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www.argusdelassurance.com 165 Chapitre IV LES ATTEINTES À L'ENVIRONNEMENT L'exercice d'une activité de vente ou surtout de production de biens est souvent générateur d'atteintes à l'environnement. Il s'agit des dommages dont la nature n'est pas différente de ceux examinés antérieurement (dommages corporels, dommages matériels et dommages immatériels) mais dont les modalités de réalisation sont telles (diffusion de substances solides, liquides ou gazeuses, souvent intrinsèquement dangereuses, par l'atmosphère, le sol ou les eaux), qu'elles échappent à tout contrôle de la situation par l'auteur des dommages, se propageant ainsi dans l'espace sans pouvoir y faire obstacle sauf à maîtriser la source de ces émissions. L'incendie offre un cas particulier d'atteinte à l'environnement qui a été étudié précédemment. Il en est bien d'autres qui retiennent l'attention de la population, des industriels et de leurs assu- reurs, dont la manifestation pour n'être pas toujours aussi spectaculaire qu'un incendie, n'en est pas moins d'autant plus redoutable qu'elle peut être insidieuse. Ce sont ces atteintes à l'environnement et leur assurance qui vont être examinées dans ce chapitre en tant que « atteintes terrestres d'origine non nucléaire ». Les atteintes d'origine nucléaire feront l'objet du Chapitre V suivant. Il est d'usage de distinguer, en matière d'atteintes à l'environnement, entre pollution et nuisances. Par pollution, il faut entendre : la destruction ou l'atteinte à l'intégrité physique d'organismes vivants ou de substances inertes causées par l'émission, la dispersion, le rejet ou le dépôt de toute substance solide, liquide ou gazeuse transmise par l'atmosphère, le sol ou les eaux. Par nuisances, il faut entendre : la production d'odeurs, bruits, vibrations, ondes, rayonnements ou variations de température excédant la mesure des obligations ordinaires de voisinage. Ces manifestations dommageables se caractérisent essentiellement par l'impuissance dans laquelle se trouve le plus souvent l'industriel de remédier à cette situation du fait de la diffusion des substances qui, par définition, lui échappent et se répandent hors du périmètre qu'il contrôle, et dont la propagation va se poursuivre alors même qu'il a fait le nécessaire au niveau de la source d'émission. Il se trouve en quelque sorte dans la situation du fabricant de produits livrés qui, après leur livraison, est pratiquement démuni de tous moyens pour prévenir la réalisation d'un dommage. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, en matière d'assurance, l'approche est techniquement semblable. Il s'agira dans les développements qui suivent exclusivement d'atteintes à l'environnement terrestres et non maritimes. Section I Réglementation et responsabilité..........................................................page 166 Section II – L’assurance des atteintes à l’environnement ....................................page 192

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Chapitre IV

LES ATTEINTES À L'ENVIRONNEMENT

L'exercice d'une activité de vente ou surtout de production de biens est souvent générateur d'atteintes à l'environnement. Il s'agit des dommages dont la nature n'est pas différente de ceux examinés antérieurement (dommages corporels, dommages matériels et dommages immatériels) mais dont les modalités de réalisation sont telles (diffusion de substances solides, liquides ou gazeuses, souvent intrinsèquement dangereuses, par l'atmosphère, le sol ou les eaux), qu'elles échappent à tout contrôle de la situation par l'auteur des dommages, se propageant ainsi dans l'espace sans pouvoir y faire obstacle sauf à maîtriser la source de ces émissions.L'incendie offre un cas particulier d'atteinte à l'environnement qui a été étudié précédemment.Il en est bien d'autres qui retiennent l'attention de la population, des industriels et de leurs assu-reurs, dont la manifestation pour n'être pas toujours aussi spectaculaire qu'un incendie, n'en est pas moins d'autant plus redoutable qu'elle peut être insidieuse.Ce sont ces atteintes à l'environnement et leur assurance qui vont être examinées dans ce chapitre en tant que « atteintes terrestres d'origine non nucléaire ». Les atteintes d'origine nucléaire feront l'objet du Chapitre V suivant.Il est d'usage de distinguer, en matière d'atteintes à l'environnement, entre pollution et nuisances.Par pollution, il faut entendre : la destruction ou l'atteinte à l'intégrité physique d'organismes vivants ou de substances inertes causées par l'émission, la dispersion, le rejet ou le dépôt de toute substance solide, liquide ou gazeuse transmise par l'atmosphère, le sol ou les eaux.Par nuisances, il faut entendre : la production d'odeurs, bruits, vibrations, ondes, rayonnements ou variations de température excédant la mesure des obligations ordinaires de voisinage.Ces manifestations dommageables se caractérisent essentiellement par l'impuissance dans laquelle se trouve le plus souvent l'industriel de remédier à cette situation du fait de la diffusion des substances qui, par définition, lui échappent et se répandent hors du périmètre qu'il contrôle, et dont la propagation va se poursuivre alors même qu'il a fait le nécessaire au niveau de la source d'émission. Il se trouve en quelque sorte dans la situation du fabricant de produits livrés qui, après leur livraison, est pratiquement démuni de tous moyens pour prévenir la réalisation d'un dommage. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, en matière d'assurance, l'approche est techniquement semblable.Il s'agira dans les développements qui suivent exclusivement d'atteintes à l'environnement terrestres et non maritimes.

Section I – Réglementation et responsabilité ..........................................................page 166 Section II – L’assurance des atteintes à l’environnement ....................................page 192

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En ce qui concerne les atteintes à l'environnement d'origine non nucléaire, il s'agit de substances solides, liquides ou gazeuses non radioactives ou de bruits et odeurs émis par l'entreprise indus-trielle au cours de son activité et qui menacent ou affectent l'environnement de celle-ci de façon plus ou moins étendue.

Ces émissions peuvent être dues au fonctionnement normal de l'entreprise ou au contraire à un dérèglement de ses installations ou même à un bris ou à une rupture de celles-ci. Ces dysfonc-tionnements à l'origine de l'atteinte constatée doivent donner lieu à réparation des dommages causés à l'environnement, à intervention sur l'installation à l'origine de l'atteinte, mais selon les modalités de l'origine des dommages et l'objet de l'intervention, la garantie de l'assureur inter-viendra ou non.

On constate ici une fois de plus la non adéquation totale entre la réparation à laquelle est tenu l'assuré et celle prise en charge par l'assureur.

Section 1 - Réglementation et responsabilitéLa prévention des dommages à l'environnement est à l'origine d'une très abondante réglemen-tation tant nationale qu'européenne (V. encore L. n° 2011-12 du 5 janv. 2011 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne, JO du 6 janv. 2011), à laquelle doivent se conformer strictement les entreprises au risque d'encourir des sanctions pénales.

En matière de responsabilité civile ce sont les règles énoncées dans le Code civil et dégagées par la jurisprudence qui s'appliquent.

I - La réglementation nationaleElle est multiple, variée et changeante, ce qui fait que les entreprises ont des difficultés à la connaître et à s'y conformer.

Elle sera examinée à grands traits à partir des différentes sortes d'atteintes à l'environnement, dont certaines ne sont pas nécessairement dues à une activité industrielle.

A - Pollution de l'eau

1° TypologieIl s'agit :

- soit de pollutions classiques : pollution organique (rejets ménagers et organiques), matières en suspension (présence de particules dues à l'érosion naturelle ou à des rejets), pollution toxique (rejets de substances toxiques par des activités industrielles telles qu'industries chimiques ou de travail des métaux) ;

- soit de pollutions accidentelles : déversement accidentel au cours de transport ; en cours d'ac-tivité industrielle ou surverses intempestives (ruissellement d'eaux d'orages ou d'extinction d'in-cendie) ;

- ou encore de pollutions dues aux conditions récentes d'activité industrielle ou agricole : eutro-phisation d'eaux stagnantes ou peu renouvelées par des nitrates (agriculture) ou phosphates (agriculture et industrie), pollution thermique (rejet d'eau de refroidissement de centrales élec-triques).

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2° RéglementationVoir : art. L. 211-1 et s. du Code de l'environnement.

Une loi n° 64-1245 du 16 déc. 1964 relative au régime, à la répartition des eaux et à la lutte contre leur pollution, a prescrit l'inventaire de la qualité des eaux, fixé les critères de qualité des cours d'eau, créé six Agences financières de bassins (devenues Agences de l'eau en 1992) pour gérer les redevances désormais perçues par les pollueurs, proportionnellement à la quantité et à la qualité de leurs rejets (instaurant ainsi le principe du pollueur-payeur) et permettant la construction de réseaux d'assainissement et de stations d'épuration des eaux industrielles.

La loi n° 92-3 du 3 janv. 1992 sur l'eau, en abrogeant quantité de textes antérieurs, constitue le texte fondamental en la matière. Elle déclare l'eau partie du patrimoine commun de la nation, d'intérêt général la protection et la mise en valeur de l'eau, et affirme que « l'usage de l'eau appartient à tous ». Elle impose des formalités (art. 10) aux installations, ouvrages, travaux et activités réalisés à des fins non domestiques par toute personne physique ou morale, publique ou privée et entraînant des prélèvements sur les eaux superficielles ou souterraines, restitués ou non, une modification du niveau ou du mode d'écoulement des eaux ou des déversements, écou-lements, rejets ou dépôts directs ou indirects, chroniques ou épisodiques, même non polluants ». Ces installations, ouvrages, travaux et activités sont définis dans une nomenclature figurant en annexe du décret n° 93-743 du 29 mars 1993. Ils sont soumis à autorisation (V. La loi de 1976 sur les installations classées) s'ils « sont susceptibles de présenter des dangers pour la santé et la sécurité publique, de nuire au libre écoulement des eaux, de réduire la ressource en eau, d'ac-croître notablement le risque d'inondation, de porter gravement atteinte à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique ».

Ils sont simplement soumis à déclaration lorsqu'ils ne sont pas susceptibles de présenter de tels dangers mais doivent se conformer par ailleurs à des dispositions réglementaires relatives à la préservation de la qualité et à la répartition des eaux superficielles, souterraines ainsi que mari-times.

Cette loi met en place des instruments de planification et de gestion des eaux avec les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE - initiative du Préfet) et les schémas d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE - initiative de la commission locale de l'eau) et renforce également la police des eaux en instituant dans son article 22 un nouveau délit de pollution applicable à toutes les eaux, qui sanctionne « quiconque a jeté, déversé ou laissé s'écouler dans les eaux superficielles, souterraines ou les eaux de la mer, dans la limite des eaux territoriales, directement ou indirectement, une ou des substances quelconques dont l'action ou les réactions ont, même provisoirement, entraîné des effets nuisibles sur la santé ou des dommages à la flore ou à la faune ».

Enfin, du point de vue des personnes susceptibles de réclamer une indemnisation, la loi prend en compte l'action des personnes morales de droit public en vue d'un remboursement des frais exposés et les associations qui pourront se constituer partie civile en réparation d'un préjudice direct ou indirect porté à leurs intérêts collectifs.

Ces textes ont été pour l’essentiel regroupés dans la loi du 30 décembre 2006, n° 2006-1772 sur l’eau et les milieux aquatiques (JO du 31 déc. 2006) codifiée sous les articles L. 211-1 à L. 212-2-3 du Code de l’environnement.

Un arrêté du 25 janvier 2010 (NOR : DEVO1001032A) définit les méthodes et critères servant à caractériser les différentes classes d’état écologique, chimique et de potentiel écologique des eaux de surface en application des articles R. 212-10, R. 212-11 et R. 212-18 du Code de l’envi-ronnement.

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B - Pollution de l'airSchématiquement, la pollution de l'air est une modification de l'air soit, quantitativement, du fait de l'un de ses constituants normaux, soit qualitativement du fait de l'apparition d'éléments nouveaux (V. Déclaration du 8 mars 1968 du Conseil de l'Europe).

1° TypologieOn distingue entre :- le produit des combustions industrielles et domestiques tels que le dioxyde de soufre (SO2 - provenant de la combustion de charbon, lignite ou fioul dans des installations fixes), le dioxyde de carbone (CO2 - produit naturel de toute combustion), l'acide chlorhydrique (HCL - produit par les usines d'incinération d'ordures ménagères du fait de la présence de PVC dans les déchets ménagers et par les rejets industriels) ;- les pollutions dues aux effluents industriels tels que les métaux lourds (mercure, cadmium, zinc produits par les industries de traitement de surface des métaux, usines d'affinage et de transfor-mation des métaux), les composants organiques volatils (COV - hydrocarbures et solvants prove-nant de l'industrie chimique et pétrochimique, l'industrie des matières plastiques), le fluor et ses dérivés (acide fluorhydrique provenant des unités de fabrication de l'aluminium) ;- la pollution due aux moyens de transport tels que gaz d'échappement, évaporation des carbu-rants, installations de climatisation automobile et particules provenant de résidus de carburants et lubrifiants, de frottement des pneumatiques sur la chaussée ou de l'érosion de certaines pièces de moteur.

