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1 Les couleurs du jeu de TAROTS Pas le jeu de société, mais le Tarot divinatoire. Le tarot de Marseille, et pas un de innombrables jeux de Tarots plus ou moins fantaisistes qui ont fleuri au cours des siècles. Préambule Un tarot divinatoire … : oui. Surtout compte tenu de la « synchronicité » (Jung) : occurrence simultanée de deux évènements qui ne présentent à première vue pas de rapport de causalité, mais dont l’association a du sens pour la personne qui est concernée... Ou : les évènements similaires tendent toujours à converger dans le même espace et le même temps (ex. Jung et le poisson du lac un premier avril, l’ami Poisson) Si on veut bien admettre que le « hasard » n’existe pas (cela n’oblige bien sûr pas à s’enfermer dans les limites d’un déterminisme mécanique…), le choix des cartes par celui qui pose sa question a bien une raison d’être. Le consultant* choisit une « lame*» qui se rapporte à sa situation personnelle, et non une autre ; laquelle lame fait surgir telle idée plutôt qu’une autre dans l’esprit de l’ interprète*. Après tout, ns ne connaissons parfaitement ni le fonctionnement de la « matière » (même pas si le concept de « matière » a du sens, ni celui de notre propre esprit (avec les mêmes réserves quant à la notion d’esprit !) Si on veut bien admettre (les Stoïciens ne disaient pas autre chose) qu’il existe une « sympathie universelle », on peut rester rationnel et reconnaître le bien-fondé de la divination : « ceci n’est pas la cause de cela, mais en est indubitablement le signe », d’une manière analogique. Deux évènements - l’un étant le fait que celui qui désire savoir a « tiré » telle carte - peuvent être dépendants l’un de l’autre, mais sans qu’aucun soit la cause de l’autre; « ce que montrent les images du Tarot représente, dans un autre registre, ce qui arrive dans nos vies. » Si on veut bien admettre que la divination ne nous ligote pas dans les cordes bien serrées d’une fatalité inchangeable mais nous renseigne à la fois sur nous-mêmes et sur les évènements susceptibles de se produire, on peut sans crainte interroger les Tarots. Les tarots ne sont ni de simples bouts de carton colorés (enfin, ils ne sont pas QUE cela !) ni des objets sacrés : ils peuvent en revanche répondre à nos questions, et leur moindre intérêt n’est pas de nous obliger à formuler clairement les questions que nous nous posons. Le tarot répond à notre véritable question, c’est pourquoi, si nous posons mal notre question, la réponse ne semble parfois pas correspondre à ce qui a été demandé. Un spécialiste du Tarot –du Tarot de Marseille -, Tchalaï Unger définit ainsi ce que nous pouvons en attendre : « tel évènement se crée dans un certain contexte, qui va évoluer, qui change jusqu’au moment même où se produit l’évènement, mais qui change selon certaines lignes de forces. La divination vraie vise à retrouver ces lignes de force qui peuvent permettre de prévoir l’évènement, mais non d’annoncer le futur. »

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Les couleurs du jeu de TAROTS

Pas le jeu de société, mais le Tarot divinatoire.Le tarot de Marseille, et pas un de innombrables jeux de Tarots plus ou moins fantaisistes qui ont fleuri au cours des siècles.

Préambule

Un tarot divinatoire… : oui. Surtout compte tenu de la « synchronicité » (Jung) : occurrence simultanée de deux évènements qui ne présentent à première vue pas de rapport de causalité, mais dont l’association a du sens pour la personne qui est concernée... Ou : les évènements similaires tendent toujours à converger dans le même espace et le même temps (ex. Jung et le poisson du lac un premier avril, l’ami Poisson)

Si on veut bien admettre que le « hasard » n’existe pas (cela n’oblige bien sûr pas à s’enfermer dans les limites d’un déterminisme mécanique…), le choix des cartes par celui qui pose sa question a bien une raison d’être. Le consultant* choisit une « lame*» qui se rapporte à sa situation personnelle, et non une autre ; laquelle lame fait surgir telle idée plutôt qu’une autre dans l’esprit de l’interprète*. Après tout, ns ne connaissons parfaitement ni le fonctionnement de la « matière » (même pas si le concept de « matière » a du sens, ni celui de notre propre esprit (avec les mêmes réserves quant à la notion d’esprit !)

