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Bull.soc.fr.hist.méd.sci.vét., 2014, 14 : 169-182 169 L’ÉPIZOOTIE DE GALE ÉQUINE PENDANT LA GRANDE GUERRE : UN ÉCHEC SANITAIRE ET THÉRAPEUTIQUE Par Claude MILHAUD* *Docteur Vétérinaire, Vétérinaire Général Inspecteur (2S) Membre émérite de l’Académie Vétérinaire de France 18 avenue Jean Jaurès 92140 Clamart [email protected] Communication présentée le 15 novembre 2014 Sommaire La gale apparaît officiellement dans les effectifs équins de l’armée française en décembre 1914, à l’issue de la guerre de mouvement. Son évolution, favorisée par les conditions opérationnelles et les difficultés de mise en œuvre d’un traitement efficace, devient rapidement épizootique. Pour des raisons matérielles, les nouvelles et efficaces thérapeutiques expérimentées à partir de 1917 - bains antiparasitaires, et séjour en atmosphère soufrée ou sulfuration - ne sont généralisées qu’en 1919. Entre 1914 et 1918, la gale im- mobilise temporairement 460 000 chevaux et mulets dont près de 50 000 sont abattus. Le commandement insuffisamment concerné, l’organisation inadéquate des soins vétérinaires et des circonstances particuliè- rement sévères ont contribué à ce cuisant échec. Mots-clés : Première guerre mondiale, cheval, mulet, vétérinaire, épizooties, gale, Force Expéditionnaire Américaine, armées françaises. Title: The equine mange epizootic during World War One: prevention and therapeutic failure Summary: Mange officially appears among the French army’s equine population in December 1914 in the wake of mobile warfare. Driven by operational conditions and difficulty in implementing an effective treatment, its evolution quickly became epizootic. For technical reasons, new and effective treatments introduced from 1917 - such as pesticide baths and exposure to a sulfuric atmosphere or sulfidation - were not widely available before 1919. Between 1914 and 1918, mange temporarily immobilizes some 460,000 horses and mules - nearly 50,000 of which are slaughtered. Insufficiently concerned command, inadequate veterinary care and particularly severe circumstances contributed to this dismal failure. Key words: World War One, horse, mule, veterinary, epizootics, mange, American Expeditionary Forces, French Armies

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L’ÉPIZOOTIE DE GALE ÉQUINE PENDANT LA GRANDE GUERRE :

UN ÉCHEC SANITAIRE ET THÉRAPEUTIQUE

Par Claude MILHAUD*

*Docteur Vétérinaire, Vétérinaire Général Inspecteur (2S) Membre émérite de l’Académie Vétérinaire de France 18 avenue Jean Jaurès 92140 Clamart [email protected]

Communication présentée le 15 novembre 2014

Sommaire

La gale apparaît officiellement dans les effectifs équins de l’armée française en décembre 1914, à l’issue de la guerre de mouvement. Son évolution, favorisée par les conditions opérationnelles et les difficultés de mise en œuvre d’un traitement efficace, devient rapidement épizootique. Pour des raisons matérielles, les nouvelles et efficaces thérapeutiques expérimentées à partir de 1917 - bains antiparasitaires, et séjour en atmosphère soufrée ou sulfuration - ne sont généralisées qu’en 1919. Entre 1914 et 1918, la gale im-mobilise temporairement 460 000 chevaux et mulets dont près de 50 000 sont abattus. Le commandement insuffisamment concerné, l’organisation inadéquate des soins vétérinaires et des circonstances particuliè-rement sévères ont contribué à ce cuisant échec.

Mots-clés : Première guerre mondiale, cheval, mulet, vétérinaire, épizooties, gale, Force Expéditionnaire Américaine, armées françaises.

Title: The equine mange epizootic during World War One: prevention and therapeutic failure

Summary:

Mange officially appears among the French army’s equine population in December 1914 in the wake of mobile warfare. Driven by operational conditions and difficulty in implementing an effective treatment, its evolution quickly became epizootic. For technical reasons, new and effective treatments introduced from 1917 - such as pesticide baths and exposure to a sulfuric atmosphere or sulfidation - were not widely available before 1919. Between 1914 and 1918, mange temporarily immobilizes some 460,000 horses and mules - nearly 50,000 of which are slaughtered. Insufficiently concerned command, inadequate veterinary care and particularly severe circumstances contributed to this dismal failure.

Key words: World War One, horse, mule, veterinary, epizootics, mange, American Expeditionary Forces, French Armies

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Redoutée pour sa contagiosité et pour le traitement astreignant qu’elle exige, la gale autant que ses agents sont familiers aux vétéri-naires du début du XXe siècle1. Comme plu-sieurs régions de France en sont atteintes de façon enzootique, elle touche chaque année, à la faveur du déplacement des animaux, cinq à six régiments2. Les mesures sanitaires y limi-tent son extension à quelques dizaines d’équidés, mais la thérapeutique exige des soins longs et attentifs pour obtenir les moindres résultats. En temps de paix, le faible nombre de sujets contaminés et la disponibilité du personnel permettent d’appliquer des trai-tements contraignants et de maintenir les pertes à un niveau négligeable3. En revanche la mala-die trouvera dans l’énorme potentiel équin réuni lors du premier conflit mondial un terrain d’expansion favorable. Ni les mesures sani-taires, ni les traitements ne parviendront à ju-guler l’épizootie qui entraînera des pertes si-gnificatives et une foule d’indisponibilités.