2° RéglementationVoir : art. L. 221-1 et s. du Code de l'environnement.Une loi du 2 août 1961 relative à la lutte contre les pollutions atmosphériques et les odeurs visait de la façon la plus large tant les établissements industriels et commerciaux ou artisanaux que les biens meubles et les véhicules automobiles, mais elle ne fixait pas de normes, renvoyant à des décrets d'application pour la réglementation des sources fixes et des sources mobiles ainsi que pour les sanctions pénales.Des décrets des 13 mai 1981 et 11 mai 1990 ont institué une taxe parafiscale concernant plus de 800 entreprises, assise d'abord sur les émissions de dioxyde de soufre, de composés soufrés et d'oxydes d'azote, puis étendue en 1990 aux hydrocarbures, solvants, etc. Le produit en est affecté aux industriels assujettis à cette taxe pour leur permettre de réaliser des équipements antipollu-tion.C'est la loi n° 96-1236 du 30 déc. 1996 (dite loi Lepage) sur la qualité de l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie qui, abrogeant la loi de 1961, réglemente désormais les pollutions atmos-phériques. Ce texte est codifié dans le Titre II du Livre II du Code de l’environnement. Il définit la pollution atmosphérique, reprenant à peu près les termes de la définition donnée par la directive européenne n° 84-360 du 28 juin 1984, comme : « l'introduction par l'homme, directement ou indirectement, dans l'atmosphère et les espaces clos, de substances ayant des conséquences préjudiciables de nature à mettre en danger la santé humaine, à nuire aux ressources biologiques et aux écosystèmes, à influer sur les changements climatiques, à détériorer les biens matériels, à provoquer des nuisances olfactives excessives ».Cette loi prend un certain nombre de dispositions en ce qui concerne la mise en place d'un réseau de surveillance de la qualité de l'air sur l'ensemble du territoire, l'information du public, les mesures d'urgence à prendre (diminution de l'activité industrielle, interdiction de circulation de certains véhicules, etc.) allant jusqu'aux plans de déplacements urbains, la création de plans

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régionaux pour la qualité de l'air et de plans de protection de l'atmosphère. Des décrets sont notamment chargés de fixer les objectifs de qualité de l'air et de valeurs limites d'émission.

Mais elle n’abroge pas pour autant tous les textes antérieurs tels que les dispositions relatives à la lutte contre les pollutions du fait de certaines substances, ou contre les nuisances olfactives.

C - Pollution du solLe sol peut être défini (V. Charte européenne des sols du 30 mai 1972) comme : « un milieu vivant et dynamique qui permet l'existence de la vie végétale et animale. Il est essentiel à la vie de l'homme en tant que source de nourriture et de matières premières. Il est un élément fonda-mental de la biosphère et contribue, avec la végétation et le climat à régler le cycle hydrologique et à influencer la qualité des eaux ».

Il n'y a pas de définition de pollution du sol mais tout ce qui est de nature à porter atteinte à ce milieu vivant et dynamique, notamment à la vie végétale ou animale ou en tant que source de nourriture (et à ce titre à la santé humaine) et de matières premières, peut être considéré comme pollution du sol.

1° TypologieOn retiendra essentiellement : la pollution du fait des travaux agricoles et des déchets de diverses sortes.

a) La pollution du fait des travaux agricolesIl s'agit :

- de l'utilisation intensive du machinisme (détérioration de la structure du sol, érosion consécu-tive - bien que ce soit plus une agression ici que de la pollution - sinon à terme) ;

- de travaux d'irrigation (entraînant une accumulation excessive de sel ainsi qu'une saturation en eau) ;

- de l'usage intempestif et excessif des produits chimiques et engrais (azote, phosphate, fumiers et déjections animales, boues de stations d'épuration, compost, pesticides).

b) La pollution du fait des déchetsIl s'agit :

- des déchets ménagers (ordures ménagères, encombrants, déchets inertes tels que gravats ou décombres, carcasses de voitures, etc.) ;

- des déchets industriels ou spéciaux :

* déchets inertes tels que gravats, déblais, mâchefer,* des déchets industriels banals (DIB) semblables aux ordures ménagères,* des déchets dangereux ou ;

- des déchets liés à l'agriculture et à l'industrie agroalimentaire (IAA) : déjections d'élevage, déchets des cultures (paille, tiges et feuilles), déchets des IAA telles que sucreries, distilleries, bras-series, laiteries, déchets de l'industrie des fruits et légumes ou de la filière viande.

2° RéglementationVoir : art. L. 541-1 et s. du Code de l'environnement.

On ne retiendra de la réglementation que celle qui concerne les déchets, toujours plus envahis-sants.

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La loi n° 75-633 du 15 juillet 1975 relative à l'élimination des déchets et à la récupération des matériaux définit le déchet comme « tout résidu d'un processus de production, de transforma-tion ou d'utilisation, toute substance, matériau, produit ou plus généralement tout bien meuble abandonné ou que son détenteur a destiné à l'abandon ».

Cette loi oblige toute personne qui produit ou détient des déchets dans des conditions de nature à produire des effets nocifs susceptibles de porter atteinte à la santé de l'homme et à l'environ-nement, d'en assurer ou d'en faire assurer l'élimination. Elle énumère à cet effet les différentes opérations constitutives de cette élimination.

Une loi n° 92-646 du 13 juillet 1992, relative à l'élimination des déchets ainsi qu'aux installations classées pour la protection de l'environnement, transpose en droit français la directive commu-nautaire du 18 mars 1991 sur l'élimination, la valorisation et la réduction des déchets.

Dans le cadre du problème posé par les différentes catégories de décharges (les décharges non contrôlées ou sauvages étant sévèrement sanctionnées) et notamment à propos des centres d'en-fouissement techniques (CET) destinés à recevoir des déchets ultimes cette loi en donne la défini-tion : « tout déchet résultant ou non du traitement d'un déchet, qui n'est plus susceptible d'être traité dans les conditions techniques et économiques du moment, notamment par extraction de la part valorisable ou par réduction de son caractère polluant ou dangereux ».

Elle fait obligation au vendeur de terrain sur lequel a été exploité une installation soumise à autorisation d'informer le Préfet ou le Maire ainsi que l'acheteur sur les dangers ou inconvé-nients éventuels que peut présenter le site.

Enfin elle institue une taxe sur les déchets assise sur le stockage des déchets ménagers, dont le produit est versé à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) pour un fonds de modernisation de la gestion des déchets et elle fait obligation à l'exploitant de l'instal-lation de constituer des garanties financières en vue d'assurer la surveillance du sol, d'une inter-vention en cas d'accident et de remise en état du site.

Afin de prévenir les problèmes liés à la contamination des sols, les exploitants de décharges de déchets toxiques sont regroupés au sein de l’Association française des exploitants de centre d’en-fouissement techniques (AFECET) pour étudier et mettre en place « toutes solutions permettant d’améliorer la prévention et la couverture des risques d’atteintes à l’environnement créés par les centre d’enfouissement technique de classe 1… postérieurement à leur clôture, notamment grâce à la création d’un fonds de garantie ».

Mais de son côté l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie. V. art. L. 131-3 et s. C. envir.) intervient, sur arrêté du préfet, si le responsable de la pollution n’est pas connu, si le propriétaire du terrain est de bonne foi et si la situation réclame une intervention urgente (travaux sur les sols contaminés pour faire face à l’urgence). Un sol contaminé est défini par le ministère de l’Environnement comme étant : « un site dont le sol ou le sous-sol ou les eaux souterraines ont été pollués par d’anciens dépôts de déchets ou l’infiltration de substances polluantes, cette pollution étant susceptible de provoquer une nuisance ou un risque pérenne pour les personnes ou l’environnement ». On distingue les sols pollués à traiter en priorité dits « points noirs » et ceux sans propriétaire solvable dits « points noirs orphelins ».

D - NuisancesIl s'agit de tous les inconvénients qui découlent de l'exercice d'une activité industrielle, pour le cas qui nous occupe, et dont peut se plaindre le voisinage plus ou moins immédiat selon l'im-portance de ces désagréments. Ils ont été définis précédemment et concernent la production d'odeurs, bruits, vibrations, etc.

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1° TypologieEn ce qui concerne les odeurs, les activités d'élevage (et notamment celle de porcins - lisier), celles de traitement des peaux, l'industrie du papier ainsi que certaines industries agroalimen-taires ou d'aliments du bétail sont particulièrement concernées.Les vibrations sont en général momentanées (travaux publics : marteau piqueur, rouleau compresseur) mais peuvent être plus ou moins prolongées (édification d'un immeuble, construc-tion d'un ouvrage d'art).C'est surtout le bruit qui, défini comme : « un son indésirable, dérangeant ou nuisible à la santé », en fonction du nombre de décibels émis (unité de mesure de la nuisance sonore), fait l'objet de réclamations de la part de riverains, qu'il s'agisse de bruit provenant de moyens de transport (aéroport, autoroute) ou d'établissements industriels de toutes sortes, de lieux de loisirs (cafés, bars, piscines, discothèques, night-clubs).

2° RéglementationElle est diverse et variée et doit être recherchée dans d'innombrables textes.Pour ce qui est du bruit, elle vise soit à régir les installations permanentes ou les activités dans leur existence ou leur fonctionnement, soit à sanctionner les dépassements jugés intolérables.On la trouve :- dans le Code de l'urbanisme, en ce qui concerne les constructions et les normes auxquelles celles-ci doivent répondre ;- dans le Code la route en ce qui concerne la circulation routière ;- dans le Code de l'aviation civile en ce qui concerne les vols (horaires, itinéraires, altitude, etc.) ;- dans le Code des communes ou plus simplement le Code pénal, en ce qui concerne les diffé-rents bruits de tous ordres, diurnes ou nocturnes (tapage nocturne).Enfin, il convient de signaler la loi-cadre n° 92-1444 du 31 déc. 1992 qui réglemente l'exercice des activités bruyantes des entreprises, établissements, centres d'activités ou installations publiques ou privées, fonctionnant à titre permanent ou temporaire et ne figurant pas dans la nomenclature des installations classées au titre de la protection de l'environnement. Elle renvoie à des décrets d'appli-cation ultérieurs et ces activités devront se soumettre soit à des prescriptions générales, soit à l'ob-tention d'une autorisation le tout sous peine de sanctions administratives ou pénales.Il a été fait à plusieurs reprises mention des installations classées. Il convient d'expliciter cette notion qui concerne au premier chef les entreprises industrielles ou commerciales dans les atteintes à l'environnement qu'elles peuvent occasionner au cours de leur activité, et qui, à ce titre, font l'objet d'une réglementation spéciale venant se substituer ou compléter le cas échéant les autres réglementations en vigueur.

E - Les installations classées On parle plutôt maintenant d’Installations Classées pour la Protection de l’Environnement (ICPE) plutôt que d’installation classées (IC). Le souci de réglementer les installations susceptibles de porter atteinte à l'environnement est fort ancien et, à l'origine, on relève une loi du 21 avril 1810 qui instaurait déjà une autorisation préa-lable de fonctionner et une nomenclature des établissements concernés, un décret du 15 octobre 1810 et une ordonnance du 15 janvier 1815 sur les manufactures et ateliers dangereux, incom-modes et insalubres. Une loi du 19 décembre 1917 sur les établissements, dangereux, incommodes et insalubres devait reprendre et actualiser ces dispositions en créant des régimes d'autorisation pour les établissements de 1re et 2e classes et de déclaration pour les établissements de 3e classe.

