Les bénéfices du télétravail - OpenEdition

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Revue francophone sur la santé et les territoires Mobilités Transports et Santé | 2019 Les bénéfices du télétravail Mobilité modérée : réduction du stress et des émissions de gaz à effets de serre Patrice Tissandier et Sophie Mariani-Rousset Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/rfst/397 DOI : 10.4000/rfst.397 ISSN : 2492-3672 Éditeur Espaces et SOciétés (UMR 6590) Référence électronique Patrice Tissandier et Sophie Mariani-Rousset, « Les bénéces du télétravail », Revue francophone sur la santé et les territoires [En ligne], Mobilités Transports et Santé, mis en ligne le 27 mai 2019, consulté le 06 avril 2021. URL : http://journals.openedition.org/rfst/397 ; DOI : https://doi.org/10.4000/rfst.397 Ce document a été généré automatiquement le 6 avril 2021. La Revue francophone sur la santé et les territoires est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale - Partage dans les Mêmes Conditions 4.0 International.

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Revue francophone sur la santé et lesterritoires  Mobilités Transports et Santé | 2019

Les bénéfices du télétravailMobilité modérée : réduction du stress et des émissions de gaz à effets deserre

Patrice Tissandier et Sophie Mariani-Rousset

Édition électroniqueURL : http://journals.openedition.org/rfst/397DOI : 10.4000/rfst.397ISSN : 2492-3672

ÉditeurEspaces et SOciétés (UMR 6590)

Référence électroniquePatrice Tissandier et Sophie Mariani-Rousset, « Les bénéfices du télétravail », Revue francophone sur lasanté et les territoires [En ligne], Mobilités Transports et Santé, mis en ligne le 27 mai 2019, consulté le06 avril 2021. URL : http://journals.openedition.org/rfst/397 ; DOI : https://doi.org/10.4000/rfst.397

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Les bénéfices du télétravailMobilité modérée : réduction du stress et des émissions de gaz à effets deserre

Patrice Tissandier et Sophie Mariani-Rousset

Introduction : l'ambivalence du télétravail ?

1 Depuis 2008, plus de la moitié de la population mondiale habite un espace urbain

(O.N.U., 2008a), un taux de 80% étant prédit pour 2025 dans les pays développés (O.N.U.,

2008b). De cette concentration des hommes et de leurs activités, les zones urbaines

apparaissent dès lors comme les espaces à privilégier pour conduire des actions visant à

réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES). Avec 29% du total, soit 126,5 millions

de tonnes équivalent CO2, le transport routier fait partie des principaux émetteurs de

GES en France (Commissariat général au développement durable, 2018). Au sein de ce

secteur, les navettes domicile-travail couplées à l’utilisation massive de la voiture ont

été identifiées comme l’un des plus grands contributeurs (EEA, 2012 ; EMEP/EEA, 2013 ;

CITEPA, 2013).

2 Le télétravail autorise, de manière volontaire, une activité professionnelle en dehors du

lieu principal, grâce aux technologies de l’information et de la communication. Le

concept est apparu aux États-Unis en 1976 par l’intermédiaire de la société ATT

(Craipeau, 2009-2010). Entendu ici comme la possibilité pour un salarié de travailler

depuis son domicile ou un tiers-lieu, permettant une certaine flexibilité (Taskin &

Vendramin, 2005 ; Morel-à-L’Huissier, 2006), le télétravail est une des solutions

possibles aux objectifs de réduction du nombre et/ou de la distance des navettes

domicile-travail. Il peut donc être considéré comme un outil de réduction des émissions

de GES issues du trafic routier, à la condition que sa mise en place, en bouleversant les

boucles de déplacements quotidiens, ne produise pas de nouveaux déplacements.

3 La prise en compte de l’impact du télétravail sur la santé, autant physique que

psychique, est tout aussi importante (Baugé, 1994 ; Rey, Sitnikoff, 2006 ; Morin, Gagné,

Cherré, 2009). En effet, si des points négatifs sont évoqués dans la littérature comme un

potentiel manque de régulations (Taskin, 2006), une source d’envahissement de la vie

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privée (Tremblay, 2006) ou une difficulté à percevoir la frontière vie privée/

professionnelle (Dumas & Ruiller, 2014), de nombreuses études vantent également la

qualité de vie induite par ce nouveau mode de travail : réduction du stress et de la

fatigue, meilleurs rapports professionnels et familiaux, moindres déplacements,

efficacité dans le travail, santé améliorée (Tremblay & Le Bot, 2001 ; Vandenberghe &

Delobbe, 2002 ; Bérard et al ., 2002 ; Taskin, 2003 ; Moriset, 2004 ; D’Amours, 2005 ;

Morel-à-L’Huissier, 2006 ; Tremblay, 2006 ; Ottmann & Felio, 2016 ; Scaillerez &

Tremblay, 2016 ; Taskin, 2016).

4 Le télétravail a ainsi une position ambivalente : à la fois réducteur des navettes

domicile-travail, mais possible créateur de nouveaux déplacements ; source d’une

meilleure qualité de vie en réduisant la fatigue et le stress, mais potentiellement

envahisseur de la sphère privée. Fruit d’un financement PREDIT, le projet EFFETS a

permis de mener une recherche en régions lilloise et bisontine entre 2010 et 2012. Elle a

consisté en une phase d’expérimentation de télétravail au domicile et de suivi

longitudinal des actifs concernés pour des entreprises volontaires, et une phase de

simulation des mobilités suivant différents scénarii via MobiSim, plateforme de

simulation des mobilités quotidiennes et résidentielles développée au laboratoire

ThéMA. Le suivi régulier des télétravailleurs lors de la phase d’expérimentation a

permis de mettre en évidence une modification des pratiques de mobilité de la part des

télétravailleurs, qui a été progressivement introduite dans les simulations afin de les

rendre les plus proches possible de la réalité.

5 Les conclusions de ce projet permettent ainsi de répondre à un double objectif. D’une

part, il s’agissait de mesurer le ressenti des télétravailleurs (vis-à-vis de leur travail,

mais aussi de leur famille) afin d’éviter les dérives et prévenir les risques (d’isolement,

de stress, de mal-être lié à l’absence de contrôle) et appréhender les modifications

engendrées par cette nouvelle manière de travailler (sur leur santé, leur bien-être, mais

aussi sur le mode de fonctionnement de leur cellule familiale). D’autre part, il s’agissait

de quantifier l’impact du télétravail sur les déplacements et les niveaux d’émission des

gaz à effet de serre (GES) et évaluer les conséquences sur les boucles de déplacements

quotidiens en l’absence de structuration par la navette domicile-travail ainsi que sur les

modes de déplacement.

