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À Roxane


Eh, bourgeois ! Entends-tu ?Passer dans ta rue, une parade de fortune ?

C’est les oiseaux sans plumes !Et qui s’acharnent, tant bien que mal,

À vivre comme ils respirent,Quitte à crever la dalle,

Ils ont tant de choses à dire !Y a des cigales dans la fourmilière,

Et vous n’pouvez rien y faire !Y a des cigales dans la fourmilière,

Et c’est pour ça que j’espère…

La Rue Kétanou, Les Cigales


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MORGUEPIERRE

C ’est là que nous avons grandi. La cité de la terre et de l’océan, ronde et gonflée comme un gâteau de grand-mère et creuse en son centre comme quand on y fourre un doigt.

Elle n’a pas toujours été à nous, Morguepierre, aux hommes, je veux dire. Avant, il y a très longtemps, quand le gros type sur la Lune n’était qu’un gosse, et avant encore qu’il ne lui pousse des dents, Morguepierre était sous l’eau et elle appartenait aux morganes. Mon oncle Benjamin m’a raconté qu’un jour le géant sélénite l’a empoignée dans son énorme main et l’a arrachée des fonds marins pour la tirer vers lui, à la surface. À ce qu’on dit, c’est parce qu’il s’ennuyait qu’il a fait ça ; parce qu’il en avait marre de ne rien voir de ce qu’il se passait dans cette fichue cité enfouie sous les eaux. Et comme ça le faisait marrer, il a aussi suspendu autour de cette nouvelle cité quelques récifs qui flottent encore dans les airs. Enfin, certains se sont quand même cassé la gueule, c’est ceux-là qu’on appelle les faubourgs crachés.

C’est là que les hommes se sont installés en premier, et quand certains se sont trouvé des plumes pour s’envoler vers ceux qui planaient là-haut, ben on les leur a pas disputés et on a décidé qu’ils avaient bien le droit de s’appeler seigneurs. Enfin, je dis « nous », mais moi j’étais pas là, pas encore, et ni Silas ni la Morue n’y étaient non plus. C’était jadis, comme disent les vieux sous leurs moustaches de sel croquant.

Les morganes ? Elles, depuis les profondeurs, on dit qu’elles préparent leur vengeance. C’est pour ça je crois que les marins ne les aiment pas tellement. Moi, ce que j’en pense, c’est que cette histoire a surtout bien aidé tonton à me faire manger ma soupe.


Bon, je vous parle de tout ça, mais faut bien dire que nous, avec Silas et la Morue, ça nous intéressait pas beaucoup ces histoires. Cette vieille pute de Morguepierre, on l’a aimée et on a piétiné ses pavés, mais j’irais pas jusqu’à dire qu’elle nous a donné autre chose que des gueules de bois et des coups sur la caboche. Pour nous, tout ce qui comptait, c’était de s’arracher du jour qui traînait pour aller se cabosser la trogne contre le jour suivant.

Tergiversations (et malversations) d’un aventurier des faubourgs, Maître Rossignol


LE HURLEMENT DES VEUVES


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CHAPITRE 1

Ils étaient trois ce matin-là à battre le pavé sous la pluie. Trois et fort différents. Différents de tout, à vrai dire, mais surtout les uns des autres. C’était pourtant à leurs chapeaux qu’ils vou-