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1° La loi du 19 juillet 1976Voir : art. L. 511-1 et s. du Code de l'environnement.C'est désormais la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement et ses décrets d'application n° 77-1133 du 21 sept. 1977 et n° 94-484 du 9 juin 1994 qui réglementent les installations susceptibles de présenter des dangers ou des inconvénients pour la commodité du voisinage, la santé, la salubrité, la sécurité, l'agricul-ture, la nature et l'environnement, les sites et monuments.Cette loi supprimait la division des établissements en 3 classes et lui substituait une division en 2 catégories.Mais un décret du 13 avril 2010, n° 2010-368 portant diverses dispositions relatives aux instal-lations classées pour la protection de l’environnement et fixant la procédure d’enregistrement applicable à certaines de ces installations (JO du 14 avr. 2010) a ajouté aux procédures de « déclaration » et « d’autorisation » déjà existantes, une nouvelle procédure dite « d’enregistre-ment » uniquement réservée à des installations simples et standardisées, implantées en dehors des zones sensibles sur le plan environnemental.On observera que les ICPE ne concernent pas uniquement des industries.

a) Les installations soumises à déclaration (ICPE D)Estimées à environ 500 000 en France, elles ne sont tenues qu'à la constitution d'un dossier moins élaboré que les installations soumises à autorisation, l'exploitant se contentant de déposer son dossier de déclaration auprès du Préfet qui, après examen de celui-ci, délivre un récépissé de déclaration avec copie des prescriptions générales applicables à l'installation concernée.

b) Les installations soumises à procédure d’enregistrement : catégorie intermédiaire

Elle fait l’objet des articles R. 512-46-1 à R. 512-46-30 qui traitent de la demande d’enregistre-ment, de l’instruction de la demande avec information et consultation (des collectivités locales et du public) sous une forme simplifiée, de l’enregistrement et des prescriptions complémentaires, des mesures de publicité, de l’arrêt de l’exploitation et de la remise en état etc.Cette disposition devrait avoir pour effet de concerner environ un quart des installations actuel-lement soumises à autorisation préfectorale.

c) Les installations soumises à autorisation (ICPE A)Estimées à environ 60 000 en France, elles sont tenues de se soumettre à une procédure d'auto-risation comportant la constitution d'un dossier où doivent figurer non seulement la nature et le volume des activités envisagées, les procédés de fabrication et matières utilisées, mais encore cartes et plans ainsi qu'une étude d'impact, permettant d'apprécier les incidences de l'installation envisagée sur l'environnement et devant comporter notamment l'analyse de l'état initial de l'en-vironnement, les effets qu'aura le projet sur celui-ci, la justification du choix retenu ainsi que les mesures envisagées pour compenser ou atténuer les effets néfastes.En outre, pour les risques majeurs, une étude de dangers est requise : suite au sinistre survenu le 10 juillet 1976 à Seveso en Italie - diffusion dans l'atmosphère de vapeurs toxiques de dioxine provenant d'un réacteur chimique de l'usine Icmesa (groupe Hoffman-Laroche) produisant du chlorophénol -, la Communauté européenne a édicté en effet une directive n° 82-501 du 24 juin 1982 dite Seveso (modifiée par DCEE n° 87/210, 19 mars 1987 et n° 88-610, 24 nov. 1988) concernant les risques majeurs.Ceux-ci sont définis comme un « événement tel qu'une émission, un incendie ou une explosion de caractère majeur, en relation avec un développement incontrôlé d'une activité industrielle,

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Les atteintes à l'environnement

entraînant un danger grave, immédiat ou différé, pour l'homme à l'intérieur ou à l'extérieur de l'établissement, et/ou pour l'environnement et mettant en jeu une ou plusieurs substances dangereuses ». Plus de 300 établissements sont, en France, soumis à ces dispositions relevant pour l'essentiel de l'industrie chimique ou pétrochimique. Il est prévu que l'exploitant doit notifier aux autorités un certain nombre d'informations sur les risques créés (recensement et description des accidents susceptibles d'intervenir, notamment causes internes et externes ; exposé de la nature et de l'extension des conséquences d'un accident ; justification des mesures de prévention ; exposé des moyens de secours privés à mettre en œuvre).

Ce dossier est transmis au Préfet qui après avoir recueilli l'avis du public, de différents services administratifs, des conseils municipaux des différentes communes concernées, et après avoir pris connaissance du rapport de l'Inspection des installations classées faisant toutes propositions de prescriptions, prend un arrêté d'autorisation.

Les différents types d'installations classées sont répertoriés dans une nomenclature qui comporte 400 rubriques indiquant le régime applicable dans chaque cas et qui répertorie soit des produits spécifiques (métaux lourds par exemple), soit des activités (moulage par exemple) soit des métiers (fabrication d'engrais par exemple).

Les règles posées par la directive du 24 juin 1982 ont été refondues dans une directive 96/82/CE du 9 décembre 1996 dite Seveso II (Dir. 96/82/CE du Conseil, du 9 déc. 1996, concernant la maîtrise des dangers liés aux accidents majeurs impliquant des substances dangereuses, JOCE 14 janv. n° L. 10), relative à la maîtrise des dangers liés aux accidents majeurs impliquant des substances dangereuses. L'administration a la possibilité d'interdire l'exploitation en cas d'in-suffisance des mesures de prévention. Une distinction est faite entre établissements à risques et établissements à hauts risques qui font l'objet de contraintes supplémentaires.

2° L'inspection des sitesEn cours d'exploitation l'industriel a comme interlocuteur l'inspecteur des installations classées qui est chargé de faire appliquer l'ensemble des dispositions réglementaires et des prescriptions techniques en effectuant tous contrôles appropriés sur le site.

L'exploitant de l'installation peut faire l'objet de sanctions en cas de non-respect de la réglemen-tation et des prescriptions techniques :

- sanctions administratives prises par le préfet avec l'appui du service des installations classées de la direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement (Drire) : mise en demeure de satisfaire aux obligations, travaux effectués d'office, consignation entre les mains d'un comptable public d'une somme correspondant au montant des travaux, fermeture provi-soire ou suspension d'activité de l'entreprise, fermeture définitive ; mais les Drire, comme les Directions régionales de l’environnement (Diren) ont été supprimées par décret en date du 27 février 2009 (Décr. n° 2009-235 du 27 févr. 2009, JO du 28 févr. 2009), ce qui a été très critiqué dans la mesure où le nouveau Ministère de l’Écologie, de l’Énergie, du Développement durable et de la Mer, se trouve amputé d’une partie non négligeable de ses moyens ;

- sanctions pénales : le préfet ou le procureur de la République peut saisir les tribunaux répressifs afin de faire condamner l'exploitant délinquant à des peines d'amendes, voire de prison, sachant que le non respect d'un arrêté de mise en demeure constitue par exemple un délit.

La loi du 19 juillet 1976 sur les installations classées prévoit également :

- l'obligation de constituer des garanties financières pour les exploitants d'installations présen-tant des risques importants de pollution ou d'accident, destinées à assurer la surveillance du site et le maintien en sécurité de l'installation, les interventions éventuelles en cas d'accident avant ou après la fermeture, et la remise en état après fermeture ;

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- pour le vendeur d'un terrain sur lequel a été exploitée une installation soumise à autorisation, obligation d'informer par écrit l'acheteur de cette situation et des dangers ou inconvénients importants qui peuvent en résulter ;

- l'obligation pour l'exploitant de rembourser les personnes morales de droit public lorsqu'elles interviennent, matériellement ou financièrement, pour atténuer les dommages résultant d'un incident ou d'un accident causé par une installation classée.

On voit que les pollutions et nuisances liées à l'activité industrielle de la société sont nombreuses, diverses et variées, que la réglementation en la matière l'est tout autant (l'aperçu que nous en avons donné ci-dessus étant loin d'être exhaustif) et que les industriels ont bien du mal à la connaître dans ses derniers développements et à la respecter. Mais cette prolifération de textes n'est que le reflet de la sensibilisation croissante de la population aux atteintes à l'environnement et à son souci de prévenir autant que faire se peut les dommages de ce type et à sanctionner sévèrement leur auteur lorsqu'il est identifié. On aura remarqué toutefois que les sanctions prévues par la réglementation sont essentiellement d'ordre administratif ou pénal. La réparation des dommages causés aux tiers dans le cadre d'une responsabilité civile adossée le cas échéant à cet arsenal de documents sera examinée plus loin.

On citera, pour compléter ce panorama de textes nationaux, la loi n° 2008-757 du 1er août 2008 relative à la responsabilité environnementale et à des adaptations du droit communautaire dans le domaine de l’environnement et l’ordonnance du 26 février 2009 ainsi qu’un décret du 23 avril 2009 (Décr. n° 2009-468 du 23 avr. 2009, JO du 26 avr. 2009).

On notera enfin les travaux du « Grenelle de l’environnement » qui, pendant 4 mois en 2007, ont donné lieu à une vaste concertation des acteurs institutionnels, de représentants de la société civile et de citoyens pour aboutir à un projet de loi de programme déposé le 11 juin 2008. Ce texte de 6 titres et 50 articles dont le premier volet a été adopté par l’Assemblée nationale le 21 octobre 2008 a été promulgué le 3 août 2009 (L. n° 2009-967, JO du 5 août 2009). Il fixe les grandes orientations de la France en matière d’habitat et d’urbanisme, de transports, d’énergie, de biodiversité, de santé environnementale et de gestion des déchets dans la perspective de préserver l’environnement et le climat.

Une loi dite Grenelle II qui traduit législativement une partie des engagements du Grenelle I a été votée le 29 juin 2010 et promulguée le 13 juillet 2010 (L. n°2010 788, JO du 13 juill. 2010).

Elle contient des dispositions relatives :

- à l’expérimentation de péages urbains dans les agglomérations de plus de 300 000 habitants ;

- à la généralisation de schémas de cohérence territoriales (SCOT) qui se substituent aux schémas directeurs d’aménagement d’urbanisme (SDAU) et qui sont des documents d’urbanisme fixant pour plusieurs communes les organisations fondamentales de l’organisation du territoire et l’évo-lution des zones urbaines ;

- à l’extension du dépistage du diagnostic de performance énergétique ;

- à la prise en compte des « trames vertes » et « bleues » (corridors écologique) dans les projets d’infrastructure ;

- au bilan des émissions de gaz à effet de serre pour les personnes morales de droit privé de plus de 500 personnes, l’État, les collectivités territoriales de plus de 50 000 habitants ;

- au développement des plans climat-énergie territoriaux ;

- aux responsabilités des sociétés mères vis-à-vis de leurs filiales en matière d’environnement ;

- à la réglementation du développement du parc éolien.

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II - Réglementation européenneIl a été fait référence ci-dessus à plusieurs mesures édictées par les autorités européennes et intégrées dans le droit positif français. Il n'est pas inutile de rappeler certaines d'entre elles en mettant l'accent sur les plus récentes qui ne sont pas sans effet en matière d'assurance.

A - Pollution de l'eauDirective 76/464/CEE (publiée au JOCE 18 mai 1976 n° L129) du 4 mai 1976 concernant la pollution causée par certaines substances dangereuses déversées dans le milieu aquatique de la Communauté.Elle prévoit une obligation d'autorisation pour le rejet de certaines substances dangereuses dans le milieu aquatique.Une directive n° 2006/11/CE du Parlement européen et du Conseil en date du 15 févr. 2006 (publiée au JOUE n° L64 du 4 mars 2006) a modifié sur plusieurs points et de façon substantielle, les dispositions de la directive de 1976 en se référant notamment à une décision n° 1600/200/CE du Parlement européen et du Conseil en date du 22 juillet 2002 établissant un sixième programme d'action communautaire pour l'environnement et prévoyant un certain nombre de mesures en vue de protéger les eaux douces et les eaux marines contre certains polluants. Cette directive, qui, comme la précédente, concerne également la pollution causée par certaines subs-tances dangereuses et déversées dans le milieu aquatique de la Communauté, énonce que les États membres doivent prendre toutes mesures appropriées pour éliminer la pollution des eaux par des substances dangereuses incluses dans les familles et groupes de substances dont la liste figure à l'Annexe I, et pour réduire la pollution desdites eaux par les substances dangereuses incluses dans les familles et groupes de substances dont la liste figure à l'Annexe II. Les rejets des substances visées doivent faire l'objet d'autorisation et des normes d'émission sont fixées.Directive 91/271/CEE (publiée au JOCE 30 mai 1991 n° L135) du 21 mai 1991 relative au traite-ment des eaux urbaines résiduaires.Directive 91/676/CEE (publiée au JOCE 31 déc. 1991 n° L375) du 12 décembre 1991 concernant la pollution des eaux par les nitrates à partir de sources agricoles.Les engrais utilisés en agriculture visent à enrichir le sol en nitrates et phosphates. Si une partie des nitrates est absorbée par les végétaux, améliorant ainsi leur croissance et les rendements, une autre partie est lessivée par les précipitations, pénètre dans le sol à une vitesse de quelques mètres par an et finit par gagner cours d'eau et nappes phréatiques, où la concentration de nitrates s'accroît. Une part importante de cette pollution (50 à 60 %) provient des activités agricoles. La toxicité des nitrates pour les êtres humains est clairement établie dès lors que la concentration de nitrates dépasse un certain seuil. Cette directive prévoit des échéanciers précis et des objectifs contraignants auxquels la France semble avoir des difficultés à se conformer.Directive-cadre 2000/60/CE du 23 oct. 2000 établissant un cadre pour une politique communau-taire dans le domaine de l'eau (publiée au JOCE du 22 déc. 2000 n° L 327).Il s'agit d'établir un cadre général communautaire pour la protection des eaux intérieures de surface, de transition, côtières ou souterraines, en vue de prévenir et réduire leur pollution et d'améliorer l'état des écosystèmes aquatiques et atténuer les effets des inondations et des séche-resses.Décision n° 2455-2001/CE (publié au JOCE 15 déc. n° L331) du Parlement européen et du Conseil du 20 novembre 2001.Ce document complète la directive 2000/60/CE en classant par ordre de priorité les substances pour lesquelles seront fixées des normes de qualité et les mesures de réduction des émissions à l'échelon communautaire.

