Les atlas imprimes en France avant 1700 1

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Les Atlas Imprimés en France avant 1700 1 By MIREILLE PASTOUREAU Tous les chercheurs connaissent les difficultés de l'étude de la production de cartes gravées en France, faute de catalogues imprimés suffisants. Les seuls instruments de travail dont on dispose aujourd'hui sont des catalogues à thème régional, comme ceux des expositions que le Comité des travaux historiques et scientifiques organisait jusqu'en 1976 à l'occasion des congrès annuels des sociétés savantes 2 ; des catalogues par tranches chronologiques (celui de M. Marcel Destombes pour les cartes gravées du XVe s. est malheureusement le seul du genre 3 ); ou encore par types de cartes, comme le répertoire des cartes ecclésiastiques du Père de Dainville 4 . Il existe en outre quelques catalogues de collections, tel celui de la série Ν Ν des Archives Nationales 5 ou l'inventaire du fonds français du Cabinet des Estampes de la Bibliothèque nationale, peu commode pour le recensement des cartes, parce que classé par noms de graveurs, et de plus en cours d'élaboration 6 . Nous disposons heureusement de quelques bibliographies anciennes comme la Bibliothèque historique de la France du Père I.elong revue par Fevret de Fontette 7 ou le Catalogue des meilleures cartes géographiques de Lenglet du Fresnoy 8 . Les catalogues des cartographes eux-mêmes ou des marchands de cartes sont aussi très utiles lorsqu'on peut les retrouver, mais sont surtout abondants pour le XVI11 ° s. 9 Il est donc impossible, dans l'état actuel des choses, d'avoir une vue d'ensemble de l'histoire de l'édition cartographique française. La prise de conscience de l'urgence de la publication de catalogues à la Bibliothèque nationale, coïncida avec le désir de la direction de la Bibliothèque de voir les divers départements entreprendre des activités de recherche. Les crédits, attribués spécialement pour ce faire par la Mission à la recherche du Ministère des Universités, étant distribués par tranches triennales, il fallut choisir un sujet limité, qui puisse être traité dans des délais raisonnables, et qui soit susceptible d'être développé et continué ultérieurement. Le thème des 'atlas imprimés en France avant 1700' nous a paru réunir toutes ces conditions. Il présente surtout deux avantages majeurs: sur le plan scientifique, il permet d'avoir un aperçu sur l'évolution de l'édition des cartes, et donc d'attendre la publication de catalogues plus complets (celui des Sansón auquel nous travaillons par ailleurs sera prêt d'ici quelques mois); sur le plan pratique, le recensement des atlas est plus facile à réaliser dans les collections françaises que celui des cartes isolées, car, dans les bibliothèques, les atlas sont considérés comme des livres et, par là même, font en général l'objet d'un catalogage plus complet que les cartes, qui, elles, n'ont pas encore reçu toute l'attention qu'elles méritent. Enfin, et surtout, nous bénéficions dans le domaine des atlas, de l'expérience de nos prédécesseurs étrangers, qui ont ouvert la voie de ce type de recherche et qui, par leurs travaux, rendent plus facile l'étude des atlas français. Ces travaux sont de trois types: des catalogues d'atlas conservés dans des collections, tel celui de la Library of Congress par Philip Lee Phillips et Clara Egli Le Gear 10 , celui des collections polonaises par Marian Lodinsky 11 , celui du National Maritime Museum de Greenwich 12 , ou celui des Archives publiques du Canada à Ottawa par Lou Sekoek 13 ; des études sur les atlas français, comme celle de Sir Herbert-George Fordham 14 et surtout celle, à paraître, dont le professeur John-M. Andrews a eu l'amabilité de nous communiquer le manuscrit 15 . Il existe enfin des bibliographies étrangères qui, indirectement, peuvent répertorier des atlas français ou, du moins, des rééditions d'atlas français; Thomas Chubb est allé dans cette voie en prenant pour objet les atlas de Grande-Bretagne et d'Irlande 16 , mais le chef-d'oeuvre du genre est, sans contexte, la monumentale bibliographie des atlas hollandais du Professeur Cornells Koeman, Atlantes Neerlandici 17 . C'est à cette dernière que nous avons emprunté l'essentiel de notre méthode: recensement des atlas et de leurs éditions, dépouillement du contenu carte par carte, index 45

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Les Atlas Imprimés en France avant 17001

By MIREILLE PASTOUREAU

Tous les chercheurs connaissent les difficultés de l'étude de la production de cartes gravées enFrance, faute de catalogues imprimés suffisants. Les seuls instruments de travail dont ondispose aujourd'hui sont des catalogues à thème régional, comme ceux des expositions que leComité des travaux historiques et scientifiques organisait jusqu'en 1976 à l'occasion descongrès annuels des sociétés savantes2; des catalogues par tranches chronologiques (celui deM. Marcel Destombes pour les cartes gravées du XVe s. est malheureusement le seul dugenre3); ou encore par types de cartes, comme le répertoire des cartes ecclésiastiques du Pèrede Dainville4. Il existe en outre quelques catalogues de collections, tel celui de la série Ν Ν desArchives Nationales5 ou l'inventaire du fonds français du Cabinet des Estampes de laBibliothèque nationale, peu commode pour le recensement des cartes, parce que classé parnoms de graveurs, et de plus en cours d'élaboration6. Nous disposons heureusement dequelques bibliographies anciennes comme la Bibliothèque historique de la France du Père I.elongrevue par Fevret de Fontette7 ou le Catalogue des meilleures cartes géographiques de Lenglet duFresnoy8. Les catalogues des cartographes eux-mêmes ou des marchands de cartes sont aussitrès utiles lorsqu'on peut les retrouver, mais sont surtout abondants pour le XVI11 ° s.9

Il est donc impossible, dans l'état actuel des choses, d'avoir une vue d'ensemble de l'histoirede l'édition cartographique française. La prise de conscience de l'urgence de la publication decatalogues à la Bibliothèque nationale, coïncida avec le désir de la direction de la Bibliothèquede voir les divers départements entreprendre des activités de recherche. Les crédits, attribuésspécialement pour ce faire par la Mission à la recherche du Ministère des Universités, étantdistribués par tranches triennales, il fallut choisir un sujet limité, qui puisse être traité dans desdélais raisonnables, et qui soit susceptible d'être développé et continué ultérieurement. Lethème des 'atlas imprimés en France avant 1700' nous a paru réunir toutes ces conditions. Ilprésente surtout deux avantages majeurs: sur le plan scientifique, il permet d'avoir un aperçusur l'évolution de l'édition des cartes, et donc d'attendre la publication de catalogues pluscomplets (celui des Sansón auquel nous travaillons par ailleurs sera prêt d'ici quelques mois);sur le plan pratique, le recensement des atlas est plus facile à réaliser dans les collectionsfrançaises que celui des cartes isolées, car, dans les bibliothèques, les atlas sont considéréscomme des livres et, par là même, font en général l'objet d'un catalogage plus complet que lescartes, qui, elles, n'ont pas encore reçu toute l'attention qu'elles méritent.

Enfin, et surtout, nous bénéficions dans le domaine des atlas, de l'expérience de nosprédécesseurs étrangers, qui ont ouvert la voie de ce type de recherche et qui, par leurstravaux, rendent plus facile l'étude des atlas français. Ces travaux sont de trois types: descatalogues d'atlas conservés dans des collections, tel celui de la Library of Congress par PhilipLee Phillips et Clara Egli Le Gear10, celui des collections polonaises par Marian Lodinsky11,celui du National Maritime Museum de Greenwich12, ou celui des Archives publiques duCanada à Ottawa par Lou Sekoek13; des études sur les atlas français, comme celle de SirHerbert-George Fordham14 et surtout celle, à paraître, dont le professeur John-M. Andrews aeu l'amabilité de nous communiquer le manuscrit15. Il existe enfin des bibliographiesétrangères qui, indirectement, peuvent répertorier des atlas français ou, du moins, desrééditions d'atlas français; Thomas Chubb est allé dans cette voie en prenant pour objet lesatlas de Grande-Bretagne et d'Irlande16, mais le chef-d'oeuvre du genre est, sans contexte, lamonumentale bibliographie des atlas hollandais du Professeur Cornells Koeman, AtlantesNeerlandici17. C'est à cette dernière que nous avons emprunté l'essentiel de notre méthode:recensement des atlas et de leurs éditions, dépouillement du contenu carte par carte, index

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détaillés et multiples, classement par auteurs avec une note d'introduction pour chacun d'eux.Notre enquête, commencée en mars 1978, fut menée dans un premier temps à la

Bibliothèque nationale et dans les grandes bibliothèques parisiennes (Bibliothèques del'Arsenal, Mazarine, Sainte-Geneviève, de la Sorbonne, Services historiques de l'Armée deTerre et de la Marine). Ensuite, grâce à l'aimable coopération de la Direction du Livre auMinistère de la Culture, dont relèvent les bibliothèques publiques, nous avons pu adresser uneenquête à une soixantaine de bibliothèques sous forme d'une liste provisoire à compléter.Nous avons également bénéficié, pour dresser cette liste, des conseils des inspecteurs générauxdes bibliothèques de France, des résultats de l'enquête sur les fonds anciens des bibliothèquesmunicipales menée en 1975 par le Centre national du livre ancien18 et des catalogues impriméspubliés au XIXe s. par ces bibliothèques. Nous avons enfin établi des contacts avec les grandsdépôts étrangers, et la liste des collègues, qui nous ont obligemment renseignés et aidés, esttrop longue pour être rapportée ici. Mentionnons enfin la collaboration de plusieurs libraireset collectionneurs, qui nous ont fait bénéficier de leur expérience, ou ont promis de le faire.

Avant de livrer ici ces premiers résultats de notre enquête et de nos dépouillements, ilimporte de souligner qu'ils sont le fruit du travail collectif d'une équipe dont les membres sontou ont été: Anne-Isabelle Berchon (pour Chasdllon et Duval), Françoise Broche (pourBougard, Briet, Coronelli, Duval, Jaillot, Lubin, Manesson-Mallet, Placide), Brigitte Fournel(pour de Fer) et Martine Harang (pour Beaulieu, Belieferest, Du Pinet, Guéroult, Ptolémée etTassin).

1. L'atlas:problèmes de définitionII se peut que certains de nos lecteurs soient surpris de notre acception du mot atlas, que nousprenons, il est vrai, dans un sens très large. Notre étude commence avec les éditions françaisesdu voyage en Terre Sainte de Breidenbach à la fin du XVe s., alors que traditionnellement, onconsidère comme le premier atlas français le Théâtrefrancoys de Maurice Bouguereau, publié en1594. Nous avons en effet estimé que les 'véritables' atlas français étaient trop peu nombreuxavant 1700 pour être représentatifs de la production cartographique de notre pays. L'éditionde cartes en France eut des débuts laborieux; il est important d'en rendre compte, en signalantdes oeuvres qui peuvent paraître un peu minces. C'est pourquoi nous avons considéré commeatlas tout livre où les cartes (ou plans, ou vues, pourvu qu'ils soient géographiques) tiennentplus de place que le texte, ou bien constituent un tout homogène, intéressant en soi. C'est lecas des copies des gravures d'Erhard Reuwich dans le livre de Breidenbach, ou des cartes de laGéographie de Ptolémée.

Nous n'avons pas retenu ici de critères de format -nos atlas vont des in-12 de Duval auxgrands folios de Jaillot- ni de nombre de cartes, dans la mesure où celles-ci présentent uneunité et une spécificité: nous avons gardé YOrbis Augustinianus du F'rère Lubin, parce quel'auteur y a inclus une série de cartes originales, mais nous avons éliminé la Geographia Sacra deCharles de Saint-Paul19, et la Geographie ancienne, moderne et historique de Jean-Baptisted'Audiffret20. Nous n'avons pas retenu non plus les recueils trop peu géographiques, enparticulier les ouvrages d'architecture de Jacques Androuet du Cerceau, Les plus excellentsbastiments de France (1576 et 1579) ou ceux des Pérelle, qui consistent essentiellement en vuesd'édifices21.

Malgré l'élargissement de notre recensement, nous n'avons pas obtenu une moisson trèsabondante: 22 auteurs et trois atlas anonymes; 98 titres et 223 éditions différentes. Ce totalmodeste s'explique par la spécificité des atlas à l'intérieur de l'édition cartographique. Ils nesont pas le reflet exact des cartes isolées publiées à la même époque. A cela deux raisonsprincipales. Premièrement, les atlas sont des ouvrages de vulgarisation, qui ne rendent comptedes progrès de la cartographie qu'avec un certain décalage dans le temps. En raison de leurformat, qui doit rester maniable (le plus grand est l'Atlas Nouveau, aux feuilles de 64χ 100cm.),ils ne peuvent offrir que des cartes à petite échelle, et donc des données assez sommaires. Deplus, les atlas étant souvent utilisés dans un but pédagogique, comme nous le verrons plusloin, on attendait d'eux qu'ils soient des sommes, des encyclopédies cartographiques, genredans lequel il était difficile de se renouveler. Ceci explique les abondantes rééditions: 125 pour

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98 titres. L'atlas répond avant tout au besoin de facilité de consultation, à un souci d'ordrepratique, et nous avons plusieurs fois lu dans des documents d'archives que les cartographesvoulaient 'réduire leurs cartes en livres, pour la commodité des lecteurs.'

La deuxième caractéristique des atlas français est d'ordre politique. Le Père de Dainville22 afort bien montré comment le Théâtre Francoys de Maurice Bouguereau venait à point, en 1594,pour signifier la réunification du royaume par Henri IV en rassemblant, sous un même titre,les diverses provinces françaises malgré leur récent soulèvement. De la même manière, on peutvoir dans les atlas qui suivirent, les progrès de la 'nation' française, à l'extérieur, avec la fixa-tion et la consolidation de ses frontières, et à l'intérieur, avec les progrès de la structureadministrative. Sur le plan extérieur, les atlas des ingénieurs militaires, grâce à leur grandediffusion, portaient à la connaissance du public les préoccupations du gouvernement: ladéfense des côtes, par exemple, pour l'atlas des côtes de France de Tassin commandé parRichelieu (1634), ou bien les revendications territoriales de Louis XIV au nom de Marie-Thérèse, défendues par Duval dans Cartes et tables de géographie des provinces échues à la reine trèschrétienne (1667). Ces atlas rendaient compte des événements militaires—souvent en faisantoffice de propagande, tels les plans de bataille de Beaulieu- mais aussi des résultats des traitésde paix, comme Les acquisitions de la France par la paix que Duval publia trois fois, en 1660, 1669et 1679, après les traités des Pyrénées, d'Aix-la-Chapelle et de Nimègue.

