Les animaux supports de génies chez les Peuls du...

download Les animaux supports de génies chez les Peuls du Diamaréhorizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/pleins_textes_7/... · H. TOURNEUX - Les animaux supports de génies chez

If you can't read please download the document

Transcript of Les animaux supports de génies chez les Peuls du...

  • supports de gnies chez les Peuls du Diamar

    Henry Tourneux

    Dans toute la bande soudano-sahlienne, les airs, la brousse et l'eau sont peupls de djinns, ou gnies. D'aprs A. et S. Epelboin (1978), les Peuls Band du Sngal oriental, bien que tous musulmans, conoi- vent la brousse comme peuple d'tres surnaturels rpartis en trois catgories :

    1. les ngooteere, bergers des animaux sauvages

    2. les yim6e ledae, gens des arbres

    3. les jinne, djinns.

    Sous l'influence grandissante de l'islam, toujours selon ces auteurs, l a notion de jinne tend englober l'ensemble des gnies de la brousse D.

    Selon M. Dupire (1996, note, pp. 30-31),

  • 264 Y L'homme et l'animal dans le bassin du lac Tchad

    En effet, l'poque pr-islamique, en Arabie, les djinns taient les nymphes et les satyres du dsert, correspondant la nature non domes- tique et hostile l'homme. Pour les musulmans, les djinns, ou gnies, sont des cratures divines, doues d'intelligence, et chappant la perception. Ils peuvent cependant apparatre sous diverses formes. Ces gnies constituent un monde parallle, normalement invisible, mais avec lequel certaines personnes entretiennent des relations privi- lgies. D'aprs Sabou Nassouroul, rester habill toujours en blanc donne de bonnes chances de pouvoir voir les djinns ; c'est du moins ce que l'on dit chez les Peuls de la rgion de Maroua.

    propos des djinns en gnral, nous pouvons reprendre l'observa- tion que J. Rouch faisait dans son tude sur la religion et la magie songhay (1 989 : 47) :

    La mythologie des [djinns] parat relativement pauvre. Elle est, de plus, essentiellement localise une rgion et souvent mme un village ou une famille. L'ensemble est donc constitu par une multitude de petites mythologies particulires de lieux-dits qui ne semblent pas avoir de trs grands rapports entre elles. >>

    Nos informateurs, qui taient soit des marabouts spcialiss dans le soin des possds, soit des possds, se contentent de dire : Tel djinn est impoi-tant, car il se manifeste plus souvent que d'autres. >> En fait, il existe une certaine hirarchie dans ce monde invisible, et certains djinns (humains) ont un pouvoir sur les autres, permettant au mdium (marabout ou ancien possd) de savoir quel(s) gnie(s) est (ou sont) impliqu(s) dans la maladie de tel patient venu consulter.

    Les djinns sont, pour la plupart, ambivalents : dans un premier temps, ils se manifestent de faon agressive l'gard d'une victime; dans un deuxime temps, lorsque leurs exigences ont t satisfaites: ils peuvent procurer des bienfaits divers (richesse, voyance, russite). 11 n'est donc pas tonnant qu'une bonne pai-tie de la littrature islamique contemporaine soit consacre aux djinns, et aux divers moyens d'en obtenir des prestations magiques. Les djinns constituent, de fait, un fonds de commerce inpuisable pour certains marabouts peu scrupuleux.

    1 Information communique l'auteur au cours du colloque d'Orlans.

  • H. TOURNEUX - Les animaux supports de gnies chez les Peuls du Diamar 265 V

    Le mot arabe, francis en djinn , pourrait bien venir du latin genius. Certains auteurs tiennent cependant le rapprocher de idjtinsn deve- nir cach , ce qui ne convainc gure. En langue peule, ces gnies sont appels ginnaaji (sing. ginnawol), mot dans lequel on reconnat faci- lement l'origine arabe. Ce n'est peut-tre pas par hasard que ce mot a t mis dans la mme classe nominale -ngol que la peur (kulol). Il est galement associ la folie: celle-ci tant attribue certains gnies.

    B Influence des djinns sur les humains

    Les djinns, habitants de la nature, n'aiment pas tre drangs dans leurs activits. Ils ont chacun leurs lieux de prdilection. La personne qui tombe sur eux l'improviste ne les voit pas, gnralement, mais elle devient leur victime. Elle manifestera immdiatement des troubles divers (physiques etlou psychiques). L'intervention d'un spcialiste est alors requise pour identifier le ou les djinn(s) responsables de la maladie. Une fois le diagnostic pos, le traitement s'impose de lui- mme : on connat, en effet, les exigences de chaque djinn. Le patient / possd, pour se librer, doit accomplir divers rites et sacrifices trs prcis. Les marabouts spcialistes se servent davantage de versets coraniques, cette fin, que les ex-possds devenus mdiums, qui eux, peuvent prescrire des sances de danse, par exemple. De mme, leur inventaire des djinns se ressent davantage de l'influence arabe.