EXPÉRIMENTATION DANS DEUX ENTREPRISES ETSIMULATIONS

6 Afin de répondre aux objectifs de l’étude, un travail préliminaire de recherche

bibliographique a mis en évidence certains facteurs essentiels à prendre en compte lors

du suivi de télétravailleurs : temps de travail, temps de transport, coût lié au transport

vs temps « gagné », actions inhabituelles réalisées, ressenti des télétravailleurs…

7 Pour mesurer ces critères et leur évolution potentielle au cours de l’expérimentation,

un suivi longitudinal des télétravailleurs a été réalisé via des entretiens/enquêtes

durant la phase d’expérimentation.

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Expérimentation : questionnaires de suivi des télétravailleurs au

domicile

8 La construction et l’administration des questionnaires aux télétravailleurs ont été

menés par une équipe interdisciplinaire 1 qui a regroupé des géographes spécialistes en

modélisation des mobilités quotidiennes, des socio-psychologues pour la bonne

conduite et l’analyse des sondages et des professionnels de la communication pour la

relation avec le télétravailleur et l’employeur. Les buts de ces questionnaires étaient en

effet multiples puisqu’il s’agissait autant d’évaluer le gain réalisé par les entreprises et

les salariés via l’optimisation des déplacements et l’occupation des locaux (gains de

temps, déplacements minimisés, réduction du stress…), que d’obtenir des informations

sur les habitudes de déplacement en vue de les introduire par la suite dans les scénarii

de simulation.

9 Deux méthodes d’enquête ont été utilisées : des questionnaires et des entretiens. Deux

entreprises pilotes, au fonctionnement différent, ont accepté de mener l’étude, dans la

ville de Lille : Okaïdi et Norpac. Ces deux entreprises sont volontaires – ce qui montre à

la fois l’intérêt des salariés et la volonté des employeurs d’investiguer de nouvelles

méthodes de travail. Le temps d’expérience a été respectivement de 5 et 7 mois.

L’enquête a concerné 18 personnes au final, qui ont répondu à un ensemble de

335 questionnaires (avant, pendant et après expérimentation). Le choix du jour de la

semaine a été limité (pas le mercredi, pas les jours de réunions, etc.). Certains testeurs

sont « à la carte » : ils prennent (ou non) un jour dans la semaine, pas forcément le

même, en fonction de leurs besoins et en accord avec leur manager.

10 Du fait des nombreux objectifs, les questionnaires construits sont assez longs puisqu’ils

abordent les aspects à la fois :

sociaux : parle-t-on de freins ou de gains pour l’entreprise ?

écologiques : cela produit-il une baisse des pratiques de mobilité et/ou des comportements

différents ?

psychologiques : les travailleurs à distance voient-ils une amélioration de leurs conditions

de travail/de vie, font-ils des économies, sont-ils sujets à moqueries, leur bien-être

s’améliore-t-il, comment se passent les relations avec les collègues, leur rendement est-il

différent, etc. ?

11 L’administration des questionnaires auprès des entreprises et des télétravailleurs s’est

faite en fonction de l’avancement de la phase d’expérimentation : avant, pendant et

après (tableau 1).

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Tableau 1 : Les trois phases d’expérimentation Simulation des mobilités quotidiennes

12 MobiSim, plateforme de simulation des mobilités quotidiennes et résidentielles

développée par le laboratoire ThéMA de l’Université de Franche- Comté depuis 2008, a

été utilisée pour cette étude. MobiSim se situe dans la lignée des Land Use and

Transport Integrated (LUTI) Models, au même titre que PROPOLIS, URBANSIM ou MIRO

(Antoni, 2010).

13 Deux étapes préliminaires sont nécessaires à la réalisation des simulations. Tout

d’abord, du fait des législations nationales et de la protection de la vie privée, les

données sont rarement accessibles à l’échelle des individus. En France par exemple,

l’information est agrégée par groupes de plusieurs centaines de personnes, pour que les

habitants ne puissent être ni isolés ni identifiés (CNIL). Pour pallier cette difficulté, une

solution consiste à générer une population dite synthétique (Banos & Parrott, 2009).

Concrètement, il s’agit de générer une population artificielle en se basant sur des

données connues au niveau agrégé n+1 du recensement, à laquelle sont attribuées des

caractéristiques individuelles. Trois raisons justifient cette construction : i) une

compatibilité avec les données françaises ; ii) une reproductibilité pour toutes les

agglomérations ; iii) une échelle fine pour la prise en compte des déplacements courts.

La seconde étape consiste à la création du « grid », soit la reproduction cartographique

de l’aire d’étude, essentiellement par l’insertion de données provenant de l’Institut

Géographique National (IGN) auxquelles sont notamment ajoutées des informations sur

les réseaux de transports (lignes de bus, tram, etc., avec les arrêts et les horaires de

passage).

14 Une fois la population synthétique créée et l’aire d’étude reproduite, MobiSim effectue

une distribution des flux de déplacement, et ce via deux étapes : la génération du

programme d’activités des individus, dont les télétravailleurs (quel agent ?, quelle

activité ?, à quelle heure et dans quel ordre ?) et la distribution des déplacements (d’où

partent-ils ?, vers quels lieux ?, par où passent-ils ?). Ces deux étapes ne sont pas

indépendantes du temps : elles sont calculées pour un jour ouvré standard et se

succèdent au cours de cette journée selon une approche d’optimisation.

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15 La distribution des mobilités se fonde sur un modèle gravitaire type Huff (1964). Pour

chaque motif de déplacement, on cherche à obtenir le nombre d’agents se déplaçant

d’un lieu i vers un autre lieu j (figure 1).

Figure 1 : Modèle gravitaire type Huff

16 Ce nombre est déduit de la probabilité d’effectuer un déplacement, elle-même obtenue

par un modèle gravitaire qui repose sur trois postulats de base :

la complémentarité : interaction entre l’ensemble des lieux que l’on peut considérer comme

complémentaires (lieux de résidence, d’emploi, tiers-lieux sont considérés comme tels) ;

la friction de la distance : l’interaction se fonde sur une minimisation, possiblement

pondérée, des distances entre les espaces considérés comme complémentaires ;

l’absence de substitution : pour évaluer les possibilités d’interaction entre les lieux, il est

nécessaire de tester toutes les possibilités de complémentarité et distance.