Sur le plan intérieur, les atlas ont été les instruments de la réorganisation administrative, eninculquant au public la division du pays en gouvernements, généralités, parlements, etc.L'oeuvre de Nicolas Sansón est à la base de ce bouleversement des mentalités: outre le tracédes limites sur la carte, il imagina, avec ses tables, une classification et une hiérarchisation desdonnées géographiques et administratives. La présentation en colonnes de ces tables facilitaitla mémorisation et pour la première fois, le public commença à 'apprendre la géographie'.

2. Les débuts de l'édition d'atlas en France: les éditions lyonnaises.Une.triple caractéristique définit les débuts de l'édition d'atlas en France: elle est localisée àLyon, elle subit l'influence directe des ouvrages allemands, elle se compose essentiellement devues de villes.

Lyon, qui occupait une place privilégiée au carrefour des routes d'Europe occidentale,devint au XVe siècle et au début du XVIo un grand centre de la banque et du commerce de lasoie. Ses foires annuelles attiraient de nombreux étrangers, parmi lesquels se trouvaient destypographes allemands qui, depuis les années 1460-1470, parcouraient l'Europe en enseignantleur métier appris dans les premières officines allemandes23. Le premier imprimeur 'lyonnais'fut le Liégeois Guillaume Le Roy, que le marchand Barthélémy Buyer installa chez lui etcommandita. Il fut suivi par de nombreux autres, et, dix ans plus tard, Lyon venait auneuvième rang des centres d'imprimerie européens, derrière Venise, Milan, Augsburg,Nuremberg, Florence, Paris et Rome. Quelque dix années encore plus tard, vers 1495-1497,Lyon, distancée seulement par Venise et Paris venait en troisième position pour la productionde livres. Un fait nouveau était en effet apparu: les interventions du roi en Italie qui firent deLyon, entre 1494 et 1540, le pivot de l'activité diplomatique et guerrière de la monarchie. Lesnombreux séjours de la cour dans cette ville, et en particulier celui qu'elle y fit en 1524-1526pendant la captivité de 18 mois de François 1er y attirèrent un grand nombre d'humanistes etfurent un élément déterminant de l'essor de l'imprimerie lyonnaise.

Les livres imprimés à Lyon se distinguent de ceux imprimés à Paris par leur caractèrepratique et 'populaire' (livres de piété, romans de chevalerie, recueils de remèdes). Loin de latutelle de la Sorbonne, les imprimeurs publièrent moins d'ouvrages savants et théologiques, etsurtout firent une place importante aux livres en français, qu'ils traduisirent souvent d'éditionslatines et allemandes. Le premier livre illustré parut également à Lyon en 1478, le Miroir de larédemption de l'humain lignage sous la presse d'un imprimeur allemand qui utilisait là dumaterial bâlois.

Dix ans plus tard, en 1488 et dans les mêmes conditions, le premier ouvrage à cartesimprimé en France, Des saintes pérégrinations de Jérusalem, sortait des presses des AllemandsMichel Topié et Jacques Heremberck. Il s'agit de l'adaptation de la Peregrinatio in terram sanctam

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158 Lafituationde la ville de Ron:c5conmie elle cil ceftc année

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Fig. 1. Rome, dans la Cosmographie de Sebastian Münster, Bale, 1552.Photo Bibliothèque nationale, Paris.

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de Bernhard von Breidenbach parue à Mayence en 1486, en latin puis en allemand24. L'auteurdu texte français, Frère Nicole Le Huen, carme du couvent de Pont-Audemer, y relate sonpropre pèlerinage à Jérusalem d'avril à octobre 1487, tout en s'inspirant largement du récit deBreidenbach. Les sept vues de villes bien connues qui illustrent le livre (Venise25, Parenzo,Corfou, Modone, Candie, Rhodes et Jérusalem, cette dernière étant en même temps une cartede Palestine26) sont copiées sur les gravures sur bois originales d'Erhard Reuwich, ledessinateur d'Utrecht qui avait accompagné Breidenbach dans son voyage. Elles sontcependant gravées en creux dans le cuivre selon la technique de la taille-douce qui, née àFlorence, est ici employée pour la première fois en France.

Deux ans plus tard, en 1490 (ou 1489 ancien style), parut la traduction française du texte deBreidenbach, par les soins de Frère Jean de Hersin, prieur des Augustins de Lyon, sous le titreLe saint voiage et pèlerinage de la cite saínete de Hierusalem. Le nom de l 'imprimeur est contesté, etd'après Henri Baudrier, ce serait plutôt Jacques Maillet que Gaspard Ortuin27. Les planchessont cette fois gravées en épargne dans le bois, comme dans l'édition originale. L'adaptationde Nicole le Huen fut rééditée à Paris en 1517 et 1522, chez François Regnault, en compagnied'autres textes, sous le titre général de Le grant voyage de Jherusalem. Cette édition ne contientplus que 'La cité de Iherusalem', gravée et signée par Oronce Fine, avec la nomenclature enfrançais.

Plus d'un demi siècle s'écoula avant qu'un autre livre cartographique à succès ne franchissela frontière pour venir faire carrière en France: la Cosmographie universelle de Sébastien Münster(1ère édition 1544), qui inspira un ouvrage de Guillaume Guéroult en 1552. Ce recueil Premierlivre des figures et pourtraitz des villes plus illustres et renommées d'Europe avec les descriptions d'icellesmises enfrançoys . .., est d'une extrême rareté. Nous n'avons pas pu retrouver les exemplairescités par le Président Baudrier28. Ils contenaient selon lui deux cartes et sept plans de villes(Rome, Constantinople, Venise, Paris, Genève, Francfort et Naples) entourés d'un encadre-ment, et portant la mention Ά Lyon, chez Balthazar Arnoullet, 155Γ. Certains encadrementset l'adresse disparurent dans l'édition plus complète qui parut l'année suivante, en 1553, sousle titre Epitome de la corographie d'Europe illustré des portraits des villes les plus renommées d'icelles. Ellecontient 21 planches avec de nouvelles vues de villes: Lyon, Tours, Perpignan, Trêves, Berne,Tivoli, Cagliari et Pavie. Environ la moitié de ces planches proviennent de la Cosmographie deMünster (Europe, Gaule, Rome (Fig. 1 and 2), Venise, Paris, Genève, Trêves, Berne, Pavie).D'après l'abbé Valentin Dufour, celle de Paris aurait déjà été copiée par Münster sur un planpréexistant29. L'origine des autres n'est pas clairement établie; il est probable qu'il fautchercher du côté des graveurs lyonnais, et en particulier de Bernard Salomon, dont NatalisRondot a reconnu la facture pour Lyon et Tivoli30. En 1557, Barthélémy Bonhomme fitréimprimer ce même ouvrage en son nom, par le veuve de Balthazar Arnoullet. Il estmalheureusement perdu, et le Président Baudrier, qui n'en a consulté que deux exemplairesincomplets, en ignore même le titre31.

Cet ouvrage de Guillaume Guéroult n'était, dans l'esprit de son éditeur Balthazar Arnoullet,qu'un prélude à une oeuvre plus importante qui aurait porté sur l'Europe entière. Le privilègequ'il obtint en 1550, concerne 'la description de toute l'Europe, dont le présent livre intitulé"Le premier livre de la description des villes d'Europe" depend'. Guéroult, qu'il avaitd'abord engagé comme correcteur, puis à qui il confia, entre autres choses, la rédaction destextes de l'ouvrage, se mêla de soutenir la cause de Michel Servet dans sa polémique contreCalvin. Arnoullet lui confia même la direction d'une imprimerie où il édita en 1552-1553 laChristianismi restitutio de Servet, ce qui déchaîna les foudres de l'Inquisition alertée par Calvin.Arnoullet fut emprisonné et Guéroult prit la fuite loin de Lyon, mettant ainsi une brusque finà la description des villes d'Europe. Arnoullet devait avoir en réserve plusieurs plans dont letexte n'avait pas encore été composé par Guéroult, car on en retrouve, avant sa mort en 1566,dans un autre ouvrage paru en 1564, Plantz, pourtraietz et descriptions de plusieurs villes et

forteresses, tant de l'Europe, Asie ir Afrique que des Indes & terres neuves, chez Jean d'Ogerolles, avecpour auteur Antoine du Pinet de Noroy32. Ce livre contient 42 planches parmi lesquelles onretrouve donc les 21 cartes et vues de XEpitome de Guéroult (Fig. 3), et quelques autres planscé-dés par Arnoullet (Florence, Bordeaux, Montpellier, Gênes). On y trouve encore des vues

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Fig. 2 Rome, dans ¡'Epitome de la corographie d'Europe de Guillaume Guéroult, Lyon, 1553.Photo Bibliothèque nationale, Paris.

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de villes copiées sur la Cosmographie de Münster, comme celles de Deutsch, la vue de Jérusalempar J. Clauser, celle des Pyramides, celle d'Aire par D. Xandel. La mappemonde est celle deGemma Frisius, parue dans la Cosmographie d'Apian en 1544 et 1545. Mexico est tiré de Ylsolariode Bordone.

Au moment où parut le recueil de du Pinet, l'édition lyonnaise connaissait déjà le déclin. Larécession commença vers 1540, au moment où la cour espaça ses séjours à Lyon, vidant ainsi laville de la plupart de ses lettrés et de ses banquiers. L'un des derniers livres géographiquespubliés, fut la Géographie de Ptolémée, d'abord à Lyon même chez Melchior et GaspardTrechsel en 1535, puis à Vienne en Dauphiné, chez Gaspard Treschel seul, en 1541, l'ouvrageétant alors commandité par Hugues de la Porte, marchand-libraire et conseiller-échevin deLyon. Le déplacement de l'atelier de Treschel à Vienne était la conséquence de la grève desouvriers imprimeurs de 1536, mais les presses furent supprimées peu après 1541, faute detravail suffisamment rémunérateur33. Les cartes de ces Ptolémée dérivent directement de cellesque Waldseemüller avait confectionnées pour l'édition de Strasbourg de 1513, rééditées en1520. Lucien Gallois en a très tôt montré la nouveauté et l'influence: 'Pendant plus de vingt-cinq ans, jusqu'à l'apparition de l'édition nouvelle imprimée à Bâle par Munster en 1540, c'estdans l'oeuvre des Alsaciens qu'on étudia Ptolémée, et leurs cartes furent les plus connues'34.Toutes ces éditions ont été bien étudiées. Rappelons ici seulement pour mémoire que celle deJean Schott de 1513 marque en effet une étape importante dans l'histoire de la cartographie,puisqu'après les 27 cartes anciennes, elle contient 20 cartes modernes, dont plusieurs dériventd'un modèle portugais35. Peu après 1520, les bois gravés de ces cartes entrèrent en lapossession de Johann Griininger. Ils ne furent jamais retirés, mais furent copiés et réduits parLorenz Fries pour la nouvelle édition de la Géographie, que Griininger publia à Strasbourg en15223'. Le nombre des cartes est ici passé à 50, imprimées sur doubles pages, plus celle deLorraine au dos de la Tabula Norbegiae et Gottiae. Les trois cartes nouvelles sont: une carte dumonde proche de YOrbis typus universalis—par ailleurs également copié par Fries, mais sans letracé des rhumbs—ne montrant qu'une petite portion d'Amérique, présentant une Indedistinctement divisée en deux péninsules, et portant le titre: 'Differt situs orbishydrographorum ab eo quem Ptolemeus posuit'; une carte d'Indonésie, intitulée 'Tabulamoderna Indiae orientalis' et une autre de Chine et des régions environnantes. Toutes lescartes sont agrémentées de vignettes représentant des rois avec leurs attributs, des animaux,des cannibales et des scènes diverses, vignettes que l'on retrouve sur d'autres impressions deGriininger. Le reste du volume est également orné d'initiales figurant des instruments decosmographie, et les textes, au dos des cartes, sont encadrés de compositions gravées que l'onretrouve, dans le désordre, dans les éditions de 1525 et 1535.

Le texte du Ptolémée de 1525 n'est plus la traduction de Jacopo d'Angelo, mais unenouvelle traduction latine due à l'humaniste de Nuremberg Wilibald Pirckheimer. Commel'indique Hildegard Johnson37 les bois des 51 cartes furent probablement vendus parGrüninger ou par son fils après 1529, date à laquelle l'édition de 1525 était déjà épuisée. Cesbois furent réutilisés pour les éditions de Lyon de 1535 et de Vienne de 1541 dont nous avonsparlé plus haut. Le texte qui les accompagne a été remanié par Michel Servet, sous lepseudonyme de Michel de Villeneuve, à partir de Yeditio princeps en grec d'Erasme imprimée,sans cartes, à Bâle en 1533.

3. Les cosmographies universellesLa Cosmographie de Sebastian Münster, déjà publiée en français à Bâle en 1552, fut rééditée àParis et augmentée par François de Belieferest en 1575, édition partagée entre Michel Sonniuset Nicolas Chesneau38. Versificateur, historiographe et écrivain prolixe, Belleforest n'est qu'uncompilateur39. Son contemporain André Thevet l'a jugé sévèrement: 'Belleforest a voulu assezindiscrètement rabobliner la Cosmographie de Munster; étronçonnant de petits lopins de la suitedes discours qu'il a châtrés, si bien que son gros bouquin n'est composé que de piècesrapportées'40. Et encore ailleurs: 'Encor que Belleforest le correcteur ait engrossy laCosmographie de Munster de mes labeurs . . .'41. Münster n'est cependant pas la seule sourcedes 163 cartes que contiennent les trois volumes de cet ouvrage. Certes, un tiers des planches

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Fig. 3 Rome, dans Plantz, pourtraietz et descriptions de plusieurs villes. . . d'Antoine Du Pinet, I.yon, 1564.Photo Bibliothèque nationale, Paris.

