pythagore, Plotin, Al-Ghazali, sainte Thrse dAvila, Thomas Henry Huxley, Georges Cuvier, Charles Darwin, Galile, Johannes Kepler, Isaac Newton, Albert Einstein, Max Planck, Niels Bohr, Pyrrhon dlis, nsidme, Friedrich Nietzsche, Max Stirner, Aristippe de Cyrne, Roscelin de Compigne, Charles Sanders Peirce, Antisthne, Diogne de Sinope, Parmnide, Znon de Citium, picure, Lucrce, John Locke, David Hume, Alfred North Whitehead, Bertrand Arthur William Russel, John Duns Scot, Dmocrite, Pierre Henri Dietrich dHolbach, Diderot, Soren Kierkegaard, Jean-Paul Sartre, Platon, Johannes Fichte, George Berkeley, Ren Descartes, Voltaire, Ptrarque, Didier rasme, Franois Rabelais, Antiochus dAscalon, Victor Cousin, Henry David Thoreau, Frantz Fanon, Henri Lefebvre, Pierre Joseph Proudhon, Michel Bakounine, Louise Michel, Jules Guesde, Jean Jaurs, Gandhi, Oussama ben Laden, Gracchus Babeuf, Aristophane, pour son Assemble des femmes, Christine de Pisan, Simone de Beauvoir, saint Franois dAssise, saint Thomas More, Robert Owen, tienne Cabet, Condorcet, Jules Ferry, Montesquieu, Alexis de Tocqueville, Sophocle et son Antigone, John Maynard Keynes, lord William Beveridge, Friedrich List, Adam Smith, Friedrich von Hayek, Milton Friedman, Max Weber, mon ami Karl Marx, Engels et Lnine, et tous ces penseurs aux positions si divergentes.

Pour tout vous dire, il me fut trs difficile dorganiser ce Banquet, pour des femmes et des hommes de conditions si diffrentes.De quoi parlerions-nous ? Que mangerions-nous ? Des nourritures spirituelles ? Et puis il y avait ceux qui aimaient senivrer, boire, fumer, roter, pter, injurier, critiquer, sopposer ou se taire, voire communier. Tout cela dans un Chaos indescriptible, qui, dans un ciel gris et pluvieux, se dispersait pour laisser entrevoir cet arc-en-ciel de la pense humaine dont mon ami Laozi sirradiait. Paralllement ce Banquet, il sagissait pour moi de continuer vous dcrire la vie si singulire de ces tres que lon nomm crateurs clestes.

Chapitre XVI

Les crateurs clestes avaient tous pour ide que toute pense nonce se transformerait un jour consciemment pour eux-mmes, ou inconsciemment pour les ignorants, en acte. Je me retrouvais l, Centaure en habit de Chiron. La scne de ce Banquet tait hypnotique (pardon au docteur Freud pour son absence), mais les crateurs clestes mavaient demand dcrire ce rle comme un testament leur pense : une thrapie de groupe, mieux quaurait pu le faire lHumanit tout entire. Ctait mon tour de relayer ce que javais ralis par mon Livre de la connaissance et mon Encyclopdie cognitive. Tout cela au fond ntait que le fruit dun combat dont javais essay de dessiner les contours, par un comportement idal type : faire face la garde haute, rendre coup pour coup, tout en les refusant, deffort en effort me mobiliser, me battre et me dfendre pour mieux, par la rvolte, militer. Anticiper les rflexions de mes adversaires pour mieux les dsaronner. Je mapprtais boxer comme je vivais, non plus reculons, dmobilis, mais surmontant mes peurs des mauvaises interprtations qui prtaient plus rire qu pleurer. Je devais tre fort, avoir de lautorit, tre ferme, dtermin, volontaire, sans me laisser faire ; argumenter, oser, tre direct, agressif, manifester ma puissance : ne pas renoncer !Le point commun de tous ces crateurs clestes, cest quils disaient la bonne aventure : ils taient dans le temps, hors du temps, et dominaient lavenir, ce qui tait une aventure hasardeuse, sans dessein, sans objectif fix (ce que ne dmentait pas mon ami Marx : il faut savoir tenir un cap, un objectif, une destine ). Mais je crois que pour lui, laventure stait arrte sa premire dception amoureuse, ce qui d le sauver de