Leo Schnug, ou les excès du génie - ac-strasbourg.fr...Leo Schnug est un dessinateur et artiste...

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Dossier de presse - Leo Schnug, peintre « maudit » alsacien ? Leo Schnug, ou les excès du génie https://www.lalsace.fr/bas-rhin/2018/02/11/leo-schnug-ou-les-exces-du-genie Leo Schnug (1878-1933) a deux facettes : l’artiste génial, au style néomédiéval d’une modernité étonnante, et l’homme tourmenté, habitué des bistrots et des asiles. Un tel personnage se prête aux légendes . Le journaliste Philippe Wendling a traqué la vérité au sein du mythe. Celle-là vaut largement celui-ci. Le 11/02/2018 05:01 par Hervé de Chalendar Le journaliste Philippe Wendling, amateur, collectionneur et désormais biographie du peintre Leo Schnug.Photo L’Alsace/ Entre Leo Schnug et Philippe Wendling, l’artiste d’hier et le journaliste d’aujourd’hui, s’est tissée une relation par-delà les époques. Ils ont fréquenté les mêmes paysages : Lampertheim d’où est originaire sa mère – pour Schnug, le village voisin de Mundolsheim pour Wendling. La légende Schnug est particulièrement vivace en ces parages. Elle a d’autant plus marqué Philippe Wendling qu’il aime l’histoire, notamment quand elle est médiévale, que sa mère est antiquaire, qu’elle a acquis des œuvres de l’artiste et qu’elle lui en a offert certaines pour ses anniversaires. Le journaliste est devenu amateur, puis collectionneur. Le voici biographe : il vient de publier Leo Schnug, héraut maudit d’un passé fantasmé aux éditions Sutton. « Fou et ivrogne » Collaborateur de L’Alsace, Wendling a déjà signé une quinzaine de livres, mais il confie éprouver une affection particulière pour celui-ci. Et pas seulement parce que l’on remarque souvent, en parcourant les plus de 250 œuvres qui l’illustrent, la mention « Collection Philippe Wendling » … Avec cet ouvrage, l’auteur a moins voulu se faire plaisir que « rendre justice » à cet ami d’un autre temps : « J’en avais un peu marre de lire et entendre diverses choses sur Schnug. Le concernant, chacun y va de son anecdote… Le plus souvent, ça relève plus de la légende que de faits avérés. Je voulais retrouver la vérité sur sa vie. » Il faut reconnaître que Schnug (1878-1933) est un canevas idéal pour broder des histoires… Il fut un artiste génial et un personnage excessif, humain, bien trop humain, buveur compulsif, provocateur émérite, titubant en permanence sur la frontière entre raison et folie, et tombant du mauvais côté plus souvent qu’à son tour. Au- delà de l’archétype du peintre maudit, il a incarné le créateur « fou et ivrogne ». Pour faire le tri entre une vie qui tient de la légende et une légende qui se substitue à la vie, Philippe Wendling a enquêté en journaliste et en historien. Il ne s’est pas contenté de compiler ce qui a déjà été publié, il a remué la poussière des archives et des greniers, a exhumé les devis des fresques de la maison Kammerzell dans les papiers de l’Œuvre Notre-Dame, a recherché le dossier médical de Schnug au Stephansfeld de Brumath (l’ancien

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Dossier de presse - Leo Schnug, peintre « maudit » alsacien ?

Leo Schnug, ou les excès du génie

https://www.lalsace.fr/bas-rhin/2018/02/11/leo-schnug-ou-les-exces-du-genie

Leo Schnug (1878-1933) a deux facettes : l’artiste génial, au style néomédiéval d’une modernité étonnante, et

l’homme tourmenté, habitué des bistrots et des asiles. Un tel personnage se prête aux légendes. Le journaliste

Philippe Wendling a traqué la vérité au sein du mythe. Celle-là vaut largement celui-ci.

Le 11/02/2018 05:01 par Hervé de Chalendar

Le journaliste Philippe Wendling, amateur,

collectionneur et désormais biographie du

peintre Leo Schnug.Photo L’Alsace/

Entre Leo Schnug et Philippe Wendling,

l’artiste d’hier et le journaliste d’aujourd’hui,

s’est tissée une relation par-delà les époques.