17 Ainsi, les opérations d’affectation sur les réseaux et de calcul d’itinéraires basées sur

l’algorithme de Dijkstra impliquent deux postulats. D’une part, l’optimisation des

parcours qui amène les individus à prendre nécessairement le plus court chemin et

d’autre part, l’omniscience des agents qui connaissent a priori toutes les possibilités de

déplacement et tous les chemins.

Construction des scénarii

18 À partir de la définition du télétravail donnée en introduction, plusieurs scénarios ont

été imaginés, avec un taux plus ou moins important de télétravailleurs, et avec un

nombre de tiers- lieux potentiels plus ou moins nombreux. Dans tous les scénarios

testés, les télétravailleurs restent à leur domicile ou se rendent dans un tiers-lieux au

lieu de se rendre sur leur lieu habituel de travail. Le reste de leur mobilité est

également affecté : ils continuent à faire les mêmes activités qu’un jour de travail

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classique, mais peuvent les faire depuis des lieux différents, et s’y rendre avec un mode

de transport qui n’est pas celui qu’ils utilisent le reste de la semaine. Les retours

obtenus lors de la phase d’expérimentation en matière de modification des pratiques de

mobilité (maintien ou suppression de certains déplacements liés à la navette domicile-

travail, apparition de nouvelles pratiques) ont par la suite été progressivement

incorporés aux phases de simulations pour les rendre le plus proche possible de la

réalité.

19 Un travail préliminaire d’indentification et d’inclusion de lieux potentiels de

télétravail, en plus du domicile, constitue la première démarche. Les tiers-lieux

pouvant potentiellement accueillir des télétravailleurs ont été définis selon trois

catégories : les tiers-lieux de type 1, 2 et 3 (tableau 2).

Tableau 2 : Les tiers-lieux du télétravail

20 Une fois les lieux potentiels de télétravail, en plus du domicile, identifiés et localisés,

plusieurs simulations avec des taux de télétravailleurs différents ont ensuite été

menées. Ces différents taux de télétravailleurs émanent de résultats d’études sur la

thématique du télétravail.

21 En premier lieu, un rapport du Centre d’Analyse Stratégique (CAS, 2009) souligne que

le potentiel de télétravailleurs n’est pas uniforme pour toutes les régions. Une méthode

de calcul afin d’obtenir une estimation régionale en fonction des potentiels par métiers

a été construite sur cette base. Cette estimation repose sur un croisement entre des

informations contenues dans les Déclarations Annuelles des Données Sociales (fichiers

DADS) indiquant la nature de l’emploi (durée, condition d’emploi, rémunération), les

caractéristiques des salariés (sexe, âge, qualification) et des données sur les

établissements employeurs (secteur d’activité, taille, emploi présentiel ou non). Les

résultats montrent que la région Nord-Pas de Calais, dont Lille est la préfecture, se

place en 4 ème position (sur les 22 régions françaises au moment de l’étude) en nombre

potentiel de télétravailleurs avec un taux de 21% pour 2008. En appliquant le même

taux de progression entre 2008 et 2015 que celui indiqué dans l’étude, le potentiel serait

de 35% en région Nord-Pas de Calais en 2015. En Franche-Comté (pour Besançon), le

potentiel est plus faible puisque le potentiel estimé de télétravailleurs se situe à 16,6%

des salariés ; avec un taux de croissance similaire, ce potentiel s’accroît à 27,6%

pour 2015.

22 Dans un second temps, le nombre de télétravailleurs est également déterminé à partir

des statistiques de la DARES de 2004, selon lesquelles 5,4% des actifs télétravaillent en

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dehors de leur domicile au moins une fois dans la semaine. Ce taux est ventilé par

catégorie socio-professionnelle : ce sont les ingénieurs et cadres qui télétravaillent le

plus (près de 30%), suivis des professions intermédiaires (11%), des employés (4%) et

des ouvriers (1%). Par conséquent, le nombre de télétravailleurs dans une commune

dépend du nombre d’actifs, mais également de leur profession.

23 La combinaison des résultats de ces études et des potentiels qui en découlent, déclinés

par communes et par catégories socio- professionnelles, ont permis d’implémenter au

sein de MobiSim un scénario « plausible » caractérisé par un taux de télétravail fixé à

11% et 2 jours par semaine pour chaque zone d’étude, mais avec des distinguos selon les

types d’emplois et les communes (entre 6% et 47% des actifs, une ou deux fois par

semaine, selon la CSP et le type d’emploi).

24 Afin de mesurer l’impact d’une politique publique forte en faveur du télétravail, deux

scenarii ayant pour caractéristiques des taux extrêmement élevés de télétravailleurs

ont été testés. Un premier scénario dit « haut » concerne la possibilité de télétravailler

pour 50% des cadres, 30% des professions intermédiaires et 20% des employés à raison

de 2 jours par semaine et 10% des ouvriers une fois par semaine. Le second, dit « très

haut » s’applique à 75% des cadres, dont 25% une fois par semaine et 50% deux fois par

semaine ; 60% des professions intermédiaires, avec 20% une fois par semaine et 40%

deux fois par semaine ; 45% des employés, dont 15% une fois par semaine et 30% deux

fois par semaine ; et 20% des ouvriers, 10% à une fois par semaine, 10% à deux fois.

25 Afin d’obtenir un étalon, une simulation en situation initiale, soit sans télétravail,

s’appuyant en partie sur les résultats des enquêtes ménages-déplacements disponibles

sur les deux aires d’étude, est réalisée. Le nombre de déplacements quotidiens est alors

de 3 237 346 pour Lille Métropole et de 516 809 pour la Communauté d’Agglomération

du Grand Besançon.

26 La répartition selon les modes de transport confirme la prédominance du véhicule

particulier avec 54,9% des déplacements à Lille Métropole et 61,4% dans la

Communauté d’Agglomération du Grand Besançon. Les résultats pour la marche à pied

sont proches pour les deux territoires (34,4% du total des déplacements à Lille et 31,4%

à Besançon). En conséquence, les transports en commun sont davantage utilisés à Lille

(10,7% des déplacements) qu’à Besançon (7,2%).

27 La distance moyenne d’un déplacement est plus élevée à Lille avec 4,46 km contre

3,86 km à Besançon, du fait de la différence de superficie des aires urbaines concernées.

En déclinant selon le mode de transport, si la distance moyenne d’un déplacement avec

un véhicule particulier est proche à Lille et Besançon (5,0 km et 5,4 km) elle est plus

importante tant pour les transports en commun que pour la marche à pied à Lille

(respectivement 10,0 km et 1,8 km contre 4,6 km et 0,6 km pour Besançon).