laient qu’on les reconnaisse. Le premier, le plus grand, maigre comme un chat affamé et long comme un mât de misaine, portait un tricorne de marine. Il disait à qui pouvait l’entendre, et il aimait qu’on l’entende de loin, que cela faisait de lui le maître à penser de sa bande de gueux. Accordéoniste et poète, il s’appelait Rossignol et avait la voix rocailleuse de ceux qui fument plus souvent qu’ils ne respirent. Le second était plus petit, et bien deux fois plus large. S’il sentait fort mauvais, c’était plutôt son visage cabossé de boxeur qui marquait les mémoires et faisait qu’on ne l’oubliait pas. Ceux qu’ils cognaient, eux, l’oubliaient parfois mais c’était pour d’autres raisons. La Morue, c’est ainsi qu’il s’appelait. Poissonnier et lutteur, il aimait porter des bonnets pour cacher ses oreilles décollées. Ce qu’il n’avouait jamais, c’est qu’il avait surtout peur que ses poux se fassent la malle, alors il les gardait emprisonnés sous la laine crasseuse des bonnets tricotés par sa mère. Ce n’étaient donc pas des chapeaux, mais nul n’aurait pris le risque de le contredire sur ce sujet, ni sur aucun autre d’ailleurs. Le troisième, le dernier, beau comme un acteur de théâtre, avait toujours rêvé d’être un aventurier. Bien qu’il soit charcutier, il se prétendait boucher ; condition qu’il


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jugeait bien plus virile et aventureuse que celle de confectionneur de pâtés. Toujours vêtu comme un spadassin de scène, il aimait porter un chapeau de feutre, à plume, dont l’un des bords était remonté. Toujours enfin, il avait à la taille un hachoir d’abattage et à l’épaule une vieille rapière qu’il avait ramassée dans un caniveau. Il s’appe-lait Silas et s’était inventé un nom de famille, Courtepeine, qu’il trouvait fort pertinent pour le justicier des faubourgs qu’il espérait devenir un jour.

Ce matin-là, Silas était très excité et l’aube approchant à grands pas lui donnait l’envie d’aller en découdre avec le monde entier. Il avait insisté pour exposer à ses amis le motif de son excitation, mais Rossignol avait refusé d’écouter le moindre mot avant d’avoir avalé un repas. Il faut dire que les histoires que racontait Silas étaient toujours longues, rocambolesques et confuses… le genre de boniments qu’on n’écoute pas le ventre vide.

Réunis depuis peu après une nuit de labeur, ils se dirigeaient tous trois vers une taverne, un bouge diraient certains, connue pour ses bagarres incessantes et les concerts que Rossignol y donnait parfois. Autrefois nommée Baliverne, puis Chez Kravec, elle fut rebaptisée l’année d’avant suite à une émeute provoquée par la Morue à qui on avait contesté la victoire d’un combat. Désormais, pour tous les habitants du quartier de la Vieille-Rade, cet endroit était devenu le Grand Tintamarre.

Les trois hommes en franchirent la porte, étroite et trop basse, pour aller y prendre un petit déjeuner bien mérité. C’était de loin la taverne préférée de Rossignol car il y avait contracté son premier herpès à l’âge de treize ans. L’endroit sentait encore le vomi de la veille, et les femmes de ménage du jour étant aussi les putains de la nuit, ce problème ne serait pas réglé avant quelques heures. À vrai dire, compte tenu de l’odeur dégagée par la Morue, ni Silas ni Rossignol ne furent incommodés par ces désagréables effluves.

Suivant le boxeur qui leur frayait un chemin au travers du mobi-lier en désordre et des dockers épuisés, Rossignol fit comprendre par de grands gestes qu’il faudrait leur servir de la bière au plus vite.


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Fermant la marche, Silas Courtepeine bombait le torse et tâchait d’avoir l’air d’un chevalier au milieu des gueux.

— Bien ! entama Rossignol en empoignant la chope qu’on venait de déposer devant lui. Raconte donc, charcutier, ce que tu as vécu de si extraordinaire cette nuit encore !

Ainsi Silas Courtepeine commença-t-il le récit des événements qui allaient changer leurs vies à jamais :

— Je me lance, et arrête de me moquer, c’est une affaire sérieuse ! Donc, hier matin, mon patron m’envoie chercher chez Gigi Qu’un-œil.

— Tu t’es encore cogné la borgne ? s’étonna la Morue. Faut vraiment êt’ un sacré taré pour s’payer une pute qu’a qu’un œil. Un foutu pervers même ! finit-il avec un petit gloussement dégoûté.

