Les Années 1970-40e anniversaire PN-Version Intégrale-PYR
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LE SYNDICAT DES TRAVAILLEURS DE LOUIS-H-LAFONTAINE : Témoin et acteur de l’évolution du Québec
(40e anniversaire des «P’tites nouvelles» 1974-2014)
Partie : « Les années 1970» (Pierre-Yves Renaud)
«À force d’avoir pris en haine toutes les servitudes, nous serons devenus des bêtes féroces de l’espoir»
Gaston Miron
«L’homme rapaillé»
40e P’Tites nouvelles Page 1
LES ANNÉES 1970, LA NOUVELLE BRISE
À partir de 1972, c’est le début de ce que l’on considère à l’époque comme la pire crise internationale du capitalisme depuis la Grande Crise des années 30.
L’économie est caractérisé par la «stagflation» c’est-à-dire 1) la stagnation de la production, elle-même de plus en plus concentrée entre les mains des multinationales; 2) le chômage et, en même en temps 3) l’inflation galopante.
De 1970 à 1974, le taux d’inflation monte de 3.3% à 12.5%. Dans l’alimentation, la hausse des prix est de 43% de décembre 1972 à juin 1975. Cela entraine une dégringolade du pouvoir d’achat. En 1973, pour la première fois depuis la Grande Crise, les salaires montent moins vite que le coût de la vie. En février 1977, il y a exactement deux fois plus de chômeurs en février 1970. Le taux de chômage s’établit à 11.3% «officiellement», beaucoup plus dans la réalité. Le Québec qui compte 25% de la population canadienne. En 1977, 18.5% des jeunes québécois de moins de 25 ans sont en chômage, soit près de 1 sur 5.
Le mouvement de délocalisation industrielle s’amorce déjà en Amérique du Nord mais n’a
pas encore l’ampleur qu’il connaîtra dans la dernière année du 20e siècle. À Montréal, 70%
des emplois dépendent de l’industrie manufacturière, en particulier dans l’industrie légère.
Or, ce secteur est en déclin dans les années 70. Les licenciements se multiplient, en
particulier dans les secteurs du textile, vêtements, chaussures et meuble. Le textile pers en 4
ans 10 000 emplois sur 40 000.
Une majorité de Québécois œuvrent déjà les services dont 15%dans les services publics
37% de la main-d’œuvre est constituée de femme. En 1971, les travailleurs québécois
masculin francophones gagnent un revenu moyen d’environ 6 000$/ année. C’est 20% de
moins que les anglophones unilingues.
Au Québec, le gouvernement Bourassa, qui s’est fait élire en avril 1970 en promettant
100 000 emplois, réagit par la recherche effrénée d’investissements américains pour pallier
au chômage. Pour ce faire, il octroie ces privilèges scandaleux à certaines multinationales.
En 1971, ITT-Rayonier se voit offrir 12% du territoire québécois en concession forestière
pour approvisionner son usine de pâtes et papier de Port-Cartier sur la Côte-Nord. On n’est
pas loin de la tonne de fer vendue 0.01$ aux américains par Duplessis dans le temps.
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Mais ça ne suffira pas évidemment et les travailleurs vont réagir en se battant pour
sauvegarder leur pouvoir d’achat et leurs emplois. Ça s’explique en grande partie l’intensité
et la violence des relations de travail au Québec pendant toute cette décennie.
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LE FRONT COMMUN DE 1972
La principale revendication, le symbole même de la lutte du premier front commun, c’est le
«fameux» 100$ par semaine minimum pour tous les employés de l’état. Sur cette
revendication centrale, va s’engager une lutte très dure avec le gouvernement Bourassa,
marquée par une expression de solidarité sans précédent au Québec.
Une première grève générale de 24 heures est déclenchée par le Front Commun des
210 000 travailleurs des secteurs public et parapublic ke 28 mars 1972. Plus de 14 000
syndiqués de 71 hôpitaux dont SJD sont immédiatement visés par des injonctions de
l’appareil judiciaire. La grève fait suite au vote massif à 75% des 210 000 en faveur de la
grève, vote qui a eu lieu le 9 mars précédent. Ce «simple» vote amène le gouvernement
Bourassa à accepter l’ouverture d’une table centrale de négociation, ce qu’il refusait au
départ. Cependant, après la grève de 24 heures, il refuse de bouger sur les principales
revendications.
Le 11 avril, éclate la grève générale illimitée. Elle dure 10 jours. Le Front Commun décide
défier les injonctions, ce qui provoque une vague massive de désobéissance civile sans
précédent au Québec.
Le 21 avril, le gouvernement Bourassa fait voter le bill 19, une loi spéciale de retour au
travail. Les syndicats essaient de consulter leurs membres en catastrophe. Les 80 000 sur (
210 000) travailleurs (euses) consultés décident à 55% de défier la loi matraque. Cette
absence de majorité absolue et, possiblement, l’ampleur d la crise, qui remet en question la
légitimité même du gouvernement, font hésiter les leaders syndicaux, provoquant des
déchirements chez plusieurs militants (es). Peu avant minuit le 21 avril, la direction du Front
Commun recommande le retour au travail.
Le 8 mai, les 3 chefs des centrales, Marcel Pepin, Louis Laberge et Yvon Charbonneau
(CSN –FTQ-CEQ) qui ont publiquement recommandé de défier les injonctions, sont
condamnés à la peine maximum prévue soit un an de prison. Plusieurs dirigeants et
militants(es) de syndicats locaux sont eux aussi condamnés à la prison incluant les
travailleurs de SJD (voir ci-après).
Le 9 mai, les 3 chefs sont incarcérés à la prison d’Orsainville, près de Québec. Ce jour-là
voit le déclenchement spontané de la première grève générale dans l’histoire du Québec.
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Des dizaines de milliers de travailleurs débraient partout au Québec pour réclamer leur
libération. 300 000 grévistes participent aux «Événements de mai-72», une formidable
flambée de solidarité. Le fer de lance du mouvement est porté par les ouvriers du secteur
privé. Les plus grandes entreprises sont frappées par des débrayages : construction,
métallos, mineurs, travailleurs de l’auto, ouvriers du textile, débardeurs, employés de
commerce et de l’imprimerie, etc. Les services publics sont de nouveau paralysés,
notamment dans les hôpitaux. Les enseignants et les étudiants ferment les écoles. Les
travailleurs occupent et prennent le contrôle de villes entières : Sept-Îles, Thetford, Joliette et
Sorel. Des grévistes s’emparent de postes de radio et de téléviseurs diffusent leurs
messages.
Le 23 mai, Pépin, Laberge et Charbonneau en appellent du jugement, après avoir
longuement hésité à le faire et sortent de prison. Cette décision va considérablement faire
baisser la tension. Cependant la sentence est maintenue en appel et le 2 février 1973, les 3
présidents reprennent la prison. Ils vont y rester jusqu’au 16 mai 1973.
Malgré la répression le Front commun réussit à défoncer le cadre salariale du gouvernement.
Il arrache sa revendication majeure, 100$ par semaine pour environ 50 000 syndiqués, les
plus bas salariés des services publics. Il obtient aussi une clause d’indexation des salaires,
un régime de retraite indexé et une réduction des écarts salariaux. Malheureusement, les
enseignants se voient imposer un décret.
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En septembre 1974, le JTSJD ; écrit ceci :
POUR NOTRE-DAME LE SEHM, C’EST POURRI
L’an dernier, des travailleurs de l’Hôpital Notre-Dame ont occupé le bureau des dirigeants du Syndicat des Employés, d’hôpitaux de Montréal parce qu’ils avaient : 1. Refusé de payer
des libérations 2. Bloqué des
budgets (journal, groupe des auxiliaires)
3. Réduit le nombre de représentants au conseil d’administration du Syndicat des Employés d’Hôpitaux de Montréal (comme à St-Jean de Dieu)
Plus grave encore et inacceptable de la part d’un syndicat, les dirigeants du S.E.H.M. avaient appelé la police de Montréal pour faire sortir les travailleurs de "son" bureau, bureau que nous leur payons avec nos cotisations. Chez nous, 1200 travailleurs avaient déjà signé leurs cartes d’adhésion à un syndicat autonome à l’intérieur de Notre-Dame, toujours affilié à la CSN.
Cependant, à la suite de certaines manœuvres douteuses de la part du SEHM concernant la façon de poser les questions sur les bulletins de vote, la désaffiliation a été empêchée. Quand nous avons mené la lutte chez nous, en juin dernier, les dirigeants du SEHM ont tenté de passer par-dessus le Comité de négociation élu par les travailleurs, dans le but de signer une entente à l’amiable avec l’administration de Notre-Dame. Mais les travailleurs s’y sont fermement opposés. Cette année, nous nous organisons sérieusement afin de pouvoir sortir définitivement de ce syndicat pourri.
Signé : Un travailleur de Notre-Dame
Il n’est pas possible de parler du Front Commun de 72 sans nommer et saluer
respectueusement les camarades de SJD qui payé par la privatisation de leur liberté
individuelle, la victoire du plus grand nombre d’entre-nous. Si aujourd’hui, de jeunes
employés «entrent» LHH en ayant un salaire beaucoup plus élevé que le salaire minimum et
en bénéficiant de conditions de travail bien meilleures qu’autrefois, ils le doivent à tous ces
inconnus du passé : aide-cuisinier, laveur de plancher, infirmières, PAB, etc. qui ont assumé
seuls le fardeau de la prise de parole collective et qui se sont tenus debout devant l’appareil
judiciaire en acceptant d’en payer le prix.
Sentence prononcée par la Cour d’Appel du Québec, Montréal, le 13 novembre 1972 :
Syndicat des Employés généraux de l’Hôpital Saint-Jean-de-Dieu : 50 000$ d’amende
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Officiers syndicaux condamnés;
Renaud Lacroix :1 000$ d’amende, 6 jours de prison. Pierre Bélanger : 1 000$ d’amende, 6 jours de prison. P.E. Ouellet : 1 000$ d’amende, 6 jours de prison. Guy Larivière : 1 000$ d’amende, 6 jours de prison. André Bolduc : 1 000$ d’amende, 6 jours de prison. J-P Rioux : 1 000$ d’amende, 6 jours de prison. Alliance des infirmières, section de l’hôpital Saint-Jean-de-Dieu (affilié à la CSN) : officière syndicale condamnées :
Pierrette Pépin : 1 000$ d’amende, 6 jours de prison. Bernadette Rochefort : 1 000$ d’amende, 6 jours de prison. Madeleine Côté : 1 000$ d’amende, 6 jours de prison. Vivianne Jean : 1 000$ d’amende, 6 jours de prison.
Total des amendes imposées à SJD : 72 00$
Total des amendes auxquelles ont été condamnées les syndicats et les officiers syndicaux de la Fédération Nationale des services (FNS-CSN) : 507 850$.
Salaires hebdomadaires :
1) Préposé aux malades – Homme (PAM) 1-7-71 Échelon 1 : 91.17$ Échelon 5 : 107.94$ 1-7-74 Échelon 1 : 107.87$ Échelon 5 : 127.71$
2) Préposé aux malades – Femme (PAM) 1-7-71 Échelon 1 : 88.44$ Échelon 5 : 105.13$ 1-7-74 Échelon 1 : 107.88$ Échelon 5 : 127.71$ La parité homme-femme n’est atteinte que le 1er juillet 1973.
3) Infirmière auxiliaires/ infirmière certifiées 1-7-71 Échelon 1 : 95.37$ Échelon 5 : 120.52$ 1-7-74 Échelon 1 : 112.83$ Échelon 5 : 142.60$
4) Aide féminin de service (Le mot «féminin» ne sera supprimé qu’en 1975) 1-7-71 78.65$ 1-7-74 103.67$
5) Réceptionniste 1-7-71 Échelon 1 : 77.75$ Échelon 5 : 98.31$ 1-7-74 Échelon 1 : 101.50$ Échelon 5 : 116.56$
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6) Buandier (ière) 1-7-71 102$ 1-7-74 125.56$
7) Préposé à l’entretien ménager (lourd) 1-7-71 88.35$ 1-7-74 114.69$
Cette lutte exemplaire a été basée sur la solidarité et avec le mouvement social et ouvrier de son
époque. Aujourd’hui, les syndicats sont confrontés à leur incapacité à réussir syndiquer et à obtenir
une part de la richesse collective pour des milliers de bas salariés qui continuent de s’appauvrir au
Québec. Le mouvement récent aux États-Unis de regroupements des travailleurs des chaines fast-
food et le mouvement étudiant québécois du printemps de 2012, dans la rue, nous indiquent peut-être
qu’il est temps de réaligner la stratégie syndicale vers des luttes capables de rallier le plus grand
nombre de gens en quête d’une dignité économique et sociale apportée pas un travail payé à sa just3
valeur et exercé dans des conditions acceptables socialement.
FONDATION DE NOTRE JOURNAL SYNDICAL (JANVIER 1974)
En janvier 1974, c’est la première parution d’un journal produit par les travailleurs de l’hôpital «Journal
des travailleurs de l’hôpital St-Jean-de-Dieu» l’ancêtre des «P’tites nouvelles» actuelles. Cela fera
donc 40 ans en janvier 2014.
