Les champignons ectomycorhiziens des forêts naturelles et ...

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BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2003, N° 275 (1) 51 CHAMPIGNONS ECTOMYCORHIZIENS / LE POINT SUR… Les champignons ectomycorhiziens des forêts naturelles et des plantations d’Afrique de l’Ouest : une source de champignons comestibles Peu de données sont actuellement disponibles sur les champignons ectomycorhiziens comestibles en Afrique de l’Ouest, alors qu’ils constituent une source de revenus potentielle pour les populations. Des recherches permettant d’allier une gestion forestière durable à la production de champignons comestibles, notamment en plantations, devraient être entreprises dans cette partie du continent africain. Lactarius gymnocarpoides, espèce de champignon comestible mentionnée en Afrique centrale et australe et également trouvée en Afrique de l’Ouest. Lactarius gymnocarpoides, species of edible fungus reported in central and southern Africa is also found in West Africa. Photo : D. Thoen. Marc Ducousso Laboratoire des symbioses tropicales et méditerranéennes TA 10/J 34398 Montpellier Cedex France Amadou Moustapha Université des Antilles et de la Guyane Pointe-à-Pitre Guadeloupe France Daniel Thoen Fondation universitaire luxembourgeoise 185, avenue de Longwy 6700 Arlon Belgique

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B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 3 , N ° 2 7 5 ( 1 ) 51CHAMPIGNONS ECTOMYCORHIZIENS / LE POINT SUR…

Les champignons ectomycorhiziensdes forêts naturelles et des

plantations d’Afrique de l’Ouest :une source de champignons

comestibles

Peu de données sont actuellement disponibles sur les champignonsectomycorhiziens comestibles en Afrique de l’Ouest, alors qu’ils constituent une source derevenus potentielle pour les populations. Des recherches permettant d’allier une gestionforestière durable à la production de champignons comestibles, notamment en plantations,devraient être entreprises dans cette partie du continent africain.

Lactarius gymnocarpoides, espèce de champignon comestible mentionnée en Afrique centraleet australe et également trouvée en Afrique de l’Ouest.Lactarius gymnocarpoides, species of edible fungus reported in central and southern Africa isalso found in West Africa.Photo : D. Thoen.

Marc DucoussoLaboratoire des symbioses tropicales et méditerranéennesTA 10/J34398 Montpellier CedexFrance

Amadou Moustapha BâUniversité des Antilles et de la GuyanePointe-à-PitreGuadeloupeFrance

Daniel ThoenFondation universitaireluxembourgeoise185, avenue de Longwy6700 ArlonBelgique

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FOCUS / ECTOMYCORRHIZAL FUNGI

RÉSUMÉ

LES CHAMPIGNONSECTOMYCORHIZIENS DES FORÊTSNATURELLES ET DES PLANTATIONSD’AFRIQUE DE L’OUEST : UNESOURCE DE CHAMPIGNONSCOMESTIBLES

Les forêts d’Afrique de l’Ouest s’éten-dent depuis le sud du Sénégal jus-qu’en Côte d’Ivoire. Dans ces forêts,les arbres ectomycorhiziens sontlocalement diversifiés et/ou abon-dants. Ils appartiennent aux famillesbotaniques des Caesalpiniaceae (tri-bus des Detarieae et des Amhers-tieae), Dipterocarpaceae (genreMonotes) et Uapacaceae (genreUapaca). La diversité des champi-gnons ectomycorhiziens associés àces arbres est importante, notam-ment parmi les genres Russula, Lacta-rius, Amanita, Cantharellus et Boletus(s. l.). De nombreuses espèces pré-sentes en Afrique de l’Ouest, appar-tenant aux genres Russula, Amanitaet Cantharellus, sont probablementcomestibles car elles sont consom-mées en Afrique de l’Est et en Afriqueaustrale. Cependant, en Afrique del’Ouest, très peu d’information estdisponible sur la consommation deschampignons comestibles par lespopulations locales. Comme la plu-part des produits forestiers nonligneux, les champignons sont sous-exploités dans cette partie del’Afrique. Il est aussi probable que,comme ailleurs en Afrique, les popu-lations vivant dans ou au voisinagedes zones forestières soient plusfamilières avec les champignons quecelles des savanes qui sont générale-ment mycophobes.

MMoottss--ccllééss :: champignon ectomycorhi-zien, champignon comestible, forêtnaturelle, plantation, Afrique del’Ouest.

ABSTRACT

ECTOMYCORRHIZAL FUNGIASSOCIATED WITH NATIVE ANDPLANTED TREE SPECIES IN WESTAFRICA: A POTENTIAL SOURCE OFEDIBLE MUSHROOMS

West African forests extend fromsouthern Senegal to Côte d’Ivoire. Inthese forests, ectomycorrhizal treesare locally diversified and/or abun-dant. They belong to the followingbotanical families: Caesalpiniaceae(Tribes Detariae and Amherstieae),Dipterocarpaceae (Genus Monotes)and Uapacaceae (Genus Uapaca). Theectomycorrhizal fungi linked to thesetrees are highly diverse, and includemany species of Russula, Lactarius,Amanita, Cantharellus, Boletus (s.l.).Many Russula, Amanita and Cantha-rellus species of West Africa are defi-nitely edible, as most of them areconsumed elsewhere, in Central,Eastern or Southern Africa. However,in West Africa, consumption of ediblefungi by local peoples is not yet welldocumented. As non-timber forestproducts, fungi are under-exploited inthis part of Africa. It can also beassumed that, as elsewhere in Africa,people living in or near forest areasare likely to be more tolerant of fungithan savannah people, who are gen-erally mycophobic.

