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Les Échos de Saint-Maurice Nouvelles de l’Abbaye Numéro 5 • Juin 2002

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Les Échos de Saint-MauriceNouvelles de l’Abbaye

Numéro 5 • Juin 2002

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Sommaire1. Pour la famille et pour la vie…

Mgr Joseph Roduit2. La mosaïque de saint Maurice !

Jean-Bernard Simon-Vermot3. Chronique de l’Abbaye

Jean-Bernard Simon-Vermot18. Un atelier d’archives

Emanuel Gogniat21. L’exploitation forestière à Salvan au

XVIIIe siècleSébastien Bourquin

26. Renouveler le catholicisme ?Autour d’une revue sociale et reli-gieuse, L’Eveil (1908-1912)

Yannick-Marie Escher45. Aux archives

Olivier Roduit46. Chronique des livres48. Chronique des Anciens49. Chronique du Collège

Michel Galliker53. La Vierge et les mages

André Rappaz56. A propos de la page de couverture

Olivier Roduit

Comité de rédactionChanoinesOlivier RoduitJean-Bernard Simon-VermotYannick-Marie Escher

ExpéditionFrère Serge Frésard

AdministrationChanoine Jean-Paul Amoos

AbonnementsA votre bon cœur !

CCP 19-192-7Échos de Saint-Maurice

Toute correspondance relativeaux Échos doit être adressée à :Les Échos de Saint-MauriceAbbaye, Case postale 142CH-1890 Saint-Maurice

CouvertureBas-relief de bronze de lachapelle des Abbés de la Basili-que. Lire en page 56.

Crédit photographiqueArcheotech : 14. L. Maillard : 1. Archives del’Abbaye : Couv., 2, 18, 22, 23, 25, 28, 30, 31,32, 33, 36, 37. O. Roduit : 4, 6, 7,8, 9, 12, 15,17, 19, 20,45, 50, 52. M. Hasler : 53, 54, 55,56.

Les Échos de Saint-MauriceNouvelles de l’Abbaye

Revue éditée parl’Abbaye de Saint-Maurice97e année.Quatrième sérieNuméro 5. Juin 2002

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ABBAYE DE SAINT-MAURICEAvenue d’Agaune 15Case postale 142CH-1890 Saint-Maurice

Tél. : [0041] (0)24 486 04 04Fax : [0041] (0)24 486 04 05Site internet : www.stmaurice.chE-mail : [email protected]

PORTERIE DE L’ABBAYE

La Porterie de l’Abbaye est ouverte tous les joursde 7h30 à 12h00, de 13h00 à 19h00et de 19h45 à 21h00

MESSES ET OFFICES

Dimanche7h00 Messe8h30 Office du matin (Laudes)9h00 Messe conventuelle11h30 Office des Lectures18h00 Office du soir (Vêpres)19h15 Office des Complies19h30 Messe

En semaine6h30 Office du matin (Laudes)11h35 Office des Lectures18h05 Messe conventuelle et vêpres20h15 Office des Complies(Samedi : messe à 11h00)

Jours de fêteMesse pontificale à 10h30Fête-Dieu et Saint Maurice : messe à 9h30le reste comme le dimanche

TRÉSORET FOUILLES ARCHÉOLOGIQUES

Horaire des visites :

Janvier, février, mars, avril (jusqu’à Pâques) :15h00.Après Pâques, avril, mai, juin :10h30, 15h00, 16h30.Juillet, août : 10h30, 14h00, 15h15, 16h30.Septembre, octobre : 10h30, 15h00, 16h30.Novembre, décembre : 15h00.

Dimanches et des jours de fête : fermé le matinLundi : fermé toute la journée

Groupes : uniquement sur entente préalable,par écrit à l’adresse suivante :Chancellerie de l’AbbayeCase postale 124CH-1890 Saint-Mauriceou par Fax : [0041] (0)24 486 04 05

Groupes : CHF 2.- par personneVisites individuelles : offrande libre.Toutes les visites sont guidées.

PÈLERINAGES

Organisation et accueil :Chanoine Gaby Stucky, SacristeTél. : [0041] (0)24 486 04 04 ou 486 04 10Fax : [0041] (0)24 486 04 05

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ABBAYE DES CHANOINES RÉGULIERS DE SAINT-MAURICE

CASE POSTALE 142CH-1890 SAINT-MAURICE

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1LES ECHOS DE SAINT-MAURICE

POUR LA FAMILLE ET POUR LA VIE…

En sa séance du 12 avril 2002, le Parlement européen s’est donné de nouveauxobjectifs pour ces prochaines années. En ces temps de mondialisation, de globalisation,voire d’éclatement des valeurs, les députés ont senti la nécessité de centrer leurs effortssur des valeurs traditionnelles. Il dit notamment : « La famille est l’unité fondamen-tale de la société et porte la responsabilité première de la protection, de la croissance et

du développement des enfants ».Depuis 1997, les Sœurs de Saint Mau-

rice ont ouvert la Maison de la Famille àVérolliez. Après avoir assuré le financementdes frais de fonctionnement les cinq premièresannées, les Sœurs remettent deux étages entiersde leur bâtisse près du Champ des Martyrs entreles mains des familles. Un Conseil de Fonda-tion gère la conduite de cette Maison qui apour but d’accueillir de former, d’informer etde rencontrer les personnes et les familles surles valeurs essentielles et constitutives de la per-sonnalité et de la société. Des professionnels etdes bénévoles y œuvrent déjà et accompagnentbien des personnes dans des situations fami-liales parfois difficiles. Nombre de conférencesont aussi été organisées. Le temps est venu pourles familles de s’investir personnellement dans

cette merveilleuse aventure. Moyennant une cotisation annuelle de Frs 100.-, chaquepersonne ou famille peut faire partie des « Amis de la Maison de la famille » et bénéfi-cier de certaines informations et avantages.

Le 2 juin 2002, la majorité des citoyens suisses ont voté la dépénalisation del’interruption de grossesse jusqu’à 12 semaines. La campagne qui a précédé ce vote apermis de nombreuses prises de position. Pour les défenseurs de la vie, quel que soit lerésultat du vote, le moral ne se confond pas avec le légal. Aussi importe-t-il de s’investirpour défendre la vie humaine sous toutes ses formes. En autre, le souci de la formationdes jeunes doit nous préoccuper. La Maison de la Famille veut aussi y répondre. Je suispersonnellement à disposition de toute personne désirant plus de renseignements ouvoulant offrir ses services.

L’Abbaye de Saint-Maurice veut défendre des valeurs essentielles. Merci à tousceux qui l’y aideront.

+ Joseph Roduit, Abbé de Saint-Maurice

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2 LES ECHOS DE SAINT-MAURICE

LA MOSAÏQUE DE SAINT MAURICE

Dans les numéros précédents des Échos, plusieurs articles ont parlé de la spiritua-lité canoniale. Mais notre monastère, qui fait partie de la Confédération des Chanoi-nes Réguliers, est aussi marqué, plus fondamentalement encore, par ses origines duVIe siècle. Toute une spiritualité, caractérisée par l’esprit des martyrs et la louange per-pétuelle, lui a donné une impulsion qui subsiste jusqu’à nos jours. En attendant de plusamples développements sur cette spiritualité, voici un bref commentaire de la mosaïquedu maître-autel de la Basilique d’Agaune, qui illustre bien la spiritualité du martyre.Cette spiritualité, à une époque où la superficialité, l’hédonisme, la violence menacentdangereusement la civilisation, n’est-elle pas d’une poignante actualité ?

Nous sommes au chœur de la ba-silique, dans le silence apaisant et le cli-mat d’intériorité créé par ces lieux, et leregard se porte, au-dessusdu maître-autel, sur la mo-saïque de saint Mauriceaux teintes rouges, bleueset or, une œuvre de Mau-rice Denis.

Une impression deforce s’en dégage : solide-ment debout sur ses jam-bes, les pieds bien plantésen terre, le corps droit, latête haute, le soldat Mau-rice est l’image de la force.Non celle qui vient des ar-mes — il les a déposées,elles gisent à ses pieds — mais celle quivient de l’âme. La force d’un amourdonné jusqu’au bout, d’un amour quidonne à Dieu et à ses frères jusqu’à sapropre vie : « il n’y a pas de plus grandamour que de donner sa vie pour ceuxqu’on aime » (Jn 15,13). Le poignardtransperce sa poitrine, il ne résiste paset le geste des bras levés vers le ciel ex-prime l’offrande totale, tandis que leregard se tourne vers Dieu, qu’il aspirede tout son être à voir face à face, dans

ce Royaume de lumière où déjà les an-ges l’accueillent. Autour de lui, l’im-mense cohorte de ses compagnons unis

dans le même sacrifice,dans le même amour quitémoigne du Christ jus-qu’à verser leur sang.Tous, avec Maurice leurchef, reçoivent des angesla couronne qu’ils leurtendent, la récompensepromise à ceux qui onttout donné pour le Christ.

Cette mosaïque estun admirable symbole denotre vocation. Vocationà mourir avec le Christ età vivre pour lui, « ressus-

cités » avec lui, à l’imitation des mar-tyrs. Vocation à rompre radicalementavec le péché et à renoncer au mondepour suivre plus librement et de toutesnos forces le Christ qui nous appelle àsa vie en plénitude. Vocation à unamour totalement livré à Dieu et auxhommes, un amour qui s’épanouisse encontemplation, en louange universelleet en action féconde pour le monde.

Chne J.-B. Simon-Vermot

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3LES ECHOS DE SAINT-MAURICE

Jeudi 1er novembre, Toussaint

Précédant l’Avent d’un mois, la fêtede la Toussaint en un regard rétrospec-tif nous rappelle tous les Saints fêtés aucours de l’année écoulée ; nous célé-brons ce jour avec la solennité coutu-mière ; la prière au cimetière, l’après-midi, associe nos défunts à la vénéra-tion des Saints.

Dimanche 11 novembre

L’église Saint-Sigismond de la villede Saint-Maurice a été longuement res-taurée l’an dernier : pour couronner cestravaux, un orgue de grande qualité aremplacé l’ancien ; à l’occasion de la cé-rémonie d’inauguration, un concertd’orgue est donné par le chne GeorgesAthanasiadès.

Vendredi 16 novembre

M. Jean-Nicolas Revaz, ancienélève du collège et licencié en philoso-phie, commence une suite de conféren-ces sur le thème général : « L’Humanitéà l’épreuve de la modernité ». Ces con-férences, données à la salle de théologieet ouvertes au public, sont dues à l’ini-tiative de la Communion Augusti-nienne, une association de jeunes uni-versitaires qui veulent approfondir leurfoi face aux grandes questions du mondecontemporain. Heureuse initiative, maisqui devra être mieux connue, car l’audi-toire étant trop clairsemé, seules troisconférences sont données. Notre jeuneconfrère Yannick-Marie Escher est àl’origine de ce groupe. Il a égalementlancé une nouvelle revue, Boèce, dont le

CHRONIQUE DE L’ABBAYE

Cette chronique va de la Toussaint à Pâques : de longs mois qui, du point de vueliturgique, sont riches de sens ; tout le mystère du Christ y est comme condensé. L’Aventnous a fait attendre la venue du Sauveur, nous avons célébré dans la joie son incarna-tion et sa manifestation à Noël et à l’Épiphanie ; l’austérité du carême nous a ensuitepréparés à vivre le mystère de sa mort et de sa résurrection, et tout le Temps pascal en aété la célébration festive. Précieux ressourcement dans le mystère du Verbe incarné etrédempteur, que le souffle de l’Esprit de Pentecôte rendra fécond partout dans le monde.Face à la superficialité, à la dispersion, aux tensions conflictuelles qui dégénèrent si viteen violence terroriste, face à un monde en voie d’unification mais incapable, victimed’un progrès technique qui s’emballe et qu’il ne maîtrise plus, d’en découvrir le sens,seule une réaction en profondeur, un ancrage dans l’essentiel est capable d’orienter leshommes selon le dessein du Dieu d’amour.

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4 LES ECHOS DE SAINT-MAURICE

titre rappelle un célèbre penseur chré-tien du Ve siècle, « le dernier des Ro-mains et le premier des médiévaux », etdont l’éditorial exprime bien les orien-tations : « Aujourd’hui, il faut passer àla culture post-moderne avec tout no-tre patrimoine. Conscients de noustrouver à la frontière de deux mondes,nous sommes appelés à faire le choix dela via media entre une nostalgiesclérosante et une fuite en avant éper-due ; héritiers certes, mais aussi créa-teurs, tirant parti avec respect de l’ac-quis du passé pour mettre au jour uneœuvre originale. »

Samedi 17 novembre

Café-contact au cours duquel lePère-Abbé nous parle entre autres del’aide financière apportée par l’abbayeaux Sœurs de Saint-Maurice en missionà Madagascar : à défaut d’un envoi deconfrères là-bas, qui n’est pas été possi-ble pour le moment, c’est la meilleurecontribution que nous pouvons donnerà ce pays.

Mercredi 21 novem-bre

Une conférencede presse au « corridordes Juifs » (rez-de-chaussée nord) est te-nue en présence denombreux journalis-tes, qui sont mis aucourant de l’impor-tance des travaux en-trepris par la Fonda-tion des archives his-toriques de l’Abbaye(voir article p. 45).

Samedi 24 novembre

Les participants à la session orga-nisée par le groupe S. Nicolas etDorothée de Flue sont présents à unemesse célébrée à la basilique par le Père-Abbé. Cette session, dans l’esprit de cegroupe fondé en 1994 par NicolasButtet, animateur de la communautéEucharistein, est consacrée à une ré-flexion sur l’engagement du chrétiendans les domaines économique et poli-tique selon l’enseignement de l’Église.Sœur Emmanuelle du Caire donne untémoignage à ce groupe qui, le lende-main, revient à l’abbaye pour l’Eucha-ristie présidée par le Nonce à BerneMgr Pier Giacomo de Nicolò.

Dimanche 25 novembre

La fête de Sainte Cécile (célébréele 22) est marquée par un concert à labasilique : quatre solistes, soutenus parl’Ensemble vocal de Saint Maurice etl’orchestre La Chapelle ancienne inter-

De nombreux journalistes ont participé à la conférence de pressedestinée à faire connaître nos archives.

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5LES ECHOS DE SAINT-MAURICE

prètent avec chaleur des pièces religieu-ses en latin de Haendel et Vivaldi.

Mercredi 28 novembre

A l’occasion de la « Semaine ro-maine » organisée au collège pour per-mettre aux étudiants de découvrir laRome antique et moderne, le Cardi-nal Henri Schwery donne deux confé-rences remarquables de clarté et d’op-portunité sur le Vatican et son rôle dansl’Église et dans le monde. Il soulignele courage et l’ouverture du pape Jean-Paul II parlant à des musulmans auKazakhstan quelques jours après ledrame du 11 septembre.

Samedi 1er décembre

Dans le cadre de la récollectionmensuelle, Mgr Thomas Peta, évêqueau Kazakhstan, nous parle de la situa-tion des chrétiens dans ce pays engrande majorité musulmane, mais quientretient des relations amicales avecle catholicisme. Des reliques de saintMaurice y ont été apportées l’an der-nier par des membres de la commu-nauté des Béatitudes. Mgr Thomas s’ex-prime en russe, traduit au pied levé parM. Roland Jaquenoud ; il préside lamesse conventuelle, en latin ; un liende prière est ainsi créé avec ce pays oùle souvenir de nos martyrs est mainte-nant présent.

Ce même jour en début d’après-midi, un chapitre claustral nous réunitdans la salle dite du « billard » pour pré-parer l’Avent et discuter d’une certaineadaptation de la clôture à la situationactuelle, de nombreux collaborateurstravaillant à la bibliothèque.

Dimanche 2 décembre

Nous entrons dans le Temps del’Avent ; cette année la messe est radio-diffusée chaque dimanche par l’abbaye.Aujourd’hui c’est la communauté quila chante, avec ces mélodies grégorien-nes qui mettent si bien dans le climatd’attente et de désir caractéristique decette période liturgique, dont le prédi-cateur M. Guy Luisier explicite la signi-fication.

Ce dimanche à 15h30, le tradition-nel concert de Noël est donné à laGrande Salle par l’Orchestre du collègesous la direction de Jan Dobrezelewski.Il interprète des pièces de Bach, de Krieg

La Semaine romaine vue par le Nouvelliste(29.11.2001).

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6 LES ECHOS DE SAINT-MAURICE

et le 2e concerto de Rachmani-nov, qui révèle une jeune pia-niste, Béatrice Berrut, promiseà un brillant avenir. Avantl’ouverture, M. Georges-AlbertBarman, président de com-mune et des Jeunesses culturel-les, et le Recteur Guy Luisierexpriment la reconnaissance detous à M. André Olivier et auchanoine Henri Pellissier : ils seretirent après s’être l’un etl’autre dévoués pendant de lon-gues années au service des réa-lisations culturelles de l’abbaye,le premier comme animateur,le second comme responsabletechnique des manifestations.

Vendredi 7 décembre

Comme préparation à lafête de l’Immaculée Concep-tion, le mouvement Oui à la vieorganise une veillée de prière enl’église Saint-Sigismond, avecpour thème « Choisis donc lavie ». Les fidèles se rendent ensuite à labasilique, où la messe est concélébrée à22 heures, présidée par le Père-Abbé etanimée par de jeunes chanteurs de Mar-tigny. Le lendemain, fête de l’Immacu-lée, la messe pontificale est chantée parla communauté.