Sa publication est assurée par le Comité local d’Action Santé (CLAS) mais le journal est ouvert à
tous. Le syndicat estime que le journal est devenu nécessaire afin de mieux informer les membres de
leurs droits et de la c.c. Il se veut aussi un outil pour élaborer les activités syndicales que ce soit la
négociation nationale ou locale. L’exécutif syndical compte sur le journal pour préparer et stimuler la
participation aux A.G. Le problème de la participation des membres aux A.G. est préoccupation
constante dans l’histoire de notre syndicat et elle apparaît ouvertement dès le premier numéro du
journal. D’ailleurs le président du syndicat, Jean-Guy Jalbert, lance un appel à la solidarité et a une
participation plus grande que par le passé : «Ce n’est pas votre exécutif seul qui est en mesure de
régler (…) si vous ne vous appuyez pas» Une phrase qu’on pourrait reprendre intégralement
aujourd’hui.
À cette époque, l’hôpital est immense. Le syndicat veut pouvoir compter sur sa récente mise en
place de sa structure de délégués syndicaux dans chaque département (comme on dit à l’époque)
Cette structure organisationnelle date vraisemblablement du Front Commun de 1972. Les délégués
sont les «yeux et les oreilles» du syndicat partout dans l’hôpital e en retour l’exécutif espère qu’ils
deviennent l’indispensable courroie de transmission militante de toutes les actions syndicales. En ce
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sens, le nouveau journal apparaît comme un canal d’information et d’action interactif s’adressant à
tous. ″Le journal vise à expliquer les véritables rapports qui existent entre l’administration et les
travailleurs. Le journal n’est pas la courroie de transmission des positions de l’administration, mais un
moyen pour les travailleurs de s’informer et de s’organiser″ (JTSJD) (Février-Mars 1974, p.7)
Les promoteurs du journal estiment que celui-ci doit aussi servir à faire mieux connaître les luttes que
d’autres travailleurs mènent. C’est une période où le syndicalisme démontre sa capacité de
mobilisation de masse. Il existe déjà un grand sentiment collectif national de mobilisation au Québec
à cette époque. Chaque lutte est répercutée à travers tous les moyens d’information dont les
syndicats disposent, alimentant la mobilisation autour de ce qui semble une grande aventure
collective ou la transformation de la société et de notre milieu de travail apparait accessible possible
et atteignable.
Ce modeste premier numéro se définit lui-même en une seule phrase – magnifique – dont
plusieurs, encore aujourd’hui devrait s’inspirer : «il faut savoir s’organiser sin nous ne voulons
pas nous faire organiser» (p. 2). Il y a là : résumé, le programme politique et social de tous
les militants syndicaux qui ont animé ce syndicat depuis toutes ces années.
Comme pour faire écho à l’effervescence de cette période militante au Québec, le premier
éditorial se place d’emblée sur le terrain de la lutte politique nationale. Il s’attaque de front au
gouvernement Bourassa. Le titre : "Opposons-nous aux mesures de l’état" est
particulièrement éloquent. Le syndicat estime que Bourassa cherche à reprendre les gains
que les travailleurs ont obtenu lors du Front Commun de 1972, entre autres en voulant
imposer des frais de stationnement en augmentant le prix des repas ou en transformant une
partie des hôpitaux psychiatriques en centre d’accueil ce qui durait pour effet de couper les
salaires de plusieurs centaines de travailleurs au Québec. Une sorte désinstitutionalisation
avant la lettre!
Comme on le verra dans le numéro spécial, rien n’est tout à fait pareil aujourd’hui, mais tous
est étrangement semblable. Les luttes de 1974, nous concernent toujours car, selon les
péripéties de chacune, c’est notre histoire qui s’est écrit dans ce journal et cette histoire nous
avons le pourvoir de la redéfinir à toutes les époques. Un syndicat ça sert aussi à éclairer et
modifier collectivement les destins de ses membres pour que notre petite histoire fasse partie
de la grande.
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Parlant de «petite» histoire qui en révèle parfois une autre, cette anecdote, mentionnée en
dernière page du premier numéro. La direction du personnel de SSD s’est opposée à ce que
le syndicat adresse ses vœux de bonne année 1974 en utilisant le tableau syndical de
crainte, peut-être, que ceux-ci se réalisent. Dans ce premier numéro, le syndicat souhaite
donc à tous les travailleurs une année de solidarité et de victoire face à «l’État des patrons»
(p.12). Le ton est donné.
ÉVOLUTION DE NOTRE JOURNAL DANS LES ANNÉES 1970
À sa création, en janvier 1974, le journal syndical s’appelle «Journal des travailleurs de
l’Hôpital Saint-Jean-de-Dieu». À partir du débat relatif à notre désaffiliation de SEHM pour
créer un syndicat autonome local affilié à la CSN EN 1975, la parution se fair plus rare. On
voit apparaître un bulletin ponctuel, souvent publié sous forme de tracts (parfois jusqu’à 2
pages «8 ½ x 14» brochées) qui porte le nom de «P’tites nouvelles».
Il est probable que les fonds nécessaires à la publication d’un journal régulier, fonds qui
étaient contrôlés par le SEHM, auquel notre syndicat était affilié, se sont taris à partir du
moment où l’AG EN MAI 1975, s’est prononcé pour la désaffiliation du SEHM. L’exécutif
local la probablement dû si tourner vers des moyens moins coûteux comme l’impression de
tracts à la place de journal régulier.
Le syndicat réussit quand même à en publier quelques-uns mais – surprise! – le journal est
parfois publié dans le format et la typographie typique des documents issus des groupes de
gauche maoïstes de l’époque. Là encore, on peut penser que certains militants syndicaux à
SJD ont utilisés les ressources logistiques «intéressés» d’une organisation d’extrême –
gauche très active à SJD, la Ligue communiste marxiste-léniniste du Canada (LCMLC), pour
«pallier» aux indisponibilités techniques et financières du syndicat… Le ton est aussi à
l’avenant à la fois très politisé et orienté à gauche le journal propose des analyses
économiques et politiques anticapitalistes qui le font fortement ressembler, pour certains
numéros, à des journaux comme La Forge! Ou En Lutte! Écrits par des intellectuels et des
militants expérimentés d’extrême-gauche.
Après la création de notre syndicat autonome actuel et le changement de nom de l’hôpital, le
jour prend son nom actuel de «P’tites nouvelles».
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Pendant les deux premières années de parution (1974-1975), on remarque plusieurs lettres
de lecteurs, souvent critiques. Mais avec le dur débat sur la désaffiliation du SEHM et la
radicalisation du discours lors du Front Commun de m19763, ces lettres disparaissent et le
journal présente un point d vue plus «unilatéral».
À cette époque, la majorité des articles ne sont pas signés. Par ailleurs,, il est difficile
d’expliquer l’absence dans nos archives des numéros des P’tites nouvelles après le 24 août
1977. Le journal a-t-il été publié et si non pourquoi? Nous invitons les lecteurs qui auraient
des informations à ce sujet à communiquer avec nous.
LE 1ER MAI 1974 : RÉOUVERTURE DES CONVENTIONS COLLECTIVES
Ce n’est véritablement qu’en 1973 que la fête internationale des travailleurs (euses)
redevient une grande fête politique et sociale et une expression de solidarité ouvrière au
Québec. Depuis la 2e G.M. c’est plutôt la fête du travail qui est jusqu’alors fêté au Québec.
C’est l’emprisonnement des 2 chefs syndicaux en 1973, suite au Front commun de 1972, qui
favorise de nouveau rassemblement des travailleurs sur leurs propres bases historiques
(cette fête remonte en effet au massacre de Haymark et lors de la grève générale de
Chicago le 1er 1986). Les travailleurs et le peuple québécois vont à nouveau en faire un
rendez-vous annuel militant, particulièrement durant la décennie 1970 où les luttes sont
particulièrement longues et violentes.
De plus, cette décennie 70 est très fertile en occasion de protester. La crise économique
hyper-inflationniste qui marque cette période de gruge le pouvoir d’achat de tous les
travailleurs même ceux qui, comme dans les hôpitaux sont syndiqués et ont réussi à arracher
d’importantes augmentations au gouvernement Bourassa en 1972.
Le 1er mai 1974 est donc placé d’emblée sur le thème de la lutte contre la vie chère et la
hausse du coût de la vie. La stratégie préconisée va bien au-delà des protestations verbales.
Les syndicats exigent la réouverture de leurs C.c. et la pleine indexation des salaires, tout
simplement parce que les travailleurs n’arrivent «n’arrivent plus» avec les augmentations.
Cette position politique apparait déstabilisatrice pour le patronat et le gouvernement, mais
surtout, elle génère un potentiel mobilisateur énorme susceptible de rallier un très grand
nombre de citoyens, syndiqués ou non, qui tous, sont et rongés par l’inflation.
40e P’Tites nouvelles Page 12
Le 1er mai 1974, les travailleurs débraient dans d nombreuses usines ainsi qu’un peu partout
dans le secteur public, dont à SJD. Plusieurs manifestations ont lieu pour l’indexation et la
réouverture des c.c.. À Joliette, l’ensemble des travailleurs en lutte et ceux qui ont réussi à
imposer leurs revendications (Firestone, Canadian Gypsum, Great Lakes) se retrouvèrent au
coude à coude dans les rues sans distinction de centrale syndicale. À Valleyfield, la
mobilisation pour l’indexation suscite la formation d’un front commun régional dans les
semaines suivantes.
Cette mobilisation du 1er mai a été précédée en mars 1974 d’un sommet intersyndical qui a
ouvert les hostilités contre le patronat et le gouvernement sur cette question et qui est à
l’origine de la revendication visant à rouvrir les c.c.
En octobre 1974, le JTSJD (vol 2 no. 2), ;écrit ceci :
Qui sont les véritables responsables de l’inflation? C’est la classe des capitalistes, qui n’en finit pas d’empiler des profits en augmentant ses prix. De janvier à juin 1974, les profits de l’ensemble des industries canadiennes étaient de 45% plus élevés qu’à la même date l’année dernière. Certaines industries sont encore plus voraces que les autres : les raffineries de pétrole, qui nous feront payer leur huile a chauffage 61% plus cher qu’au début de l’hiver dernier, ont augmenté de 81% leurs profits.
Beaucoup de travailleurs l’ont compris. Au Québec, seulement, plus de 520 syndicats, regroupant près de 500 000 travailleurs, ont demandé la réouverture de leur convention collective. Ils veulent négocier dès maintenant, sans attendre la fin de la convention, des réajustements de salaires face au coût de la vie
Des travailleurs l’ont fait. Par exemple, ceux de la Dominion Textile à Valleyfield, ou ceux de la CTCUM. Ils se sont mis en grève pour obtenir l’indexation de leur salaire au coût de la vie. Selon la loi des patrons, de telles grèves étaient illégales : la loi du travail ne permet opas de fair4 la grève pendant la durée d’une convention collective. Mais ces travailleurs ont fait la grève quand même.
On aime raconter en certains patronaux de l’époque très exactement ce que l’on entend
encore aujourd’hui : les travailleurs du secteur public n’ont toujours désiré qu’une chose; soit
de s’accaparer d’une part (trop) importante d’un gâteau économique, qui lui se rétrécit,
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pénalisant la population, incapable de s’enrichir au même rythme. Effectivement, la stratégie
syndicale consistait clairement à cette époque à faire du secteur public la locomotive capable
d’entraîner dans son sillage une hausse salariale généralisée dans toute la société et le
secteur privé. Et ça a marché.
Aujourd’hui, le pouvoir d’achat de l’ensemble des travailleurs québécois n’a presque pas
augmenté en terme réels et; en certains ca; même régressé depuis les 20-25 dernières
années; soit depuis que le secteur publie a été mis a pas par des lois répressives et des
décrets. En 2013, le secteur public en est réduit à suivre le convoi alors qu’on tente de nous
faire croire que le moindre avantage qui nous est consenti est une insulte à la population.
JTSJD mai 75 p. 5
En août 1974, le Conseil du Patronat (association qui
regroupe la plupart des patrons du Québec) a fait savoir
qu’il ne voulait pas que les conditions de travail des
employés du secteur public dépassent celles des
travailleurs du secteur privé. Les patrons savent fort bien
que si nous arrachons des meilleures conditions de
salaire et des salaires élevés, nos confrères travailleurs
du secteur privé les revendiqueront à leur tour, et ceci ne
plait pas du tout aux patrons.
LA LOI C-73 : UNE RÉPONSE ANTISYNDICALE DU GOUVERNEMENT À L’HYPERINFLATION (OCTOBRE
1975)
Face à la crise hyper-inflationniste des années 70, les syndicats réussissent à combler en
partie la perte du pouvoir d’achat des travailleurs en réclamant la pleine indexation de leurs
salaires et par la réouverture des c.c... En 1974 et 1975. En février 1976, le JTSJD offre à
ses électeurs une intéressante analyse
Il souligne d’abord que ces luttes syndicales pour l’indexation ont connu certain succès.
Elles ont cependant nécessité la tenue de grèves très longues et dures. Au fédéral et au
Québec ce climat d’affrontement n’augure rien de bon pour le gouvernement et le patronat à
la veille des négociations dans le secteur public de 1976. Les salaires du secteur privé, à
cette époque, sont largement influencés à la hausse par la puissante locomotive du secteur
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public. Du point de vue patronal, la perspective d’une hausse généralisée des salaires en
période hyper-inflationniste constitue "le scénario" catastrophe par excellence.