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B - Pollution de l'airLa directive 84/360/CEE du Conseil, du 28 juin 1984, relative à la lutte contre la pollution atmosphérique en provenance des installations industrielles (publiée au JOCE 16 juill. n° L188) gouverne la matière. Elle a donné lieu à plusieurs directives relatives notamment aux grandes installations de combustion ou aux installations d'incinération des déchets.

Déchets. La directive cadre 75/442/CEE, du 15 juillet 1975, relative aux déchets (publiée au JOCE 27 juill. n° L794) a été complétée par des directives particulières relatives à certaines catégories de déchets spécifiques et réglementant les différents procédés d'élimination des déchets. Il est prévu un dispositif de contrôle administratif des entreprises réalisant l'élimination et la valorisa-tion des déchets et l'établissement de plans de gestion des déchets.

Une directive n° 2006/12/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 avril 2006 (publiée JOUE n° L. 114 du 27 avr. 2006), modifie sur plusieurs points et de façon substantielle la direc-tive du 15 juillet 1975. Le principe est affirmé que pour atteindre un haut niveau de protection de l'environnement, il est nécessaire que les États membres non seulement veillent de manière responsable à l'élimination et à la valorisation des déchets, mais aussi qu'ils prennent des mesures visant à limiter la production de déchets, notamment en promouvant des technologies propres et des produits recyclables et réutilisables, en prenant en considération les débouchés existants ou potentiels des déchets valorisés. Il s'ensuit une énumération des mesures appropriées pour promouvoir tant la prévention ou la réduction de la production des déchets, que la valorisation des déchets ou leur utilisation comme source d'énergie, les différentes catégories de déchets faisant l'objet de l'Annexe I, et une récapitulation des opérations d'élimination celle de l'Annexe II A et des opérations de valorisation celle de l'Annexe II B.

C - Prévention et réduction des pollutions en provenance des activités industrielles

Directive 96/61/CE, du 24 septembre 1996, relative à la prévention et à la réduction intégrées de la pollution (publiée au JOCE 10 oct. n° L257). Il s'agit de mettre en place une procédure d'autori-sation unique des activités industrielles, comportant des valeurs limites d'émission des substances polluantes et prenant en compte les techniques les plus efficaces pour y remédier. Inspirée de la législation française sur les installations classées, cette directive prend en compte les rejets polluants dans leur ensemble quel que soit le milieu dans lequel ils sont émis (eau, air ou sol).

D - BiodiversitéDirective Natura 92/43/CEE, du 21 mai 1992 (publiée au JOCE 22 juill. n° L206). Ce texte est relatif à la conservation des habitats naturels ainsi que de la flore et de la faune sauvage et vise le maintien de la biodiversité dans les états membres. Cette approche a influencé les réflexions qui ont abouti à la notion de « dommage environnemental » au sens large tel qu'il est défini dans la directive n° 2004/35/CE du 21 avril 2004 en matière de responsabilité et qui sera examinée ci-dessous.

III - Responsabilité pour atteintes à l'environnementIl convient de considérer successivement la responsabilité civile avec les fondements de cette responsabilité à travers les différents faits générateurs pris en compte, les catégories de dommages indemnisés et le problème du lien de causalité entre les deux ; ainsi que, depuis la directive n° 2004/35/CE sur la responsabilité environnementale du 21 avril 2004, la responsabilité pour dommages environnementaux.

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Les atteintes à l'environnement

A - La responsabilité civile pour atteintes à l'environnement

1° Responsabilité pour fauteLa plupart des textes qui réglementent le fonctionnement d'activités polluantes sont assortis de sanctions pénales. Toute personne lésée dans ses intérêts du fait du non-respect de telles disposi-tions peut se constituer partie civile devant la juridiction répressive en se fondant sur les articles 1382 et 1383 du Code civil et en invoquant la responsabilité pour faute civile constituée par le manquement à la réglementation.

Mais il est également possible, en l'absence d'un manquement à un texte quelconque, de prouver une faute à l'encontre de l'auteur du dommage et d'en obtenir réparation, bien que cela soit rendu plus difficile que lorsqu'il y a transgression ou non respect d'un texte précis.

2° Responsabilité du fait des chosesLes règles dégagées par la jurisprudence à propos de l'article 1384 alinéa 1 du Code civil peuvent également être invoquées dans le cadre d'atteintes à l'environnement. Ces dispositions trouve-ront application que la responsabilité de gardien de la chose soit retenue en tant que gardien des installations ou en tant que gardien des substances polluantes émises à partir de ses installations.

Dans un cas comme dans l'autre, la victime du dommage bénéficiera de la présomption de responsabilité du gardien. La décision rendue par le TGI d'Argentan (citée in Libération 8 sept. 2000) retenant la responsabilité de l'industriel du fait des poussières d'amiante à l'origine de l'as-bestose contractée par la femme d'un de ses ouvriers est significative.

C'est en général le propriétaire de l'installation ou des substances polluantes qui verra sa respon-sabilité présumée et engagée (Civ. 2e, 17 déc. 1969, Bull. Civ. II n° 353 : à propos de gaz toxiques émis par une entreprise chimique ; Civ. 2e, 24 mai 1984, Bull. Civ. II n° 95 : à propos de déchets inflammables déposés par un entrepreneur chez un exploitant ignorant des caractéristiques de ceux-ci ; Civ. 2e, 15 nov. 1989, n° 87-13.609 : à propos de la pollution d'une nappe phréa-tique suite à la fuite d'une cuve de station-service ; responsabilité de la société propriétaire de la station et non du gérant ; Civ. 1re, 9 juin 1993, n° 91-10.608, JCP 94-II-22202 : à propos de gravois contenant de l’orge suite à démolition de silos et qu’une société chargée de les évacuer avait entreposés dans une ancienne gravière située dans le périmètre de captage d’eau d’une commune. Celle-ci avait dû arrêter les pompages en raison des risques de pollution dus à la présence d’orge « matière putrescible susceptible de créer une fermentation dangereuse ». Le propriétaire des gravois en est considéré comme gardien).

3° Responsabilité du commettant du fait de ses préposésLe commettant est responsable, dans les termes de l'article 1384 alinéa 5 du Code civil, des atteintes à l'environnement dues à l'action de ses préposés (Crim., 10 nov. 1987, n° 85-93.546, Bull. crim. n° 399 : à propos de la pollution d'un cours d'eau suite au nettoyage par un préposé de l'entreprise de fûts ayant contenu des produits dangereux).

Mais le commettant ne sera pas responsable si, conformément à la jurisprudence, le préposé a agi sans autorisation, à des fins étrangères à ses fonctions, et s'est placé hors des fonctions auxquelles il était employé (Cass., Ass. Plén., 17 juin 1983, n° 82-91.632, D. 1984. Chron. 134, JCP 1983. II. 20120, RTD Civ. 1983, p. 749 : à propos d'un chauffeur-livreur qui détournait une certaine quantité de fuel pour la vider dans la cuve de la maison de son père, et qui, s'apercevant qu'il était suivi, réussit à gagner un endroit désert où il déverse le fuel dans une carrière polluant de ce fait le réservoir d'eau de la commune et des sources).

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4° Responsabilité pour troubles de voisinageC'est le fondement le plus souvent invoqué depuis que la jurisprudence en a fait un principe autonome de responsabilité détaché de toute notion de faute et relevant d'une responsabilité totalement objective.

Ce principe, dégagé dès le XIXe siècle par la Chambre civile de la Cour de cassation (Civ., 27 nov. 1844, S. 1844-I-211) se référait à l'époque à la responsabilité pour faute de l'article 1382 du Code civil.

C'est dans deux arrêts de 1971 (Civ. 3e, 4 févr. 1971, n° 69-14.964, JCP 71-16781) que la Cour de cassation à propos de travaux immobiliers s'est prononcée dans les termes suivants :

« Attendu que le droit pour un propriétaire de jouir de sa chose de la manière la plus absolue, sauf usage prohibé par la loi ou les règlements, est limité par l'obligation qu'il a de ne causer à la propriété d'autrui aucun dommage dépassant les inconvénients normaux de voisinage ».

« Si, aux termes de l'article 544 du Code civil, la propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois et règlements, le propriétaire voisin de celui qui construit légitimement sur son terrain est néan-moins tenu de subir les inconvénients normaux du voisinage. En revanche, il est en droit d'exiger une réparation dès lors que ces inconvénients excèdent cette limite ».

En vertu de ce principe autonome de responsabilité, celui qui développe une activité créant des nuisances sonores (bruit) ou olfactives (odeurs de porcheries, épandage de lisier) ou émet des substances nocives (poussières, fumées corrosives, produits toxiques) ou assèche une nappe phréatique, ou provoque des fissurations dans l'immeuble voisin des travaux qu'il a fait entre-prendre, etc. doit, en contrepartie de l'avantage qu'il en retire, réparer l'excès des inconvénients qui en résultent pour ses voisins. C’est à bon droit que la cour d’appel a déduit des constatations de l’expertise judiciaire que des éléments établissaient le lien de causalité entre les travaux entrepris à proximité immédiate d’un hôtel et la chute de résultat constatée, et souverainement retenu l’existence d’un trouble anormal de voisinage (Civ. 2e, 10 juill. 2008, n° 07-13.955, RCA oct. 2008 n° 285).

La nature des troubles peut être extrêmement variée et l'appréciation du seuil au-delà duquel il y a, inconvénient anormal, est difficile à déterminer. Tout est fonction des circonstances de la cause, l'anormalité étant appréciée soit en fonction des dommages subis, soit en fonction des troubles constatés, soit en fonction des inconvénients créés et en tout cas, compte tenu de leur intensité, de leur durée ou répétitivité, de la plus moins grande sensibilité de la victime, etc.

En tout cas, « l'exercice légitime du droit de propriété et l'absence d'intention de nuire à ses voisins sont des motifs qui ne suffisent pas à caractériser l'absence d'un trouble anormal de voisinage » (Civ. 3e, 27 nov. 1996, n° 94-15.530, RCA 1997, n° 54 : à propos de l'édification d'un immeuble) de même que l'autorisation d'exploiter n'exonère pas l'entreprise de sa responsabilité pour dommages causés aux tiers.

Les autorisations d'exploiter données par l'administration aux entreprises sont toujours données « sous réserve des droits des tiers », ce qui signifie que ceux-ci ne sauraient être privés de la possi-bilité de demander réparation d'un trouble de voisinage toujours possible (Civ. 2e, 29 mars 1962, Bull. Civ II n° 365).

C'est la responsabilité du propriétaire du site polluant qui sera généralement retenue (Civ. 3e, 17 avr. 1996, n° 94-15.876, RCA 1996, n° 251 : la victime d'un trouble de voisinage trouvant son origine dans l'immeuble donné en location, peut en demander réparation au propriétaire ; Civ. 3e, 24 mars 1999, n° 96-19.775, RCA 99-177 : le propriétaire condamné pour troubles de voisi-nages pendant des travaux de construction ne peut invoquer à l'appui de son action en garantie contre l'entrepreneur une présomption de responsabilité au motif que celui-ci avait la garde du

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Les atteintes à l'environnement

chantier, alors qu'ils étaient contractuellement liés ; Civ. 3e, 17 décembre 1997, n° 96-11.347, RCA 98-119 : le recours en garantie du maître de l'ouvrage, condamné pour troubles de voisi-nage, contre l'entrepreneur, doit être fondé sur la responsabilité quasi-délictuelle de celui-ci ; mais Civ. 3e, 30 juin 1998, n° 96-13.039, RCA 98-344 : l'entrepreneur est déclaré responsable du trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage, sans qu'il soit nécessaire de prouver sa faute, pour avoir injecté du béton dans le sol avec une intensité excessive au point de pénétrer dans les locaux des voisins).