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environ a déjà figuré dans les éditions bâloises et est ici pour moitié copié très fidèlement(Edimbourg, Pavie, Florence, le royaume de Naples, le Valais, Zurich, I.indau,Augsbourg. . .), et pour moitié diffèrent sur des points de détail, tels que l'omission parBelleforest du monogramme du graveur, qui était RHMD (Rudolf Hans Manuel Deutsch)pour Sélestat, Coblenz, Fribourg-en-Brisgau, Nordlingen, etc., ou encore par l'omission de ladate, qui était 1548 pour«.Vienne, Colmar et Genève, 1549 pour Francfort; Landau, daté 1547par Münster, l'est de 1572 par Belleforest.

Belleforest n'a cependant pas repris toutes les cartes de Münster, et il a négligé, par exemple,les cartes générales de Suisse, Souabe, Bavière, Bohème, Pologne et Hongrie, ainsi que quel-ques plans des Pays-Bas, Allemagne, Autriche, Prusse, Danemark, Finlande, etc. Il a enrevanche ajouté presque toutes les cartes-une soixantaine- qui composent le premier volumeconsacré à la France, alors que Münster n'offrait que deux cartes de Gaule, un plan de Paris etune vue du siège de Nancy. Parmi les sources françaises de Belleforest, on trouve en premierlieu l'ouvrage de Du Pinet décrit plus haut, et on constate même que Belleforest a souventrepris Münster à travers Du Pinet et Guéroult, sans recourir directement à la source (c'est le casdes vues de Genève et de Rome (Fig. 4)). On trouve aussi dans Belleforest des documents plusrécents et de qualité, comme le plan de Dijon qu'Edouard ou Everard Bredin, architecte de laville, avait réalisé en 1574 sur l'ordre d'Henri III42, ou bien le plan d'Angers de RaymondRancurel. Pour les cartes générales, on constate que Belleforest a souvent préféré aux cartes deMünster, devenues archaïques, celles, plus modernes, qu'Abraham Ortelius avait présentées

. κ. D iiCaten*»*te Sut*. M

Fig. 4. Rome, dans la Cosmographie universelle de Münster, augmentée par Belleforest, Paris, 1575.Photo Bibliothèque nationale, Paris.

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dans son Theatrum orbis terrarum en 1570: il lui emprunte, sans le nommer, le monde, l'Europe,la France, la Sardaigne et la Sicile.

On ne peut pas omettre de citer, à côté de la Cosmographie de Belieferest, celle de son ennemiAndré Thevet, publiée quelques mois plus tard la même année. Elle ne contient pas assez decartes pour être considérée comme un atlas, mais nous avons retenu de lui, par ailleurs, sonGrand Insulaire, composé en 1585-1587. Le texte de cet ouvrage est«resté manuscrit, mais lesquelque 300 plans d'îles qui devaient l'illustrer, ont effectivement été gravés. La découverte,par M. Marcel Destombes, de la page de titre prévue pour ce recueil qui ne parut jamais,apporte la preuve des intentions de son auteur43. Cet ouvrage est, quoi qu'il en soit, le premierdans notre étude qui ne soit ni une traduction, ni une adaptation d'une oeuvre étrangère. M.Destombes lui reconnaît malgré l'aspect fantaisiste de plusieurs de ses plans, un intérêt certain:'Comparer les plans de ces îles à des cartes modernes serait désastreux pour nombred'entr'eux, mais il est juste de reconnaître qu'il s'agit, pour la plupart, de leur plus anciennereprésentation à cette échelle . . ,'44.

Nous sommes là néanmoins à la fin d'une étape de l'histoire de la cartographie française.Entretemps, en effet, les premiers vrais atlas de cartes, le Theatrum d'Ortelius et les recueils deLafreri furent publiés dans des pays voisins, et ces faits ne tardèrent pas à avoir desrépercussions sur l'édition française. D'une part, ces nouveaux atlas connurent en France unsuccès commercial, comme en témoignent les inventaires de bibliothèques rédigés à l'occasiondes inventaires après décès: durant tout le XVIIe s, le Theatrum d'Ortelius est l'atlas le plusreprésenté dans les bibliothèques privées. D'autre part, ils furent imités par les éditeursfrançais, qui bénéficièrent pour cela de la collaboration de nombreux graveurs flamandsémigrés. L'édition française mit ensuite plusieurs années à s'affranchir de la tutelle de sesmodèles hollandais, et nous allons donc étudier maintenant les progrès de son autonomie.

4. L'édition cartographique parisienne : des débuts difficilesLe premier véritable atlas français, le Théâtre Françoys de Maurice Bouguereau (1594) futcomposé dans des circonstances un peu particulières. Le Père de Dainville, dans l'article trèsdétaillé qu'il a consacré à cet atlas45, a montré comment il était né de la recontre fortuite, en1590, du graveur Gabriel Tavernier et du libraire tourangeau Maurice Bouguereau. C'est àTours, en effet, que le roi Henri IV, la cour et le Parlement, avaient dû se réfugier après larévolte de Paris; ils avaient été suivis par de nombreux Parisiens restés fidèles. Parmi eux setrouvait naturellement Tavernier, puisque ce graveur flamand avait déjà quitté Anvers pourParis en 1573, en raison de son appartenance à la religion réformée46. Il offrit ses services àBouguereau, d'abord pour graver une carte de France, puis, nourri et logé chez lui, il continuaavec les cartes des provinces. L'ouvrage qui en résulta est à la fois une imitation du Theatrumd'Ortelius et une oeuvre authentiquement française: imitation du Theatrum par son titre, lacopie de ses cartes (8 sur les 16 de l'ensemble) ainsi que de celles de Mercator (4 sontempruntées aux Galliae tabulae geographicae); mais aussi souci de montrer l'unité de la Francesous la conduite du nouveau roi contesté, en regroupant les cartes des provinces fidèles etrebelles récemment reconquises. Dans son commentaire, Bouguereau vilipende 'la guerreouverte faicte au Roy sous prétexte de l'Union catholique pour ruiner la monarchie françoise'.

Ce caractère politique disparut dans les éditions ultérieures du Théâtre qui fut, comme l'aexpliqué le Père de Dainville47, plusieurs fois réédité et augmenté par les nouveauxpropriétaires de ses planches. Les motifs commerciaux prirent le pas sur la défense de lamonarchie, qui, il est vrai, n'était plus aussi fragile, et qui, à Paris, devait être moins prochedes libraires que pendant son exil à Tours. Mais il faut aussi souligner qu'avec le Théâtre, étaitapparu un phénomène d'une importance nouvelle: l'appropriation de la géographie par lepouvoir. A partir du début du XVI le s. en effet, la géographie servit à la fois les gouvernants,comme nous venons de le voir, et devint l'inspiratrice de leur politique, à commencer par cellede Richelieu, qui entreprit de rendre à la France ses prétendues frontières naturelles.L'apprentissage de cette science fut bientôt considéré comme indispensable: on vit NicolasSansón donner des cours à Richelieu, à Louis XIII, aux Condé, et on nomma des 'géographesdes enfants du Roi', tel Nicolas de Fer. Cet intérêt pour la géographie ne fut pas sans exercer

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une influence sur son évolution: on demanda qu'elle soit plus concrète, qu'elle débouche surdes cartes précises, et qu'elle soit directement utilisable.

Le Théâtre Françoys de Bouguereau portrait déjà en lui les caractéristiques des atlas françaisqui le suivirent: il était l'oeuvre d'un éditeur, et non pas d'un géographe; il contenait peu decartes, et ces cartes étaient en majorité des copies de cartes hollandaises.

Les cartes de géographie ne faisaient pas, à Paris, au début du XVIle s., l'objet d'uncommerce spécialisé; elles étaient considérées comme des estampes, tant pour leur produc-tion que pour leur diffusion. Ce commerce était localisé dans un quartier bien précis, celui del'Université, et plus particulièrement dans la rue Saint-Jacques. Ses artisans on fait, cesdernières années, l'objet d'études fructueuses de la part de M. Roger-Armand Weigert et deson successeur, M. Maxime Préaud, conservateurs au Cabinet des Estampes de la Bibliothèquenationale48. Parmi ces graveurs et ces marchands d'estampes -les deux activités étaient souventjumelées- on trouve une importante colonie flamande, qui apporta à Paris un peu durayonnement de la gravure anversoise49. Ces hommes, qui avaient quitté leur pays pour desraisons religieuses ou économiques, n'étaient certes pas tous experts en géographie, maisquelques uns d'entre eux s'en firent plus tard une spécialité. Parmi les éditeurs, nous avonsdéjà cité Gabriel Tavernier, père de Melchior Tavernier, qui entretint toujours des rapportsétroits avec ses confrères des Pays-Bas, tant méridionaux que septentrionaux. Mentionnonségalement Michel Van Lochom, né à Anvers en 1601, qui s'installa à l'enseigne de 'la RoseBlanche', rue Saint-Jacques, tandis que Tavernier prenait celle de 'la Rose Rouge', dans l'Iledu Palais. Les graveurs furent également nombreux, tel probablement Abraham de la Plaes -bien que nous n'ayons pas la preuve de ses origines flamandes ou néerlandaises- qui gravanombre de cartes pour Nicolas Sansón et Pierre Mariette. D'autres graveurs des Pays-Bas nevenaient à Paris que pour prendre des commandes, qu'ils exécutaient une fois rentrés chezeux; ainsi procédait Corneille Danckert d'Amsterdam50.

Un petit groupe d'éditeurs parisiens consacra donc une partie de son activité à la productionde cartes. Les principaux furent Melchior Tavernier, qui en 1644 vendit son fonds à Pierre I.Mariette, remplacé en 1657 par son fils Pierre II Mariette51 (Tavernier, d' 'hydrographe,graveur et imprimeur du roi pour les cartes géographiques et les tailles douces', était devenuen 1644 'géographe ordinaire du roi'); Nicolas I. Berey (mort en 1665) et son fils Nicolas II(mort en 1667), 'marchands imagers, graveurs et enlumineurs du roi pour les plans, cartes,géographies, pourtraits et histoires'; Jean Boisseau et Antoine de Fer (mort en 1675),'marchands de tailles douces et enlumineurs du roi pour les cartes géographiques'.

Nous ne reviendrons pas ici sur le sort du Théâtre de Bouguereau, passé aux mains de lafamille Le Clerc, puis á partir de 1641, dans celles de Boisseau42. Nous nous contenterons demettre en valeur trois des solutions apportées par les éditeurs de ce temps à leurs difficultés: ladiffusion des cartes hollandaises, les recueils factices et les éditions partagées.

La diffusion des cartes hollandaises devint, avec Melchior Tavernier, une véritableinstitution. Il commença par graver et éditer l'atlas que Petrus Bertius, réfugié en France,publia un an avant sa mort, en 1628: Geographie, vêtus ex antiquis et melioris notae scriptoribus nupercollecta, ouvrage qui fut réédité chez Boisseau en 1645. Un accord avec les Hondius lui permitensuite d'être leur dépositaire officiel à Paris. Leurs cartes, tirées aux Pays-Bas, étaientimportées en France avec la mention: 'à Amsterdam, chez Henri Hondius, et se vendent àParis chez Melchior Tavernier'. Ces cartes des Hondius étaient en même temps copiées parBoisseau et par Mariette (dès avant qu'il ne succède à Tavernier). Ce recours à la productionhollandaise s'explique par la pauvreté des cartes originales françaises. Les éditeurs semblent enoutre quelque peu paralysés par l'héritage du Théâtre de Bouguereau; ils sont incapablesd'innover, comme le montrent le Théâtre géographique du royaume de France des Le Clerc reprispar Boisseau en 1641; le Théâtre gégraphique du royaume de France de Tavernier, paru en 1632,1634, 1637 et 1638, qui devint en 1643 le Théâtre géographique de la France; le Théâtre des Gaules deBoisseau en 1642 et le Théâtre géographique de France de Mariette, en 1650 et 1653.

L'insuffisance des cartes françaises de l'Europe et du monde, et le manque de cartesoriginales en général, empêchaient ces libraires de publier de nouveaux atlas. Ils préféraientalors la forme du 'recueil factice', atlas sans page de titre au contenu composite, qui donnaient

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néanmoins un échantillonage des cartes du monde53. Grâce à des échanges de cartes et à desmises en commun-de la même façon que les libraires échangeaient entre eux leur production -ils complétaient leur assortiment et pouvaient offrir à leur clientèle un choix plus grand. Lecontenu des recueils n'est pas aussi fantaisiste qu'il paraît au premier abord et répond aucontraire à un classement géographique raisonné. Ce classement est identique d'un exemplaireâ l'autre mais est aussi fonction de l'assortiment de cartes dont disposait le libraire à unmoment donné. Tous les recueils commencent par une mappemonde, qui, par le nom de sonéditeur, nous indique le nom de l'éditeur du recueil. Bien qu'ils soient encore très mal connus,ces recueils factices méritent une attention particulière, car ils sont, véritablement, des 'pré-atlas'.

Le dernier moyen pour lutter contre leur faiblesse économique consistait, pour les éditeurs,dans l'association et dans les éditions partagées. Cette pratique était déjà courante au XVIesiècle, et nous avons vu que la Cosmographie de Belieferest avait été éditée conjointement parMichel Sonnius et Nicolas Chesneau. Elle continue au XVIIe s., en particulier pour les atlas,qui, non seulement font l'objet d'éditions partagées, mais encore passent de main en main,changeant à chaque fois de nom d'éditeur. Il est quelquefois difficile de déterminer si l'on setrouve dans le premier ou dans le second cas. Nous verrons plus loin comment Tassin, quiobtenait le privilège de ses atlas en son nom, le cédait à plusieurs éditeurs qui exploitaient lesouvrages simultanément. Un autre petit atlas anonyme oblong, de 38 cartes, n'a pas fini delivrer ses mystères, le Trésor des cartes géographiques des principaux estats de l'univers. Une table descartes indique qu'elles furent gravées par N. Picart, mais une autre table porte, selon lesexemplaires, 'Chez Jean Boisseau, 1643', 'Chez Louis Boissevin, 1653' et 'Chez Jollain' (sansdate).