ses drives, pour mieux manipuler la classe ouvrire. Et puis, aprs tout, eudmoniste, je recherchais mon bonheur dans un vivons heureux, vivons cach . Entre Tradition et Modernit, les points de vue sopposaient. Que nous restait-il esprer, si ce ntaient nos crits, nos penses et un certain espoir de simple convivialit ? Il fallait nouveau nous exiler aprs ce Banquet, car voil, les crateurs clestes taient toujours sur le dpart, sans autre chose emporter que leur Libert !Jaimais marquer les esprits. Au fond, cest l mon seul moyen de survivre travers la mmoire dAutrui. Savoir qu des milliers de kilomtres et dans des temps futurs on pensera moi me rassurait. Il tait lheure pour moi de rendre grce ma famille adoptive, au dvouement paternel, au quotidien de son labeur, pour ltre unique que jtais, qui reprsentait lui seul sa raison dtre. Cet enfant-roi mourra-t-il un jour en prince souverain ? Je lesprais, et je me souviens de mon ami saoudien, le prince Saoud ben Yazeed, que je rejoindrai aprs ma mort au paradis des rconforts.Le crateur cleste pouvait, la vue de ce monde, se rfugier dans ses rves de Grandeur et ne faire que critiquer cette vie des braves gens et leur banale quotidiennet. Mais voil, il ne vit point dans le ressentiment. Il accepte sa condition, et ce nest pas mon ami Nietzsche qui le dmentirait. Donc nulle amertume envers ce monde de mdiocrit, mais de la complaisance vis--vis de la trivialit pour un homme par trop souvent rvolt. Tels sont les alas de la vie dun crateur cleste : lui et lui seul de former son rseau de solidarit, o la passion commune runit les tres dexception, mme si leur origines auraient d les sparer !Hegel me disait toujours que lesprit se dploie dans unedialectique. Et il est vrai que, plus jeune, je compris que le premier moment de la dialectique tait linnocence, voire lignorance, puis, dchec en chec, de victime bourreau, une seconde phase nous imposait dapprendre ce que lon ignorait, savoir les structures des socits et leur fonctionnement hirarchis : une certaine forme dentrisme pour atteindre lultime moment o la synthse dialectique conduit la matrise dun savoir universel mexaltait. Moi quivous cris depuis maintenant un certain moment, je me demande, si vous tes jusque-l arrivs me lire, ce que vous en pensez. Ce roman, que je qualifierais de philosophique , est, je le sais, fort atypique : un seul hros, le crateur cleste, et sa voix pour tout maux. Quelques rencontres de ses surs ou de ses frres, des descriptions de vies ou de morts sans ordre, et avec peut-tre beaucoup trop de mots, pour ne rien dire. Or telle na pas t ma dmarche, bien au contraire. Jaurais voulu vous conter une belle histoire, mais, voil, les crateurs clestes ne le peuvent point. Ils sen savent incapables, car seul leur importe le fond des choses. Tel est l peut-tre mon positionnement ; tout comme Montaigne et sa branloire prenne , je branle entre la littrature et la philosophie, telles quon les enseigne. Mais voil, que peut-on faire contre notre nature, vous qui ne me connaissez pas, et moi de mme ? Cest pourtant vous que ce livre sadresse. Vous qui maviez peut-tre incompris, ou mal compris, mais la seule chose que je puis vous affirmer, cest que je ne vous ai jamais menti ou trahi !On ne critique que ce qui profondment nous attire : la sexualit dbrid des libertins, la vie confortable des bourgeois (mme bohmiens), largent gagn trop facilement par les spculateurs, les mensonges des marketeurs ou des dcideurs et des journalistes-prsentateurs. Un monde de mdiocrit dont on aimerait tre les acteurs. Mais les crateursclestes sont des gens trop exigeants, et leurs crits comme leur pense sont inestimables. Ce caractre unique