La responsabilité pour trouble anormal de voisinage est souvent invoquée devant les tribunaux, comme en témoignent quelques décisions parmi les plus récentes, à l'occasion de travaux immo-biliers, mais également dans d'autres situations (Civ. 2e, 15 janv. 1997, n° 95-11.326, RCA 1997, n° 126 : les bruits générés par le groupe électrogène, l'installation frigorifique et les opérations de livraison et de manutention d'un centre commercial, constituent des troubles excédant les inconvénients normaux de voisinage ; Civ. 2e, 29 avril 1997, n° 95-16.724, RCA 97-228 : les émis-sions sonores de caractère impulsionnel excessives d'un ball-trap constituent un trouble anormal de voisinage ; Civ. 2e, 12 novembre 1997, n° 96-10.603, RCA 98-48 : l'auteur de l'installation d'un système de pompe à chaleur en prélevant de l'eau par forage à 70 m et la rejetant ensuite dans un puits, causant de ce fait des désordres à une maison voisine, est condamné, pour troubles anormaux de voisinage, à des travaux complémentaires ; Civ. 2e, 14 janvier 1999, n° 97-10.678, RCA 99-68 : la présence de l'abri d'un poney à proximité d'une maison voisine excède les incon-vénients normaux du voisinage par les fortes odeurs et la présence de mouches constatées ; Civ. 2e, 11 février 1999, n° 97-11.832, RCA 99-101 : indépendamment de toute faute, la respon-sabilité du propriétaire qui avait commandé des travaux de terrassement effectués au bulldozer et ayant endommagé des bâtiments voisins doit être retenue à l'égard de son voisin pour trouble anormal de voisinage).

Toutefois, l'existence d'un préjudice résultant de la construction elle-même en infraction à une règle d'urbanisme, ne suffit pas à condamner son propriétaire en l'absence d'une relation directe de cause à effet entre l'infraction et le préjudice personnel et en l'absence d'un caractère anormal d'un trouble de voisinage (Civ. 3e, 11 févr. 1998, n° 96-18.036, RCA 1998, n° 243).

5° Théorie de la préoccupationLa victime d'un préjudice dû au fonctionnement d'une installation à l'origine de pollutions ou nuisances ne peut exercer une demande en réparation si l'installation préexistait à l'implantation de la victime. Celle-ci devait connaître l'environnement avant de s'installer et ne saurait faire grief à l'exploitant de l'installation des troubles et émissions que celle-ci génère. Son installation s'est faite en connaissance de cause.

C'est ce qu'explicite l'article L. 112-16 du Code de la construction et de l'habitation : « Les dommages causés aux occupants d'un bâtiment par des nuisances dues à des activités agricoles, industrielles, artisanales, commerciales ou aéronautiques (ajouté par la loi 2003-590), n'entraî-nent pas droit à réparation lorsque le permis de construire afférent au bâtiment exposé à ces nuisances a été demandé ou l'acte authentique constatant l'aliénation ou la prise de bail établi postérieurement à l'existence des activités les occasionnant dès lors que ces activités s'exercent en conformité avec les dispositions législatives ou réglementaires en vigueur et qu'elles se sont poursuivies dans les mêmes conditions ».

Toutefois, il pourra y avoir lieu à indemnisation si :

- l'activité n'était pas exercée avant l'installation du tiers mais s'est mise à fonctionner après l'ar-rivée de celui-ci ;

- les conditions d'exercice de l'activité se sont aggravées (Civ. 2e, 7 nov. 1990, n° 89-16.241, RCA 1991, n° 58 : à propos d'une porcherie dont le nombre de bêtes était passé de 20 à 400 après

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l'installation du voisin ; Civ. 2e, 3 févr. 1993, n° 91-14.715, RCA 1993, n° 160 : à propos d'une blanchisserie industrielle dont les nuisances acoustiques s'étaient aggravées) ;

- l'exploitant n'exerçait pas ses activités en conformité avec les dispositions législatives ou régle-mentaires en vigueur s'étant fait rappeler à l'ordre par l'administration.

Mais, conformément au texte même du Code de la construction et de l'habitation, il n'y a exoné-ration de l'exploitant pour « préoccupation des lieux » que lorsqu'il s'agit de bâtiments et non de terrains. En conséquence il peut y avoir lieu à responsabilité à l'occasion de l'acquisition d'une parcelle de terrain non bâtie postérieurement à l'existence d'une installation polluante.

Et l'article L. 112-16 du Code de la construction ne suffit pas à exclure toute responsabilité lorsque l'exploitant d'une carrière d'argile a transformé l'environnement d'un immeuble en retournant le sol et créant un talus de nature à affecter les conditions d'habitation de la maison située en pleine campagne et ayant une vocation de résidence secondaire (Civ. 2e, 29 nov. 1995, n° 93-18.036, Bull. Civ. II n° 298).

B - Directive européenne sur la responsabilité environnementaleDe nombreux travaux ont précédé, à l'échelon européen, le texte de cette directive. Nous ne citerons que pour mémoire en mai 1993 le Livre Vert sur la responsabilité civile pour atteinte à l'environnement, le 9 février 2000 le Livre Blanc sur la responsabilité civile environnementale, pour aboutir le 25 janvier 2002 à l'adoption par la Commission européenne d'une proposition de directive sur la responsabilité environnementale. Cette démarche devait donner lieu à la direc-tive 2004/35/CE du 21 avril 2004 sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux (publiée au JOUE 30 avr. 2004. n° L 143).

C’est une loi du 1er août 2008 (L. n° 2008-757, JO du 2 août 2008) et un décret d’application du 23 avril 2009 (Décr. n° 2009-458, JO 24 avr. 2009) qui transposent en droit français les disposi-tions de cette directive.

Le texte de la directive sera examiné dans un premier temps ci-dessous.

1° ObjetPrincipe du pollueur-payeur : dès l'article 1er, le principe est posé : « la directive a pour objet d'établir un cadre de responsabilité environnementale fondée sur le principe du pollueur-payeur ». Selon le considérant 2 : « Le principe est que […] l'exploitant dont l'activité a causé un dommage environnemental ou une menace imminente d'un tel dommage soit tenu pour financièrement responsable afin d'inciter les exploitants à adopter des mesures et à développer des pratiques propres à minimiser les risques de dommages environnementaux », et selon le considérant n° 18 « Conformément au principe du « pollueur-payeur », un exploitant qui cause un dommage environnemental grave ou qui crée une menace imminente d'un tel dommage doit en principe supporter les coûts relatifs aux mesures de prévention ou de réparation nécessaires ». C'est dire que cette responsabilité est sans faute.

Du moins s'agit-il d'une responsabilité sans faute pour un certain nombre d'activités dange-reuses visées à l'Annexe III et déjà visés par des directives précédentes, telles que les opérations de gestion des déchets, les rejets dans les eaux de surface, les eaux souterraines ou l'air de subs-tances dangereuses, la fabrication, l'utilisation, le stockage, le traitement, le conditionnement, le rejet de substances et de préparations dangereuses, de produits phytopharmaceutiques et biocides, le transport de marchandises dangereuses ou polluantes, l'utilisation confinée ou la dissémination volontaire d'OGM dans l'environnement etc.

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2° Causes d'exonération de responsabilitéLes causes d'exonération de responsabilité de l'exploitant sont :- le fait d'un tiers (art. 8-3 a) ;- le respect d'un ordre ou d'une instruction émanant d'une autorité publique (art. 8-3 b) et, selon ce que les États membres prévoiront, la preuve d'une absence de faute ou de négligence par l'ex-ploitant lorsque le dommage causé à l'environnement est dû à une émission ou un événement expressément autorisé et respectant toutes les conditions liées à une autorisation conférée ou délivrée en vertu des dispositions législatives et réglementaires nationales (art. 8-4 a), une émis-sion ou une activité ou tout mode d'utilisation d'un produit dans le cadre d'une activité dont l'exploitant prouve qu'elle n'était pas considérée comme susceptible de causer des dommages à l'environnement au regard de l'état des connaissances scientifiques et techniques au moment où l'émission ou l'activité a eu lieu (art. 8-4 b). C'est le risque de développement.

3° Non rétroactivité de la directive et prescriptionLa directive est applicable aux seuls dommages causés par un événement survenu après le 30 avril 2007.

C - Nature et conditions des dommages réparablesIl convient de distinguer entre les dommages aux tiers, relevant de la responsabilité civile clas-sique, et les dommages environnementaux relevant de la directive n° 2004/35/CE du 21 avril 2004 sur la responsabilité environnementale.

1° Les dommages aux tiers dans le cadre de la responsabilité civileLes dommages aux tiers dus aux atteintes à l'environnement sont pour l'essentiel des dommages de même nature que ceux dus à d'autres faits générateurs :- dommages corporels : atteinte à l'intégrité physique de personnes humaines, notamment lésions, intoxications, etc. ;- dommages matériels : détérioration ou dénaturation de choses mobilières ou immobilières (installations industrielles, immeubles, terrains, plantés ou non), ou substances, atteinte physique à des animaux ;- préjudices économiques consécutifs aux dommages ci-dessus ou inconvénients résultant d'un trouble de voisinage faisant l'objet d'une réparation pécuniaire.On notera que la réparation en nature, remise en état à l'identique, est de beaucoup préfé-rable en matière de dommages matériels à une réparation pécuniaire qui n'est pas exclue pour autant afin d'indemniser des préjudices ne relevant pas d'une mise en état. Elle consistera le plus souvent en frais de nettoyage et restauration des sites (parfois très élevés compte tenu des moyens à mettre en œuvre), des surfaces, ou du sous-sol, à atteindre et à traiter, auxquels vien-dront s'ajouter, pour l'auteur des dommages, les frais de recherche et de détection de l'origine de l'atteinte en vue de la neutraliser, frais qui sont à sa charge.Le juge civil dispose de larges moyens pour indemniser les victimes et faire cesser la pollution, mais, en matière d'installations classées, il ne peut ordonner des mesures allant à l'encontre de celles ordonnées par le Préfet.S'y ajouteront aussi dans certains cas, les frais nécessités par une intervention d'urgence en vue d'empêcher la réalisation imminente ou l'extension de dommages constatés.Dans la mesure où il s'agit de dommages causés à des personnes physiques ou à des biens appar-tenant à des personnes physiques ou morales dûment identifiées, la réparation de ces dommages

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ne pose guère plus de difficultés qu'en matière de responsabilité civile classique, sous réserve toutefois, lorsque la preuve d'un lien de causalité doit être établie, des problèmes rencontrés à cette occasion, et du droit à réparation de certaines victimes se prévalant de la lésion d'intérêts collectifs.

2° Les dommages environnementaux dans le cadre de la directive du 21 avril 2004

On employait à ce sujet l'expression de « dommage écologique », en précisant qu'il fallait entendre : le dommage causé au milieu naturel lui-même - air, eau, sol, faune, flore - en tant que tel.A priori, il s'agit le plus souvent de biens non appropriés, encore appelés res nullius ou res communis.Un auteur le définit comme : « (le) dommage causé à la nature sauvage non appropriée… ou aux intérêts de la collectivité par l’intermédiaire du milieu récepteur - air, eau, sol - indépendamment de la lésion d’un intérêt humain… (il s’agit) d’une extension géographique de la notion de trouble anormal de voisinage. L’atteinte grave aux milieux naturels (faune, flore, écosystèmes) caractérise le dommage écologique » (Ph. Ch. A. Guillot, Droit de l’environnement, p. 294). Mais cette approche soulève plusieurs problèmes, celui des modalités de la réparation du dommage causé à l'environnement et notamment du préjudice d'agrément éventuellement subi de ce fait par un tiers, celui de l’identification du responsable, celui du lien de causalité. Nous avions dans notre précédente édition consacré des développements à cette question que nous reproduisons, tant il est vrai qu’elle pose de nombreux problèmes, même si la récente législation française reprend bien évidemment les dispositions de la directive de 2004, si la jurisprudence s’est prononcée récemment de façon éclatante sur ce sujet et si les assureurs se sont mis en devoir de répondre à la demande corrélative à ce type de réclamation.C'est pour la première fois à propos des boues rouges déversées en mer par un industriel italien, la Sté Montedison, que les tribunaux énoncent le principe d'une responsabilité pour incidences écologiques d'un rejet (TGI Bastia, 8 déc. 1976, D. 1977. Chron. 427).Dans l'optique d'une sanction infligée au pollueur, il existe tout un arsenal de textes au nombre desquels figure la taxe sur les activités polluantes (TGAP - pollutaxe) issue en 1999 de la fusion des écotaxes perçues auparavant par l'Ademe et élargie en 2001 aux consommateurs intermé-diaires. Affectée en 2004 au budget de l'État, elle est constituée de 8 composantes en 2006.D'autre part, ont été multipliées les normes techniques à respecter, en instaurant les procédures de management environnemental ou d'audit environnemental auxquelles peuvent adhérer les entreprises (L. n° 95-101, 2 févr. 1995 dite « Loi Barnier » : selon le principe de précaution : « l'absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l'adoption de mesures effectives et proportionnées visant un risque de dommages graves et irréversibles à l'environnement à un coût économiquement acceptable » ; selon le principe « d'action préventive », il est nécessaire de corriger « par priorité à la source, des atteintes à l'environnement, en utilisant les meilleures techniques disponibles à un coût écono-miquement acceptable »).De son côté le législateur posait le principe dans le cadre de la Charte de l'environnement « du droit de chacun de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé » dont les termes ont été incorporés à la Constitution par la loi constitutionnelle n° 2005-205 du 1er mars 2005 qui inscrivait également dans ce contexte le principe de précaution en droit français.Ceci a contribué à entretenir dans les esprits, parallèlement aux prises de position répétées de mouvements écologistes et aux travaux conduits à Bruxelles, à la sensibilisation de l’opi-nion publique nationale et internationale aux menaces de toutes sortes pesant sur la planète ;

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ainsi qu'en leur temps les réflexions de philosophes tels que Luc Ferry (Le nouvel ordre écolo-gique, L. G. F, 2002) ou Michel Serres (Le contrat naturel, Julliard, 2004) l'idée que, par-delà les dommages immédiats et directs causés à des tiers, le dommage subi par l'environnement pouvait et devait être évité ou alors être réparé.