Dimanche 9 décembre

En ce deuxième dimanche del’Avent, le Chœur liturgique romandanimé par M. Jean Scarcella chante unemesse dans laquelle une large place estdonnée aux interventions du peuple.Dans son homélie, M. RolandJaquenoud souligne que l’Avent, dans

le sillage des mystiques chrétiens, doitnous amener avant tout à une conver-sion intérieure.

Samedi 15 décembre

Belle fête de famille à l’occasion du75e anniversaire de Mgr Henri Salina.A l’Eucharistie de 10 heures qu’il pré-side, il est accompagné par le cardinalHenri Schwery, Mgr Norbert Brunner,Mgr Benoît Vouilloz et notre Père-Abbé, et entouré de très nombreuxconcélébrants, parents et amis. Au re-pas de midi, après les vœux deMgr Roduit, notre cher Abbé émériteévoque longuement le passé — « tous

Mgr Henri Salina découvre le livre que ses amis luiont dédié à l’occasion de ses 75 ans.

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7LES ECHOS DE SAINT-MAURICE

mes souvenirs sont des actions degrâce », dit-il. Il n’a pas fini de parlerque soudain, du fond de la salle, unjoyeux trio s’avance bruyamment…S’approchant du jubilaire, il lui remetdes cadeaux, et… un très beau livre :La joie de l’espérance, témoignage col-lectif de reconnaissance écrit à la mé-moire de son long abbatiat.

Dimanche 16 décembre

Troisième dimanche de l’Avent : lamesse présidée par M. Jean-Paul Amoosest chantée par le Chœur-Mixte, celledu dernier dimanche le sera par l’En-semble Vocal.

Jeudi 20 décembre

Noël approche : pour mettre déjàles étudiants dans l’esprit de la Nativité,une messe leur est proposée, animée par

le toujours dévoué chœur du collège ;trois à quatre cents jeunes sont présents,les autres écoutent une conférence duPère Raphaël Deillon sur l’Islam. Aprèsdîner, la fanfare des étudiants apportedans nos couloirs chaleur et poésie,comme un avant-goût de Noël.

En vue du futur aménagement dutrésor, la salle dite « tibétaine » est libé-rée du meuble où étaient exposés desobjets donnés jadis par nos confrèresmissionnaires du Sikkim : tambours,rituels, bijoux népalais, moulin à prière,manuscrits de lamas bouddhistes, etc.Ceux-ci prennent désormais place dansune armoire vitrée au premier étage,dans la chapelle Félix V.

Lundi 24 décembre

L’office des Vigiles de Noël est cé-lébré 20 heures, suivi d’une petite agape

Fidèle à la tradition, la fanfare du Collège, placée sous la baguette de M. Dario Maldonado,donne une aubade dans les corridors de l’Abbaye à l’occasion du Noël du Collège.

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8 LES ECHOS DE SAINT-MAURICE

au réfectoire des novices. A la messe deminuit, chantée par le « chœur-mixteélargi » de ville, le Père-Abbé, dans sonhomélie, nous invite à ouvrir notreprière aux peuples du Moyen-Orient :la joie de Noël ne doit pas nous faireoublier les conflits interminables qui en-sanglantent le pays où est né Jésus.

Samedi 29 décembre

Le traditionnel « Noël des aînés,handicapés et personnes isolées » a lieuau réfectoire du collège dans l’après-midi.

Lundi 31 décembre

Dernier jour de l’année, éclairé parun radieux soleil, comme pour nous

faire oublier les maux passés et noustourner dans l’espérance vers la nouvelleannée. Nous la préparons par la célé-bration des Vigiles de la fête de SainteMarie, Mère de Dieu, suivies d’uneveillée de prière à laquelle participent

les membres de la communautéEucharistein.

Mardi 1er janvier

En ce premier jour de l’an, des fi-dèles très nombreux viennent témoignerde leur foi et implorer les grâces de Dieuà la messe pontificale du matin ; lesautorités civiles, selon une immuabletradition, sont présentes, le Père-Abbéexprime à tous ses vœux au nom de lacommunauté.

Mardi 2 janvier

Ces vœux, c’est aujourd’hui entrenous que nous les échangeons, les con-frères des paroisses sont presque tousprésents à l’abbaye. Dans l’homélie qu’il

nous adresse à lamesse, le Père-Abbé attire notreattention sur l’im-portance de l’évan-gélisation des jeu-nes. En débutd’après-midi, lesmembres du bu-reau du Conseil dela Fondation desa r c h i v e s ,Mme FrançoiseV a n n o t t i ,MM. RaymondLonfat et OlivierRoduit, convientla communauté à

une visite commentée des archives.

Jeudi 3 janvier

Une journée d’étude sur saintAugustin est animée à la salle de théo-logie par M. Gabriel Ispérian. Une tren-

Notre archiviste paléographe Claire Bonnélie présente aux chanoinesnos prestigieux documents d’archives.

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9LES ECHOS DE SAINT-MAURICE

taine de personnes la suivent, en parti-culier des jeunes des nouvelles commu-nautés, Eucharistein et les Béatitudes,ainsi que des confrères. Pendant de lon-gues heures, dans un exposé dense etprofond, le conférencier résume àgrands traits, dans une analyse pourtantdétaillée et rigoureuse, les quinze livresde ce traité magistral que saint Augus-

tin a mis seize ans à écrire.C’est une passionnante invi-tation à poursuivre la fré-quentation de notre « bien-heureux Père », à le suivredans la quête de ce Dieuqu’on ne trouve que pour lechercher encore…

Samedi 5 janvier

Le Nouvel An est l’oc-casion de prendre contact,par des échanges de vœuxmutuels, avec les autoritéspolitiques de Saint-Maurice ;ces moments conviviaux ausalon de l’abbaye nous per-mettent de connaître plusconcrètement la vie des genset leurs problèmes actuels —par exemple la présence de900 étrangers à Saint-Mau-rice, en bonne partie musul-mans, dont l’intégration neva pas de soi.

Dimanche 6 janvier

Fête de l’Épiphanie. Onsouhaiterait que cette bellefête soit plus solennisée,comme elle l’était autrefois,comme elle l’est encoreaujourd’hui en Orient ; il est

vrai qu’à leur manière les gâteaux desrois la relèvent… ainsi que de délicieuxplum-puddings confectionnés par lamaman d’Antoine Salina !

Lundi 7 janvier

Une douzaine d’étudiants de l’uni-versité de Genève accompagnés par leurprofesseur, M. François Walter, passent

Les grands froids de cet hiver ont quelque peu entravé lefonctionnement de l’ingénieux système d’élévation d’eau

permettant l’alimentation de la fontaine sur la rued’Agaune. Une inscription latine invite le passant à s’y

désaltérer : BIBE VIATOR EX FONTIBUSABBATIAE AQUAM VIVAM.

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10 LES ECHOS DE SAINT-MAURICE

quelques jours à l’abbaye : ils s’initientà la recherche historique à partir de nosdocuments d’archives, dans l’anciennebibliothèque aménagée et chauffée pourla circonstance (voir article pp. 18).

Dimanche 13 janvier

La fête du Baptême du Seigneurachève le Temps de la Nativité ; demainnous entrerons dans le « Temps ordi-naire », qui ne se prolongera pas beau-coup : dans un mois déjà commence lecarême.

Le Père-Abbé et le chancelierGabriel Stucky se rendent àObergestelen dans le Haut-Valais, pourune cérémonie au cours de laquelle lenouvel Abbé d’Einsiedeln Mgr MartinWerlen célèbre la messe, prêche et estnommé bourgeois d’honneur de cettecommune où il a passé sa jeunesse.

Mercredi 16 janvier

Nous accueillons à dîner pour lesvœux annuels le Conseil d’État du Va-lais, auquel se joignent l’évêque de SionMgr Norbert Brunner et ses auxiliaires,ainsi que Mgr Benoît Vouilloz, prévôtdu Grand Saint Bernard.

Vendredi 18 janvier

Ouverture de la Semaine de prièrepour l’unité des chrétiens. Elle est mar-quée mardi soir par une célébration auFoyer franciscain : le pasteur de Laveyet le curé de ville accompagnent catho-liques et protestants des deux paroissesdans une méditation du psaume 36, quiles prépare à une prière commune à lachapelle. Elle s’achève le 25 en la fêtede la Conversion de saint Paul, prenantune signification plus large : en ce jour

en effet, 250 représentants des grandesreligions, répondant à l’invitation deJean-Paul II, se rencontrent à Assise etprient pour la paix. Nous nous associonsà eux par une heure d’adoration silen-cieuse avant la messe conventuelle. Lelendemain à la chapelle du collège, ungroupe d’étudiants participent àl’Eucharistie dans le même esprit.

Vendredi 25 janvier

La récollection mensuelle com-mence comme d’habitude en silencevendredi soir après la messe. Le lende-main matin, M. Georges Athanasiadès,aborde une série d’entretiens sur lespsaumes : il les connaît bien pour avoir,après le Concile, fait partie de la com-mission francophone de traduction li-turgique du psautier. Aujourd’hui, c’estune approche « panoramique » qu’ilnous donne, grâce aux mots-clés quiouvrent aux grands thèmes de ces chantsqui nourrissent quotidiennement notreprière chorale. Une bonne manière denous aider àgoûter touteleur richessespirituelle —p s a l l i t esapienter.

V e n d r e d i1er février

Une pre-mière journéede préparationà la JMJ de To-ronto (journéemondiale de lajeunesse) estorganisée à

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11LES ECHOS DE SAINT-MAURICE

LES 90 ANS DU CHANOINE LÉONCE BENDER

En ce 21 janvier 2002, nous fêtons le 90e anniver-saire du chanoine Léonce Bender.

Lorsqu’ils font mention de l’ordination du chanoineGuy Luisier, de Saillon, les Échos de 1988 concluent :« Heureuse paroisse qui vit pour la troisième année consé-cutive, ou presque, une Première Messe d’un de ses en-fants. Aussi, Mgr Salina voulut signifier la gratitude de l’Ab-baye envers cette paroisse en nommant son curé, l’abbéLéonce Bender, chanoine honoraire de l’Abbaye. »

C’est donc le dimanche soir 3 juillet 1988, à l’officedes vêpres, que M. l’abbé Bender reçut le camail de cha-noine honoraire, en présence d’un fort groupe de paroissiens de Saillon.

Né à Fully le 21 janvier 1912, Léonce Bender a étudié au collège de Sion de1924 à 1932, puis au séminaire d’Innsbruck avant d’être ordonné prêtre le 28 juin1936. Il fut d’abord vicaire de Vollèges (1936-1938), puis professeur au collègede Sion (1938-1949) avant d’être nommé curé de Montana-Crans (1949-1960),

puis d’Évolène (1960-1963),de Chamoson (1963-1972)et enfin de Saillon (1972-1994). Il est ensuite « auxi-liaire interparoissial » avec ré-sidence au Foyer Pierre-Oli-vier de Chamoson, avant dese retirer au Foyer Sr LouiseBron à Fully où il célèbre lamesse et prêche tous les jours.

Les paroissiens deSaillon gardent de lui le sou-venir d’un prêtre actif et gé-néreux qui eut la délicate tâ-che de mettre en place les ré-formes de Vatican II. Les cha-noines de l’Abbaye voient enlui un confrère dynamiquequi sut accompagner la vo-cation de 4 jeunes prêtresparmi lesquels 3 chanoines.

Tous nos bons vœuxvous accompagnent, Mon-sieur le chanoine !

Les chanoines de Saillon en 1991 :Mgr Joseph Roduit (en haut), Olivier Roduit, Léonce

Bender, Guy Luisier et Gilles Roduit (devant).

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12 LES ECHOS DE SAINT-MAURICE

Saint-Maurice, prise en charge par lePère Francis Kohn, responsable de l’or-ganisation des JMJ au Conseil pontifi-cal pour les laïcs. De nombreux jeunesde toute la région sont venus, ils parti-cipent à notre messe conventuelle, qu’ilsaniment de leurs chants. Après un pi-que-nique canadien au réfectoire de l’In-ternat, ils reviennent à la basilique pourune veillée de prière jusqu’à minuit.

Samedi 2 février

En la fête de la Présentation duSeigneur, les religieuxet religieuses du Bas-Valais se retrouventcomme chaque an-née pour renouvelerleur offrande, à l’imi-tation de Jésus s’of-frant au temple pré-senté par Marie et Jo-seph. La processionaux lumières, tou-jours si parlante, estsuivie des vêpres, puistous ont l’occasion dereprendre contact parune collation au ré-fectoire de l’Internat.Ce temps fort de prière et de convivia-lité est un encouragement mutuel, puis-que, comme le dit le document romainCongregavit nos in unum : « L’idéal com-munautaire ne doit pas nous faireoublier que toute réalité chrétiennes’édifie sur la faiblesse humaine… No-tre temps est celui de l’édification et dela construction continue : il est toujourspossible de s’améliorer et de s’achemi-ner ensemble vers une communauté depardon et d’amour ».

Mardi 5 février

La section romande de l’Union desSupérieurs majeurs tient sa séance an-nuelle à Saint-Maurice ; présidée parDom Mauro Lepori, Abbé d’Hauterive,elle étudie le thème : « Les religieux en Suisse,liens avec les nouvelles communautés ».

Samedi 9 février

Tous les employés au service del’abbaye, du collège et de ses dépendan-ces sont invités à un repas festif, le soir ;le Père-Abbé est présent parmi eux.

Mercredi 13 février

Le rite des cendres marque l’entréeen carême ; quelques initiatives en vuede soutenir le renouveau spirituel sontprises cette année : ainsi il est proposéque chaque dimanche, après la messe,religieux et laïcs rencontrent le prédica-teur du jour, lui posent des questionspar exemple sur le sujet abordé à l’ho-mélie ; il y a quelques réponses au dé-but, mais vite elles se raréfient si bien

Grégoire est toujours bien entouré !

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13LES ECHOS DE SAINT-MAURICE

que ce projet tombe à l’eau. Par contreune autre initiative a un franc succès :chaque jeudi, dans l’esprit de l’Actionde carême qui invite à creuser le thèmede la communication et du dialogue, unentretien ouvert au public sera donnépar un confrère dans la salle de théolo-gie à 20 heures. Les participants serontparfois si nombreux qu’ils auront peineà trouver place !

Jeudi 21 février

C’est le Père-Abbé qui commenceces conférences de carême. Il aborde lethème du dialogue par le côté humain,vu que les aspects spirituels seront trai-tés les semaines suivantes. A notre épo-que surtout, on ne saurait sous-estimerl’importance des sentiments humains :s’il est indéniable qu’ils doivent êtreévangélisés, spiritualisés, il n’en reste pasmoins qu’ils sont la base des relationshumaines, dans la vie communautairecomme partout. Vécus sainement, ilsenrichissent les relations, gauchis ourefoulés, ils la faussent. Les sentimentssont l’expression de besoins réels, sou-vent fondamentaux,comme être aimé, ouêtre valable, compé-tent, etc. Il fautd’ailleurs reconnaîtreque nous sommes tousdifférents : aimer, c’estsouvent s’accepter dif-férents et se vouloircomplémentaires. Il y aaussi les aspects néga-tifs que chacun porteen soi et qu’il s’agitd’assumer sereinement.La vie commune de-

mande donc de cultiver constammentle « jardin du cœur », pour qu’il s’ouvreà la communion aux autres et à Dieu.

Samedi 23 février

Récollection mensuelle : dans sondeuxième exposé sur les psaumes,M. Athanasiadès nous parle des psau-mes 1 et 2 : c’est un véritable portiqued’entrée de tout le psautier, à mettre enparallèle avec les psaumes 148-150 quien seront la finale. Les explicationsexégétiques et spirituelles qu’il nousdonne sont bien propres à renouvelerla compréhension de formules qui, àforce d’être répétées, risquent de s’user.Au cours des récollections suivantes, ilcommentera en mars le psaume 50 sibien adapté au carême, puis le psaume118 et le groupe 148-150 les mois sui-vants.

Mardi 26 février

Une trentaine d’élèves italiens deTurin visitent l’abbaye, tandis qu’enéchange des étudiants de Saint-Mauricese rendent dans leur collège.

Cultiver le jardin du cœur.

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14 LES ECHOS DE SAINT-MAURICE

Jeudi 28 février

Deuxième entretien de carême surle dialogue : M. Gabriel Ispérian, s’ins-pirant de l’encyclique de Paul VIEcclesiam suam montre que tout vraidialogue implique la présence de quel-que chose qui dépasse chaque parte-naire. Se cantonner sur ses propres po-sitions, c’est interdire tout dialogue.L’ouverture à une vérité plus haute, etfinalement à Dieu est fondamentale.Elle suppose l’oubli de soi, l’humilité,l’écoute de l’autre ; car l’autre peut avoirune vérité qui nous re-met en question etnous fait évoluer. Et laréciproque est vraie.Ainsi un dialogue enesprit d’humilité et detransparence fait pro-gresser chacun.

