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LES 3 VIES DU CHEVALIER Film documentaire en hommage au Chevalier de la Barre Histoire de la laïcité de l’Ancien Régime à nos jours Livret Pédagogique 3e édition

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LES 3 VIES DU CHEVALIER

Film documentaire en hommage au Chevalier de la Barre

Histoire de la laïcité de l’Ancien Régime à nos jours

Livret Pédagogique 3e édition

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Le Film

1 - Synopsis

2 - Fiche technique

Au fil de son récit documentaire, le réalisateur éclaire l’évolution de la liberté de penser en France depuis l’Ancien Régime jusqu’à aujourd’hui en suivant les rebondissements d’une affaire emblématique : l’Affaire n°23 dite « La Barre » ; un procès arbitraire instruit en France au siècle des Lumières et qui continue de défrayer la chronique depuis plus de 250 ans. Une histoire racontée au fil du procès du Chevalier de la Barre et de la lutte de ses défenseurs pour sa réhabilitation. Un récit éclairé par de nombreux chercheurs dans une fresque où se mêlent sculpture et politique au rythme d’une musique originale interprétée à l’image par l’Orchestre de Picardie.

REALISATION | DOMINIQUE DATTOLAPRODUCTION | AZOTH STUDIODUREE | 1H50VISA D’EXPLOITATION N°137498 | TOUS PUBLICSPRIX DE L’INITIATIVE LAIQUE | RENDEZ-VOUS DE L’HISTOIRE DE BLOIS SORTIE NATIONALE | 23 AVRIL 2014

DANS LE ROLE DU FANTOME DU CHEVALIER | FELICIEN DELON SCULPTURE | EMMANUEL BALL & MICHEL JACUCHAMUSIQUE | FRANCK AGIER & GERARD COHEN TANNUGI DIRECTION D’ORCHESTE | OLIVIER HOLT

AVEC NOTAMMENT DANS LEURS PROPRES ROLES | HENRI PENA RUIZ DOCTEUR EN PHILOSOPHIE | HENRI LECLERC PRESIDENT D’HONNEUR DE LA LIGUE DES DROITS DE L’HOMME | FRANÇOIS JACOB DIRECTEUR DE L’INSTITUT VOLTAIRE DE GENEVE | CHARLES PORSET CHERCHEUR AU LABORATOIRE HISTOIRE DU CNRS.

3 - Un récit historique

Comment, à travers le film de Dominique Dattola, interroger trois siècles d’histoire des mentalités en France. Le film prend prétexte de la réalisation de la nouvelle statue du Chevalier de La Barre devant la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre à Paris pour nous rappeler l’histoire du Chevalier de la Barre, sa condamnation et son exécution en 1766 ; pour nous rappeler le symbole qu’il devient à l’avènement de la République, comme

héros malgré lui de la liberté de penser et de la laïcité. La première statue, érigée en 1904, fut fondue comme tant d’autres, en 1942 sous le régime de Vichy pour servir à la fabrication des canons nazis de la seconde guerre mondiale. Il aura fallu attendre février 2001 pour que le Conseil municipal de Paris accepte d’ériger une nouvelle statue à proximité de la basilique. Le sculpteur Emmanuel Ball et le fondeur Michel Jacucha se chargèrent de sa réalisation.

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4 - Les choix du réalisateur

Le titre du film : « Les 3 Vies du Chevalier ». La première vie du chevalier de la Barre (1745 - 1766) est celle du jeune homme aristocrate peu fortuné et ami des idées nouvelles qui le conduiront au bûcher. La seconde vie du chevalier (1791 - 1941) est celle de l’exploitation symbolique de son malheur ; il représentera, aux yeux des révolutionnaires et des libres penseurs, l’arbitraire de l’ancien régime et toutes ses horreurs. Par l’érection d’une nouvelle statue à Montmartre, le Chevalier de la Barre deviendra enfin la figure emblématique

contemporaine commune à tous les défenseurs de la laïcité. Sa troisième vie (1946 - 2001) est une nouvelle utilisation de ses souffrances.