Mais, en dépit de la difficulté que présente ce genre de situation, la directive européenne sur la responsabilité environnementale (V. ci-avant) a entrepris de résoudre la question de la prévention et de la réparation des dommages environnementaux en tant que tels, basé sur le principe du pollueur-payeur, et distincts de la réparation de tout dommage à des tiers.

Nous faisions ici nôtre la distinction terminologique retenue par les rédacteurs de l'Avant-projet de réforme du droit des obligations (22 sept. 2005) qui utilise le terme de « dommage » pour l'at-teinte à la personne ou aux biens de la victime et celui de « préjudice » pour la lésion des intérêts patrimoniaux ou extra-patrimoniaux qui en résulte. En l'occurrence il s'agit, avec le préjudice écologique, de la lésion d'intérêts extra-patrimoniaux.

Le problème rencontré à ce sujet est celui de l'indemnisation, lorsque l’on se place dans une telle perspective, d'un tel préjudice, même si la jurisprudence procède régulièrement à la réparation pécuniaire de préjudices a priori aussi difficiles à apprécier individuellement que les préjudices moraux (« pretium doloris », préjudice esthétique, préjudice d'agrément, etc.). « Longtemps la reconnaissance du préjudice écologique s'est heurtée à l'impossibilité de l'évaluer. Comment apprécier en termes monétaires la valeur d'une mouette, d'une plage, d'une forêt ? » (Réparation du préjudice écologique : Martine Remond-Gouilloud, Jurisclasseur 1992 fasc. 1080-73).

La jurisprudence française s'est orientée un temps vers la reconnaissance d'un tel préjudice soit pour sanctionner l'atteinte écologique d'une façon en quelque sorte pénale (T. pol. Nice, 24 avr. 1986, cité par Martine Rémond-Gouilloud, op. cit. loc. cit. n° 83) soit pour confirmer le principe d'une réparation en cas d'atteinte à l'esthétique d'un paysage sur le fondement des troubles de voisinage (Civ. 2e, 28 nov. 1995, Bull. civ. II n° 298) ou en prenant en compte la mort d'un rapace protégé, tué par des chasseurs (Civ. 1re, 16 nov. 1982, n° 81-15.550, Bull. civ. I n° 331). Elle était même allée plus loin dans la prise en compte des intérêts écologiques dans l’affaire Ministre de l’équipement et du logement/Fédération de défense des personnes concernées par le projet actuellement dénommé « Ville Nouvelle Est » (CE, 28 mai 1971, GAJA, n° 103) ainsi que dans un arrêt du TGI de Narbonne, 4 octobre 2007 (Environnement 2008, étude n° 2).

Mais la question de l'évaluation monétaire d'un tel dommage reste pour le moins délicate, s'agis-sant d'indemniser des tiers se présentant comme victimes d'une privation de jouissance des agré-ments que leur procurait la nature.

a) Les dommages environnementaux visésLa directive précise bien dans son considérant n° 14 que : « La présente directive ne s’applique pas aux dommages corporels, aux dommages aux biens privés, ni aux pertes économiques et n’affecte pas les droits résultant de ces catégories de dommages ».

Il s'agit selon l'article 2 (définitions) :

- des dommages aux espèces et habitats naturels protégés, c'est-à-dire tout dommage affec-tant gravement la constitution ou le maintien d'un état de conservation favorable des espèces et habitats naturels protégés soit par la législation européenne (directive « oiseaux sauvages » (1979) et directive « habitats naturels » (1992) soit par la législation nationale. Cette notion est véritablement nouvelle ;

- des dommages affectant les eaux, c'est-à-dire tout dommage affectant de manière grave et négative l'état écologique, chimique ou quantitatif ou le potentiel écologique des eaux de surface, souterraines ou côtières ;

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- des dommages affectant les sols, c'est-à-dire toute contamination des sols qui engendre un risque d'incidence négative grave sur la santé humaine du fait de l'introduction directe ou indi-recte en surface ou dans le sol de substances, préparations organismes ou micro-organismes.

Cette notion de dommage environnemental se conçoit indépendamment de toute notion de propriété et, par ailleurs, ne sont pas pris en compte les dommages corporels, matériels et imma-tériels causés aux tiers qui relèvent du droit commun de la responsabilité civile (V. considérant n° 14 ci-dessus).

La directive précise à cet égard (art. 3-3) : « Sans préjudice de la législation nationale pertinente, la présente directive ne confère aux parties privées aucun droit à indemnisation à la suite d'un dommage environnemental ou d'une menace imminente d'un tel dommage ».

Cette responsabilité est donc essentiellement objective et financière ; elle à pour objectif la remise en état des milieux naturels affectés par l'activité de l'exploitant.

Le principe du lien de causalité entre le fait de l'exploitant et le dommage ou la menace de dommage est nécessaire pour engager sa responsabilité.

b) La réparation des dommages environnementauxVoir : Annexe II de la directive.

Mesures nécessaires de prévention et de réparation. L'exploitant concerné doit prendre, de sa propre initiative, en cas de menace imminente d'un dommage environnemental, « sans retard, les mesures préventives nécessaires » ou, lorsqu'un dommage environnemental s'est produit, « toutes les mesures pratiques afin de combattre, d'endiguer, d'éliminer ou de traiter immédiatement les contaminants concernés et tout autre facteur de dommage, en vue de limiter ou de prévenir de nouveaux dommages » ainsi que « les mesures de réparation nécessaires ». Il doit tenir informé dans les meilleurs délais l'autorité compétente (V. ci-après) des mesures engagées.

Celles-ci s'analysent :

- en ce qui concerne les dommages affectant les eaux ou les espèces et habitats naturels protégés, en réparation primaire (toute mesure de réparation par laquelle les ressources natu-relles endommagées ou les services détériorés retrouvent leur état initial ou s'en rapprochent), réparation complémentaire (toute mesure de réparation entreprise à l'égard des ressources naturelles ou des services afin de compenser le fait que la réparation primaire n'aboutit pas à la restauration complète des ressources naturelles ou des services), réparation compensatoire (toute action entreprise afin de compenser les pertes intermédiaires de ressources naturelles ou de services qui surviennent entre la date de survenance d'un dommage et le moment où la réparation primaire a pleinement produit son effet), sachant qu'il faut entendre par pertes inter-médiaires celles qui résultent du fait que les ressources naturelles ou les services endommagés ne sont pas en mesure de remplir leurs fonctions écologiques ou de fournir des services à d'autres ressources naturelles ou au public jusqu'à ce que les mesures primaires ou complémentaires aient produit leur effet. Celles-ci ne peuvent donner lieu à une compensation financière accordée au public ;

- en ce qui concerne les dommages affectant les sols, en la suppression, le contrôle, l'endigue-ment, la réduction des contaminants de façon à ce que les sols contaminés ne présentent plus de risque grave d'incidence sur la santé humaine.

La directive prévoit des objectifs en matière de réparation (Annexe II 1-1), l'identification des mesures de réparation (Annexe II 1-2), le choix des options de réparation (Annexe II 1-3).

Qu'il s'agisse d'action de prévention ou de réparation, les autorités compétentes agissant directe-ment ou à la demande d'une entité qualifiée peuvent, à tout moment (art. 5 et 6 de la directive) :

- obliger l'exploitant à fournir des informations ;

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- obliger l'exploitant à prendre les mesures préventives ou nécessaires pour combattre les dommages réalisés ;- obliger l'exploitant à prendre les mesures de réparation nécessaires ;- donner à l'exploitant les instructions à suivre ;- le cas échéant prendre elles-mêmes les mesures de prévention ou de réparation nécessaires.Délai. L'autorité compétente, désignée par les États membres, dispose, pour engager contre l'ex-ploitant ou, selon le cas, contre un tiers, qui a causé un dommage ou une menace imminente de dommage, une procédure de recouvrement des coûts relatifs à toute mesure prise en applica-tion de la directive, d'un délai de cinq ans à compter de la date à laquelle les mesures prises ont été achevées ou à laquelle l'exploitant responsable ou le tiers ont été identifiés, la date la plus récente étant retenue (art. 10 de la directive).Les personnes physiques ou morales touchées ou risquant d'être touchées par le dommage environnemental ou ayant un intérêt à faire valoir à l'égard du processus décisionnel environ-nemental relatif au dommage (ONG œuvrant en faveur de la protection de l'environnement), ou faisant valoir une atteinte à un droit, lorsque le Code de procédure administrative d'un État membre pose une telle condition, sont habilitées à soumettre à l'autorité compétente toute observation liée à toute survenance ou menace de dommage environnemental ou à demander que l'autorité compétente prenne des mesures appropriées.Il ne s'agit pas là d'une action en responsabilité mais d'une demande d'action (art. 12).La directive n'exige pas la souscription d'une assurance, mais les États membres ont la possibilité de prévoir une obligation d'assurance ou un système de garantie financière.Il convient, dans un deuxième temps, d’examiner le droit français qui en découle.C’est la loi du 1er août 2008 (L. n° 208-757, JO 2 août 2008) qui transpose, avec retard, en droit français la directive européenne n° 2004/35/CE en créant dans le Titre I du Code de l’environne-ment, un Titre VI intitulé « Prévention et réparation de certains dommages causés à l’environne-ment » (art. L. 160-1 à L. 165-2 C. envir.). Dans son Chapitre I « Champ d’application » l’article L. 160-1 fait explicitement référence au principe pollueur-payeur et donne une définition de l’exploitant voisine de celle de la directive : « L’exploitant s’entend de toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui exerce ou contrôle effectivement, à titre professionnel, une activité économique lucrative ou non lucra-tive » .L’article L. 161-1, I procède à l’énumération des dommages figurant dans les définitions de l’ar-ticle 2 de la directive (dommages affectant les sols, les eaux) en reprenant pour ceux causés aux espèces les définitions de l’article 2-3 de la directive (3°-a : oiseaux sauvages, habitats naturels, faune et flore sauvage), aux habitats et espèces (3°-b), aux sites de reproduction et aires de repos (3°-c). De même que (4°), il est fait état des services écologiques, « c'est-à-dire les fonctions assurées par les sols, les eaux et les espèces et habitats mentionnées au 3° au bénéfice de ces ressources naturelles ou au bénéfice du public », qui font l’objet du 13° des définitions de l’ar-ticle 2 de la directive.L’article L. 161 1, III reprend la définition n° 9 de l’article 2 de la directive relative à la menace imminente de dommage.L’article L. 161-1, II exclut pour sa part des dispositions de la loi les activités faisant l’objet de l’article L. 414-4 (concernant le programme Natura 2000) et les énumérations de l’article L. 411-2 (espèces et sites protégés) tandis que les articles L. 161-2 et L. 161-3 reprennent les exclusions de la directive (art. 4). L’article L. 161-4 et L. 161-5 reproduisent l’article 17 de la directive sur l’application de celle-ci dans le temps (pas d’application pour les dommages survenus avant le 30 avril 2007 ou dont le

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fait générateur a cessé avant cette date) et surtout le principe de la prescription trentenaire à partir du fait générateur.

Le Chapitre II relatif au « Régime » énonce (Section I) les « Principes » - art. L. 162-1, 1° et 2°- qui reproduisent les dispositions de la directive dans son article 3-1 a) et b) :

- les dommages causés à l’environnement par les activités professionnelles visées par l’article R. 162-1 (décr. n° 2009-468 du 23 avr. 2009) - celles qui font l’objet de l’Annexe III de la directive - qui sont responsables sans faute (V. Considérant n° 8) ;

- les dommages causés aux espèces et habitats naturels visés à l’article L. 161-1, 3° par une acti-vité professionnelle autre que celles mentionnées ci-dessus, qui ne sont responsables qu’en cas de faute ou de négligence de l’exploitant (V. Considérant n° 9).