— Elle a du charme ! intervint Rossignol sans conviction.— Je peux raconter mon histoire ou vous allez jouer à ça tout

le temps ? râla Silas.— Vas-y, concéda l’accordéoniste en entamant une discrète

ritournelle sur son instrument chromé.— Vas-y, confirma le pugiliste en collant une grande tape dans

le dos du charcutier.— Oui, toussa Silas, donc je suis chez Gigi, on frappe à la

porte, c’est le commis qui vient me chercher. Le patron a reçu une c ommande de Luctan Britas, enfin de sa femme Edel qui nous réclame nos meilleurs pâtés pour l’anniversaire du bonhomme. Le gros Britas va faire soixante ans et c’est un anniversaire spécial, alors sa femme veut du bon, du gros, du gras. Je passe voir mon patron, il me dit que je dois l’accompagner, que c’est la femme à Britas qui veut que je sois là. Comme c’est pas la première fois, je sais qu’il y sera question de fredaines en catimini, au nez et à la barbe du gros bourgeois. Pas fou que je suis, je le dis à mon patron qui me répond que ça lui fait pas tourmente du moment que ça nous garantit d’autres commandes chez ces bourgeois qui sont plutôt bons payeurs.

— Y parle bien ce con… laissa planer la Morue.


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— Après avoir passé la matinée à préparer la commande, nous mettons une partie de l’après-midi à grimper dans les corniches… C’est que c’est pas la porte à côté. On arrive là-haut en fin d’après-midi, y a pas encore les invités mais le traiteur est déjà là, avec ses serviteuses appétissantes comme des petits gâteaux. Rien à voir avec ce qu’on trouve par ici d’ailleurs.

— Y jacte bien, mais c’est trop long !— Laisse, il met en scène, ce sont là de bien belles annonces,

on fait ça au début des spectacles, répondit Rossignol en bourrant sa pipe. Il pose son décor, présente ses personnages, et nous savons déjà que tout cela le conduit à une mission chevaleresque. De ce fait, l’homme avisé et sensible que je suis est alléché par le propos, tandis que toi, grosse bûche mal bûcheronnée, tu te perds en cours de route.

— À moi ? tenta de reprendre Silas. Oui ? Je peux ?Les deux autres plongèrent leurs nez dans leurs chopes en produisant

des gargouillis d’assentiment.— Bien urbains que vous êtes ! Alors, les filles et moi, on fait

connaissance, on bavarde, je touche un peu, pour voir… Vous savez comment que ça se passe. Le traiteur le prend mal, nous parle comme à des chiens, alors je le menace de lui casser la gueule. Les choses s’aggravent un peu et c’est les quatre fils obèses de Britas qui, pour finir, m’attrapent et me jettent dans l’arrière-cour en me balançant un seau d’eau pour me calmer.

Silas marqua alors une pause, attendant cette fois une réaction de ses amis. Celle-ci ne venant pas, il alla la chercher :

— Et rien ne vous étonne dans tout cela ?— Rien, continue ! dit la Morue.— Si, si, attends, soyons bon public, insista Rossignol. Les talo-

chards n’étaient que quatre et ils t’ont terrassé ? Impossible !— Ah merci, voilà qui révèle une fine analyse de la situation !

Je me suis laissé vaincre, évidemment, pour ne pas envenimer les choses et risquer de compromettre mon patron. Le fait est que j’ai fait le meilleur choix possible puisque deux heures plus tard, la fête battant son plein, moi j’étais à l’étage avec madame…


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— Tu gratinais madame, quand soudain ! s’exclama alors Rossignol aussi fort que possible.

— Vos gueules ! brailla un homme qui tentait de dormir à côté d’eux, son gros nez collé à une table poisseuse.

