Les autres victimes de la crise grecque - CQFDcqfd-journal.org/IMG/pdf/p12_cqfd_109.pdf · 5000...

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Les autres victimes de la crise grecque La montée en puissance de l’extrême droite grecque et les attaques xénophobes. Simon, Bangladeshi Depuis 5 ans en Grèce, cuisinier. Dans la nuit du 17 juillet, Simon marche dans le quartier d’Akadimias au centre d’Athènes lorsque trois personnes arrivées en moto l’agressent par derrière, le font tomber par terre et lui assènent des coups de pied en criant « Pakistanais ! Nègre ! ». Il se relève et leur dit qu’il est du Bangladesh. Ces agresseurs, vêtus de vestes noires, redoublent leurs coups de pied. Simon perd connaissance. C’est à l’hôpital qu’il se réveille. Ses lèvres sont déchirées. Deux de ses dents de devant sont cassées. Son bras droit est fracturé. Les médecins lui disent qu’ils ne peuvent pas opérer son bras car il n’a pas de papiers. Six mois après l’attaque, son bras est toujours plâtré et il ne peut travailler.Il a peu d’espoir que sa demande de régularisation aboutisse. Il pense sérieusement retourner au Bangladesh pour soigner son bras. Désormais, il a très peur de sortir. Il passe la plupart de son temps sur internet et dans le restaurant bangladeshi en bas de sa maison. La radio de la main droite de Simon. Une clinique privée lui a demandé 5 000 euros pour opérer la fracture. Graffiti antifasciste dans le quartier de Perama où la plupart des migrants égyptiens vivent et travaillent. Reza, Afghan depuis 7 ans en Grèce, travaille dans un kebab grec. Le 30 juillet vers minuit, Reza sort de son travail à Peristeri, dans la banlieue ouest d’Athènes,pour rejoindre les transports en commun. À proximité d’un arrêt de bus, trois personnes le bloquent et lui demandent où il va. Il leur dit qu’il rentre chez lui. « L’un d’eux m’a frappé au visage et les deux autres m’ont tapé sur la tête avec des briques… Je suis tombé à terre et je ne me rappelle plus ce qui s’est passé. » Reza s’est réveillé sur une civière alors qu’il entrait dans l’ambulance. À l’hôpital, on lui pose trente-huit points de suture sur le crâne et le visage. Il n’a pas porté plainte au commissariat par peur d’avoir encore plus d’ennuis.Sa vie a changé depuis cette nuit. « Quand j’attends le bus je regarde dans tous les sens. Quand je finis tard le travail, je prends un taxi. Avant, j’allais toujours à pied… J’aime ce pays, mais je suis un peu nerveux avec les gens… Je n’ai jamais fait de mal à personne… Je ne sais pas pourquoi ils m’ont frappé. » Il espère un jour avoir assez d’argent pour aller en Allemagne, en France ou en Italie. Dimitris, Grec photographe Indépendant. Depuis presque un an, Dimitris fait un travail photographique sur le boulevard d’Acharnon,au centre d’Athènes. Un soir de septembre dernier,il marche dans une ruelle derrière la place d’Agios Pandeleimonas, quartier connu dernièrement pour des attaques racistes et la montée en puissance de l’Aube dorée. Il croise une de leurs patrouilles qui, après quelques pas, commence à l’insulter : « Mets l’appareil dans ton cul ». Il se retourne : « Je leur ai dit que je ne les photographiais pas et que je ne faisais de mal à personne. Ils ont commencé à me frapper à coup de tête et de poing. Cinq autres personnes du groupe sont arrivées et m’ont fait chuter.Ils m’ont frappé pendant plusieurs minutes sur la tête pendant que d’autres essayaient de me prendre mon appareil photo, sans y parvenir. » Dimitris a appelé son voisin qui l’a amené à l’hôpital où dix-sept points de suture lui ont été faits sur les lèvres. Il était couvert de bleus et était en état de choc : « Je me suis enfermé chez moi pendant quinze jours… C’était comme un viol, une soumission au fascisme : tu vas faire ce qu’on te dit,rien d’autre ! Je n’ai pas porté plainte au commissariat parce que 90 % des flics coopèrent avec l’Aube dorée… Je vais porter plainte avec mon travail photographique. » Photographies et témoignages, Athènes, Décembre 2012-Janvier 2013. Stephanos Mangriotis Collectif Dekadrage www.dekadrage.org

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Les autres victimesde la crise grecqueLa montée en puissance de l’extrêmedroite grecque et les attaques xénophobes.