Début mars

En hiver depuisde longues années onplaçait dans le cloîtredes vitres opaques,protection efficacecontre le froid. L’uned’elles s’étant brisée paraccident, elles sonttoutes remplacées pardes vitres transparen-tes, ce qui donne aucloître, même en hiver,un air ouvert et ra-dieux. D’autres tra-vaux matériels sont en-core en cours au cloî-tre, sous la direction vi-gilante du sacriste

M. Gabriel Stucky : une salle complé-mentaire, la « salle tibétaine » jouxtantle Trésor, a été aménagée. Les vitrinesdes châsses y prendront place le12 juillet et la châsse des enfants de saintSigismond restaurée y sera installée le23 août. Au rez-de-chaussée également,transformation de chambres destinéesà une salle d’accueil pour les hôtes, etau premier étage restauration de la sallede bain. Le silence conventuel en pâtitquelque peu… c’est provisoire heureu-sement.

C’est par cette nouvelle porte que les pèlerins accèdent désormaisau Trésor des Reliques.

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15LES ECHOS DE SAINT-MAURICE

Jeudi 7 mars

Troisième conférence de carême :M. Roland Jaquenoud poursuit la ré-flexion sur le dialogue à partir du récitde la tour de Babel (Gn. 11,1-9). Con-trairement à l’opinion courante, qui voitdans la dispersion des peuples incapa-bles de se comprendre par suite de laconfusion des langues un châtiment del’orgueil, il propose une autre interpré-tation, qui a aussi de solides basespatristiques : cette disper-sion est providentielle, lamultiplication des languespermet aux hommes, tou-jours tentés de repli sur soi,de s’ouvrir aux autres, d’ac-cepter leurs différences, des’enrichir mutuellement.Leçon combien actuelle ennotre ère de mondialisa-tion. La Pentecôte symbo-lise la réalisation de cetidéal de communion dansla diversité.

A la messe conven-tuelle, Cédric Chanez etJean-Baptiste Farquet sontinstitués acolytes, un paspour eux vers le sacerdocequi les rend plus proches del’Eucharistie, puisqu’ilspeuvent désormais donnerla communion aux fidèles.

Samedi 9 mars

Par solidarité avec lesjeunes qui se préparent à laJournée mondiale de la Jeu-nesse, nous nous associonschaque jour à la neuvaine

qu’ils font à saint Joseph en ce mois quilui est consacré.

Jeudi 14 mars

« Dialoguer avec l’invisible » : telest le thème de la quatrième conférencede carême donnée par M. Guy Luisier.Partant d’une sorte de parabole sugges-tive où une fillette handicapée et confi-née dans sa maison contemple, reflétéedans un étang, le ciel avec toutes ses

Cédric Chanez et Jean-Baptiste Farquet sont instituésacolytes par Mgr Joseph Roduit.

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nuances, il montre que tout vrai dialo-gue entre les hommes suppose le dialo-gue avec l’Invisible, avec Dieu. D’oùl’importance de la vie intérieure : elleest le secret des relations humaines réus-sies et loin d’être une évasion, elle exigede garder les pieds sur terre ; la mysti-que des grands saints est enracinée dansle réel. Pour un chrétien, ce dialoguepasse par le Christ et les sacrements.

Samedi 16 mars

Le Père-Abbé est invité à l’inaugu-ration des galeries militaires creusées àl’intérieur de la paroi de rocher qui sur-plombe l’abbaye. Ces galeries, qui con-servent tout un matériel jadis utilisé parl’armée mais devenu désuet, sont désor-mais ouvertes au public dans un buttouristique.

Dimanche 17 mars

L’Ensemble vocal et instrumentalde Saint-Maurice donne le traditionnelconcert de la Passion à la basilique. Sousla direction de Pascal Crittin, il inter-prète une œuvre de Henry Purcell,Musique pour les funérailles de la reineMary, et le magnifique Requiem de Ga-briel Fauré, pour la joie d’un public trèsdense.

Jeudi 21 marsLe cycle des entretiens de carême

s’achève par une causerie de M. PaulMettan intitulée : « Vers la commu-nion ». Il montre que le modèle parfaitdes communications, c’est dans la SainteTrinité qu’il faut le chercher, dansl’échange d’amour des Trois Personnestotalement données l’une à l’autre. Lavocation humaine était de participer,par l’Alliance, à cet échange, à cetteunion intime : le péché l’a rompu, laméfiance, la révolte a fait place à la com-munion. Le Christ l’a restaurée par sonsacrifice rédempteur. A nous, en suivantson enseignement, en laissant vivre ennous son Esprit, d’apprendre patiem-ment un dialogue fraternel avec lesautres.

Et voilà achevés ces entretiens decarême… le succès qu’ils ont connumontre que l’innovation était heureuse.Reste le plus délicat : la mise en prati-que !

Samedi 23 marsLes Chevaliers du Saint-Sépulcre se

réunissent à l’Abbaye pour leur récol-lection annuelle. Avant de participer ànotre messe conventuelle, ils écoutentun entretien du Cardinal HenriVers la communion !

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17LES ECHOS DE SAINT-MAURICE

Schwery. En début d’après-midi, M.Roland Jaquenoud leur fait une confé-rence sur « la foi des Orthodoxes », bros-sant un tableau d’ensemble de l’Ortho-doxie aux points de vue historique etthéologique, et de ses relations avecl’Église catholique.

Mercredi Saint 27 mars

Comme chaque année, des délé-gués des paroisses du Territoire abbatialviennent à la messe chrismale, où sontégalement présents les enfants de villequi se préparent à la confirmation.Mgr Henri Salina, qui préside la célé-bration, donne à ces derniers des expli-cations simples et imagées sur le sym-bolisme des huiles bénies et consacréesen ce jour. Le repas du soir pris avec les

La vigile pascale, présidée par Mgr Joseph Roduit, a commencé par la bénédiction du feunouveau dans les jardins de la cure Saint-Sigismond.

délégués paroissiaux achève de soulignerl’unité de l’Église qui est en Agaune.

Jeudi Saint 28 mars

Cette unité, la messe vespérale dela Cène l’exprime avec plus de profon-deur encore. La communion dont l’an-tienne Ubi caritas est une émouvanteexpression se prolonge par l’office deslectures et l’adoration qui se poursuitjusqu’à minuit. De très nombreux fidè-les y participent. Après le vendredi saintet le vivant souvenir de la Passion duSeigneur, après le silence du samedisaint, voici la Vigile pascale : son sym-bolisme si parlant même pour les plussimples nous fait entrer progressivementdans la Joie de la Résurrection.

Chne Jean-Bernard Simon-Vermot

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18 LES ECHOS DE SAINT-MAURICE

Portrait de l’Abbé Claret(grand corridor de l’Abbaye).

Durant une semaine du mois dejanvier de cette année, j’ai eu l’occa-sion, en compagnie d’une douzained’autres étudiants du départementd’histoire de la Faculté de lettres del’université de Genève, de vivre quel-ques jours à Saint-Maurice et de fré-quenter son Abbaye. Quatre joursdurant, le silence des longs couloirs,l’intensité quelque peu inhabituelledu lieu et la salle dénudée de l’an-cienne bibliothèque ont été le cadred’un atelier d’études historiques.L’initiative en revient au ProfesseurFrançois Walter qui désirait organi-ser un séminaire permettant à ses étu-diants de traverser le processus com-plet d’un travail de recherche en his-toire et d’en expérimenter toutes lesétapes.

UN ATELIER D’ARCHIVES

Du lundi 7 au jeudi 10 janvier dernier, le professeur François Walter, du Dépar-tement d'histoire générale de l’Université de Genève, a organisé pour ses étudiants unséminaire pratique de recherche aux archives de l’Abbaye. La douzaine d’étudiants etleur professeur ont logé au Foyer franciscain et ont pris leur repas de midi au réfectoiredu noviciat, accompagné de Monseigneur ou d’un chanoine. Ce fut à chaque fois l’oc-casion de rencontres très fructueuses. La communauté a été très heureuse de pouvoirrecevoir ce groupe de jeunes fort agréables et intéressés par l’ambiance monastique del’Abbaye.

Le séminaire s’est tenu dans l’ancienne bibliothèque, alors déjà en chantier. Lesétudiants ne nous ont pas fait rigueur des températures pas toujours très agréables…c’est que l’ambiance était chaleureuse !

Nous avons demandé à un étudiant de raconter son expérience, et nous avons leplaisir de publier le résultat de la recherche d’un autre.

Merci à toutes et à tous !

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19LES ECHOS DE SAINT-MAURICE

Si la rédaction de nos résultats estaujourd’hui l’aboutissement logique denotre démarche, la confrontation auxsources n’en a pas moins été le cœur.De par son principal objectif, l’expéri-mentation pratique des archives et desconditions du travail de l’historien, l’en-jeu du séminaire était donc d’embléeplus pédagogique que scientifique. Pourdiverses raisons, l’Abbaye de Saint-Mau-rice et ses archives constituaient pournous un laboratoire idéal.

Au cours des séances préparatoires,la période des XVIIIe et XIXe siècles aété retenue et certains thèmes, dégagésde nos diverses lectures, ont été posésen problématiques. Ainsi, chaque par-ticipant avait la charge de travailler, enrelation avec son thème, sur un ou plu-sieurs documents du fonds d’archivesde l’Abbaye : les décrets et constitutions

de l’Abbaye ; la révolte de Bagnes(1745) ; les relations entre l’abbaye etles communes ; un acte de visite pasto-rale à Salvan (1738) ; l’abbé Claret(1737-1764) ; les accords et désaccordsentre l’Abbaye et la ville de Saint-Mau-rice ; l’œuvre missionnaire de l’Abbayede Saint-Maurice en Algérie (1855-1857).

On attend toujours une boîte d’ar-chives avec inquiétude. Les documentsvont-ils correspondre aux attentes et auxquestionnements que l’on a faits en neconsultant qu’un inventaire ? Ce n’estque très rarement le cas et en ce qui meconcerne, je devais, dès la réception desdocuments, un peu déchanter. En ef-fet, ceux-ci (des actes d’élection d’ab-bés) étaient tous rédigés en latin et leurcontenu n’en disait pas beaucoup plusque leurs descriptifs déjà très complets

Au premier plan, le prof. François Walter, avec quelques-uns de ses étudiants installés demanière très sommaire dans notre ancienne bibliothèque en chantier.

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20 LES ECHOS DE SAINT-MAURICE

donnés par l’Inventaire Charles. Maisleur lecture n’a toutefois pas été vaine.C’est en cheminant au gré des idéesqu’elle m’apportait et des questionsqu’elle suscitait que je suis finalementtombé sur un registre de comptes tenupas l’abbé Claret.

L’entreprise retrouvait dès lors toutson souffle.J’avais en effetune source trèsriche et sa con-sultation rapideme laissait pré-sager qu’iln’était pas sansintérêt de la faireparler. Et elle aparlé. De l’abbéClaret (1737-1764), qui enest l’auteur. J’aiessayé, d’aprèsles traces de soncomportementmatériel, d’enpeindre un por-trait. Il s’agissaitréellement de lalaborieuse cons-truction d’unsavoir à partir delégères indica-tions. Une ten-dance s’est len-tement dessinée et le recoupement d’in-formations confirma certaines hypothè-ses. Mais la source ne m’a donné queles grands traits et c’était à moi de peau-finer le reste, d’ajouter la couleur et dedécouvrir à cette occasion un nouveauproblème inhérent à l’écriture de l’his-

toire, celui de l’interprétation et de sesexcès positifs ou négatifs. De nouvellesportes se sont également ouvertes et ilsemble qu’une biographie complète deClaret mériterait d’être écrite. C’est ainsique j’ai suivi les méandres d’une démar-che en définitive habituelle à l’historien.L’objectif était donc atteint.

En tousles cas, l’expé-rience des ar-chives de l’Ab-baye de Saint-Maurice s’estavérée très po-sitive, grâce àl’accueil géné-reux des cha-noines, à la dis-ponibilité del ’ a r c h i v i s t eM. Hausmannet aux murs del’établissementqui, lorsquenous fermionsnos cartonsd ’ a r c h i v e s ,nous rappe-laient que nousn’étions pas en-core vraimentsortis de l’his-toire…

Un exem-plaire du dossier complet des travauxrédigés par les étudiants sera disponibleà la bibliothèque de l’Abbaye ainsi qu’àla bibliothèque du département d’his-toire générale de l’université de Genève.

Emanuel Gogniat

Le tiroir « Charles » numéro 47.

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21LES ECHOS DE SAINT-MAURICE

Avant le XVIIIe siècle, l’Abbaye deSaint-Maurice menait une politique trèsstricte en matière d’exploitation des fo-

rêts. De nombreux décrets interdisaientaux habitants de la vallée du Trient d’ex-ploiter librement les forêts environnan-tes, et plus particulièrement le bois deGueuroz que se réservait l’Abbaye.

En 1706, un événement marquaune rupture dans cette politique écolo-gique. Le 24 août, les notables de Salvanvendirent pour la somme de 18 pistolesun espace boisé bien délimité de leurcommune au seigneur Barbe, directeurdes salines de Bex, propriété de LeursExcellences de Berne. L’acte de venteautorisait le directeur des salines à ex-ploiter ces forêts pendant les cinquanteannées suivantes, sans toutefois couperdeux fois au même endroit. Les arbresqui repousseraient sur une zone déjà ex-ploitée reviendraient automatiquementà la commune de Salvan. Par ailleurs,

les habitants de celle-ci avaient le droitde se servir de bois pour leur propreusage dans les forêts vendues et d’y faire

paître leur bétail. Les ouvriers-bû-cherons devaient obligatoirementêtre de confession catholique et,dans la mesure du possible, origi-naires de Salvan. La dernière clausedu contrat était de loin la plus im-portante, comme nous le verronspar la suite : les Excellences deBerne s’engageaient à couvrir tousles dommages qui pourraient sur-venir avec le temps, suite à la coupedes arbres.Cet acte de vente, bien que très

ordinaire en apparence, revêtait un ca-ractère particulier, dans le sens où il futapprouvé et ratifié par l’abbé de Saint-Maurice, maître spirituel et temporel dela vallée du Trient. Ainsi, l’abbéCamanis bouleversait une tradition éco-logique séculaire. Toutefois, l’acte devente mentionnait que le fameux boisde Gueuroz, tant protégé dans le passé,n’était pas inclus dans les forêts vendues.L’abbé n’aurait-il été qu’un protecteurpartiel de l’environnement ? Ou aurait-il subi des pressions de Berne, pour quice bois était indispensable ?

Quoi qu’il en soit, les conséquen-ces de ces coupes de bois furent catas-trophiques, tant pour l’environnementque pour les habitants de la vallée. Cesderniers, dans une requête adressée à

L’EXPLOITATION FORESTIÈRE À SALVAN AU XVIIIE SIÈCLE

La charmante petite vallée de Gueuroz a étéprotégée des coupes de bois intempestives.Xylographie de 1874 (Gattlen 3284).

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22 LES ECHOS DE SAINT-MAURICE

Leurs Excellences de Berne en 1733, dé-crivirent les causes de leur malheur.Suite à l’intense exploitation de leursforêts, le sol devint instable à tel pointque les pluies entraînaient de la terre etdes pierres au fond de la vallée « sansque rien ne puisse les arrêter ». Les ar-bres ne jouaient plus leur rôle de bar-rière contre les éboulements, si bien quele torrent du Trient était obstrué par en-droit, formant ainsi de petits étangs. Enseptembre 1732, lors de fortes pluies,ces barrages naturels cédèrent et une im-portante quantité d’eau, de boue et depierres grossirent le torrent et détruisi-rent la digue qui servait à protéger lesterres cultivées. Celles-ci furent partiel-lement inondées. Les entrepreneurs dessalines donnèrent du bois et participè-rent aux travaux de réparation de la di-gue.

Au mois d’août de l’année sui-vante, la situation empira considérable-ment. Lespluies entraî-nèrent à nou-veau des dé-chets qui, ens’accumulantau pied de ladigue, firentdéborder letorrent. Lesterres furentdévastées parles eaux. Selonles habitantsde Salvan, lesr épa ra t ionss’annonçaientdifficiles et lesarbres n’al-

laient donner aucun fruit avant 20 ou30 ans. C’est pourquoi ils mentionnè-rent la clause de l’acte de vente, selonlaquelle l’État bernois s’engageait à fi-nancer la réparation d’éventuels dégâtscausés par la coupe. Ils ajoutèrent quele travail des quelques bûcherons deSalvan devenait de plus en plus dange-reux, qu’ils y risquaient leur vie. Enfin,ils rappelèrent que les coupes faites surles terrains appartenant à Martigny, del’autre côté de la vallée, avaient entraînéla destruction des jeunes plantes etdonc, la perte de pâturages. Mais cela,la commune pouvait le supporter pour« marquer son respect et sa soumissionà Berne ».

Une trentaine d’années aupara-vant, en 1705, quand les réserves de boisdes quatre mandements d’Aigle furentépuisées, Pierre Barbe fut chargé parBerne d’acheter du bois à la communede Martigny pour l’exploitation des sa-

Le fameux pont du Gueuroz a été construit en 1934 sur une armatureen bois. Cet impressionnant cintre fut monté par l’entreprise de charpente

Richard Coray, des Grisons.

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23LES ECHOS DE SAINT-MAURICE

LE RÔLE DU BOIS DANS LES SALINES DE BEX

Dès 1554, les salines de Bex étaient une propriété de l’État bernois. Ilconfia leur exploitation à un notable qui se montra si peu efficace que Bernereprit les salines en régie directe en 1685. La productivité resta faible jus-qu’à la découverte d’un gisement important vers 1700. Dans la même pé-riode, le système de pompage fut amélioré.