Keywords: ectomycorhizal fungi, edi-ble fungi, natural forest, plantation,West Africa.

RESUMEN

LOS HONGOS ECTOMICORRÍCICOSDE LOS BOSQUES NATURALES Y DELAS PLANTACIONES DE ÁFRICAOCCIDENTAL: UNA FUENTE DEHONGOS COMESTIBLES

Los bosques de África Occidental seextienden desde el sur de Senegalhasta Costa de Marfil. En estos bos-ques, los árboles ectomicorrícicos seencuentran localmente diversificadoso abundantes. Pertenecen a lassiguientes familias botánicas:Caesalpiniaceae (tribus Detarieae yAmherstieae), Dipterocarpaceae(género Monotes) y Uapacaceae(género Uapaca). La diversidad dehongos ectomicorrícicos asociados aestos árboles es importante, espe-cialmente entre los géneros Russula,Lactarius, Amanita, Cantharellus yBoletus (s. l.). Numerosas especiespresentes en África Occidental, perte-necientes a los géneros Russula,Amanita y Cantharellus son, proba-blemente, comestibles ya que se con-sumen en África Oriental y en ÁfricaAustral. Sin embargo, en ÁfricaOccidental se dispone de muy pocainformación sobre el consumo dehongos comestibles por las poblacio-nes locales. Al igual que la mayoríade los productos forestales no leño-sos, los hongos están subexplotadosen esta parte de África. También esprobable que, como en otras partesde África, los habitantes de zonasforestales o colindantes estén másfamiliarizados con los hongos que losde las sabanas, que suelen ser micó-fobos.

Palabras clave: hongo ectomicorrí-cico, hongo comestible, bosque natu-ral, plantación, África Occidental.

Marc DucoussoAmadou Moustapha BâDaniel Thoen

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Introduction

De nombreuses espèces dechampignons ectomycorhiziens sontdes comestibles de valeur. Parmicelles-ci, la truffe noire du Périgord,le matsutake, les chanterelles et lesbolets sont, mondialement, les plusconnus des champignons forestiers.Cependant, la plupart de nos don-nées viennent des pays tempérés.Très peu de connaissances sontactuellement disponibles sur lacomestibilité des champignons tropi-caux ; cela est particulièrement vraien Afrique de l’Ouest, même si uneétude sur les champignons ectomyco-rhiziens comestibles a été récemmententreprise au Bénin (De Kesel et al.,2001).

Les champignons comestiblessont mieux connus en Afrique cen-trale et en Afrique de l’Est (notam-ment Parent, Thoen, 1978 ; Buyck,1994 ; Harkönen et al., 1995). Il fautdire que leur découverte est beau-coup plus ancienne. En effet, c’est en1867 que David Livingstone rapportepour la première fois, en Afrique, laconsommation de quantités impor-tantes de champignons en Zambie(Piearce, 1985). Ce dernier auteurprécise que les champignons citéspar Livingstone étaient des espècesectomycorhiziennes. Dans une syn-thèse récente sur les champignonscomestibles africains (Rammeloo,Walleyn, 1993), 151 références sontcitées. Seulement trois concernentl’Afrique de l’Ouest (Heim, 1936 aet b ; Locquin, 1954). Aucun travailrécent traitant des champignonscomestibles en Afrique de l’Ouestn’est disponible. Ce manque de don-nées n’est pas dû à une absence dechampignons dans cette partie del’Afrique. En effet, les champignonssont régulièrement mentionnés dansles régimes alimentaires des popula-tions locales, sans plus de précisionssur les espèces, leurs origines et lesméthodes de cuisson.

Notre objectif est, dans un pre-mier temps, de décrire les ressourcesen champignons ectomycorhiziens enAfrique de l’Ouest puis, dans un

second temps, de relier ces sourcespotentielles aux récentes donnéessur les champignons comestibles desparties centrale, orientale et australede l’Afrique. Pour cela, deux élémentssont à prendre en compte. Le premierest la disponibilité de donnéesrécentes sur les champignons comes-tibles en Afrique centrale et australe,le second est constitué par nosconnaissances, acquises depuis plusde vingt ans, sur les champignonsectomycorhiziens en Afrique del’Ouest. La synthèse de ces deux élé-ments nous permettra de mettre enévidence les possibilités de produc-tion de champignons ectomycorhi-ziens comestibles en Afrique del’Ouest.

Situationgéographique

de la zone d’étude

Notre propos se limite à la par-tie occidentale de l’Afrique del’Ouest, entre 5 et 10° Nord et 3 et 16°Est. Ces limites incluent le sud duSénégal et du Burkina, la Côted’Ivoire et la Guinée, pays pour les-quels des informations sont dispo-nibles. Nos conclusions pourront êtreextrapolées aux pays voisins, commele Bénin et le Nigeria, pour les partiesde ce pays ayant un climat et unevégétation similaires (figure 1). Eneffet, même si quelques spécificitésexistent au sein de la flore ectomyco-rhizienne ouest-africaine, nousn’avons, jusqu’à présent, aucune

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Figure 1. Pays étudiés et zones où les observations présentées peuvent être extrapolées.Studied countries and other areas to which these observations may be extrapolated.