Si on veut bien admettre (les Stoïciens ne disaient pas autre chose) qu’il existe une « sympathie universelle », on peut rester rationnel et reconnaître le bien-fondé de la divination : « ceci n’est pas la cause de cela, mais en est indubitablement le signe », d’une manière analogique. Deux évènements - l’un étant le fait que celui qui désire savoir a « tiré » telle carte - peuvent être dépendants l’un de l’autre, mais sans qu’aucun soit la cause de l’autre; « ce que montrent les images du Tarot représente, dans un autre registre, ce qui arrive dans nos vies. »

Si on veut bien admettre que la divination ne nous ligote pas dans les cordes bien serrées d’une fatalité inchangeable mais nous renseigne à la fois sur nous-mêmes et sur les évènements susceptibles de se produire, on peut sans crainte interroger les Tarots.

Les tarots ne sont ni de simples bouts de carton colorés (enfin, ils ne sont pas QUE cela !) ni des objets sacrés : ils peuvent en revanche répondre à nos questions, et leur moindre intérêt n’est pas de nous obliger à formuler clairement les questions que nous nous posons. Le tarot répond à notre véritable question, c’est pourquoi, si nous posons mal notre question, la réponse ne semble parfois pas correspondre à ce qui a été demandé.

Un spécialiste du Tarot –du Tarot de Marseille -, Tchalaï Unger définit ainsi ce que nous pouvons en attendre :

« tel évènement se crée dans un certain contexte, qui va évoluer, qui change jusqu’au moment même où se produit l’évènement, mais qui change selon certaines lignes de forces. La divination vraie vise à retrouver ces lignes de force qui peuvent permettre de prévoir l’évènement, mais non d’annoncer le futur. »

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Quelques précisions de vocabulaire

* Sauf quand on aura expressément indiqué autre chose, le Tarot dont il s’agira ici sera le Tarot de Marseille.

* On ne parle pas de « cartes » mais de « lames », ou, plus précisément encore, d’ « Arcanes » : Arcanes dits «majeurs » quand il s’agira des 22 1ères lame Arcanes dits « mineurs » quand il s’agira des autres cartes : quatre séries de cartes numérotées de 1à 10, augmentées chacune de quatre « Figures » (4 fois 14 +’ = 56 ; Arcanes mineurs). Il y a donc :22 + 56 = 78 cartes dans un jeu de tarots

* On a parlé de « consultant » : ce terme se dit parfois de celui qui souhaite interroger le Tarot, et parfois de celui qui interroge le Tarot pour lui : par commodité, on conviendra d’appeler ici « consultant » celui qui a une question à poser, et « interprète » celui qui interroge le Tarot pour lui.

* Même dans un tarot divinatoire, le terme de « couleur » désigne d’abord chacune des quatre séries d’arcanes mineurs : Bâton, Coupe, Épée, Denier –où l’on voit généralement l’origine des couleurs de nos jeux de cartes « ordinaires » :Carreau, Cœur, Pique et Trèfle. Mais les « couleurs », ce qui nous intéressera particulièrement ici, ce sont aussi les teintes : vert, rouge, bleu, noir, chair, jaune, orange, or. Si vous regardez un jeu de tarots « classique », ne cherchez pas d’autre vert qu’un vert très sombre : quand les cartes ont été imprimées et non plus peintes à la main, le vert a disparu du costume des personnages. Ne subsiste que le vert très sombre de certain éléments de végétation De même les nuances de ces couleurs. C’est pourquoi nous parlerons ici du Tarot dans sa version restaurée, avec ses couleurs originelles.