    1 Classification des djinns Chez les Peuls du Diamar, les djinns peuvent tre classs selon leur aspect extrieur. Comme on l'a dj dit, ils sont normalement invi- sibles, mais certaines personnes ont le don de les voir, et n'importe qui peut les rencontrer l'improviste en brousse. Ils sont normale-

  • 266 V L'homme et l'animal dans le bassin du lac Tchad

    ment sexus (mles ou femelles), et se rpartissent en apparences humaine, animale, et arienne.

    Djinns d'apparence humaine Les djinns d'apparence humaine, mles ou femelles, se distinguent par leur religion en musulmans: chrtiens, juifs et paens, et par leur nationalit, en Peuls, Arabes, Kanuri, Mandara, Guiziga, Wolof (!), etc. Ce sont eux qui forment le plus fort contingent de djinns ; on peut penser qu'ils en constituent 90 % des effectifs.

    Il semble que certains d'entre eux peuvent parfois prendre une forme aninlale (voir plus loin le cas de Goni Sufiyaanu).

    Djinns d'apparence animale Les djinns d'apparence animale, mles ou femelles, se rpartissent en oiseaux, mammifres, serpents et reptiles.

    Djinns d'apparence arienne Les djinns d'apparence arienne ont la forme de vents ou de tour- billons. Ceux que l'on rencontre le plus facilement sont les tourbillons de saison sche (duluuru), qui se dplacent parfois grande vitesse, entranant la poussire dans leur entonnoir.

    "" -. Les djinns d'apparence animale

    Voici une brve notice sur chacun des gnies support animal que nous avons pu recenser :

    Serpents et reptiles

    Mboodi

    Son nom signifie serpent. Il est de sexe masculin, et a l'aspect d'un grand serpent de couleur rouge. 11 se nourrit de petits rongeurs. II

  • H. TOURNEUX - Les animaux supports de gnies chez les Peuls du Diamar 267 V

    attaque sa victime en brousse, des carrefours de pistes, de sentiers ou de routes, et s'enroule autour d'elle. Celle-ci pousse un long cri de dtresse et se retrouve paralyse des jambes.

    Pour gurir le mal, on doit se procurer un morceau de peau de serpent, dans lequel on enveloppe des racines pulvrises de n'importe quel arbre. On peut remplacer cette poudre de racines par de la poudre d'corce de Mirragyna inernzis (Rubiaceae), ajoute un fiel de pois- son. On place alors ce gris-gris dans la chevelure de la victime.

    On reconnat la victime de Mboodi sa faon de danser : elle se trane sur le ventre en traant un cercle.

    Mboodi dteste qu'on l'appelle par son nom.

    Mboodi Jubaato

    Ce djinn de sexe masculin a l'aspect d'un grand sei-pent noir et brillant. Il porte le nom kanuri du Naja nigricollis (jr'baro, jiivato). 11 se nour- rit de criquets, de batraciens. de petits rongeurs et de margouillats. II rside dans les teimitires Macroterrnes et Bellicosirernzes. Il attaque sa victime en pleine brousse, en s'enroulant autour d'elle. Il ouvre sa gueule devant elle, mais ne la mord pas (cependant, un marabout nous a dit qu'il essaie de mordre sa victime). La victime rentre chez elle en tant prise de tremblements et de douleurs dans tout le corps.

    La victime de Mboodi Jubaato se reconnat la fivre et la torpeur qui s'installent chez elle. Elle ne doit pas consommer de boule de mil. Pour gurir, elle doit couper trois morceaux de tige de Cornbrefuni aculeatutn (Combretaceae) poussant sur une fourmilire. Les bton- nets doivent tre lis ensemble avec une cordelette faite en corce de Bauhinia rufescens (Caesalpiniaceae), et ports sur la hanche.

    Mboodi Jubaato affectionne tout particulirement les grelots mtal- liques, que sa victime aura intrt attacher dans sa chevelure. Il dteste l'odeur du mil ou mme du son du mil.