5. L'apport des ingénieurs militairesAvant de connaître de véritables géographes, c'est-à-dire en gros, avant Sansón et avantl'Académie des Sciences, la cartographie française reçut une première impulsion de la part desingénieurs militaires. On trouve leurs croquis publiés soit isolément, feuille à feuille, pardivers éditeurs, soit réunis en atlas, essentiellement sous trois noms: Chastillon, Tassin etBeaulieu.

L'histoire des débuts des ingénieurs militaires français a été remarquablement étudiée parM. D. J. Buisseet54 à partir de documents d'archives inédits (les papiers de Sully en particulier)et de cartes manuscrites inconnues. Il montre que jusqu'au règne d'Henri IV, la fortificationdes villes et son entretien incombaient essentiellement aux municipalités. Avec l'avènement deSully comme 'Surintendant des fortifications' en 1600, remplacé à ce poste par son fils en 1605,l'administration royale entendit exercer un contrôle direct sur cette activité et, en 1604, unnouveau règlement stipula que dans chacune des grandes provinces frontières de l'Est—Picardie, Champagne, Dauphiné et Provence—il y aurait un 'ingénieur du roi'; il ferait partiede l'artillerie, et aurait pour adjoint 'un conducteur des desseins', autrement dit uncartographe. Sa mission serait de prévoir les travaux nécessaires pour la fortification des villes-frontières et de veiller à leur bonne exécution. Ces ingénieurs en fait prirent part également àdes travaux de voiries, de ponts et de canaux, et furent amenés à lever des cartes de régionsentières. Au nombre de deux en 1585, ils passèrent à six en 1611 et tirèrent leur science del'enseignement de maîtres italiens, hollandais ou espagnols. Ces premiers 'ingénieurs du roi'furent Jean Errard en Picardie, Claude Chastillon en Champagne, Jean de Beins en Dauphiné,Raymond et Jean de Bonnefons en Provence. Henri IV n'eut pas le temps de s'occuper de laBretagne et du Languedoc, mais il eut le mérite de laisser à ses successeurs les fondementsadministratifs d'un service de fortifications.

La majorité des croquis des ingénieurs (fortifications de villes, mais aussi ponts, canaux,vues et cartes topographiques) est restée manuscrite, pour des raisons de sécurité que l'onimagine aisément. On constate néanmoins qu'un certain nombre de leurs oeuvres ont étégravées, sans danger pour la défense des frontières. Une carte générale du Dauphiné par Jeande Beins fut introduite par Jean Leclerc dans son Théâtre en 1620 environ, bien imprécise encomparaison de ses cartes restées manuscrites53. Claude de Chastillon, dans un autre genre, a

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laissé graver nombre de ses vues de villes, par des graveurs différents, avant que Jean Boisseaune les réunisse dans la Topographie françoise dont nous parlerons plus loin.

La génération d'ingénieurs qui suivit adopta cette pratique consistant à laisser diffuser pardes éditeurs d'estampes -probablement moyennant une rétribution- quelques cartes et plansinédits: de Bachot, ingénieur en Saintonge, Tavernier publia en 1621 une carte d'Aunis; lamême année, une carte du siège de Clairac par Siette; en 1627 et 1628, deux cartes des côtes dePoitou par Chastillon; en 1630 les vallées savoyardes par Simon Maupin, et en 1637, les Iles deSainte-Marguerite et Saint-Honorat, par un certain Clair, inconnu par ailleurs. Ces cartesétaient insérées, au fur et à mesure de leur parution, dans les recueils factices dont nous avonsparlé ci-dessus. Tout au long du XVIle s., le corps des ingénieurs militaires s'accrut etcontinua d'alimenter ainsi l'édition de cartes, en croquis neufs, souvent pris sur le vif.

Nous ne retiendrons ici que les trois noms de ceux qui laissèrent des atlas et un grandnombre de cartes gravées: Claude de Chastillon, ChristopheTassin et Sébastien de Beaulieu.

(a) Claude de ChastillonClaude de Chastillon -on dit Chastillon de préférence à Chatillon- (1559-1616), natif deChâlons-sur-Marne en Champagne, fut nommé vers 1591 'topographe du roi', puis en 1595'ingénieur du roi' pour sa province natale, en compagnie d'un ingénieur italien du nom deBartolomeo Ricardo (Barthélémy Richard)56. Son activité s'étendit sur la Champagne au senslarge, puisqu'il fut chargé, en 1599, de délimiter la frontière entre la France, la Lorraine et laFranche-Comté, mais il fut également envoyé en Guyenne et en Poitou en 1606. On constateen outre, en feuilletant la Topographie françoise, qu'il eut une grand activité en Ile-de-France, etqu'il alla, pour peu de temps sans doute, en Dauphiné, dans la vallée de la Loire, en Bretagneet en Picardie, preuve que les activités des ingénieurs n'étaient pas encore aussi sectorisées queles documents officiels pourraient le laisser croire. Au cours de ses nombreux déplacements, ildessina d'après nature près de 500 villes, villages, places-fortes, châteaux, abbayes, maisons,ruines et monuments, tout en croquant sur le vif quelques sièges et batailles d'Henri IV. Lespremières planches datées de la Topographie le sont de 1589, et les dernières de 1616, année dela mort de Chastillon. Un certain nombre d'entre elles furent gravées au burin de son vivant,par Mathieu Mérian, Léonard Gaultier et J. de Weert. Quelques années plus tard, l'éditeurparisien Jean Boisseau racheta ces planches, ainsi que celles déjà éditées par le ChâlonnaisPoinsart. Il entra par ailleurs en possession du reste des dessins de Chastillon, plus ou moinsachevés, et les fît graver par un groupe de graveurs inconnus, mis à part les frères Nicolas etIsaac Briot. Il réunit l'ensemble en 1641, sous le titre: Topographie françoise ou représentations deplusieurs villes, bourgs, chasteaux, maisons de plaisance, ruines & vestiges d'antiquitez du royaume deFrance, désignez par deffunct Claude Chastillon, et mise en lumière par Jean Boisseau. . . Cette éditioncontient 386 vues et 8 planches représentant des machines de guerre, groupées sur 252 feuilles.Deux tables des matières imprimées différentes existent pour cette édition, qui fut suivie d'unesecond version augmentée, en 1648, dont le titre indique 'par deffunct Claude Chastillon etautres'. Elle compte plus de 420 vues. Boisseau vendit ensuite les planches au libraire LouisBoissevin, qui en donna une troisième édition en 1655, soit près de quarante ans après la mortde Chastillon.

(b) Christophe TassinLa carrière posthume de Chastillon ne s'arrêta pas là, car on constate que Tassin, le deuxièmeingénieur à être gravé au XVIIo s., lui a fait des emprunts importants. Le cas de Tassin estcependant un peu particulier, car, outre ses fonctions militaires, il exerça ouvertement lemétier de commerçant d'estampes: en 1646, on cite dans un document d'archives 'ChristopheTassin, commissaire ordinaire des guerres et géographe du roi . . . aussi marchand d'images'57.Relevons à ce propos le prénom de Tassin, Christophe et non pas Nicolas, comme l'architectedijonnais avec lequel on l'a confondu jusqu'à présent. Deux ans plus tôt, c'est en personnequ'il vend à Antoine de Fer et Nicolas Berey 'une quantité de planches de cuivre gravées tantau burin que en eaue forte, speciallement celles de deux vollumes de livres de villes de France,celles d'un vollume de villes de Suisse, ung autre des costes de France, et autres grandesplanches de diverses provinces, le tout. . . pour 3500 livres tournois'58.

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Il y a donc deux aspects dans l'oeuvre de Tassin: d'une part, des cartes topographiqueslevées sur le terrain, ou du moins réalisées à partir de documents de première main que luicommuniquaient des ingénieurs, et d'autre part, des copies et des rééditions de planches déjàpubliées par d'autres auteurs. Sa période d'activité fut courte, car les premières éditions de sesatlas parurent toutes entre 1633 et 1635. Elles furent ensuite souvent rééditées jusqu'en 1655.Tassin, obtint le privilège de ses atlas en son nom propre, en 1631, alors que cette formalitéétait en général accomplie par l'éditeur. Il le délégua ensuite à des libraires, et ses atlasparurent simultanément sous les noms de Sébastien Cramoisy, Martin Gobert, Jean Messager,Melchior Tavernier et Michel Van Lochom, et plus tard, à partir de 1644, de Nicolas Berey etd'Antoine de Fer.

Ses adas se divisent en trois groupes. On peut distinguer premièrement le groupe des petitsin-4° oblongs, intitulés Cartes generales des provinces de France et d'Espagne (1ère édition 1633),Cartes generales des royaumes et provinces de la haute et basse Allemagne (1633), Les plans et profils detoutes les principales villes du duché de Lorraine (1633), L·s plans et profils de toutes les principales villeset lieux considérables de France (1634) et Description de tous les cantons, villes, bourgs, villages et autresparticularitez du pays des Suisses (1635). On trouve, dans ces 'petits Tassin', des cartes degouvernements, des plans et des vues de villes, dont beaucoup ne sont pas originales, etproviennent en particulier de l'oeuvre de Chastillon. (Fig. 5 & 6) Aucun nom de graveur n'estindiqué.

La deuxième oeuvre de Tassin consiste en un in-folio oblong, paru en 1634, réédité en 1636,et repris par Nicolas de Fer en 1690, Cartes générales et particulières de toutes les costes de France, tantde la mer océane que Méditerranée, où sont remarqués toutes les isles, golphes, ponts, havres, rades, bayes,bancs, escueils et rochers plus considérables avec les anchrages et profondeurs nécessaires. Tassin le dedicaà Richelieu, alors surintendant de la Marine, et il faut noter à ce sujet, avec C. Passerat, que sescartes sont avant tout conçues pour le défense des côtes, qu'elles dérivent des travaux destopographes militaires et que 'on n'y voit pas la trace d'un seul levé véritablementhydrographique'. Passerat ajoute à ce propos: 'L'oeuvre de Tassin n'est pas originale commecelle de Chatillon; c'est une compilation des cartes alors existantes, et ses cartes des côtes sontempruntées à des cartes des provinces dont il n'a fait figurer, dans ce recueil, que la partielittorale. Sa carte n° 21, Coste d'Aunis correspond exactement à la carte de Chatillon Carte de lacoste de la Rochelle''9.

Les cartes de provinces dont Tassin a tiré ses cartes de côtes ont paru la même année, en1634, sous la forme d'un atlas in-folio intitulé Les cartes générales de toutes les provinces de France

Fig. 5. Abbeville, dans la Topographie Françoise de Claude de Chastillon, éditée à Paris par Jean Boisseau en 1648.Photo Bibliothèque nationale, Paris.

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Fig. 6. Abbeville, dans Plans et profils de toutes les principales villes. . . de France deTassin, Paris, 1634.Photo Bibliothèque nationale, Paris.

revenes, corrigées & augmentées. . ., sans nom d'éditeur. Il fut complété, en 1637, sous le titre Lescartes générales de toutes les provinces de France, royaumes et provinces de l'Europe et réédité sous cemême titre en 1640. Les cartes ne portent aucun nom d'auteur, mais leur facture, caractér-istique par sa clarté et sa lisibilité, est semblable à celle des cartes de gouvernements des 'petitsTassin'.

(c) Sébastien de BeaulieuSébastien de Pontault, sieur de Beaulieu (mort en 1674), marcha sur les traces de Tassin,puisqu'il fut à la fois ingénieur du roi, commissionaire ordinaire et contrôleur provincial del'artillerie, et éditeur à son compte de cartes et de plans gravés. Comme Tassin, il publia depetits ouvrages oblongs de plans et profils, les 'petits Beaulieu', et un atlas de grand format le'grand Beaulieu'.

Les 'petits Beaulieu' ne sont pas datés, et offrent, à l'image des Tassin, des cartes degouvernements ainsi que des plans et des vues de villes concernant quatorze provinces, lescomtés d'Alost, d'Artois, de Bourgogne, les duchés de Brabant, de Cambrai, la principauté deCatalogne, le comté de Flandre, le duché de Gueldre, le comté de Hainaut, les duchés deLimbourg, de Lorraine et de Bar, de Luxembourg, les comtés de Namur, de Roussillon,Confient et Cerdagne. Plusieurs graveurs ont signé ces planches, tels H. van Loon, F. Ertingeret A. Perelle. Elles furent copiées, à la fin du siècle, par Lorenz Scherm, pour illustrer les édi-tions hollandaises de l'Atlas Nouveau de Sansón etjaillot, publié chez Mortier en 1692 et 169660

Ces dernières versions ont le plus souvent fait l'objet d'un coloriage soigné.Le 'grand Beaulieu' est sans conteste l'oeuvre maîtresse de Beaulieu. Avec le sous-titre de Les

grandes conquêtes de Louis le Grand, il regroupe de magnifiques profils de villes et de non moinsgrandioses plans de batailles. Beaulieu était en effet devenu le spécialiste de la représentationdes batailles royales, avant même la mort de Louis XIII, car nous avons retrouvé un acte nondaté, qui confirme des lettres de privilège du 10 mai 1642, et qui l'autorise à 'faire graver etimprimer tous ses plans de villes et places qui ont esté et seront prises par nos armées, et desbatailles, combats, et sièges, et campements notables faits par nos armées, et les corrigeant surles dessins qu'il a et aura véritables, les réduisant en telle grandeur que bon lui semblera . . .soit pour être débités en feuilles séparées, ou en livres, ainsy que bon lui semblera, avecqdéfense à tous autres ingénieurs qu'anciens imprimeurs et tous autres, de faire graver,imprimer et débiter en public ou en particulier aucuns de ses plans sous peine de

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confiscation . . . et de deux mille livres d'amande'61. Cette exclusivité suscita des jalousies et luifut retirée par un arrêt du Conseil du roi de février 1668 qui, donnant satisfaction à la requêted'un groupe de graveurs, déclara que 'les graveurs de Paris pourront dessiner, graver etimprimer, vendre et débiter toutes sortes de dessins honnestes, portraits, batailles, plans etprofils des villes . . . sans toute-fois qu'ils puissant copier et imiter trait pour trait les dessins etouvrage des autres, mesme ceux dudit Beaulieu'62.