1914 – 1916. Échec sanitaire : l’épizootie de gale s’installe

Dès la mobilisation et dans les semaines qui suivent, l’armée française incorpore près de 700 000 chevaux et mulets nullement entraînés pour affronter les terribles épreuves qui les attendent4. Dans une atmosphère d’efferves-cence et de précipitation, ces animaux sont rassemblés puis sommairement préparés aux différentes tâches qu’ils assumeront dans la cavalerie, l’artillerie ou le train. Avec les hommes, ils endurent pendant les quatre pre-

                                                            1 HURTREL D’ARBOVAL, ZÜNDEL, t. 2, 1875, p. 1-

28.

2 REVUE VÉTÉRINAIRE MILITAIRE, « Statistiques annuelles », 1911, p. 539 ; 1912, p. 615 ; 1913, p. 589.

3 Pertes dues à la gale en temps de paix. 1909 : 3 pertes ; 1910 : 7 pertes ; 1911 : 3 pertes, 1912 : 2 pertes.

4 Rapport du 1er bureau de l’État-Major de l’armée (EMA B1) sur les réquisitions, 24 avril 1919 (SHD 7 N 465).

miers mois les conditions épuisantes de la guerre de mouvement. Intempéries, inconfort des bivouacs à la corde5, alimentation irrégu-lière et insuffisante, pansage négligé faute de temps, de nombreux facteurs auront raison de leur état général, ouvrant la porte à la gale, escorte de la misère et de la crasse. Le premier foyer est officiellement signalé début dé-cembre 1914, dans une boulangerie de cam-pagne de la Ve armée6. Les vétérinaires sont démunis face à la maladie qui se répand inexo-rablement dans les unités. Alors qu’il faudrait la traiter au plus vite, il leur manque le néces-saire. Le contenu des sacoches et des cantines d’ambulances vétérinaires, prévu pour une guerre de quelques semaines, est démuni de médicaments antipsoriques7. Lorsque le front se stabilise, le ravitaillement en médicaments vétérinaires tarde à se mettre en place, sans que le commerce permette de compenser cette grave lacune dans la zone des étapes. Le 20 janvier 1915, la Direction des étapes et des services de la VIIIe armée rapporte : « Les vété-rinaires de l’armée ne disposent en effet ac-tuellement que de moyens insuffisants pour lutter contre l’épizootie de gale qui sévit dans les armées8. »

                                                            5 Au bivouac, une corde tendue entre deux points

fixes (arbres ou piquets) permet de contenir et d’ordonner les chevaux au repos en plein air. Re-liés à la corde par la longe du licol, ils constituent un alignement régulier facilitant la distribution du fourrage et de la paille. Cependant l’absence de bat-flancs favorise les échanges de coups de pied et les « prises de longe ».

6 Lettre de la Direction des Étapes et Services (DES) de la Ve armée à la Direction de l’Arrière (DA), 1er décembre 1914 (SHD 16 N 2544, g).

7 Médicaments à la disposition immédiate des vété-rinaires d’unités en campagne. Cantine d’ambu-lance vétérinaire (modèle 1874) : acide borique, acide picrique, alcool à 95°, crésylol sodique, on-guent vésicatoire, alcool éthylique pur, poudre de sublimé corrosif, salol, teinture d’iode, teinture d’opium. Sacoche d’ambulance vétérinaire (mo-dèle 1904-1910) : crésylol sodique, éther éthy-lique, salol, poudre de sublimé corrosif.

8 Lettre de la DES de la VIIIe armée à DA, 20 jan-vier 1915 (SHD 16 N 2545, d).

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Le ravitaillement en médicaments ne s’or-ganisera qu’à compter du mois de mars 19159. Le traitement classique de la gale, qui associe lavage des chevaux, décapage de la peau lésée, tonte et application de pom-mades ou de prépara-tions liquides, n’est mis en œuvre qu’à la fin du premier tri-mestre10. L’absence d’antipsoriques d’effi-cacité indiscutable su-scite de nombreuses propositions : association de vaseline, pétrole et benzine, applications d’huile de cévadille11, d’huile crésylée, des pommades antipsoriques de Lacombe ou de Shelman12. La préparation de la peau est réali-sée à l’aide de substances assez corrosives : savon noir, sulfate de fer ou carbonate de soude. Le nettoyage, le décapage, éventuelle-ment la tonte locale ou générale ainsi que l’application d’une pommade demandent beau-coup de temps et de minutie. La tâche n’est guère gratifiante. Traiter son cheval contre la gale tente peu le cavalier ou l’artilleur. On peut supposer sans beaucoup se tromper que le pan-sage, souvent effectué dans l’urgence avec un

                                                            9 Note de DA aux armées, 20 mars 1915 (SHD 16

N 2545, d).

