Les agglomérations villes et territoire de la préhistoire à l'époque byzantine

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Les Agglomérations, Villes et Territoires De la préhistoire à l'époque byzantine Mottiez Paul-Emile Rte Cantonale 45D 1964 Conthey Semestre de Printemps 2012

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Les Agglomérations, Villes et Territoires

De la préhistoire à l'époque byzantine

Mottiez Paul-EmileRte Cantonale 45D

1964 Conthey

Semestre de Printemps 2012

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Les Agglomérations, Villes et Territoires Mottiez Paul-EmileDe la préhistoire à l'époque byzantine

1. Le phénomène urbain en préhistoire p.3

La Naissance des cités p.3

Les oppida : Les villes celtiques p.4

2. La ville de l'Arabie et du Moyen-Orient p.6

Définir la ville antique p.6

Villes, territoires et réseaux p.8

Les fausses villes p.8

3. La ville paléochrétienne et byzantine p.9

Organisation de la ville p.9

La ville d'Ephèse p.10

4. Synthèse p.12

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1. Le phénomène urbain en préhistoire

La Naissance des cités

La création de la ville découle de l'évolution socio-économique entourant les différentes populations préhistoriques. Mais, contrairement à la néolithisation où l'on s'accorde sur le fait qu'elle fut diffusée depuis le Croissant-fertile1, le phénomène urbain ne trouve pas qu'une seule origine et ne possède non plus pas une continuité stable. Selon des facteurs divers qui peuvent relever de problèmes de stabilité politique, économique, voire même de changements climatiques, les populations sont forcées de retourner au nomadisme ou de reprendre une vie villageoise.Dans ces circonstances, tout au long de l'histoire, les villes apparaissent, puis disparaissent, soit totalement, soit de manière partielle.

Le terme de "ville" en lui-même pose également un problème, car ce phénomène s'organise très différemment selon les régions. Si Gordon Childe construisit un modèle sur lequel il plaça les éléments qui, selon lui, étaient caractéristiques d'une ville2, aujourd'hui nous sommes forcés de constater que certains de ces points ne peuvent plus être d'actualité. De plus, une partie d'entre eux ne peut fonctionner de manière globale. C'est le cas de l'écriture que l'on ne retrouve pas dans la civilisation celte et en Nubie. Ou encore, la condition d'une certaine forme d'art qui est un critère bien trop abstrait pour pouvoir être pris en compte3.De même, si au début IIIe millénaire presque tous les sites sumériens présentent des ouvrages défensifs, le rempart n'est pas un aspect suffisant pour établir le caractère urbain ou non de son agglomération4.

Si l'on essaie de classifier les villages et les villes par leurs différences de taille, il ne faut pas en oublier le contexte géographique. Les civilisations occidentales ne se trouvent pas dans la même situation sociale, culturelle et économique que celles situées en Orient.D'une manière générale, alors que les peuples orientaux auront déjà connaissance d'une culture de l'organisation urbaine, il faudra attendre la colonisation par les Phéniciens et les Grecs pour voir entrer ce phénomène dans le monde barbare5.

1 Régions de la Mésopotamie et du Levant au Moyen-Orient.2 G. Childe, The urban revolution, The town planning review, 1950

1. Dimension et démographie élevées2. Spécialisation d'une partie de la population, libérée des activités de subsistance3. Surplus de production se concentrant entre les mains d'une autorité4. Ouvrages monumentaux publiques5. Émergence d'une classe dominante contrôlant le surplus de production6. Développement des sciences (arithmétique, géométrie, astronomie)7. Apparition de l'écriture et d'un système de notation numérale8. Production artistique élaborée9. Développement d'un commerce à longue distance (matière première, biens de luxe)10. Organisation étatique, l'appartenance à une communauté n'étant plus basée sur les liens familliaux

3 Ce qui peut être considérer comme de l'art actuellement, ne l'était peut-être pas à l'époque.4 J.-L. Huot, J.-P. Thalmann et D. Valbelle, Naissance des cités, Paris, 1990, p. 625 Nous entendons ici par "barbare", le terme grec "βάρβαρος", désignant littéralement les "non-grecs", les peuplades

étrangères de la civilisation grecque.