En octobre 1975, Trudeau fait donc voter la loi C-73; loi sur le contrôle des prix et des
salaires. Son but est de "réglementer l’inflation en contrôlant les hausses salariales et
supposément les prix". La loi cherche à "baliser" les hausses salariales pour à la fois mieux
prévoir l’évolution de l’inflation et orchestrer "par avance" une stratégie visant à encadrer et à
contrer l’impact défavorable, sur le taux de profit des entreprises, de la stratégie syndicale de
réouverture des c.c. Bourassa que Trudeau a déjà publiquement méprisé en le traitant de
«mangeur de hot dogs» emboîte le pas avec la loi-sosie 64.
Or ces lois prévoient tout particulièrement le contrôle des salaires les organismes de l’état
(agences, municipalités, organismes parapublic, commissions scolaires, hôpitaux, etc…)
Elles visent aussi le contrôle des salaires dans les secteurs de la construction, considéré
comme vital pour l’économie; et les usines employaient 500 personnes et plus dont
beaucoup sont syndiquées évidemment. On vise clairement à arrêter la locomotive syndicale
et à laisser circuler les convois à vitesse contrôlée donc réduite. Les plus petits et les gros
salariés sont énormément exclus de la loi.
Quant au contrôle des prix…ils sont autorisés à augmenter si les coûts ou les dépenses (prix
de revient) des compagnies augmentent ! Évidemment, le prix de revient tient compte de la
"nécessaire" marge de profit prévue dans toute bonne entreprise. Ces dispositions assurent
donc les entreprises de pouvoir maintenir cette marge à peu près au même niveau. Il faut
rappeler qu’en 1974, le taux global des bénéfices des entreprises canadiennes dépasse déjà
de 138 % le niveau de 1970 alors même que beaucoup de canadiens et de québécois
s’appauvrissent.
Mais la loi C-73 révèle clairement sa véritable nature en excluant du contrôle des prix les
secteurs de l’alimentation, du gaz naturel, de l’huile à chauffage et de l’électricité, tous
gravement affectés par l’hyperinflation. Or à quoi pensez-vous peuvent bien servir les
augmentations salariales des ménages si ce n’est justement le paiement des services de
première nécessité qui sont précisément exclus des lois C-73 et 64 !
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Ajoutons pour faire bonne mesure, que le salaire minimum qui devait être porté à 2,90 $
l’heure le 1er novembre 1975 est maintenu à 2,80 $ (une fortune!) par le gouvernement
"BOUBOU".
Et, pour mieux illustrer le ton d’affrontement de l’époque; une déclaration de Trudeau citée
dans le JTSJD de février 1976 :
Citons par exemple une déclaration du chef du gouvernement :
"Nous mettrons quelques dirigeants syndicaux en prison pour trois ans, et les autres ne tarderont pas à comprendre".
(Pierre E. Trudeau sur les ondes de C.F.R.B à Toronto le 26 octobre 1975).
NAISSANCE D’UN SYNDICAT MILITANT À LOUIS-HIPPOLYTE-LAFONTAINE – 1975
En mai 1975, les travailleurs (euses) de l’Hôpital SJD, décident de quitter le Syndicat des
employés d’hôpitaux de Montréal (SEHM). Celui-ci regroupe à ce moment là, dix hôpitaux à
Montréal dont l’Hôpital Notre-Dame et l’Hôpital Louis-H. Lafontaine. C’est le comité du
journal qui assume le leadership pour faire passer cette décision en A.G., fort possiblement
contre la volonté d’une partie de l’exécutif local à Louis-H. Lafontaine. Ce qui est sûr, c’est
que ce vote constitue le premier jalon du processus de désaffiliation du SEHM, lequel
processus ne sera complété qu’en février 1976. Ce vote historique est précédé d’un débat
nourri par de nombreux articles dans le JTSJD qui tous, illustrent l’importance de l’enjeu :
l’avenir d’un des plus gros syndicats hospitaliers de la province.
Le conflit est déclenché lorsque le SEHM décide de ne pas payer ses cotisations aux
diverses instances de la CSN car il est opposé aux hausses de celles-ci, votées en congrès.
En 1975, la CSN est elle-même plongée dans une crise financière causée par une
augmentation sans précédent des grèves, ce qui entraine l’épuisement du fond de dépense
professionnelle (FDP). Le FDP regroupe les fonds réservés aux paiements des indemnités
pour les grévistes ainsi qu’aux paiements des amendes et frais judiciaires. Il est financé par
une part préétablie des cotisations de chaque syndiqué (e). La politique combative de la
centrale contribue à "stimuler" la hausse des conflits. Cette orientation politique de gauche
transforme le débat qui s’engage bien au delà d’une simple question "d’argent".
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Dans l’opposition de plusieurs syndicats à la hausse des cotisations, il y a aussi, d’une
certaine façon, un questionnement sur l’orientation politique de la centrale. En vertu de ses
statuts, la CSN suspend près de 20 000 membres : infirmières, fonctionnaires municipaux de
Montréal, professionnels du gouvernement, employés (es) de la SAQ, etc… qui refusent de
payer leurs cotisations. Si ce refus persiste, c’est l’expulsion…
Cette décision du SEHM risque donc "d’obliger" les travailleurs (euses) de LHL à quitter la
CSN puisque le "syndicat de SJD" ne constitue qu’une section du SEHM et n’est pas un
syndicat autonome directement affilié à la Centrale. C’est à partir de ce vote de l’AG de mai
1975 que la véritable lutte s’engage. Deux issues sont possibles : soit le maintien du statu
quo et un éventuel retrait de la CSN ou, au contraire, au vote majoritaire, encadré
légalement, en faveur de la création d’un syndicat autonome au sein de la CSN. La lutte sera
féroce !
En cette période de crise hyper-inflationniste au Québec, la précarité des salaires et le
maintien du pouvoir d’achat préoccupent tout le monde. La hausse des cotisations à cet
égard n’est pas facile à défendre.
Sous-titre : 1966 : Le point tournant
Le conflit constitue l’aboutissement d’un processus politique qui trouve paradoxalement sa
source dans la lutte victorieuse menée en 1964 par le SEHM!
Cette année là, le SEHM déclencha, en plein mois de juillet, une grève de cinq heures, qui
va mettre les organisations patronales des hôpitaux, littéralement K.O. La grève, à laquelle
participe massivement les travailleurs (euses) de SJD, permet d’obtenir des gains majeurs
(voir chronologie 1964). Mais surtout, la grève introduit, sans que personne à l’époque n’en
saisisse toutes les conséquences, un changement radical de la dynamique du pouvoir entre
le gouvernement et les travailleurs (euses).
Depuis la deuxième GM, un système d’arbitrage obligatoire régissait tous les conflits dans
les hôpitaux qui, évidemment, n’avaient pas le droit de grève. Le rôle du gouvernement se
limitait surtout à subventionner les hôpitaux et à faire respecter les lois propres au secteur
hospitalier un peu comme il le faisait ailleurs dans la société.
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En 1964, en décidant d’utiliser massivement leur rapport de force pour imposer
victorieusement leurs revendications, les travailleurs (euses) du SEHM "cassent"
définitivement le vieux système d’arbitrage. C’est donc le gouvernement; le bailleur de fonds,
qui, à partir de 1964, est contraint à l’OBLIGATION de se mêler des conflits et est
directement interpellé.
Dès l’année suivante, en 1965, la c.c. de Montréal est graduellement étendue aux autres
régions de la province. Elle constitue pour des milliers de travailleurs (euses) leur petite
révolution tranquille "à eux"! La c.c. de Montréal contribue de façon majeure à la réduction
des écarts salariaux et à la hausse des conditions de travail inter et extra régionaux. C’est
lors de la grève générale victorieuse de 22 jours dans le secteur des Affaires sociales en
1966 qu’une c.c. unique provincialement est officiellement signée (Voir chronologie -1966). À
SJD, les travailleurs passent de 48 heures de travail hebdomadaire en 1964 à 36.5 heures
dans la c.c. de 1966 soit 12.5 heures de moins par semaine.
En 1966, les associations patronales sont mises à l’écart; le gouvernement devient le
négociateur central. On a entendu dire parfois que dans les trois (3) fronts communs
des années 70 (1972-1976-1979), les syndicats ont choisi de se regrouper dans le
seul but de s’opposer au gouvernement. C’est vrai, mais c’est aussi l’obligation de
regrouper, après 1966, les forces sur le terrain, face à un gouvernement uni et
puissant, qui dicte l’agenda syndical et qui prépare les grands affrontements en front
commun de la décennie suivante. Ce changement politique va avoir des
conséquences majeures pour le SEHM. À partir de 1966, ce ne sera plus lui qui va
négocier pour les travailleurs de SJD et des hôpitaux qu’il représente, mais la
Fédération nationale des services (l’ancêtre de la FSSS actuelle). Face à un
gouvernement national, la CSN s’adapte pour opposer des forces syndicales à la
même échelle.
En octobre 1974, le JTSJD ; écrit ceci :
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"D’autre part, un tract anonyme rempli de faussetés et d’attaques contre la FAS et la CSN a été distribué dans tout l’hôpital dans le but de nous monter contre la CSN et de nous faire voter contre la hausse. Toutefois, le SEHM, qui n’a pratiquement pas de rôle en tant que syndicat dans la défense de nos intérêts n’a même pas été critiqué. Bizarre ! Ces personnes, bien qu’elles soient peu nombreuses, font le jeu de l’administration. Certains travailleurs ont même pensé que le tract avait été produit par l’administration."
SOUS-TITRE :CSN-SEHM : Deux visions différentes du syndicalisme En 1975, à SJD, le débat sur les cotisations devient donc indissociable du débat sur leur
utilisation par le SEHM et la CSN. La concentration des forces syndicales qui, au sein de la
centrale, est engagée dans une perspective de combat, plutôt que d’accommodement;
nécessité des moyens financiers accrus à tous les niveaux. La prochaine négociation dans la
Santé en 1976 risque d’être très difficile et va nécessiter une coordination et des moyens
financiers et organisationnels sans précédent.
En fait, derrière un débat chiffré sur la hausse des cotisations se profile un affrontement sur
le type même de syndicalisme pratiqué à SJD. Un syndicalisme de combat ou
d’accommodement; un syndicat autonome dirigé par un exécutif local élu et des assemblées
générales souveraines ou un syndicat à section, dirigé par un conseil d’administration formé
de représentants (es) de chaque hôpital qui élit lui-même l’exécutif sans que les AG locales
n’aient voix au chapitre. Au SEHM, le budget alloué et la stratégie mise de l’avant sont
décidés au CA et non en A.G. locales.
Plusieurs s’interrogent sur la pertinence du SEHM dans le contexte ou c’est la FNS-CSN qui
dirige véritablement les négociations. Si plusieurs se demandent pourquoi payer plus à la
CSN; la majorité se demandent plutôt pourquoi payer au SEHM et pour quels services en
retour? SJD est le seul hôpital psychiatrique au SEHM et son plus gros syndicat. La CSN
regroupe les autres hôpitaux psychiatriques et la majorité des travailleurs (euses) de la santé
de la province.
De plus, plusieurs remettent en question l’honnêteté et les pratiques de la direction du
SEHM. Un grave affrontement entre les travailleurs (euses) de l’Hôpital Notre-Dame, la
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direction du SEHM, contribue à discréditer la direction de ce dernier et alimente un débat
déjà très polarisé.
"LE SEHM EST ANTI-DÉMOCRATIQUE
Au niveau des décisions, elles sont prises par un Conseil d’administration de 25 personnes
provenant des 10 hôpitaux sans que les Assemblées Générales puissent dire quoi que ce
soit. De plus, le C.A. a diminué le nombre de nos représentants (ainsi quà Notre-Dame) bien
que nous soyons déjà sous-représentés. Il faut dire que ces 2 sections s’opposaient aux
dirigeants du SEHM en voulant démocratiser ses structures."
Journal des travailleurs de St-Jean de dieu
VOL. 2 NUMÉRO SPÉCIAL SEPTEMBRE 1974
DOSSIERS POUR ÊTRE PLUS FORT, IL FAUT DEMEURER
À LA CSN
SEHM : SYNDICAT POURRI
SEHM : CONTRÔLE PAR DES DIRIGEANTS CORROMPUS
Quant à nos cotisations, elles sont administrées par l’exécutif du SEHM sans que nous
puissions décider de leur utilisation. Dans les faits, jusqu’à présent, nos cotisations ont
beaucoup plus servi les intérêts personnels de certains dirigeants que ceux des travailleurs…
Le syndicalisme, on ne doit pas s’en servir pour se faire une belle carrière ou avoir une
bonne "job". Ce ne sont pas des hommes d’affaires dont nous avons besoin, mais des
militants syndicaux qui prennent le temps qu’il faut pour défendre correctement nos intérêts.
Le 8 mai 1975, le JTSJD écrit ceci :
Dernièrement, le SEHM a commencé à faire courir
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des rumeurs sur l’autonomie pour tenter de "faire peur" aux travailleurs. Dans la lettre qu’ils ont envoyé à tous les travailleurs, et par les bruits qu’ils font courir dans l’hôpital, le SEHM dit que : si l’on signe des cartes, on se retrouve pas de syndicat, que les cotisations vont monter peut être même jusqu’à $18.00 par mois, qu’on va quitter la CSN. Tout ça c’est des mensonges, une façon malhonnête pour essayer de nous "faire peur".