Beaulieu acquit donc une grande notoriété avec ses plans de batailles, mais le recueilcomplet que nous connaissons ne fut publié avec sa page de titre que vingt ans après sa mort.Beaulieu périt en effet en 1674, laissant de nombreux croquis inachevés, d'autant qu'il avaitdéjà perdu son bras droit en 1644 au siège de Philippsburg. Sa nièce, Reine de Beaulieu, luisuccéda dans sa tâche, secondée par son mari, Jean-Baptiste Hamont, sieur Des Roches,également ingénieur ordinaire du Roi. Ce dernier fit même plus que préparer pour la gravureles dessins laissés par Beaulieu. Il continua seul la série des batailles, en ne signant ses planchesdans le bas, que du discret monogramme D.R., si bien qu'un oeil non averti peut les croire dela main de Beaulieu (Fig. 7 & 8). Il mourut lui-même peu avant 1694, date qui figure sur cer-taines pages de titre des Grandes conquêtes. Dans la dédicace de l'atlas au roi, Reine de Beaulieu,alors seule survivante, explique les vicissitudes de l'oeuvre. Elle fut récompensée l'annéesuivante par un brevet de 1500 livres de pension63.

Le 'grand Beaulieu' eut la chance de flatter l'orgueil de Louis XIV, qui en fit acheter lesplanches, au nombre de 151, par la Bibliothèque royale. Il continua d'être diffusé tel queljusqu'en l'année 1727 où on décida de le regrouper avec d'autres estampes des collectionsroyales qui, tirées sur papier d'égale grandeur, formeraient dès lors une collection uniforme,qui reçut le nom de 'Cabinet du roi'64. Il s'agit là des 'grands ouvrages relatifs aux événementsde la monarchie française pendant le règne de Louis XIV, ou destinés du moins à perpétuer lesouvenir de ce règne'. Cette collection, augmentée de planches nouvelles acquises oucommandées par les souverains, resta en possession de la Bibliothèque royale jusqu'en 1812,date à laquelle les planches furent transportées au Musée du Louvre, où elles se trouventtoujours, et où le public peut en acquérir des tirages, par l'intermédiaire de la Chalcographiedu Musée du Louvre.

mtekI ig. 7. Siège de Tripoli, dans Le: grandes conquêtes de Louis le Grand, Paris, 1694, planche exécutée par Jean-Baptiste

Hamont, sieur Des Roches, après la mort de Sébastien de Beaulieu son oncle.Photo Bibliothèque nationale, Paris.

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Fig. 8. Monogramme de Des Roches, détail de la planche précédente.Photo Bibliothèque nationale, Paris.

Les planches de cuivre des 'petits Beaulieu' furent également vendues, et on les retrouve, auXVIIIo s., retirées par le libraire géographe Jean de Beaurain (mort en 1771), lui aussispécialisé dans la cartographie militaire.

6. Les atlas de Nicolas SansónRevenons maintenant quelques années en arrière, en 1630-1640, au moment où les éditeursparisiens, à la recherche de documents nouveaux, se tournent vers les ingénieurs. A cette dateen effet, eut lieu la rencontre de Melchior Tavernier et de Nicolas Sansón (1600-1667), quidevait devenir le premier géographe français du XVIle s. Après ses débuts, en 1638 et 1639,comme ingénieur militaire en Picardie, chargé plus particulièrement des fortifications de saville natale Abbeville, Sansón se consacra presque exclusivement à la géographie de cabinet.Homme d'étude avant tout, il préférait les murs de son cabinet de travail aux randonnéesfrileuses des ingénieurs des armées. Sa solide culture classique et son esprit méthodique lepoussèrent vers la cartographie historique et thématique, au détriment des levés sur le terrainet de la cartographie astronomique pour laquelle il n'avait pas reçu de formation. Enfin, lerègne d'un système d'édition capitaliste l'obligea, faute de moyens financiers personnels assezpuissants, â diffuser presque toujours ses oeuvres par l'intermédiaire d'un éditeur, avec toutesles difficultés que cela impliquait.

Nicolas Sansón fut, comme nous l'avons écrit ailleurs65, 'découvert' par Melchior Taverniervers 1632, data à laquelle, toujours à Abbeville, il confectionna pour lui une carte des postes deFrance, puis, en 1634, une carte des rivières. Déjà, les deux associés songeaient à publierensemble un nouvel atlas de France, mais ils se fâchèrent. Sansón vint s'installer à Paris en1634, sans cesser de penser à ce projet d'atlas qu'il imaginait riche de 250 cartes66. Cetteentreprise ne devait voir le jour qu'après sa mort, comme nous l'expliquerons plus loin.

Les premiers ouvrages de Nicolas Sansón furent moins ambitieux, et les connaissanceshistoriques y prirent le pas sur les données géographiques. Il réalisa des cartes historiques de laGaule (en 1627, une carte de la Gaule en cinq feuilles et un traité Gallia antiqua descriptiogeographica), de la Grèce (en 1637 parut l'ouvrage Graeciae antiquae icones . . ., qui devint en 1638Graeciae antiquae descriptio geographica, dans lequel on trouve deux fois un même carte de laGrèce ancienne), et de l'Empire romain (en 1638 avec Romani utriusque imperil orientalis scilicet etoccidentalis descriptio geographica, où chacune des cartes de l'Empire d'Orient et d'Occident estégalement montrée deux fois pour illustrer des divisions différentes).

Après avoir recherché les anciens toponymes et les limites du passé, Sansón voulut aussireprésenter les divisions modernes. Elles apparaissent pour la première fois en 1644, dans l'in-folio dit 'des cinq royaumes', Les Isles Britanniques, l'Espagne, la France, l'Italie, l'Allemagnedesentes en plusieurs cartes et divers traictés, publié chez Mariette. Chaque partie était aussi dotée

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d'un titre propre, le premier étant Les Isles Britanniques, où sont l'Angleterre, l'Ecosse, l'Irlandedécrites en plusieurs cartes, en differ ens traitez de géographie ir d'histoire, selon les plus belles & lesprincipales distinctions qui se peuvent remarquer dans tous les auteurs anciens ir nouveaux. Pour chaquepays, Sansón y présentait cinq cartes dites 'latines' et cinq cartes dites 'modernes'. En réalitédeux cartes seulement suffirent, l'une historique, sur laquelle Sansón porta les limitesanciennes (des peuples, des provinces romaines, des régions ou des provinces, avec desvariantes selon les pays) et l'autre moderne, sur laquelle on voit les diocèses, puis lesparlements, les généralités, les gouvernements ou les provinces, en accord avec les divisionsadministratives du pays concerné. Cet ouvrage fut réédité en 1651 sous un titre légèrementdifférent: La France, l'Espagne, l'Italie, l'Allemagne, les Isles Britanniques où sont l'Angleterre, l'Escosseet l'Irlande ...

Les années passant, Nicolas Sansón accumula une documentation suffisante pourcartographier, selon son voeu, les gouvernements et les provinces françaises. Ils parurent entre1648 et 1652 chez Mariette ou à ses frais, gravés par Robert Cordier ou Abraham Peyrounin.Parallèlement, il travaillait â des cartes des pays du monde, qui parurent année après année: en1647 la Sicile, en 1648, la Suisse et les parties de l'Italie, en 1650, l'Afrique et l'Amérique, en1652 la Castille et la Navarre, en 1653, l'Aragon, en 1654, la Bohème, le Brandebourg, laPoméranie, etc. Comme nous l'avons écrit ailleurs67, cet ensemble de cartes de France et dumonde fut jugé, en 1652, suffisamment important pour être vendu en recueil, mais l'atlas nereçut son titre qu'en 1658: Les cartes générales de toutes les parties du monde, riche alors de 113cartes. A cette date, Pierre II Mariette avait succédé à son père51 mais la collaboration sepoursuivit avec la famille Sansón, Nicolas le père et Guillaume et Adrien ses fils, et lui'même.La deuxième édition parut en 1665 avec 166 cartes, la troisième en 1666 avec 181 cartes et laquatrième en 1667 avec 200 cartes. Le premier atlas mondial français -il faut le considérercomme tel, bien qu'il ait été précédé dans le temps par le modeste Trésor des cartes géographiquesdes principaux états de l'univers en 1643 et le petit Duval Cartes de géographie en 1657-connut ungrand succès. La mort de Nicolas Sansón en juillet 1667 n'empêcha pas la parution de lacinquième édition en deux volumes en 1670, au nom de ses fils, ni des sixième et septième, en1675 e t 1 6 7 6 , s o u s le t i t r e Cartes générales de la géographie ancienne et nouvelle... Il n ' y e u t p a sd'édition ultérieure, car la discorde survint entre l'éditeur et ses auteurs, qui préférèrent à cettedate collaborer avec Alexis-Hubert Jaillot. Toutefois, il continua d'être vendu par les soins dePierre Moullard-Sanson, neveu de Guillaume et d'Adrien, qui annonce dans son catalogue68:'Cartes generales de toutes les parties du monde . . . deux volumes in-folio contenant 163cartes françoises Se 37 latines par les sieurs Sansón'.

Nicolas Sansón avait réduit certaines de ses cartes des parties du monde, pour les incluredans des traités in-quarto consacrés aux quatre continents. L'Europe parut la première en 1648,réalisée par Nicolas Sansón le fils mort accidentellement la même année, et fut rééditée en1665; puis vint Y Asie en 1652, rééditée en 1658 et 1662; l'Afrique en 1656 et 1662 et l'Amériqueen 1657 et 1662.

Vers la fin de sa vie, Sansón consacra tous ses soins aux cartes particulières de la France. Sonoriginalité est d'avoir imaginé des cartes polyvalentes, à la nomenclature très dense, quiportent à la fois les limites ecclésiastiques et civiles. Leur titre indique le nom de l'éveché etceux du bailliage, du comté ou de la généralité. Ainsi, selon que l'on souligne à l'aquarelle lesunes ou les autres de ces limites, avec le titre correspondant, on a une carte 'divisée par letemporel' ou bien 'divisée par le spirituel'. Nicolas Sansón n'eut pas le temps de terminer cettesérie de cartes au 1: 234,000 environ, mais il en publia des recueils partiels auxquels des pagesde titre confèrent le rang d'atlas. Il donna en 1656, à ses frais, La Picardie, la Champagne ir laLorraine en plusieurs ir diverses cartes particulières. . . qui contient vingt cartes, toutes datées de1656, et qui fut réédité deux ans plus tard, en association avec Pierre II Mariette, sous le titrelégèrement différent de: Cartes exactes & particulières de Picardie, Champagne ir Lorraine Sec.

Suivant le même principe des limites multiples, Sansón publia en 1657, toujours à soncompte, Pays Bas catholiques, où sont les duchés de Brabant, Limbourg, Luxembourg, ire. les comtés deFlandre, Artois, Haynaut, Namur ir diverses cartes particulières . . ., atlas de 14 cartes datant pour laplupart de 1657.

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L'ensemble de ces cartes particulières de la France ne fut publié en atlas qu'en 1676, sous letitre: Cartes particulières de la France suivant l'ordre des provinces ecclésiastigues, des diocèses de sesarcheveschés et eveschés jusques à l'estendue de l'ancienne Gaule . . . La Celtique au tome I & la Belgiqueau tome II. Nicolas Sansón était mort sans avoir pu cartographier toute la Gaule, Germaniecomprise. Son fils Guillaume ne compléta son oeuvre que pour une partie de l'Aquitaine, desorte que la collection resta définitivement incomplète pour une partie de la 2e et 3eLyonnaise, pour une partie de la le et de la 2e Aquitaine, une partie de la Viennoise, de laNovempopulanie, une partie de la le et de la 2e Narbonnaise et pour les Alpes Maritimes69.

7. Les atlas scolaires: Pierre Duval, Philippe Briet et Allain Manesson-Mallet.(a) Pierre DuvalPierre Duval (1618-1683) fut le disciple de Nicolas Sansón auquel il emprunta sa méthode etson esprit systématique. Il est cité dans l'état des officiers de la Maison du roi à partir de 1650,en tant que 'géographe', aux appointements de 350 livres par mois. On voit également cer-taines de ses cartes historiques publiées chez Pierre Mariette à partir de 1654, tandis que de soncôté il s'éditait aussi à son compte, 'rue des Bons enfans, au Monde Royal, devant le charron',sa première adresse. Il y publia, en 1655, un atlas intitulé Cartes géographiques méthodiquementdivisées suivant les mémoires du sieur Du Val, dans lequel il introduisit des cartes de toutes lesparties du monde dues à des auteurs très variés, tels Sansón, Briet, Hondius, Jansson,Boisseau, de la Rue, Blaeu, Mercator, etc., et bien sûr Duval lui-même.

Le Père de Dainville a vu en Pierre Duval le créateur de la cartographie scolaire70. Il est vraique son oeuvre consiste surtout en des ouvrages de vulgarisation géographique de petit for-mat, dans lesquels il met à la portée de tous des oeuvres par ailleurs trop savantes ou tropcoûteuses. La dizaine d'atlas de poche qu'il produisit fut donc largement utilisée pourl'enseignement de la géographie. Ce sont essentiellement des atlas de géographie générale, deformat in-12, et qui reprennent quelquefois de l'un à l'autre les mêmes cartes. Certains traitentdu monde comme Cartes de géographie revues et augmentées de leurs divisions et villes capitales, éditéen 1657, 1661 et 1662, qui contient 40 cartes du monde; La Géographie universelle, en 1661, avec71 cartes du monde sauf la France; L· Monde ou la géographie universelle en 1672, 1676 et 1682,réédité en 1688 par le Père Placide sous le titre Géographie du temps; Le monde chrétien, sans date,qui montre en 16 cartes les limites des provinces ecclésiastiques. Un atlas général de ce type fut,réservé à la France, La Géographie françoise, publié en 1677 avec 34 cartes et des blasons, qui futensuite réédité en 1680 sous le titre La France depuis son agrandissement par les conquêtes du roi, eteut encore une nouvelle édition en 1691.