Pays étudiés :

Sénégal, Guinée, Côte d’Ivoire,Burkina Faso

Pays où les résultats sontextrapolables

Répartition de la forêt africaineà ectomycorhizes

Absence de champignonsectomycorhiziens

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indication quant à l’existence de dif-férences majeures qui la sépareraientdu reste de la flore ectomycorhi-zienne de l’Afrique tropicale.Toutefois, il convient d’être très pru-dent et de ne pas considérer qu’uneespèce est comestible dans tous lespays où on la trouve si les informa-tions concernant sa comestibilité nesont avérées que dans un seul pays.

Les pr incipauxtypes forestiers

concernés

Dans la zone d’étude définie,quatre types de forêts dominées parles ectomycorhizes sont à considérer.Le premier type est la forêt tropicaledense (figure 2 a). Elle est caractéri-

sée par une pluviosité annuelle com-prise entre 2 000 et 6 000 mm, unehumidité maximale tout au long del’année et une saison sèche quasiinexistante, favorable à l’abondancedes épiphytes. Le deuxième type estla forêt soudanienne claire semi-déci-due (figure 2 b). Ce type de forêt estsouvent dominé par une seule espèceformant des peuplements purs (cas

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Figure 2. Les quatre types de formations forestières ouest-africaines dominées par les ectomycorhizes. A : forêt tropicale dense humideau sud de la Guinée ; B : forêt soudanienne claire semi-décidue à Lataha, Côte d’Ivoire ; C : forêt-galerie vue d’avion au nord dela Côte d’Ivoire ; D : plantations d’Eucalyptus au nord de la Côte d’Ivoire. The four types of West African forest formations with dominant ectomycorrhiza. A: dense tropical rain forest in southern Guinea;B: Sudanese semi-deciduous clear forest, Lataha, Côte d’Ivoire; C: aerial photograph of a gallery forest in the north of Côted’Ivoire; D: Eucalyptus plantations in the north of Côte d’Ivoire. Photo A : A. M. Bâ ; photos B, C, D : M. Ducousso.

A

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A B

C D

Figure 3. Les six espèces de champignons comestibles mentionnées en Afrique centrale et australe et également trouvées en Afrique del’Ouest. A : Cantharellus rufopunctatus ; B : Cantharellus pseudofriesii ; C : Lactarius gymnocarpus ; D : Lactariusgymnocarpoides ; E : Phlebopus sudanicus et F : Tubosaeta brunneosetosa.Six species of edible fungi reported in central and southern Africa are also found in West Africa. A: Cantharellus rufopunctatus;B: Cantharellus pseudofriesii; C: Lactarius gymnocarpus; D: Lactarius gymnocarpoides; E: Phlebopus sudanicus and F:Tubosaeta brunneosetosa.Photos A, B : M. Ducousso. ; photos C, D : D. Thoen ; photo E : M. Ducousso ; photo F : D. Thoen.

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d’Isoberlinia doka au nord de la Côted’Ivoire). Dans ces régions, la pluvio-sité annuelle varie de 800 à 2 000 mmet les épiphytes deviennent rares. Letroisième type de forêt est constituépar les galeries forestières (figure2 c). Ces formations particulièrescroissent le long des cours d’eau tem-poraires ou permanents, principale-ment dans la zone soudanienne del’Afrique de l’Ouest. Elles sont domi-nées principalement par les Uapaca,les Afzelia et quelques autres genres

de la tribu des Amherstieae. Le qua-trième type de boisement est formépar les plantations (figure 2 d). On lestrouve à peu près partout, étant faci-lement reconnaissables, essentielle-ment du fait de leur caractère généra-lement monospécifique. Quelquesespèces de plantations comme lesEucalyptus, les Acacia australiens etles pins sont ectomycorhiziennes etmaintenant très répandues en Afriquede l’Ouest.

Les espècesd’arbres impliquéesdans les symbiosesectomycorhiziennes

Les trois premiers types de forêtdécrits ci-dessus sont des formationsnaturelles d’Afrique de l’Ouest. Lesarbres ectomycorhiziens de ces forêtsappartiennent à trois familles bota-niques : Caesalpiniaceae, Dipterocar-paceae et Uapacaceae (tableau I).

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Tableau I. Liste des espèces d’arbres à ectomycorhizes rencontrées en Afrique de l’Ouest mentionnant leur écologie, le pays où la symbiose a été décrite et les références bibliographiques.