On est donc loin d’ici d’un "simple" débat "sur l’argent" des cotisations. La majorité des
travailleurs (euses) de SJD décide qu’il est temps de se prendre en main et d’exprimer notre
force en prenant, entre nos mains, le pouvoir de décider de nos propres orientations et de
façonner notre avenir. C’est en février 1976, après bien des délais et alors que s’amorce la
lutte du 2e Front commun, que la nouvelle accréditation est enfin accordée, marquant la
"nouvelle naissance" d’un syndicat qui, au sein de la CSN, est reconnu depuis pour sa
tradition combative et critique ainsi que son identification à l’aile gauche de la centrale.
LE FRONT COMMUN DE 1976
Le Front commun de 1976 regroupe 185 000 salariés (es) des secteurs publics et
parapublics. Il est construit en apparence sur des bases semblables à celles de 1972 et
répond à des conditions structurelles de négociations similaires; par exemple : la
centralisation au plus haut niveau des forces syndicales et patronales. Cependant, en réalité,
beaucoup de choses ont changé depuis 1972.
Le bilan politique du premier Front commun a été lourd pour le membership de la CSN suite
aux désaffiliations qui ont suivi et à la crise financière et politique liée aux hausses de
cotisations. L’unité d’action syndicale n’est pas non plus acquise. Que ce soit pour des
raisons liées aux calendriers de négociations ou à la mobilisation de leurs membres, toutes
les centrales n’en sont pas nécessairement au même point d’action. Les objectifs de
négociations et la volonté d’aller "jusqu’au bout" varient malgré l’unicité apparente du
discours. Il y a aussi des divergences potentielles liées à une longue tradition de
ressentiment et de maraudage. Or, le gouvernement à lui aussi appris de son expérience de
'72. Sa stratégie va largement consister à mettre à profit ces divergences potentielles et à
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tenter de profiter de la division pour casser la solidarité du Front commun et régler à la pièce,
secteur par secteur. D’ailleurs, plusieurs militants (es) critiquent la volonté réelle des
directions syndicales de réaliser véritablement, sur le terrain, cette unité d’action. De plus, le
gouvernement sait très bien que les directions syndicales ne peuvent incarner par elles
mêmes une véritable alternative politique même si elles multiplient les attaques contre la
légitimité du gouvernement.
En effet, la majorité des dirigeants syndicaux sont mal préparés à jouer un rôle politique
partisan, entre autres, parce que la culture historique du mouvement syndical au Québec est
dominée traditionnellement par un activisme non partisan et (supposément) politiquement
non engagé. Contester la légitimité des décisions d’un gouvernement impopulaire est une
chose, mettre tout en œuvre pour le "battre" sur le terrain alors même qu’on ne se veut pas
soi même une alternative politique véritable au pouvoir libéral, en n’est une autre. De plus, la
présence au sein même de la gauche syndicale modérée de l’influence grandissante du Parti
Québécois; qui lui se présente comme une véritable alternative; "interdit", en quelque sorte
de contester la légitimité même de "l’état capitaliste" alors même que beaucoup de militants
syndicaux aspirent à "prendre le pouvoir" en utilisant le véhicule péquiste pour transformer
l’état du Québec socialement et politiquement.
Ce 2e Front commun souffre donc, dès le départ, d’un accouchement difficile. La
revendication salariale majeure du Front commun de 1976 consiste à porter le salaire
minimum hebdomadaire à 165 $.
Conformément à sa stratégie, le gouvernement Bourassa conclu en décembre 1975, une
entente à rabais avec le syndicat des 35 000 fonctionnaires provinciaux, celui là même qui
s’est désaffilié de la CSN en septembre 1972. Il tente par la suite d’imposer ce règlement à
tous les autres employés (es).
Le Front commun décide d’éviter, au départ, un affrontement direct et prolongé en n’utilisant
pas la grève générale illimitée. Il privilégie plutôt une stratégie "d’harcèlement" par des
grèves générales de 24 heures rotatives et par secteurs. À dix (10) reprises, le Front
commun va déclencher ces grèves de 24 heures. Malheureusement, rien ne débloque
vraiment et cette stratégie n’a visiblement pas d’effet sur la détermination du gouvernement.
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D’ailleurs, celui-ci est en mode offensif. En décembre 1975, il fait voter la Loi 253 sur le
maintien des services essentiels dans les hôpitaux et en avril 1976, il adopte la Loi spéciale
23, obligeant le retour au travail des enseignants. Cette attitude va se heurter à une vive
résistance des travailleurs (euses) non seulement, ceux-ci vont continuer de désobéir aux
injonctions mais ils vont aussi désobéir aux deux lois malgré les menaces d’amendes et
d’emprisonnement. À quatre reprises, les travailleurs (euses) débraient pour 24 heures en
défiant la loi. Dans beaucoup d’hôpitaux, ce sont les travailleurs (euses) eux-mêmes qui vont
dresser leurs propres listes de services essentiels et qui vont s’occuper de la faire respecter.
Devant l’impasse qui persiste, des discussions ont lieur entre les directions syndicales pour
établir la stratégie à suivre. La CSN et la FTQ penchent vers le déclenchement d’une grève
générale illimitée alors qu’à la CEQ, échaudée par le décret de 1972, on favorise la poursuite
des grèves de 24 heures. C’est alors que le Front commun commence à s’effriter.
En juin 1976, les travailleurs (euses) des Affaires sociales en ont assez du "harcèlement" et
décident, seuls, de déclencher une grève générale illimitée le 18 juin 1976. Au bout de 36
heures, ils réussissent à arracher une entente pour une cc.
Alors que la fin de l’année scolaire survient,, les enseignants de la CEQ n’ont d’autre choix
que de reporter la poursuite de la lutte à la rentrée. Cependant, à l’automne 1976, ils
accepteront finalement les offres patronales.
L’ordre dispersé et de plus en plus clairsemé de la ligne de front apparait clairement à la
reprise de l’automne '76. Les enseignants du secteur anglo-protestant vont tenter de résister
en faisant une grève de deux semaines en octobre pour n’obtenir finalement que la parité
avec la CEQ.
Comme c’est malheureusement l’habitude depuis qu’elles ont quitté la CSN, les 5 500
infirmières de la FIQ font une grève "solitaire" de 17 jours en août 1976 avant de se faire
casser par une nouvelle loi spéciale du gouvernement Bourassa, la Loi 61.
"Une fois la convention signée et les syndicats affaiblis, pousser les administrations locales à
appliquer au plus vite des mesures visant à augmenter le fardeau de nos tâches.
Dans ce contexte, il faut s’attendre à un autre aspect de la tactique du gouvernement :
chercher à nous diviser à l’intérieur même du Front commun, en proposant des offres de
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salaire variables selon les classifications. Par exemple, il pourrait proposer des
augmentations respectables aux infirmières, pour les inciter à sortir du Front commun et
briser ainsi l’unité.
L’ENTENTE CONCLUE ENTRE LE GOUVERNEMENT ET LA CARTEL DES AFFAIRES SOCIALES
Force est d’admettre que la stratégie de la grève générale illimitée dans les Affaires sociales,
CSN est peut être la seule qui se soit avérée gagnante pour les différents groupes du Front
commun. Mais, plusieurs gros syndicats de Montréal, dont celui de Louis-H. Lafontaine, sont
mécontents du résultat.
D’ailleurs, aussitôt l’entente de principe conclue, le comité de négociation nationale des
Affaires sociales lance le mot d’ordre de retour immédiat au travail. Le comité de stratégie
régionale de Montréal décide de ne pas le suivre tant que les AG ne se seront pas
prononcées.
Le lundi 21 juin, l’AG des travailleurs (euses) de Louis-H. Lafontaine est convoquée.
Constatant que la seule véritable opposition provient essentiellement de Montréal, que le
reste de la province est déjà largement de retour au travail et qu’il serait suicidaire de
poursuivre la grève générale de façon isolée, l’AG accepte l’entente de façon globale, tout en
y mettant des conditions.
Notons que l’entente intervenue est supérieure à celle qu’ont obtenue les fonctionnaires en
décembre 1975 alors qu’ils ont réglé "sans faire la grève". De plus, le gouvernement
Bourassa, en la concluant, à lui-même dépassé pour certaines catégories d’employés (es)
(dont les aides de service), les normes de sa propre loi anti-inflation, la Loi 64.
CLAUSES SALARIALES
ANNÉES POURCENTAGE (%)
1974-75 12 À 13 %
1975-76 8 %
1976-77 6 %
1977-78 6%
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L’entente inclut une clause d’indexation en pourcentage du taux d’inflation. Notons qu’étant
donné l’hyperinflation, le Front commun demandait un relèvement, dès la première année et
ce, de 25.9 %.
Le 165 $ hebdomadaire minimum ne sera atteint qu’en 1977-78.
La demande syndicale d’un salaire égal pour un travail égal est acceptée sauf pour les
entretiens ménagers.
Le Front commun visait également la réduction des écarts salariaux. Là-dessus, l’entente
dans la Santé constitue un gain important pour les plus bas salariés du réseau. Ainsi, parmi
ceux-ci, on retrouve les aides de service, un groupe presqu’exclusivement féminin. Celles-ci
vont obtenir une hausse de 19.1 % en 1974-75.
CLAUSES NORMATIVES
C’est globalement le statuquo incluant la liberté d’action syndicale. Dans les circonstances,
ce statuquo représente un gain pour le gouvernement. La possibilité pour les administrations
locales de couper leurs dépenses en charcutant la structure de postes, en ne remplaçant pas
les absences ou en "gérant" en sa faveur les fardeaux de tâches demeurent "intactes".
VACANCES
L’objectif de quatre (4) semaines de vacances payées après un an de service est gagné (à
partir de 1978).
La prime de psychiatrie est doublée à Louis-H. Lafontaine, les conditions d’acceptation de
l’entente votée lors de l’AG, exigent que le comité exécutif du syndicat les présente au
Conseil fédéral de la F.A.S. le 26 juin pour qu’elles y soient débattues.
Essentiellement, les travailleurs (euses) de LHL craignent que l’entente ouvre davantage la
porte à une plus grande mobilité du personnel quant à la définition de poste et lors des
mutations volontaires et demandent que ces clauses soient renégociées. De plus, le STLHL
exige que tous les militants congédiés ou lockoutés, partout au Québec, dont l’Hôpital
Maisonneuve-Rosemont à Montréal soient réengagés avant toute signature de la convention
collective.
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Le 26 juin, le Conseil fédéral de la F.A.S. accepte l’entente de principe à 65 % sans
qu’aucune des conditions exigées par notre syndical ne soient satisfaites.
Une citation tirée du JTJD d’octobre 1975; donc, tout juste avant le déclenchement de la lutte
du Front commun, nous démontre que notre syndicat possédait une analyse étonnamment
juste quasi prémonitoire, de ce qui allait se produire : Mais le gouvernement ne cherche pas
à nous faire reculer seulement au niveau des salaires. Il est clair qu’il tient à nous faire
reculer aussi sur le terrain de la sécurité d’emploi et des avantages sociaux, pour appliquer
plus facilement les mesures visant à augmenter le fardeau de nos tâches, comme la mobilité
du personnel. Toutefois, la politique des dernières années visant à faire appliquer ces
mesures par l’intermédiaire des administrations locales pendant la durée de la convention
semble donner des résultats à la condition que les syndicats soient faibles et affaiblis, que les travailleurs aient plus de difficulté à se défendre…
Il est intéressant de noter que le syndicat de LHL avait aussi un gros atout pour se mobiliser,
ce que le comité exécutif actuel n’a pas ou à tout le moins n’a pas dans la même proportion :
un conseil syndical ultra-mobilisé à la fois chien de garde de l’exécutif et centre d’exercice du
pouvoir de la base.
Aujourd’hui, nos camarades de l’exécutif se sentent souvent bien seuls. Plusieurs syndiqués
(es) semblent parfois les considérer comme les agents d’assurances. " Je paye, donc
protégé moi !". Le reste du temps, on ne veut pas être trop "dérangé" par le syndicat, on s’en
occupe peu. Or, il n’existe pas d’assurance pour la défense de nos droits si on ne s’en
occupe pas solidairement avec nos représentants. Essayez juste d’imaginer négocier
INDIVIDUELLEMENT, les augmentations décrites ci-après, ça risque de tempérer un
discours antisyndical qu’on entend parfois au sein de notre propre syndicat.
1. INFIRMIÈRES AUXILAIRES
1er échelon 1974-75 112.83 $
1978-79 180.53 $
Trois (3) échelons rajoutés à partir de juin 1975.
Dernier échelon 1978-79 255.56 $
2. ÉDUCATEUR
1er échelon 1974-75 145.79 $
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1978-79 251.88 $
5e échelon 1974-75 234.58 $
1978-79 363.48 $
3. RÉCEPTIONNISTES
1er échelon 1974-75 101.50 $
1978-79 170.80 $
4e échelon 1974-75 116.56 $
1978-79 178.85 $
4. ENTRETIEN MÉNAGER
1974-1975 114.69 $
1978-1979 187.55 $
5. BUANDERIE
1974-75 125.56 $
1978-79 209.49 $
6. PRÉPOSÉ (E) AUX MALADES (PAM)
1er échelon 1974-75 107.88 $
1978-79 175.45 $
5e échelon 1974-75 127.71 $
1978-79 201.19 $
7. AIDE ("FÉMININ") DE SERVICE
1974-75 103.67 $
1978-79 175.95 $
LE CONSEIL SYNDICAL VA DIRIGER LA LUTTE
Afin que le contrôle de la lutte soit plus démocratique qu’en 72, c’est le Conseil Syndical,
c’est-à-dire les représentants des travailleurs de chaque département qui aura la direction de
la lutte. La direction de la lutte ça ne veut pas dire qu’il n’y aura pas d’assemblée générale !