Outre ces atlas généraux, Duval publia deux atlas historiques, conjointement avec un précisde chronologie, en 1665 et en 1677 : Diverses cartes et tables pour la géographie ancienne (28 cartes) etCartes pour les itinéraires et voyages modernes (26 cartes).

Plus originaux sont ses atlas que l'on peut qualifier de 'politiques' ou 'd'actualité'.Compléments des gazettes ou des comptes rendus des armées, ils se démarquent davantage desoeuvres intemporelles de Nicolas Sansón. Dans Les acquisitions de la France par la paix, en 1660,1669 et 1679, Duval rend compte des traités des Pyrénées, d'Aix-la-Chapelle et de Nimègue.Dans Cartes et tables de géographie des provinces échues à la reine très-chrétienne, en 1667; il soutientles visées de Louis XIV sur l'héritage habsbourgeois de Marie-Thérèse, et dans L« XVIIprovinces ou sont les conquêtes du roi en Hollande et en Flandre, intitulé aussi Cartes et tables degéographie des Provinces Unies des Pays Bas, en 1679 (14 cartes), il fait chorus avec lespropagandistes du roi.

Un dernier atlas échappe à ces catégories, Les costes de la Méditerranée, publié en 1664 et 1665.Duval, bien qu'il avoue ne connaître que l'Atlantique, entend y 'montrer l'importance desplaces et la commodité des ports', peut-être pour imiter l'atlas de Tassin sur ce même sujet.

Les cartes et les atlas de Duval continuèrent d'être diffusés après sa mort par sa femme,Marie Desmarests, et par ses filles Marie-Angélique et Michèle Duval. Ses croquis inachevésfurent terminés par le Père Placide de Sainte-Hélène (1648-1734), de l'ordre des Augustins,son parent. Ce dernier publia un atlas in-folio en son nom propre en 1686, sous le titre Cartesde géographie par le Père Placide, à Pans, chez Mlle. Du Val.

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(b) Augustin Lubin et Philippe BrietLe XVIIe siècle connut plusieurs ecclésiastiques géographes. Un autre augustin, le PèreAugustin Lubin (1624-1695), reçut le titre de géographe du roi. On lui doit l'ouvrage bienconnu Le Mercure géographique ou le guide du curieux des cartes géographiques (1678). Il dressa parailleurs 48 cartes des provinces de son ordre dans la Chorographia augustiniana, qu'il compléta devues des couvents, dans la Topographia augustiniana. Ces deux recueils furent réunis en 1659 sousle titre global de Orbis augustinianus.

Les jésuites furent aussi représentés, avec le Père Philippe Briet (1601-1688), professeur auCollège de Clermont, qui s'illustra dans la cartographie historique avec les Parallela geographiaeveteris et novae, complétés par les Parallela geographica Italiae veteris et novae (1648-1649). Seulel'Europe est traitée dans ces trois volumes, mais le manuscrit du volume suivant, consacré àl'Asie, est heureusement conservé, avec les épreuves des planches gravées71. Sa méthodehistorique s'apparente à celle de Nicolas Sansón, dont il est très proche également par sonsouci de cartographier les limites, comme il le montra dans le Théâtre géographique de l'Europecontenant la division de ses royaumes et de ses provinces, publié chez Mariette en 1653 avec 79 cartes.

(c) Allain Manesson- MalletLes géographes dant nous venons de parler s'adressaient au public cultivé, déjà familiariséavec les classiques. Leurs cartes, souvent fort savantes, faisaient sans cesse référence au passé,comme tout l'enseignement de l'époque, où l'Histoire était reine. D'autres auteurs, cependant,donnèrent des ouvrages scolaires d'un genre différent, mieux adaptés aux nouveauxenseignements. Nous retiendrons ici les atlas publiés à l'intention des futurs officiers desarmées et des pilotes de navires formés dans les écoles d'hydrographie.

Les petits manuels d'Allain Mannesson-Mallet (1630-1706) étaient destinés à l'instructiondes militaires. Leur auteur, après avoir été membre du régiment des gardes du roi, avait servicomme ingénieur dans les armées du roi de Portugal et était devenu maître de mathématiquesdes pages de la Petite écurie de Louis XIV. Ses ouvrages sont très didactiques, chaque page detexte étant mise en regard d'une planche correspondante. Le premier traite de la fortification:Les travaux de Mars, ou la fortification nouvelle tant régulière qu'irrégulière. Il fut publié en 1671 etréédité en 1684-1685 sous le titre Les travaux de Mars ou l'art de la guerre. Ses illustrations, aunombre de 300 sont composées de croquis et de plans de villes fortifiées.

En 1683 parurent les cinq volumes in-8° de la Description de l'univers, contenant les différentssystèmes du monde, les cartes générales à1 particulières de la géographie ancienne et moderne, les plans & lesprofils des principales villes ¿r des autres lieux plus considérables de la terre . . . avec 399 planches. Il futréédité en allemand à Francfort en 1685, sous le titre Beschreibung des gantzen Welt-Kreisses. Enfinson dernier ouvrage, plus technique, La géométrie pratique, fut publié en 1702. Il traite degéométrie, de trigonométrie et de planimétrie et, comme les autres, est abondamment illustré.

8. Les atlas maritimes: Bougard et le 'Neptune Français'II faut souligner le petit nombre des atlas maritimes français en comparaison avec les atlashollandais qui dominèrent le marché jusqu'à la fin du XVIIe s. Aucun ne parut en France entrele Routier de la mer et Le grant routier de Pierre Garcie Ferrande, qui fut réédité tout au long duXVIo s. jusqu-en 1643 malgré l'extrême schématisme de ses croquis72 et Le petit flambeau de lamer de Pierre Bougard. Ce dernier ouvrage fut publié pour la première fois au Havre en 1684.Il connut un grand succès auprès des écoles d'hydrographie et fut réédité treize fois jusqu'en1817, donnant même lieu à une adaptation anglaise en 1801, sous le titre The little sea torch or theguide for coasting pilots. Il ne traite en effet que de la navigation côtière, allant de l'embouchurede la Seine à l'entrée dans l'Océan Indien. L'auteur, simple 'maître de navire', tirait sa scienced'un voyage aux Indes orientales en 1682-1683. Ses cartes, au nombre de 64, sont trèssommaires et ne peuvent que donner une idée générale de l'entrée des ports.

L'indigence des cartes marines françaises incita les autorités, fortes des succès remportés parl'Académie des Sciences dans le domaine de la cartographie scientifique, à faire lever avecprécision le tracé des côtes d'Europe, de la Norvège à l'Espagne. Les artisans de cet énormetravail ne sont pas tous connus, mais l'introduction du Neptune indique que la Bretagne et le

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détroit du Sund ont été réalisés par de La Voye, les côtes de France par Chazelles ingénieur dela Marine et membre de l'Académie des sciences, les côtes septentrionales d'Espagne par Minetet de Gennes, et d'autres cartes par Sauveur, maître de mathématiques des enfants de France etmembre de l'Académie des Sciences. Le privilège fut obtenu le 27 décembre 1691 par CharlesPene, connu pour ses cartes de la Manche, et le Neptune François sortit en 1693 des presses del'Imprimerie royale avec 29 cartes.

Simultanément, une contrefaçon hollandaise fut gravée et imprimée à Amsterdam, àl'instigation des libraires associés Pierre Mortier et Marc Huguetan, comme l'a parfaitementexpliqué le Professeur Koeman73. Cette contrefaçon porte une fausse adresse Ά Paris, chezHubert Jaillot, aux deux globes, 1693', pour des raisons en quelque sorte publicitaires, car leséditions françaises étaient alors plus prisées que les hollandaises. Cette édition fut publiée avectrois sortes de textes, français, anglais et hollandais, cette dernière portant comme adresse'Chez Pierre Mortier'. Les cartes sont des copies fidèles de l'édition parisienne, mais ellesportent en plus la mention: 'levé et gravé par ordre du roi à Paris'. Mortier réédita cet atlas en1703 avec sa propre adresse et lui ajouta une suite l'Atlas maritime (1693) et Suite du Neptune

français (1700), qui ne procédaient pas d'un prototype français.L'introduction de l'édition française disait: 'L'on travaille au second volume.. . qui

contiendra la Mer Méditerranée', mais ce deuxième tome ne parut jamais. Il semble même quele Neptune fut mal accueilli par les marins français. Passerat note que 'le ministre de la Marine,Pontchartrain, dut user de toute son autorité pour obliger les officiers de la marine militairefrançaise â se munir d'un exemplaire de ce recueil; il lui fallut sévir sévèrement et retenir leprix de l'ouvrage sur la solde des officiers'74.

On ne parla plus du Neptune jusqu'en 1753, data à laquelle Jacques-Nicolas Bellin en fitretirer les planches par le Dépôt des cartes et plans de la Marine. Il expliqua dans la préfaceque ce recueil était depuis plus de quarante ans dans une succession; que les planches étaienten assez bon état, mais que deux d'entre elles, les entrées de la Meuse et de l'Escaut et les côtesoccidentales d'Irlande, avaient disparu. En 1751, Rouillé, ministre et secrétaire d'état, fit pourla Marine l'acquisition des planches restantes et donna ordre de les compléter. On y ajoutaune carte de Bretagne, par Sauveur, qui réduisait en une feuille les huit cartes particulières, eton chargea Bellin de corriger les erreurs de la première édition. Le Neptune parut pour ladernière fois en 1773 à Versailles, par les soins de l'imprimerie du Département de la Marine.

Avec le Neptune François, nous sommes entrés dans la période glorieuse de la cartographiefrançaise qui est, à la fin du XVII e s., exportée avec succès hors du royaume. Cette réussite estdue au remarquable travail scientifique de l'Académie des sciences et à l'exactitude des cartesqu'il permit de dresser. Ce renouveau fit aussi la fortune de certains éditeurs qui surentl'exploiter commercialement. Nous retiendrons ici les deux principaux, Alexis-Hubert Jaillotet Nicolas de Fer.

9. Des éditeurs à succès: Alexis-Hubert Jaillot et Nicolas de Fer(a) Originaire de Franche-Comté, Alexis-Hubert Jaillot (1632-1712) vint à Paris pour exercerson métier de sculpteur75. Son mariage en 1664 avec Jeanne Berey, fille de l'éditeur Nicolas IBerey, dont nous avons déjà parlé, l'introduisit dans les milieux du commerce de l'estampe.Les décès successifs de Nicolas I Berey en juillet 1665, puis en décembre 1667 de son filsNicolas II, qui ne laissait qui des enfants mineurs, conduisit Jaillot à racheter, en mars 1668, lefonds de ses beau-père et beau-frère. Une des premières cartes éditées à son nom est une cartede Franche-Comté qu'il copia en 1669. Son oeuvre personnelle en matière de cartographie futtoujours par la suite limitée et sujette à caution. Il s'illustra surtout en tant qu'éditeur deGuillaume et Adrien Sansón (morts en 1703 et 1708). Sa collaboration avec Guillaume Sansóncommença en décembre 1670 et porta très vite sur un nombre de cartes important: en 1671,Sansón s'engagea à lui fournir 18 cartes de deux feuilles et une mappemonde en dix feuilles;pour le premier semestre de 1672, il lui promit une France en six feuilles, un globe et quatrecartes en deux feuilles, et pour le deuxième semestre les cartes particulières des Pays-Bas et desfrontières d'Allemagne, soit vingt-neuf cartes, et en 1673, il signa un contrat pour deux ansportant sur les gouvernements de la France (treize cartes), l'Allemagne (quatorze cartes) et neuf

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autres cartes, toutes en deux feuilles76. Dans tous les cas, il était stipulé que Guillaume Sansóndevait solliciter le privilège en son nom, puis en réserver l'exclusivité à Hubert Jaillot. Malgréun conflit ouvert entre l'éditeur et son auteur en 1674, la gravure et la publication suivirent lemême rythme accéléré. En novembre 1675, à la mort de Jeanne Berey il y avait dans laboutique du quai des Augustins 10,600 cartes en deux feuilles de Sansón et 3,000 en unefeuille".

La collaboration de Sansón et de Jaillot fut couronnée six ans plus tard, en 1681, par lapublication du monumental Atlas nouveau. Son titre fait apparaître pour la première fois lenom d'Atlas dans une publication française mais reste aussi très traditionnel par sa formula-t ion: contenant toutes les parties du monde ou sont exactement remarquées les empires, monarchies,royaumes, estats, republiques ér peuples qui si trouvent a present, qui reprend fidèlement l'intitulé del'atlas mondial de Nicolas Sansón. Jaillot se considère ici comme le maître d'oeuvre del'ouvrage qu'il dédie seul au dauphin en omettant de citer le nom de Sansón sur la page detitre. La plupart des 46 cartes sont cependant de la main de Guillaume Sansón et Jaillot n'asigné que la Picardie, la Franche-Comté, Naples et la Sicile. Le format est, nous l'avons dit,très grand (64 χ 100cm ouvert). Les cartes dont nous avons détaillé plus haut l'élaborationsont imprimées en deux feuilles et leurs dates s'échelonnent entre 1672 et 1681. Elles sont engénéral surmontées d'un deuxième titre, hors de l'encadrement. Le premier titre est inscritdans un cartouche décoratif, dû le plus souvent à François Chauveau. Pierre Brissart a signéceux des cartes des Provinces Unies, des Pays-Bas, du Brandebourg et de Poméranie. Malgréson titre, l'Atlas nouveau décrit davantage l'Europe que le monde (39 cartes sur 46).

Il parut à nouveau chez Jaillot en 1684 et en 1689 avec, cette fois, 78 cartes. L'Amérique,l'Asie et l'Afrique ne sont pas mieux représentées qu'en 1681, et l'augmentation porte essen-tiellement sur les Pays-Bas et l'Allemagne. Entre temps, en 1686, le succès de l'atlas avait valu àJaillot le brevet de géographe du roi ainsi formulé : ' Le Roi. . . bien informé de la capacité etexpérience que Alexis-Hubert Jaillot s'est acquise en plusieurs ouvrages de géographie, etvoulant le traiter favorablement et l'exciter à continuer ses ouvrages si utiles au public. SaMajesté l'a retenu et le retient pour l'un de ses géographes ordinaires pour à l'advenir exercerladite charge et en jouir aux honneurs, authoritez, prérogatives, gages et appointements yattribuez et tout ainsy qu'en jouissent ceux qui sont pourvus de semblables charges'78.