Le ton d’une enquête : au fil des entretiens nourris par les historiens, le film instruit, explore, expose, documente pour un public jeune qui connaît peu ou mal les enjeux de l’histoire du Chevalier de la Barre. Le réalisateur ne retient dans son film que la figure centrale du supplicié dans la galerie des jeunes gens qui ont été accusés à ses côtés. Un procédé de condensation que le réalisateur a choisi délibérément pour dégager le plus clairement possible les lignes de force du procès.

a

Des intervenants anonymes : aucun sous-titre ne précise les noms et qualités de la trentaine d’intervenants qui sont interviewés dans le film. Ainsi ne peut-on pas savoir instantanément qui parle et de quel point de vue chaque spécialiste s’exprime. Un oubli apparent. Le réalisateur a en effet souhaité que les spectateurs ne soient pas influencés par les titres des historiens et que leurs paroles puissent être appréciées sans préjugé. Tous les intervenants du film sont bien entendu tous mentionnés au générique de fin.

Une musique originale : ici, la musique souligne les temps forts de l’épopée de la laïcité. Elle permet également, selon l’intention du réalisateur, d’aménager les respirations nécessaires à la bonne compréhension du matériel intellectuel très dense, révélé tout au long des deux cent cinquante ans de la période étudiée. Cette musique originale a été composée en hommage au Chevalier de la Barre et a été enregistrée au Théâtre Impérial de Compiègne.

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Les Pistes Pédagogiques

Tout part d’un fait qui paraît très anodin à nos contemporains :

le Chevalier de la Barre, jeune provincial de petite noblesse, vraisemblablement gagné aux idées nouvelles des Lumières, n’a pas retiré son chapeau au passage de la procession catholique du Saint Sacrement. Si Dieu passe on se doit pourtant à cette époque de se découvrir. Rester couvert c’est blasphémer, c’est une offense faite à Dieu lui-même. Pour l’Église, c’est un blasphème. Mais la faute essentielle qui lui sera reprochée restera la mutilation du Christ du Pont Neuf d’Abbeville. Personne n’a vu le criminel mais ce ne pouvait être qu’un blasphémateur « qui ait pu taillader le Christ dans la région du cœur ». Pour ce crime supposé sien, François-Jean Lefebvre de La Barre sera arrêté, questionné, décapité et brûlé en place publique.

Cette affaire judiciaire de l’ancien régime permet d’interroger de façon pluridisciplinaire (philosophie, histoire et lettres) notre histoire de France. En ce qui concerne la discipline historique, ce film pourra servir de support d’étude et de réflexion dans les classes de Seconde et Première. Dès la classe de Seconde, on pourra insister sur le portrait d’une société cloisonnée en ordres dominée par l’Église et dans laquelle « la puissance royale tient tout le royaume en état comme Dieu y tient tout le monde. Que Dieu retire sa main, le monde retombera dans le néant ; que l’autorité cesse dans le royaume, tout sera en confusion. » Bossuet (in Politique tirée de l’Écriture sainte 1677).

Piste n°1 - Qu’est-ce que l’injuste ? Qu’est-ce que la faute ?

C’est toujours au nom d’une certaine conception de l’injuste que l’on peut accuser quelqu’un et le condamner à mort. Or ces idées de juste et d’injuste ont subi des bouleversements dans l’histoire. Ce sont des conceptions bien différentes de celles d’aujourd’hui qui s’affrontaient en ce XVIIIe siècle dans l’affaire du Chevalier de la Barre : une querelle de clochers oppose la bonne société Abbevilloise à la famille du Chevalier mais ce conflit dégénère bientôt en un grand procès politique. Un procès qui opposera bientôt le parti des dévots à celui des philosophes des Lumières. Un procès dont le Chevalier de la Barre fera, injustement, les frais à grand renfort de calomnies. Ce moment de l’histoire de l’injuste montre que la faute dont est accusé le Chevalier n’est plus du tout évidente pour nous dans la société laïque d’aujourd’hui.

Qu’est-ce qu’une faute ? Comment en détermine-t-on la gravité ? Dans cette affaire, cela ne va pas de soi. Le Chevalier de la Barre ne comprend pas de quoi il est accusé et au moment du verdict s’interroge encore : « Je ne pensais pas que l’on pouvait faire mourir un gentilhomme pour si peu de choses ! ». Comme l’explique le film, même le nonce du pape trouva la condamnation excessive et ne voulut pas plaider pour une mauvaise cause qui à Rome se serait soldée par quelques mois de prison ou une admonestation. Quelle sanction pour quelle faute ? En France, sous l’ancien régime, les peines encourues pour tel ou tel délit variaient d’un parlement à un autre. L’affaire du

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Chevalier de la Barre est restée célèbre, dans l’Histoire, à cause du décalage considérable entre la légèreté de la faute et la sévérité de la peine.