— Soudain quoi ? s’étonna Silas, à mi-voix.— À toi de nous le dire, charcuteux de mon cœur. N’est-ce pas

là l’effet que tu allais invoquer ?— Ouais, et après vous fermerez vos clapiers ! ajouta l’homme

de la table voisine.— Bien, je vais faire vite alors, et simple. Je commence à

m’occuper de la dame quand soudain !… (Silas lança un regard méfiant à ses deux compères.) Soudain, disais-je, des éclats de voix attirent mon attention. J’ai d’abord peur que ce ne soient le cocu et les quatre pachydermes qui lui servent de descendance qui auraient découvert le plan de la mère. Mais non ! Les cris viennent de la rue. Je m’excuse auprès de la dame au nom de mon instinct chevale-resque, ce qu’elle comprend passablement mais je préfère épargner vos oreilles des bruits et des jurons qui lui échappent. Je m’approche alors de la fenêtre. Dehors, il fait nuit. C’est les Grandes-Bottes, vous savez, un quartier d’altitude, où les maisons sont hautes et plus larges à mesure qu’on en gravit les étages. Et presque collées entre elles, comme si elles voulaient s’embrasser au-dessus des rues qui serpentent à leur pied. Alors je n’y vois pas grand-chose, depuis ce troisième étage, mais j’entends tout. Faut dire que, pas con, j’ai ouvert la fenêtre pour mieux écouter. C’est la voix d’une femme, une jeune femme, qui demande qu’on la laisse aller, et celle d’un homme, jeune aussi je pense, qui essaie de la raisonner. Elle dit qu’elle doit y aller, que c’est son choix, sa vie et tout ça, et le type insiste, lui dit que le danger est grand, puis lui demande de faire appel à sa morale, à son éducation, et de penser à mademoi-selle Alessa. Que dira-t-elle, mademoiselle Alessa ? L’autre répond qu’elle s’en fout comme de sa première soupe à l’oignon, que la Alessa peut bien aller se faire cuire la citrouille avec ses bonnes manières et sa morale de pisse-bien-droit. Là, une porte claque et


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plus un mot. Je me penche alors depuis mon troisième étage et assiste à la scène suivante : il ne reste dans la rue que le bonhomme, un spadassin dont le visage est caché par un foulard et le crâne recouvert d’un tricorne. Je pense d’abord à toi, Rossi, puis je me souviens que la Morue a des combats cette nuit, et puis le type a l’air trop petit. Enfin, ce spadassin frappe très fort de sa main droite sur son poignet gauche et là, paf ! Il lui sort de dessous sa manche une sorte de carreau d’arbalète que retient une corde ou je ne sais quelle espèce de câble. Ça fait le bruit d’un fouet qui claque et le carreau, devenu grappin, s’accroche à une rive de toit du bâtiment d’en face, à peu près à ma hauteur… agile comme ces animaux dont tu m’as parlé, Rossi, tu sais, ceux qui sont poilus et qui sautent partout en grognant.

— Y parle de ma mère ? s’énerva soudain la Morue.— Non, mon gars, Silas croit avoir vu un singe.— Agile comme un singe, oui ! Le bonhomme se met à escala-

der le mur et, avant qu’il ne soit arrivé à ma hauteur, je referme la fenêtre et me précipite sur ma bourgeoise !

— Rha ! beugla la Morue.— Rha quoi ?— Rha, quel âge qu’ils ont ses fils, que t’as dit ?— J’ai pas fini mon histoire, Morue.— Oui, mais là qu’j’y pense, j’veux savoir l’âge qu’y z’ont tes

quadrupèdes !— Quadruplés, corrigea Rossignol.Silas, qui savait bien qu’il valait mieux répondre s’il voulait finir

un jour son récit, répondit donc :— Je l’ignore, Morue, peut-être trente ou trente-cinq.— D’accord, j’vois, vraiment dégueu.— Mais de quoi est-ce que tu parles ?— Je parle qu’t’as culbuté une bourgeoise assez vieille pour avoir

eu quat’ fils pu vieux qu’toi !— Et en même temps, de surcroît ! précisa Rossignol dans un

sourire carnassier. Il devait y avoir de la place là-dessous !