10 Lettre de la Direction de la cavalerie (Dircav) à DA, 17 janvier 1915 (SHD 16 N 2545, a).

11 « Cévadille ou Sabadille, Schœnocaulon offici-nale (Liliacées, Colchicées). On utilise les se-mences pulvérisées. Cette poudre est dangereuse, non seulement à employer, mais aussi à préparer ; elle provoque l’éternuement par suite de la véra-trine qu’elle contient. Elle sert principalement à détruire les poux et les puces chez les animaux. On l’applique en nature, ou mieux en pommade à 1/5 ou encore mélangée à l’huile dans les mêmes proportions. » CERBELAUD, 1910, p. 341.

12 « Instruction sur la gale et les moyens de la com-battre en campagne, 13 mars 1915 », Rev. Géné. Méd. Vét., 1916, p. 124-126.

Fig. 1 : Chevaux présentant une gale avancée “bad cases”. US Army Veterinary Hospital of Neufchateau. Source : Images from History of Medecine (NIH).

matériel inadapté13, conduit à négliger, volon-tairement ou non, les premiers signes locaux, donc à retarder la mise en œuvre de la théra-peutique.

En fait, le cavalier ou le conducteur ne s’inquiètent que lorsque leur cheval, harcelé par les démangeaisons, incapable de se repo-ser, devient intenable et perd l’appétit (fig. 1). À ce moment s’installe une course de vitesse entre des soins astreignants, difficiles à faire rigoureusement exécuter, et la dégradation rapide de l’état de l’animal. Débordés par la multiplication des cas, les vétérinaires d’unités demandent l’évacuation des animaux les plus atteints vers les Dépôts de chevaux malades (DCM).

Devant l’afflux des malades, il devient ur-gent de rationaliser le traitement et d’éviter la contamination de tous les DCM. Certains dé-pôts, à l’image du « dépôt hôpital » de Pernes

                                                            13 Les brosses réglementaires en crin sont insuffi-

santes, en particulier en hiver, pour débarrasser le pelage de toutes les souillures accumulées quoti-diennement en campagne. Les brosses métalliques beaucoup plus efficaces ne sont mises à la dispo-sition des unités qu’à partir de 1917.

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pour la Xe armée ou de ceux de Faverney et Nancy pour la VIIe armée, sont progressive-ment spécialisés pour accueillir des chevaux et des mulets galeux14. Faute d’un traitement miracle, les soins les plus précoces et les plus attentifs restent le seul recours. Plus l’évacu-ation est tardive, plus les soins sont longs et le pronostic défavorable. Les « grands galeux » dépérissent en quelques semaines. Or, les uni-tés au combat hésitent, malgré l’avis de leurs vétérinaires, à se séparer de chevaux ou de mulets encore capables d’assurer leur service, qui ne seront remplacés qu’après deux à quatre semaines, le plus souvent par des animaux d’origine nord-américaine réputés pour leur manque de puissance et de dressage15.

Après la traditionnelle amélioration esti-vale, l’automne 1915 voit s’affronter le Bureau des remontes de la Direction de la cavalerie et certains vétérinaires aux armées sur le pro-blème de la tonte préventive avant l’hiver. Si cette mesure facilite le pansage, élimine une partie des parasites et permet la détection pré-coce de la maladie, elle rendrait en revanche les chevaux sensibles au froid. Le Bureau des remontes tranche en rappelant les mesures générales de prévention et en limitant l’usage des tondeuses mécaniques aux seuls DCM, afin que ne soient tondus que les animaux les plus atteints16. Pour mettre en évidence et trai-ter les lésions débutantes, les unités doivent se contenter de tondeuses à main, beaucoup moins pratiques17. Dès les premières intempé-                                                            14 Lettre de Dircav à DES Xe armée du 24 décembre

1914 (SHD 16 N 2544, i) ; Rapport du Chef du Service vétérinaire de la VIIe armée, 30 avril 1915 (SHD16 N 2556) ; Lettre DES VIIe armée à DA, datée de septembre 1915 (SHD 16 N 2556).

15 Rapport du général (gal) commandant (cdt) la 129e DI à gal cdt la VIIe armée, 2 février 1916 (SHD 16 N 2548).

16 L’instruction provisoire sur le service vétérinaire de l’armée en campagne de novembre 1918 auto-rise la tonte des chevaux dans les unités contami-nées par la gale, chaque année, à partir du 15 avril.