Ils ont fréquenté les mêmes paysages :

Lampertheim – d’où est originaire sa mère –

pour Schnug, le village voisin de

Mundolsheim pour Wendling.

La légende Schnug est particulièrement

vivace en ces parages. Elle a d’autant plus

marqué Philippe Wendling qu’il aime l’histoire, notamment quand elle est médiévale, que sa mère est antiquaire,

qu’elle a acquis des œuvres de l’artiste et qu’elle lui en a offert certaines pour ses anniversaires. Le journaliste

est devenu amateur, puis collectionneur. Le voici biographe : il vient de publier Leo Schnug, héraut maudit d’un

passé fantasmé aux éditions Sutton.

« Fou et ivrogne »

Collaborateur de L’Alsace, Wendling a déjà signé une quinzaine de livres, mais il confie éprouver une affection

particulière pour celui-ci. Et pas seulement parce que l’on remarque souvent, en parcourant les plus de 250

œuvres qui l’illustrent, la mention « Collection Philippe Wendling » … Avec cet ouvrage, l’auteur a moins

voulu se faire plaisir que « rendre justice » à cet ami d’un autre temps : « J’en avais un peu marre de lire et

entendre diverses choses sur Schnug. Le concernant, chacun y va de son anecdote… Le plus souvent, ça relève

plus de la légende que de faits avérés. Je voulais retrouver la vérité sur sa vie. »

Il faut reconnaître que Schnug (1878-1933) est un canevas idéal pour broder des histoires… Il fut un artiste

génial et un personnage excessif, humain, bien trop humain, buveur compulsif, provocateur émérite, titubant en

permanence sur la frontière entre raison et folie, et tombant du mauvais côté plus souvent qu’à son tour. Au-

delà de l’archétype du peintre maudit, il a incarné le créateur « fou et ivrogne ».

Pour faire le tri entre une vie qui tient de la légende et une légende qui se substitue à la vie, Philippe Wendling

a enquêté en journaliste et en historien. Il ne s’est pas contenté de compiler ce qui a déjà été publié, il a remué

la poussière des archives et des greniers, a exhumé les devis des fresques de la maison Kammerzell dans les

papiers de l’Œuvre Notre-Dame, a recherché le dossier médical de Schnug au Stephansfeld de Brumath (l’ancien

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asile d’aliénés), où l’artiste a passé les dernières années de sa vie et où il est mort, a établi le nombre de litres

de vin (au moins quatre ou cinq) ingurgités chaque jour quand il travaillait au Haut-Koenigsbourg, qui a le

malheur d’être au cœur du vignoble…

Légende et réalité

Le livre fourmille d’anecdotes et celles qui sont ici vérifiées sont encore plus édifiantes que celles qui circulent

ailleurs. Mais l’ouvrage a surtout l’avantage de montrer qui étaient l’homme et l’artiste derrière le masque de

ses outrances : un enfant traumatisé par l’internement de son père pour troubles nerveux quand il avait seulement

2 ans, puis par la disparition de sa sœur aînée quand il n’en avait que 3 ; un amant bridé par le caractère

« castrateur » de sa mère ; le rejeton de deux cultures, fils d’un Allemand et d’une Alsacienne, bringuebalé entre

deux rives et deux siècles, mais viscéralement d’ici, de son pays d’Alsace ; et enfin, et surtout, un créateur

majeur, précurseur d’une heroic fantasy à la mode Tolkien, dont l’œuvre se révèle aujourd’hui d’une formidable

modernité.

Le talent de l’artiste intimide, les faiblesses de l’homme que nous décrit Wendling le rendent attachant.

LIRE Leo Schnug, héraut maudit d’un passé fantasmé , par Philippe Wendling, éd. Sutton, 207 pages, 24 €.

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Un site très complet : http://www.alsace-collections.fr/Schnug.htm

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Leo Schnug, (1878 – 1930,) un « artiste maudit alsacien » ?

Leo Schnug est un dessinateur et artiste peintre né à Lampertheim en 1878. Victime de

l'alcool et de la solitude, il est décédé à l'hôpital psychiatrique de Brumath-Stephansfeld,

en décembre 1933.