fait deux des gens atypiques, voir hautains, pour tout tlspectateur sans destin. Cest alors que je dis : halte lAudimat !Mais tout sexplique peut-tre ds leur enfance : de leurs rapports familiaux ou filiaux, dune mre trop intransigeante, dun pre trop exigeant, des querelles dhritage, de la violence dun couple prt divorcer, dun abandon, et qui sait encore ce que cachent les secrets intimes de leur humanit ? Do peut-tre, aprs le rejet dune famille, le rejet dune certaine socit ingalitaire. Mais voil, que faire ? Aprs lenfance, ladolescence est souvent une priode de perte de repres, o la dprime se fait suicidaire. Le crateur cleste est au fond rest un enfant, curieux de tout, curieux du monde, en pleine dcouverte. Trop matern, la plnitude de sa pense sexprime par son intriorit : sa tour divoire reste encore celle du ventre maternel. Cest peut-tre de l que sont nes ses peurs et ses angoisses, abandonn quil tait un univers quil ne savait pas encore dcrypter. Lapprentissage du monde, de sa brutalit, il le fit avec des boxeurs comme Turney, contre la force brutale et paternelle dun Jack Dempsey. Le crateur cleste crit avec sa vie et avec son corps : tel est son gnie, exploitable, mais trop souvent inexploit. Les multinationales pourront bien agir, mais que faire contre une page blanche et un stylo ? Le crateur cleste est sans piti, lui qui na jamais ressenti aucune moralit. Cur chaud au sang froid, sil aime, cest pour le pire, et non pour le meilleur. Sa force, il la puise dans la persuasion. Il manipule par la sduction. Le crateur cleste est un tre draisonnable, qui na nullement peur du scandale, si redout des bourgeois de province. Ce que les gens disent de lui limporte peu : immoral, il se rit des bonnes murs comme des morales. Aux tudes universitaires, le crateur cleste prfre lcole buissonire ; cest--dire celle de la vie. vingt ans, il tait dj aux faits des vanits humaines : du pouvoir de largent, des hommes de paille, du blanchiment des mafias et des multinationales, des hommes daffaires (financiers ou banquiers), des institutions internationales dont il avait su dcrypter les usines gaz. Son seul but : connatre , au risque dtre emprisonn. Mais, voil, le savoir est un risque, et le crateur cleste est un homme infiltr. Raconter le monde, pour lui, cest dj commencer le recrer. Espion, il ne lest vraiment que pour mieux faire comprendre le monde aux non-initis. Poursuivons donc notre description

Chapitre XVII

Le crateur cleste est un homme affranchi de sa condition desclave. Sa vie nest faite que dune suite de voyages dans des univers sociaux divergents. Il reprsente aux yeux dautrui cet merveillement que lon porte celui qui a su franchir les barrires ou les frontires des limites imposesaux hommes de pense. Seul face ladversit. Entre rationalisation et intuition, entre la rflexion et lexprimentation, les crateurs clestes vont et viennent. Leur vie nest pas comptable : ils ne calculent pas. Seule leur importe la comprhension. Ce qui ne les laisse pas de vivre dans une certaine inquitude. Mais ce quils aiment avant tout, cest de faire partir de leur ignorance et de leurs lacunes un travail sur eux-mmes de rorientation. Le crateur cleste apprend de tout et de nimporte qui. Si vous le rencontrez un jour, ne soyez pas surpris quil vienne vous, souriant, pour vous demander indirectement votre avis sur votre vision du monde et dautrui. Tel Socrate, il sait aiguiller une conversation. Sil est volontiers cultiv, il ne vous le montrera pas, car telle nest pas sa finalit, court terme. Son objectif est plus long terme : la clbrit pour moyen, la postrit pour fin. Et, comme Machiavel, il saura utiliser tous les moyens pour