17 Lettre de Dircav à DA, 11 octobre 1915 (SHD 16 N 2547, b).

ries de septembre, les chevaux galeux évacués saturent la capacité d’hospitalisation des DCM (fig. 2). En décembre, les rapports des vétéri-naires montrent que la gale s’est pratiquement étendue à toutes les armées18. Le second hiver de guerre confirme les observations du pre-mier, qui mettent en cause le manque d’entretien des animaux par défaut de disci-pline, et par la réticence des unités à évacuer leurs chevaux et leurs mulets. Des désaccords surgissent entre les Dépôts de l’intérieur et les unités de l’avant à propos de jeunes chevaux reconnus galeux à leur arrivée dans la zone des armées19. L’inconfort et la durée des transports pourraient expliquer la brusque évolution de gales débutantes non décelées par les vétéri-naires au départ des animaux20. Enfin, en mars 1916, quelques incidents avec les autorités civiles concernant la vente de chevaux réfor-més incomplètement guéris conduisent la Di-rection de la cavalerie à rappeler que les équi-dés prêtés ou vendus après réforme doivent être exempts de maladies contagieuses, spécia-lement de gale21.

Au cours de l’été et de l’automne 1916, l’absence d’amélioration déçoit les attentes. Le groupe d’armées du centre évacue 11 483 che-vaux et mulets dont 40 % sont galeux ou por-teurs de teigne22. À l’issue des batailles de Verdun et de la Somme, l’encadrement des trains régimentaires et des batteries d’artillerie peine à rétablir, au sein des unités éprouvées,

                                                            18 Rapports vétérinaires des Ière, IIIe, Ve, VIe et Xe

armées, 1er janvier 1916 (SHD 16 N 2556).

19 Rapport vétérinaire Ière armée, 15 mai 1915 (SHD 16 N 2556) - Rapport gal 129e DI, 2 février 1916 ; Rapport vétérinaire, 21e C.A., 7 février 1916 ; Lettre de DA à Dircav, 13 février 1916 (SHD 2548, b) – Lettre gal 2e CC, 15 avril 1916 (SHD 2546, c).

20 Note de Dircav aux régions militaires (RM), 2 mars 1916 (SHD 16 N 2548, b).

21 Lettre du gal cdt le Groupe d’Armées du Centre (GAC) à 3e bureau du Grand Quartier Général (GQG), 11 septembre 1916 (SHD 16 N 2549, a).

22 Rapport de l’inspecteur vétérinaire, 4-6 février 1918 (SHD 16 N 2551, b).

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Fig. 2 : La gale est aussi une zoonose, comme en font l’expérience les hommes d’un DCM.

DIEUDONNÉ Robert, Hommes de chevaux ! (Heures hippiques d’un fantassin), dessins de Hautot, P., à L’Œuvre, s.d., (c. 1919), 70 p.

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Fig. 3 : Traitement en piscine dans l’Armée anglaise en 1919 à Saint-Nazaire (cliché Delcampe.net)

Fig. 4 : Traitement en piscine dans l’Armée française.

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une discipline rigoureuse du pansage et du nettoyage des harnachements. Épuisés, les chevaux mériteraient pourtant un surcroît de soins. Quant à la cavalerie, moins sollicitée et traditionnellement plus attentive, elle reste peu atteinte. Au demeurant, le bilan de l’année 1916 s’avère sérieux. La gale a progressé mal-gré les mesures de prophylaxie recommandées. Près de 100 000 cas sont rapportés, contre 77 000 en 191523.

1917. Espoir : de nouveaux moyens théra-peutiques

Au dernier trimestre de 1916, les vétéri-naires des DCM de Faverney et de Senlis, spé-cialisés dans le traitement des équidés galeux, ont entrepris des expériences suggérées par les pratiques de l’armée anglaise. Celles-ci mon-trent l’intérêt des bains de solutions de polysul-fures comme traitement massif et rapide de la gale à l’échelle des armées. Aussi, dès le 28 décembre 1916 la Direction de l’arrière donne-t-elle l’ordre aux Directions des étapes et des services (DES) de faire réaliser une « piscine » avec ses annexes dans chaque DCM spécialisé ou, à défaut, dans chaque armée24. La méthode s’inspire des bains antiparasitaires, développée en Australie et en Afrique du Sud pour traiter des grands troupeaux. Or, pour être appliquée aux chevaux et mulets européens, elle suppose de chauffer non seulement l’eau de la « pis-cine » mais aussi ses annexes (fig. 3 et 4). En effet, la « piscine », fosse de 38 m de long et de 2,5 m de profondeur accessible par deux plans inclinés, représente un important volume de liquide qu’il est indispensable de chauffer à près de 40° C. Recouverte d’un appentis, elle est précédée d’une salle de douche et suivie d’une salle dite « de frotte » pour sécher les animaux25. Chevaux et mulets sont immergés

                                                            23 SECTION TECHNIQUE VÉTÉRINAIRE DE LA DIREC-

TION DE LA CAVALERIE, 1922, p. 207- 216.

24 Note de DA aux DES, 28 décembre 1916 (SHD 16 N 2549, d).

25 Rapport du génie région nord, 28 février 1917 (SHD 16 N 2550, a).

tous les deux jours. On observe en général une amélioration en deux semaines de traitement. Ensuite, les pommades peuvent prendre le relais.