Le sel n’était pas extrait sous sa forme solide, mais liquide : la saumure.Celle-ci était remontée à la surface par une sorte de roue actionnée par deschevaux, puis conduite par des canaux vers des chaudières. Grâce à des feuxde bois, l’eau était évaporée, ne laissant que le sel au fond des chaudières.Enfin, il était séché sur des braseros et stocké sous forme de pains.

Le bois était consommé en grandes quantités : pour récupérer une tonnede sel, il fallait une tonne et demi de bois. Et les salines produisaient de1000 à 1500 tonnes de sel par an, au XVIIIe siècle. C’est pourquoi les forêtsavoisinantes furent très vite épuisées et la direction des salines dut en ache-ter ailleurs. En 1705, elle s’était déjà adressée au gouvernement de Marti-gny pour lui acheter son bois dans la vallée du Trient. Puis en 1720, elleacheta celui de la commune de Saint-Maurice.

Vue de la Saline de Bévieux, dans le Mandement de Bex, gouvernement d’Aigle,Canton de Berne. Dessiné par de Barbier Lainé. Gravé par Maillet.

(Archives de l’Abbaye de Saint-Maurice)

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24 LES ECHOS DE SAINT-MAURICE

lines. Les Salvanins, craignant une pé-nurie de bois dans leur vallée, s’opposè-rent à cette vente et se plaignirent auprèsde l’évêque de Sion, maître spirituel duValais. Ce dernier, après un entretienavec le procureur de Martigny, approuval’acte selon lequel cette ville vendait sonbois de la vallée du Trientaux salines de Bex pour lasomme de 50 pistoles.

Il est curieux deconstater que lesSalvanins, une annéeaprès s’être opposés à lavente des bois de Marti-gny, vendirent à leur tourleurs forêts en étant cons-cients qu’ils perdraient unréservoir de ressources na-turelles. En tous les cas, lasuite des événements leura certainement fait regret-ter cette décision. Toute-fois, ils reçurent rapide-ment une réponse à leurrequête. En 1734, dansune lettre destinée à Mon-sieur Claret, procureur del’abbaye de Saint-Mauriceet futur abbé, la directiondes salines promettait deverser la somme de 100écus pour remettre leTrient dans son lit et « compenser lespertes et malheurs que les habitantsavaient soufferts ».

Par la suite, l’abbé Claret renouaavec la politique de protection des fo-rêts en interdisant aux Salvanins de cou-per du bois dans la vallée. Par ailleurs, ilréglementa la chasse et la pêche en auto-risant quelques personnes seulement à

les pratiquer, à condition qu’elles luiprésentent les premières prises. Notonsque les réglementations de la chasse neconcernaient que le bois du Gueuroz.

Le déroulement de ces événementsest clairement relaté dans quelques do-cuments des archives de l’Abbaye de

Saint-Maurice. Toutefois, des incertitu-des subsistent quant aux motivationsdes différents acteurs. Les abbés,d’abord, ne protégeaient qu’une parcelledes bois de Salvan, le bois de Gueuroz.Les Salvanins y étaient soumis à de nom-breux interdits et ce, même pendant queles salines se ravitaillaient en bois dansla vallée. L’abbé Camanis n’était donc

Le flottage du bois dans les gorges du Trient n’était pas sansdanger ! Xylographie de 1874 (Gattlen 3282).

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25LES ECHOS DE SAINT-MAURICE

pas complètement insensible à la ques-tion environnementale. Peut-être quel’Abbaye accordait de l’importance auseul bois de Gueuroz, sans se soucier dureste de la vallée dont dépendaient leshabitants ? Quant à ces derniers, ilsétaient conscients du danger que repré-sentait une coupe abusive de bois dansleur vallée, comme le montre leurplainte à l’évêque. Pourtant, leurs nomsfigurent en tête de l’acte de vente, alorsque l’Abbaye ne fait que donner son ap-probation. Ont-ils subi quelque pres-sion ? Ou étaient-ils attirés par l’argent ?Enfin, les responsables des salines etderrière eux, les dirigeants de Berne, nese sont guère souciés des conséquencesde leurs actes. Pour eux, seule comptait

Cette gravure de P. Vancolani (1810) montre le passage sous le pont de Saint-Mauriced’un immense radeau de bois destinés à l’immigration (Gattlen 265).

la productivité des salines. La défores-tation toucha plusieurs régions du Va-lais qui vendait volontiers son bois à sesvoisins (Genève, Vaud, la Savoie…)Comme nous l’avons vu, cette politi-que a parfois conduit à des catastrophesnaturelles et humaines.

Sébastien Bourquin

Source : Inventaire Charles : archives del’abbaye de St Maurice ; tiroir 15, paquet 3.

Bibliographie : BERGIER, Jean-François,Une histoire du sel, Fribourg, 1982. COQUOZ,Louis, Histoire et description de Salvan et Fins-Hauts, Lausanne, 1899. KUONEN, Théodore,Histoire des forêts de la région de Sion du MoyenAge à nos jours, Sion, 1993. ROBERT, Jean-Fran-çois, La régie des forêts et des bois à Lausanne auXVIIIe siècle, Lausanne, 1992.

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26 LES ECHOS DE SAINT-MAURICE

« Renouveler le catholicisme »*, telest bien l’enjeu de certains milieux ca-tholiques au tournant du XXe siècle.Sans être trop schématique, on pour-rait dire que ce renouvellement oscilleentre l’ultramontanisme et le libéra-lisme. Entre ces deux écueils, on peutpourtant distinguer des hommes qui re-fusent la routine d’autrefois et lesmoyens ordinaires sentant la décrépi-tude de la vieillesse. La crise, au senspropre du terme, qui secoue l’Églisedurant cette période demande du nou-veau, de l’extraordinaire. Ces hommes,tant clercs que laïcs, refusent de pren-dre « leurs quartiers d’hiver dans les sa-cristies ou les sanctuaires, où entourésd’une petite troupe de fidèles », ils pour-raient « se préserver, eux et leurs amis,de la contagion envahissante1 » du siè-cle.

Nous connaissons bien les noms deces hommes : le R. P. Lacordaire, Fré-

déric Ozanam, le comte de Montalem-bert, Monseigneur Ketteler de Mayence,les cardinaux Lavigerie d’Alger, Man-ning de Westminster, Gibbons de Bal-timore, Mermillod de Fribourg et sur-tout le pape Léon XIII. A l’ombre deces « géants », il y eut aussi une multi-tude de personnes, d’œuvres et de relaispour « réconcilier l’Église avec le Siè-cle ».

Nous nous proposons d’étudier un« épisode » de cet essai de renouvelle-ment de la culture catholique en Suisseromande et en Valais avec la revueL’Éveil fondée par le chanoine JosephMariétan de l’Abbaye de Saint-Maurice.

Nous brosserons, brièvement, letableau de la situation sociale du Valaisà la charnière des XIXe et XXe siècles.Puis dans un second temps, nous étu-dierons le milieu et les personnes quiont préparé directement ou indirecte-ment l’avènement d’une revue socialeet religieuse. Finalement nous analyse-rons la revue en elle-même et essayeronsde retracer son parcours et sa chute. Enconclusion, nous nous interrogerons surles raisons de l’échec apparent d’une telleentreprise.

RENOUVELER LE CATHOLICISME ?

AUTOUR D’UNE REVUE SOCIALE ET RELIGIEUSE

L’ÉVEIL (1908-1912)

* Cet article a été présenté dans le cadre duséminaire « Les cultures politiques en Suisse(XIXe et XXe s.) », dirigé par M. F. Python,professeur d’histoire contemporaine, généraleet suisse à l’Université de Fribourg.

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27LES ECHOS DE SAINT-MAURICE

LE VALAIS AU TOURNANT DUXXe SIÈCLE2

Au XIXe siècle, le Valais ne connaîtpas de classe ouvrière au sens strict duterme, mais au tournant du XXe siècleune rapide industrialisation va voir lejour.

On pourrait choisir comme datesymbolique le 29 septembre 1891, jouroù l’État du Valais accorde la premièreconcession hydraulique. Dès lors, lesconcessions vont se succéder, l’industrielourde va commencer à s’installer dansla plaine et l’on va effectuer le perce-ment du tunnel du Simplon achevé en1906. Les industries vont se concentreren plaine dans les centres de Sierre,Chippis, Sion et Monthey.

En 1890, on ne compte que 15établissements soumis à la loi sur les fa-briques ; en 1917, ils sont au nombrede 91. Entre 1891 et 1928, l’État ac-corde 134 concessions hydrauliques, cequi représente le 20 % des forces exploi-tées en Suisse. À Chippis, de 1908-1916, on passe de 1 à 1’250 fours à alu-minium. L’industrie chimique bâloises’installe à Monthey en 1908 et son chif-fre d’affaires augmente de façon expo-nentielle durant les cinq premières an-nées. En 1908, elle produit pour fr.375’000.- d’indigo, ce chiffre passe à1,5 million en 1909 et à 4 millions en1913.

Le nombre des ouvriers passe de640 en 1895 à 7’919 en 1917. Unegrande majorité de travailleurs est toutd’abord composée de paysans dont letravail de la terre n’assure plus un re-venu décent. Il s’agit du type de pay-san-ouvrier qui ne réside pas dans lescentres urbains mais qui rentre chaque

jour dans leurs vallées. Parallèlement onassiste à l’accroissement du nombre detravailleurs ne vivant que de leur travailen usine. Ils sont généralement étran-gers au canton ou viennent d’Italie etde Savoie. En 1899, on recense 8’977travailleurs étrangers en Valais. L’aug-mentation des travailleurs étrangers esten partie due au percement de la voiedu Simplon. Le Conseil l’État se voitdans l’obligation de créer une commis-sion de trois membres afin d’assurer debonnes conditions de vie et d’hygièneaux travailleurs. De plus, une école delangue italienne ainsi qu’une aumône-rie sont ouvertes afin de répondre auxbesoins des ouvriers.

L’encyclique Rerum novarum, pu-bliée en 1891, par Léon XIII eut peud’impact en Valais. Il faut dire que lespremières ébauches de syndicats ont étémises en place par des travailleurs ex-tra-cantonaux et que les Valaisans, tantouvriers-paysans que politiciens crai-gnent d’y voir un élémentdéstabilisateur. Pour tout dire, ils necomprennent pas vraiment les problè-mes sociaux qui semblent étrangers auValais traditionnel et conservateur. Lesmilieux catholiques regroupés dans laPius Verein fondé en 1861 conserve uneattitude plutôt paternaliste face aumonde ouvrier. La section sédunoise sedistingue, toutefois, en fondant unecaisse maladie en 1895.

Dans ce contexte, on peut com-prendre que la Fédération romande ade la peine à s’implanter en Valais. Lorsde son assemblée générale le 22 septem-bre 1893 à Vevey, le chanoine deCocatrix représente les deux sectionsvalaisannes, Vouvry et Bagnes. Le

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28 LES ECHOS DE SAINT-MAURICE

25 juillet de la même année, la Fédéra-tion romande tient ses assises à Saint-Maurice afin de donner une impulsionau mouvement en Valais. En 1896, lechanoine Paul Bourban de Saint-Mau-rice publie une brochure au titre signi-ficatif concernant le changement desmentalités qui est en train de s’opérer :L’Église et la question sociale. En 1897,Monseigneur Jardinier, évêque de Sion,publie une lettre pastorale afin d’encou-rager la création des associations de jeu-nesse sous la houlette du curé. Cepen-dant, la préoc-cupation duclergé valaisann’est pas desensibiliser lajeunesse auxquestions so-ciales mais plu-tôt de la préser-ver du « radica-lisme ». En1903, la Fédé-ration ro-mande necompte que135 membresvalaisans répar-tis en 5 sec-tions sur un to-tal de 4405membres et de37 sections.

Les événe-ments semblent prendre une autre tour-nure dès 1904. Les 10 et 11 septembrese tient à Sion le congrès de l’Associa-tion catholique suisse qui va fusionneravec la Fédération romande et leMänner und Arbeitverband pour for-

mer l’A. P. C. S. (Association populairecatholique suisse). Cette date marquele début effectif du catholicisme socialen Valais.

LE CHANOINEJOSEPH MARIÉTAN

Joseph Tobie Mariétan est né le2 février 1874 à Val d’Illiez en Valais.De 1888 à 1894, il effectue ses classessecondaires au Collège de l’Abbaye de

Saint-Mauriceoù il est remar-qué pour sesexcellents résul-tats. En 1890,il devientmembre de lasociété d’étu-diants du col-lège, l’Agaunia.Il présidera auxdestinées decette sociétédurant l’annéescolaire 1893-1894. Aprèsavoir obtenu saMaturité, ilcommence lenoviciat chezles chanoinesde Saint-Mau-rice, le 28 août

1894. Il émet ses vœux simples le 4 sep-tembre 1895 et commence le cycle desétudes de théologie à l’école abbatiale.Il devient membre de la Fédération ro-mande3 en 1897 et participe aux Semai-nes sociales en France4. Le 4 septembre

Mgr Joseph Tobie Mariétan (1874-1943).

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29LES ECHOS DE SAINT-MAURICE

1899, Joseph Mariétan est revêtu du ca-mail rouge des chanoines en faisant saprofession solennelle perpétuelle auchœur de l’antique Abbaye. Il est or-donné prêtre un an plus tard et partpour Fribourg où ses supérieurs l’en-voient poursuivre des études5. En 1900,il obtient un doctorat en philosophieavec une thèse portant sur « Problèmede la classification des sciences d’Aris-tote à St-Thomas6 ».

De retour à l’Abbaye, il est nomméprofesseur de la classe industrielle et sur-veillant à l’Internat. En 1901, il fondeavec quelques étudiants le Grouped’études sociales qui deviendra ensuitele Cercle d’études sociales. Ce derniersera supprimé en 19077. Parallèlement,il fonde, en 1903, un autre grouped’études avec M. Charles Haegler pourles jeunes de la ville de Saint-Maurice,le Cercle social de Saint-Maurice8. Lamême année, il s’engage activement auxcôtés de son confrère le chanoine LouisCergneux afin de le soutenir dans lafondation de l’Œuvre Saint-Augustinpour la diffusion de la bonne presse9.En 1905, il est membre du premier co-mité de la fédération cantonale del’A. P. C. S. En réponse au Motu propriosur la musique sacrée (22 novembre1903) de Pie X, le chanoine Mariétancrée en novembre 1907 une chorale gré-gorienne au collège. Ne s’arrêtant pasen si bon chemin, il se fait l’apôtre de lafondation des Céciliennes dans le Va-lais romand10. En 1908, il reprend larevue du Collège, Les Échos de Saint-Maurice ; il la transforme en une revuesociale et religieuse : L’Éveil. Il estnommé professeur de rhétorique en 190911.

UNE LENTE PRÉPARATION

Comme le rappelle, fort justement,J.-.F. Sirinelli dans un article consacréaux intellectuels, citant J. Julliard : « lesidées ne se promènent pas toutes nuesdans la rue12 ». La dimension sociale en-gagée de la revue L’Éveil a été préparéepar le milieu dont elle est issue : l’Ab-baye de Saint-Maurice et son collège.

Nous retiendrons ici plusieurs« moments » de ce milieu culturel par-ticulier qu’est l’antique monastère autournant du XXe : tout d’abord l’actionsociale d’un précurseur, le chanoineGard, puis la publication d’une confé-rence du chanoine Paul Bourban, dansle sillage de Rerum novarum, ensuite lesactivités des chanoines Cergneux etMariétan, et pour finir, le Cercle d’étu-des sociales et Les Échos de Saint-Mau-rice.

Un précurseur : le chanoine Gard

Maurice Eugène Gard est né en1824 à Bagnes, entré à l’Abbaye en1841, il étudie la philosophie à Romede 1844 à 1845. À la suite du Sonder-bund, l’État du Valais ayant rassemblé àSion l’enseignement de type gymnasial,le chanoine Gard est choisi comme pro-fesseur de philosophie. Le succès dujeune professeur fut tel, qu’il dut don-ner des cours aux adultes de la capitalevalaisanne. On peut y voir l’embryondes futurs Cercles d’études. En effet,contrairement à la mentalité ecclésias-tique ambiante, le chanoine Gard con-naissait la philosophie contemporainequ’il réfute ou affine à l’aide de la syn-thèse thomiste. En 1859, le collège seretrouve à nouveau dans les murs de

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La première page du manuscrit du Problème de la classification des sciencesd’Aristote à St-Thomas (AASM).

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l’Abbaye et le chanoine est rap-pelé à Saint-Maurice, où il apour élève le futur chanoineBourban13.

Lors de son professorat àSion, il a vu des enfants aban-donnés. Il réagit en établissanten Valais les Conférences desaint Vincent de Paul etl’Œuvre de la Sainte-Enfance.En 1859, lors d’une réuniondes deux sociétés, il expose sonprojet de créer un orphelinatpour les filles près de la cha-pelle des Martyrs à Vérolliez.Les ordinaires de Sion et deSaint-Maurice, ainsi que l’Étatdu Valais approuvent ce projetet le soutiennent. C’est ainsique le 8 septembre 1861 l’or-phelinat de Vérolliez est inau-guré par Monseigneur ÉtienneBagnoud, Abbé de Saint-Mau-rice. Même si cette œuvre so-ciale ne semble pas originale,elle l’est dans sa forme. Il s’agit,en effet, d’un orphelinat centralisé pourle Valais et dans chaque district du can-ton le préfet est responsable de cetteœuvre : il doit organiser les quêtes ettrouver des familles d’accueil pour lesenfants. Afin de s’occuper des orpheli-nes, le chanoine Gard fonda une nou-velle congrégation religieuse, les Sœursde Saint Maurice14.