* Le terme « Arcane » vient du latin « arcanus » : « secret », et s’appliquait d’abord aux opérations des alchimistes

L’origine du tarot

On trouve dès le XIVe siècle , à Florence, les « Naibi », importés, dit-on de Chine par les Arabes, et qui seront interdits ; et au XVe siècle le Tarot des Visconti et autres Sforza.

Mais à l’origine de presque tous les Tarots d’Europe, il y a le Tarot de Marseille, qui n’a pas été copié sur un autre Tarot antérieur –et surtout pas égyptien !-

Si vous avez déjà regardé un jeu de Tarots, vous aurez peut-être noté que l’éditeur du jeu est Grimaud. Ce Tarot reproduit la version de Paul Marteau en 1930 : c’est là que les impératifs de l’imprimerie vont faire altérer les couleurs du tarot, lequel ne retrouvera;ses véritables couleurs que dans l’édition de Philippe Camoin – et sa véritable histoire - dans les travaux du même Camoin et d‘Alexandre Jodorovsky.

D’après eux, « l'exemple le plus représentatif de l’ancien Tarot de Marseille est celui de Nicolas Conver, en 1760 ». Dans ce Tarot, nos auteurs retrouvent « les constructions géométriques caractéristiques », et les « techniques propres aux bâtisseurs romans » (ceux qui ont construit les cathédrales) : une « géométrie sacrée », qui détermine la position des

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personnages et des objets, et qui fait intervenir le fameux « nombre d’or » (1,618) qu’on retrouve, lui, dans l’architecture de la pyramide de Chéops. Donc, contrairement à certaines légendes, c’est dans une tradition initiatique très ancienne – mais Marseillaise (cf. certaines découvertes archéologiques : sphynx ailé que l’on retrouve dans la Roue de Fortune, Arcane X du Tarot de Marseille), qu’il faut chercher l’origine du Tarot de Marseille.

On a pourtant cru trouver l’origine du Tarot dans les travaux secrets d’un groupe de moines bénédictins dirigés par l’abbé Suger, agissant tout aussi secrètement dans le scriptorium de la basilique St Denis, au XIIème siècle.

Et on compte aussi, au nombre des ancêtres de notre Tarot, celui, parisien, de Jean Noblet, à qui on attribue souvent la paternité du Tarot, et qui paraît, lui, en 1650, et celui de Jean Nodal,en 1701.

Mais l’hypothèse de Camoin et-Jodorovsky semble quand même la plus crédible !

Le pasteur protestant et franc-maçon Court de Gibelin (XVIIIe siècle), si ses conjectures sur l’origine égyptienne (livres de Thot) du tarot nous paraissent aujourd’hui fantaisistes, allait cependant influencer un nommé Alliette, coiffeur, qui se fera appeler « Eteilla » (« Alliette » …retourné !), et créera un jeu de tarots dont la lecture se réclame de l’astrologie, et de la Kabbale hébraïque.

Au XIXème siècle, c’est Alphonse Louis Constant (auteur, sous le nom d’Eliphas Levi, du célébrissime Dogme et Rituel de Haute Magie) qui, voudra voir dans les 22 Arcanes majeurs l’illustration de l’alphabet hébreu. Au début du XXe siècle, nous trouverons Gérard Encausse, qui produira, sous le nom de Papus, un « Tarot Égyptien ».

Prolifèrent encore des Tarots tout aussi fantaisistes : de celui dit « de mademoiselle Lenormand » (XVIIIe siècle) au moderne « Tarot des Philosophes » - sans oublier tout un assortiment de jeux se cartes divinatoires. Leurs créateurs sont en général des occultistes, tels que Aleister Crowley, à la fin du XIXe siècle ou Arthur Edward Xaite, tous deux membres de la Golden Dawn. Tous ces jeux ont probablement la capacité de révéler ce qui est caché, du moins aux yeux de ceux qui sont familiers de leur usage. Mais n’ont rien à voir avec les Tarots de la Tradition !