Suite à divers essais, les polysulfures sont abandonnés et la solution définitivement pré-conisée associe le crésyl (2,5 %) et le carbo-nate de soude (1 %). À l’exception d’intoxi-cations par certaines solutions arsenicales et de brûlures accidentelles des animaux, la méthode dite de la « piscine » donne satisfaction pour un prix de construction équivalent à la valeur commerciale d’une quinzaine de chevaux. Mais la surcharge de travail des équipes du génie et le caractère insuffisamment prioritaire de la lutte contre la gale en retardent l’installation dans la dizaine de DCM spéciali-sés. Les travaux ne sont réalisés que très pro-gressivement au cours de l’année 191726. Quelques mois après la mise en service des premières installations, le commandement apprend, sur la foi des déclarations d’un déser-teur alsacien, que l’armée allemande dispose en Belgique de trois centres de traitement de la gale également équipés de « piscines », utili-sant une suspension de créoline (mélange toxique de phénol et de crésol) à la température de 42° C27.

Du fait du retard pris dans l’équipement des DCM, les « piscines » ne permettent que de ralentir la marche de l’épizootie. Comme on l’a dit, les chevaux mal nourris, mal entretenus, surmenés par les grandes offensives des deux dernières années, soumis à des changements très fréquents d’hébergement dans des canton-nements parfois infestés, représentent des proies faciles pour le parasite. Depuis le début de 1916, les DCM, débordés par les chevaux en très mauvais état tardivement évacués, en réforment beaucoup pour gale incurable ou « difficilement curable en milieu militaire ». La maladie ne contaminant pas la viande, ces animaux réformés sont soit consommés par les unités ou par les prisonniers, soit dirigés vers

                                                            26 Rapport de l’inspecteur des DCM, 22 mars 1917

(SHD 16 N 2550, b). 27 Note attaché militaire La Haye, 30 mars 1917

(SHD 16 N 2550, c).

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Fig. 5 : Chambre à sulfuration. Les parois comprennent deux épaisseurs de planches séparées par une lame de papier goudronné. MINISTÈRE DE LA GUERRE, Direction de la Cavalerie, Bureau des Remontes, Ins-truction sur la Gale des Équidés, sa prophylaxie et son traitement, P., Impr. Nationale, mai 1918, 16 p., pl. 1.

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les fabriques de saucissons, soit vendus pour la consommation civile28. Cette dernière solution suscite de nombreuses fraudes. Malgré l’obli-gation de présenter un certificat vétérinaire témoignant en retour de l’abattage, des mar-chands de chevaux achètent des sujets destinés à la boucherie pour leur donner l’apparence de la santé, les maquiller et les vendre encore contagieux avec de substantiels bénéfices29.

Soucieux de soulager les DCM, le com-mandement réorganise en avril 1917 les soins vétérinaires. Il propose la création d’Hôpitaux Vétérinaires à l’intérieur (HVI) et la transfor-mation de quinze DCM en Hôpitaux Vétéri-naires dans la zone des armées (HVA)30. La Direction de la cavalerie agrée ce projet et prend en charge, avec les régions militaires, l’installation de dix-sept HVI31. À partir de mai 1917, les HVA qui n’arrivent plus à vendre sur place leurs chevaux réformés les orientent, avec ceux qui font l’objet de traitements de longue durée, vers les HVI. Ce mouvement ne se fait pas sans quelques discordances tech-niques ou administratives. Parfois les vétéri-naires des HVI s’opposent à ceux des HVA sur l’état des chevaux qui leur arrivent. Les récla-mations des uns et les protestations des autres entraînent le commandement à demander l’intervention de l’Inspecteur Vétérinaire32. Après enquête, il semblerait que les vétéri-naires des HVA n’évaluent pas toujours cor-rectement l’impact de plusieurs jours de trans-

                                                            28 Réforme en vue de la boucherie. 29 Lettre de DA à Dircav du 29 février 1916 (SHD

16 N 2548, b) ; Dossier réclamation de vente de chevaux réformés du 13 mars 1918 (SHD 16 N 2551, c) ; Transmis de DA à Dircav du 2 août 1918 (SHD 16 N 2552, a) ; Lettre général GAN à GQG du 21 juillet 1917 (SHD 16 N 2550, d).

30 Instruction sur les hôpitaux vétérinaires, 1er avril 1917 (SHD 7 N 457).

31 Circulaire de Dircav pour les RM, 26 mai1917 (SHD 7 N 457) ; Note de DA à GQG/B1, 21 février1918 (SHD 16 N 2551, b) ; Lettre de Dircav aux RM, 10 janvier 1918 (SHD 16 N 2551, a)

32 Note de DA à GQG/B1, 21 février 1918 (SHD 16 N 2551, b).

port sur des chevaux déjà épuisés. Les trajets en chemin de fer, souvent plus longs que prévu ou effectués dans des conditions climatiques difficiles, compromettent la santé de certains animaux au point d’en faire mourir une propor-tion significative ou de nécessiter leur abattage d’urgence à l’arrivée. De leur côté, les vétéri-naires des HVI, respectant la consigne de limi-ter les traitements à la valeur vénale du ma-lade, ont tendance à noircir leur pronostic et à ne pas s’engager dans des traitements longs et incertains comme en réclameraient les « grands galeux » en état de misère physiologique.