Le succès de Y Atlas nouveau se prolongea hors des frontières grâce à Pierre Mortier et MarcHuguetan, d'Amsterdam, qui le copièrent entièrement comme le Neptune cité plus haut79. Ilsen donnèrent trois éditions. Les deux premières, datées 1692 et 1696, sont de pures contre-façons, car elles portent comme adresse: Ά Paris, chez Hubert Jaillot. . .'. La troisième, nondatée, indique la véritable adresse: Ά Amsterdam, chez Pierre Mortier et Compagnie'. Cestrois éditions sont présentées en deux volumes et leur titre donne pour auteur 'le SieurSansón', à la différence des exemplaires parisiens. L'ouvrage a été entièrement regravé, d'unefacture souvent grossière, qui fait perdre aux cartouches beaucoup de leur légèreté (Fig. 9 &10). Il a en outre été augmenté de petits plans et vues, que Mortier annonce dans la table et quireprésentent surtout des villes fortifiées. On en compte près de 200, groupés à raison de huitpar page et agréablement coloriés. Leur liste a été publiée par Sir H. G. Fordham80 qui n'atoutefois pas noté qu'ils étaient des copies directes des 'petits Tassin' (pour la Bretagne et laville deToul), des 'petits Beaulieu' (pour la Franche-Comté, la Lorraine, l'Alsace, les Pays-Bascatholiques, le Luxembourg, la Flandre espagnole et française, le comté d'Artois, le Hainaut,le comté de Namur, le Palatinat du Rhin, le duché de Clèves, le Rhin, la Moselle, le Roussillonet la Catalogne) et de Coronelli pour la M orée81.

Ces éditions hollandaises de l'Atlas nouveau contiennent plus de cartes que les françaises: 99dans l'édition de 1692, toutes datées 1691 ou 1692, et 112 dans l'édition de 1696, où denombreuses dates ont été corrigées en 1696. Certaines planches ne sont dues ni à Sansón ni àJaillot, tels le Paris dejouvin de Rochefort édité chez de Fer (1694) et la Savoie et le Piémont deNolin (1696). Jaillot a signé le Canada (1696), le diocèse de Tournai (1695) et, tout à faitinduement, l'évêché de Nantes (1696), qui avait figuré d'abord dans Y Atlas français (1695) sousle nom de son véritable auteur, professeur le Père G. de Lambilly. Le reste des cartes nouvellesest de Sansón, qui vit par ailleurs d'autres de ses atlas publiés par Mortier82.

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Fig. 9. Partie de la carte des Provinces-Unies des Pays-Bas par Guillaume Sansón, dans l'Atlas Nouveau paru à Parischezjailloten 1689.

Photo Bibliothèque nationale; Paris.

Après la parution de l'Atlas français en 1695, qui contenait en réduction de nombreusescartes déjà parues dans Y Atlas nouveau, Jaillot se retira peu à peu des affaires. Il acheta en 1697,une charge de procureur du roi aux eaux et forêts du bailliage de Melun et, devenu un nanti, àl'image de Melchior Tavernier, se désintéressa de la géographie. A sa mort, le 3 novembre1712, sa veuve, Charlotte Orbanne, vendit le fonds de cartes, la boutique et tout ce qui servaità l'impression à Bernard-Jean-Hyacinthe Jaillot, né d'un premier mariage d'Alexis-Hubert.Le jeune Jaillot fit malheureusement des mauvaises affaires qui le conduisirent à restituer letout à sa belle-mère en juin 1726, faute de pouvoir lui payer la rente promise. Les cuivres qui,quelques années plus tôt suscitaient l'envie des éditeurs concurrents, n'étaient plus aussiestimés: '[les] planches qui composent ledit fonds de géographie . . . pour la plupart sont uséese t . . . il y en a plusieurs desquelles on ne peut plus faire à présent le débit parce qu'elles ne sontpoint conformes aux dernières observations de l'Académie des Sciences' dit l'acte notarié83.Charlotte Orbanne, cinq ans plus tard, trouva preneur en la personne du fils de Bernard-Jean-Hyacinthe, Bernard-Antoine, qui les lui racheta en avril 173184. Grâce à lui et à ses successeurs,les cartes d'Alexis-Hubert Jaillot continuèrent d'être diffusées pendant tout le XVIIIe s. On envit certaines toujours utilisées et regravées par Chaumier, par exemple, sous la Révolution etl'Empire.

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I*ROVINCτ, V U

O C Ε Α IST ou M Ε Κ

Fig. 10. Copie de la même carte dans l'édition de i Allas Nouveau publiée par Pierre Mortier à Amsterdam en 1692.On notera qu'ici les navires coulés dans la Mer du Nord portent le pavillon français au lieu du pavillon hollandais.

(b) Nicolas de Fer (1646-1720) fut le deuxième éditeur à bénéficier du renouveau de lacartographie à la fin du XVIIe s. Il était le fils d'Antoine de Fer, le marchand d'estampes et'enlumineur de cartes géographiques' que nous avons déjà rencontré. Ce dernier s'installa,avant 1657, dans la boutique du quai de l'horloge (alors encore appelé quai regardant laMégisserie') qu'avait habitée Melchior Tavernier, à l'enseigne de 'la Sphère Royale'. Cetteadresse resta celle de la famille jusqu'à G. Danet, gendre de Nicolas de Fer au XVllIe s. Elle futégalement utilisée un temps par Pierre Duval. Nicolas de Fer fut, à l'âge de douze ans, en1659, mis en apprentissage par son père chez un graveur en taille-douce. En 1675, à la mort deson père, il est déjà qualifié de 'géographe' lorsque ses deux frères et lui-même font procéder àl'estimation du maigre héritage85. La veuve d'Antoine de Fer, Geneviève Hourlier, continua lecommerce de son mari jusqu'en novembre 1687, data à laquelle, pour des raisons d'âge et desanté, elle céda le fonds à son fils en échange d'un écu par semaine, de pain à volonté et d'une'chopine' de vin par jour86.

C'est à partir de cette date que Nicolas de Fer commença sa carrière d'éditeur. En décembre1689, il porte déjà le titre de 'géographe de Monseigneur le Dauphin' et engage le graveur JeanLiébaux pour venir travailler à son domicile quatre jours par semaine87. Le résultat de leurcollaboration est publié en 1690; il s'agit du premier atlas de de Fer, réédition des Costes deFrance de Tassin, paru à l'origine en 1634. De Fer explique dans l'avertissement: 'Son livreestoit devenu fort rare, quelques personnes habiles l'ayant demandé avec empressement, parceque ces costes sont les plus exactes qui ayent encore paru gravées'.

Son intérêt se porta ensuite sur les plans de fortifications de villes, qu'il publia en un gros

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recueil oblong, sous le titre Les Forces de l'Europe ou Introduction à la fortification. Il parut entre1692 et 1695 en huit livraisons successives que l'acheteur pouvait ensuite reclasser dans l'ordredes pays: France, Pays-Bas, Allemagne, Italie, Espagne et divers. Il contient 177 cartes, gravéespar Inselin, H. van Loon, L. Loisel, Coquart et d'autres. Une Suitte de l'Introduction a lafortifica-tion ou des Forces de l'Europe parut en 1736 chezj. F. Benard, gendre et successeur de de Fer. Ellecontient cent cartes (Allemagne, Italie, Espagne), déjà vues dans les Forces de l'Europe.

Entre temps, l'ouvrage de de Fer avait, lui aussi, fait l'objet d'une copie hollandaise, LesForces de l'Europe, Asie, Afrique et Amérique, ou description des principales villes, avec leurs fortifications,à Amsterdam, chez Pierre Mortier, en 170288. Les cuivres de Mortier furent ensuite achetés parPieter van der Aa, de Leyde, qui augmenta le livre et le publia sous un titre légèrementdifférent en 1726.

De Fer reprit ses plans de villes pour les regrouper en trois nouveaux atlas qu'il intitula: Lethéâtre de la guerre ou representation des principales villes du Pais-Bas catholique, avec leurs fortificationsdessignées par les meilleurs ingénieurs, particulièrement celles qui sont sous la domination du Roy Tres-chretien dont les plans ont été levés par Monsieur de Vauban . . ., 1696 (25 cartes) ; Le theatre de la guerredans les Pays Bas, ou representation des principales villes que sont en Flandres, Hainaut, Brabant, etc . . .avec leurs fortifications dessignées. . ., 1696 (50 cartes); et Le theatre de la guerre en Allemagne, ourepresentation des principales villes qui sont en Allemagne avec leurs fortifications dessignees. . ., 1698 (26cartes).

Après les villes fortifiées, de Fer se tourna vers la géographie générale et, pour ce faire, eutl'habileté de se placer sous la garantie de l'Académie des sciences. Il déclara, dans l'Atlascurieux: 'Toutes les cartes qui entrent dans cet ouvrage sont dressées sur les nouvelles observa-tions de Messieurs de l'Académie Royale des Sciences, comme toutes celles que j'ay faitesdepuis 1694 qui est l'année dans laquelle j'ay mis ma grand mappemonde au jour, la premièrecarte qui aye paru gravée en public, réformée ou corrigée sur les mesmes observations'. Cetargument nouveau, renforcé par les liens étroits qui liaient de Fer et La Hire, mécontentaGuillaume Sansón qui utilisa le Journal des Sçavans comme un tribune pour contesterl'exactitude des cartes de de Fer89. Celui-ci n'en poursuivit pas moins ses publications.

Son premier atlas général, le Petit et nouveau Atlas, en 1697, fut un essai timide, avec 19 cartesseulement90. Peu de temps après parut son oeuvre maîtresse, l'Atlas curieux ou le Monde représentédans des cartes générales et particulières du ciel et de la terre . . . orné par des plans et descriptions des villescapitales. . . et des plus superbes édifices qui les embelissent... Il se c o m p o s e d e six vo lumes , publ iéspar livraisons entre 1700 et 1705. Les 183 planches sont aussi bien des cartes que des plans devilles et des vues de bâtiments. Elles furent complétées, en 1714, par les 52 planches de la Suitede l'Atlas Curieux, réédité en 1716. De Fer publia séparément 66 vues de bâtiments de Francedans Les Beautés de la France en 1708.

La guerre de Succession d'Espagne lui donna l'occasion de composer des atlas du 'théâtrede la guerre', comme l'avait fait Duval quelques années auparavant. Au reste, on trouve dansces publications des cartes générales publiées par ailleurs. Ces atlas sont: Cartes et descrip-tions . . . pour l'intelligence des affaires du temps au sujet de la succession de la couronne d'Espagne, 1701 ;Cartes nouvelles et particulières pour la guerre d'Italie, 1702; Cartes nouvelles et particulières pour laguerre d'Allemagne, 1705; Théâtre de la guerre dessus et aux environs du Rhin, 1702; Frontières deFrance et des Pais-Bas, 1710.

Nicolas de Fer mourut en 1720, laissant pour héritières ses trois filles, Marguerite-Geneviève, Marguerite et Marie-Anne. Après avoir essayé en vain de trouver un acheteur pourle fonds de géographie de leur père, leurs maris et elles se résignèrent, le 3 juillet 1721, à lepartager entre eux91. Le premier lot, attribué à Guillaume Danet, contint, entre autres, lepremier tome de l'Atlas curieux et le Petit et nouveau atlas; dans le second, attribué à Jacques-François Besnard, se trouvait Les forces de l'Europe. Le troisième héritier, Rémi Richer, venditaussitôt sa part à ses beaux-frères, soit l'Introduction à la géographie à Danet, et le deuxième tomede l'Atlas curieux à Besnard. Nous n'avons pas retrouvé ce qu'il est advenu de ces planches parla suite, si ce n'est, en 1751, la cession par Denis Besnard, probablement fils de Jacques-François, à ses créanciers de toutes les planches de cuivre de géographie, au nombre de 440,qu'il avait héritées de son père92.

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Notre présentation des atlas français se termine ainsi sur une note un peu terre à terre.L'édition cartographique, en effet, ne peut ni ne doit être dissociée de son contexteéconomique. Il ressort de notre étude que, si les atlas ont servi à diffuser les connaissancesgéographiques de leur temps, ils ont été, aussi et surtout, des objets de commerce, qui devaientassurer la subsistance de leurs auteurs. Par là même, le marché des cartes fut davantage entreles mains de marchands que de géographes. Les sommes importantes engagées par l'éditeurpour l'achat des manuscrits, le salaire des graveurs et les frais d'impression et de reliure,l'incitaient à publier des cartes de petit format, car peu coûteuses, et simplifiées, car il fallaittoucher le plus large public possible. C'est pourquoi parmi nos atlas nous avons rencontré unesi grande proportion d'ouvrages scolaires et de vulgarisation. Les mêmes raisons économiquesexpliquent les liens qui unissaient les cartographes au pouvoir: une dédicace ou une flatterieattiraient en retour une somme d'argent; des ouvrages à la gloire du roi procuraient à leurauteur le brevet de 'géographe du roi', assorti d'une pension annuelle; enfin, au terme de sacarrière, le 'géographe du roi' bien en cour, pouvait espérer la survivance de son titre pour sonfils.

Au terme de ce recensement des atlas, que nous avons voulu analytique et précis, deuxnouvelles perspectives de recherche s'offrent à nous: l'étude des pratiques commerciales desproducteurs de cartes et, parallèlement, celle de l'impact des cartes sur le public. Quicollectionne des cartes et pourquoi ? Comment ces cartes étaient-elles reçues ? Quelle a pu être,ou ne pas être, l'influence du public sur l'évolution de la science cartographique? Autant dequestions auxquelles il serait souhaitable de tenter de répondre dans une étude à venir.

REFERENCES

1. Ce texte a été présenté, sous une forme abrégée, au 8e Congrès international sur l'histoire de la cartographie,Berlin, 17-20 septembre 1979.

2. Comite des Travaux Historiques et Scientifiques. Congrès nationaux des sociétés savantes, Expositions de carteset plans. Catalogues par M. A. Vannereau, E. Pognon (1965), A. Froehlich (1967) et E. Archier (1975).