En 1879, on adjoint à la fondationde Vérolliez un orphelinat de garçonset un asile de vieillards, qui ne connaî-tront par la suite de grandes vicissitu-des.

Avant de quitter ce monde, en1890, le chanoine Gard crée encore

deux filiales de Vérolliez en France, àNîmes et à Aigues-Mortes15.

Le chanoine Bourban et la questionsociale

Le 4 octobre 1894, le chanoinePierre Bourban présente un mémoire,lors d’une réunion de la Société helvé-tique de Saint-Maurice17, qui a poursujet la question la sociale. Le texte decette intervention sera édité à Fribourgdeux ans plus tard sous le titre de« L’Église et la question sociale18 »

Le thème de cette conférence n’estpas original depuis l’encyclique Rerumnovarum de Léon XIII ; l’originalité ré-

Le chanoine Maurice Eugène Gard (1824-1890).

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side plutôt dans la manière de traiter lesujet et de le présenter au milieu intel-lectuel local puis, par le biais de sa pu-blication, aux intellectuels deRomandie.

L’encyclique sociale fut plutôt ti-midement accueillie en Valais toutcomme en Suisse romande du reste19.On pouvait sans doute reprocher ou dumoins faire remarquer le caractère no-vateur du texte qui ne pouvait que dé-ranger un milieu conservateur commele Valais. La remarque incisive que re-lève Jacques Francisque, une dizained’années plus tard illustre bien cette at-titude frileuse : « Aux yeux de certainshommes l’Église, il suffit de s’intéresserà ceux qui peinent et qui souffrent etcela autrement que par la méthode tra-ditionnelle de l’aumône directe et de laprédication de la patience, pour êtretaxés d’apostats et se voir adresser je nesais quels autres aimables qualifica-tifs20 ! » Le chanoine Bourban se pro-pose en fait de justifier historiquementRerum novarum, dont il n’hésite pas àécrire qu’elle est comme « la porte d’oroù le Souverain Pontife a pu rentrerpour le quart d’heure d’un pied seule-ment, dans ce champ d’interventions enfaveur des faibles21 ». On peut releverque le chanoine Bourban définit l’en-cyclique comme un début timide d’ac-tion sociale qu’il envisage tel un « champd’interventions ».

La suite de la conférence se pro-pose de « montrer comment les faibleset les pauvres ont été, dans les âges chré-tiens, soustraits aux tribunaux civilspour n’être jugés, dans leurs intérêts ci-vils, que par leur Mère la sainteÉglise22 ». Il illustre cette première par-

tie en présentant par « divers recours auPape, et spécialement par deux recoursde la part de la commune de Salvan,comment l’opprimé du moyen âge pou-vait passer par-dessus son seigneur et lestribunaux du pays pour aller porter sacause directement au Souverain Pon-tife23 ». Il justifie ses points de vue pardifférentes citations des Pères de l’Église,

Le chanoine Pierre Bourban (1854-1920).

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des théologiens médiévaux ainsi que parun arsenal de citations du Corpus IurisCanonici.

Il termine son étude historique enrelevant les deux dangers qui menacentla vie sociale à son époque et déjà stig-matisés par Léon XIII. Tout d’abord lecapitalisme « sauvage » qui traitel’ouvrier comme une machine et qui estuniquement motivé par le gain. Il y voitun manque de respect de la dignité hu-maine. Ensuite, il montre du doigt lemonde ouvrier « dont on a ravi la foi etamoindri les lumières de la raison24 ».Ceux-ci réclament des droits qui sontsouvent mêlés à « leurs appétits déchaî-nés ». Cette tension peut provoquer unegrande perturbation sociale. C’est pour-quoi, il préconise une solution : « LePape, et le Pape Roi, appuyé par les gou-vernements, placé, l’Évangile à la mainentre ces deux armées menaçantes. LePape disant aux uns et aux autres leursdroits, mais bien plus encore leurs devoirs25 ».

Par-delà cette étude historique, lechanoine Bourban semble inviter sesauditeurs puis ses lecteurs à prendre ausérieux l’encyclique de Léon XIII, enleur montrant qu’elle n’innove pasquant au fond mais seulement quant àla forme et qu’il est vital de réagir.

Le chanoine Louis Cergneux

Le chanoine Louis AugustinCergneux est né le 16 avril 1867 àSalvan. Après une formation commer-ciale, il entre à l’Abbaye le 4 août 1889.Ordonné prêtre en 1894, il occupe en-suite divers postes au collège, notam-ment surveillant de l’internat, profes-seur et directeur de la Congrégation desEnfants de Marie.

En 1899, il fonde Les Échos deSaint-Maurice. Ces derniers serontd’abord imprimés, par ses soins, danssa cellule de chanoine. En 1900, il laissela petite « imprimerie » à l’Abbaye etinstalle une nouvelle presse à l’Avenuedes Terreaux dans une vieille bâtisse. Ils’adjoint quelques jeunes filles, dontMarie-Thérèse Sidler, qui deviendront

les fondatrices de l’Œuvre Saint-Augus-tin. En 1903, il fonde avec CharlesHaegler le Nouvelliste. Du côté de l’Ab-baye, le chanoine Cergneux trouve sur-tout de la méfiance même s’il est en-couragé par son confrère le chanoineJoseph Mariétan. En 1903, il expose sonprojet à Monseigneur Paccolat et audiscrétoire :

Monseigneur, je vais prononcer uneparole grave, mûrie par la réflexion et laprière : Dieu m’appelle à travailler à sa gloireet au salut des âmes dans le ministère desœuvres.

Le chanoine Louis Cergneux (1867-1931).

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(…) J’abrège, Monseigneur, et vaisdroit au fait : je sollicite humblement devotre Grandeur, mon Supérieur et mon Père,pour ce qui me concerne, l’autorisation :

1. de créer, en compagnie de M. lechanoine Nantermod l’Œuvre de la BonnePresse à Saint-Maurice et à Sion ;

2. de former à cet effet des personnesqui se voueraient à l’Œuvre ;

3. de créer ensuite un asile pour lesvieillards pauvres et abandonnés du Bas-Valais.

Ce sont les trois points essentiels quirentrent, d’ailleurs j’en ai la certitude, dansles vues du clergé valaisan, lequel salueraavec joie la naissance de ces œuvres.

4. œuvre des orphelins,5. œuvre pour les vocations,6. œuvre pour la visite des malades et

des pauvres, et apprendre l’ordre et l’écono-mie de travail.

J’ouvre ici une parenthèse. Il ne fau-drait pas, Monseigneur, vous laisser influen-cer par cette crainte, que j’entends si sou-vent, d’endetter l’Abbaye. L’Abbaye n’entrerapour rien dans la question matérielle de cesœuvres, si telle est sa volonté. Quant au côtémoral, par ma participation, elle ne peutqu’en tirer des avantages de popularité. Onaime les œuvres de bienfaisance et, malheu-reusement, elle n’est que trop accréditée lalégende d’une Abbaye qui ne fait rien pourles pauvres et ceux qui souffrent. Serait-celà un apostolat superflu ?

(…) Je vous laisse, Monseigneur, à cesréflexions que je place dans le Cœur adora-ble de Jésus à qui d’avance toutes ces œuvressont consacrées. Je rappellerai en finissantun mot de Léon XIII aux prêtres français :« Soyez aux œuvres du peuple ». Attendantde votre sagesse cette permission qui aura,j’en suis sûr, d’heureux fruits pour les âmes.La bonne presse sera opposée à la mauvaise,les enfants et les vieillards seront logés etnourris, l’âme et le corps de nos frères serontsecourus, et nous mériterons avec la recon-

naissance des gens de bien, la récompenseque Dieu a promise à ceux qui travaillent àsoulager ses membres souffrants. « Ce quevous aurez fait au dernier de mes frères, jele regarderai comme fait à moi-même26. »

La lettre du chanoine Cergneux,dont nous avons cité de larges extraits,nous renseigne sur l’émulation socialequi règne à l’intérieur des murs de l’an-tique couvent ainsi que les tensions quien résultent entre ce que nous pouvonsappeler les « anciens » et les « moder-nes ». Les tensions vont aboutir à l’éloi-gnement du chanoine Cergneux,nommé, un mois après cette lettre, vi-caire au Châble dans la vallée de Ba-gnes. Les œuvres sociales, ainsi que LesÉchos, sont confiées au chanoineMariétan.

Le Cercle d’études sociales

En décembre 1901, comme déjàmentionné, le chanoine JosephMariétan, avec l’aide de quelques étu-diants, fonde le Groupe d’études socia-les qui deviendra rapidement le Cercled’études sociales. Notons au passage quela fondation d’un tel groupement n’estpas insolite en Suisse romande. La fonc-tion de ce genre de cercles a été définiepar l’Association catholique – revue desquestions sociales et ouvrières : « Un grou-pement assez restreint, très fermé etstrictement confessionnel, composé dejeunes gens, discutant et étudiant entreeux certaines questions qui, par la fré-quence de leur rappel, finissent par de-venir de ces questions vitales qu’il n’estpas permis à un citoyen éclairé d’igno-rer27. »

La direction du Cercle est assuméepar le chanoine Mariétan secondé de ses

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confrères : les chanoines Chambettaz,Grob et de Werra.

La fondation du Cercle est saluéejusqu’en France par les revues sociales :Le Sillon ; L’Aube, l’organe des Cerclesd’études de Seine-et-Oise ; ainsi que parla Chronique du Sud-Est.

Les sujets d’études proposés auxmembres pour la première année sontassez significatifs des préoccupations del’heure : la question sociale, les impôts,la légitimité, l’utilité sociale de la vieretirée et solitaire, la liberté et les liber-tés, la Question romaine, etc.

Dès 1903, le Cercle se dote de sta-tuts et précise ses buts par de la plumede Simon Brahier, étudiant en Huma-nités. La définition « classique » et fi-nalement assez neutre de l’Associationcatholique est remplacée par une visionplus large de l’action du Cercle : « Pré-parer les membres par l’étude des ques-tions religieuses et sociales au rôle qu’ilssont appelés à jouer dans la vie prati-que, pour la défense des intérêts reli-gieux, intellectuels et matériels du peu-ple28 ».

De cette définition, on peut déjàdégager les trois axes fondamentaux del’action du chanoine Mariétan : le spi-rituel, l’intellectuel et le social. Nous re-trouverons ces trois centres d’intérêtsprésents implicitement dans Les Échosde Saint-Maurice et dans L’Éveil.

Le livre de base pour les réunionshebdomadaires du cercle est le célèbreCatéchisme social du R. P. Léon Dehon,qui est largement utilisé dans les Cer-cles de France et de Suisse29.

Le Cercle d’études sociales est ad-mis, en juin 1903, au sein de la Fédéra-tion romande en session à Romont30.

Il semble que le Cercle n’ait pas« pris » dans le terreau du collège. Lenombre de participants reste assez fai-ble, entre dix et quinze. De plus, en li-sant entre les lignes les réponses aux cri-tiques et les chroniques du collège, onpeut discerner un souci constant de jus-tifier l’action du Cercle aux yeux del’institution. Il faut dire que ce genrede groupement fait directement concur-rence à la « toute-puissante » Agaunia,la société d’étudiants du collège. Aprèssix ans d’activités, le Cercle d’étudessociales disparaît discrètement de lascène du collège. Il ne faut cependantpas négliger le fait que le Cercle fut, sansdoute, le laboratoire où s’est élaboré leprojet qui devait voir le jour un an aprèssa disparition : L’Éveil.

Les Échos de Saint-Maurice

En 1899, le chanoine Louis Augus-tin Cergneux lance l’idée d’une revuepour le collège afin de servir de lien avecles anciens élèves. Il cherche des colla-borateurs parmi les étudiants du collègeainsi que chez les anciens, il trouva àFribourg deux jeunes universitaires pourcollaborer à la nouvelle publication : LesÉchos de Saint-Maurice. Le chanoineCergneux est aidé dans sa tâche rédac-tionnelle par un de ses confrères, le cha-noine Eugène Gross31.

Dès la deuxième année de publi-cation, la rédaction décide d’élargir lerayon d’action de la revue en « offrantaux jeunes le moyen d’essayer leurplume » et à tous, « l’occasion de semerdes idées, de développer le goût de labonne et saine littérature32 ». Le nom-bre de pages va par ailleurs progressive-ment augmenter : de seize, il passe à

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vingt-quatre, puis à trente-deux.Dès 1903, sous l’influence du cha-

noine Mariétan, les pages des Échos vontfaire une large place aux problèmes so-ciaux. Cette maturation marque aussi« une prise de pouvoir progressive » duchanoine Mariétan au sein de la rédac-tion.

Dans l’article liminaire de décem-bre 1907, le chanoine Mariétan relatebrièvement les différentes étapes desÉchos et annonce la fondation d’unenouvelle revue : L’Éveil – revue sociale etreligieuse.

Il faut relever que ce changementd’orientation a été préparé dès 1905 parune série d’articles du R. P. BernardBurquier sur l’utilité de la presse catho-lique33, par un article de Pierre L’Er-

mite34 ainsi que par le chanoineMariétan lui-même qui affirme que lerôle de la presse catholique est de « com-battre l’influence de la mauvaise presseet étendre le règne de Jésus-Christ35 ».

Synthèse

Comme on a pu brièvement leconstater, le milieu intellectuel et spiri-tuel de l’Abbaye de Saint-Maurice a of-fert un terrain propice à l’avènementd’une revue à caractère social qui ne se-rait en fait que la vitrine extérieure decet apostolat. Cependant on doit aussirelever qu’une telle option ne va pas desoi. Même si le chanoine de Cocatrixreprésente les deux sections valaisannesde Vouvry et de Bagnes au congrès dela Fédération romande en 1893, il n’estpas représentatif de l’Abbaye. L’idéed’une action sociale reste l’apanage d’unpetit nombre de chanoines, parmi les-quels les chanoines Gard et Bourbanfont figures de précurseurs.

L’apostolat par les œuvres au seinde la communauté des chanoines s’ap-puie sur le chanoine Mariétan ainsi quesur le chanoine Cergneux, qui sont leschevilles ouvrières au tournant du XXe

de l’action sociale autour de l’antiquemonastère.

UNE REVUE SOCIALE ET RELI-GIEUSE : L’ÉVEIL

En abordant l’étude directe de larevue du chanoine Mariétan, nous noustrouvons devant le problème des sour-ces. Le fonds de Monseigneur Mariétanaux archives de l’Abbaye de Saint-Mau-

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37LES ECHOS DE SAINT-MAURICE

rice ne conserve aucun do-cument antérieur à son sa-cre en 1914, si ce n’est unequinzaine de lettres du cha-noine Cergneux datant de1904 et quelques notes decours universitaires. Les ar-chives de l’Œuvre Saint-Augustin, ne conserventaucun document concer-nant L’Éveil, dont l’Œuvreassurait l’impression et l’ad-ministration. Le fonds del’Association populaire ca-tholique suisse, conservéaux archives de l’État deFribourg nous fournitquant à lui quelques mai-gres renseignements quenous essayerons d’exploiterau mieux. Les archives duBaron de Montenach con-servées à la bibliothèquecantonale et universitairede Fribourg ne nous ontpas été d’un grand secours.Nous n’avons pu, hélas,leur consacrer beaucoup detemps dans le cadre de lapréparation de cet article.

Le but

Dans le dernier numéro des Échosde Saint-Maurice, en décembre 1907, lechanoine Mariétan annonce et définitla ligne de la future revue. Il souligneque la publication à venir devra travaillersur le terrain social, elle fera une placeplus large à tout ce qui touche au mou-vement social. Le public-cible est repré-senté par les jeunes afin de les initier etde les documenter pour la création

d’œuvres sociales. De plus, il annoncela création d’une « chronique des œu-vres » existantes, afin de stimuler denouvelles créations. La chronique a aussipour but de faire pièce au mouvementsocialiste, comme le relève le rédacteurdans le premier numéro de L’Éveil36. Ilrefuse d’enfermer la revue dans un ho-rizon purement valaisan et veut l’ouvrird’emblée à toute la Suisse romande37.

On peut remarquer que le but decette revue est double, dans l’esprit du

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38 LES ECHOS DE SAINT-MAURICE

chanoine Mariétan. Tout d’abord ils’agit d’une œuvre de propagande pourdoctrine sociale et ensuite un aiguillonstimulant pour susciter de nouvellesforces vives au sein de la jeunesse.

« Le manifeste » de l’abbé Weinsteffer

Dans le premier numéro de la nou-velle revue, l’abbé Laurent Weinsteffersigne un article qui pourrait être regardécomme le « manifeste » du mouvementque voudrait susciter le chanoineMariétan autour de L’Éveil.

Il faut relever que l’abbéWeinsteffer n’est pas un inconnu desmouvements catholiques sociaux. Pro-fesseur au collège de Montriond à Lau-sanne, il entre en novembre 1891 à lasection lausannoise de la Fédération ro-mande. Un an après, il se trouve déjà àla tête de cette section, qu’il présidera ànouveau de 1894 à 1899. En 1895, ildevient vice-président de la Fédérationromande tout en s’occupant de confé-rences et de cours de sciences économi-ques. Conférencier infatigable, il par-court la Suisse romande pour soutenirles cercles par des conférences. Il publieplus de cent quarante articles dans l’or-gane de la Fédération romande (38).