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Les oppida : Les villes celtiques

Les oppida désignent les villes gauloises. Mais, comme toutes désignations de villes, il faut pouvoir émettre des critères descriptifs de ce que oppidum signifie réellement afin de réussir à en identifier les traces archéologiques.

Le terme d'oppidum se trouve utilisé dans la littérature latine par Jules César6 et par Tite-Live. Le deuxième, historien romain auteur d'une œuvre allant des origines de Rome à la mort de Drusus en l'an 9 avant notre ère, est une source d'informations importante pour ce qui a trait à la Gaule Cisalpine7. Il ne témoigne vraisemblablement aucun intérêt politique, contrairement à César dont les écrits relevaient un caractère certain de propagande électorale. Toutefois, Tite-Live, tout comme Jules César, eut une réelle difficulté pour trouver un terme décrivant l'habitat celtique. Nous pouvons citer comme exemple flagrant : Clastidium. Pour cette ville, Tite-Live utilise à la fois le terme de vicus, puis d'oppidum. En parallèle à cela, l'auteur grec Polybe en fait également mention en utilisant le terme πόλις8. En plus de cela, un élément de l'œuvre de Tite-Live9 décrivant un ordre de Flavius édité à l'approche d'Hannibal et stipulant l'évacuation d'oppida dépourvus de remparts, nous montre bien que ces oppida n'étaient pas forcément tous des lieux fortifiés.

Jules César, quant à lui, malgré sa volonté de propagande, est l'auteur antique qui nous a transmis quantité d'informations sur les oppida. Malgré tout, même si celui-ci n'a jamais donné une définition claire de ce terme, il permet tout de même de comprendre le fonctionnement général de l'oppidum. Il s'agit d'un lieu d'échanges, un centre économique où il peut trouver du ravitaillement pour son armée lors de sa campagne. Il s'agit également d'un centre politique, où sont prises les décisions importantes.Certains de ces oppida montrent clairement un aspect et des fonctions urbaines. Ce qui fait que César n'hésite pas à les nommer urbs10 à partir de 52 avant J.-C. Si l'utilisation de ce dernier terme semble quelque peu excessif, il ne faut pas oublier qu'il entre parfaitement dans la ligne de ce que César voulait montrer dans sa propagande : Les Celtes étaient des ennemis puissants et redoutables. Il nous faut donc prendre cette affirmation avec prudence, mais quoi qu'il en soit, cette notion nous montre très clairement que, d'un point de vue hiérarchique, les oppida se trouvaient être les sites les plus importants parmi les agglomérations celtes.César nous confirme également ce que releva Tite-Live sur l'aspect fortifié ou non des oppida car ce dernier utilise aussi bien le terme d'oppidum pour des sites fortifiés comme Bibracte, Gergovie ou encore Alésia, que pour des sites tels que Geneva dont aucune trace de fortifications antiques n'a été reconnue pour le moment11.

Une autre question peut être posée sur la difficulté de saisir le sens exact du mot "oppidum". Est-ce qu'utiliser un terme latin pour désigner une réalité propre au monde celtique est adéquat ?L'étude de ce type de sites débuta depuis déjà longtemps et cette désignation d'oppidum est sans aucun doute à relier avec l'histoire de ces recherches dans des pays comme l'Allemagne et la France

6 Dans son "Commentaires de la Guerre des Gaules".7 L'Italie du Nord.8 S. Fichtl, La ville celtique : Les "oppida" de 150 av. J.-C. à 15 ap. J.-C., Paris, 2000, p. 169 Tite-Live, XXII, 1110 Ce terme est généralement appliqué aux villes du bassin méditerranéen, comme Rome elle-même.11 Fichtl, La ville celtique, p. 13