Rappelons, qu’à l’occasion de la perquisition faite chez le Chevalier, un exemplaire du dictionnaire philosophique de Voltaire avait été découvert dans sa chambre. Le procès pris alors une dimension politique. La procédure lancée contre le Chevalier ne se résumait alors plus au jugement des sacrilèges dont il était accusé. Il s’agissait désormais pour les dévots d’intenter un grand procès aux philosophes des Lumières en général et à Voltaire en particulier, par bouc-émissaire interposé. A ce sujet, l’on pourra s’interroger sur la dimension politique de la justice et de la séparation des pouvoirs avant la Révolution.

Piste n°2 - Qu’est-ce que la justice sous l’Ancien Régime ?

Le film permet d’aborder ce qu’est l’absolutisme royal en France au temps de Louis XV et de saisir les fondements de la justice d’Ancien Régime. A cette époque, le roi est le représentant de Dieu sur terre. Si les juges tiennent leur pouvoir du roi, le roi lui-même le tient directement de Dieu. La justice rendue s’inscrit dans cette hiérarchie qui explique pourquoi le roi Louis XV a refusé de gracier le chevalier de la

Barre. Quelques années plus tôt, le jour de son sacre, il avait prêté serment : « ... il est du devoir d’un roi dans son royaume d’exécuter tous les hérétiques condamnés par l’Eglise catholique sur toutes les terres soumises à sa domination... ». Le roi se devait d’être fidèle à sa promesse d’autant qu’en condamnant Damien pour crime de lèse-majesté, il ne pouvait plus gracier le chevalier pour crime de lèse-majesté divine, lui qui avait attenté, plus gravement encore, à la personne du Christ sur le Pont Neuf d’Abbeville. Le Chevalier de la Barre sera également accusé « d’avoir regardé la procession du Saint Sacrement sans avoir ôté son chapeau et sans s’être mis à genou ; d’avoir chanté les deux chansons impies où on traite Marie, la mère de Jésus, de putain et d’avoir rendu

des marques d’adoration à des livres infâmes et impies... ». En réparation de quoi, il sera condamné à faire amende honorable et conduit à l’échafaud.

Piste n°3 - La philosophie des Lumières est-elle dangereuse ?

L’Eglise, comme institution de l’Ancien Régime, est garante de la croyance officielle. Elle surveille, par l’intermédiaire de la Sorbonne, les auteurs et leurs livres. Le film le rappelle : elle « veut garder la main sur la pensée du royaume » et met à l’index les livres qu’elle interdit (cette disposition ne sera supprimée par le Vatican qu’en 1963). Pour les garants de l’ordre établi, les idées nouvelles sont potentiellement dangereuses. Quand Voltaire rédige son dictionnaire philosophique portatif, il use de toutes les ressources de l’ironie pour construire un discours polémique (du grec polémos, la guerre) et sans concession à l’endroit de l’Eglise. Elle apparaît sous sa plume comme « l’infâme », le lieu de l’intolérance et de la déraison. Et Voltaire de s’interroger au sujet de l’hostie dominicale : « comment peut-on imaginer qu’un dieu puisse devenir en un instant des milliers de miettes de pain ? » Un des prêtres intervenant dans le film, de ce fait dira que le chevalier eut son esprit corrompu par les livres des philosophes : des livres qui proposent de penser par soi-même, de n’obéir qu’à la raison et non à Dieu. L’on pourra s’interroger : pourquoi l’Eglise catholique a-t-elle pu condamner la philosophie des Lumières avec autant de violence ?

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Piste n°4 - La dénonciation est-elle une preuve de culpabilité ?

Il s’agit dès l’abord de savoir si l’on peut intégrer à la procédure d’instruction l’obligation de dénoncer ? Pour instruire l’affaire du chevalier on fit appel à la procédure dite du « monitoire » qui correspond à une obligation de dénoncer pour ne pas être inquiété. Cette procédure relève du religieux et non du civil, mais au moment du procès l’Eglise et l’Etat ne sont pas encore « séparés » et la distinction des pouvoirs pendant l’instruction est alors encore des plus floues. Le film montre comment le recours au monitoire va conduire à renforcer les actes d’accusations sans, pour autant, apporter la moindre