Les couleurs du Tarot de Marseille

« Couleurs », d’abord au sens où on parle des « couleurs » dans n’importe quel jeu de cartes, c'est-à-dire les quatre séries d’Arcanes mineurs. Ce sont :◦ les Bâtons◦ les Coupes◦ les Deniers◦ les Épées

Symboliquement, le Bâton représente l’élément viril, actif, évoquant le Feu –que nourrit le bois. Il évoque aussi, puisqu’il n’est pas un objet fabriqué, la force de la nature, la puissance créative.

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La Coupe représente l’élément féminin. Symbole réceptif, qui représente l’énergie émotionnelle, les sentiments. Lié à l’eau.

Le Denier, rond lui aussi évoque l’élément féminin, et la Terre. Fait d’un minerai (naturel) travaillé par nous, il est en rapport avec notre propre corps, à la fois reçu de la nature mais formé par ce que nous en faisons. Comme d’ailleurs la planète Terre ! seront donc représentés par les Deniers l’énergie matérielle, les besoins corporels, et tout ce qui concerne l’argent –mais aussi la matière en général.

L'Épée, comme le bâton, par sa verticalité, est un symbole masculin, en rapport avec l’air. Les Épées évoquent l’énergie intellectuelle, arme que l’on forge, que l’on aiguise. Représentent également les obstacles, ce que l’homme craint – mais aussi tout ce qui est de l’ordre de la communication (l’épée représente traditionnellement le Verbe).

Numérotés de 1 à 10, les Arcanes mineurs comportent aussi des « Figures » (ou « Honneurs ») qui sont, pour chaque série :

le Roy – qui représente, en gros, l’homme mûr, la paternité, l’homme sûr de lui.

la Reyne - qui représente la femme comme mère réelle ou mère en puissance, personnage pragmatique ; la compagne.

le Cavalier, qui représente le passage, notamment entre l’adolescence et la maturité. C’est le symbole de l’irruption de la nouveauté, de l’élan vers autre chose.

le Valet représente l’énergie potentielle : le jeune homme ou la jeune fille qui découvre ses possibilités et se demande ce qu’il ou elle va en faire. C’est le moment du doute, ou, inversement de l’audace encore irréfléchie.

Les cartes numérotées de 1 à 10 relèvent des règles de la numérologie.D’après Jodorovsky, il faut déjà attribuer aux nombres pairs ce qui est passif, réceptif – et aux nombres impairs ce qui est actif.

On peut ensuite se référer aux principes suivants :

les As représentent un potentiel prêt à être mis en pratique, une affirmation de soi.

les Deux évoquent l’accumulation, ou l’association, avec ses bons et ses mauvais côtés spécialement : le couple.

les Trois représentent ce qui résulte de l’union des deux nombres précédents. Il évoque la réalisation.

les Quatre indiquent toujours la stabilité avec son excès éventuel : la rigidité.

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les Cinq signalent un renouveau : nouveau point de vue, début d’une nouvelle aventure…avec tous les risques que cela comporte.

les Six représentent l’attraction des contraires.

les Sept symbolisent l'harmonie, l’intellect : cf le système planétaire antique avec ses sept planètes, les sept notes de musique…et tout le symbolisme traditionnellement attaché au nombre 7.

les Huit ont mauvaise réputation ! pourtant ils sont aussi emblème d’équilibre (somme de deux fois quatre), de justice, de perfection

les Neuf correspondent à un nombre cher aux initiés :Le neuf est la perfection du trois multiplié par lui-même. Tout ce qui est de l’ordre du spirituel du religieux, de l’idéal est évoqué par le neuf.

les Dix indiquent l’accomplissement, la synthèse –mais aussi le début d’un nouveau cycle : quelque chose prend fin, quelque chose d’autre commence.

Il faudra ensuite combiner cette symbolique avec celle des formes (par exemple : la présence ou l’absence de fleurs, l’état du feuillage) et des couleurs (des teintes , cette fois-ci, avec leurs nuances.