Bien que peu compatible avec l’importance des effectifs à traiter ni avec les délais accordés aux vétérinaires, le traitement de tels animaux reste possible, au point de poser le problème de la légitimité de leur abattage33. Souhaitant limi-ter le nombre des sacrifices, la Direction de la cavalerie attire l’attention du commandement sur l’abus qui consiste, pour les armées, à éva-cuer des sujets dont elles ont déjà prononcé la réforme34. Cette décision relève en principe des hôpitaux vétérinaires seuls juges de l’oppor-tunité du traitement ou de la réforme en vue de l’abattage. Pour tenter d’en guérir davantage – et même les « grands galeux » –, on envisage de créer des fermes hippiques, sortes de centres de longue convalescence pour équidés. L’idée ne dépasse pas le stade de projet, tant les sur-faces en herbages nécessaires seraient impor-tantes35. La Direction de la cavalerie, qui en-tend éviter les pertes inutiles sans pouvoir ré-gler elle-même le problème, demande d’y veil-ler au commandement et aux autorités régio-nales36.

De son côté, face au risque d’extension de la gale au milieu civil, le ministre de l’Agriculture promulgue le 22 juin 1917 un décret resté en souffrance depuis le 31 juillet

                                                            33 FAYET, 1916, p. 539-548. 34 Lettre de Dircav à DA, 2 septembre 1917 (SHD

16 N 2550, e). 35 Lettre de DA à Dircav, 7 juillet 1917 (SHD 7 N

457). 36 Lettre de Dircav à DA, 13 avril 1918 (SHD 16 N

2551, c) ; lettre de Dircav à DA, 24 septembre 1918 (SHD 16 N 2552, b).

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Fig. 6 et 7 : Chambres à sulfuration. La tête des chevaux est maintenue à l’abri du gaz acaricide.

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1914, qui ajoute cette parasitose à la liste des maladies réputées contagieuses : « La gale dans les espèces équines et asines et leurs croisements est inscrite au registre des mala-dies réputées contagieuses prévu par la loi du 21 juin 189837. » Au moment de la mobilisa-tion, le ministre de l’Agriculture avait cru, comme beaucoup de Français, à une guerre courte, menée pour l’essentiel sur le territoire ennemi. À ce moment, l’application du texte aurait eu pour effet, selon lui, d’entraver inuti-lement les mouvements des armées. La nou-velle réglementation ne sera pas au demeurant suivie à la lettre car elle revient toujours à in-terdire les déplacements d’animaux galeux. Un accord tacite entre les ministères de l’Agri-culture et de la Guerre en limite le champ d’action, pour ne retenir que la prévention de tout contact entre les équidés militaires galeux et leurs congénères civils. Effectives ou poten-tielles, ces contaminations fortuites font l’objet d’une déclaration aux services du préfet du département, qui prennent les mesures adé-quates. De son côté, le commandement s’en-gage à faire exécuter un contrôle rigoureux des sujets réformés avant de les remettre aux ac-quéreurs civils38. Sous réserve de respecter ces principes, les déplacements d’animaux mili-taires galeux sont autorisés aussi bien dans la zone des armées qu’à l’intérieur, en particulier pour les transferts entre les HVA et les HVI.

La reprise d’idées anciennes sur l’efficacité des émanations gazeuses soufrées39 conduit à expérimenter en mars-avril 1917 les effets de l’exposition de chevaux galeux aux dégage-ments produits par une machine dite de Clay-ton40. Il faut cependant attendre décembre 1917 pour que le directeur de l’organisme ministé-

                                                            37 Décret du 22 juin 1917 (SHD 17 N 417). 38 Bordereau d’expédition de DA aux armées,

3 octobre 1917 (SHD 17 N 417). 39 Les agronomes latins comme Columelle, les

hippiatres du IVe siècle comme Apsyrte ou Vé-

gèce, et les maréchaux médiévaux comme Jorda-nus Rufus, tous préconisaient déjà le soufre dans le traitement de la gale équine. BLANCOU, 2000, p 289.

40 Dircav à DA, 26 avril 1917 (SHD 16 N 2550, c).

riel chargé officiellement des essais de nou-velles techniques41 propose à la Direction de l’arrière d’expérimenter, au sein de l’armée d’Italie, un groupe mobile de sulfuration42. Le 16 mars 1918, une instruction sur le traitement de la gale précise que « la méthode dite de sulfuration est encore à l’étude ». Celle-ci deviendra officielle en mai43 et la première note d’orientation de la Direction de l’arrière concernant la création de chambres à sulfura-tion ne paraîtra que le 24 juillet 191844. Il re-viendra au commandement de les faire installer dans les HVA. En revanche, elles sont pros-crites dans les structures de soins mobiles, c'est-à-dire les infirmeries d’unité ainsi que les sections et ambulances vétérinaires d’évacu-ation, chargées du tri et des soins immédiats aux animaux malades ou blessés. On pourra seulement en construire en dehors des HVA, à proximité des cantonnements de repos.