L’abbé Weinsteffer définit l’Éveilcomme « revue catholique (…) mo-derne sans être moderniste (…) de sontemps sans renier le passé39 ».

Il poursuit son article en dévelop-pant la figure rhétorique assez facile dela lutte et du combat qui est bien dansl’air du temps, que l’on soit catholiqueou non : « il s’agit d’une bataille, noncontre des hommes, que nous aimons,non pas contre des personnes qui, mêmed’un autre avis que nous, demeurent nos

frères ; mais contre des idées qui nousséparent de notre vieux « credo » et con-tre des théories qui pourraient nousmener contre lui40. »

Un peu plus loin dans le corps deson article, l’abbé Weinsteffer définitquelles sont les idées et les théories per-nicieuses qu’il faut combattre : « Nousramènerons à leur point de départ lesquestions sociales qui ont dégénéré ensocialisme, les questions doctrinalesqu’on fait dévier, les questions histori-ques qui ont été si souvent dénatu-rées41 »

Nous avons d’un côté la questionsociale et la lutte contre les théories so-cialistes et de l’autre les questions doc-trinales et historiques qui peuvent sé-parer les catholiques de leur « vieuxcredo ». Il s’agit des deux « fronts » deL’Éveil qui est, selon son sous-titre, unerevue sociale et religieuse. Ce doublerayon d’action cadre tout à fait avec lesouci d’endiguer la « crise moderniste »qui bat son plein après la publicationde l’encyclique Pascendi et du décretLamentabili.

L’abbé Weinsteffer propose, toutd’abord, de combattre l’influence dusocialisme, sans le nommer cependant,en suscitant « des œuvres, des groupe-ments, des associations, qui rendrontmoins stériles les efforts qu’il faut ten-ter pour rétablir et étendre autour d’euxle règne social de Jésus-Christ42 ».

Cela rejoint l’idée d’une « chroni-que des œuvres » dans le but de faireécole là où il n’y a pas d’œuvres socia-les.

Cependant, l’abbé Weinsteffer nerelève pas quels moyens il faut utiliserafin de lutter contre les erreurs doctri-

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39LES ECHOS DE SAINT-MAURICE

nales et historiques. On pourrait tenterde répondre, après avoir consulté la re-vue, que la meilleure façon de s’oppo-ser aux critiques contre la foi est de re-nouveler l’apologétique afin qu’elle cor-responde à l’exigence du monde mo-derne.

De combattante, la revue se faitconquérante sous la plume de l’abbéWeinsteffer : « Comme nous n’avonspas la prétention d’être des Chefs et desRéformateurs – tout au plus des soldatsde l’Église et de son Pontife – nous avonsdécidé de « croiser » dans les eaux ca-tholiques et d’amener à nous, à notrecause, toutes les intelligences droites,toutes les âmes de bonne volonté43 »

Cette remarque plutôt bien-veillante de l’abbé, nous laisse entrevoirun côté moins combattant de la revueet un côté plus bienveillant vis-à-vis dumonde. Il semble qu’il reprenne ici lesidées développées par le R.P. Hecker,fondateur des Paulistes aux États-Unisd’Amérique, systématisées par JohnElliott44 ; ainsi que par le livre de Mon-seigneur John Ireland, archevêque deSaint-Paul, dans son livre L’Église et leSiècle45. On pourrait y voir aussi l’in-fluence directe du chanoine Mariétanqui est lecteur de ces ouvrages46 et dontl’abbatiat sera marqué par une ouver-ture à « toutes les intelligentes droites,toutes les âmes de bonnes volontés ».

Ce désir d’éviter les polémiquesinutiles et de réunir les personnes sin-cères apparaît de nouveau sous la plumede l’abbé Weinsteffer dans le liminairedu second numéro : « L’Éveil ne prati-quera jamais la polémique des journauxde partis : il se bornera à compter lescoups qu’il pourrait recevoir et à tra-

vailler, dans sa sphère, au rapproche-ment des âmes sincères dans la pour-suite du même idéal47. »

Les collaborateurs

On peut distinguer deux types decollaborateurs. Tout d’abord le cerclerestreint des amis du chanoine Mariétanqui partagent ses vues sociales, ensuitedes collaborateurs écrivant dans l’Actionpopulaire de Reims et qui participentponctuellement à L’Éveil. Nous sommesaussi en présence d’auteurs écrivant souspseudonymes que nous n’avons pu iden-tifier.

Autour du chanoine Mariétan, onpeut surtout relever la présence du ba-ron de Montenach qui totalise plus detrente-deux articles « fleuves » ainsi quel’abbé Laurent Weinsteffer avec unedouzaine d’articles. On pourrait voirdans ce trio un éventuel « comité derédaction ». En effet, l’abbé Weinsteffera collaboré dès 1900 aux Échos de Saint-Maurice dont il a été un auteur prolixeavec septante-sept articles en sept ans.Le « manifeste » que nous avons pré-senté plus haut, laisse à penser qu’il futune des chevilles ouvrières de la trans-formation des Échos en L’Éveil. Quantau baron de Montenach, dont on con-naît l’influence sur le catholicisme so-cial en Suisse romande, il commence àécrire dès la fondation de L’Éveil etn’écrit plus dans la nouvelle série desÉchos qui réapparaissent dès 1916. Ilfaudrait effectuer une recherche plusattentive dans les archives deMontenach à Fribourg.

Plusieurs collaborateurs de l’Actionpopulaire de Reims fournirent des arti-cles à la jeune revue sociale : l’abbé

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40 LES ECHOS DE SAINT-MAURICE

Bocquet, quatorze articles de 1908 à1911 concernant essentiellement l’apo-logétique ; l’abbé Charles Callipe, sixarticles sur Ozanam de 1911-1912 ;l’abbé Quillet, onze articles sur diverssujets de 1908 à 1911 et l’abbé EugèneBeaupin, cinq articles de 1908 à 1911abordant diverses thématiques.

Nous pouvons aussi relever la pré-sence d’articles écrits sous pseudony-mes : Romain Saint Amé, sept articlessur l’apologétique entre 1908 et 1909et François des Monts, dix articles surdes sujets culturels et littéraires en-tre 1911 et 1912.

Il est assez frappant de relever quepeu de chanoines écrivent dans cetterevue, si ce n’est le chanoine Mariétanlui-même, le chanoine Paul Gaist et lefutur chanoine Burquier, pour l’heureencore Missionnaire de Saint-Françoisde Sales. Serait-ce un signe de désinté-rêt vis-à-vis des œuvres sociales en gé-néral qui marque assez bien le milieufortement conservateur de l’Abbaye ? Ilne serait pas incongru de joindre cemanque d’intérêt aux critiques et auxobjections dont a eu à souffrir le cha-noine Cergneux lors de la fondation del’œuvre Saint-Augustin dès 1904.

On s’aperçoit aussi que le journalne repose pas sur un comité de rédac-tion en tant que tel et qu’il y a peu, voire

pas, de contributions venant de Suisseromande.

Les articles

Nous avons essayé d’établir une sta-tistique des articles groupés en quatresections : social, spirituel, comptes ren-dus de congrès, divers.

On peut constater un certain équi-libre entre les sections en ce qui con-cerne les trois premières années. Le dé-séquilibre apparaît dès 1911, avec unebaisse assez considérable d’articles « spi-rituels » et une augmentation considé-rable des articles « bouche-trous » afinde rendre les numéros assez consistants.

La fin

Dès la fin 1909, la revue connaîtun sérieux passage à vide que relève as-sez clairement le chanoine Mariétan :« Dans un coin de terre de religions dif-férentes, ce n’est pas chose facile que defaire vivre une Revue. Tous ceux qui onttenté cet effort, savent combien est cri-tique dans notre Suisse romande la si-tuation de la Presse. Si nos journaux ontde la peine à continuer leur marche, uneRevue éprouve plus de difficultés en-core48. »

Il semble que l’on reproche à L’Éveilson orientation trop sérieuse, trop éli-tiste dirions-nous. Le rédacteur essaie

social spirituel congrès divers1908 25 (43,1 %) 12 (20,7%) 5 (8,6%) 16 (27,6%)1909 40 (57,2 %) 13 (18,6%) 4 (5,3%) 13 (18,5%)1910 45 (63,4%) 13 (18,3%) 4 (5,6%) 9 (12,7%)1911 40 (55,6%) 6 (8,3%) 3 (4,2%) 23 (31,9%)1912 31 (54,4%) 3 (5,3%) 4 (7,2%) 20 (35,1%)

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de répondre à cette remarque en rele-vant : « Nous croyons faire une œuvreutile en fournissant des matériaux à tousceux qui doivent s’intéresser aux ques-tions de l’heure présente. Et il se trouveque bon nombre de ceux-là (qui criti-quent L’Éveil) ne comprennent pas no-tre effort49. »

Le chanoine Mariétan reprend saréflexion dans le liminaire de décem-bre 191050, où il reconnaît avoir vouluarrêter la publication de la revue : « Carcelle (l’année) qui vient de finir fut loinde nous offrir que des encouragementset de n’enregistrer que des succès. A cer-taines heures même, il nous a sembléque vraiment nous devions renoncer àl’espoir de continuer à tracer notre mo-deste sillon51. »

Il relève que le service de L’Éveildevient de plus en plus difficile et queles moyens d’existence de la revue sontde moins en moins assurés, il s’agit d’uneuphémisme qui indique que L’Éveil estaux abois.

Ce faisant, il pointe le doigt sur unproblème que nous avons déjà évoquéplus haut. Tout d’abord, la revue n’a pasd’assise solide dans les Cercles et au seinde l’A. P. C. S., et cela même s’il estmembre du comité romand. Ensuite, ilévoque en passant le manque de sou-tien des personnes qui l’entourent et quipartagent les mêmes convictions sociales.

Afin de remédier à ces inconvé-nients, le rédacteur corrige quelque peul’orientation de la revue : « Il faudraitpar des articles très simples, initier ceuxqui sont destinés à entrer dans la viepratique sans avoir eu le temps d’abor-der l’étude de la question sociale. Il se-rait heureux de fournir des matériaux

pour les conférences qu’ils seront appe-lés à donner52. »

Ce liminaire reprend implicite-ment l’idée de faire de L’Éveil un auxi-liaire de l’A. P. C. S. En effet, l’A. P. C.S. se propose de créer son propre or-gane et certainement le chanoineMariétan y voit une planche de salutpour sa revue. Il a fait une propositionallant dans ce sens au publiciste MaximeReymond, secrétaire de la section ro-mande de l’A. P. C. S., dans une lettredatée du 22 décembre 1910 : « A pro-pos du Bulletin de l’A. P. j’ai pensé qu’ilserait peut-être possible de le faire en-trer dans L’Éveil : c’est-à-dire que lamatière du Bulletin entrerait pour 16pages dans L’Éveil, quatre fois par an.Cela me fournirait de la matière pour 4numéros. Puis l’on ferait un tirage à partqui constituerait le Bulletin avec sontitre propre. A ces conditions, la com-position étant faite pour l’Éveil, l’Im-primerie Saint-Augustin pourrait certai-nement prendre ce travail à des prix plusfavorables. (…) Que pensez-vous decette proposition qui me rendrait ser-vice pour permettre de continuerL’Éveil ? Je ne sais si, dans les deux der-nières réunions auxquelles je n’ai pu as-sister, il a été question de l’Éveil. Aussije n’ose pas trop insister. Je vous sou-mets simplement l’idée en vous priantde la présenter au comité dans votre rap-port53. »

Cette lettre nous indique très clai-rement que L’Éveil se porte assez mal etque son utilisation par l’A. P. C. S. lesauverait certainement. En consultantles rapports des réunions de l’associa-tion, on constate que l’on ne parle pasde L’Éveil lors des réunions antérieures

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à la lettre et que Maxime Reymond n’apas transmis la proposition du chanoineMariétan au comité romand54. Du reste,en janvier 1911, une circulaire est en-voyée aux 7’000 membres de l’A. P. C.S. annonçant la future parution du bul-letin55. Que s’est-il passé ? Pourquoi untel refus que l’on ne trouve consignénulle part ? La question reste ouverte.

Dans le premier numéro de 1911,L’Éveil publie une lettre de CharlesSaint-Maurice, pseudonyme de Char-les Haegler, rédacteur du Nouvelliste. Ilrépond au bilan assez sombre du cha-noine Mariétan publié lors du numéroprécédent. Charles Saint-Maurice re-prend les deux orientations principalesde L’Éveil, à savoir l’aspect social et l’as-pect spirituel. Il propose de faire de larevue une arme de « l’arsenal catholi-que » en créant une rubrique de con-troverse et de réfutation religieuses afinde s’opposer à l’influence de la presseprotestante telle que le Journal de Ge-nève, la Gazette de Lausanne, le Signalet les Semaines religieuses protestantes.

En ce qui concerne l’aspect social,il propose de sérier les questions socia-les et de rester au « bas de l’échelle » eninitiant les jeunes, par des articles, auxmouvements religieux et sociaux. Il in-vite le chanoine Mariétan à se recentrersur le Valais en faisant de L’Éveil l’or-gane des associations économiques, in-tellectuelles et des cercles du canton. Enbref, il propose que la revue soit un com-plément indépendant de son journal, leNouvelliste56.

Les propositions de CharlesHaegler restent cependant lettres mor-tes et L’Éveil poursuit son inéluctablechute.

En décembre 1911, le chanoineMariétan dresse le bilan de l’année écou-lée. Il l’a trouvée meilleure que prévu.Il invite tout de même ses lecteurs à lafidélité et en appelle aux jeunes qui trou-vent, hélas, la revue trop austère57. Atravers ces lignes, on peut sentir que l’es-prit n’est plus là et L’Éveil est déjà bienmort.

A la fin de l’année 1912, le rédac-teur renonce à faire le bilan de l’annéeet même si l’article du Baron deMontenach laisse présager une suite,L’Éveil ne paraîtra plus.

CONCLUSION

Malgré le manque de sources, nousnous hasardons à émettre quelques hy-pothèses concernant l’échec de la revueL’Éveil.

Dans une brève communication,Michel Blardone58 propose une grille delecture assez pertinente concernant les« cycles » de l’action catholique socialedont nous nous proposons de repren-dre ici les principales lignes de force.

On peut distinguer trois phases :1. La réalisation se définit comme

« l’action militante, les initiatives répon-dent à des problèmes concrets, nou-veaux, pas ou peu pris en compte dansla société59 ». On pourrait considérerl’action sociale novatrice du chanoineGard comme correspondant à cettephase. Après une période d’enrichisse-ment de cette action, on peut constaterune phase d’affadissement qui corres-pond selon G. Blardone à la normalisa-tion des œuvres60.

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2. La réflexion est « stimulée parces réalisations61 ». Il s’agit de la phase« doctrinale » qui aboutit à la publica-tion de documents. Bien sûr on penseici à la célèbre encyclique Rerumnovarum, mais au niveau local on pour-rait insérer dans cette seconde phase l’ac-tion intellectuelle du chanoineBourban, notamment sa conférence surL’Église et la question sociale.

3. La récupération que nous pré-férons appeler ici l’organisation métho-dique des œuvres selon l’esprit des do-cuments publiés. Il s’agit dans le con-texte de Saint-Maurice des œuvres deschanoines Cergneux et Mariétan. Latransformation des Échos s’inscrit danscette troisième phase.

L’échec de L’Éveil s’explique certai-nement par ce que G. Blardone appelle« la dialectique de l’innovation et de lanormalisation ». En effet, L’Éveil sem-ble répondre plutôt à des attentes rele-vant de la seconde phase, celle de la ré-flexion, même s’il s’inscrit dans unephase plus active. La revue est, sur plusd’un point, décalée et inadaptée par rap-port aux milieux auxquels elle désires’adresser et l’on peut remarquer cela dès1910. Elle ne tient pas ou peu comptede la réalité locale, les articles sont trop« élitistes », les problèmes soulevés netouchent pas les masses populaires etl’on a l’impression qu’on reste souventà un niveau théorique mêlé de pieuxsentiments. Cette assise sociale fortemanquant, L’Éveil ne pouvait qu’êtrecondamné à disparaître. Il peut paraî-tre étonnant que le chanoine Mariétann’ait pas pu changer l’orientation de sarevue. On pourrait avancer l’hypothèsefacile que le futur Abbé de Saint-Mau-

rice n’est pas un homme de terrain, qu’ilreste un universitaire, professeur de col-lège dans un Valais encore essentielle-ment rural, et qu’il ne peut rejoindreles problèmes sociaux que de façon théo-rique. Peut-être, mais ne peut-on pasconsidérer que le projet de créer unerevue sociale et religieuse pour la Suisseromande était peut-être trop prématu-rée. Aurait-il fallu se contenter d’actionssociales plus modestes à l’échelle locale ?

Quoi qu’il en soit, l’aventure deL’Éveil est bien autre chose qu’un échec,puisqu’elle a permis et encouragé la créa-tion de multiples œuvres paroissialescomme on peut le constater en parcou-rant les « chroniques des œuvres ». Cesœuvres paroissiales discrètes ont, quantà elles, réellement contribué à renouve-ler le visage du catholicisme en Suisseromande et en Valais. N’était-ce pasaussi un des buts de L’Éveil ?