Au contraire, le Conseil Syndical aura la responsabilité de nous proposer en Assemblée
Générale une stratégie d’action et des moyens de pression. Ce sera à nous tous d’en décider
et à charger le Conseil Syndical d’appliquer nos décisions et d’organiser les moyens de
pressions.
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LE TRAVAIL QUOTIDIEN À L’HÔPITAL ST-JEAN-DE-DIEU IL Y A 40 ANS
Il y a déjà près de 40 ans, les travailleurs (euses) qui œuvraient auprès de la clientèle de
SJD exerçaient leur travail dans des conditions qui nous apparaissent très lourdes
aujourd’hui. Pourtant, au fil des nombreux articles recensés pendant cette période, on est
étonné de se trouver en face des mêmes thèmes voire des mêmes interrogations auxquelles
sont confrontés les travailleurs (euses) de 2013.
Le discours patronal, hier comme aujourd’hui demeure une façon pour les cadres et la
direction, de justifier leur soumission aux impératifs financiers et administratifs du
gouvernement en s’imaginant - tels des génies de village - trouver une formule alchimique
qui réussirait à faire passer ce qui est "laid" pour du "beau" créatif. Aujourd’hui, les patrons
sont plus nombreux pour beaucoup moins de lits, beaucoup plus diplômés, beaucoup mieux
payés et surtout, supposément, plus "scientifique" et "sociologique" dans leur approche…
Pourtant, il y a 40 ans, les travailleurs (euses) se plaignaient, tout comme aujourd’hui, des
fardeaux de tâches qui étaient, en effet, considérables, et se montraient préoccupés
d’assurer leur sécurité face aux nombreuses agressions dont ils étaient victimes. À chaque
fois, on retrouve le même discours patronal justificatif qu’on nous rabâche encore aujourd’hui
mais, en quelque sorte, adapté à l’époque des années '70'. La différence c’est
qu’aujourd’hui, on prétend presque que les patients et les citoyens réclament eux-mêmes à
cor et à cri, la réduction de l’encadrement thérapeutique et des services, question sans doute
d’affirmer leur supposée "pleine citoyenneté". Dans le fond, le discours financier, hier comme
aujourd’hui, dicte tout simplement l’agenda, bien au delà du charabia vertueux présenté en
couleur High teck dans des salles de conférence aseptisées.
Mais, reportons nous plutôt en 2013, non en … 1974… à moins que se voit le contraire !.
FARDEAUX DE TÂCHES DANS LES UNITÉS DE SOINS
Au milieu des années '70', beaucoup de "départements" comptent encore 50 patients et plus
dans des locaux exigus. La majorité des salles ne sont pas mixtes. Dans les salles "de
femmes", ce sont essentiellement des travailleuses qui y œuvrent. À cette époque, leurs
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conditions de travail et même de salaires restent encore inférieurs aux travailleurs masculins
qui exercent le même boulot dans les salles "d’hommes". La parité salariale ne sera atteinte
qu’au cours de la convention collective obtenue en 1972.
En 1974, à la Salle Ste-Antoinette, il y a 52 patientes d’une moyenne d’âge de 73 ans dont la
moitié sont impotentes ou grabataires. Elles sont soignées par huit (8) PAM (préposées aux
malades). Or, elles ne sont pas réellement huit sur le "plancher". L’administration préfère soit
laissé les postes vacants sans titulaire, ne pas afficher des postes ou carrément ne pas
remplacer les absentes. Une attitude patronale qui se vit encore 40 ans après.
Comme dans TOUTES les "salles de femmes", les PAM font aussi, à cette époque, le travail
de ce qu’on appelle (c’est le nom officiel) "aide féminin de service", c’est-à-dire qu’elles
doivent s’occuper de l’entretien ménager, de la couture, du repassage et de la cuisine.
Beaucoup de "salles d’hommes" ont semble-t-il, droit à une "aide féminin de service" en plus
des PAM réguliers, ce qui dispense les hommes de faire les tâches supplémentaires
imposées aux préposées féminins…
Selon les travailleuses de Ste-Antoinette, le temps imparti pour laver chaque patiente : 4 ½
minutes. Une espèce de "méthode Toyota" avant l’heure !.
Une situation semblable est dénoncée à la Salle St-Patrice. Cinq (5) P.A.B. et une "aide
féminin de service" prennent charge de 45 patients. Quoi qu’on en dise, la tâche "d’aide
féminin" n’est pas facile. Ces travailleuses doivent s’occuper du linge lavé dès le retour de la
buanderie, le plier et le ranger. Elles font du ménage quotidiennement. Elles doivent aussi
assurer l’intendance de toute la lingerie nécessaire aux soins d’hygiène pour 45 personnes.
Elles sont responsables de certains travaux de couture et doivent prévoir toutes les
commandes nécessaires pour la bonne marche de la cuisine de l’unité. Pour remercier les
travailleurs (euses) de leur dur labeur, l’administration vient de décréter qu’un P.A.B. de
moins fera tout aussi bien l’affaire. À partir de septembre 1974, ils ne seront plus que quatre
(4) pour 45 patients.
À SJD, à cette époque, on trouve quelques unités réservées aux soins physiques des
patients psychiatriques hébergés. On aurait pu s’attendre à ce qu’une vraie unité comme
dans un vrai hôpital général soit pourvue suffisamment en personnel, compte tenu de la triple
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problématique : psychiatrique – soins physiques – et interventions chirurgicales (car à cette
époque, plusieurs opérations "parfois majeures", sont pratiquées à SJD). Et bien non !
À SJD, on n’est pas en retrait de la société pour rien; on ne fait rien comme ailleurs. À la
Salle St-Roch, une infirmerie qui héberge 35 patients, presque tous impotents, il n’y a que
quatre (4) P.A.B. lorsqu’un travailleur (euse) est en congé ou pendant les fins de semaine, ce
qui fait une moyenne de 8.75 patients par travailleur. De quoi rendre ceux qui travaillent
malades à leur tour.
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FARDEAUX DE TÂCHES À L’ENTRETIEN MÉNAGER
En octobre 1974, page 5, le JTSJD écrit ceci :
ENTRETIEN MÉNAGER Le nombre des gars de l’entretien ménager est passé de 60 à 20. Comment est-ce que 20 gars peuvent entretenir un hôpital aussi grand que St-Jean-de-Dieu, alors qu’il en fallait 60 auparavant !?! Ils ne réussissent pas, c’est sûr. On n’a qu’à regarder les murs (il ne reste plus que 2 gars pour les laver) et le vestiaire du côté des femmes par exemple : c’est dégoûtant ! On tente de leur donner du travail supplémentaire. Ça ne pourra rien régler. Le problème vient du fait que trop de postes ont été gelés (3 seulement sont affichés). Un coup les étudiants partis, on ne les a même pas remplacés, ni ceux qui ont quitté l’hôpital. St-Jean de Dieu ne respecte sûrement pas les normes d’hygiène propres aux hôpitaux.
Ça nous rappelle qu’il y a quelques années à peine, à la fin de la décennie 2000, les
infections nosocomiales ont tuées 16 personnes à l’Hôpital de St-Hyacinthe parce que la
direction générale avait coupé les services d’entretien pour équilibrer son budget. Il faut
croire que même les méthodes de gestion moderne ne résiste pas au désir de sauver la
moindre cenne….noire.
Notons encore qu’en février 1977, les travailleurs de l’entretien doivent réclamer des
uniformes de travail (!) incluant la fourniture des souliers. Les gens sont tannés d’en acheter
pour remplacer ceux qui sont abimés par les détergents et l’eau de javel !
Comme on le voit, un syndicat, ça ne sert pas uniquement à réclamer un salaire plus élevé,
c’est aussi un moyen d’affirmer collectivement que le respect ça passe aussi par la dignité
conférée à ceux qui travaillent dans des conditions adéquates et sécuritaires.
UN CONCEPT RÉADAPTATIF AVANT L’HEURE
Un beau discours réadaptatif, ça parait toujours bien mais …
Le JTSJD – Février-mars 1974, page 16, écrit ceci : À la Salle de Réadaptation A, les patients (tes) doivent payer .02 $ pour un café. La raison donnée par les responsables, c’est que les patients (tes) doivent s’adapter au mode d’échange tel qu’il existe dans la société capitaliste. Cependant, ce qu’ils oublient (volontairement), c’est de les payer pour ce qu’ils font (couture, tricot, tissage) : bien que l’hôpital en retire de l’argent. Par contre, à la Salle de Réadaptation B, les travailleurs ont refusé de faire payer les patients (tes) pour leur café.
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Notons aussi que les travailleurs (euses) de la buanderie, à la même époque, dénoncent
l’utilisation des patients pour remplacer les absences. (Voir article à ce sujet dans ce numéro
spécial).
Quand on coupe des services de base pour les bénéficiaires en 2013 (collation, loisirs,
restaurant), n’est-on pas, somme toute, en présence des mêmes contradictions économiques
entre la "vertu" pro-citoyenne et le "grattage" de fond de tiroir ?
LA MOBILITÉ DU PERSONNEL
Depuis 40 ans, le grand rêve du gouvernement et des administrations successives, c’est la
mobilité absolue du personnel. Pouvoir inter changer les travailleurs (euses) entre eux, telles
les pièces d’un jeu de mécano, constitue le fantasme secret de tout administrateur
insomniaque. Heures coupées, fusion de postes, fusions de services et d’unités, changement
d’affectation, réforme administrative improvisée des points de service comme on l’a vu
récemment à la DSIS etc. Tout cela serait tellement plus organisé et rentable si les syndicats
ne mettaient pas toujours des batons dans les roues ! En 1975, nos patrons s’exerçaient déjà
à ce petit jeu.
Le 8 mai 1975, page 2, les P’tites nouvelles écrit ceci : UNE ÉQUIPE VOLANTE VAUT-ELLE 2 PRÉPOSÉS ? Vous-est-il déjà arrivé comme à certains d’entre nous de vous faire envoyer dans une salle au début de la journée et, environ 2 heures plus tard de vous faire dire par le bureau des équipes volantes que vous devez aller dans une autre salle ? Et bien, tout comme nous, vous ne devez pas trouver ça très intéressant, soit de donner une vingtaine de bains dans la journée, ou encore de faire vos changes pour ensuite aller en faire d’autres dans une autre salle ! Pourtant, d’après la convention collective, l’équipe volante a la même définition de tâches que le (ou la) préposé (e); elle ne peut donc être affecté à plus d’une salle par jour. Vous pouvez donc refuser d’être changé de salle, et s’il manque du personnel, et bien il y a plus de 8 % de chômage au Québec … vous voyez ce que je veux dire ! Et enfin, il ne faut pas oublier que si on accepte ça aujourd’hui, peut-être que dans quelques temps notre ouvrage consistera justement à aller de salles en salles pendant 8 heures… Mais nous ça ne nous intéresse pas et …
Quand on connait les nombreuses tentatives pour implanter mobilité et "souplesse" dans la
gestion de la main d’œuvre lors des négociations ces dernières années, les deux dernières
phrases de ce texte écrit en 1975 prennent un peu des accents prophétiques.
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L’INSÉCURITÉ ET LA VIOLENCE
Toujours en 1974, les P.A.B. de la Salle de St-Godefroy (aujourd’hui 304), se plaignent de la
dangerosité au travail. Un P.A.B. vient tout juste d’être gravement blessé. Le syndicat
dénonce dans le journal la surpopulation dans l’unité comme une cause majeure de
l’insécurité. 55 patients sont soignés à St-Godefroy mais il n’y a officiellement que 38 lits.
Le résultat sur les six (6) P.A.B. réguliers, quatre (4) ont été blessés ces derniers mois. Le
syndicat dénonce la présence importante de patients trop violents, par exemple, plusieurs
détenus provenant de la prison de Bordeaux.
Mais attention ! L’administration se prétend sensible au problème ! Depuis deux ans, elle
promet de remédier à la situation. Les travailleurs de St-Godefroy préfèrent plutôt se fier à
leur journal syndical pour tenter de faire bouger les choses. Ajoutons que la situation
engendre là aussi une importante surcharge de travail.
En 2013, les travailleurs (euses) œuvrent dans des locaux inadéquats et non adaptés,
surchargés de civières et sont confrontés à de graves problèmes de sécurité. La présence de
plus en plus importante de jeunes délinquants malades, intoxiqués et violents est aussi mise
en cause.
Est-ce que c’est plus ça change, plus c’est pareil pour nos patrons "scientifiques"
d’aujourd’hui ?
UN CAS DE GESTION HALLUCINANT !
Un des exemples les plus hallucinants de gestion créative "vintage" de cette époque est cité
dans le JTSJD de mai 1975. Il fera résonner quelques tristes cloches à tous ceux qui
travaillent actuellement en présence de civières dans les corridors ou subissent l’occupation
systématique de leurs salles d’isolement par des bénéficiaires en surplus.
En février 1975, l’administration décide de transformer la Salle Ste-Claire en salle
d’admission. Évidemment, elle ne procède à aucune transformation physique des lieux qui
demeurent inadaptés pour recevoir une clientèle plus jeune et souffrant de problèmes aigus.
La capacité de Ste-Claire est de 37 lits mais en réalité, elle accueille plutôt un minimum de
42 à 47 patients. «Où dorment-ils ? Par terre, sur des matelas, dans les bureaux, bureau du
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médecin (qui a d’ailleurs évincé ces "clients", un peu trop encombrants), bureau du travailleur
social et même durant trois semaines dans les toilettes»… « les clients régressent, les
suicidaires ont le beau jeu et "Vive le bordel"» (JTSJD – 8 mai 1975, page 3).