28 Au final, les déplacements quotidiens génèrent près de 14 400 000 km à Lille, dont

8,9 millions en voiture particulière, et près de 2 millions de km à Besançon dont

1,7 millions en voiture particulière (tableau 3).

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Tableau 3 : Résultats des simulations sur les deux territoires d’étude sans télétravail

Des résultats encourageants

Retour sur expérience : la santé primordiale

29 Différents enseignements ont émergé de la phase d’expérimentation menée sur le

territoire lillois. Parmi ces enseignements, certains en relation avec une modification

des pratiques de mobilité ont été inclus dans les simulations comme cela sera présenté

par la suite (Tissandier & Mariani-Rousset, 2013).

Sentiment d’isolement : des stratégies mises en place

30 Parmi les éléments de vigilance évoqués lors du suivi, l’isolement est le plus souvent

cité. Il est parfois décrit comme « pesant » lorsqu’une question a besoin d’une réponse

rapide.

« Le télétravail c’est bien quand les outils fonctionnent, sinon on se trouve seul faceà son problème, et là c’est l’isolement total !!! »

31 Toutefois, cette sensation engendre la mise en place de plusieurs stratégies chez les

testeurs : certains vont utiliser les mails et le téléphone plus qu’à la normale, d’autres

regroupent leurs questions et soit les envoient par mail, soit les évoquent le lendemain

au bureau. Globalement, plus d’un ou deux jours de télétravail par semaine pourraient

engendrer un sentiment d’isolement et des difficultés de communication : on voit ici la

place essentielle de la « communication informelle » que le travail au domicile

restreint. Cette conclusion est partagée par la moitié des testeurs – qui estime que le

rythme d’une journée de télétravail par semaine est adapté – et par un télétravailleur

qui, en réalisant deux jours de télétravail par semaine, évoque un seuil à ne pas

dépasser.

32 La communication est essentielle pour contrer ce sentiment d’isolement, et ce

également bien avant la mise en place du télétravail. En effet, le suivi a permis de

mettre en exergue la nécessité de communiquer les modalités du télétravail auprès de

l’équipe en amont. Seulement un tiers des enquêtés avait organisé une réunion

d’information auprès de leur équipe, les autres regrettant de ne pas avoir assez

formalisé les éléments de l’expérimentation. Les testeurs soulignent donc qu’il faut

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bien insister sur la communication afin de ne pas créer de confusions et que ce mode de

fonctionnement soit bien intégré par l’entourage professionnel.

33 Une analyse croisée entre les questionnaires de suivi longitudinal (à la semaine et au

mois) et les entretiens-bilan montre que la communication reste le facteur le plus

ambigu : dans les réponses fournies, la plupart des enquêtés ne ressentent ni un plus

grand besoin de communiquer ni un sentiment d’isolement quand ils travaillent à la

maison. Grâce au mail, au téléphone et au communicator (logiciel de partage d’outils) il

n’est pas difficile de contacter ses collègues. Néanmoins, lors de certaines périodes où il

est nécessaire de communiquer davantage, le télétravail peut être problématique sans

communication en face à face. Ces points d’isolement et de manque de communication

ressortent dans les entretiens comme les principaux inconvénients de ce type de

fonctionnement pour 1/3 des enquêtés.

Réduction du stress et effets sur la santé

34 Le télétravail agit positivement sur deux éléments source de stress : l’absence de

déplacement (pas de retard le matin au travail, ni le soir pour par exemple récupérer

les enfants) et la prise de recul par rapport à la multitude des interactions

professionnelles (collègues ou clients pressés, réunions impromptues…). Travailler chez

soi occasionne une plus grande souplesse et permet de prendre des pauses plus

nombreuses, à différents moments de la journée, sans regard / jugement extérieur.

35 Le fait de ne pas être au contact direct avec ses collègues permet de conserver une

certaine distance lors d’interactions perturbantes.

« Le e-travail permet des soupapes » ; « En pilotant à distance des sujets de crise,j’avais la capacité à ne pas être impacté par le stress des autres ; j’ai donc pu agircomme une tour de contrôle » ; « Stress beaucoup moins important lors de lajournée de télétravail, car travail au calme, sans être tout le temps dérangé, etbeaucoup moins de bruit qu’au travail en open space ».

36 Concernant la santé, les enquêtés évoquent un plus grand confort physique (matériel

adapté à leur posture) – voire une amélioration de leurs problèmes médicaux.

« [Le télétravail] minimise mes douleurs dorsales. Je n’ai donc pas à lutter contrecette douleur pendant 5 jours d’affilée, ce qui me permet de travailler de façonoptimale » ; « Des problèmes de santé m’obligent à rester à la maison récemment.Le fait de pouvoir travailler depuis la maison est très appréciable ».

37 Il apparaît cependant que des difficultés potentiellement stressantes durant une

journée de télétravail sont évoquées lors de problèmes techniques et informatiques.

Concernant ces problèmes, plusieurs propositions sont faites comme la mise en place

d’une messagerie instantanée, la réalisation de conférences téléphoniques ou encore

l’utilisation de la Webcam pour entrer en contact avec ses collègues. Une hotline avec

un professionnel s’occupant spécifiquement des télétravailleurs et pouvant intervenir

en cas de problème sérieux est également une solution.

38 Malgré ce point de vigilance, il ressort que près de 80% des enquêtés ont constaté une

baisse du stress et de la fatigue.

Relations avec l’entreprise et les collègues

39 La mise en place du télétravail a également eu pour conséquence une amélioration de

l’image de leur entreprise, et ce pour 15 testeurs (sur 18). Pour 1/4 d’entre eux, la mise

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en place du télétravail est une marque de confiance ; pour les autres, le télétravail

accorde à l’entreprise une certaine ouverture d’esprit et est signe d’innovation et de

progrès social. La notion de confiance apparaît assez souvent au cours des entretiens et

semble être importante pour les enquêtés. Il ressort des entretiens que le télétravail est

un mode de fonctionnement moderne qui va dans le sens de l’évolution du monde du

travail et qui s’adapte aux contraintes des professionnels. En cas d’offre d’emploi dans

une autre entreprise, le télétravail pourrait jouer en la faveur de l’entreprise.