De même qu’il est précisé (art. L. 162-2 C. envir. – art. 3-3 de la directive) que « une personne victime d’un préjudice résultant d’un dommage environnemental ou d’une menace imminente d’un tel dommage ne peut en demander réparation sur le fondement du présente Titre ».

Une Section II concernant les mesures de prévention (Sous-section I : art. L. 162-3 à L. 162-5 C. envir.) ou de réparation (Sous section II : art. L. 162-6 à L. 162-12 avec la réparation primaire, la réparation complémentaire et la réparation compensatoire) des dommages est complétée par les dispositions de la Section II du décret n° 2009-468 (art. R. 162-2 à R. 162-19 C. envir.) qui reprennent l’essentiel des articles 5 à 15 de la directive relatifs principalement à l’autorité compétente, à la demande d’action, aux modalités d’exécution des mesures en cas de dommages etc.

La Section III est consacrée aux pouvoirs de police administrative (art. L. 162-13 à L. 162-16), la Section IV aux coûts des mesures de prévention et de réparation (art. L. 162-17 à 162-23) notamment le fait pour l’exploitant de supporter un certain nombre de frais, la répartition des coûts en cas de pluralité de causes de dommages, la possibilité pour l’autorité compétente de récupérer le coût auprès de l’exploitant etc. (art. 8 de la directive).

Bref, comme toujours dans le cas de transposition d’une directive, on retrouve l’essentiel de celle-ci mais dans un ordre dispersé, ou plutôt, dans l’ordre logique du législateur.

D - Les bénéficiaires de l'indemnisation en responsabilité civileIl faut distinguer selon qu'il y a eu lésion d'un intérêt personnel ou lésion d'intérêts collec-tifs. Mais des personnes ou organismes intervenant dans la réparation (ou la prévention) des dommages peuvent aussi demander à être indemnisés.

1° Lésion d'un intérêtLorsque l'on est en présence d'un intérêt personnel la détermination du ou des bénéficiaires ne présente guère de difficultés.

Il s'agit de la ou des personnes physiques lésées :

- dans leur intégrité physique, à qui il faut prodiguer les soins nécessaires ou dont il faut indem-niser les ayants droit ;

- dans leurs biens qu'il s'agit de remettre en état ;

- et dans un cas comme dans l'autre, des préjudices économiques qui en résultent.

Mais ce peut être aussi des personnes morales (entreprises industrielles ou commerciales voisines de l'auteur du dommage qui demandent réparation du préjudice subi par leurs biens ou du préjudice économique qu'elles éprouvent du fait par exemple de l'immobilisation qu'elles ont dû observer dans leur activité pendant un certain temps). On cite le cas de centres commerciaux qui

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ont dû évacuer leur clientèle et fermer leurs portes pendant quelques jours pour permettre l'exé-cution de travaux de nettoyage et assainissement des sols et l'évaporation de substances nocives.

La loi n° 95-101 du 2 février 1995 dite loi Barnier prévoit la réclamation d'une pluralité de préju-dices individuels dans le cadre d'une action en représentation conjointe exercée par une associa-tion agréée (art. 5). Cette disposition a été insérée dans l'article L. 252, 5 du Code rural : « lorsque plusieurs personnes physiques identifiées ont subi des préjudices individuels qui ont été causés par le fait d'une même personne et qui ont une origine commune, dans les domaines mentionnés à l'article L. 252-3, toute association agréée au titre de l'article L. 252-1 peut, si elle a été mandatée par au moins deux personnes physiques concernées, agir en réparation devant toute juridiction au nom de celles-ci ». Voir : Code de l'environnement : L. 142-1, L. 142-2, L. 142-3.

Si les victimes sont censées agir elles-mêmes en justice, toutes notifications et significations sont adressées à l'association, ce que l'on considère comme une dérogation au principe selon lequel « nul ne plaide par procureur ».

Il semble enfin que le texte, s'il vise l'action devant toute juridiction, n'en précise pas moins dans ses deux derniers alinéas que : « toute personne physique ayant donné son accord à l'exer-cice d'une action devant une juridiction pénale est considérée dans ce cas comme exerçant les droits reconnus à la partie civile, en application du Code de procédure pénale… ». D'autre part, « l'association qui exerce une action en justice en application des deux alinéas précédents peut se constituer partie civile devant le juge d'instruction ou la juridiction de jugement… » donne à penser que l'action en représentation conjointe n'est envisageable qu'en cas d'infraction aux dispositions relatives à la protection de l'environnement. À moins qu'il ne s'agisse de précisions apportées dans le cadre de la possibilité d'actions de portée plus générale.

Mais il peut s'agir également de la lésion d'intérêts collectifs. Les associations de défense de l'en-vironnement sont très nombreuses. On évaluait déjà leur nombre à 5 000 en 1982. Elles jouent un rôle d'interlocuteur des pouvoirs publics (organes de consultation, de relais pour l'information et la formation des citoyens), éventuellement de gestion des espaces naturels protégés, d'exper-tise en matière de problèmes d'environnement.

Pendant longtemps, la jurisprudence s'est refusée à leur reconnaître un droit d'agir en justice pour manque de préjudice suffisamment personnel. Le cas est patent en matière de préjudice écologique pur. Les associations peuvent-elles être considérées comme des victimes personnelles de tels dommages ?

Certaines associations, même non agréées pouvaient toutefois agir en justice pour demander des dommages-intérêts devant les juridictions civiles mais à la condition de prouver la lésion d'un intérêt dans leur patrimoine ou, le plus souvent, d'intérêts moraux défendus par l'association.

Devant les juridictions pénales les actions étaient rendues plus difficiles et limitées à certaines infractions.

Désormais, depuis la loi du 2 février 1995, les associations de protection de l'environnement, régulièrement déclarées et qui exercent leurs activités statutaires dans le domaine de la protec-tion de l'environnement depuis au moins trois ans peuvent faire l'objet d'un agrément de l'au-torité administrative. Ces « associations agréées de protection de l'environnement » « peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les faits portant un préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs qu'elles ont pour objet de défendre et constituant une infraction aux dispositions législatives relatives à la protection de la nature et de l'environ-nement, à l'amélioration du cadre de vie, à la protection de l'eau, de l'air, des sols, des sites et paysages, (on y voit une incitation à la sanction du préjudice écologique) à l'urbanisme ou ayant pour objet la lutte contre les pollutions et les nuisances ».

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2° Frais d'interventionLes personnes amenées à intervenir à l'occasion d'opérations de lutte, nettoyage ou restauration des sites sinistrés et ayant de ce fait exposé des dépenses peuvent-elles en demander rembourse-ment ?Toute personne intervenant spontanément, de sa propre initiative, dans ce genre d'opérations sera considérée comme s'inscrivant dans le cadre de la « gestion d'affaires » et, à ce titre, pourra bénéficier de la part de l'auteur du dommage, le « maître » en l'occurrence, d'une réparation de ses propres dommages le cas échéant et d'un remboursement de ses frais directement exposés (à l'exception d'une rémunération quelconque, compte tenu du bénévolat qui caractérise ce type de situation) si la gestion d'affaires est reconnue utile. Mais « les initiatives individuelles isolées s'avèrent le plus souvent inutiles, voire néfastes, faute de coordination, d'expérience et de disci-pline » (M. Rémond-Gouilloud op. cit., loc. cit., n° 48).Ce sont donc des entreprises spécialisées, rémunérées pour cela, qui seront appelées à inter-venir sur les sites pour les dépolluer ou, en urgence, les personnes publiques. En principe c'est la gratuité du service public qui s'applique, mais quelques textes permettent aux personnes publiques d'obtenir du responsable de la pollution le remboursement des frais exposés pour y remédier. C'est le cas en matière de pollution de l'eau (art. 18 dernier alinéa, loi n° 92-3, 3 janv. 92), d'accident ou d'incident survenu ou susceptible de survenir dans une installation classée (nouvel art. 26-1, loi n° 92-643, 13 juill. 92, loi n° 76-676, 19 juill. 76), de protection de l'en-vironnement lorsqu'une infraction a été commise et que l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), le Conservatoire de l'espace littoral, les agences de l'eau, et la Caisse nationale des monuments historiques sont intervenus.

3° Lien de causalité entre l'atteinte à l'environnement et le dommageLa réparation des dommages dus à des atteintes à l'environnement suppose bien entendu qu'entre l'atteinte et le dommage existe un lien de causalité.En matière d'atteinte à l'environnement, l'établissement du lien de causalité est rendu parfois difficile en raison du caractère diffus de l'atteinte et du fait que celle-ci peut avoir plusieurs origines dont chacune peut être considérée comme cause (tout au moins partielle) du dommage, aucune d'entre elles ne pouvant être considérée comme cause exclusive du dommage, celui-ci résultant de la synergie de celles-ci. Par exemple, des effluents industriels dont aucun n'est en soi dommageable peuvent, du fait de leur conjonction, causer une atteinte à l'environnement.La pluralité d'auteurs d'un dommage n'empêche pas d'en demander réparation de l'intégralité à l'un d'entre eux, conformément au principe de responsabilité in solidum dégagée par la juris-prudence, à charge pour celui qui a indemnisé la victime de se retourner contre les coauteurs (TGI Bordeaux, 28 févr. 1968, JCP 1970. II. 16529, à propos d'un pisciculteur dont l'élevage avait été détruit par les effluents d'un industriel et d'une commune située en amont). Mais cette responsabilité collective n'est pas systématique dans la mesure où il apparaît clairement que celui contre lequel la victime se retourne n'est souvent qu'un bouc émissaire désigné à la vindicte des exploitants de sites situés immédiatement en aval. Il ne peut donc envisager que difficilement de dégager, fût-ce pour partie, sa responsabilité.C'est parfois la loi qui institue cette responsabilité solidaire. L'article 11 de la loi n° 75-633 du 15 juillet 1975 sur le traitement des déchets dispose : « Toute personne qui remet ou fait remettre des déchets appartenant aux catégories visées à l'article 9 (déchets présentant des risques lors de leur élimination) à tout autre que l'exploitant d'une installation d'élimination agréée, est solidairement responsable avec lui des dommages causés par les déchets ».Aussi la jurisprudence fait-elle appel le plus souvent à des présomptions de fait pour retenir un lien de causalité entre l'origine du dommage et celui-ci. C'est ainsi qu'elle a été amenée à retenir

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la responsabilité d'une usine située dans la vallée pour la destruction d'abeilles dont les ruches étaient situées à 1 600 mètres d'altitude, au motif que les abeilles descendent au printemps butiner dans la vallée et que la mort des abeilles ne pouvait s'expliquer que par une intoxication due au fluor déposé sur les fleurs (TGI Albertville, 26 août 1975, JCP 1976. II. 18384).

Pour échapper à la responsabilité le présumé responsable peut établir soit le cas fortuit, événe-ment naturel imprévisible et irrésistible, soit le fait d'un tiers à la condition qu'il présente les mêmes caractéristiques que le cas fortuit. On notera à cette occasion que la reprise de sites ou d'exploitations industriels pollués par le précédent exploitant ne saurait exonérer le nouvel acquéreur de la responsabilité résultant de l'état de ces sites, car la pratique de l'audit d'envi-ronnement, avec étude du sol et du sous-sol, est de plus en plus répandue, et il aura pris soin de faire souscrire par son vendeur dans le contrat de vente une clause de garantie du passif environ-nemental ou une clause d'indemnisation.

Seuls posent problème le cas des sites dits « orphelins » dont l'exploitant pollueur a disparu ou demeure inconnu ou n'est pas identifiable ou dont la responsabilité est prescrite. Il y a alors impossibilité juridique d'obtenir réparation.

E - L’arrêt ErikaOn connaît l’affaire Erika du nom du navire affrété par l’entreprise TOTAL et qui, assez délabré semble-t-il, « la corrosion étant directement en relation avec l’insuffisance d’entretien du navire », s’est échoué au large des côtes bretonnes en décembre 1999 causant ainsi une impor-tante marée noire qui a longtemps défrayé la chronique.