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où la tradition classique eut une grande importance12.Toutefois, il s'avère qu'un terme celtique, ou gaulois, traduit généralement par "citadelle", "enceinte fortifiée" ou "mont", existe et qu'il s'applique à ce genre de sites. Il s'agit de dunon13. Ce mot est considéré comme l'équivalent du terme oppidum mais, littéralement, il signifie "fermer", enclore" et peut être donc traduit par "espace clos par un rempart"14.Ce terme se retrouve dans plusieurs noms de lieux dont César fait mention et dont il est clair qu'il désigne des endroits fortifiés. Mais si dunon a pour sens premier la notion d'espace cloisonné, celui-ci évolue donc vers celui de ville. Malgré tout, que faut-il entendre par "clos" ? La limite définissant l'espace citadin de l'espace rural est-elle physiquement présente par une enceinte ou un talus ? Ou alors se trouve-t-elle également définie de manière symbolique15 ?

Si la notion de dunon devait être plus ou moins familière aux yeux des celtes, il est fort probable que ce ne fut pas spécialement le cas pour des étrangers comme les romains. Dans de telles circonstances, il n'est pas difficile de comprendre le problème qu'eurent les auteurs antiques pour trouver une désignation la plus juste possible à la vision qu'ils avaient de la ville celtique, mais également à ce qu'ils devaient considérer comme ville ou non.D'un regard actuel, la définition d'oppidum pose bien entendu le problème que, dans une civilisation où l'écriture est quasi inexistante, nous ne pouvons nous reposer que sur des textes externes à cette civilisation et sur les études des différents sites retrouvés pour réussir à définir ce terme.

Toutefois, nous pouvons conclure qu'aujourd'hui, malgré encore les divergences d'opinions des différents spécialistes, nous nous accordons pour appeler oppida, des villes possédants un rempart16

et une organisation de son espace intérieur.Il reste toutefois en suspend la question de savoir s'il existe une apparition plus précoce des villes, en Gaule celtique, dans le cadre de villages non remparés.

12 Fichtl, La ville celtique, p. 1613 Dunum en latin. Δοῦνον en grec. Le mort "dunon" est apparenté également au mot du vieil-irlandais "dún", qui

signifie "fort", "forteresse".14 Fichtl, La ville celtique, p. 1615 Cette limite pourrait être équivalente au "pomerium" romain.16 Le rempart s'utilisant dans l'optique de séparer deux mondes distincts : La ville et la campagne.

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Fig. 1Principaux types de situation topographique des sites fortifiés protohistoriques.

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2. La ville de l'Arabie et du Moyen-Orient

Définir la ville antique

Nous avons déjà quelque peu évoqué, dans le chapitre précédent, que le terme de ville pose un problème. Une des définitions actuelles de la ville est la suivante :

"Agglomération relativement importante et dont les habitants ont des activités professionnelles diversifiées, notamment dans le domaine tertiaire."17

Or, cette définition ne peut pas fonctionner pour les périodes antiques et médiévales. Alors, comment définir une ville ?La ville se trouve être un lieu d'échanges. Elle n'est pas forcément dense, car il existe toujours la possibilité d'y trouver implantées de grandes surfaces de jardin. Mais son point le plus important est qu'elle possède une structure sociale, étant un lieu de concentration d'habitants et d'un pouvoir politique.