40 Pour la moitié des enquêtés, il n’y a pas de soucis particuliers avec les clients puisque

les télétravailleurs sont joignables par mail et par téléphone. La plupart d’entre eux

procèdent à un transfert d’appels. Pour un tiers des interrogés, le télétravail ne

nécessite pas d’adaptation particulière vis-à-vis des clients. Il faut juste savoir

anticiper, gérer son travail et ne pas oublier à la maison les documents nécessaires. Les

relations interpersonnelles au sein de l’équipe du télétravailleur semblent peu

impactées : les télétravailleurs ne ressentent pas de jugements de la part de leurs

collègues. Certains sont simplement curieux et posent des questions. Malgré cela,

plusieurs enquêtés ont le sentiment de devoir se justifier, de prouver qu’ils travaillent

autant qu’au bureau. Pour une grande majorité des enquêtés, le lien avec l’équipe et le

manager est resté stable.

« J’ai communiqué efficacement avec mes collègues afin de préparer la journée dulendemain. »

Productivité améliorée

41 Toutes les personnes interrogées soulignent les effets positifs du télétravail sur leur

productivité. Dans les questions ouvertes, quelques enquêtés précisent que ce n’est pas

tant la charge de travail qui a augmenté, mais que le télétravail engendre une

organisation différente qui permet un gain en rapidité et en quantité de travail. Cette

productivité plus importante peut donner l’impression d’avoir plus de travail alors que

l’efficacité n’est pas forcément liée à la charge de travail en tant que telle. Un testeur

précise qu’il est normal de plus travailler les jours de télétravail puisque c’est une façon

de compenser le gain de temps et le confort qu’apporte ce mode de fonctionnement.

« Je suis de plus en plus impatiente d’être au mardi pour profiter de cette journée àavancer sur des sujets et être moins dérangée, donc plus productive. Cette journéereprésente pour moi un énorme gain en confort ! ».

42 Certains managers sont surpris par l’avancée des télétravailleurs, plus productifs.

Même lorsqu’il y a hésitation (11% des réponses ont été « oui et non », mais jamais

« non » 2 ), les effets bénéfiques du télétravail sur leur bien-être et leur productivité

sont présents – notamment dans le fait de travailler au calme et de ne pas être sans

cesse coupé dans les activités par les collègues, le bruit, etc. (pas d’ open space avec

200 personnes). Les enquêtés mettent en avant, dans un premier temps, l’aspect

quantitatif : ils gagnent en rapidité (44,4%), en efficacité (44,4%) et en quantité de

travail (27,8%). C’est l’occasion pour certains de rattraper du retard, de travailler sur

des dossiers de fond, des tâches complexes et des travaux d’analyse. À temps identique,

ils travaillent davantage chez eux qu’au bureau. 22,2% des interrogés spécifient que

grâce au télétravail ils gagnent en concentration. Ceci est le plus souvent lié au fait de

travailler au calme et de ne pas être dérangé dans son activité.

43 Ce gain en concentration engendre une meilleure qualité du travail et plus de facilité à

effectuer des tâches complexes, à traiter des « gros dossiers ». Bien que les enquêtés

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affirment que leur productivité est meilleure, aucun ne dispose d’indicateurs objectifs

permettant de mesurer cette amélioration, sauf ceux dont le manager a remarqué que

les dossiers avançaient mieux les jours de télétravail. Les enquêtés insistent beaucoup

plus sur le gain de temps que sur la qualité du travail effectué : 44,4% d’entre eux

précisent que le télétravail permet d’être plus rapide.

Qualité de vie et vie familiale

44 Une amélioration de leur qualité de vie est également soulignée par la grande majorité

des télétravailleurs.

« C’est agréable de porter une tenue plus décontractée pour travailler. Aujourd’huij’ai travaillé pieds nus et par cette chaleur c’était plutôt bienvenu. »

45 Le travail au calme engendre une baisse de stress.

« Pause goûter avec un cornet de glace sur la terrasse, au soleil, dans un transat… çadétend bien ! »

46 Le temps gagné en restant à la maison est réinvesti dans les tâches quotidiennes – ce

qui permet un gain de temps sur la journée et une meilleure organisation générale. Par

ailleurs, les enquêtés indiquent qu’il y a une meilleure conciliation vie personnelle / vie

professionnelle : ils peuvent davantage profiter de leur famille (par exemple,

accompagner les enfants à l’école, déjeuner avec leur compagnon…) ou prendre des

rendez-vous personnels en fin de journée, libérant ainsi le samedi matin ou le fait de

devoir poser une demi-journée de congés. Ensuite, c’est tout l’aspect utile et

confortable du télétravail qui est mis en avant. Une grande partie des enquêtés (77,4%)

indique que leur entourage familial a très bien réagi à leur passage en télétravail.

Certains ont fixé les règles dès le début afin de ne pas créer de confusions ; d’autres

expliquent que leur famille apprécie de passer plus de temps en leur compagnie. Il

apparaît également que les pauses sont principalement réinvesties en tâches

ménagères. Plusieurs testeurs précisent qu’ils font un peu de ménage et de rangement

pendant que l’ordinateur s’allume. D’autres profitent du temps gagné et de la pause de

midi pour les loisirs (sport, amis…).

« Comme je fais du sport entre 12 et 14h, je suis en tenue décontractée toute lamatinée » ; « Quelques coups de fils pour RV personnels [dans la journée] » ; « Quelques minutes le matin, consacrés aux artisans »

47 À noter que le réinvestissement en temps de travail peut amener à une amplitude

horaire assez importante. Le plus souvent entre 30 minutes et 2 heures de plus que lors

d’une journée au bureau classique ; mais il arrive que les testeurs travaillent encore

plus (parfois jusque tard le soir). La plupart d’entre eux font moins de pauses et

certains réduisent le temps de celle de midi. En travaillant sur place, il est plus difficile

de se fixer une limite pour arrêter. Peut-être est-ce une des limites du télétravail.

48 S’il n’y a pas de route à faire, un tiers des enquêtés réinvestit le temps de trajet en

sommeil et en travail.

« Je peux dormir une heure de plus » ; « Le gain est surtout sur le sommeil et le temps que je peux consacrer à ma famille(grâce au temps de transport en moins) ».

49 Les télétravailleurs dorment plus, mais commencent à la même heure ou plus tôt

puisqu’ils sont directement sur place. Ce temps économisé permet surtout de passer

plus de temps en famille (22,2%).