La méthode de sulfuration consiste à faire séjourner pendant deux heures un ou plusieurs chevaux, préalablement étrillés à la brosse métallique, dans une chambre maintenue entre 25 et 35° C, à l’intérieur de laquelle un appa-reil sulfurogène disperse, par combustion de soufre, des vapeurs d’anhydride sulfureux. La tête et l’encolure des chevaux, passées à tra-vers une collerette étanche fixée dans l’orifice d’une couverture, sont maintenues hors des vapeurs45 (fig. 5, 6, 7 et 8).

Le défaut d’étanchéité des collerettes46 con-duira Bertrand et Dassonville à proposer de

                                                            41 Mission d’essais, vérifications et expériences

techniques. 42 Transmission de Dircav à DA, 8 décembre 1917

(SHD 16 N 2550, f). 43 Lettre de Dircav à DA, 9 mai 1918 (SHD 16 N

2551, d). 44 Note de DA aux armées, 24 juillet 1918 (SHD 16

N 186, 2). 45 Note de Dircav, 25 octobre 1918 (SHD 16 N

2552, c) ; Note du bureau Remontes/ SV de la Dircav, 19 février 1919.

46 GAY, 1918, p. 635–640.

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Fig. 8 : chambre de sulfuration pour douze ani-maux. La tête des chevaux est maintenue à l’extérieur en leur passant l’encolure dans une collerette (en principe) hermétique. US Army Veterinary Hospital de La Rochelle. Source : Imag-es from History of Medicine (NIH).

remplacer la combustion du soufre par la pul-vérisation de chloropicrine (20 g / m3) moins toxique, en particulier pour les yeux47. Échap-pant à l’acaricide, la tête et l’encolure sont frottées d’huile de cévadille48. Ce traitement est répété six fois en moyenne (au minimum deux fois), à l’intervalle de huit à dix jours. Chaque chambre à sulfuration permet de trai-ter, selon le nombre de loges, un à douze che-vaux ou mulets49.

Malheureusement les délais pour mettre au point la méthode et pour construire les « pis-cines » destinées aux bains antiparasitaires compromettent la lutte contre la maladie. En 1917 cependant, les 116 000 chevaux atteints sont traités.

                                                            47 BERTRAND et DASSONVILLE, 1919, p. 486-489 48 Lettre de Dircav à DA, 11 avril 1918 (SHD 16 N

2551, c). 49 JACOULET, 1917, p. 653–654.

1918. Désillusion : 153 000 cas de gale ! Plus de 20 % des effectifs équins atteints dans l’année

L’épidémie continue à s’étendre tout au long de l’année 1918. Pour partie, cet échec est dû à la lenteur à mettre en œuvre les nouveaux traitements, seuls capables de guérir des effectifs aussi impor-tants que ceux de nos armées. À cela s’ajoutent le mauvais état général des équidés en service, l’afflux considérable des réquisitions du printemps qui favorise la maladie, mais aussi l’incompétence inattendue des personnels de l’American

Expeditionary Force (A.E.F.) en matière de prévention des épizooties50.

Au printemps, les besoins des armées fran-çaises, usées par les coups de boutoir des of-fensives allemandes, ont augmenté. S’y ajoute la livraison promise de chevaux et de mulets à l’A.E.F., qui ne supporterait aucun délai car le GQG attend impatiemment la montée en ligne des divisions américaines. Pour faire face à la pénurie, le gouvernement ne peut qu’autoriser la reprise des réquisitions, lesquelles fourniront 150 000 chevaux de juin à août. Le ravitaille-ment précipité des unités américaines et fran-çaises oblige à raccourcir de façon drastique la mise en condition des animaux dans les Dépôts de l’intérieur, désormais incapables de tenir leur rôle de sas sanitaire. Une nouvelle vague de contaminations de gale atteint donc les ar-mées françaises, tandis que piétine la mise en application des sulfurations gazeuses. Le commandement ne parvient toujours pas à faire fabriquer les appareils dans des délais raison-nables51, si bien que les HVA, manquent de sulfurogènes alors qu’ils sont approvisionnés

                                                            50 Rapport GQG/remontes, 27 février 1918 (SHD

16 N 2551, c) ; Lettre de DA à la mission mili-taire auprès de l’A.E.F., 9 mars 1918 (SHD 16 N 2551, b).

51 Lettre de Dircav à EMA B1, 9 août 1918 (SHD 7 N 457).

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de chambres à sulfuration et de soufre. On propose des solutions palliatives : brûler le soufre sur des braséros (sulfitation) ou em-ployer des pulvérisateurs agricoles (Vermorel) pour asperger les chevaux d’eau crésylée52.