LA RÉPONSE SYNDICALE :
SOLIDARITÉ ET RÉSISTANCE À ST-JEAN-DE-DIEU
Si, par certains côtés, SJD reste, pour la population, un "endroit différent"; un peu isolé, dans
les années '70', les travailleurs (euses) eux, ne sont pas coupés du monde loin de là. Ce qui
frappe à la lecture des articles de cette époque, c’est la conscience aigüe qu’une grande
agitation sociale et politique anime la société québécoise. Ce climat colore intensément le
discours syndical local et national.
On discute très peu de cas individuels puisque d’emblée, les cas individuels deviennent un
exercice de solidarité collective. Il y a "nous" (les travailleurs (euses) et "eux" (les patrons et
le gouvernement). On assiste à une multitude de petits débrayages locaux (tous illégaux)
entre "eux". Souvent les patrons doivent céder devant le rapport de force spontané ! Le
discours syndical se veut rassembleur, hostile aux "boss" et vindicatifs. Il reflète une certaine
confiance en soi, un pouvoir d’intervention et la "certitude" que le progrès des uns garantit le
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progrès des autres. Si un seul mot peut caractériser le discours de cette époque, c’est sans
doute le mot "SOLIDARITÉ". Il est étonnant en 2013, de constater que l’individualisme, si
présent de nos jours, ne fait pas partie du vocabulaire à l’époque.
Cette solidarité est à la base de la mobilisation pour maintenir, en nombre suffisant, la totalité
des postes requis pour assurer des services adéquats. Les travailleurs (euses) se battent
pour le droit élémentaire de ne pas être obligé de travailler en double, en laissant
l’administration faire des économies à leurs dépens en coupant des postes ou en ne
remplaçant pas les absences.
Le discours militant à cet égard est différent de celui qu’on entend aujourd’hui. Derrière
chacune des revendications de tous ces travailleurs (euses); on devine la volonté de se faire
respecter collectivement bien au-delà de chaque personne.
Aujourd’hui, trop de nos collègues se sentent individuellement écrasés par une tâche trop
lourde; mal définie, une hiérarchisation tatillonne; les multiples changements de mission,
souvent improvisés et aussi, cette impression tenace d’être seul (e) contre une machine. Ce
sentiment semble étonnamment absent chez les travailleurs (euses) des années '70' à SJD.
SOLIDARITÉ 101
En février 1977, les revendications des travailleurs (euses) se soldent par deux victoires
entre une administration qui gère au cas par cas. Une administration moderne et avant-
gardiste quoi !
À la Salle St-Michel (Unité 216), les travailleurs (euses) obtiennent le transfert d’un patient
très dangereux à Pinel. En janvier, comme l’administration refusait le transfert, le personnel
de l’unité décide de débrayer tant que le patient restera à l’unité. Le lendemain, les employés
(es) continuent leur débrayage : Résultat : "Les autorités" décident de transférer le malade à
Pinel. «C’est une preuve, de plus, que l’union fait la force» signé «Le personnel uni du 216».
(P’Tites Nouvelles, 1er février 1977, page 10).
En janvier 1977, à la Salle Nelligan (Unité 225), tout le personnel (P.A.B., aide-féminin,
infirmières auxiliaires, travailleur social, ergothérapeute, entretien ménager et réceptionniste)
signe une pétition pour le transfert d’un client dangereux qui menace de mort le personnel.
Même le psychiatre traitant se dit d’accord pou qu’un transfert urgent ait lieu. L’adjointe du
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secteur V, une dame Noël, prétend que c’est le personnel qui provoque le client.
L’administration refuse, donc, de bouger. Pourtant, les travailleurs (euses) finissent par
obtenir un "service privé", sans doute une récompense pour leur comportement
"provocateur"! Le lendemain, rien ne bouge. Les travailleurs (euses) décident donc, de se
rendre au bureau syndical et refusent de réintégrer l’unité tant que le patient y sera.
L’administration, prise de court, transfère le patient dans une autre unité (Ste-Rita); qui refuse
de le recevoir ! Celui-ci est donc retransféré pour la deuxième fois de la journée, cette fois ci
à l’Unité 507, qui elle, est jugée adéquate. «Malgré l’intimidation», nous avons vu que pour
gagner une cause comme celle-là, il faut se tenir tous ensemble, dans le département et
entre départements, signé : «Le délégué de la salle au nom des travailleurs et des
travailleuses de la Salle Nelligan». (Op. cit. p. 11-12)
Le 3 septembre 1975, les P’tites nouvelles écrit ceci : VU À STE-MARGUERITE
Dimanche, le 17 août dernier, sur une pancarte à l’entrée de la Salle Ste-Marguerite, on pouvait lire ce qui suit :
AVIS AUX VISITEURS, Vous remarquerez en entrant que les lits ne sont pas faits. C’est que nous manquons de personnel ce matin : il nous manque deux infirmières auxiliaires, et l’administration ne les a pas remplacées. Quand nous aurons notre personnel au complet, nous aurons le temps de faire les lits.
Signé : les infirmières et les préposés de Ste-Marguerite
ÇA BARDE À LA BUANDERIE
Dans la seule année 1974, les travailleurs (euses) de la buanderie débrayent trois fois, en
janvier, en avril et en septembre, avant de finalement obtenir gain de cause !
Le principal grief tient essentiellement à la surcharge de travail causée par les postes
vacants non comblés et l’absence de remplaçants – équipe volante, une situation qui persiste
depuis … 1971. Les travailleurs (euses) réclament aussi une toilette PROPRE pour le
personnel, des uniformes fournis, car ils sont tannés de payer pour l’usure de leur linge
personnel et ne veulent plus de vieux sarraus des médecins. Ils réclament aussi une
amélioration du système d’aération, incapable d’évacuer la chaleur et les odeurs de linge
souillé provenant des 63 unités de l’immense hôpital.
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Le syndicat établit, chiffres à l’appui : que la quantité de linge a augmenté du tiers en
quelques années alors que le nombre de travailleurs (euses), lui, a baissé. De plus, le
syndicat exige que l’attribution des postes se fasse par ancienneté tel que prévu à la
convention collective. Les travailleurs (euses) dénoncent l’utilisation de patients non rétribués
à la place des buandiers.
Le patron en charge du dossier, Wally Bellemare, est déjà tristement connu à cette époque.
D’ailleurs, l’auteur de ces lignes a déjà eu "l’honneur" de le rencontrer. Bien des années plus
tard, ce monsieur sera mystérieusement congédié pour des raisons demeurées obscures.
Pendant toute la durée de la crise à la buanderie, en 1971, au lieu de régler le problème dès
le départ, ce que l’administration finira par faire, de toute façon, en septembre, celle-ci opte
plutôt pour l’intimidation en proclamant, par avance, que toute diminution de production sera
automatiquement imputée au délégué syndical de la buanderie.
Le 30 septembre 1974, les travailleurs (euses) de la buanderie débraient pour la 3ième fois
afin de réclamer l’embauche immédiate de cinq (5) personnes pour combler les postes
vacants, avant tout retour au travail. Coincée, l’administration, le jour même, cède et engage
cinq (5) nouveaux employés (es) pour combler les postes demandés, mettant fin à un conflit
qui pourrissait depuis 1971.
HAUSSE DES COÛTS : SOLIDARITÉ EN HAUSSE
En 1974, à SJD, les travailleurs (euses) se révoltent parce que, selon eux, l’administration
cherche à reprendre les gains durement arrachés lors du Front commun de 1972 au prix
d’emprisonnement et d’amendes. Comment ? En faisant passer le salaire réel par
l’imposition de frais plus élevés pour les repas servis à la cafétéria et le stationnement. Il faut
rappeler, encore une fois, que les travailleurs (euses) subissent une crise économique hyper-
inflationniste qui a déjà largement grugé les gains salariaux obtenus en '72'.
Toute nouvelle baisse du pouvoir d’achat est durement ressentie. De plus, à SJD, on n’est
pas au Centre-ville, où on peut se rendre à distance de marche dans plusieurs restaurants.
La cafétéria est souvent bondée le midi et le soir. Les gens l’utilisent beaucoup. Quant au
stationnement, c’est encore pire, puisque les travailleurs (euses) n’ont pas le choix de se
garer au plus près de leur milieu de travail.
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Or, la Loi 65, oblige les hôpitaux à autofinancer les services auxiliaires, ce qui inévitablement
entraine une hausse des tarifs pour la cafétéria et une imposition de tarif pour le
stationnement, qui est, jusqu’alors gratuit à SJD.
La situation sociale et économique explosive entraine une réaction générale de mobilisation
dans les hôpitaux de Montréal. Plusieurs administrations locales sont obligées de reculer. En
février 1975, à Maisonneuve, Ste-Jeanne-d’Arc et à Ste-Justine, les travailleurs (euses)
débraient pour contrer la hausse des frais de stationnement.
Les gens craignent, comme c’est souvent le cas, que, comme on dit parfois : "l’essayer c’est
l’adopter" et qu’ils soient obligés d’encaisser des hausses de tarif dès que le gouvernement
demandera à l’hôpital de couper ses dépenses.
Le moyen de pression utilisé a été le même que notre syndicat a utilisé pour éviter
l’imposition de frais de stationnement dans la décennie 2000, soit le refus de signer les
formulaires de retrait sur les payes. Il est tout de même intéressant de noter que la
mobilisation syndicale à SJD à l’époque a retardé l’imposition des frais de stationnement à
LHL pendant 30 ans.
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LA NAISSANCE DU PROJET DE GARDERIE À ST-JEAN-DE-
DIEU
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MILITANTISME ET RADICALISATION DU DISCOURS À ST-JEAN-DE-DIEU
On ne peut parler de cette décennie sans aborder l’état de la gauche sociale et ouvrière et de
son influence sur le discours syndical et politique. Ceux qui n’ont pas vécu cette période ont
de la difficulté à comprendre toute la fébrilité et l’intensité des débats ainsi que l’influence de
ce qu’on a appelé "l’extrême-gauche" sur la gauche en général et l’action syndicale en
particulier.
De façon succincte, on peut dire que l’extrême-gauche québécoise des années '70' constitue
une alliance paradoxale entre l’idéalisme d’une société égalitaire rêvée et la brutale condition
– très matérialiste – des luttes sur le terrain. Ces conditions matérielles difficiles et les
revendications créées par ces conditions ont servi essentiellement à nourrir cet idéalisme
militant et, en même temps, ont contribué de façon déterminante à la formation pratique du
type même du "militant professionnel", de sorte qu’aujourd’hui, beaucoup de cadres dans les
syndicats, les partis politiques, l’administration publique et même des organismes patronaux
sont d’anciens militants d’extrême-gauche formés à cette époque ou influencés par elle.
L’idéalisation de la société communiste n’a peut-être pas résisté au temps et la révolution ne
s’est jamais mise en marche mais les actions sur le terrain fonctionnaient souvent, incluant
les méthodes de mobilisation de masse.
En ces années '70', les militants de l’extrême-gauche, ceux de la gauche modérée et les
milliers d’autres, moins politisés, mais très engagés eux aussi dans les luttes des années '70'
se sont heurtés de façon très vive sur le "but final" de la négociation et des luttes. D’ailleurs,
ça se produit, à l’époque, dans la majorité des pays occidentaux. Cela constitue, peut être,
en quelque sorte, une mutation génétique autodestructive qui n’affecte me semble-t-il que la
Gauche.
À St-Jean-de-Dieu aussi, la gauche et les militants "ordinaires" se sont vite catégorisés dans
des factions plus ou moins définies mais opposées parfois de façon assez personnalisées.
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La Vérité étant quelque chose de relatif en politique, quoi de mieux que d’en rédiger soi
même la définition ! Tous les débats à SJD sont, à cette époque, influencés par ce climat à la
fois hyperactif sur le terrain et intolérant idéologiquement.
Quelques exemples suffisent à en illustrer la présence (Voir les articles traitant de ces sujets
dans ce numéro spécial).
1er Un syndicat autonome et militant ou un syndicat de "services".
2e Un journal syndical de combat ou un journal informatif général qui ne cherche pas systématiquement à "faire du trouble".
3e L’appui actif à une multitude de débrayages illégaux ou la recherche d’accommodements pour les éviter.
4e Le "noyautage" par des militants "professionnels" des instances syndicales "contre" des officiers syndicaux (supposément) "non partisans".
5e La démocratie dans les assemblées générales etc…
Ce qu’on oublie souvent, c’est qu’à l’intérieur même de l’extrême-gauche, "des traitres" sont
désignés comme les ennemis de la classe ouvrière ! Les anathèmes tombent drus !
À SJD, la Ligue communiste marxiste – léniniste (LCMLC) (Maoïste) regroupe la majorité des
militants d’extrême-gauche et elle réussit à faire élire ses membres régulièrement à l’exécutif.
L’auteur de ces lignes était membre du Groupe Socialiste des travailleurs du Québec (GSTQ-
Trotskyste). Que ce soit à l’université ou plus tard, au travail, à LHL, il fallait voir avec quelle
froideur dédaigneuse on considérait les trotskystes !