Comme nous l'avions également énoncé précédemment, la densité pose un problème pour définir si nous nous trouvons en présence d'un village ou d'une ville18. Premièrement, elle change selon les régions. Mais, deuxièmement, il est très difficile de savoir combien il y eut d'habitants par rapport à l'espace bâti retrouvé sur les différents sites archéologiques. Bien entendu, pour connaître ce chiffre il suffit de savoir combien l'on pouvait trouver d'habitants par structure construite et de multiplier ce nombre par le nombre de structures d'habitats retrouvées. Malheureusement, les problèmes majeurs sont de savoir précisément ce qui peut être considéré comme lieu d'habitation ou non, et également de savoir quelles structures sont contemporaines les unes aux autres. Or, si durant l'Entre-deux Guerres il était très aisé de pouvoir dégager de vastes quartiers urbains, notamment en Mésopotamie, aujourd'hui de telles investigations, de par leur coût trop élevé, ne sont plus menées. Pourtant, même si une documentation aérienne permet de connaître l'étendue d'un site, établir une chronologie relative sur un site, chose indispensable pour l'étude des structures contemporaines, ne peut se faire que sur la base de fouilles en profondeur du terrain19.

Mais, en dehors de l'aspect de la densité des agglomérations, la ville se définit par les différentes fonctions qui l'animent et qui en font un espace multifonctionnel.La première de ces fonctions est religieuse : Le but des recherches sur les différents sites étant de réussir à y reconnaître des lieux de pèlerinage, de pratiques rituelles spécifiques, voire les attributions économiques dédiées aux cultes.La fonction défensive constitue un deuxième critère sur lequel nous pouvons nous reposer20. La ville possède généralement un lieu central et protégé, souvent par un rempart, qui devient une zone de refuge en cas de danger. Ce rempart permet aussi de montrer la richesse détenue par la ville où ses habitants. Nous pouvons citer comme exemple la ville de Baraqish où chaque tour fut construite

17 Larousse 199818 Pour la période de l'Antiquité, il est généralement admis qu'une ville compte entre 500 et 1'000 habitants minimum.19 Huot, Thalmann et Valbelle, Naissance des cités, p. 6220 Comme énoncé dans le premier chapitre, il faut cependant noter le fait qu'un lieux muni d'un rempart ne peux pas

être forcément considérer comme étant une ville. Et que dans le même ordre d'idée, il est possible qu'une agglomération considérer comme étant une ville soit dépourvue de remparts.

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par un clan21. Dans d'autres cas, ce sont des habitations et autres bâtiments, aux murs aveugles et accolés les uns aux autres sur tout le pourtour de l'agglomération qui fait office de rempart, surtout pour dissuader le brigandage régional. C'est un type de formation défensive que l'on retrouve à Najran.La fonction politique est parfois difficile à évaluer par les vestiges. La présence de grandes structures d'habitats monumentaux est très souvent interprétée comme correspondant à des palais royaux. Encore ne faut-il pas confondre ces structures avec de grands temples. L'émission monétaire montre clairement le caractère politique du lieu, ou tout du moins que son lien à une puissance politique peut-être établi ailleurs dans la région. Finalement, les traces de textes nous aident à connaître le caractère du lieu étudié, sans oublier les sources antiques écrites qui peuvent permettre d'identifier les différents lieux, ainsi que le caractère d'importance qu'ils purent posséder à l'époque.La dernière de ces fonctions est d'ordre économique. Le but étant de pouvoir repérer sur place les différents bâtiments pouvant être considérés comme des entrepôts, ainsi que d'évaluer l'aménagement de places de marché.De cette manière, ces différents éléments, surtout leur cumul, nous permettent de définir si les sites étudiés se trouvent être un hameau, un village, une bourgade, une ville d'attraction locale ou, au contraire, une ville d'attraction régionale.Dans la définition de la ville, il ne faudrait non plus pas omettre son caractère central qui fait qu'elle domine un espace donné, plus large qu'elle, par une quelconque attraction étant de l'ordre des différents points que nous venons tout juste de citer. Mais ce cadre d'importance régionale sera développé ci-après.