Cette affaire avait déjà conduit la Cour de cassation à se prononcer, une commune sinistrée, Mesquer, ayant intentée une action contre Total sur le fondement du droit des déchets. La cour d’appel de Rennes (CA Rennes, 13 févr. 2002, RJE 1/2003, p. 31) avait jugé que, si le fioul lourd, déversé et transformé par son mélange avec les eaux et les sédiments avait généré des déchets, les sociétés Total ne pouvaient être considérées, au sens de l’article L. 541-2 du Code de l’en-vironnement, comme productrices ou détentrices des déchets. Après avoir consulté la Cour de Justice Internationale sur l’interprétation des dispositions communautaires applicables en l’es-pèce, la Cour de cassation s’et prononcée (Civ. 3e, 17 déc. 2008, n° 04-12.315) sur le fait que le fioul lourd vendu en tant que combustible n’est pas un déchet, rejette l’application de l’article 1384 alinéa 1 Code civil, le transfert de la garde entre les mains de l’armateur ayant eu lieu dés le chargement du fioul à bord et Total n’étant pas responsable du fait des produits défectueux, le fioul lourd transporté n’étant atteint d’aucune défectuosité.

Mais c’est à un arrêt fleuve beaucoup plus retentissant que la cour d’appel de Paris a abouti le 30 mars 2010 (CA Paris, 30 mars 2010, 11e ch., n° 08/02278). Cette décision a fait l’objet de très nombreux commentaires. Nous nous inspirons largement de celui de Mathilde Boutonnet (Lamy Droit Civil, juill./août 2010, n° 73 p. 18 et s.). L’on a ici à faire face à une pluralité d’auteurs de dommages, à une pluralité de victimes et à une pluralité de chefs de préjudices.

Dans cette décision, sur le plan pénal, Total, les propriétaires, gestionnaire, société de classifi-cation du navire sont reconnus pénalement coupables d’un délit de pollution, le jugement de condamnation rendu par le tribunal correctionnel étant confirmé et aggravé : 75 000 euros d’amende pour Antonio Pollara et Giuseppe Savarese, respectivement gestionnaire et armateur du navire, et 375 000 euros d’amende pour les sociétés RINA (classification) et Total (affréteur).

En revanche, sur le plan civil, Total n’est pas reconnu responsable car, on ne peut dire que « le représentant de cette société avait conscience que, en agissant ainsi, il s’ensuivrait probablement un dommage par pollution » et cette société avait déjà réglé 153 millions d’euros à l’État. Mais les autres intervenants sont reconnus responsables civilement.

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Quant aux chefs de préjudices ils sont légion et la cour d’appel va très loin en posant le principe d’un « préjudice écologique » non seulement pour les collectivités territoriales et les associations de défense de l’environnement mais également pour les régions et communes, les associations de défense de l’environnement…

En ce qui concerne l’atteinte à des intérêts individuels, la distinction entre préjudices patrimo-niaux et extrapatrimoniaux doit être faite :

- les parties civiles ayant fait preuve de leur intérêt personnel à agir se sont vues indemniser des « frais de remise en état, tels les frais liés au nettoyage des sites, au sauvetage de la faune sauvage ou à la restauration des infrastructures ou encore des atteintes à l’outil de travail » (Ligue de protection des oiseaux pour la collecte des oiseaux, communes, départements et régions pour les opérations de nettoyage des sites - sauf transactions déjà intervenues avec les responsable ou subventions déjà reçues) ;

- les personnes physiques et les sociétés lorsqu’elles étaient en mesure de prouver leur préjudice et le lien de cause à effet ont pu voir réparer « l’ensemble des pertes de revenus et des gains manqués, tels les pertes de marché, les manques à gagner ou les pertes de chiffre d’affaires ». Mais la réparation des préjudices extrapatrimoniaux a également pris en considération, en ce qui concerne les personnes physiques, le préjudice de jouissance résultant de l’impossibilité d’user ou de profiter de la nature ainsi que le préjudice moral résultant de cette catastrophe. Quant aux personnes morales, il a été tenu compte du « préjudice d’image », de l’atteinte à « l’image de marque », « l’atteinte à l’image et à la réputation » (stations balnéaires, centres de thalassothé-rapie, port de pêche, station mytilicole), certaines partie civiles dont les territoires n’avaient pas été affectés se sont même vues accorder une indemnisation, les touristes ne faisant pas la diffé-rence entre les régions touchées et celles épargnées par la marée noire…

Pour l’atteinte aux intérêts collectifs, la loi Barnier du 2 février 1995 (L. n° 95-101, JO 3 févr.) avait accordé un droit d’agir aux associations agréées pour exercer « les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les faits portant un préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs qu’elles ont pour objet de défendre et constituant une infraction ». La cour d’appel admet l’intérêt à agir des associations de protection de l’environnement, des associations de consommateurs, de certains syndicats professionnels et même (selon le récent art. L. 142-4 C. envir.) de l’ensemble des collectivités territoriales (départements, communes et régions), la recevabilité de leur qualité à agir (agrément, délibérations) étant vérifiée. C’est ainsi qu’est prise en compte au titre des préjudices extrapatrimoniaux :

- le préjudice moral pour atteinte à l’objet social d’une association compte tenu de son « activité exercée », de son « opiniâtreté », de sa « notoriété », des « efforts déployés pour réaliser son objet social », il y a donc atteinte « à des valeurs fondant l’identité de la victime » ;

- le préjudice pour atteinte à des intérêts catégoriels : préjudice moral de certains syndicats pour « atteinte aux intérêts collectifs d’une profession (paludier) ou le préjudice moral pour atteinte aux intérêts collectifs de l’association UFC Que choisir de Brest. Cette approche s’inscrit dans le cadre de la notion de « service » (art. 2 § 13 de la directive de 2004 reprise dans la loi du 1er août 2008). « Ainsi c’est à la naissance d’un préjudice aux services procurés par la nature que l’on assiste » (V. Mathilde Boutonnet, op. cit. loc. cit.) ;- le préjudice pour atteinte à l’intégrité du patrimoine naturel : certaines collectivités locales et territoriales, propriétaires d’un patrimoine naturel, ont « subi, comme tous les autres habitants des territoires touchés par la marée noire, une véritable agression, particulièrement traumati-sante et un trouble grave dans son bien-être, étroitement lié au sentiment d’harmonie avec la nature » ;

- enfin, s’inscrivant dans une jurisprudence hésitante déjà évoquée plus haut (CE, 28 mai 1971, TGI de Narbonne 4 oct. 2007) l’arrêt de la cour d’appel de Paris consacre le « préjudice écolo-

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gique » en tant que tel, encore dénommé « préjudice écologique pur » ou « préjudice environne-mental ». Ce préjudice environnemental autonome, s’entend comme « une atteinte aux intérêts actifs environnementaux non marchands, réparable par équivalent monétaire », comme « toute atteinte non négligeable à l’environnement naturel, à savoir, notamment, à l’air, l’atmosphère, l’eau, les sols, les terres, les paysages, les sites naturels, la biodiversité et l’interaction entre ces éléments, qui est sans répercussion sur un intérêt humain particulier mais affecte un intérêt collectif légitime » et qui se fonde sur « l’interaction permanente de l’homme avec la nature ». De ce fait l’association Robin des Bois et certaines communes du Morbihan ainsi que des régions ont pu obtenir réparation.

Il appartient maintenant à la Cour de cassation de se prononcer et l’on verra si la Cour d’appel de Paris a, par le champ très vaste des préjudices pris en compte, voulu faire « recadrer le sujet » ou si elle s’est fait l’écho de la mentalité ambiante.

À signaler, l’article 16 de la loi n° 2011-12 du 5 janvier 2011 portant diverses dispositions d'adap-tation de la législation au droit de l'Union européenne (JO du 6 janv. 2011) habilite le Gouver-nement à prendre par voie d’ordonnances notamment les dispositions législatives nécessaires à l’adaptation du droit français au règlement CE 392/2009 du 23 avril 2009 (paquet « Erika III ») et à la conformation de la législation nationale aux évolutions des conventions internationales dans le domaine maritime – notamment à l’accord du 23 mars 2001 sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures de soute.

III - La réglementation nationale en matière OGMEn ce qui concerne les organismes génétiquement modifiés (OGM) la loi n° 2008-595 du 25 juin 2008 (JO du 26 juin 2008) insère un Titre III au Code de l’environnement, reprenant pour l’es-sentiel les dispositions de la directive n° 2001/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 mars 2001 et de la directive n° 2009/41/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 mai 2009 intitulé « Organismes génétiquement modifiés ».

Le chapitre I traite de dispositions générales et comporte 7 articles. Après des définitions (art. L. 531-1 et L. 532-2 C. envir.) il dispose (art. L. 531-2-1 C. envir.) que « les organismes généti-quement modifiés ne peuvent être commercialisés, cultivés ou utilisés que dans le respect de l'environnement et de la santé publique, des structures agricoles, des écosystèmes locaux et des filières de production et commerciales qualifiés « sans organismes génétiquement qualifiées », et en toute transparence. La définition du « sans organismes génétiquement modifiés » se comprend nécessairement par référence à la définition communautaire. Dans l’attente d’une définition au niveau européen, le seuil est fixé par voie réglementaire, sur avis du Haut conseil des biotechno-logies, espèce par espèce.

Les décisions d’autorisation concernant les organismes génétiquement modifiés ne peuvent intervenir qu’après une évaluation préalable indépendante et transparente des risques pour l’environnement et la santé publique. Cette évaluation est assurée par une expertise collective menée selon des principes de compétence, pluralité, transparence et impartialité ». On notera que les décisions d'autorisation concernant les OGM ne peuvent intervenir qu'après une évaluation préalable des risques pour l'environnement et la santé publique, la loi s'appuyant sur les prin-cipes de précaution, de prévention, d'information et de responsabilité inscrits dans la Charte de l'environnement, ainsi que sur la liberté de consommer et de produire avec ou sans organisme génétiquement modifié.

Il est créé un Haut conseil des biotechnologies qui remplace les Commissions du Génie géné-tique, du Génie Biomoléculaire, le Comité de Biovigilance et qui sera compétente pour toute question intéressant les OGM et pour l'évaluation des risques pour l'environnement et la santé

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publique (art. 2). Mais si le texte prévoit dans son Chapitre II une réglementation de « l’utilisation confinée des organismes génétiquement modifiés » et traite dans son Chapitre III de « la dissémi-nation volontaire d’organismes génétiquement modifiés » on ne retrouve pas le régime spécial de responsabilité en cas de contamination de cultures (projet de loi - art. L. 663-10-1 C. rur.) : « Tout exploitant agricole mettant en culture une variété génétiquement modifiée dont la mise sur le marché a été autorisée est solidairement responsable de plein droit avec le distributeur auprès duquel il a acquis les semences, du préjudice économique résultant de la présence accidentelle de l'organisme génétiquement modifié de cette variété dans la production d'un autre exploitant agricole » ; il faut toutefois que le champ d'OGM soit situé « à distance de dissémination » (que faut-il entendre par là ?) du champ contaminé et le préjudice économique réparable est limité à la différence entre le prix de vente du produit devant être étiqueté OGM et du produit sans étiquetage. Le projet prévoyait également (art. 5, III) que l'exploitant doit souscrire une garantie financière couvrant sa responsabilité. Or, actuellement, aucune assurance ne prend en charge ce type de risque.

Néanmoins l’article L. 663-4 du Code rural et de la pêche maritime prévoit une responsabilité de plein droit de l’exploitant agricole à l’égard d’un autre exploitant pour le préjudice économique subi par celui-ci, et soumise à certaines conditions tandis que l’article L. 663-5 donne la possibi-lité d’un recours contre le distributeur et le détenteur de l’autorisation.

Quelles réponses apporte l'assureur aux situations existantes ?

On notera que c'est sous l'angle de la responsabilité civile que les atteintes à l'environnement ont été abordées initialement par les assureurs. Par la suite, ils ont été sollicités pour d'autres types de garanties. Un rappel historique des modalités de garantie précédera l'exposé des conditions actuelles de garantie et permettra de mieux en comprendre le fonctionnement.

Section 2 - L'assurance des atteintes à l'environnement

Quelles réponses apporte l’assureur aux situations existantes ?

On notera que c’est sous l’angle de la responsabilité civile que les atteintes à l’environnement ont été abordées initialement par les assureurs. Par la suite, ils ont été sollicités pour d’autres types de garanties. Un rappel historique des modalités de garantie précédent l’exposé des conditions actuelles de garantie et permettra de mieux en comprendre le fonctionnement.

I - La garantie d'origine dans les contrats d'assurance de responsabilité civile générale

C'est par le rachat d'une exclusion relative des risques de pollution que la garantie a été, à l'ori-gine, introduite dans les contrats d'assurance de responsabilité civile.

S'agissant d'un poste de garantie parmi d'autres, réintroduit sous la forme d'une clause spéciale aux conditions particulières, cette garantie ne faisait l'objet d'aucune étude particulière du risque, tant à la souscription que lorsqu'elle était demandée en cours de contrat.

De fait, cette garantie, dommages de pollution aux tiers, ne concernait que les dommages de pollution :

- ayant pris naissance dans les établissements permanents de l'assuré ;