Espèce Famille/Tribu Écologie Pays/Auteurs

Afzelia africana Caesalpiniaceae/Detarieae Forêt claire soudanienne, Sénégal (Thoen, Bâ, 1989), forêt tropicale dense Guinée (Thoen, Ducousso, 1989 a),

Burkina (Sanon et al., 1997), Côte d’Ivoire (Ducousso et al., 1999)

Afzelia bella Caesalpiniaceae/Detarieae Forêt tropicale dense Guinée (Bâ et al., 2000)

Afzelia bracteata Caesalpiniaceae/Detarieae Forêt claire soudanienne Guinée (Thoen, Ducousso, 1989 a)

Anthonotha crassifolia Caesalpiniaceae/Amherstieae Forêt claire soudanienne Guinée (Thoen, Ducousso, 1989 a)

Anthonotha fragans Caesalpiniaceae/Amherstieae Forêt tropicale dense Guinée (Bâ et al., 2000)

Anthonotha macrophylla Caesalpiniaceae/Amherstieae Forêt tropicale dense Guinée (Bâ et al., 2000)

Berlinia grandiflora Caesalpiniaceae/Amherstieae Forêt claire soudanienne Côte d’Ivoire (Locquin, 1954)

Cryptosepalum tetraphyllum Caesalpiniaceae/Amherstieae Forêt tropicale dense Guinée (Bâ et al., 2000)

Gilbertiodendron limba Caesalpiniaceae/Amherstieae Forêt tropicale dense Guinée (Bâ et al., 2000)

Isoberlinia doka Caesalpiniaceae/Amherstieae Forêt claire soudanienne Burkina (Sanon et al., 1997), Côte d’Ivoire (Ducousso et al., 1999)

Isoberlinia dalziellii Caesalpiniaceae/Amherstieae Forêt claire soudanienne Burkina (Sanon et al., 1997)

Paramacrolobium coeruleum Caesalpiniaceae/Amherstieae Forêt tropicale dense Guinée (Bâ et al., 2000)

Pellegriniodendron diphyllum Caesalpiniaceae/Amherstieae Forêt tropicale dense Guinée (Bâ et al., 2000)

Monotes kerstingii Dipterocarpaceae/Monotideae Forêt claire soudanienne Burkina (Sanon et al., 1997)

Uapaca chevalieri Uapacaceae Forêt claire soudanienne Guinée (Thoen, Ducousso, 1989 a)

Uapaca guineensis Uapacaceae Forêt-galerie, Sénégal (Thoen, Bâ, 1989), forêt tropicale dense Guinée (Thoen, Ducousso, 1989 a),

Burkina (Sanon et al., 1997), Côte d’Ivoire (Ducousso et al., 1999)

Uapaca heudelottii Uapacaceae Forêt tropicale dense Côte d’Ivoire (Ducousso et al., 1999), Guinée (Bâ et al., 2000)

Uapaca somon Uapacaceae Forêt tropicale dense, Burkina (Sanon et al., 1997), forêt claire soudanienne Guinée (Bâ et al., 2000)

Uapaca togoensis Uapacaceae Forêt claire soudanienne Côte d’Ivoire (Ducousso et al., 1999)

Uapaca sp. Uapacaceae Forêt-galerie Guinée (Thoen, Ducousso, 1989 a), Burkina (Sanon et al., 1997)

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Parmi les Caesalpiniaceae, deuxtribus, les Amherstieae et lesDetarieae, ont des espèces à ectomy-corhizes. La première possède unnombre relativement important degenres et d’espèces en Afrique del’Ouest tandis que la seconde n’estreprésentée que par un seul genre,Afzelia.

Le genre Uapaca a longtempsété classé parmi les Euphorbiaceae.Au moins six espèces d’Uapaca sontprésentes en Afrique de l’Ouest.

Les Monotoideae constituent latribu africaine des Dipterocarpaceae.Une seule espèce du genre Monotesa été décrite comme ectomycorhi-zienne en Afrique de l’Ouest.

D’autres espèces ouest-afri-caines, non mentionnées dans letableau I, sont probablement aussi àectomycorhizes. Cela est certaine-ment vrai pour d’autres espèces desgenres déjà cités dans le mêmetableau, mais aussi pour des genrescomme Aphanocalyx, Didelotia,Microberlinia, Monopetalanthus etTetraberlinia (Newbery et al., 1988),dont la capacité à former des ectomy-corhizes n’a pas encore été recher-chée en Afrique de l’Ouest.

D’après la Fao (Pandey, 1997),les plantations de pins, d’Eucalyptus,d’Acacia et de Casuarina, genresconnus pour leur capacité à formerdes ectomycorhizes, couvrent plus de100 000 ha en Afrique de l’Ouest.Cela ne représente que 0,1 % de lasurface du Burkina, de la Côte d’Ivoireet du Sénégal réunis. D’autres genresà ectomycorhizes ont été plantés enAfrique de l’Ouest, mais les surfacesexistant actuellement sont peuimportantes. Une liste des espècesutilisées en plantation en Afrique del’Ouest, pour lesquelles des ectomy-corhizes ont été décrites, est présen-tée dans le tableau II.

La comestibilité :un conceptcomplexe

Une approche négative duconcept de comestibilité peut aider àsa meilleure compréhension. Unchampignon peut être considérécomme non comestible lorsque,notamment, sa consistance est tropdure ou trop visqueuse. Certainschampignons trop durs commeGanoderma lucidum (Jordan,Wheeler, 1998) et quelques autresPolyporaceae sont utilisés commeremèdes en médecine traditionnelle(notamment Gérault, Thoen, 1992).Les champignons sont également

considérés comme non comestibleslorsqu’ils présentent un caractèretoxique. La toxicité peut être expri-mée par des désordres physiolo-giques plus ou moins importants,principalement d’ordre digestif ouneuroleptique. Bien sûr, les champi-gnons mortels ne sont jamais consi-dérés comme comestibles et, le plussouvent, les espèces proches sontégalement rejetées. Les champignonsayant des fructifications de petitetaille ainsi que les champignons fruc-tifiant rarement ou très peu sont éga-lement négligés du fait de la difficultéde leur récolte.