Dans le cadre de définition de la ville, il nous faudra également parler de la notion de citadinité que nous ne pouvons dissocier de celle de la cité.Ce point montre clairement le degré de maturité urbaine gagné par les agglomérations. La ville se lie donc aux sentiments de la population d'appartenir à celle-ci. Il s'agit bien entendu d'un élément qui ne peut être cerné qu'à partir des sources textuelles, sur la base de la manière dont les peuples parlent de leurs origines.Si nous prenons comme exemple l'Arabie et le Moyen-Orient, du VIIIe au IIe siècle, il n'existe pas d'inscriptions associées à des villes. Nous sommes, durant cette période encore, dans un système clanique. Il faudra attendre le Ie siècle avant J.-C. pour voir un changement de mentalité avec l'apparition d'une autre dénomination des noms. Les habitants ne se décriront plus "de la famille" d'un tel, mais se diront "de la ville de".Il s'agit là d'un élément que nous retrouvons également autour du bassin méditerranéen à partir de périodes plus anciennes.

En conclusion, il ne faut pas oublier que le concept de ville, tel que nous le connaissons, n'apparaît qu'au Xe siècle après J.-C. et, qu'avant, sa conception n'était pas la même.Pour définir la ville antique, nous devons savoir que la taille de l'agglomération importe peu ; qu'un rempart, un État ou une écriture ne veulent pas dire que nous nous trouvons en présence d'une ville ; que pour parler de ville, il faut la présence d'une société, de structures religieuses, d'une centralisation et d'une interdépendance entre l'agglomération et son alentour ; et qu'il faut toujours s'aider des sources écrites.

21 Trouvaille d'inscriptions sur chacune d'elle.

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Villes, territoires et réseaux

La notion de "Villes", comme nous venons de le voir, dépend de plusieurs points. L'un d'entre eux, qui se trouve ici très important, est celui des territoires des villes et du réseaux dans lequel elles s'inscrivent par rapport aux autres agglomérations.

En terme de territoire, une ville ne se limite pas à sa seule situation géographique mais se trouve étroitement liée à son environnement. Comme nous l'avons vu précédemment, une ville rayonne par son influence sur sa périphérie. Ceci revêt une importance capitale. La ville ne peut exister sans un apport de produits de première nécessité. Apport qu'elle trouve dans l'implantation de champs autour d'elle-même et dont la distance n'excède vraisemblablement pas une heure de marche, afin de permettre aux habitants de pouvoir travailler suffisamment longtemps sur leur terre agricole.

Dans un cadre plus large, il est indispensable de regarder comment se développent les villes pour comprendre ainsi les interactions qu'elles peuvent posséder entre-elles.Il est donc possible de construire un réseau hiérarchisé des différentes régions étudiées. Une ville exerce un pouvoir, comme nous venons de le voir, sur son territoire proche. Certaines, selon leur importance, peuvent même avoir le pouvoir sur d'autres villes. Bien entendu, selon les cas, une ville d'importance centrale peut avoir une emprise politique sur les autres villes et devient donc une capitale régionale.Il est évident que la fouille systématique de toute une région nous est impossible, par manque de temps et d'argent. Ce genre d'études ne peut se faire que par des prospections aériennes, à partir desquelles les résultats peuvent s'avérer très erronés si l'aspect du relief n'est pas pris en compte.Il va sans dire que l'attraction entre deux villes est également proportionnelle à leur importance et est inversement proportionnelle à leur éloignement.

Les fausses villes

L'appellation de fausses villes est étroitement liée à la notion de ville que nous nous sommes efforcés de décrire jusqu'à présent.Cette distinction vient du fait que les chercheurs ont fini par se poser des questions sur la nature même de ces "villes" de l'age néolithique, dont les deux exemples principaux sont Jéricho22 et Çatal Hüyük23.Selon Kathleen Kenyon qui fouilla le site en 1956, "la population néolithique [de Jérico à cette époque] vivait non pas dans un village mais dans une ville". Pour Çatal Hüyük, James Mellaart n'hésita pas à la baptiser "la plus ancienne ville d'Anatolie et l'une des plus anciennes du monde"24.