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— Mes chers amis, vous ne pouvez pas me demander d’en venir aux faits et m’arrêter sans cesse pour ce genre de détails.

— Pas un détail, dit la Morue. T’as fait bouillir ta saucisse dans une marmite vieille comme la ville. Ton histoire pourrie é d’vient bien, enfin pour moi.

— Ahhhh ! hurla Silas, réveillant par la même occasion le marin grognon d’à côté. Bref, j’ai enfin fini mon affaire avec la femme du bourgeois et il est presque minuit. Après l’avoir embrassée sur le front, je la laisse reprendre son souffle et me détourne d’elle pour aller essuyer mon machin dans le rideau car les draps ont l’air propres.

— Soudain ! interrompit la Morue.— Oui, accéléra Silas, soudain de nouveaux hurlements, et pas

des moindres, on crie, on pleure, on supplie et enfin on se bat ! Je reconnais la voix de la fille de tout à l’heure, elle est en danger et moi je suis là, à ne rien faire. J’enfile mes bottes, j’attrape ma chemise et mon gilet, m’empare d’un tisonnier pendu à la cheminée, car je suis venu sans arme. Me précipitant dans l’escalier en enfilant mes frusques, je dévale les trois étages comme si c’était ma vie qu’on menaçait. En bas, la fête n’est pas terminée et personne n’entend les cris qui retentissent au-dehors. Je franchis la porte en criant que j’arrive, et là…

— Là ? sursautèrent les deux autres, pendus à ses lèvres.— Là, je constate que je suis cul nul, les pieds dans mes bottes

et ma chemise au garrot, mais tout le reste au vent. Et il fait froid, alors j’hésite à me montrer dans cet état peu avantageux. Derrière moi j’entends que l’on se gausse, et que l’on glousse un peu, mais devant… Devant ! Une femme, jeune, belle, et en détresse, que deux malotrus, un nain et un géant, tirent de force vers une roulotte de bohémien !

— Un nain et un géant ? s’esclaffa Rossignol.— Oui, deux êtres aussi laids que difformes. Le plus grand

devait te dépasser d’une tête au moins, deux sans doute, et l’un de ses bras, tordu comme un vieil arbre, était plus long que l’autre


d’un bon mètre. Ses genoux rentraient vers l’intérieur, comme s’ils voulaient se frotter l’un à l’autre. Et son visage ! Que dis-je, son visage ! Non, sa gueule, mes amis, car c’est bien de ça qu’il s’agit, une gueule, avachie, hideuse et lippue, trouée d’une bouche informe et clouée de grosses dents carrées, larges comme des dés à jouer. Et l’autre, un vrai diable à la peau usée d’avoir trop ricané du mal fait aux autres… La fille jetée dans la roulotte, le grand la rejoint en grognant tandis que le petit saute sur le banc de cocher pour affoler les bêtes et s’enfuir dans la nuit.

— Tu les as suivis ? demanda Rossignol.— Non, non, j’étais cul nul, mon ami.— Mais tu es si beau cul nul, mon vieux Silas !— Quand bien même, je ne pouvais agir. Mais je vais retrouver

cette fille et lui sauver la vie, car je n’ai pas été là par hasard, et enfin, mes amis, enfin, je serai chevaleresque.

— Pas moyen, moufta la Morue, des roulottes comme ça y en a dans toute la Rade, t’as pas fini d’chercher.

— Je sais, Morue, je sais, mais cette jeune fille a été enlevée par des monstres après qu’un homme masqué l’a mise en garde. Elle doit être sauvée et j’ai une piste, un nom, qui a été prononcé par le jeune spadassin acrobate, et qui me servira de point de départ.

— Un nom ? Et quel nom ?— Un nom qui sonne comme la vérité, un nom qui guidera

mes pas jusqu’à l’état de chevalier. Ce nom, Rossi, Morue, termina Silas d’un ton solennel, c’est celui d’Alessa.


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