Dans une approche positive, lesdeux principales qualités d’un cham-pignon comestible résident dans son

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Tableau II. Liste des espèces d’arbres ectomycorhiziens introduites en Afrique de l’Ouest avec mention du pays d’introduction et des références bibliographiques ayant rapporté leur ectomycorhization.

Espèce Famille Pays/Auteurs

Casuarina equisetifolia Casuarinaceae Sénégal (Bâ et al., 1987)

Cinnamomum zeylanicum Lauraceae Guinée (Thoen, Ducousso, 1989 a)

Eucalyptus apodophyla Myrtaceae Sénégal (Ducousso, 1991)

Eucalyptus camaldulensis Myrtaceae Sénégal (Ducousso, 1991), Guinée (Thoen, Ducousso, 1989 a), Burkina (Thoen et al., 2001), Côte d’Ivoire (Lesueur, Ducousso, 1995)

Eucalyptus citriodora Myrtaceae Sénégal (Ducousso, 1991)

Eucalyptus grandis Myrtaceae Sénégal (Ducousso, 1991)

Eucalyptus pentaleuca Myrtaceae Sénégal (Ducousso, 1991)

Eucalyptus tereticornis Myrtaceae Sénégal (Ducousso, 1991)

Melaleuca leucodendron Myrtaceae Sénégal (Ducousso, 1991)

Melaleuca viridifolia Myrtaceae Sénégal (Ducousso, 1991)

Acacia auriculiformis Mimosaceae Sénégal (Ducousso, 1991), Côte d’Ivoire (Lesueur, Ducousso, 1995)

Acacia holosericea Mimosaceae Sénégal (Ducousso, 1991), Côte d’Ivoire (Lesueur, Ducousso, 1995)

Acacia mangium Mimosaceae Sénégal (Ducousso, 1991), Côte d’Ivoire (Lesueur, Ducousso, 1995)

Acacia trachycarpa Mimosaceae Sénégal (Ducousso, 1991)

Pinus caribaea Pinaceae Sénégal (Ducousso, 1991), Côte d’Ivoire (Lesueur, Ducousso, 1995)

Pinus kesiya Pinaceae Guinée (Ducousso, 1991)

Pinus patula Pinaceae Guinée (Ducousso, 1991)

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caractère charnu et dans son goût.Une consistance plus ou moins vis-queuse peut être appréciée ici ettotalement rejetée ailleurs. Il en estde même pour le goût. Par exemple,au nord de la Côte d’Ivoire, une rus-sule amère est plus appréciée qu’uneespèce similaire plus douce. Demême, en Indonésie, les scléro-dermes récoltés dans les plantationsd’Eucalyptus sont commercialisés,alors qu’en Afrique les espèces de cegenre ne sont pas connues pour êtreconsommées. La comestibilité d’uneespèce de champignon est un carac-tère variable d’un lieu à un autre enfonction des coutumes locales. Enconséquence, la comestibilité ne peutêtre constatée qu’a posteriori.

Les espèces de champignonsimpliquées dans

les symbiosesectomycorhiziennes

Les champignonsassociés à des espèceslocales ouest-afr icaines

La diversité des champignonsectomycorhiziens associés à desespèces locales est très importante.Les genres Russula, Lactarius, Ama-nita, Cantharellus, Inocybe et Boletussont parmi les plus représentés. Dansla partie méridionale du Burkina, 27espèces ont été mentionnées (Sanonet al., 1997). En Côte d’Ivoire,

70 espèces associées principalement àIsoberlinia doka ont été décrites(Ducousso et al., 1999). En Guinée, 38espèces ont été trouvées au Fouta-Dja-lon (Thoen, Ducousso, 1989 a) et 110dans la forêt dense humide du sud dupays (Rivière et al., 2001). Au Sénégal,43 espèces ont été décrites commeassociées à Uapaca guineensis et 34avec Afzelia africana (Thoen, Bâ, 1989).

Parmi ces 322 champignonscités, les deux tiers n’ont pas pu êtreidentifiés jusqu’au niveau de l’es-pèce et 12 espèces nouvelles ont étédécrites. I l est certain que cesrécoltes sont encore incomplètesmais elles illustrent déjà le manquede données sur les macromycètes enAfrique de l’Ouest et le besoin dedévelopper la mycologie dans cettepartie de l’Afrique.

La mention des champignonsdans le régime alimentaire des popu-lations locales est une indication del’importance de cette ressource.Toutefois, notre manque de connais-sance des champignons ectomycorhi-ziens ne permet pas d’identifier ceschampignons et, de fait, réduit consi-dérablement les possibilités de déve-lopper cette ressource.

Parmi les espèces trouvées enAfrique de l’Ouest, Cantharellus rufo-punctatus, C. pseudofriesii, Lactariusgymnocarpus, L. gymnocarpoides(Verbeken, 1997), Phlebopus sudani-cus et Tubosaeta brunneosetosa sontmentionnées comme comestibles enAfrique centrale et australe (Parent,Thoen, 1978 ; figure 3). La comestibi-lité de ces espèces doit encore êtreconfirmée. Toutefois, la liste des cham-pignons ectomycorhiziens comestiblesn’est certainement pas restreinte à cessix espèces. D’après les donnéesd’Afrique centrale et australe, il est trèsprobable que d’autres espèces ecto-mycorhiziennes, notamment dans lesgenres Amanita, Cantharellus et Rus-sula, sont comestibles. En dépit de lapetite taille de ses fructifications quirend difficile sa cueillette en quantitésuffisante, Cantharellus floridulus(figure 4) est consommé au Ghana.Des russules blanches sont égalementconsommées en Côte d’Ivoire.