Si aujourd'hui nous parlons de ces sites comme étant des fausses villes c'est que, ni Jéricho malgré sa tour, qu'elle soit défensive ou non et, de plus, n'étant pas contemporaine aux constructions retrouvées, ni Çatal Hüyük dont le débitage de l'obsidienne effectuait de manière domestique, ne montrent une structure urbaine comme nous venons de le voir précédemment. En plus de cela, aucuns de ces sites ne possèdent apparemment une emprise sur leur région immédiate.

22 Niveau du Néolithique Précéramique A, dans la première moitié du VIIIe millénaire.23 Première moitié du VIe millénaire.24 Huot, Thalmann et Valbelle, Naissance des cités, p. 20

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3. La ville paléochrétienne et byzantine

Pour la même période historique, le monde byzantin est sans doute un très bon exemple de dichotomie entre ce dernier et le monde occidental autrefois sous domination romaine. Lorsque Constantin Ier inaugure Constantinople comme "la nouvelle Rome" en 330, celui-ci ne pouvait pas imaginer que, un peu plus de sept siècles plus tard, une foule immense venue de l'Ouest dans le cadre de la première croisade, serait émerveillée par la grandeur et la richesse de sa nouvelle capitale romaine.

Organisation de la ville

Il faut constater que la tradition grecque d'autonomie des villes se perpétue plus ou moins sous l'empire romain. Il n'existe aucune rupture et, du IVe au VIIe siècle, la plupart des villes antiques continuent à demeurer des centres urbains importants.

Comme nous l'avons vu précédemment, les murailles ne sont pas emblématiques de la typologie de la ville. Mais, nous devons faire le constat que le climat de l'Empire, peu stable et confronté à de multiples invasions, fit proliférer les structures défensives autour des grands centres urbains.Nous retrouvons donc plusieurs cas de figures. Certaines structures s'agrandissent. C'est le cas à Constantinople où un deuxième mur25, plus long, plus à l'Ouest du mur de Constantin et correspondant à l'extension maximale de la ville, fut bâti en 414. Cette seconde construction ne semble pourtant pas être motivée par l'agrandissement d'une surface habitable arrivée à saturation, mais plutôt dans le but de placer sous protection les différentes citernes d'eau qui alimentaient la ville.Le deuxième cas de figure est celui où les structures se rétrécissent et dont Athènes est un exemple frappant. En 86 avant J.-C., les remparts de cette cité sont détruits par Sylla lors de la Première guerre de Mithridate. Ils ne seront reconstruits qu'au IIIe siècle de notre ère, sur le même tracé que celui de la muraille antique, mis à part à l'Est, où ils furent étendus. Mais cette reconstruction comprenant une trop grande superficie pour le nombre de soldats qui étaient en charge de défendre la cité, la ville fut pillée par les Hérules en 267. A la suite de quoi, tout en constatant un déclin de la population, de l'économie et de la politique de la cité, les fortifications furent à nouveau reconstruites pour protéger un secteur bien plus petit.Dans le dernier cas, les remparts restent stables, comme à Thessalonique où, construite en deux étapes, cette protection semble garder un espace interne toujours occupé.

Quant au reste de l'organisation architecturale des villes, ces dernières possèdent de "Grandes rues à colonnades", systématiquement bordées, dès le IIe siècle, de portiques. La structure du tracé des rues des cités s'est très souvent maintenue jusqu'à l'époque moderne.La montée du Christianisme aurait pu sonner le glas immédiat des temples traditionnels romains, mais durant le IVe siècle les empereurs interdirent leur destruction, car ils furent protégés en tant que patrimoine. Toutefois, laissés généralement à l'abandon, car normalement ils n'ont jamais été transformés en églises, ils tombèrent progressivement en ruine et leurs éléments furent réutilisés en réemploi. Il existe cependant quelques exemples de destructions de temples, comme le Sérapeion d'Alexandrie, l'Aphrodision d'Argos ou encore le Marneion de Gaza.