    C'est un sei-pent femelle qui se nourrit uniquement la nuit, d'insectes, de petits rongeurs et de petits margouillats. Il attaque sa victime sur un tas d'ordures, une fourmilire, ou dans un cimetire. Celle-ci ter-

  • 268 V L'homme et l'animal dans le bassin du lac Tchad

    nue beaucoup, vomit et ressent des douleurs la nuque; elle se couche en chien de fusil et ne peut plus se relever.

    Pour obtenir la gurison, il faut verser quelques gouttes de sang dans les yeux de la victime et dcrire des cercles autour de sa tte avec une brindille trempe dans du sang. Ensuite, la victime doit porter une bague en argent un doigt de la main droite.

    C'est un python mle. Il habite dans les vieux arbres creux, prs desquels ses victimes le rencontrent. Il se nourrit de viande cuite. Sa victime enfle et son corps devient lourd (si c'est une femme, elle n'aura pas d'enfant).

    Pour obtenir la gurison, on gorge un animal sur une fourmilire, et la personne victime du djinn doit consommer de la viande cuite de cet animal immol.

    Gindimma dteste les insectes et les margouillats. Il aime le son des grelots (sa victime aura soin d'en attacher dans sa chevelure).

    Mayna est un titre princier masculin chez les Kanuri.

  • H. TOURNEUX - Les animaux supports de gnies chez les Peuls du Diamar 269 V

    oblongue, qui peut atteindre 8 cm de long, porte parfois, sur la face ventrale, outre des pattes embryonnaires, un appareil sexuel mle (pnis et testicules). En fait, il faut pas mal d'imagination pour voir une reprsentation de margouillat dans cet objet; on pense beaucoup plus immdiatement un crocodile.

    Les marabouts proposent un autre traitement, qui consiste faire crire soixante-dix-sept fois le verset 255 de la deuxime sourate du Coran, en commenant un mardi, par quelqu'un qui porte le nom de Mal Buuba ou de Mal Saali. Voici le texte de ce verset, dit Verset du Trne :

    a Allah ! Point de divinit part Lui, le Vivant, Celui qui subsiste par lui-mme. Ni somnolence ni sommeil ne Le saisissent. lui appartient tout ce qui est dans les cieux et sur terre. Qui peut inter- cder auprs de Lui sans Sa permission? Il connat leur pass et leur futur. Et, de Sa science, ils n'embrassent que ce qu'Il veut. Son Trne dborde les cieux et la terre, dont la garde ne Lui cote aucune peine. Et Il est le Trs Haut, le Trs Grandz.

    Ce verset est considr comme l'un des plus saints du Coran; il a une grande valeur magique et on l'utilise souvent dans la prire (Blachre 195 1 : 806).

    Mayna Liga a horreur des pets, et se met en colre ds qu'il sent une mauvaise odeur.

    Mammifres

    Fowru

    Ce djinn de sexe masculin porte le nom de l'hyne. Il aime manger des pattes de chvre et de la viande de chvre. Il habite dans les buis- sons ou les grottes. On le rencontre en pleine nuit. Sa victime est reconnaissable ses yeux rouges, son regard fixe et son air rnalhon- nte. Elle cherche tromper la vigilance de ses voisins pour leur dro-

    2 Le Saint Coran, traduction dite par la Prsidence gnrale des direc- tions des recherches scientifiques islamiques, de Ilfia, de la Prdication et de l'orientation religieuse, Al-Madinah Al-Munawwarah (Arabie Saoudite), an 141 0 de l'Hgire.

  • 270 V L'homme et l'animal dans le bassin du lac Tchad

    ber leurs biens. Si on la saisit en flagrant dlit, on aura beau lui infli- ger une correction, elle rcidivera sans tarder.

    Pour la gurir de ce mauvais comportement, il faut gorger une chvre, et lui en faire boire le sang frais.

    Fowiu a hoi-reui- qu'on l'appelle par son nom.

    Ce djinn de sexe masculin habite les montagnes. II porte le nom du lopard. Sa noui-riture prfre est le sang. II attaque ses victimes au pied des montagnes, leur infligeant des maux de tte, des douleurs au sternum et des difficults respiratoires.

    Pour soulager la victime, on lui fait boire du sang pendant toute une jouine, puis on lui achte un mouton et un chat, ayant tous deux un pelage jauntre tachet de noir.

    Lors des danses de possession, la victime de Paadawu se reconnat ce qu'elle se dplace accroupie, en grattant la tei-re avec les doigts.