3. Destombes, M., Catalogue des cartes gravées au XVe s. (Paris, Didot, 1952), 96.4. Dainville, F. de, Cartes anciennes de l'Eglise de France. Historique, répertoire, guide d'usage (Paris, Vrin,

1956), 317.5. Archives Nationales, Catalogue general des cartes, plans et dessins d'architecture, Serie NN, par Claude-France

Rochat. . . (Paris, 1978), 620.6. Bibliotheque Nationale, Département des Estampes, Inventaire du fonds français, (Paris, 1930-1979), en cours.7. Lelong, J. & Fevret de Fontette, Bibliothèque historique de la France, Nouvelle édition (Paris, 1748), 5 vol.8. Lenglet Dufresnoy, Abbé, Catalogue des meilleures cartes géographiques générales et particulières, avec

quelques remarques sur le choix qu'on en doit faire Méthode pour étudier la géographie I, seconde partie (Paris,1742); réimpr. (Amsterdam, Meridian publishing Co., 1965), 252.

9. Voir par exemple: Julien, R.-J., Nouveau catalogue de cartes géographiques et topographiques (Paris, 1763-1764), 96+120, ou Renou de Chauvigné, dit Jaillot, J.-B.-M., Catalogue des cartes géographiques des sieurs

Jaillot (Paris, 1775), 1.10. Phillips, Ph. L & Le Gear, C. E., A list of geographical atlases in the Library of Congress . . . (Washington, 1909-

1973), 7 vol.11. Lodinsky, M., Centralny Katalog zbiorow Kartograficznych w Polsce. Zeszyt l[-2] Katalog atlasow i dziel

geograficznych 1482-1800 . . . (Warszawa, 1961-1963), 112.12. National Maritime Museum [Greenwich], Catalogue of the Library, III, part 1, French atlases (London, 1968-

1972), 219-342.13. Public Archives of Canada, National Map Collection, French atlases in the rare atlas collection, I, by Lou

Seboek (Ottawa, 1974), 185.14. Fordham, H.-G., The cartography of the provinces of France, 1570-1757 Studies in carto-bibliography British and

French and in the bibliography of itineraries and road books VII (London, 1914), réimpr. (London, 1969), 126-168.15. Andrews, J.-H., Seventeeenth-century atlases other than Dutch (à paraître, 1977) 20 dactyl.16. Chubb, Th., The printed maps in the atlases of Great Britain and Ireland, 1579-1870 (London, 1927), 479.17. Koeman, Ir. C., Bibliography of terrestrial, maritime and celestial atlases and pilot books, published in the

Netherlands up to 1880. Atlantes Neerlandici (Amsterdam, Theatrum orbis terrarum, 1967-1971), 5 vol.18. A paraître dans le Bulletin des bibliothèques de France.19. Saint Paul, Ch. de, Geographia Sacra (Paris, Tavernier, 1641), rééd. (Amsterdam, Halma, 1703) et (Amsterdam,

Wetstenios, 1711). Contient 10 cartes des patriarcats de l'Eglise catholique.20. Audiffret, J.-B. d', La géographie ancienne, moderne et historique (Paris, 1689-1694), 28 cartes en 3 vol.

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21. Perelle, Diverses veues de Chantilly (Paris, Langlois, sans date); Les places, portes, fontaines, églises et maisonsde Paris (Paris, Langlois, s.d.); Receuille [sic] des plus belles veues des Maisons Royale [sic] (Paris, Poilly, s.d.);Veues de Rome et des environs (Paris, Langlois, s.d.); Veues des belles maisons de France (Paris, Langlois, s.d.);Veues des plus beaux endroits de Versailles (Paris, Langlois, s.d.).

22. Dainville, F. de, Le premier atlas de France Le Théatre Françoys de M. Bouguereau, 1594 Comité des travauxhistoriques et scientifiques, Actes du 85 e congrès national des sociétés savantes, Chambéry-Annecy, 1960, Section de géographie(Paris, Bibliothèque nationale, 1961), 50.

23. Nos informations sur l'imprimerie lyonnaise viennent essentiellement de: Le siècle d'or de l'imprimerielyonnaise (Paris, 1972), 162, ouvrage collectif dans lequel on trouve des textes de: Hours, H. La Renaissance àLyon, 15-30; Martin, H.-J., L'apparition du livre à Lyon, 31-111; Audin, M., Cent ans de technique d'après desdocuments lyonnais, 113-129.

24. Gesamtkatalog der Wiegendrucke, n° 5075-5082.—Kunze, H., Geschichte der Buchillustration in Deutschland,das 15. Jahrhundert (Leipzig, Inselverlag, 1975), 333-343.—Geck, E., Bernhard von Breydenbach, Die Reise insHeilige Land. Übertragung und Nachwort (Wiesbaden, Pressler, 1961).

25. Tietze, H., et Tietze-Conrad, E., The artist of the 1486 view of Venice Gazette des beaux-arts, sér. 6, vol. 23 (Paris,1943), 83-88.

26. Oehme, R., Die Palästinakarte aus Bernhard von Breitenbachs Reise in das Heilige Land Zentralblatt fürBibliothekswesen 75 ( 1950), 70-83.

27. Baudrier, H. et J., Bibliographie lyonnaise. Recherche sur les imprimeurs, libraires, relieurs et fondeurs delettres de Lyon au XVIe s. (Lyon-Paris, 1895-1921), 12 vol. réitnpr. et augm. (Paris, F. de Nobele, 1964), 13 vol.,XII, 446.

28. Id., X, 104-105. Ce livre n'est pas signalé par Atkinson, G., La littérature géographique française de laRenaissance (Paris, Picard, 1927), 565.

29. Dufour, V., Note sur un ancien plan de Paris sans date, copié par Sébastien Munster Bulletin de la Société del'Histoire de Paris et de l'Ile de France (Paris, 1882), 45-56.

30. Rondot, N., Graveurs sur bois à Lyon au seizième siècle (Paris, 1898), 76.31. Baudrier, H. et J., op. cit., X, 178.32. Atkinson, G., op. cit., n° 141; Baudrier, H. et J., op cit., X, 137 et 184; Brunet, J.-Ch., Manuel du libraire et de

l'amateur de livres (Paris, Didot, 1860-1864), II, 894.S3. Baudrier, H. et J., op. cit., VII, 262-342; XII, 233-263.34. Gallois, L., Les géographes allemands de la Renaissance (Paris, Leroux, 1890), 63-64.35. La bibliographie sur le sujet, très abondante, est recensée dans Skelton, R.-A., Introd. à: Claudius Ptolemaeus,

Geographia, Strassburg, 1513 (Amsterdam, Theatrum orbis terrarum, 1966), V-XXII.36. Pour l'oeuvre de Lorenz Fries, voir; Johnson, H. B. Carte marina, World geography in Strassburg, 1525

(Minneapolis, University of Minnesota Press, 1963), 159.37. Johnson, H., op. cit., 28.38. Burmeister, Κ.-Η., Sebastian Münster, eine Bibliographie mit 22 Abbildungen (Wiesbaden, Guido Pressler,

1964), 83.39. Cioranescu, Α., Bibliographie de la littérature française du seizième siècle (Paris, Klincksieck, 1959), 3383-3450.40. Thevet, Α., Les vrais pourtraits et vies des hommes illustres . . . (Paris, 1584), VII.41. Thevet, Α., Le grand insulaire, Bibl. nat. Ms. Fr. 15452, fol. 245 v°.42. Prevost et Roman d'Amat (sous la dir. de), Dictionnaire de biographie française (Paris, Letouzey, 1956), VII,

193.43. Destombes, M., André Thevet (1504-1592) et sa contribution à la cartographie et à l'océanographie Second inter-

national congress on the history of oceanography (Edinburgh, 1972), 123-131.44. Idem, 128.45. Dainville, F. de, op. cit., cf. note 22.46. Weigert, R.-A., Le commerce de la gravure en France au XVIIe siècle: les Tavernier Overdruk uit de gulden passer

(Antwerpen, De Nederlandsche Boekhandel, 1975), 409-440. M. Weigert montre en particulier que GabrielTavernier n'a pas travaillé chez Plantin, l'éditeur d'Ortelius, avant de venir en France, comme le croyait le Pèrede Dainville.

47. Dainville, F. de, L'évolution de l'atlas de France sous Louis XIII, Théâtre géographique du royaume de France des LeClerc, 1619-1632 Comité des travaux historiques et scientifiques, Actes du 87° congrès national des sociétés savantes,Poitiers, 1962, Section de géographie (Paris, Bibliothèque nationale, 1963), 1-51.

48. Weigert, R.-A., et Preaud, M., Bibliothèque nationale, Cabinet des estampes, Inventaire du fonds français,graveurs du XVIIo siècle (Paris, 1939-1976), 7 vol. parus jusqu'à Leclerc.

49. Weigert, R.-A., Graveurs et marchands d'estampes flamands à Paris Miscellanea Jozef Duverger (Gent, 1968),530-540.

50. Id.,. . .Les Tavernier, 435.51. Id., Le commerce de la gravure au XVIIe s. en France. Les deux premiers Mariette et François Langlois dit

Ciartres Gazette des Beaux-Αrts (Paris, 1953), 156-188.52. Dainville, F. de, cf. note 47.53. Nous remercions ici M. Loeb-Larocque pour son aimable collaboration pour l'étude des recueils factices et ses

précieuses indications sur les cartes et les atlas en général.

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54. Buisseret, D. J., Les ingénieurs du roi au temps de Henri IV Comité des travaux historiques et scientifiques, Bulletin dela section de géographie LXXVII, 1964 (Paris, 1965), 13-81.

55. Dainville, F. de, Le Dauphiné et ses confins vus par l'ingénieur d'Henri IV, Jean de Beins (Genève, Droz; Paris,Minard, 1968), LXXV-94.

56. Weigert, R.-A., Inventaire du fonds Français . . . cf. note 48, II, 307-381, qui reprend Dumolin, M., Essai surClaude Chastillon et son oeuvre (Paris, vers 1930), 180 dactyl.; voir aussi Buisseret, op. cit., cf. note 54.

57. Fleury M.-Α., Documents du Minutier central concernant les peintres, les sculpteurs et les graveurs au XVIIesiècle . . . 1600-1650, I (Paris, S.E.V.P.E.N., 1969), 31-33.

58. Arch. Nat., Min. centr. LXVI, 98, 15 février 1644.59. Passerat, C., Etude sur les cartes des côtes de Poitou et de Saintonge antérieures aux levés du XIXe siècle (Niort,

1910), 75.60. Fordham, H.-G., Liste alphabétique des plans et vues de villes, citadelles et forteresses qui se trouvent dans le

grand atlas de Mortier, édition d'Amsterdam de 1696 Bulletin de géographie historique et descriptive, 1-2 (Paris,1910), 15.

61. Arch. Nat., 01. 11, fol. 545.62. Bibl. nat., Ms. Fr. 21732, fol. 137, cité dans Blum, Α., Abraham Bosse et la société française de son temps (Paris,

1924), 135-136.63. Arch. Nat., 01. 39, fol 32 v°, 28 février 1695.64. Duplessis, G., Le Cabinet du Roi, Collection d'estampes commandées par Louis XIV Le Bibliophile françois

(Paris, mai-octobre 1869), 87-105.65. Pastoureau, M., Le premier atlas mondial français, Les cartes générales de toutes les parties du monde de Nicolas Sanson

d'Abbeville (1658) Revue française d'Histoire du livre n° 18 (Bordeaux, 1978), 3.21.66. Requête au chancelier Seguier, Bibl. nat., Ms. Fr. 18967, fol. 109-111.67 Cf. note 65.68. Catalogue des livres, traitez de géographie des sieurs Nicolas Sanson geographe du Roy, de Nicolas, Guillaume

et Adrien Sanson géographes ses fils, mis au jour par les soins de Pierre Moullart Sanson petit fils de NicolasSanson (Paris, 1702), 50.

69. On se reportera naturellement, pour le détail des cartes ecclésiastiques, à l'ouvrage du P. de Dainville Cartesanciennes de l'Eglise de France (Paris, Vrin, 1956), 317.

70. Dainville, F. de, La géographie des humanistes (Paris, 1940), 407-409.71. Bibl. Nat. Rés. G. 1044-1045-1049. Il se compose de 400 pages manuscrites dont les 16 premières seules sont

imprimées. Il contient 71 cartes gravées et 3 manuscrites.72. Waters, D. W., The rutters of the sea. The sailing directions of Pierre Garcie (New-Haven-London, 1967), 473.73. Koeman, C., op. cit., 423-424.74. Rochefort, Archives de la Marine, Dépêches de la Cour, VII, 48; VIII, 427 et 591, cité dans Passerat, op. cit.,

119.75. Roland, F., Alexis-Hubert Jaillot, géographe du roi Louis XIV (1632-1712) Mémoires de l'Académie des

sciences, belles-lettres et arts de Besançon (Besançon, 1918), 46-76.76. Arch. Nat. Min. Centr. XV, 229, 11 déc. 1670; XV, 235, 6 janv. 1672; XV, 236, 6 mai 1672; XV, 239, 22 févr.

1673.77. Id., XV, 253, 21 nov. 1675.78. Arch. Nat. 01 30. fol. 247, 20 juillet 1686.79. Koeman, C. op. cit., III, 4-10.80. Cf. note 60.81. Le Père Marco-Vincenzo Coronelli avait publié à Paris en 1686 en 1687 une Description géographique et historique

de la Morée.82. Koeman, C., op. cit., III, 19.83. Arch. Nat. Min. centr., XI, 476, 24 juin 1726.84. Id., XI, 493, 17 avril 1731.85. Id., XCVII, 40, 11 septembre 1675.86. Id., CVIII, 205, 8 novembre 1687.87. Id., CVIII, 213, 11 décembre 1689.88. Koeman, C., op. cit., III, 17.89. Journal des Sçavans (Paris, 13 mai 1697), 209-214.90. Il fut réédité en 1723 et probablement aussi en 1705.91. Arch. Nat. Min. Centr. XI, 459, 3 juillet 1721.92. Id., LXVI, 486, 29-30 mars 1751.

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