25 Mur de Théodose

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Les aqueducs continuent d'alimenter les grandes villes, dont l'eau, ressource indispensable pour approvisionner la population, les fontaines et les thermes, peut poser des problèmes en cas de manque. Par ailleurs, les thermes disparaissent peu à peu car le Christianisme ne les cautionne pas.Les monuments, quant à eux, existent toujours. Malheureusement, l'État faisant souvent face à des difficultés financières, ils ne sont plus entretenus, tout comme les temples romains,. Mais malgré le remplacement des monuments par des églises, le modèle de villes reste plus ou moins constant.

Il convient de faire remarquer que, dans cette description des cités byzantines, nous avons tendance à oublier les petites villes de Grèce et d'Asie Mineure qui possédaient un droit de cité mais dont l'aspect n'avait rien de monumental comme les grandes cités de l'Empire. Le problème est que la structure de ces villes est très mal connue. Dans un de ses textes, Grégoire de Naziance, nommé évêque dans la petite ville de Sasima, se plaint d'avoir été envoyé dans un village. Mais nous nous devons de comparer ce qui est comparable. Le destin des grandes villes n'était pas forcément le même que celui des petites villes.De son coté, Pline le Jeune écrivit que les villes, en rivalité avec d'autres, dépensaient énormément pour construire des monuments. Au fil du temps, cette course à la construction ralentit. L'argent se mit à manquer et, de ce fait, les cités perdirent leur autonomie. Sous la pression fiscale croissante de l'État qui avait un besoin cruel d'argent, les riches de l'Empire quittèrent les villes de moindre importance pour entourer l'empereur à Constantinople. Il n'est donc pas étonnant de voir la capitale devenir une grande métropole.Cependant, les questions d'économie ne sont pas les seules. Un changement se développe également dans la mentalité de la population. En 212, l'édit de Caracalla déclare que tous les habitants de l'Empire sont désormais citoyens. Cela atténue le patriotisme local des villes pour celui de la nation toute entière. Le Christianisme, mettant tout le peuple au même niveau, contribua également à cette atténuation.Mais l'évergétisme continue et l'argent disponible est dirigé presque exclusivement vers les églises afin de se laver de ses pêchés et d'obtenir le salut de son âme. Et la construction d'églises revêtait également un aspect économique. Cette multiplication quasi euphorique de constructions d'églises monopolisera tellement de ressources qu'un moment donné une saturation deviendra inévitable.L'argent se retrouve soit dans les poches de l'empereur, soit dans celles de l'Église. Et comme la population se désintéresse de l'aspect monumental de leurs villes, le fait que les anciens monuments tombent en ruine et soient remplacés ne choque plus personne.

Dans l'ensemble, et comme pour toutes les périodes historiques, la prospérité des villes byzantines dépend largement de leur situation géographique, et de leur emplacement sur des voies de communication et de commerce.

La ville d'Ephèse

Dans cet esprit de continuité du monde grec au monde romain, Ephèse était déjà une des métropoles importante de l'Asie Mineure durant la période hellénistique et jusqu'à la fin de l'Antiquité. Située dans une région très fertile, elle possédait un port très important, bien qu'au fil du temps celui-ci, à cause d'un ensablement constant de l'embouchure du Caystre26, devait nécessiter un entretien

26 Si aujourd'hui, le site de la ville d'Ephèse se situe au milieu des terres, durant la période antique, celle-ci se trouvait entre deux collines jouxtant la Mer Egée.

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régulier.Cet élément n'est pas le seul qui transforma la ville au fil des siècles.

Datant de l'époque impériale, Le quartier des "hanghaüser", et surtout sa destruction, permit de constater que la cité avait dû subir une série de tremblement de terre dès le début, et jusqu'à la fin du IIIe siècle, qui semble l'avoir en grande partie détruite. De plus cette dernière subit, au milieu du même siècle, un pillage des Ostrogoths et des Hérules qui auraient incendié le Temple d'Artémis et sans doute ravagé d'autres quartiers.Malgré tout, la ville se relève lentement. Il est fort possible également qu'à cette époque-là, le port, continuellement ensablé, dût être muni d'un canal le reliant à la mer.