Mais les couleurs (en entendant cette fois par là ce que signifie ordinairement ce mot) ont surtout du sens (bien que ce ne soit pas, loin de là, exclusif !) quand il s’agit des Arcanes Majeurs (d’ailleurs les plus couramment employés). Elles ont, évidemment un sens symbolique : mais la symbolique des couleurs varie, on le sait, selon les cultures (par ex en Chine la couleur du deuil est le blanc !)

Nous envisagerons ici l’interprétation qu’en font respectivement Tchalaï, (qui se réfère à l’édition Grimaud) et Jodorowsky (qui se réfère à l’édition restaurée de Camoin). Comme on pouvait s’y attendre, le premier n’en dénombre que sept, alors que le second en compte 11.

Ne prenant en compte que la version simplifiée, Tchalaï peut justement qualifier les couleurs de « violentes » : il y voit l’origine d’une action sur le métabolisme du corps provoquant à la longue « un profond rééquilibrage intérieur ».

Jodorowsky décrit, lui des couleurs comportant des nuances plus diversifiées.

Une remarque encore : ici le noir et le blanc sont considérés comme des couleurs à part entière.

NOIR : c’est tout ce qui est enfoui, caché loin de la lumière. Pour Tchalaï, dessous de la réalité visible, monde « chtonien », évocateur des grottes et autres souterrains mystérieux. Profondeur enfouie encore inconnue, elle se fait

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promesse sous réserve d’une action courageuse. Le Noir est la couleur du sol, par exemple, sur l’Arcane XIII. Pas de nuances de noir, chez Jodorowsky, mais l’indication de « deux notions opposées » : le vide, l’absence totale de lumière (et il rappelle que les vêtements des moines Zen sont noirs, et noire aussi la Nuit obscure de St Jean de la Croix) mais aussi « le magma créateur, le chaos primitif d’où sortiront les germe de vie ».

BLANC : Pour Tchalaï, l’analogie avec la pureté s’impose. Blanc que rien n’a encore altéré (la neige sur laquelle nul n’a marché). Mais aussi il rappelle que le blanc est la couleur habituelle du papier, et l’était déjà du temps de Nicolas Convert : c’est la couleur de l’endroit où on n’a déposé aucune marque, celui qui nous laisse libres.Jodorowsky y voit, lui, « l’union lumineuse de toutes les couleurs », antithèse, dit-il du noir –mais aussi de la chair : idée de purification, bien sûr, mais aussi de froideur mortelle. Couleur de Dieu, ou celle de la mort.

CHAIR : Tchalaï constate qu’elle « donne la sensation d’être inerte », et est présente sur les visages, souvent aussi les corps, les mains, les animaux, certaines choses.Jodorowsky y retrouve la couleur spécifique de la peau humaine, du moins, comme il le précise « dans l’aire culturelle occidentale où se déploie le Tarot ». Pour lui, c’est la couleur de la chair vivante : elle pourrait ainsi évoquer le présent, tandis que le noir renverrait au passé et le blanc à l’avenir.

Vert et Rouge, pour Jodorowsky renvoient à la vie matérielle. Tandis que Bleu et Jaune seront classées comme « couleurs célestes ».

VERT: c’est toujours du vert sombre, pour Tchalaï, et la couleur du végétal : celui des arbres à feuilles persistantes, ceux à qui leur vitalité permet de s’élever jusqu’à la lumière et de durer. Énergie brute de la naturePour Jodorowsky, le vert évoque également l’exubérance de la Nature qui renaît sans cesse, se transforme continuellement : il rappelle que Mahomet a adopté le vert comme symbole de l’éternité (et nous associons souvent au vert l’idée d’espérance…Sans oublier le poème dédié par Garcia Lorca à la couleur verte !). mais comme la vie végétale ne surgit que là où elle peut plonger ses racines, le vert peut aussi signifier absorption, engloutissement –et, au niveau inconscient, l’attachement à la mère.