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Figure 4. Cantharellus floridulus récolté sous Isoberlinia doka en Côte d’Ivoire.Cantharellus floridulus harvested under Isoberlinia doka in Côte d’Ivoire.Photo M. Ducousso.

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Les champignonsassociés à des espèces

de plantations

Les espèces d’arbres originairesd’Australie comme les Eucalyptus, lesAcacia et les Casuarina n’ont jamaisfait l’objet d’une inoculation volon-taire par des champignons ectomyco-rhiziens dans notre zone d’étude.Leurs associations ectomycorhi-ziennes éventuelles sont spontanéeset totalement incontrôlées. Il a étéétabli que les champignons ectomy-corhiziens des forêts naturelles afri-caines ne permettent pas de formerdes ectomycorhizes réellement fonc-tionnelles avec les espèces ligneusesaustraliennes (Malajczuk et al.,1990 ; Martin et al., 1998). Les cham-pignons ectomycorhiziens de cesespèces auraient donc été introduitsfortuitement à partir de leur aired’origine en Australie. Leur diversitéest de ce fait très limitée. LesEucalyptus ont été trouvés en sym-biose avec Pisolithus sp., Sclero-derma capense, S. verrucosum etPhlebopus sudanicus. Pour lesAcacia, seul Pisolithus sp. est men-tionné comme espèce ectomycorhi-zienne (figure 5). Casuarina equiseti-

folia a été trouvé en symbiose avecPisolithus sp. et Phlebopus sudani-cus au Sénégal (Ducousso, 1991).

En Corse (France), les jeunesfructifications de Pisolithus sp. sontconsommées sous la dénominationde « truffe de Corse ». Les fructifica-tions plus matures sont utilisées pourla teinture de la laine et des tissus.Aucun de ces usages n’est mentionnéen Afrique. Les Phlebopus sudanicusrécoltés dans les plantations litto-rales du sud du Sénégal sont venduslocalement dans les restaurants tou-ristiques.

A Madagascar, Cantharelluseucalyptorum ined. et des russulesrouges récoltés dans les plantationsd’Eucalyptus robusta font l’objet d’uncommerce important (Ducousso,1999). Une espèce comestible deXerocomus a également été trouvéesous Acacia mangium (Ducousso,1999). Les Eucalyptus et les Acaciapartagent des partenaires ectomyco-rhiziens. Il est donc envisageabled’utiliser les mêmes souches dansdes essais d’inoculation contrôlée.Les possibilités d’utiliser ces arbrescomme support pour la productioncontrôlée de champignons comes-tibles doivent être explorées.

Le succès de l’introduction despins en plantation a été possiblegrâce à leur inoculation, comme cela aété le cas en Guinée au début duxxe siècle (Chevalier, 1947). Depuislors, la litière des plantations âgées etparfaitement bien établies est utiliséepour l’inoculation des pépinières. Dela sorte, la diversité des champignonsectomycorhiziens est sensiblementplus importante que sous les espècesaustraliennes, même si, comme pource dernier cas, l’introduction deschampignons n’a absolument pas étécontrôlée. Ainsi, toutes sortes dechampignons ont été introduitesindistinctement, comprenant aussibien des espèces toxiques, mortelles,comestibles ou pathogènes. La pré-sence sous les pins de champignonstrès toxiques comme l’amanite phal-loïde (Pegler, Piearce, 1980) incite àla plus grande prudence. Les popula-tions locales le savent parfaitement etrécoltent très rarement sous les pins,malgré l’abondance de champignonscomestibles comme Suillus granula-tus (Ducousso, 1991 ; figure 6). Cetteespèce, vendue sous forme de conserveen Europe et en Amérique du Nord,est totalement négligée par les popu-lations ouest-africaines. Il en est de

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Figure 5. Pisolithus sp. sous Acacia holosericea.Sénégal, région de Dakar.Pisolithus sp. under Acacia holosericea.Senegal, Dakar region.Photo M. Ducousso.

Figure 6. Suillus granulatus récolté sous Pinus kesiya. Fouta-Djalon, Guinée.Suillus granulatus harvested under Pinus kesiya. Fouta Djalon, Guinea.Photo M. Ducousso.

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même pour Phallus (Dictyophora)indusiatus qui est commercialisée enAsie (Chang, Miles, 1989) et desquatre autres espèces Amanita sp.,Corditubera sp., Scleroderma cepa etStrobilomyces luteolus, trouvées sousles pins en Guinée (Ducousso, 1991).

Dans le sud de la France, lespossibilités d’assurer la productionde Lactarius deliciosus en associationavec des pins ont été explorées avecsuccès (Guerin-Laguette, 1998). Cetexemple, développé en zone tempé-rée, pourrait être adapté en Afrique.