Après quelques années sur les bancs de l’école des Arts Décoratifs à Strasbourg, il

illustre rapidement des ouvrages pour Gerlach et Schenk, éditeurs à Vienne. Il poursuit sa

formation à l’Académie des Beaux Arts de Vienne puis il s’installe à Strasbourg et y

expose dès 1901. Ses thématiques essentielles tournent autour du Moyen Age, son

univers et ses personnages romanesques. Il entremêle volontiers réalisme et merveilleux.

Il affirme rapidement une très grande maîtrise technique qui le fait remarquer. En effet,

Schnug s’impose une précision absolue, presque obsessionnelle. Une armure, une épée,

un écusson,.., le moindre détail est représenté avec une extrême minutie. Parallèlement il

est influencé par Albrecht Dürer, par le romantisme allemand, mais aussi par l’Art

Nouveau qui est alors à son apogée.

Sans doute est-ce dans ces dessins que le dynamisme et son sens de la satire et de la

caricature s’expriment le mieux. Là il caricature une affreuse commère au triple menton,

ici il croque un ivrogne au ventre plein de bière, ailleurs c’est lui-même qu’il met en

scène, caché sous un énorme champignon, le nez rouge et la bouteille à la main…(cf. ci-

contre). Par ailleurs il n’épargne pas ses contemporains notamment les bourgeois dont il

déteste l’état d’esprit conformiste. Cet esprit caustique lui attire d’ailleurs de nombreuses

inimitiés.

Durant sa période féconde, l'artiste Leo Schnug réalisa quantité de fresques, dessins, des gouaches, des

eaux-fortes, d’ex-libris s'intéressant surtout aux personnages historiques.

Infatigable, il illustre des livres, réalise des gravures et des lithographies ainsi que d’innombrables

cartes de vœux, affiches, étiquettes de vin, cartes postales, menus de restaurant, calendriers, etc..

En 1903, il peint son tableau le plus connu, « L’entrée solennelle de Sigismond à Strasbourg en 1414 »

pour un lycée de jeunes filles. En 1904, il conçoit un vitrail pour le musée de Haguenau. 1904 lui permet de

s’affirmer en décorant les salles de la Maison Kammerzell à Strasbourg. En 1908, il participe à la

restauration des travaux de la Wartburg en Thuringe. C’est en 1909-1910 qu’il décore les salles du

château du Haut-Koenigsbourg à la demande de l’Empereur Guillaume II. 2 ans plus tard, celui-ci le

décore du « Rote Adler Orden ». Enrôlé dans l’armée allemande en 1914, il en est réformé. Entre 1918 et

1919, l’homme fait un premier passage à l’Hôpital psychiatrique de Stephansfeld pour une cure de

désintoxication alcoolique, hôpital dans lequel séjourne son père.

La mort de sa mère en mai 1921 déclenchera un choc émotionnel qui provoquera son internement définitif à la Clinique

psychiatrique des Hospices Civils de Strasbourg (Burgerspital).

Quelques unes de ses réalisations majeures :

• "L'entrée solennelle de Sigismond à Strasbourg", tableau de 3x9 mètres actuellement au Musée Historique de Strasbourg

• "Saint-Martin partageant son manteau" (Musée de Strasbourg)

• Décorations murales du château du Haut-Koenigsbourg, de la Maison Kammerzell à Strasbourg, de l'ex-Pharmacie du Cerf à Strasbourg.

• "Der von Tierstein" à la Mairie de Lampertheim.

Germanophone (né en 1878) et germanophile (son père est un allemand de l’intérieur), Schnug doit, après 1918, affronter une société

devenue hostile à son égard. On le juge alors politiquement et artistiquement incorrect. On lui reproche son travail pour le

Kaiser et d’avoir été décoré par celui-ci pour les peintures réalisées au Haut-Koenigsbourg. Son alcoolisme s’aggrave, la folie

approche…Il se réfugie de plus en plus dans le passé parmi les elfes enchantés, les chevaliers errants, les reîtres effrayants, les

vagabonds boiteux et patibulaires…

Alors artiste maudit ?