ROUGE : Pour Tchalaï, il fait penser au feu, et au sang. Qui ne reste rouge que tant qu’il ne s’écoule pas d’une blessure : le rouge renverrait donc à ce qui est intérieur, et doit le rester.Jodorowsky évoque lui aussi le feu, le sang, la chaleur : couleur de l’activité. Mais le sang, c’est aussi le sang versé, donc la violence, le danger et l’interdiction. Il est la vie, ce sang, tant qu’il circule à l’intérieur du corps mais la mort quand il est à l’extérieur.

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BLEU : Pour Tchalaï, c’est le bleu intense, couleur des profondeurs, celle de la mer mais aussi celle du ciel.Pour Jodorowsky, c’est la couleur de ce qui est réceptif. Celle du ciel. De l’océan. C’est aussi ce qui renvoie à l’attachement au père (comme le vert symbolisait l’attachement à la mère). C’est aussi l’asphyxie (au sens propre mais aussi au sens figuré) : le sang, quand il n’est plus purifié par l’oxygène, devient bleu…

JAUNE : Tchalaï l’associe à l’idée de travail, de métamorphose (l’or martelé, certains fruits arrivés à maturation).Jodorowsky le voit en « lumière de l’intellect et de la conscience », couleur de l’or quand on le considère comme symbole de la richesse spirituelle (cf. l’alchimie !)- mais aussi il peut représenter la sécheresse.

● Jodorowsk y ajoute le VIOLET, qu’on trouve très peu dans le Tarot. Mélange de rouge (le plus actif) et de bleu (le plus réceptif) : union des deux extrêmes qui représenterait la sagesse suprême. Également couleur du sacrifice (cf. les couleurs liturgiques), identifié aux rites mortuaires –mais ce qui meurt, ici, ce serait l’EGO.

Nous avons dit que Jodorowsky recensait des nuances à ces couleurs, du moins à certaines d’entre elles. Pas le NOIR, pas le BLANC, pas le VIOLET. On pourrait voir dans la couleur CHAIR une « variante plus claire du rouge » si on considère que « le rouge de l’animalité se spiritualise dans la couleur chair qui symbolise l’humain ».

Reste l’ORANGE, qu’on peut considérer comme un jaune foncé. Si on fait de la couleur CHAIR un ORANGE mêlé de BLANC, la couleur CHAIR représenterait l’humain comme « vitalité imprégnée de conscience » –et l’ORANGE deviendrait la couleur de « la croissance vitale sans conscience divine ».

Mais il choisit de mettre à part cinq couleurs « franches » sans nuances : noir, blanc, rouge (couleurs dont il rappelle que ce sont les plus connues de l’œuvre alchimique), chair (l'humain) et violet (l’impersonnel, voire : l’androgyne).

Il faudrait distinguer, dans le BLEU, le JAUNE, le VERT, des nuances selon que ces couleurs sont claires ou foncées.

le BLEU CIEL signifierait la réceptivité aux forces célestes. Et dans une acception qu’il appelle « négative* » la dépendance vis-à-vis du père, l’immobilisation.

le BLEU FONCE signifierait la réceptivité toujours, mais aux forces terrestres. Avec, en contrepartie « négative » : despotisme et tyrannie.

le JAUNE CLAIR aurait pour signification la clairvoyance, la conscience, l’intelligence active. Mais aussi sécheresse, cruauté, esprit sec, sans émotion.

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le JAUNE FONCE signifierait toujours la conscience, et l’intelligence, mais réceptive. Avec, en contrepoint, folie, destruction.

la CHAIR serait la couleur de l’humanité, de la vie, du plaisir charnel. Mais aussi du matérialisme, du refoulement charnel.

le ROUGE renverrait au règne animal, à l’activité. Mais , au sens « négatif », à la violence criminelle.

le VERT CLAIR signifierait la nature reliée aux forces célestes, le règne végétal. Mais aussi, la dépendance vis-à-vis de la mère, et l’envie.

le VERT FONCE, aurait pour sens la « nature naturante » reliée aux forces terrestres. Mais aussi l’engloutissement, l’absorption.

Ce qui lui permet de dresser un tableau des couleurs, dans lequel la a couleur chair occupe une position centrale…comme l’horizon humain du Tarot !