arriver ses fins, qui seules peuvent transcender la vie de tout homme mortel. Si le monde peut se montrer cruel, il laffronte seul et y fait face : la peur, il la laisse au renoncement, la lchet des petites gens qui suivent les Lois comme dautres suivent le vedettariat. Le crateur cleste nest pas un imitateur, mais un acteur : il se joue de la vie comme de la mort. Ni exploiteurs ni imposteurs, les crateurs clestes ne trichent pas comme le font leurs imitateurs. Cet homme sducteur ne lest qu ses dpens : car tout jugement sur lui est bien souvent une erreur. Ce qui fascine les gens, cest avant tout leur propre candeur. Il est rellement bien difficile de saisir ce genre dhomme errant. De sa sympathie, il fait volontiers des sympathisants. De leurs dfauts, il fait leurs qualits. Et si le monde se transforme, le crateur cleste, de chrysalide, sait se mtamorphoser en un papillon dont les battements dailes dclenchent des cyclones lautre bout du monde. Si sa vie est chaotique, cest que lUnivers est un Chaos, duquel il saffaire dcrypter les mystres. Ce qui faisait dbat au Banquet des adversaires nobiliaires (entre Einstein et Max Planck). Einstein parlait ainsi : Ce que nous attendons de la science nous situe maintenant aux antipodes lun de lautre. Vous, vous croyez en un Dieu qui joue aux ds, et moi, je crois aux rgles parfaites de la loi dans un univers o il existe quelque chose dobjectif que je mefforce de saisir dune faon farouchement spculative.Mais voil, ce quils oubliaient tout deux, ctait la rplique cinglante de Centaures : de lun et de lautre, je naperois que croyances . Et de l, il clturait le dbat. Einstein se leva avant mme de finir son dessert. Heureux Banquet pour Max Planck, qui, pour une fois, entrevoyait une autre faon dexpliquer lUnivers la lumire de lIndterminisme.Les crateurs clestes font souvent cole, mais ne leur parlez pas denseignement. Tous les programmes scolaires sont leurs yeux insuffisants pour faire des hommes et des femmes de bons citoyens. Ce qui, selon le crateur cleste, est une volont du pouvoir public. Cest en cela quil lui fallait prendre des chemins de traverse. Sintresser tout et chacun ; questionner, sinformer, lire et se former, exprimenter. Cest ce qui donnait au crateur cleste une telle densit et tant dillusions des projets dmancipation, ayant droit de cit. Il tait donc rejet des gouvernants, exclu, marginalis, car pour eux le savoir devait tre une contrainte, et non un plaisir. Cest quil leur fallait travailler plus pour gagner plus. Mais voil, il serait vain de tenter daffaiblir, demprisonner, de faire souffrir les crateurs clestes, car, de toute preuve, ils savent en faire un gain. Ils sont pure volont de puissance, en eux-mmes, lorsquils se replient pour mditer, envers autrui, lorsquil sagit de laffronter. Tels des fauves, ils savent bondir et rugir : de vrais tigres sauvages. Mais voil, regardez ce quont fait les hommes de la Nature sauvage : ils lont mise en cage. Ce qui faisait des crateurs clestes des fous, des malades de la psych, condamns lisolement psychiatrique. Ce qui leur tait indiffrent, car les crateurs clestes taient sans tats dme. Mais peut-on le leur reprocher, lorsque lon vit lpret et la duret dun monde auquel on se doit de se confronter ? Leur Parole comme leurs maux taient rvlateurs des maux de la socit : la rification, qui fait dautrui un simple objet, ne pouvait les rsoudre y participer. Prfrer mourir en Surhomme que vivre dans lindignit. Ils auraient pu se jouer des mots, comme dun combat de rappeurs dans des banlieues dsuvres : les crateurs clestes demeuraient des hommes rvolts, et cest cela qui les faisait respecter. Tout comme Martin Luther, ils taient