Il n’est pas surprenant que l’année 1918 se solde par un bilan sévère, avec 153 000 cas dans l’armée française. Les espoirs soulevés par la perspective d’un traitement « industriel » à la hauteur de l’importance de l’épizootie sont déçus. Sans doute l’effort de guerre, orienté vers les nécessités primordiales des opérations, n’a pas permis d’installer le matériel néces-saire53. Les appareils à sulfuration ne feront leur apparition dans les HVA qu’au début de 1919.

La généralisation des chambres à sulfura-tion laisse cette fois envisager une éradication rapide de la maladie, que faciliterait encore l’arrêt des hostilités. Hélas, 1919 ne verra au-cune amélioration significative. La pénurie de personnel liée à la démobilisation, la multipli-cation des mouvements d’animaux résultant des dissolutions d’unités et du redéploiement du dispositif militaire, l’impossible améliora-tion de l’alimentation des chevaux, tout con-court à entretenir l’épizootie autant dans les armées que dans les dépôts de l’intérieur54. Fruits de l’expérience de la guerre, deux me-sures sont adoptées. La fonction de vétérinaire inspecteur aux armées rattaché au GQG, est créée, et la direction des trois hôpitaux vétéri-naires de Rhénanie est confiée à des vétéri-naires. Judicieuses mais tardives, ces décisions n’infléchiront pas le cours des choses. Reste alors à protéger le cheptel équin non militaire. Afin d’éviter la contamination des chevaux et mulets civils par la vente massive des équidés démobilisés, de nouvelles dispositions renfor-cent la réglementation. Dans le même esprit, il est proposé aux acquéreurs de chevaux avérés

                                                            52 Rapport de l’inspecteur vétérinaire, 19-21 août

1918 (SHD 16 N 2552, b). 53 Lettre du ministre de l’Armement au ministre de

la Guerre, 5 août 1918 (SHD 7 N 457). 54 Rapport vétérinaire de la IVe armée, 7 mars 1919

(SHD 16 N 188) ; Rapport inspecteur vétérinaire aux armées, 26 mars 1919 (SHD 16 N 188).

galeux de faire traiter gratuitement ces derniers dans les chambres à sulfuration de l’Armée55. Après avoir, ultime déconvenue, retardé la livraison des 53 000 chevaux promis aux ré-gions libérées, l’épizootie de gale s’éteint pro-gressivement en 192056. Au moins l’utilisation intensive des chambres à sulfuration a-t-elle réussi à circonscrire l’épizootie au domaine militaire. Les très importants mouvements d’animaux occasionnés par la démobilisation de plus de 800 000 chevaux et mulets des ar-mées alliées n’ont pas occasionné d’atteinte significative du cheptel équin national.

Conclusions

Maladie correctement maîtrisée en temps de paix dans les effectifs équins militaires, la gale a évolué au cours de la guerre en une épizootie sévère, bien plus dévastatrice que ne l’a été la morve si redoutée des vétérinaires et du com-mandement. Elle a atteint près de 460 000 chevaux et mulets, causé l’abattage de 50 000 d’entre eux57, réduit sensiblement la disponibi-lité des effectifs équins et absorbé une bonne part des moyens et de l’activité vétérinaires.

Au-delà de la mise en place tardive d’une thérapeutique efficace, l’insuffisance d’atten-tion portée par tous les échelons de comman-dement à « la conservation » des effectifs équins, la sous-alimentation, l’inadéquation de l’organisation des soins vétérinaires et les con-ditions exceptionnellement sévères de la guerre peuvent être proposées comme les causes ma-jeures et schématiques de ce cuisant échec.

                                                            55 Note de Dircav à GQG et RM, 5 mars 1919

(SHD 16 N 187, 3) ; « Circulaire », Rec. Méd. Vét., 1919, p 319.

56 Lettre ministre de la Guerre à ministre des ré-gions libérées, 9 avril 1919 (SHD 7 N 463, 1).

57 SECTION TECHNIQUE VÉTÉRINAIRE DE LA DIREC-

TION DE LA CAVALERIE, 1922, p. 207-210 

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BIBLIOGRAPHIE

Archives

La documentation utilisée pour la rédaction de cet article se fonde, à plus de 80 % sur les archives du Service Historique de la Défense (SHD) en parti-culier les cartons de la série 16 N : 186, 2544, 2545, 2547, 2548, 2549, 2550, 2551, 2552, 2556 ; de la série 7 N : 457, 465 ; de la série 17 N : 417 ; de la série 19 N : 47.

Sources imprimées

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BLANCOU Jean, Histoire de la surveillance et du contrôle des maladies transmissibles, P., OIE, 2000, XIV-366 p.

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RECUEIL DE MÉDECINE VÉTÉRINAIRE, 1917, 1919.

REVUE GÉNÉRALE DE MÉDECINE VÉTÉRINAIRE, 1916, 1918.

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TION DE LA CAVALERIE, « Statistiques du service vétérinaire de l’armée pour la campagne 1914-1918 », Rev. Vét. Mil., 1922, p 207-210.