– Tout en haut, Le VIOLET (l’impersonnel, la sagesse - mais aussi sacrifice, mort).– Puis le BLANC (pureté, perfection, divin, immortalité- avec en contrepartie la froideur

mortelle, et l’égoïsme) d’où naît le bleu céleste, puis le jaune (vibration du soleil).– Tout en bas, le NOIR « vibration qui ne contient aucune couleur, magma créatif,

échappant à la conscience », et aussi chaos, régression, « pulsion de mort ». Au-dessus de lui naît le monde végétal, la couleur verte.

* « Négatif » est à prendre ici au sens où on parle du « négatif d’une photo » : c’est la face obscure de ce dont on parle.

Il propose encore un autre schéma, en classant cette fois les couleurs selon qu’elles renvoient à l’idée de réception ou à celles d’action, le « réceptif » se plaçant du côté gauche, et l’« actif » du côté droit : cela, en relation avec la disposition de l’Arcane majeur n° 21, le MONDE).

Réception ActionBLANC

Bleu ciel Jaune

CielBleu foncé Chair

VIOLET

Vert clair Orange

TerreVert foncé Rouge

NOIRSi on place toutes ces couleurs ds une sorte de cadre, c’est le violet qui joue le rôle du cadre.

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Il faudrait maintenant examiner les Arcanes, au moins les Arcanes majeurs. Outre les couleurs, d’autres éléments méritent notre attention : présence ou absence du point entre l’article et le nom de l’Arcane, présence ou non de cet article…présence ou non…d’un nom ; présence ou absence de hachures à côté du nom ; orthographe de ces noms. Et bien sûr qui sont ces personnages ; comment se tiennent-ils ; dans quel environnement. Certain détails ne « sautent » pas aux yeux : combien de doigts au pied visible de la Force ? etc. Et de la numérotation (ou de la non-numérotation) aussi ( au fait, pourquoi une numérotation en caractères romains ? et comment est indiqué le 19 par ex. ?) il faut tenir compte !

Lire correctement les Tarots, ce ne peut donc pas être se référer exclusivement à un « code » rigide, même si n’importe quel Arcane ne peut pas symboliser n’importe quoi ! Et les Arcanes ne s’interprètent que dans leur relation aux Arcanes qui les précèdent et les suivent, en tenant compte de leurs positions respectives. On peut voir dans le tarot bien plus qu’un outil de divination permettant d’éclairer son histoire personnelle. C’est ce que fait Jodorowsky quand il dispose les 72 lames autour du Mat et du Monde* pour former un « mandala » ( Jodorowsky rappelle que Jung définit, en gros le mandala comme une représentation de notre psychisme, où les formes rondes symbolisent, en gros, l’intégrité naturelle et les formes quadrangulaires la prise de conscience de cette intégrité). Le mandala ayant bien entendu sa place dans la tradition hindoue à la fois comme image du monde et comme représentation du pouvoir divin.

Observer la figure du Monde, entourée à notre droite, d’un aigle en haut, d’un lion en bas: deux animaux prédateurs, représentant le l’actif/ciel (l’aigle) et l’actif /terre (lion). Ce qui représente le réceptif/ciel (l’ange) et le réceptif /terre (l’herbivore); à notre gauche, en bas d’un herbivore traditionnellement consacré au service et au sacrifice et en haut, d’un ange. Ce qui représente le réceptif/ciel (l’ange) et le réceptif /terre (l’herbivore).

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QUELQUES SIGNIFICATIONS POSSIBLES DES ARCANES MAJEURS

0 Le Mat (pas « le fou »)0…ou 22 : n’a pas de n°

Homme en route, irréfléchi. L’irrationnel. L’aventure.

I Le BateleurI la totalité, en puissance*

Commencement, jeunesse. Mais aussi astuce, ruse, escroquerie.

II La PapesseII la dualité

L’accumulation. La gestation (l’œuf) et la virginité ; pureté. Étude.

III L’ImpératriceIIIéclatement, mais sans expérience

Fécondité, créativité.