Simon, BangladeshiDepuis 5 ans en Grèce, cuisinier.

Dans la nuit du 17 juillet, Simon marche dans le quartierd’Akadimias au centre d’Athènes lorsque trois personnes

arrivées en moto l’agressent par derrière, le font tomber parterre et lui assènent des coups de pied en criant

«Pakistanais ! Nègre !». Il se relève et leur dit qu’il est duBangladesh. Ces agresseurs, vêtus de vestes noires,

redoublent leurs coups de pied. Simon perd connaissance.C’est à l’hôpital qu’il se réveille. Ses lèvres sont déchirées.

Deux de ses dents de devant sont cassées. Son bras droit estfracturé. Les médecins lui disent qu’ils ne peuvent pas

opérer son bras car il n’a pas de papiers.Six mois après l’attaque, son bras est toujours plâtré et il ne

peut travailler. Il a peu d’espoir que sa demande derégularisation aboutisse. Il pense sérieusement retournerau Bangladesh pour soigner son bras. Désormais, il a très

peur de sortir. Il passe la plupart de son temps sur internetet dans le restaurant bangladeshi en bas de sa maison.

La radio de la main droite de Simon. Une clinique privée lui a demandé5000 euros pour opérer la fracture.

Graffiti antifasciste dans le quartier de Perama où la plupart des migrantségyptiens vivent et travaillent.

Reza, Afghandepuis 7 ans en Grèce,

travaille dans un kebab grec.

Le 30 juillet vers minuit, Reza sort de sontravail à Peristeri, dans la banlieue ouest

d’Athènes, pour rejoindre les transports encommun. À proximité d’un arrêt de bus, troispersonnes le bloquent et lui demandent où ilva. Il leur dit qu’il rentre chez lui. «L’un d’euxm’a frappé au visage et les deux autres m’ont

tapé sur la tête avec des briques… Je suistombé à terre et je ne me rappelle plus ce qui

s’est passé.» Reza s’est réveillé sur une civièrealors qu’il entrait dans l’ambulance.

À l’hôpital, on lui pose trente-huit points desuture sur le crâne et le visage. Il n’a pasporté plainte au commissariat par peur

d’avoir encore plus d’ennuis. Sa vie a changédepuis cette nuit. «Quand j’attends le bus je

regarde dans tous les sens. Quand je finis tardle travail, je prends un taxi. Avant, j’allais

toujours à pied… J’aime ce pays, mais je suisun peu nerveux avec les gens… Je n’ai jamais

fait de mal à personne… Je ne sais paspourquoi ils m’ont frappé.» Il espère un jour

avoir assez d’argent pour aller en Allemagne,en France ou en Italie.

Dimitris, Grecphotographe Indépendant.

Depuis presque un an, Dimitris fait un travailphotographique sur le boulevard d’Acharnon, aucentre d’Athènes. Un soir de septembre dernier, ilmarche dans une ruelle derrière la place d’AgiosPandeleimonas, quartier connu dernièrement pourdes attaques racistes et la montée en puissance del’Aube dorée. Il croise une de leurs patrouilles qui,après quelques pas, commence à l’insulter : « Metsl’appareil dans ton cul ». Il se retourne : « Je leur ai ditque je ne les photographiais pas et que je ne faisais demal à personne. Ils ont commencé à me frapper àcoup de tête et de poing. Cinq autres personnes dugroupe sont arrivées et m’ont fait chuter. Ils m’ontfrappé pendant plusieurs minutes sur la tête pendantque d’autres essayaient de me prendre mon appareilphoto, sans y parvenir. »Dimitris a appelé son voisin qui l’a amené à l’hôpitaloù dix-sept points de suture lui ont été faits sur leslèvres. Il était couvert de bleus et était en état dechoc : « Je me suis enfermé chez moi pendant quinzejours… C’était comme un viol, une soumission aufascisme : tu vas faire ce qu’on te dit, rien d’autre ! Jen’ai pas porté plainte au commissariat parce que 90 %des flics coopèrent avec l’Aube dorée… Je vais porterplainte avec mon travail photographique. »

Photographies et témoignages,Athènes,Décembre 2012-Janvier 2013.Stephanos MangriotisCollectif Dekadragewww.dekadrage.org