Notons, tout de même, que cette époque, déjà lointaine, a tout de même permis à une
jeunesse un peu enragée et beaucoup romantique, de faire de l’action politique d’une façon
suffisamment efficace pour exprimer toute son influence d’une façon beaucoup plus grande
que sa force numérique stricte et ce, simplement parce qu’elle était très bien organisées…
Février-Mars 1974, page 2, JTSJD écrit ceci : ÉDITORIAL : POUR UN SYNDICAT PLUS COMBATIF Le syndicat est une organisation que les travailleurs se sont donné pour défendre leurs intérêts immédiats, c’est-à-dire leur salaire, leurs conditions de travail, etc…contre les patrons qui ne cherchent qu’à augmenter leurs profits.
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Pour défendre véritablement les intérêts des travailleurs, le syndicat doit refuser toute collaboration (Ex. : à la réorganisation de l’hôpital qui occasionnera des pertes de salaires pour les travailleurs) avec l’État des patrons et/ou ses représentants ici à l’hôpital, l’administration.
Février 1976, page 8, JTSJD écrit ceci :
Même la plus belle convention collective ne fait que nous protéger contre les effets de l’exploitation. Et à la moindre occasion la bourgeoisie essaie de nous retirer les avantages qu’elle a du concéder. Les syndicats nous protègent contre les effets, mais un jour, il faudra s’attaquer aux causes. Et les causes fondamentales de la situation que nous vivons continuellement, ce sont la bourgeoisie et son État. De cela, on peut s’en rendre compte facilement. Tant que ce sera la bourgeoisie qui sera au pouvoir, elle défendra avant tout ses propres intérêts, il y aura des lois anti-ouvrières et les travailleurs devront lutter pour faire reconnaître leurs droits chèrement acquis. Le seul moyen pour que cela change pour de bon, c’est que les travailleurs prennent le pouvoir avec un parti qui leur appartienne, qui défende véritablement leurs intérêts. Le jour où nous serons au pouvoir, il n’y aura plus de répression.
Disons poliment que la dernière phrase de cette citation relève pour le moins d’un optimisme
assez exalté.
Février 1976, page 7, JTSJD écrit ceci :
1) Plusieurs syndicats sont dirigés par des individus qui défendent l’intérêt des patrons plutôt que celui des travailleurs, qui considèrent le syndicalisme comme une carrière, qui n’ont aucune volonté de rendre leur syndicat plus démocratique. Il en est de même au niveau des centrales syndicales. 2) Chez les dirigeants syndicaux, il y a toujours deux tendances qui s’opposent. Celle du syndicalisme traditionnel, qui sert les patrons par son manque d’information, de démocratie, etc.. et la tendance qi veut faire du syndicat un instrument contrôlé par les travailleurs, et qui leur permette de mieux se défendre devant les patrons.
Avril 1974, page 5, JTSJD écrit ceci :
En critiquant avec force un certain type de représentation qui vise davantage à la "bonne entente" qu’à une défense sans équivoque de leurs intérêts, les travailleurs ont pris conscience de la nécessité d’exercer un contrôle sur leurs représentants.
À l’approche du Front commun de 1976, on se montre méfiant envers les directions
syndicales… Parlant du Front commun de "72"
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Octobre 1975, page 8, JTSJD écrit ceci :
Le contrôle des décisions était entre les mains des "spécialistes de la négociation" alors que ce qui est important dans une bataille comme celle-là, c’est la force des travailleurs, leur unité… On peut s’attendre encore une fois à ce que les négociations soient plus importantes que la lutte elle-même pour les dirigeants syndicaux. Face à cela, nous devons exiger que chaque décision importante soit prise par les travailleurs.
LA DROITE SYNDICALE À LA CSN ET À LOUIS H. LAFONTAINE
Ce n’est pas parce que le Journal de notre syndicat a largement privilégié le point de vue de
la gauche syndicale dans presque tous les écrits de l’époque, que le militantisme traditionnel,
souvent qualifié de "droite syndicale", n’existe pas à St-Jean-de-Dieu.
Il ne faut pas oublier qu’il était aussi très présent à l’intérieur même de la CSN et qu’en 1972
et 1973, il provoque une importante scission au sein de la Centrale. Bien qu’il ne soit pas
dans l’objectif de cet article d’en analyser les causes, il apparait trop facile de s’en tenir à une
simple analyse gauche – droite. Ce qui est sûr, c’est que beaucoup de militants(es) et de
syndiqués (es) CSN de l’époque ne sont pas convaincus que la tendance nettement à
gauche prise par la CSN, leur conviennent nécessairement.
Dès septembre 1972, le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec (SFPQ) se
désaffilie de la CSN avec ses 35 000 membres. En juin 1972, c’est la scission au sein même
de la Centrale, avec la fondation de la Centrale des syndicats démocratiques (CSD) qui
regroupe 150 syndicats comptant 30 000 membres. En 1973, les syndicats de la Fédération
du secteur de l’aluminium; 9 000 membres quittent la CSN. Il est difficile d’illustrer par des
exemples concrets, l’intensité du débat entre ces deux tendances opposées au sein de notre
propre syndicat, à part peut être lors du débat entourant la création de notre syndicat dans sa
forme actuelle en 1975. Cependant quelques syndiqués expriment quelques inquiétudes.
Février-Mars 1974, page 6, JTSJD écrit ceci :
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Dans l’éditorial de Monsieur Jalbert, le président, je déplore le fait qu’il nous nomme "Camarades travailleurs". Ce terme ne m’a pas plus, ainsi qu’à plusieurs autres travailleurs. Nous ne sommes pas en Russie, mais dans un Canada libre alors, pourquoi ne pas trouver une autre expression à consonance moins "dure"à l’oreille de vos lecteurs…
Février-Mars 1974, page 16, JTSJD écrit ceci : L’idée d’un journal pour les travailleurs est très bonne en soi, et je l’approuve, mais il ne faudrait pas, oh ! surtout pas, en faire un objet pour mousser les esprits contre nos employeurs. (Madame Thérèse Gélinas, secrétaire)
Avec la réserve qui s’impose après toutes ces années et en assumant le risque (calculé) de
ne pas trop caricaturer les témoins de l’époque, il y a un évènement (une grève illégale; quoi
d’autres !) qui traduit toute la fièvre implacable de cette époque à St-Jean-de-Dieu (Voir
article suivant).
CUISINE ET INFIRMIÈRES AUXILIAIRES; MÊME COMBAT !
La lutte victorieuse qu’a menée, en juin 1977, une surprenante coalition unissant les
travailleurs (euses) des cuisines et les infirmières auxiliaires (essayer d’imaginer ça
aujourd’hui, tient de la science-fiction !) est intéressante à plusieurs égards. Elle illustre d’une
part cette solidarité assez extraordinaire qui existait à l’époque mais elle illustre aussi, de
façon "spectaculaire" l’âpreté, la dureté et la personnalisation des débats entre la "Gauche"
et la "Droite" syndicale à LHL.
Le fait que les tenants de la ligne dure soit pour beaucoup, liés ou associés à l’extrême-
gauche marxiste ne rassure évidemment pas du tout les modérés.
Au début de juin 1977, les infirmières auxiliaires débraient presqu’en même temps que les
travailleurs (euses) des cuisines. La grève illégale va durer 11 jours pour les premières et
neuf pour les seconds. Le cœur du litige c’est le respect des fins de semaine de congé qui
est considéré comme un droit acquis. Les patrons tentent de couper des fins de semaine aux
auxiliaires pour imposer des minimums globaux dans les unités indépendamment des tâches
et professions de chacun. C’est la façon qu’a trouvé l’administration pour appliquer les
nouvelles coupures exigées par le gouvernement péquiste. Dès le début, les deux groupes
décident de se tenir ensemble solidairement jusqu’à la victoire de l’un et de l’autre !
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L’administration discrédite le syndicat en disant qu’il exagère et qu’il n’est pas de bonne foi.
Pourtant, il lui faudra six jours de grève avant qu’elle ne consente à une première séance de
négociation…
Pendant ce temps, le débat fait rage entre les militants qui appuient la grève et un de ceux
qui s’y opposent, Fernand Jalbert, un ancien membre de l’exécutif. Ici, une remarque
s’impose. L’auteur de ces lignes a plus tard bien connu M. Jalbert. Il estime que c’est un
homme de qualité. Les faits rapportés ici n’ont pas pour but de refaire un procès à
quiconque, 35 ans après les faits, mais plutôt de bien illustrer l’état et l’esprit dans lesquels
s’exerçait le débat syndical à l’époque. M. Jalbert était certainement le porte-parole d’une
importante minorité (majorité ?) silencieuse. Il s’est heurté de plein fouet à ses opposants qui
ne se sont pas gênés pour le dénoncer.
P’Tites Nouvelles le 6 juillet 1977 écrit ceci :
Vendredi passé, un tract a été distribué, signé par un ancien membre de l’exécutif : Fernand Jalbert. Dans ce tract, il reprenait les mêmes arguments que les patrons; pas surprenant que certains "petits boss" comme Boisvert (St-Jean-Baptiste – Ste-Germaine) entre autres l’ont diffusé eux aussi. Ce tract ne vise qu’une chose : affaiblir le syndicat, diviser les travailleurs et saboter la lutte des auxiliaires et de la cuisine. En accusant non pas les patrons mais l’exécutif (et en particulier les communistes de la Ligue qui y ont été élus démocratiquement), ce tract cherche à démolir le syndicat… Qui a intérêt, sinon l’administration, à ce que cette bataille échoue ? Qui a intérêt, sinon l’administration, à diviser les travailleurs, entre eux et à laisser tomber ces luttes. Pendant que l’administration frappe les travailleurs, d’autres font un travail de division et de sabotage dans le syndicat en aidant l’administration à affaiblir notre syndicat.
P’tites Nouvelles le 7 juillet 1977 écrit ceci : RÉPONSE À M. JALBERT
Pour répondre à M. Fernand Jalbert qui prend les militants en pitié parce qu’ils sont "entrés dans le syndicat avec les communistes" comme il dit. Je lui répondrai pour ma part de ne pas s’en faire pour moi, je ne suis pas communiste, et personne encore ne m’a demandé de faire partie de leur Ligue. La seule chose qui nous intéresse, c’est le bien des travailleurs et quand on se réunit, c’est pour discuter des problèmes à l’hôpital, ce n’est pas pour voir de quel parti on est, communiste, péquiste, N.P.D. ou tout ce que vous voudrez. Et quand on va rencontrer les patrons, c’est encore pour discuter des problèmes des travailleurs et non pas pour discuter hockey et faire les yeux doux au patron. C’est bien de valeur que vous ayez perdu votre poste à l’exécutif en démissionnant, mais vous l’avez voulu en trompant les travailleurs. Car vous avez convoqué une assemblée pour discuter du Centre
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d’Accueil et au contraire, tout était préparé par vous pour briser le syndicat. Car les communistes autant que vous autres, avaient été élus démocratiquement car ils n’avaient pas caché leurs idées et tout le monde savait à quoi s’en tenir. N’ayez pas de peine pour nous les "anciens militants" comme vous dites. Je n’ai pas changé d’opinion, je travaille encore pour défendre nos droit et ça fini là : Cette lettre que vous avez distribuée, c’est le jeu des patrons pour essayer de briser notre syndicat et d’écraser les travailleurs. Plutôt que d’entrer dans le jeu des patrons, moi je veux continuer à défendre nos droits. Mérilda Thériault, 14 ans d’ancienneté Salle Ste-Germaine
Comme on le voit, ça jouait dur et le moins qu’on puisse dire c’est qu’on n’assistait pas à un
débat aseptisé comme on en voit trop souvent aujourd’hui.
Malgré cette atmosphère enflammée, ces longs débrayages vont obliger l’administration une
fois encore; à reculer !
Pour les travailleurs (euses) des cuisines les fins de semaine vont varier d’une sur trois à une
sur six. Le patron accepte de retirer toutes les lettres disciplinaires. Pour toutes les
infirmières auxiliaires, l’employeur désirait imposer une fin de semaine sur deux mais après
11 jours de grève illégale, il accepte que toutes les auxiliaires à temps complet soient
assujettis à 1 sur 3 tout en maintenant le ratio 1 sur 4 pour celles qui en bénéficiaient déjà.
Cependant, les temps partiels devront travailler une fin de semaine sur deux. Ajoutons
qu’une entente élimine la mobilité inter-département. À cette époque, le soir et la nuit,
plusieurs auxiliaires couvrent de 3 à 4 salles. L’entente prévoit l’obligation pour l’employeur
d’ouvrir des postes stables (un poste = une salle) dans les 15 jours. De plus, il consent une
rétroactivité de six mois pour les primes de chef d’équipe.
Cette victoire, fruit d’une alliance inattendue, n’est-elle pas la preuve qu’au-delà de nos titres
et de la hiérarchie dans laquelle on veut bien nous confiner; la solidarité basée sur une juste
cause demeure le plus puissant levier pour faire changer les choses ?
ENTREFILETS (1)
• Selon les archives du congrès de la FNS de 1973, St-Jean-de-Dieu constitue le
plus gros syndicat hospitalier "local" au Québec avec 2 500 syndiqués (es).
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• Heures d’ouverture du bureau syndical
S’il y a bien un sujet qui revient constamment dans l’histoire de notre syndicat, c’est bien
les heures d’ouverture du bureau syndical.