Les bénéfices du télétravail

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Page 13: Les bénéfices du télétravail - OpenEdition

« J’en ai profité pour emmener et aller chercher les enfants à l’école (…). Déjeuneren famille » ; « RV médical pour mon fils N. » ; « Je conduis mon fils le mardi à l’école, du coup je le lève plus tard et ça se ressentdonc sur son état de fatigue. »

50 Ainsi, des forces positives et négatives s’exercent sur les télétravailleurs. Les apports

positifs sur la santé, nettement plus importants, peuvent être résumés ainsi (figure 2) :

Figure n° 2 : Apports positifs du télétravail sur la santé

Déplacements : un changement des pratiques de mobilité

51 Le télétravail engendre principalement un gain en frais de déplacement. Toutefois, ce

gain est compensé par une perte en frais énergétiques (chauffage/électricité du

domicile) et en frais de repas (absence de tickets restaurant un jour de télétravail). C’est

un élément à prendre en compte et à formaliser si une entreprise est amenée à

instaurer officiellement le télétravail. Si les gains en frais de transport et la limitation

des déplacements représentent une inscription dans une politique de développement

durable, cela n’est cependant pas évoqué par les testeurs.

52 Les questionnaires de suivi longitudinal, notamment par l’intermédiaire du journal

quotidien des déplacements, fournissent également des informations importantes sur

les pratiques de déplacements. La grande majorité des testeurs utilise la voiture pour

aller au travail et ce, principalement, pour des raisons pratiques. En effet, ils précisent

que l’utilisation des transports en commun constitue une réelle perte de temps sans

compter ceux dont le lieu d’habitat est mal desservi et où l’utilisation des transports en

commun est quasiment impossible. À noter aussi qu’aucun des enquêtés ne pratique le

covoiturage, là aussi, pour des raisons pratiques.

Les bénéfices du télétravail

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Page 14: Les bénéfices du télétravail - OpenEdition

53 Néanmoins, les résultats permettent d’observer que le télétravail limite véritablement

les trajets : la moitié des enquêtés fait moins de déplacements le jour où ils travaillent à

la maison et 7 (sur 18) ne se déplacent pas du tout. Si ceci peut sembler bénéfique d’un

point de vue écologique, le sujet n’est aucunement abordé par les testeurs au cours des

entretiens. Ces différentes données ont par la suite été implémentées aux modèles de

simulation.

« Avec la densité du trafic routier, l’heure d’arrivée peut s’avérer être source destress (retard occasionné par accident, intempérie…). Le salarié subi, alors qu’entélétravail (…) le salarié est libéré de cette inquiétude et débute sa journéesereinement, cela a un impact non négligeable sur sa qualité de vie au travail. »

La simulation et l’impact sur la mobilité

54 Les résultats présentés par la suite résultent d’un taux de télétravail identique fixé à

11% des actifs, mais pour 3 scénarii différents : i) le scénario 1 correspond à l’ouverture

des tiers-lieux de type 1 ; ii) le scénario 2 à la présence des tiers-lieux de type 1 et 2 ; iii)

le scénario 3 à la possibilité de télétravailler dans tous les lieux listés en type 1, 2 et 3.

Ces scénarii, conduits en parallèle de la phase d’expérimentation, ont été modifiés en

fonction des retours de suivi des télétravailleurs afin d’introduire une pondération

dans certains algorithmes. En effet, pour les télétravailleurs au domicile,

l’expérimentation nous a permis de constater le maintien de certains déplacements

(comme la dépose des enfants à l’école et leur possible retour certains midis, alors que

cela ne se réalisait pas au préalable), voire dans certains cas l’apparition d’activités

auparavant réalisées sur d’autres jours (achats essentiellement). Cette modification des

pratiques de mobilité a été incluse dans les simulations au moment de la génération du

programme d’activités des télétravailleurs.

Augmentation générale de la mobilité

55 Les résultats des trois scénarios montrent tous une augmentation générale de la

mobilité des individus, qui se matérialise par une croissance du nombre de

déplacements, et ce pour les deux territoires d’étude (figure 3). Une des explications

réside dans la plus grande proximité entre domicile et lieu de télétravail, notamment

lors de l’ouverture des tiers-lieux de type 3 localisés dans toutes les communes,

proximité qui semble avoir un impact sur les boucles de déplacements structurées par

les pérégrinations domicile-travail.

Figure 3 : Évolution du nombre total de déplacements suivant les scénarii testés

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Page 15: Les bénéfices du télétravail - OpenEdition

56 Dans le scénario 1, lors de l’ouverture des tiers-lieux de type 1 (espaces de coworking et

centres d’affaires), un peu plus de 1 300 déplacements pour Besançon (+0,26%) et de

10 000 déplacements supplémentaires pour Lille sont générés. Les chiffres sont

sensiblement identiques avec l’accès aux tiers-lieux de type 2 (hôtels, cafés, restaurants

et lieux publics disposant du Wifi). Cependant, l’ouverture du type 3 (mairies, pôles

emploi, bureaux de poste) procure une hausse bien plus importante puisque plus de

20 000 déplacements supplémentaires pour Lille (+0,64% par rapport à la situation

initiale) et près de 2 500 pour Besançon (+0,48%) viennent s’ajouter. Comme évoqué

plus haut, on peut supposer que l’ouverture des tiers-lieux de type 3 provoque une

désagrégation des boucles de déplacements et l’apparition de mobilités davantage

polarisées par le domicile (retour au domicile à la fin du travail, du fait de sa proximité,

avant de repartir pour d’autres activités).

Report modal vers la marche à pied

57 Cette croissance du nombre de déplacements se caractérise également par une

modification des comportements de mobilité (figure 4) avec un report sur la marche à

pied : le nombre de déplacements effectués en voiture particulière se réduit, dans un

degré moindre celui des transports en commun, ceci au profit de la marche à pied.

Figure 4 : Évolution des parts modales en nombre de déplacements

58 Néanmoins (figure 5), en proportion, la régression de l’utilisation des transports en

commun lors de la mise en place du télétravail avec tiers-lieux potentiels est plus

importante que pour les véhicules particuliers.

Figure 5 : Évolution en pourcentage des parts modales

59 Ces résultats, qui montrent que les effets du télétravail favorisent un accroissement de

la pratique de la marche à pied, sont donc en partie contrebalancés par la réduction

plus massive de l’utilisation des transports en commun que de la voiture particulière,

Les bénéfices du télétravail

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Page 16: Les bénéfices du télétravail - OpenEdition

nuançant en conséquence les possibles effets sur la réduction des émissions de GES. De

tels résultats peuvent être expliqués par la plus grande proximité entre le lieu de

résidence et le lieu d’emploi, notamment lors de l’ouverture des tiers-lieux de type 3

présents dans chaque commune, qui favorise la marche à pied, mais qui conduit en

outre à une inadéquation entre l’organisation des réseaux de transports en commun,

qui relient le plus souvent la périphérie au centre-ville, et la demande en déplacements

« locaux », qui reste internes à la même commune.