les Kings de rves envols. Mais aussi les dlinquants des actes quils assumaient. Ouvrier avec les ouvriers, SDF avec les sans-logis, seigneur avec la haute pt. Le crateur cleste avait appris, au contact des hommes, tre un homme prudent, paradoxalement. qui avait-il affaire ? Pour quoi faire ? Pour quelle finalit ? Tout comme son savoir, il savait, en effet, par effet de levier, influencer et manipuler. la fois ange et dmon, mi-homme, mi-cheval, comme un Centaure entre livresse et les soins de Chiron, il se diffrenciait par ses opinions, qui, comme dun sage, faisaient de lui un conseiller recherch par les gouvernants confronts, au jour le jour, la confusion de leur cit. Mais voil, tels sont les hommes savants quils sont indiffrents aux ractions des hauts dignitaires. Les crateurs clestes ntaient pas des sophistes, ils ne faisaient pas de leur art de persuasion une rhtorique : leur seul gnie, ils le puisaient dans la violence de lvidence. Un ami de bonne fortune, le baron Pierre Henri Dietrich dHolbach, ami des Lumires, aimait leur raconter cette anecdote : Cette femme ne vous aimerait pas si vous tiez pauvre. Et alors, croyez-vous que je laimerais si elle tait laide ?Aprs tout, ce que lon subit, on le fait subir Autrui. Cest ainsi que beaucoup dhommes dsillusionns par la trahison dun amour dcidaient de ne plus aimer et de sen remettre au pur plaisir de lattractivit. Le sexe aurait pu tre un rel problme pour nombre de crateurs clestes, mais les plus raisonnables voyaient dans le sexe une faon enivrante de se librer de lAmour, cest--dire de la Proprit dun individu sur un autre, qui confine aux pires des maux : la jalousie. Tel tait peut-tre le cas pour lamiti : peu de crateurs clestes y croyaient, ou pour le temps dune brve salubrit, car ils avaient pu, au cours de leur vie, stre eux-mmes fourvoys. Car, voil, on nutilise pas impunment les autres. Comment avait-on pu croire que quelquun qui les contraignait abuser dautrui, les dlaissant aux pires compromissions, tait un ami, un frre, une famille ? Cette illusion, le crateur cleste prfrait la rejeter, car il se savait faible au regard de son affectivit. Il y perdait sa lucidit. Il ne sagissait plus donc que de laisser les tratres leur tratrise. Mentir tait au fond toujours se mentir soi-mme. La parole pure est une dlivrance, car il savait que seule la justice tait immanente. Le crateur cleste ntait pas un bien-pensant, mais, sil tait conduit rencontrer des dlinquants, il savait que ces malfaiteurs, ces escrocs, aussi intelligents taient-ils, connatraient leur propre souffrance. On ne peut perdument sattaquer aux faibles, et les crateurs clestes, tels des samouras, avaient appris tre des hommes ou des femmes dune grande duret. Sils savaient pardonner, ils prfraient loubli, car seul leurs importait la connaissance, que leurs malheurs avaient su conserver. Les salauds, les tratres et les judas savaient trs bien que leur plaisir actuel sachverait au bcher. Mais le crateur cleste ne voulait pas les accabler, car il tait toujours impressionn par ce genre de marginalit. Prendre conscience de la vilenie de la Nature Humaine tait, au plus profond, la dcouverte de sa capacit propre la Barbarie. Nul ne doit manger la main de celui qui le nourrit. Jen rends encore hommage son altesse, mon ami, mon frre, le prince Al-Saoud. Le crateur cleste tait pour lui un lgionnaire, et non un mercenaire. Tout comme le lgionnaire, le crateur cleste tait un homme sans pass, sans nom, sans paratre ni avoir : tout cela, il le laissait la socit des ses contemporains. Mais peut-tre tait-ce la voie des derniers guerriers samouras. Survivre l o les autres naspiraient quau plaisir : un regard habit