Des essais d’inoculation contrô-lée sur Acacia mangium ont été misen place en Afrique à des fins derecherche. Effectués sur de petitessurfaces, ils n’ont pas été orientésvers la production de champignonscomestibles. Toutefois, les potentiali-tés des Eucalyptus, des Acacia aus-traliens et des pins tropicaux commesupport pour la production de cham-pignons comestibles méritent uneattention particulière, afin d’accroîtrel’intérêt des populations pour cesplantations en Afrique de l’Ouest.

Quelques casparticuliers

Phlebopus sudanicus

Cette espèce ubiquiste, trouvéeaussi bien sous les espèces localesqu’introduites (Thoen, Ducousso,1989 b), est sujette à des interpréta-tions contradictoires quant à sa comes-tibilité : « Apprécié par les populationsindigènes » (Hariot, Patouillard,1909) ; « Said to cause intoxication inWest Africa » (Pegler, Rayner, 1969 ;Morris, 1990). Une partie de laréponse réside probablement dansl’ambiguïté de la description de cetteespèce. En effet, comme cela est pré-senté en figure 7, de très importantesvariations morphologiques existententre trois spécimens récoltés auSénégal. Cela suggère la nécessitéd’une révision du genre Phlebopusavant de se prononcer sur le caractèrecomestible de ces espèces. AuSénégal, les Européens consommentrégulièrement et sans problèmePhlebopus sudanicus qui est trèsappréciée. L’existence de variétés voired’espèces toxiques au sein du genrePhlebopus n’est toutefois pas à écar-ter. Apparemment, les populationssénégalaises ne consomment pasPhlebopus sudanicus et ne semblentpas disposer d’informations sur sacomestibilité et sa diversité.

Amanita bingensis

Cette amanite trouvée dans lesforêts soudaniennes claires semi-déci-dues fait également l’objet d’interpré-tations contradictoires quant à sacomestibilité et il est clair qu’une pré-cision univoque de la description desamanites jaunes est indispensable. Eneffet, d’après Morris, « a number ofyellow Amanita are considered ediblein Central Africa » (Morris, 1990),d’après Heim, « Amanita bingensis esttrès toxique » (Heim, 1940), enfind’après Dolacinski (communicationpersonnelle), Amanita bingensis estmortelle. Les propos de Morris méri-tent d’être vérifiés et précisés avant destatuer sur la comestibilité de cer-taines amanites jaunes.

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FOCUS / ECTOMYCORRHIZAL FUNGI

Figure 7. Trois morphotypes différents de Phlebopus sudanicus récoltés au Sénégal.Three different morphotypes of Phlebopus sudanicus harvested in Senegal.Photos D. Thoen & M. Ducousso.

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Gyrodon intermediusined.

Ce champignon (figure 8) trouvéau Sénégal, exclusivement dans lesgaleries forestières, est servi dansquelques restaurants touristiquescomme un bolet local. Il est trèsapprécié par les Européens et, avecdes collègues, nous avions pour habi-tude, au début de la saison despluies, de consommer de grandesquantités de ce délicieux champi-gnon. À ce jour, il s’agit de la premièremention du caractère comestibled’une espèce de Gyrodon en Afrique.Aucune information sur la consom-mation de cette espèce n’a été rele-vée auprès des populations sénéga-laises vivant à proximité de cesgaleries forestières.

Conclusion

Les champignons ectomycorhi-ziens comestibles constituent unerichesse potentielle en Afrique del’Ouest, où ils ne font pas l’objet d’uncommerce important, comme c’est lecas en Afrique centrale, orientale etaustrale. Nos connaissances sur ceschampignons sont encore très insuffi-santes. L’intervention de mycologuespour caractériser la ressource estindispensable, afin d’en assurer ledéveloppement ultérieur.

La production de champignonsectomycorhiziens ne peut être assu-rée qu’en forêt dans des sites trèspeu ou pas dégradés. Des recherchespermettant d’allier une gestion fores-tière durable à la production de

champignons comestibles devraientêtre entreprises en Afrique del’Ouest, comme c’est le cas aux États-Unis depuis une quinzaine d’années. Les possibilités qu’une approche dece type permette de réduire, au moinslocalement, la dégradation des forêtsd’Afrique de l’Ouest sont à explorer.

Les plantations peuvent être uti-lisées comme support pour la pro-duction de champignons comestibles.Les techniques d’inoculation et desuivi des souches sont déjà bien maî-trisées dans les régions tempérées etégalement, dans une certainemesure, dans les régions tropicales(Brunck et al., 1990). Bien sûr, denouvelles souches adaptées auxconditions écologiques de l’Afriquede l’Ouest devront être sélection-nées. Sous certaines conditions, l’in-troduction de champignons sélection-nés à l’origine de la plantation permetde générer des revenus annuels quipeuvent rapidement dépasser ceuxdu bois, comme c’est le cas dans lesud de la France, avec l’associationdu chêne vert et de la truffe duPérigord.

L’utilisation des champignonsectomycorhiziens comestibles pourpromouvoir le développementdurable des forêts tropicales et desplantations ne devrait plus êtrenégligé par les forestiers.

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Figure 8. Gyrodon intermedius ined., vendu comme bolet dans divers restaurantstouristiques sénégalais.Gyrodon intermedius ined., served as a boletus in tourist restaurants in Senegal.Photo M. Ducousso.