Réduction globale des distances parcourues

60 Logiquement, si la marche à pied s’accroît aux dépens des autres modes de

déplacements, et malgré l’augmentation générale du nombre de déplacements, les

distances parcourues quotidiennement au sein des deux territoires d’étude sont en

régression (figure 6).

Figure 6 : Évolution des distances parcourues en nombre des kilomètres

61 En valeur absolue, la réduction des distances parcourues quotidiennement est

importante puisque, suivant les scénarios, ce sont entre 35 000 et 45 000 km quotidiens

qui ne sont pas effectués à Besançon et entre 115 000 et 310 000 km pour Lille.

Néanmoins, la mise en perspective de ces chiffres avec les distances qui sont

parcourues au quotidien rend compte d’un impact plus faible de l’activité télétravail

puisque, dans le meilleur des cas, ce sont moins de 2,5% des distances qui sont

annulées.

62 La faiblesse de cet impact est à mettre également en lien avec les effets sur la part des

différents modes de transport dans les distances totales parcourues : malgré l’essor de

la marche à pied, ce mode de déplacement ne concerne que des distances faibles et, de

facto, la voiture particulière conserve une part prépondérante dans ce total, comme

l’illustrent les figures 7 et 8.

Les bénéfices du télétravail

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Page 17: Les bénéfices du télétravail - OpenEdition

Figure 7 : Évolution en pourcentage des distances parcourues

Figure 8 : Évolution des distances parcourues, en km, suivant les modes de transport

Un scénario utopique : un fort développement du télétravail

63 Les 3 scenarii détaillés précédemment avaient pour point commun un taux identique de

télétravailleurs, seule l’ouverture de tiers-lieux potentiels les différenciant. Pour

compléter cette analyse, nous avons également souhaité mesurer l’impact d’un fort

accroissement du télétravail, comme présenté plus haut.

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Page 18: Les bénéfices du télétravail - OpenEdition

64 Pour les deux scénarii, « haut » et « très haut » (figure 9), les simulations sont réalisées

avec la possibilité de télétravailler soit au domicile, soit dans les 3 types de tiers-lieux.

Seuls les résultats pour la métropole lilloise sont présentés par la suite.

Figure 9 : Évolution du nombre de déplacements et des distances parcourues selon les scénarii« haut » et « très haut » à Lille.

65 L’analyse des résultats de ces deux simulations montre une similitude avec les

conclusions précédentes : augmentation de la mobilité générale caractérisée par une

forte croissance, en nombre de déplacements, de la marche à pied et une baisse des

transports en commun et de la voiture particulière, réduction du nombre total de

kilomètres parcourus avec des valeurs absolues élevées (- 504 000 km en situation

« haute » et - 830 000 km en situation « très haute » en cumulant transports en

commun et voiture personnelle), mais plus faible en valeur relative : les distances

parcourues en voiture particulière baissent de 6,6% dans le cas du scénario « très

haut », contre près de 7% pour les transports en commun.

66 Les résultats de ces scénarii, caractérisés par des taux extrêmement élevés de

télétravailleurs qui peuvent paraître utopiques, confirment que le télétravail est un

levier permettant d’agir sur les émissions de GES issues du trafic automobile. À ce titre,

ces résultats confirment sa place dans les politiques publiques (telles que la loi Grenelle

du 3 août 2009 et la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte) qui

cherchent à atteindre les objectifs de la COP 21. Cependant, il est évident qu’il ne peut

représenter, pris isolément, la solution à la problématique des transports urbains.

Les bénéfices du télétravail

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Page 19: Les bénéfices du télétravail - OpenEdition

Conclusion : apports bénéfiques... sur participantsvolontaires

67 De manière générale – grâce au gain de temps économisé sur les transports – les

enquêtés se sentent plus productifs, moins fatigués, davantage libres ; leur entourage

professionnel et familial réagit bien quant à leur situation de télétravailleur ; rares sont

ceux qui se sentent seuls ou mal encadrés, ou pour le moins trouvent-ils des solutions.

68 Le suivi longitudinal des télétravailleurs lors de la phase d’expérimentation souligne

clairement l’amélioration de la qualité de vie, tant sur le plan matériel (réduction des

coûts liés aux déplacements notamment), que physique (moindre fatigue) ou

psychologique (moins de stress, amélioration des relations familiales). Ces résultats ont

une part d’explication dans le protocole mis en place pour cette expérimentation : en

ne recrutant que des actifs volontaires auprès d’entreprises également volontaires et

ayant été sensibilisées préalablement à l’expérimentation, le projet a pu bénéficier

d’une adhésion totale du télétravailleur et nullement d’une mise en situation forcée. Il

s’agit là certainement d’un des critères fondamentaux de réussite. La souplesse du

système élaboré et son adaptation aux réalités professionnelles – comme télétravailler

lors de certaines phases d’études et ne pas télétravailler quand il y a des événements

importants au travail – joue également un rôle crucial. Cette souplesse doit cependant

être un point de vigilance : si les télétravailleurs ont apprécié une journée de télétravail

par semaine et que certains ont souhaité l’étendre à une deuxième journée, aucun ne

désire aller au-delà par crainte de péjorer la qualité relationnelle avec les supérieurs

hiérarchiques ou les collègues. D’un point de vue économique, l’expérience se révèle

positive pour l’environnement, pour l’entreprise, pour le salarié. Mais toute éventuelle

généralisation du procédé ne devra ni se faire au détriment des salariés, ni nuire à

terme à la sociabilité des individus : en cas de maladie ou de grève, le salarié n’a pas à

être obligé de travailler chez lui. La phase de simulation des mobilités via les différents

scénarii montre un impact significatif du télétravail : augmentation générale de la

mobilité, mais changement des modes de déplacement avec réduction de la place de

l’automobile et des transports en commun au profit de la marche à pied. Ainsi, si la

suppression de certaines navettes domicile-travail, structurantes au sein des pratiques

de mobilité quotidienne, semble engendrer un moindre usage du véhicule particulier

au profit de la marche à pieds, l’utilisation des transports en commun est également en

déclin. On peut donc ici souligner une inadéquation plus importante entre

l’organisation des réseaux de transport en commun et les besoins de mobilité des

télétravailleurs. En outre, au regard des pourcentages de diminution des distances

parcourues, le potentiel de réduction des émissions de GES n’est pas discutable, mais

est néanmoins à nuancer : un taux élevé de télétravail n’est pas synonyme d’une

réduction drastique des émissions de GES. À ce titre, si le télétravail représente un réel

potentiel d’action pour la réduction de l’usage de la voiture, il doit cependant être

couplé avec d’autres actions afin d’obtenir des effets notables.