IIII l’EmpereurIIIIstabilité, sécurité matérielle (cf. les 4 pieds d’une table).

Tétragramme (Yod, Hé,Vav, H. Domination, pouvoir.

V Le PapeV dépassement du 4, passage vers un idéal

Sagesse. Enseignement. Protection.

VIL’Amovrevx (au sg)VI début de la réalisation de ce qu’on imaginait

Choix. Beauté. Éventuellement : amour, union ; vie affective, émotionnelle.

VII Le ChariotVII l’action consciente, déterminée

Éventuellement : voyage. Triomphe.

VIII la JusticeVIII la perfection

Stabilité dans le monde matériel et spirituel. Harmonie, paix, justice, lois. Parfois maternité.

VIIII L’ Hermite (Hermite)XIIIIpremier nombre impair divisible par lui-même- à la fois actif (impair) et

réceptif (divisible)ambivalenceSolitude ; Vieillesse. Retour sur le passé. Doute et dépassement du doute. Vieillesse. Secret.

X La Roue de Fortune(pas de « la » Fortune !)X → Fin d’un cycle décimal. Attente de la Force (XI) qui mettra en mouvement le

cycle suivantRenouveau. Changement ← circonstances.

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XI La Force (le nom de l’arcane est tout à fait à gauche ; 20 traits à droite)XI → première carte de la seconde série décimale

Force. Courage. Énergie. Difficulté surmontée.

XII Le PenduXII → équivalent de la papesse dans la seconde série décimale → accumulation,

arrêt, réclusionSacrifice, arrêt, perte.

XIII L’Arcane sans nom (et pas « la mort »)XIII → au cœur du tarot, pas à la fin

Changement. Mort et renaissance.

XIIII Tempérance (et pas la Tempérance)XIIII → … après le XIII : Retour à la paix, à la santé.

Protection. Équilibre. Pondération, modération. Ange gardien. Guérison. Communication.

XV Le DiableXV → passage

Tentation. Désir. Argent. Sexualité. Obscurité. Forces de l’ICS.

XVI La Maison Dieu (présence ou non de la porte)XVI → thème de l’union (âme et Dieu → les gouttes colorées)

Danger. Rupture d’équilibre (→ meilleur départ, souvent : libération)

XVII L’Etoile…ou « Le Toille »XVII → le + haut degré de l’action dans le monde

Chance, succès. Générosité. Artiste. Éventuellement, écologie.

XVIII La Lune archétype féminin, maternel par excellence. RéceptivitéXVIII → imagination, imaginaire

Nuit ; Intuition. Mystère. Féminité. ICS. Voyance.

XVIIII Le Soleil archétype paternelXVIIII → crise de fin de cycle

Réussite. Chaleur ; Amour. Bonheur. Succès.

XX Le Jugement XX → deux fois X

Vocation. Appel. (Re)naissance. Protection céleste. Réussite annoncée.

XXI Le Monde XXI → réalisation suprême

Succès. Réalisation complète. Plénitude. Réussite.

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Quand la carte est à l’envers la signification s’inverse : ce qui est favorable devient défavorable, et inversement.

Une carte ne s'interprète jamais seule mais dans sa relation aux autres cartes qui l’accompagnent (succèdent, suivent…), par rapport à sa position dans le tirage…. Se fier à son « flair » → aux associations codifiées. Savoir observer !

Le TirageCertaines figures sont connues : /nombre de cartes, utilisation ou non des Arcanes

mineurs…Souvent en 5 cartes . Souvent aussi : « Croix Celtique ». La place du « passé » et de «

l’avenir », du « favorable » ou du « défavorable » varie d’un interprète à l’autre.Ou encore, pour la semaine, en 14 cartes : 1 2 …

9 Ou encore en trois cartes : passé-présent-avenir

Etc.

Bibliographie :

Alexandre Jodorovsky La voie du tarot

Laura Tuan Les secrets du tarot

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Jean-Michel Mathonière L’arcane des Arcanes du Tarot