preuve concernant la réalité des faits reprochés au Chevalier. La parole des délateurs va porter sur la dimension blasphématoire, sur des attitudes impies difficilement vérifiables, sans jamais porter sur les actes eux-mêmes. Il n’y a aucun témoignage confirmant la mutilation du Christ du Pont Neuf par le Chevalier de la Barre. L’enquête n’apportera rien sur ce qu’il aurait pu faire mais confirmera ce que l’on voulait à tout prix qu’il soit : un libertin, un ami des philosophes et des encyclopédistes. N’avait-on pas trouvé à son domicile le Dictionnaire Philosophique de Voltaire, De l’Esprit d’Helvétius et quelques ouvrages appartenant à la pornographie de l’époque ?

Les témoignages porteront sur les sacrilèges supposés du chevalier : il aurait acheté un crucifix pour le briser, il aurait déféqué dans un cimetière, il aurait uriné sur une hostie consacrée et l’aurait brisée pour s’assurer que le sang du Christ allait bien en jaillir. L’enquête ne s’orientera donc pas du côté des faits objectifs pour déterminer, par exemple, si une charrette, malencontreusement, aurait pu être à l’origine de la dégradation du Christ du Pont Neuf comme le suggèrera bien plus tard Victor Hugo. Non ; il ne s’agissait que de confirmer ce que l’on « savait » déjà avant son procès: sa culpabilité.

Piste n°5 - La torture et la peine de mort sont-elles des peines justes ?

Quelle que soit la conception du juste et de l’injuste, toutes les sociétés condamnent couramment le meurtre même si certaines de ces sociétés, pour réparation de pareils crimes, prononcent elles- mêmes des condamnations à mort. Un paradoxe. On pourra donc s’interroger sur la légitimité de la peine de mort car elle porte en elle-même sa propre contradiction : comment peut-on s’autoriser ce que l’on interdit ? Comment le droit peut-il interdire de tuer si ce même droit l’autorise dans l’exécution d’une peine capitale?

Une fois la peine de mort prononcée il faudra encore choisir comment l’administrer ? Quel rapport entretient la justice avec le corps du condamné ? La peine capitale, en ce XVIIIe siècle, requiert une torture plus ou moins douloureuse selon l’estimation de la gravité de la faute : par la main du bourreau, les juges entendent obtenir l’aveu et le repentir. L’exécution du chevalier de la Barre eut lieu le 1er juillet 1766. On lui appliqua d’abord la Question. Cette torture consistait à faire éclater les os avec des coins de bois ou de fer : le chevalier dira alors « qu’il n’avait point de complice ». Ensuite le bourreau fit semblant de lui couper la langue et la main. Décapité, son corps fut jeté au bûcher accompagné d’un exemplaire du Dictionnaire Philosophique de Voltaire, exemplaire amené en urgence de Paris pour la somme « exorbitante de 153 livres ». Cet autodafé public (acte de foi selon l’étymologie) fit partie intégrante de la peine. A défaut de pouvoir brûler Voltaire on brûla son Dictionnaire.

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Piste n°6 - De nouveaux droits pour les citoyens ?

Voltaire, grand admirateur de l’Angleterre pour ses institutions politiques, considère que cet Etat était une « bénédiction » pour sa tolérance religieuse. L’Angleterre est en effet le pays de l’Habeas Corpus (1679): par cette ordonnance, le Parlement adoucit le sort des condamnés et offre notamment des garanties pour la défense des accusés qui ne pouvaient plus être détenus sans connaître les vraies causes de leur emprisonnement, sans quoi ils devraient être libérés sous deux jours. L’on pourra également, lorsque l’on parle de justice au siècle des Lumières, établir un parallèle entre les systèmes britanniques et français. Apport essentiel, dans l’histoire de la justice française : la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 Août 1789. Il convient de commenter son préambule et l’article 1er avant de réfléchir sur la liberté de croyance qu’elle établit dans son Article 10 : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi. » L’assemblée nationale qui a voté cet article a opéré un renversement de l’ordre séculaire qui n’autorisait en public que les idées conformes à la doctrine de l’Eglise catholique. Désormais chacun pourra exprimer ses convictions religieuses : c’est l’affirmation individuelle de la liberté absolue de conscience. Les opinions religieuses ne regardent désormais plus l’Etat.