Chne Yannick-Marie Escher

1. IRELAND John, L’Église et le Siècle, trad. Félix Klein,Paris 1894, p. 32.2. Cf. PITTELOUD Marguerite-Chantal (Sr), « Va-lais », Le Mouvement chrétien-social en Suisse romande1891-1949, Fribourg 1969, p. 421.3. La Fédération romande est l’organisation faîtièredes catholiques de Suisse romande dans le domainesocial de 1888-1903.4. PITTELOUD Marguerite-Chantal (Sr), « Valais »,Le Mouvement chrétien-social en Suisse romande 1891-1949, Fribourg 1969, p. 421.5. BUSSARD François-Marie, « Son Excellence Mon-seigneur Joseph Mariétan, évêque titulaired’Agathopolis », Les Échos de Saint-Maurice 1943 (2),p. 37.6. La thèse est éditée en 1901 aux Éditions Saint-Augustin.7. Ibid. p. 38 ; HAUSER Claude, Le Jura et l’Univer-sité de Fribourg 1889-1974 – Histoire d’un rayonne-ment, Fribourg 1990, p. 178.8. BUSSARD François-Marie, « Son Excellence Mon-seigneur Joseph Mariétan, évêque titulaire

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44 LES ECHOS DE SAINT-MAURICE

d’Agathopolis », Les Échos de Saint-Maurice 1943 (2),p. 42-43.9. GAFAH Pierre-Elise (Sr), Le chanoine Louis Cergneuxet la fondation de l’Œuvre Saint-Augustin, Saint-Mau-rice 1991, p. 36.10. BUSSARD François-Marie, « Son ExcellenceMonseigneur Joseph Mariétan, évêque titulaired’Agathopolis », Les Échos de Saint-Maurice 1943 (2),p. 47-48.11. Ibid. p. 38.12. SIRINELLI Jean-François, « Les intellectuels »,Pour une histoire politique, Paris 1988, p. 226.13. MICHELET Marcel et DAYER Isaac, Un prêtredu vieux pays : Le prieur Bourban, Saint-Maurice 1937,p. 162-163.14. Ibid. p. 196-197.15. Ibid. p. 199.16. Nous ne pouvons trop nous étendre sur la vie etles œuvres sociales du chanoine Bourban dans le cadrede ce travail. Il nous suffit de savoir qu’il est « le filsspirituel » et le continuateur des œuvres du chanoineGard. Nous nous intéresserons surtout à sa brochuresur « l’Église et la question sociale ».17. Selon les statuts de 1875 : « La Société Helvétiquese compose d’hommes voués à la culture des Lettres,des Sciences et des Arts mis au service de la Religion.Elle veut former, autour de S. Maurice, une couronnede savants, de littérateurs et d’artistes ; établir l’émula-tion du bien, en encourageant les nobles manifesta-tions de la pensée humaine traduites par les Lettres,les Sciences et les Arts. » Ibid. p. 180.18. BOURBAN Pierre, L’Église et la question sociale,Fribourg 1896.19. CHENAUX Philippe, « La réception de l’encycli-que en Suisse », Rerum novarum – Écriture, contenu etréception d’une encyclique, Collection de l’École Fran-çaise de Rome 232, Rome 1997, p. 497-502.20. FRANCISQUE Jacques, « Autour de la questionsociale – III. Les remèdes », Les Échos de Saint-Mau-rice 1905 (8), p. 281.21. BOURBAN Pierre, L’Église et la question sociale,Fribourg 1896, p. 6.22. Ibid. p. 6.23. Idem.24. Ibid. p. 32.25. Ibid. p. 32.26. AOSA 103.18.27. BUSSARD François-Marie, « Pour l’histoire decinq quarts de siècle », Les Échos de Saint-Maurice, 1931(6-7), p. 104.28. BRAHIER Simon, « Cercles d’études sociales »,Les Échos de Saint-Maurice 1903 (7), p. 241.29. Cf. idem.30. Cf. BRAHIER Simon, « Nos sociétés », Les Échosde Saint-Maurice 1903 (8), p. 241.31. Cf. GAFAH Pierre-Elise (Sr), Le chanoine LouisCergneux et la fondation de l’Œuvre Saint-Augustin,Saint-Maurice 1991, p. 24.

32. MARIÉTAN Joseph, « En avant ! », Les Échos deSaint-Maurice 1907 (12) p. 354.33. Cf. BURQUIER Bernard, « La Presse », Les Échosde Saint-Maurice 1905 (11), p. 321-326 ; 1905 (12),p. 355-361 ; 1906 (1), p. 1-8 ; 1906 (2), p. 33-39 ;1906 (3), p. 65-72.34. Cf. Pierre l’Ermite, « La Presse… ça presse ! », LesÉchos de Saint-Maurice 1906 (8), p. 225-230.35. MARIÉTAN Joseph, « Bonne année », Les Échosde Saint-Maurice 1906 (12), p. 354.36. Cf. MARIÉTAN Joseph, « L’Éveil », L’Éveil 1908(1) p. 2.37. Cf. MARIÉTAN Joseph, « En avant ! », Les Échosde Saint-Maurice 1907 (12) p. 354-355.38. Cf. RUFFIEUX Roland, Le mouvement chrétien-social en Suisse romande 1891-1949, Fribourg 1969,p. 325.39. WEINSTEFFER Laurent, « Précisons ! », L’Éveil1908 (1), p. 4.40. Ibid. p. 5.41. Idem.42. Ibid. p. 6.43. Ibid. p. 5.44. ELLIOTT Walter, Le Père Hecker, Paris 1897.45. IRELAND John, L’Église et le Siècle, trad. FélixKlein, Paris 1894.46. Cf. AASM, « Fond Mariétan », carton 1 : lettre duchanoine Cergneux au chanoine Mariétan demandantde lui rendre le livre de Monseigneur Ireland (Lettredatant de 1904 lors de « l’exil » du chanoine Cergneuxà Bagnes). 47. WEINSTEFFER Laurent,« Pour le drapeau », L’Éveil 1908 (2), p. 35.48. Idem.49. Cf. MARIÉTAN Joseph, « Au seuil de 1911 »,L’Éveil 1910 (12), p. 353.50. Idem.51. Idem.52. AEF/A. P. C. S. 222, lettre du 22 décembre 1910à Maxime Reymond.53. Cf. AEF/A. P. C. S. 295. Les rapports sont consi-gnés dans un cahier en toile cirée noire, il couvre lapériode allant du 18 septembre 1909 au 5 novembre1919. Les premières pages du cahier sont manquanteset les rapports commencent à la séance du 19 octobre1910.54. Cf. AEF/A. P. C. S. 223.55. Cf. AEF/A. P. C. S. 223.56. SAINT-MAURICE (Haegler) Charles, « Une ré-ponse », L’Éveil 1911 (1), p. 7-11.57. Cf. MARIÉTAN Joseph, « L’Éveil à ses amis »,L’Éveil 1911 (12), p. 353-355.58. Cf. BLARDONE Michel, « Les Cycles de l’Ac-tion catholique social », Cent ans de catholicisme so-cial à Lyon et en Rhône-Alpes – Actes du colloque deLyon, 18-19 janvier 1991, Paris 1992, p. 377-378.59. Ibid. p. 377.60. Ibid. p. 378.61. Ibid. p. 377.

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45LES ECHOS DE SAINT-MAURICE

Depuis la constitution, le 5 juin2000, de la Fondation des archives his-toriques de l’Abbaye de Saint-Maurice,les travaux vont bon train dans nos ar-chives, comme la presse a pu en rendrecompte plusieurs fois ces derniers mois.

De nombreux groupes d’amis ontété reçus pour une visite de nos locaux.Ainsi presque toutes les communes quisont concernées par nos archives ont dé-légué chez nous leur conseil commu-nal. L’occasion d’une belle découverte,d’une prise de conscience de l’impor-tance des archives et très souvent, pourla Fondation, la promesse d’un soutientangible !

Pour répondre à la curiosité du pu-blic, des journées portes ouvertes serontorganisées aux archives en novembreprochain : le vendredi 15 de 18h00 à21h00, le samedi 16 de 9h00 à 17h00et le dimanche 17 de 10h00 à 16h00.Ne manquez pas cette occasion uniqued’admirer les plus belles et spectaculai-res pièces de nos archives ! La Fonda-tion en profitera pour distribuer à sessponsors les « clefs » des archives.

La Fondation a pu engager à sonservice plusieurs spécialistes, souvent àtemps partiel, mais aussi quelques chô-meurs et civilistes (des jeunes qui ac-complissent leur service civil chez nous).Depuis le 5 mars 2002, nous avons punous installer dans un ancien dortoir au4e étage de l’internat, magnifiquementaménagé pour qu’une vingtaine de per-sonnes puissent y travailler dans de trèsbonnes conditions. Quelques jours plus

tard, des spécialistes y ont placé un scan-ner de très haute qualité permettant lanumérisation de tous nos documents,même des plus difficiles.

Depuis quelques semaines des in-formaticiens travaillent à la mise enplace de la base de données qui permet-tra de consulter via Internet tous lesdocuments qui auront été numérisés etinventoriés. Un nouveau site Internetsera opérationnel dès la fin de l’année.

L’archiviste de l’Abbaye remercieses collègues membres du bureau duConseil de Fondation — Mgr HenriSalina, président, Mme FrançoiseVannotti, secrétaire, et M. RaymondLonfat, trésorier — sans qui ces travauxn’auraient jamais pu être entrepris. Etnous terminerons avec cette phrase dutrésorier qui ne cesse de rappeler que« malgré l’intérêt et la générosité de cer-tains sponsors, nous devons encore entrouver d’autres pour assurer la viabi-lité du projet ». Que cet appel soit en-tendu !

Chne Olivier Roduit, archiviste

AUX ARCHIVES

Dans la nouvelle salle des archivistes.

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46 LES ECHOS DE SAINT-MAURICE

La joie de l’espérance. 13 décembre2001. Éditions Abbaye de Saint-Maurice,2001. Un volume illustré non paginé de 21x 21 cm.

Nous avons évoqué plus haut le livred’hommage à Mgr Henri Salina à l’occasionde ses 75 ans. 55 amis de Monseigneur ontcontribué à ce magnifique ouvrage illustré,disponible à la porterie de l’Abbaye.

Églises, croix et chapelles du territoirede l’Abbaye de Saint-Maurice. Textes deHenri Salina ; photographies de S. Norande.Saint-Maurice, Éditions Saint-Augustin,2002, 128 p.

Monseigneur nous en parlait depuislongtemps, il est enfin publié, et ce livre estune petite merveille ! Les auteurs ont par-couru les églises, les chapelles, les oratoireset les croix de mission qui parsèment tout leTerritoire de l’Abbaye de Saint-Maurice. Ilsnous offrent de superbes photos — c’est cequi frappe au premier coup d’œil — maisaussi de magnifiques textes empreints de foiet de poésie.

Lisons quelques lignes de l’introduc-tion : « Ce livre est dédié à tous ceux et tou-tes celles qui sont de l’Église d’Agaune, soitpar leur baptême en cette Église, soit par leurvenue en notre Territoire abbatial. Mais, bienévidemment, il est dédié aussi à tout un cha-cun qui désire « pèleriner » chez nous !

Vous les fidèles de l’Église d’Agaune,vous tous qui lui rendez visite, émerveillez-vous avec moi !

CHRONIQUE DES LIVRES

Avec S. Norande, photogra-phe et documentaliste, avec desamis qui ont encouragé ce livre, jevous invite à une promenade qui

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47LES ECHOS DE SAINT-MAURICE

ne sera pas sèchement scientifique, unexposé d’histoire de l’art, un parcoursarchéologique, un regard purement his-torique… Non, je vous invite à une sim-ple « balade » en toute amitié !

Carlo MariaMartini, Les larmesde Marie. Saint-Maurice, ÉditionsSa int -Augus t in ,2002, 73 p. CarloMaria Martini,Dieu te cherche.Saint-Maurice, Édi-tions Saint-Augus-tin, 2002, 116 p.Ces deux livres ont été traduits par lechanoine Gabriel Ispérian. Notons quenotre confrère traduit régulièrement,depuis près de 10 ans, des livres du car-dinal Carlo Maria Martini pour lecompte des Éditions Saint-Augustin àSaint-Maurice.

Nous recommandons à nos lec-teurs ces petites merveilles de spiritua-lité dont voici la longue liste : Abraham,notre père dans la foi, 1994. Vie de Moïse :vie de Jésus et existence pascale, 1994.Apôtre : projet de vie ou mandat, 1995.Jérémie : parole pour aujourd’hui, 1996.Dieu te cherche, 1997. En chemin avecTimothée, 1997. Thérèse et le drame del’incrédulité, 1997. Miettes de la Parole,1998. Sur les sentiers de la Visitation :rechercher la volonté de Dieu dans les re-lations de chaque jour, 1998. Auschwitzet le silence de la Croix, 1999. J’irai versmon Père : lettre pastorale 1998-1999,1999. Petit dictionnaire de spiritualité,1999. Les béatitudes, 2000. Quelle beautésauvera le monde ? : lettre pastorale pour

l’an 2000, 2000. Disciples du Christ res-suscité, 2001. La joie de l’Évangile, 2001.Le Notre Père, 2001. Témoins de la Pa-role, 2001. Les vertus, 2002. La joie par-faite, fruit de la croix (C. M. Martini etRaniero Cantalamessa), 2002. M.Ispérian a encore traduit, de EnzoBianchi, Comment évangéliseraujourd’hui, 2000 ; et de RanieroCantalamessa, Le Christ de la transfigu-ration, 2001.

Patrick Halla,osb, Habemusgratiam - Commen-taire des collectes duTemps ordinaire.Éditions de Soles-mes, 156 p.

Le livre duP. Patrick Hala meten relief la beauté des collectes (1ère orai-son de la messe) des dimanches duTemps ordinaire. Cet ouvrage est lebienvenu, car les oraisons de la messepassent le plus souvent inaperçues, tantelles sont rapidement dites, et il est trèsrare qu’elles soient commentées dansl’homélie. Bien sûr, on pouvait toujoursse référer aux études excellentes étudesde Franco Manzi, Giuseppe Ferraro etAnthony Ward publié dans la revueNotitiae entre 2000 et 2001. Cependantl’aspect académique de ces études ris-quait de décourager plus d’une per-sonne. Le génie du P. Halas est de nousproposer une bonne vulgarisation aveccet ouvrage relativement modeste et àla portée de toutes les bourses.

Toutes les collectes du Temps or-dinaire sont présentées, avec le texte la-tin, la traduction liturgique, ainsi

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48 LES ECHOS DE SAINT-MAURICE

qu’une traduction plus littérale. Le com-mentaire spirituel précis évite aussi bienl’écueil d’une sécheresse intellectualisteque celle d’une mièvrerie de mauvaisaloi. Pour ce faire l’auteur nous met encontact avec la grande tradition ecclé-siale : allant de saint Ambroise auxauteurs modernes en passant par saintAugustin, saint Césaire d’Arles, saintBernard de Clairvaux et Thomas a Kempis.

Ce livre s’adresse à tous les acteursde la liturgie, en les invitant à vivre cetteprière de l’Église, alors que beaucoupse lassent des prières de remplacementet des improvisations si fréquentes dans

les dernières décennies. Les catéchistespourront aussi en faire un bon usage afinde préparer les enfants et les jeunes àparticiper activement à la liturgie do-minicale.

Chne Yannick-Marie Escher

REÇU À LA RÉDACTION

Jean Ansaldi et Elian Cuvillier, Ilfut transfiguré devant eux. Une oasis ra-fraîchissante sur le chemin de la foi.Poliez-le-Grand, Éd. du Moulin, 2001,91 p.

Nous ne publions dans cette rubrique que les nouvelles qui nous sont communi-quées ou que nous relevons dans la presse. Nous demandons à tous nos anciens élèves, àleurs familles et à nos amis, de nous communiquer systématiquement toutes les nouvel-les susceptibles d’intéresser nos lecteurs. Écrivez simplement à : Rédaction des Échos deSaint-Maurice, Abbaye, Case postale 142, 1890 Saint-Maurice

CHRONIQUE DES ANCIENS

Peu de nouvelles de nos anciensdans ce numéro d’été, mais ce n’est cer-tainement que partie remise…

Nous notons avec plaisir queNoëlle Revaz, auteur d’un roman remar-qué paru chez Gallimard, est une an-cienne étudiante de notre collège.Noëlle Revaz, Rapport aux bêtes. Paris,Gallimard, 2002, 225 p.

M. Bernard Schürch nous annoncela parution de son recueil de poème L’In-saisissable déchiré, illustré par CasianLabin (Paris, Mémoire Vivante éditeur,2002, 56 p.).

DécèsM. Noël Quinclet, 62 ans, décédé

à Fribourg le 23 janvier 2002.Frère Pascal Rywalski, OFMcap,

91 ans, décédé à Sion le 8 janvier 2002.M. Christian Ebenegger, 53 ans,

décédé à Genève le 28 mars 2002.M. le chanoine Etienne Raboud,

du Grand-Saint-Bernard, 92 ans, dé-cédé à Martigny le 8 avril 2002.

M. Sébastien Lattion, de Liddes,décédé tragiquement en montagne le 27avril 2002, à l’âge de 23 ans.

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49LES ECHOS DE SAINT-MAURICE

La direction du Collège

Informer est de nos jours une exi-gence. Le service des relations publiquesdu Collège, actuellement dirigé par no-tre collègue Yves Fournier, égalementproviseur, publie depuis plus d’une an-née un Bulletin d’information destinéaux parents d’élèves. La chronique pré-sente est l’occasion de faire connaîtreaux abonnés de la revue les questionsqui se posent à la direction du Collègede l’Abbaye.