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FOCUS / ECTOMYCORRHIZAL FUNGI

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SynopsisECTOMYCORRHIZAL FUNGIASSOCIATED WITH NATIVEAND PLANTED TREE SPECIESIN WEST AFRICA: A POTENTIAL SOURCE OF EDIBLE MUSHROOMS

Marc DUCOUSSOAmadou Moustapha BÂDaniel THOEN

Ectomycorrhizal fungi arenatural compulsory symbiotic partners ofsome native and introduced tree speciesin West Africa. Several ectomycorrhizalfungi are valuable edible mushrooms, likethe Périgord black truffle or the Matsu-take. However, the bulk of our data con-cern fungi in temperate countries. The aimof this paper is to describe this resource inWest Africa.

Current knowledgeA recent review on African edible fungimentions 151 references. Only 3 of theseconcern West Africa, the most recent hav-ing been published by Locquin in 1954.Edible mushrooms are better known inCentral and Eastern Africa than in WestAfrica, where no recent work on ediblemushrooms is available. Nevertheless,mushrooms are regularly cited in the dietof local people, although there is no spe-cific data on species, origin and cookingmethods.An approach based on recent data con-cerning edible mushrooms in Central,Eastern and South Africa and on knowl-edge acquired over the last 20 years onectomycorrhizal fungi in West Africa hasbeen developed to assess possibilities forthe production of edible ectomycorrhizalfungi in West Africa.

Forest types and tree species associatedwith ectomycorrhizal fungiWest Africa has four types of forests dom-inated by ectomycorrhizal trees: 1- densetropical rainforest, 2- Sudanese semi-deciduous clear forest, 3- gallery forest, 4- some plantations. The first three types of forests are domi-nated by three botanical families, Cae-salpiniaceae, Dipterocarpaceae andEuphorbiaceae, all native to West Africa.Within these families, two tribes of Cae-salpiniaceae: Amherstieae (10 sp.) andDetarieae (3 sp.), one genus of Diptero-carpaceae: Monotes (1 sp.) and one genusof Euphorbiaceae: Uapaca (6 sp.) areknown to be ectomycorrhizal. It is verylikely that other species, especiallybelonging to genera Aphanocalyx, Didelo-tia, Microberlinia, Monopetalanthus andTetraberlinia (which have not yet beenexamined for ectomycorrhiza), are alsoectomycorrhizal in West Africa. In plantations, Pinus, Eucalyptus, Acaciaand Casuarina are known for their abilitiesto form ectomycorrhizas. These coverabout 100,000 ha in West Africa. Someother species have been recorded as ecto-mycorrhizal in West Africa but their plant-ed areas are negligible.

EdibilityThe two main qualities of an edible fungusare fleshy consistency and tasty flavour.Nevertheless, appreciation of the qualitiesof a fungus varies from one place to anoth-er. A bitter taste or gummy consistency canbe appreciated locally, but if the consis-tency is too hard or too gummy, the fungiare generally considered inedible, andthey rarely fruit. Possibilities for profitableharvests have to be considered in the lightof edibility. Toxic and lethal fungi, includ-ing closely related species, are rejected,even if their toxicity has never beenproven. In any case, edibility can only beconfirmed after the event, which makeslocal knowledge of prime importance.

Ectomycorrhizal fungiMany species belonging to the generaRussula, Lactarius, Amanita, Cantharellus,Inocybe and Boletus (already over 200 sp.)are frequently associated with nativetrees. Two thirds of sporophores collecteduntil now have not been named with cer-tainty, and 12 new species have beenrecognised. It is also certain that these col-lections are still incomplete, illustratingthe lack of data in the field of mycology inWest Africa. Among species already foundin West Africa, Cantharellus rufopunctatus,C. pseudofriesii, Lactarius gymnocarpus,L. gymnocarpoides, Phlebopus sudanicusand Tubosaeta brunneosetosa are men-tioned as edible species in Central andSouthern Africa. Other edible ectomycor-rhizal species are expected to be found,especially within the genera Amanita, Can-tharellus and Russula.Associated ectomycorrhizal flora in planta-tions is very limited. Only ten species(Amanita sp., Corditubera sp., Phallus(Dictyophora) indusiatus, Phlebopussudanicus, Pisolithus sp., Sclerodermacapense, Sc. cepa, Sc. verrucosum Stro-bilomyces luteolus and Suillus granulatus)have been found. Some are commer-cialised, like Suillus granulatus in Europeand North America as yellow boletus, orPhallus indusiatus in Asia as Zhu Sheng.Young sporophores of Pisolithus are eatenin Corsica (France) as “Corsican truffle”and mature sporophores were used inEurope as dye for wool and textiles. Noneof these uses are reported in West Africa.Phlebopus sudanicus from coastal Casuar-ina equisetifolia plantations in SouthSenegal is the only harvested species. It isserved as a local boletus in some touristrestaurants.In Madagascar, Cantharellus eucalyptorumined. and some red Russula harvestedunder Eucalyptus robusta are intensivelytraded. An edible, abundantly fruitingspecies of Xerocomus has also been foundunder Acacia mangium. The potential ofEucalypts, Australian Acacia and tropicalpines to support the production of ediblemushrooms is worth exploring.

Edible ectomycorrhizal fungi are a poten-tial resource for West Africa. They arediversified and are not subject to intensivetrading. Their use in tropical forests andplantations should be promoted.

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