Février-Mars 1974, page 4, JTSJD écrit ceci : TRAVAILLEUR, PRENDS TA PLUME ! À propos des heures d’ouverture du bureau syndical "Le syndicat ? Il n’est bon que pour le personnel de jour". Cette phrase est souvent entendue quand on travaille de soirée. Pourquoi ? … Je n’ai aucun grief à faire contre qui que ce soit; je m’en prends seulement aux heures d’ouverture qui pourraient être améliorées. Tout le monde ne peut pas avoir la chance de travailler de huit à quatre. Pensons aux "pas chanceux".
Une "pas chanceuse".
ENTREFILETS (2)
Comme quoi, même après 40 ans d’efforts, rien n’est parfait n’est-ce pas ?
• En 1975, selon les archives de JTSJD, il y a 63 "salles" à l’hôpital St-Jean-de-
Dieu.
• Selon le bureau de la Statistique du Québec, le nombre de patients (es) à St-
Jean-de-Dieu atteint un sommet historique de 7 054 en 1946.
Il est cependant vrai de dire que l’hôpital a connu son "apogée" en termes de
nombres de patient (es) pendant les années 1950 alors que cette période voit un
nombre annuel de 6 000 personnes hébergées pendant toute la décennie.
• En 2013, "l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal (IUSMM)" compte
328 lits. La maladie mentale est-elle mystérieusement guérie ? Peut être que; plus
simplement; beaucoup de malades et d’inadaptés sociaux s’exercent "à vivre dans la
société"; la maladie, la pauvreté et l’isolement social; en toute citoyenneté; en faisant
épargner à l’État des millions de $$ qui, comme on le sait; aboutissent plus souvent
dans les poches de certains citoyens que dans d’autres.
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• ENTREFILETS (3)
• En 2013, on retrouve au nouvel Institut universitaire en santé mentale de
Montréal, 167 cadres pour 328 lits, une hausse de 21 % depuis janvier 2009.
Pendant ce temps, le nombre de lits à l’IUSMM est passé de 431 à 328, soit une
baisse de 24 % (-103).
Si de façon comique, et un peu démagogique reconnaissons le, on appliquait ce ratio
au nombre de patients qui résidait à SJD en 1946, soit 7 054, on aurait besoin de
6 770 cades pour gérer les soins de ces 7 054 patients à l’époque ! Évidemment, les
cadres de l’époque n’étaient pas des "scientifiques" bardés de diplômes comme ceux
d’aujourd’hui qui, comme on le sait, savent mieux que la piétaille citoyenne ce qu’il
faut faire pour le propre bien de la populace.
ENTREFILETS (4)
• L’émergence des groupes d’extrême-gauche au Québec :
1964 : LSO : Ligue socialiste ouvrière (Trotskystes)
1970 : PCCML : Parti communiste du Canada marxiste-léniniste (pro-albanais (!) Il fut
parmi les premiers à attaquer l’escouade anti-émeute à l’aide de 2
"X" 4 en bois !
1973 : En lutte ! (marxiste-léniniste et maoïste) dirigé par l’ancien membre du FLQ,
Charles Gagnon
1973 : GSTQ : Groupe socialiste des travailleurs du Québec. (Trotskystes). Présent
dans le syndicat du Transport à Montréal et à l’exécutif de la CEQ, entre
autres : GMR : Groupe marxiste révolutionnaire (Trotskystes)
1975 : LCMLC : Ligue communiste marxiste, léniniste (maoïste). Elle fondera plus tard
le PCO, le Parti communiste
Ouvrier (Maoïste et partisan du régime des Khmers rouges de Pol Pot au
Cambodge)
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SOLIDARITÉ AVEC L’ENSEMBLE DES TRAVAILLEURS (EUSES)
Dès le tout premier numéro du Journal des travailleurs (euses) de St-Jean-de-Dieu, la
solidarité entre tous les travailleurs (euses) est mise de l’avant comme un objectif central de
l’action syndicale et ce, même si ça nécessite parfois une critique constructive contre la
direction de la CSN ou de notre fédération. Dans les quarante années suivantes, cette
orientation critique, ponctuée de nombreuses interventions en congrès ou en conseil fédéral
constituera une marque distinctive de l’identité de notre syndicat au sein de la Centrale.
P’tites Nouvelles, Volume 1, numéro 1, Janvier 1974, page 11, écrit ceci : SOLIDARITÉ AVEC LES TRAVAILLEURS EN LUTTE POURQUOI LA C.S.N. REFUSE-T-ELLE D’APPUYER LES GARS DE SHELLCAST Les travailleurs de Shellcast (une usine de métallurgie), qui sont des travailleurs immigrés, mènent depuis 10 mois une lutte pour former un syndicat et améliorer leurs conditions de travail. Ils sont en grève depuis le 18 novembre. Ne connaissent pas leurs droits et étant constamment menacés de déportation, les travailleurs immigrés sont utilisés comme "cheap labor" par les patrons. Si des travailleurs immigrés ont quitté leur pays d’origine, pour la majorité, c’est à cause des conditions de vie extrêmement difficiles que leur font subir les patrons de la place et les grosses compagnies américaines, canadiennes, etc… Les travailleurs de Shellcast sont déterminés à lutter pour leurs droits; et pour nous, il est important que la C.S.N. en tant que centrale syndicale leur porte un appui actif. SOLIDARITÉ AVEC LES PEUPLES EN LUTTE CHILI : Depuis le coup d’État militaire le 11 septembre 1973, un régime fasciste s’est installé au Chili avec l’aide de la C.I.A. soutenue par les grosses compagnies américaines. Les militaires ont pris le pouvoir au Chili parce que les travailleurs étaient à s’organiser pour prendre ce qui leur appartient même si l’Unité populaire empêchait les travailleurs de répondre aux attaques des groupes fascistes !
S’il y a effervescence dans le secteur hospitalier et dans le secteur public en général, la
situation est la même dans le secteur privé. Plusieurs grandes grèves ont lieu caractérisées
par un élargissement de la base militante parfois à toute la population d’une région.
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En février-mars 1974, le JTSJD nous informe de la victoire des grévistes contre la
multinationale Firestone à Joliette après 10 mis de grève. Les travailleurs obtiennent des
augmentations salariales mais aussi satisfaction sur deux des revendications "typiques" de
cette époque : Des garanties empêchant les mises à pied lors de changements
technologiques et le français comme langue de travail !
Mais surtout la grève de Firestone a permis l’émergence d’une nouvelle forme d’organisation
de la lutte. Se substituant en partie à l’exécutif de leur Union internationale, jugé peu
combattif, les travailleurs forment un comité de base composé d’une cinquantaine d’entre
eux. C’est ce comité qui contrôle véritablement la stratégie. Il est épaulé par un autre comité
formé de femmes des grévistes qui contribue largement au succès de la campagne nationale
de boycottage des produits Firestone.
De plus, un comité de solidarité est créé avec des groupes d’ouvriers provenant d’autres
entreprises de Joliette, d’étudiants progressistes et des groupes populaires locaux. Ce
comité organise des manifestations d’appui. D’ailleurs, en guise de remerciement, après leur
victoire, les travailleurs de Firestone donnent leur fond de grève aux grévistes de Shellcast
tout en allant les appuyer sur les lignes de piquetage !
En avril 1974, notre Journal fait état d’une autre grève importante qui se déroule aux usines
de Joliette et de Montréal appartenant à la multinationale Canadian Gypsum. Les syndiqués
CSN sont en grève depuis 13 mois et se battent contre l’entrée de scabs dans les usines, les
injonctions et plusieurs arrestations d’ouvriers. Là aussi, le comité de solidarité de Joliette est
intervenu. Dans les deux derniers mois, les grévistes de Canadian Gypsum ont été appuyés
par des débrayages de solidarité déclenchés par d’autres travailleurs (euses) et les employés
(es) d’hôpitaux de Joliette. "Cette lutte à Gypsum illustre bien que la solidarité et l’unité sont
nécessaires pour que les travailleurs prennent conscience de leur force (JTSJD, avril 74,
page 13)."
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LA LOI C-73, ROBIN HOOD ET LE "TIR AU GRÉVISTE" AVEC DES "12"
Un des épisodes les plus noirs de cette époque violente et effervescente est survenu au
moulin à farine de la compagnie Robin Hood à Montréal en 1977. Il illustre de sanglante
façon, le climat d’affrontement qui existe dans la société québécoise de l’époque. Notons tout
de même que ces confrontations parfois violentes ont puissamment contribué à l’édification
du Québec moderne, n’en déplaise à tous ceux pour qui quelques gros mots apparaissent
aujourd’hui comme une intolérable atteinte à leur "petit moi", considéré comme le but ultime
de toute vie en société.
En août 1977, "les P’tites Nouvelles" dénoncent la répression sanglante des meuniers de la
Robin Hood. Huit travailleurs viennent d’être blessés par balles par des fiers à bras engagés
par la compagnie. Les fiers à bras regroupent entre autres des lutteurs professionnels dont le
célèbre Joe Leduc. Ces imbéciles se sont permis, comme au Far West, de tirer dans la foule
des grévistes avec des carabines de calibre "12". La police de Montréal, qui assiste à la
scène ne bronche pas ! Comme si on assistait à une scène de "champ de bataille" tout droit
sortie d’un film de guerre, on voit des grévistes être obligés de trainer eux-mêmes leurs
blessés jusqu’aux ambulances.
Curieusement, ces évènements surviennent quelques minutes après un matraquage en règle
des grévistes par l’escouade anti-émeute…
Les meuniers sont en grève depuis six mois contre la décision de la Commission Pépin
(chargée d’appliquer la Loi C-73); de COUPER les salaires de ,40 $/l’heure. Un front
commun se forme dès le début de la grève avec les syndiqués des usines d’Ogilvie, ?? et
Maple Leaf. Les syndiqués sont en lutte aux injonctions ordonnant le retour au travail, limitant
le piquetage, etc… Les affrontements violents sont fréquents devant les quatre usines contre
la police et les fiers à bras patronaux qui s’unissent pour faire entrer des scabs.
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P’tites Nouvelles, le 4 août 1977, page 2, écrit ceci :
SOUTIEN À LA JUSTE LUTTE DES MEUNIERS
Jeudi soir dernier, il avait une manifestation organisée par la CSN à Montréal pour protester contre les agissements criminels de la compagnie Robin Hood et des "bouncers à Jo Leduc" protégés par la police. Plus de 3000 personnes ont participé à cette manifestation, en pleine période de vacances. Cette manifestation démontre une fois de plus la solidarité avec la lutte des meuniers et l’opposition à l’attitude criminelle de la compagnie Robin Hood et de ces bouncers. La semaine prochaine, soit mardi le 9, à l’entrée de la cafétéria du personnel, il y aura une collecte pour soutenir financièrement les meuniers qui sont encore en grève. NON À LA REPRÉSSION CAPITALISME ! PARTICIPONS MASSIVEMENT AU SOUTIEN FINANCIER !
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SIGLES ET ABRÉVIATIONS (1)
A 5 APM Alliance des professeurs de Montréal (CSQ)
1 AFL American Federation of Labour (AFL-CIO)
4 ANEQ Association Nationale des Étudiants du Québec
AIM Alliance des infirmières de Montréal (FIQ)
A.G. Assemblée générale
C C.A. Conseil d’administration
CTCC Confédération des travailleurs catholiques du Canada
CCF Canadian Commonwealth Federation
CIC Corporation des instituteurs catholiques
CSQ Centrale des syndicats du Québec
C.C. Convention collective
CRO Commission des relations ouvrières du Québec
CMT Confédération Mondiale du Travail
CCT Congrès canadien du travail
C.I.O. Congress of Industrials Organizations (AFL-CIO)
CTC Congrès du travail du Canada
CMTC Congrès des métiers et du travail du Canada
CSN Confédération des syndicats nationaux
CDP Caisse de dépôt et de placements
CEQ Corporation des enseignants du Québec puis "Centrale"
CCM Conseil central de Montréal (CSN)
CTCUM Commission de transport de la Communauté urbaine de Montréal
C.I.A. Central Intelligence Agency
F FNCS Fédération nationale catholique des services hospitaliers et des institutions religieuses (CTCC)
FNS Fédération nationale des services (CSN)
FSSS Fédération de la santé et des services sociaux (CSN)
FUIQ Fédération des unions industrielles du Québec
FTQ Fédération des travailleurs du Québec
FPTQ Fédération provinciale des travailleurs du Québec
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FLQ Front de libération du Québec
FAS Fédération des affaires sociales (CSN)
FDP Fond de défense professionnelle (CSN)
FIQ Fédération des infirmières du Québec
FRAP Front d’action politique
J JTSJD Journal des travailleurs de l’Hôpital St-Jean-de-Dieu
L LIB Libéral
M MGR Monseigneur
MSA Mouvement Souveraineté-Association
N NPD Nouveau parti démocratique
O OLP Organisation de libération de la Palestine
OPEP Organisation des Pays exportateurs de pétrole
P P.P Police provinciale (sous Duplessis)
P.M. Premier ministre
P.C. Parti communiste
R R.I.N. Rassemblement pour l’indépendance nationale
S SJD Hôpital St-Jean-de-Dieu
S.E.H.M. Syndicat des employés d’hôpitaux de Montréal (auparavant "Association"; AEHM)
STTLHL-GR Syndicat des travailleurs (euses) de l’Hôpital Louis-H. Lafontaine-Gouin Rosemont (FSSS-CSN)
U U.N. Union nationale
U.R.S.S. Union des républiques socialistes soviétiques
U.Q.A.M. Université du Québec à Montréal
U.C.C. Union catholique des cultivateurs
U.P.A. Union des producteurs agricoles
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(version corrigée 24 juillet 2015-LG)
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