Dans un court éditorial, Monsieurle Recteur Guy Luisier rappelle l’impor-tance de la discipline au sein de l’éta-

CHRONIQUE DU COLLÈGE

blissement gymnasial. Les contraintesimposées aux étudiants n’ont d’autre butque de créer un climat de liberté « oùchacun respecte et est respecté à la placequ’il occupe ».

L’immensité de la tâche éducativeest telle que l’efficacité requiert un par-tage des responsabilités pour assurer lebon fonctionnement des différentsrouages de l’institution autour de la di-rection :

• A. Les proviseurs supervisent lesannées d’études (1e, 2e, 3e, 4e et 5e) etdirigent un domaine particulier : échan-ges linguistiques, activités culturelles,nouvelle maturité, horaires, relationspubliques.

• B. Les titulaires ont pour missionde favoriser un bon climat de travail àl’intérieur des classes, de réunir les en-seignants en cas de problème et de ren-contrer les parents si nécessaire.

• C. La Conférence des maîtres (as-semblée de tous les professeurs) est ap-pelée à devenir « un lieu d’échanges etde propositions ».

A l’automne prochain, un nouveaucahier des charges précisera les devoirset droits des enseignants dans le respectdes directives du Département de l’Edu-cation, de la Culture et du Sport.

Les Études

La nouvelle maturité se profile àl’horizon 2003. Cent quatre-vingt-deux

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50 LES ECHOS DE SAINT-MAURICE

étudiants de 4e année ont déjà choisileurs sujets de Travail de maturité.

Chaque élève doit rédiger un « mé-moire » de 20 pages au plus. Cetteépreuve devrait selon Georges Vionnet,proviseur responsable, « développer uneméthode de travail personnelle » chezl’étudiant. Soixante-quatre thèmesd’études ont été proposés aux futursmaturistes : parmi les matières scolai-res, l’histoire a été plébiscitée puisque37 jeunes s’investissent dans une recher-che historique.

L’internat

Dans ses pages locales, le Nouvel-liste du 22 février rendait public un pro-blème se posant à la direction : la dimi-nution du nombre des internes. Depuisquelques années, ces derniers sont demoins en moins nombreux : leur chif-

fre est passé de 180 en 1990 à près de45 pour cette dernière année. Le jour-naliste évoquait la disparition de l’in-ternat d’Einsiedeln. A Saint-Maurice,cette question n’est pas à l’ordre du jour.Plusieurs chanoines continuent aveccompétence et abnégation à rendre ceservice éducatif d’encadrement des ado-lescents. Dans l’immédiat, ce change-ment dans la vie du Collège a permisde résoudre un point crucial de l’orga-nisation des études. En effet, les nou-veaux cours à option nécessitent davan-tage de locaux. Plusieurs salles de l’in-ternat, rendues libres, ont pu être trans-formées en classes.

Vie culturelle

Transmettre un message humanistereste la vocation du collège. Les activi-tés culturelles concourent à réaliser cet

Pendant la pause…

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51LES ECHOS DE SAINT-MAURICE

objectif. Nos élèves ont eu la chance devivre quelques moments forts depuis laToussaint 2002.

Il est de tradition d’organiser à lafin novembre une semaine culturelle.Les étudiants agaunois se sont ainsiplongés dans le passé prestigieux de laVille éternelle. Nul doute qu’ils ont puéprouver ces sensations que connaît toutvisiteur de cette ville unique. La gran-deur impériale, la majesté de la Romepontificale, l’histoire contemporaine :aucun moment ne fut oublié.

Certains élèves ont saisi l’occasionde faire un clin d’œil humoristique aumode de vie romain. Nos voisins tran-salpins apprécient la qualité des tenuesvestimentaires : de « jeunes manne-quins » défilèrent, vêtus pour certains àl’antique, devant un public acquis.

Le Théâtre du Pilier de Belfort s’ar-rête fréquemment à Saint-Maurice lorsde ses tournées en Suisse romande. Plu-sieurs classes ont assisté au début févrierà la représentation de deux courtes piè-ces du théâtre français contemporain,dont le sujet concerne les relations pa-rents-enfants au moment de l’adoles-cence. Une mère et son fils s’opposentdans la pièce de Vinaver, Dissident, ilva sans dire ; quant à Grumberg, il iro-nise sur la vulgarité d’une famille avecLes vacances. Une conférence de MelleChaperon, professeure à l’Université deLausanne, sur l’œuvre de Vinaver acomplété ces spectacles.

Sous l’égide d’Amnesty Internatio-nal, le thème de la torture fut aussi unsujet de réflexion pour des centaines decollégiens. Un pour la route, pièce dudramaturge britannique sir Harold Pin-ter décrit parfaitement le mécanisme de

cette attitude. Les acteurs de la compa-gnie théâtrale de François Marin surentrendre palpable le sentiment d’oppres-sion vécu par ceux que des tortionnai-res sans âme veulent soumettre par tousles moyens d’intimidation. Chaquespectateur était interpellé en son for in-térieur sur la question du respect de ladignité humaine.

Conférence anniversaire (8 avril)Pour fêter le centenaire de la nais-

sance du physicien britannique PaulDirac, originaire de Saint-Maurice etPrix Nobel de Physique 1933, M. Do-minique Lambert, professeur d’histoiredes sciences à l’université de Louvain,expliqua magistralement aux étudiantsl’œuvre de ce scientifique et montra sonrôle dans la découverte de l’antimatière.

Ciné-clubLa renaissance du ciné-club initiée

par M. le Recteur Guy Luisier etM. Hormoz Kechavarz s’est révélé unsuccès. Cette première programmationse voulait éclectique ; les films projetésétaient récents. (La Planète des Singes deF. Schaffner, 1967 ; Diva de J.-J.Beineix, 1980 ; La vie est un long fleuvetranquille d’E. Chatilliez, 1988 ; Le Par-rain de F. Ford Coppola, 1971 ; Apoca-lypse Now du même réalisateur, 1979 etCyrano de Bergerac de J.-P. Rapeneau,1990).

Le programme élaboré pour l’an-née 2002-2003 se veut classique. Deuxcycles sont prévus : le premier consacréaux plus célèbres westerns américains ;le second à deux maîtres du cinéma ita-lien : Lucchino Visconti et Federico Fel-lini.

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52 LES ECHOS DE SAINT-MAURICE

Sortie et échangesGrâce à l’entregent du jeune

Giuseppe Grecco, d’origine italienne, lecollège de l’Abbaye a accueilli en févrierune classe du collège de Santorre diSantarosa à Turin. Les adolescents pié-montais ont découvert avec plaisir, sousla conduite de Mmes Nadia Pavan etGéraldine Maret-Seppey, la culture fran-cophone et apprécié la cordialité del’hospitalité valaisanne.

Le 20 mars, M. Yves Fournier, pro-fesseur d’histoire, conduisait à Berneplusieurs classes de 4e et 5e pour une vi-site du Palais Fédéral. Les étudiantseurent la chance de rencontrer M. PascalCouchepin, Conseiller fédéral, et lesmembres de la représentation valaisanneromande siégeant sous la Coupole aux-quels ils purent poser de nombreusesquestions sur des sujets politiques.

Vie sportive

On ne pourrait conclure cette chro-nique sans adresser nos félicitations àStéphane Lambiel. Le jeune patineur(17 ans), étudiant en Biologie-Chimie(3e année) est devenu un des grands es-poirs du patinage artistique. Sa brillanteperformance (4e) aux Championnatsd’Europe à Lausanne a confirmé son im-mense talent. Une place honorable aux

Jeux Olympiques de Salt Lake Citylaisse augurer une grande carrière. Tousau collège apprécient ce jeune hommevolontaire, spontané et naturel. La di-rection, les professeurs et ses camaradeslui ont rendu un hommage marqué dusceau de l’amitié le 24 avril dernier.

Michel Galliker

Stéphane Lambiel, entouré de ses camarades de classe, au terme de la cérémonie organisée enson honneur à la Grande Salle du Collège.

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53LES ECHOS DE SAINT-MAURICE

On dirait que c’est un fait exprès.A peine avez-vous mis tremper le lingeque les visites arrivent, les belles visites !Il faut toujours qu’elles tombent sur unjour de lessive. Vous comptiez étendre« sur le tantôt » pour que demain toutait bien séché : et demain voilà tout àrecommencer. Le linge à laver pourtant,ce n’est pas ce qui manque : si seule-ment Joseph avait choisi un métiermoins salissant, celui de Mathieu, parexemple, fonctionnaire d’État ! —Moins salissant ? répliquait doucementJoseph moins salissant ? Pour les habits,peut-être…

Mais il ne s’agissait pas de rêvermaintenant. Quand Jésus tout agitéavait désigné d’un annulaire heureux etpotelé trois personnes qui venaient dece côté, Marie avait vivement quitté sa

LA VIERGE ET LES MAGES

Notre salle de théologie est ornée d’une peinture murale réalisée par Albert Chavaz.Dans Albert Chavaz 1907-1990, Catalogue de l’art monumental, Visp, Rotten Verlag,2000, nous lisons sous le numéro 27 que cette œuvre de 210 x 350 cm a été réalisée en1944 et que son auteur l’a intitulée Méditation.

En 1954, les Échos de Saint-Maurice avaient réalisé un numéro spécial intituléIn Laudem Mariae. Notes sur la dévotion à Notre-Dame à l’Abbaye de Saint-Maurice et dans les paroisses abbatiales (N° 4-5, avril-mai 1954). Le chanoineAndré Rappaz dont nous admirions tant la finesse et l’humour présentait cette œuvre.Nous ne résistons pas au plaisir de vous offrir à nouveau ce magnifique texte (pp. 45-48). Notons encore au passage que l’illustration d’alors portait la légende : Hommagede la philosophie et de la théologie à l’Enfant-Dieu et à sa Mère.

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54 LES ECHOS DE SAINT-MAURICE

tâche, et sans prendre la peine d’ôter sontablier, avait passé par-dessus ses che-veux le voile des dimanches, dont lesplis ténus défendaient la coquetterie,permise, de la vanité, défendue. Puis elles’était assise, le plus simplement dumonde sur le trépied que son mari avait,aux heures vides, préparé pour les ba-quets. Quand le peintre (car nos per-sonnages vivent en fresque) en était ar-rivé là, les théologiens dont on décoraitainsi l’auditorium avaient demandé,toujours en veine de pourquoi et decomment, sur quoi il avait assis laVierge. Ils avaient posé la question aussigravement qu’une question de leurSomme. La réponse leur tomba del’échafaudage, entre deux coups de pin-ceau : « Sur l’espérance ! ».

Cependant Jésus, chauve commeprieur de chartreuse, bat des mains. Il ales yeux de sa mère, qu’on devine trèsbeaux, derrière la frange des cils. Elle,les tient baissés, ayant vu les bras de sonpetit en forme de croix. « Sur vos yeuxclos, secrets éblouissants… » Il a les yeuxde sa mère, plus quelque chose d’écla-tant tout à la fois et de contenu, qui luivient de très loin, du côté du Saint-Es-prit.

A leurs pieds, un homme vacille àgenoux, s’étant arraché le cœur qu’iltend, tout fumant, à bout de bras. Cejouet, qui, à peine pressé, crache le feu,intrigue beaucoup l’enfant, et il tire sursa robe : des mains de maman le retien-nent, de peur qu’il ne s’y brûle. Maison voit bien que saint Augustin ne lereprendra plus. D’ailleurs saurait-il ja-mais en retrouver la place, et l’emploi ?Tant de fois déjà il a offert à tant demonde, et pour un prix dérisoire, ce jou-

jou curieux qu’on lui rendait bientôt,malheureux et cabossé, ou même, aprèsqu’on s’en fût amusé tout son saoul, enpetits morceaux. Il veut bienaujourd’hui le céder pour rien, maisqu’on se hâte, car sous l’habit fané ducoureur de grands chemins, un piedémerge, nu, inquiet, prêt à l’escapadeet à la dérobade.

A quelques pas de là, debout, raséde frais, un dominicain domine la si-tuation. Il a préféré la position verticale,comme étant plus liturgique, d’autantque son scapulaire a été repassé le ma-tin même par la Mère supérieure des do-minicaines du couvent voisin. Il a misle bon Dieu en un volume, et le volumesous le bras. Et visiblement, il ne luiprend pas encore envie de brûler cettepaille. Il porte une main à son cœur,sans appuyer, juste au-dessous de la bro-

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che étoilée, légion d’honneur reçue aufeu des disputes théologiques. L’autremain, négligente, effleure le rideau dethéâtre de son péplum noir. Si toute laposture de saint Augustin clame : Do-mine, non sum dignus, S. Thomas, lui,enchaîne bravement : sed tantum dicverbo… Bref, il est sûr et beau commeun dominicain à la procession de laFête-Dieu à Fribourg. Un chien du Sei-gneur ? Oui, mais un chien deluxe.

L’étrange et dernier person-nage n’est vraiment plus quel’ombre de lui-même, mal dé-brouillé des brumes de ses son-ges philosophiques. L’alambicimpitoyable qu’il applique à toutêtre pour en abstraire l’essencesemble avoir joué un mauvaistour à cet apprenti sorcier. Onn’a plus affaire ici à un homme,mais à l’homme reduplicative utsic, comme ils disent — tant ona réduit à l’extrême les chancesd’accidents individuants. Sansdoute flottait-il tout à l’heure dansl’éther ambiant, quand cette scène peubanale le ramena sur terre. Partout iltraîne après lui sa colonne, un fût brisé,pauvre reste d’un jeu de constructionsavant et enfantin : « Les Grecs ont lasagesse… ».

Maintenant il s’assoit dessus et con-temple, haussant ses inutiles épaules depenseur athlétique. Comme elle appa-raît pâle et triste là-bas, la sagesse depierre en face de la religion de chair ! Iln’en revient pas qu’on fasse tant d’his-toires pour une pauvre femme et sonbébé. Ennuyé, il essaye de prendre con-sistance, se gratte rêveusement le pied,

marque l’heure du trait de sa jambe surle cadran solaire de sa colonne, et dis-crètement toussote dans son coin, pourrappeler sa présence d’intrus dans untableau de famille. Puis se console, ensoufflant des réponses fausses à saintThomas, qui, à mi-chemin entre le mar-bre païen et le sang chrétien, déjà tournele dos. Dépité, Aristote trace dans le sa-ble les armoiries de l’Ordinaire du lieu.

«… Et, ayant ouvert leurs trésors,ils offrirent à l’enfant des présents » : lamyrrhe d’un cœur dolent, l’or des tran-ches de la Somme et quelques grains dephilosophie, qui partent en fumée aussibien qu’un encens.

Reste la question des auréoles.Chacun la sienne, sauf pour l’hommed’extrême-droite, aussi désauréolé quel’âne à la crèche. Chacun la sienne, et laplus grande pour Marie, mais non laplus éclatante, tout comme sa place dansla piété des fidèles. La constellation dela Vierge reçoit d’ailleurs sa clarté : dusoleil qui nimbe l’Enfant, illumine lascène, et dont les reflets jouent sur le

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tablier de la Vierge, le visage d’Augus-tin et le tandem aristotélico-thomiste.Extrêmement mobiles, comme ce quise rapporte aux corps glorieux, les auréo-les sont ainsi disposées en arrière et au-dessus des personnages qu’elles suiventtrès exactement le moindre déplacementde la tête, de telle sorte que chacun nevoit que celle des autres, sans jamais voirla sienne. Ce qui, entre parenthèses,explique la très grande humilité dessaints et leur agaçante sincérité, quand

ils se défendent de l’être, désignant plu-tôt leur voisin. Tout au sommet de lafresque, deux auréoles perdues1 cher-chent où se poser.

Mais le visiteur pressé dira toujoursque ce sont les clapets de l’ancienne che-minée.

Chne André Rappaz

1. Ainsi pourrait s’éclaircir, d’une manièreinespérée, le mystère des soucoupes dites volan-tes : un lot d’auréoles que le ciel essaie d’écouler, etqui vagabondent par le monde, en quête de saints.

Ce bas-relief de bronze (132 x 105 cm)est placé sur l’autel de la chapelle des Abbésde la Basilique. Cette œuvre d’art fut inau-gurée le 10 août 1963 pour le 20e anniver-saire épiscopal de Mgr Louis Haller. On yvoit représentés trois saints dont l’Abbayeconserve pieusement le souvenir. Au cen-tre, saint Ambroise, Abbé d’Agaune de 516à 520, organise la vie de l’Abbaye naissante.A sa droite, saint Séverin — reconnu par latradition comme Abbé d’Agaune avant-même la fondation du monastère en 515— guérit de sa fièvre tenace le roi Clovis.

De l’autre côté du retable, saint Amé, mortAbbé de Remiremont dans les Vosges vers630, est en prière devant les rochers danslesquels il a vécu comme ermite.

Cette œuvre a été réalisée à l’Acadé-mie cantonale des Beaux-Arts de Sion, sousla direction du professeur Willy Vuilleumieret avec la collaboration de Mmes E.Bodenmann et M.-C. Moren et de M. A.Dell’Antonia. Une modeste inscription rap-pelle l’occasion de cette création : Ludovicoab an. 1943 Antistite, 1963. (Cf. ESM1963, pp. 182-184).

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