    Paadawu dteste la fourberie

    Djinn mle ou femelle, portant le nom du hrisson ventre blanc. 11 a la possibilit d'apparatre galement sous une forme humaine. 11 habite les teil-ains boiss, sui-tout ceux qui compoi-tent des Faidherbia albida (Mimosaceae), ou les cltures d'pineux. Il attaque ses victimes vers midi. Celles-ci prsentent les symptmes suivants : recroque- vills et pris de tremblements, elles ne peuvent se levei: se mordent les lvres et se griffent la peau. Elles refusent galement de boire et de s'alimenter. et se fchent la moindre discussion.

    Selon certains, pour gurir, la victime doit se procurer des objets noirs et un mammifre noir. Pour d'autres, elle doit danser au son de la vielle sur l'air du Hrisson.

    Ce djinn dteste la prsence d'un groupe de personnes.

  • H. TOURNEUX - Les animaux supports de gnies chez les Peuls du Diamar 271 V

    Oiseaux

    Ce djinn femelle porte le nom de la grue couronne. Il habite au sommet des calcdrats. Il aime se nouirir de panicules frais de sorgho, d'insectes, et d'excrments secs. Il attaque ses victimes sous les cal- cdrats. Celles-ci sont atteintes d'une raideur totale du cou, qui dure plusieurs jours lors de chaque crise: et laissent leurs cheveux non coiffs.

    Pour gurir la victime, il faut faire tremper dans de I'eau froide une tte de grue couronne spcialement tue cette intention, et la lui faire boire. Ensuite, on confectionne une amulette avec cette tte, que l'on place sous l'oreiller de la personne malade.

    Kumaarewal dteste voir les oiseaux, et ne supporte pas d'entendre des bavardages.

    Chez les Songhay, d'aprs J. Rouch (1989 : 92),

    [La grue couronne] joue un rle trs important dans les rituels de possession, car c'est un oiseau qui danse si I'on joue du tambour ou si I'on tape simplement des mains.

    On notera aussi que, dans toute la rgion, et mme dans toute l'Afrique de l'Ouest, le calcdrat n'est pas un arbre anodin. Il est frquem- ment considr comme la demeure de gnies (Arditi 1980 : 50-5 1 ).

    Ciwilwilil

    Ce djinn femelle porte un nom trs proche de celui du dendrocygne veuf (Anatidae) en kanui-i [cuwulwuli]. Il ne s'agit pourtant pas de cet oiseau, chez les Peuls. car Ciwilwilil est rput plonger sous I'eau pour se nourrir, ce qui n'est pas le cas du dendrocygne veuf. Il attaque ses victimes dans les puits creuss la saison sche dans le sable des maya)). 11 provoque maux de tte, ternuements et nauses.

    Pour gurir, la victime doit se faire faire une amulette un seul nud, contenant un verset coranique commenant par Bismillah ; elle doit galement se laver tout le corps l'eau froide pendant une semaine.

  • 272 V L'homme et l'animal dans le bassin du lac Tchad

    Autre procdure : on remplit d'eau une grande calebasse comportant des protubrances venuqueuses sa surface ; la victime doit y plon- ger la tte plusieurs fois avant d'en avaler l'eau.

    Ce djinn mle porte le nom du hron garde-buf. Il rside habituel- lement sur les Fuidherbia albida ou sur les Balanites aegyptiacu. II se noui~i t de criquets crus. Il attaque ses victimes sous son arbre- reposoir, et les rend aveugles.

    Pour obtenir sa gurison. la victime doit se faire confectionner une amulette par un marabout portant le nom d'usumaanu.

    Nyaalel n'accepte pas que l'on demande sa victime de ne pas se dplacer.

    Ce djinn porte le nom du milan noir (Accipitridae). II se noun-it de poussins et de poulets. Il attaque ses victimes sous un grand arbre. On les reconnat aux mouvements incessants de leurs yeux, et ce qu'elles souffrent de vertiges.

    Lorsqu'un milan s'attaque la volaille, on a coutume de crier caa ! caa! caa! pour l'loigner. La victime de Siilde pousse sans cesse ce mme cri, passant du rire aux larmes.

    Pour faire partir le djinn, on doit rciter le Verset du Trne (cf. ci- dessus) en crachant sur une tige de petit mil. On frappe ensuite la victime sur les paules avec cette tige. Aprs s'tre endormie, la victime se rveille soulage.

  • H. TOURNEUX - Les animaux supports de gnies chez les Peuls du Diamar 273 Y

    q Djinns d'apparence humaine,

    pouvant se mtamorphoser

    Comme on l'a dj dit incidemment, un djinn d'apparence habituel- lement animale peut prendre accidentellement une forme humaine, et inversement.