69 Au-delà des aspects purement environnementaux, le télétravail pourrait également

tenir une place plus importante dans les politiques de santé publique, notamment en

valorisant le rôle bénéfique de la marche à pied sur la santé (US Department of Health

and Human Services, 1996 ; UK National Health Service, 2000). Ce constat est confirmé

par certains télétravailleurs, qui bien que relevant la difficulté d’équilibrer parfois vie

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Page 20: Les bénéfices du télétravail - OpenEdition

privée / vie professionnelle, valorisent les bienfaits du télétravail sur la santé physique

et mentale.

70 En ne réalisant pas certains déplacements les jours télétravaillés comme l’ont montré

aussi bien la phase d’expérimentation que de simulation, temps qui est réinvesti dans

des activités qui peuvent traditionnellement être effectuées sur un autre jour avec les

autres membres de la famille (achats notamment), le télétravail a un impact plus global

sur le planning d’activité de l’ensemble du ménage et sur des jours non télétravaillés.

En conséquence, le télétravail a potentiellement un « effet ricochet », réorganisant les

habitudes de mobilité de la cellule familiale. Une étude complémentaire, questionnant

les télétravailleurs sur leurs pratiques de mobilité les autres jours de la semaine

permettrait de venir combler ce manque de connaissance.

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Page 22: Les bénéfices du télétravail - OpenEdition

NOTES

1. Igor Agbossou, Jean-Philippe Antoni, Pierre Frankhauser, Patrice Tissandier

(ThéMA), Sophie Mariani-Rousset (ELLIADD/ThéMA) ; Gaëlle Eudeline, Fanny Oliveira

(Flexineo) ; Faustine Grillo (rapport de synthèse) ; Michaël Bruniaux, Thomas Röhr

(SEM Numerica) ; Sylvie Mathon (CETE Nord-Picardie), Nadine Bernard (Chrono-

Environnement) ; Karine Szymanski Pannetier (Lille Métropole) ; Géraldine Bodard,

Christine Bugajny (CETE NP) ; Quentin Bakhtiari (MEDDTL/PREDIT), Michel Legros

(Agence Idaho).

2. Rappelons que les chiffres concernent les résultats des 335 réponses apportées aux

questionnaires par les 18 testeurs.

RÉSUMÉS

Le télétravail consiste en la possibilité de réaliser son activité professionnelle hors des locaux de

l’employeur grâce aux technologies de l’information et de la communication. Forme

d’organisation du travail à distance engendrant des avantages, mais aussi des contraintes, le

télétravail interroge la société dans ses dimensions environnementales, économiques et

humaines. Face à ce constat, cet article propose d’étudier l’impact du télétravail sur la qualité de

vie des télétravailleurs ainsi que sur la mobilité. Ce projet pluridisciplinaire a reposé sur deux

points : le recrutement dans deux entreprises-pilotes puis le suivi longitudinal de télétravailleurs

en phase d’expérimentation, qui a permis de saisir l’ensemble des modifications engendrées par

cette nouvelle organisation via l’intermédiaire de questionnaires réguliers ; une modélisation des

déplacements domicile-travail et leurs simulations couplées à un calcul des pollutions émises en

fonction de différents taux de télétravailleurs. Malgré les aspects contraignants, les résultats

montrent les conséquences positives dues à l’absence de mobilité – tant sur la santé individuelle

(moins de fatigue, meilleure gestion du temps) que collective (moins de pollution et d’usage des

infrastructures, gestion des locaux).

Telework allows, on a voluntary basis, a professional activity outside the main workplace, thanks

to information and communication technologies.

As a form of distance work organization, teleworking examines society in its environmental,

economic and human dimensions (assets and constraints). The EFFETS’ project, conducted in

France, aims to measure and analyze the impact of distance work – considered here as the

possibility for an individual to work from home or from a third place, other than his or her usual

place of work, one or twice a week. To do this, two surveys were performed.

Initially, several employees from two different companies participated in an experiment to work

at home on certain days for several months. Some of them were “à la carte”, that is to say they

had a package of ten days they placed as they wanted according to professional requirements,

management and colleagues. Others were “regular”, that is, they did one to two days of work

each week at home. This participation was made on the basis of employee volunteerism with the

agreement of the hierarchy. The testers answered an online questionnaire each week and each

month; and at the end of the experiment, they participate in an interview to analyze issues about

teleworking, especially effects on physical and mental health.

Les bénéfices du télétravail

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Page 23: Les bénéfices du télétravail - OpenEdition

Two objectives were allocated to this 6-month experimentation phase with 18 people employed

in 3 organizations (2 private companies, 1 public administration): first, to better understand the

feelings of those involved (through interviews) and second, to estimate the impact of change in

daily mobility on travel and the reduction of GHG emission levels through a simulation via the

MobiSim platform, within the ThéMA laboratory. MobiSim is a Land Use and Transport

Integrated (LUTI) model, quite similar to PROPOLIS, URBANSIM or MIRO. Several “plausible”

scenarios were thus established, and two scenarios, aimed at measuring the impact of a strong

public policy in favor of telework, were tested. A first “high” scenario concerns the possibility of

teleworking for 50% of executives, 30% of intermediate professions and 20% of employees at 2

days per week and 10% of workers once a week in third places (type 1, 2 and 3). The second, said

“very high” applies to 75% of executives, of which 25% once a week and 50% twice a week; 60% of

the intermediate professions, with 20% once a week and 40% twice a week; 45% of employees,

15% once a week and 30% twice a week; and 20% of workers, 10% to once a week, 10% to twice. In

order to obtain a standard, a simulated initial situation, without teleworking, is carried out on

both study areas.

Simulations and experiments were carried out in the territories of Lille Métropole and the

“Communauté d’Agglomération du Grand Besançon”; the investigation took place in Lille. If we

note a general increase in mobility, it is however through a change in modes of travel – with

reduction of the car use (and public transport) in favor of walking.

The reduced drop in mobility thanks to teleworking shows that, overall, the experiment is

successful – both in terms of the effects on pollution and the emission of greenhouse gas and on

the physical and moral health of the respondents: positive effects on stress are significant and

the quality of life is improved (Figure).

INDEX

Mots-clés : pratiques professionnelles, mobilité, télétravail, stress, pollution de l'air

AUTEURS

PATRICE TISSANDIER

Maître de conférences en géographie Université de Franche-Comté, France, laboratoire ThéMA

SOPHIE MARIANI-ROUSSET

Maître de conférences en psychologie Université de Franche-Comté, France, laboratoire

ELLIADD/CCM

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