L’on pourra compléter cette réflexion par une analyse rapide de réactions de certains députés à qui le texte fut soumis. Par exemple Adrien Duquesnoy, député du tiers-état de Bar-le-Duc : « ....Je vais dire un mot fait pour scandaliser beaucoup de gens, mais je le trouve éternellement vrai et l’expérience de tous les temps le confirme : il n’y aura jamais de liberté chez un peuple où il y aura un culte dominant. » Mais aussi par la lecture d’extraits de la Constitution civile du clergé de 1790. La séparation des l’Eglises et de l’Etat est affirmée une première fois en 1795 mais le Concordat de 1801 l’abroge : là encore il peut sembler bon de s’arrêter sur les motifs du rétablissement du culte de l’Ancien Régime et s’interroger sur le fait que la religion catholique est déclarée à ce moment-là de l’Histoire : « être la religion de la majorité des Français... »

La séparation des Eglises et de l’Etat fut réaffirmée une seconde fois de façon éphémère par la Commune de Paris le 3 Avril 1871 mais il fallu encore attendre la IIIe République pour que Jules Ferry puisse obtenir, comme ministre de l’Instruction publique, que soient votées les lois sur l’enseignement gratuit, obligatoire et laïque (1881 à 1886). Il s’agit là, sans doute, d’une répétition générale de la future grande loi de 1905 instaurant la Séparation des Eglises et de l’Etat. Pour le législateur, la séparation des pouvoirs était bien restée la condition indispensable de la liberté absolue de conscience.

Piste n°7 - Qu’est-ce que la laïcité ?

La laïcité prend forme dans la loi de 1905 qui entérine la séparation des Eglises et de l’Etat. Article premier : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l‘intérêt de l‘ordre public ». Article deux : « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte.». L’on pourra s’interroger sur le climat dans lequel cette loi a été adoptée : notamment à travers les interventions de son rapporteur Aristide Briand (in Débats parlementaires séance du 20 Avril 1905). Remise en cause par le régime de Vichy, la laïcité sera réaffirmée constitutionnellement en 1946 et en 1958.

Si la religion veut s’immiscer dans les affaires publiques il s’agit d’une violation de la laïcité et si l’Etat veut s’immiscer dans les affaires de l’Eglise il s’agit, là aussi, de violation de la laïcité. Comme le dit Victor Hugo dans son discours sur le projet de Loi Fallou 1850 : « L’Etat chez lui, l’Eglise chez elle ». La laïcité (du grec Laos) est la disposition

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constitutionnelle qui permet d’unir la population en garantissant à tous la liberté de conscience, l’égalité de traitement de tous les hommes, quelques soit leurs convictions religieuses, et d’affirmer que la loi commune ne doit s’occuper que du bien commun. C’est l’affirmation légale de la liberté absolue de conscience et d’égalité de traitement des croyants, des agnostiques et des athées, au sein d’une même nation. L’idéal laïque n’est en aucun cas l’éradication des religions. C’est le plus grand contresens que l’on pourrait faire en parlant de laïcité que d’y voir une hostilité de principe à la religion. Il conviendra d’expliquer que la laïcité est une disposition originale pour mieux vivre ensemble, un vecteur de paix, la vertu cardinale de nos démocraties modernes.

D’autres pistes à exploiter :

A titre indicatif, nous suggérons la poursuite de cette réflexion par l’étude de quelques textes de référence. La liste qui suit n’est pas exhaustive :

1. Edit de Louis XIV contre les jureurs & Blasphémateurs (du 30 Juillet 1666).2. Les minutes de l’exécution de Damien, le régicide de Louis XV.3. Des Délits et des Peines du marquis de Beccaria (1765).4. L’Encyclopédie (1747-1765) de Diderot et d’Alembert.5. Les Mélanges philosophiques de Diderot adressés à Catherine II de Russie (1773).6. Qu’est-ce que les Lumières ? d’Emmanuel Kant (1784).7. De l’horrible danger de la lecture de Voltaire (1765).8. Le Dictionnaire Philosophique de Voltaire (1764).9. De l’Esprit d’Helvétius (1758).10. Pour plus d’informations sur le film, consultez le site : www.les3viesduchevalier.org

Ce livret pédagogique vous est proposé par le Fonds Maif pour l‘Education Comité de rédaction Véronique Aubrun professeur d‘histoire géographie |Franck Millet professeur de philosophie | Isabelle Maupin professeur de français.Directeur de la publication Dominique Dattola | Graphisme Anna Mars | Illustration de couverture François Giovangigli