    Le cas de Garga Waaja Ce djinn mle est un Peul. Cependant, il peut prendre l'aspect d'un masgouillat. Il se faufile alors entre les jambes de la personne laquelle il veut s'en prendre. de faon se faire marcher dessus. La victime. alors, se met ternuer sans cesse, et elle n'y voit plus; de plus, elle ressent des douleurs dans le bas-ventre; si elle est une femme. elle devient strile.

    Garga Waaja peut aussi attaquer sa victime en pleine prire, au moment des prosternations, lorsque l'on touche le sable avec le front.

    Pour gurir, la victime doit danser sur l'air de Garga Waaja, porter un boubou blanc, des chaussures oranges, une lance et un poignard attach au bras.

    Le cas de Goni Sufiyaanu Ce djinn est un Peul du Nord. Cependant, i l s'en est pris l'une de nos informatrices. sous la forme d'un petit serpent d'une trentaine de centimtres de long, de couleur orange, ayant la queue de la pros- seur du pouce. Il a t, chez elle, cause de troubles de la menstruation.

    &'

    3 Conclusion

    On pou~rait comparer le rpertoire des djinns un lexique. Comme le lexique, la liste des djinns est ouverte. pouvant tre augmente en permanence, par des crations ou pal- des emprunts. Certains noms

  • 274 7 L'homme et l'animal dans le bassin du lac Tchad

    enregistrs Maroua, par exemple, se retrouvent dans le > de N'Djamna, culte qui regroupe Arabes, Kanuri et Kotoko (Arditi 1980).

    Comme un lexique encore, le rpertoire des djinns fournit le moyen de verbaliser l'exprience de la maladie, et donc, de l'apprivoiser, en quelque sorte. Les lments naturels que l'on trouve dans ce monde magique sont en fait trs peu naturels; ils sont dots d'une trs forte charge symbolique et culturelle.

    De mme que personne ne peut prtendre une connaissance exhaus- tive du lexique de sa propre langue, personne ne peut connatre la liste complte des djinns. Certains spcialistes, ex-patients devenus mdiums, ou marabouts instruits la fois par les livres et par la divi- nation, en ont cependant une science trs suprieure celle du commun des mortels.

    Le rpertoire des djinns prsente une stratification analogue celle que l'on trouve dans un lexique : tous les lments ne sont pas situer sur le mme plan d'une chelle historique. On distingue un vieux fonds prislamique, qui a t recouvert et partiellement rinterprt par l'islam, ainsi que des lments encore plus rcents.

    Il n'existe pas de structure englobante, dans laquelle chaque djinn aurait une place bien dfinie. L'enqute montre qu'il y a souvent. apparemment, plusieurs djinns de noms diffrents qui ont peu prs la mme influence sur les humains. Cependant, i l semble y avoir des ensembles particuliers qui fonctionnent comme des micro-systmes relativement clos, comme dans le cas des djinns supports animaux.

    La conception peule des djinns, qui participe de la conception afri- caine des gnies, ne peut pas ne pas avoir de rpercussions sui- la perception de la nature. Il nous semble que les diverses projections europennes et citadines de la nature que l'on peut rencontrer dans les organisations cologistes qui investissent l'Afrique, seraient revoir en intgrant ce facteur mystique, qui informe secrtement les comportements des Africains.

  • H. TOURNEUX - Les animaux supports de gnies chez les Peuls du Diamar 275 V

    Bibliographie ARDITI C., 1980 - La mise sur la natte. Rites de possession et condition fminine en milieu islamis N'Djamena, Objets et Mondes, 20, 2 : 49-60.

    BLACHERE R., 1951 - Le Coran, Paris, Maisonneuve et Cie, 2 vol.

    DUPIRE M., 1996 (2e d.) - Peuls nomades, Paris, Karthala, 340 D. + carte.

    EPELBOIN A. et S., 1978 - 25 malades et thrapeutes dans l'univers peul band, Environnement africain, supplment : srie tudes et recherches no 78-25, 80 p.

    GIBB H.A.R., KRAMERS, J.H., 1974 - Shorter Encyclopaedia of Islam, Leiden, Brill, 671 p.

    GIBBAL J.-M., 1982 - Tambours d'eau, Paris, Le Sycomore, 354 p.

    MONFOUGA-NICOLAS J., 1972 - Ambivalence et culte de possession, Paris, Anthropos, 384 p.

    ROUCH J., 1989 (2e d.) - La religion et la magie songhay, Bruxelles, d. de l'universit de Bruxelles, 377 p.

    VIDAL L., 1990 - Rituels de possession dans le Sahel, Paris, CHarmattan, 304 p.