Oui … - L’alcool et la folie… le reniement après 1918, longtemps l’oubli..

et non … - Son talent est reconnu de son vivant, il vit de ses œuvres.. Il est

actuellement redécouvert et fait ses dernières années l’objet de

nombreuses expositions à succès en Alsace (cf. Ribeauvillé en 1995,

Schiltigheim en 1997,… et surtout Riquewihr en 2007)

Sources : Informations extraites et combinées de :

- Leo Schnug ou l’image retrouvée. Ouvrage collectif. Ed. mitteleuropa.1977.

- Leo Schnug. A. Wackenheim. Ed. W. Fischer. Strasbourg. 1971.

- Leo Schnug (1878 – 1933). P. & B. Hamm. Ed. Do Bentzinger. 1993.

- Wikipédia.fr

Carte pour l’exposition Schnug de Riquewihr de 2007.

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L’affiche : Commentaires

L’art de Leo Schnug s’apparente au Jugendstil. Ce terme désigne un mouvement culturel

né à la fin du XIXème siècle. Le mot générique Jugendstil est dérivé du nom d’une revue

artistique créée à Münich en 1896 « Die Jugend », « La Jeunesse ».

Ce mouvement se définit dans le rejet d’une représentation réaliste en peinture et trouve son

apogée autour de 1900. Le Jugendstil est amplement décoratif. Il se caractérise par l’importance

des motifs floraux, de lignes courbes. La valeur décorative est primordiale, conditionne et

façonne le contenu même. Lorsque l’artiste peint les plantes, l’eau, les lignes du corps il soumet

ces éléments à des formes ornementales sinueuses et abstraites qui donnent à sa peinture une

sorte d’immobilité hiératique. Les lignes de contour délimitant les composantes du tableau sont

nettement visibles.

Il s’agit en outre d’un art du plan. Les effets de perspectives sont supprimés ou réduits à leur

plus simple expression. On privilégie la juxtaposition de surfaces planes. Les détails à valeur

expressive sont supprimés au profit d’une forte stylisation. Les couleurs sont appliquées par

surfaces homogènes. La chose rare, inhabituelle, étrange, ce qui s’apparente à la légende, à

l’exotisme oriental en particulier, enfin tout ce qui donne à l’artiste la possibilité de s’écarter de

la réalité quotidienne, des effets de l’industrialisation montante est privilégié.

Pour dire les choses de façon un peu schématique l’artiste ne se soumet pas à la Nature mais

impose à celle-ci à un programme artistique censé produire la satisfaction esthétique.

L’affiche « Le Village éclairé à l’électricité » relève de cette esthétique.

La composition est simple et se conforme à une ligne

diagonale qui délimite les deux modes d’éclairage. La

géométrisation de l’espace est encore soulignée par le

parallélisme des lignes des toits. La verticalité est

concrétisée par le colombage des maisons et la statue

de Saint Nicolas (si caractéristique des hivers alsaciens)

figurant sur le montant de la fontaine.

Le tableau ne comporte quasiment que deux couleurs :

le bleu, le blanc. Les teintes sont appliquées par grandes

surfaces monochromes. Cette confrontation est à peine

atténuée par le lavis bleu des façades dans la partie

droite, le vitrage blanc en bas à gauche.

Les perspectives sont cependant nettement présentes

mais sont rendue de façon très stylisées, sans effets de

dégradé par exemple. Tous ces éléments contribuent à

suggérer une nuit froide d’hiver. Les formes sont

nettement soulignées par un trait noir. Schnug a accordé

un soin particulier aux fenêtres en vitrail « fond de

bouteille » caractéristique de l’univers traditionnel

alsacien. Mais on peut se souvenir aussi que le vitrail

est presque un emblème du Jugendstil. Cette simplicité

figurative est d’une grande efficacité et

particulièrement bien adaptée à l’affiche.

On peut pourtant se demander si Schnug a été bien

compris par les utilisateurs de l’affiche. On serait en

effet tenté de voir dans cette composition un éloge ironique de « la fée électricité » qui

transforme brutalement un univers intimiste en un monde blafard et sans mystère. Ce serait

encore une façon de rattacher Schnug aux valeurs du Jugendstil tournant volontiers le dos à la

modernité technologique.