Au IVe siècle, il semblerait que la ville haute, où se trouve l'agora, soit abandonnée.Les routes à colonnades prennent de l'importance et ces avenues étaient éclairées la nuit, expliquant ainsi que les processions chrétiennes devaient prendre du poids à l'époque.Dès le milieu de ce siècle, la cité est remise en état. De nombreux puits, fontaines et nouveaux édifices sont construits, comme une riche maison nommée "le palais byzantin". Ces nouvelles demeures nous laissent penser que la ville abritait une certaine élite. Nous pouvons citer le concile d'Ephèse de 432 qui nous montre l'importance que prit la cité, appuie le fait que l'agglomération disposait d'un port facile d'accès et que l'hébergement était suffisant et offrait des conditions de confort agréable. D'ailleurs, la céramique retrouvée pour cette période, bien qu'importée, est de très bonne qualité.

Durant le Ve siècle, de nombreuses églises sont établies en réutilisant des bâtiments plus anciens. Ephèse devient un lieu de pèlerinage. Les anciens temples et sanctuaires, au contraire, ne sont pas réutilisés et sont laissés à l'abandon. C'est le sort que subit également le gymnase qui s'écroula par manque d'entretien à la fin du VIe siècle.Le même siècle, de nouvelles maisons modestes apparaissent, où fut retrouvée de la céramique grossière, fabriquée localement. C'est sans doute à ce moment-là qu'une enceinte plus petite fut construite. Au niveau économique, Ephèse demeure une région exportatrice de vin, durant le Ve, VIe, et peut-être le VIIe siècle.

Les recherches archéologiques donnent l'impression que l'occupation de la ville n'est plus complète et continue. C'est le signe d'un appauvrissement de la cité et d'une réduction de sa population, confirmée par une série d'épidémies de peste dès 540. De plus, au début du VIIe siècle, des raids perses provoquent aussi des destructions. Toutefois, malgré cette affaiblissement, la ville garde un certain prestige et demeure un lieu de pèlerinage.

Etant donné l'état limité de nos connaissances pour les périodes plus tardives, que ce soit au niveau du matériel ou des fouilles, il est plus difficile de connaître l'évolution d'Ephèse après le VIIe siècle.La constatation générale est que la circulation monétaire était très limitée, mais la raison reste toutefois énigmatique. Cependant un village semble se développer près de l'église St-Jean.Il faut attendre 1147, où une chronique de la deuxième croisade nous décrit Ephèse comme une cité en ruine, bien qu'un port semble toujours exister.Finalement, la ville tomba sous domination turque au XIVe siècle.

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Les Agglomérations, Villes et Territoires Mottiez Paul-EmileDe la préhistoire à l'époque byzantine

4. Synthèse

En conclusion nous pouvons dire qu'effectivement, la notion de ville telle que nous la connaissons est relativement récente. La conception de la cité durant la période antique se trouve être très différente de notre vision actuelle. Les sources historiques sont également à analyser en connaissance de cause, mais le manque de ce type de sources pour les périodes préhistoriques ne permet qu'une analyse des vestiges retrouvés in situ.De plus, au fil des études récentes, la définition de ce qu'est une ville a subi une évolution qui ne permet malheureusement pas une classification généralisée de tous types d'agglomérations. Définir un site en tant que ville relève pratiquement du cas par cas, selon les découvertes effectuées sur les sites.Cependant, nous voyons bien avec l'exemple d'Ephèse, que la ville n'est pas un élément simplement architectural et immuable. Cette dernière vit au rythme des siècles, des changements naturels, politiques et économiques, qui l'affectent autant qu'ils affectent ses habitants.

27/05/2013 12/12