L’enregistrement des essais cliniques en physiothérapie, une recommandation de l’ISPJE pour...

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L'enregistrement des essais cliniques en physiothérapie, une recommandation de l'ISPJE pour lutter contre les biais liés à la publication Registration of clinical trials in physiotherapy, an ISPJE's recommendation to ght against the publication biases A u mois de janvier dernier, l'International Society of Physiotherapy Journal Editors (ISPJE), groupe d'intérêt de la World Confederation for Physical Therapy (WCPT) dont Kinésithérapie la Revue fait partie, a signé l'éditorial de Physical Therapy (journal de l'American Physical Therapy Association : APTA) [1]. Dans cet éditorial, l'ISPJE explique les avantages d'enregistrer le protocole d'un essai théra- peutique avant de débuter les évaluations et les enregistrements. L'enregistrement d'un pro- tocole consiste à rendre cette information disponible sur des bases de données publiques. Le protocole devient alors accessible à tous (rédacteurs, auteurs, relecteurs, chercheurs, prati- ciens, patients. . .). Les bases de données répertoriant ces essais sont de deux types : soit spécique d'une pathologie (www.strokecenter.org/trials), soit géographique (www.pactr.org). Toutes les informations sur l'étude à venir ou en cours y sont présentées (lieux, équipe, nancement, nombre de sujets à recruter, dates limites). De plus, cette procédure permet aux patients d'être informés sur les essais cliniques au sein desquels ils pourraient participer et de les faire contribuer à l'avancée de la science. À l'heure de l'evidence-based medicine/practice, chaque professionnel se doit d'être critique vis- à-vis de ce qu'il lit et ne pas tirer de conclusions trop rapides par rapport à une publication. Ces recommandations vont dans ce sens : rendre les informations plus transparentes et rendre les auteurs plus honnêtes vis-à-vis de leurs données. Deux problèmes souvent rencontrés en recherche clinique sont mis en avant dans l'éditorial : la sélection des résultats reportés et les biais de publication. Dans le premier cas, les auteurs ont tendance à reporter seulement les résultats qui ont donné un résultat positif alors que de nombreuses mesures ont été effectuées. Par exemple, si les résultats donnent un effet positif à six mois mais négatif à deux, trois, quatre, et 12 mois, les auteurs vont préférer montrer que la thérapie est efcace car positive à six mois. Pour ce qui est des biais de publication, il s'agit du fait que la plupart des données publiées donnent lieu à des publications montrant un effet positif. Or, on ne sait pas combien ont montré un effet négatif. Imaginons qu'il y ait un ratio de 1 (effet positif) pour 5 (effet négatif mais non publié), on peut croire faussement qu'une thérapie est efcace. Le fait de répertorier les essais cliniques rend les informations disponibles et accessibles alors qu'elles ne font pas l'objet de publications. S'ajoute à cela la possible comparaison entre les résultats obtenus et les mesures prévues, évitant toutes fraudes de type ajout ou omission de données. Les journaux médicaux utilisent déjà ce procédé. Le monde de la physiothérapie avance sur ce terrain, en recherche de qualité de transparence et de partage d'informations. Certaines revues comme Physical Therapy ont déjà mis en place cette obligation depuis janvier 2009 et de nombreuses autres vont suivre le chemin. Cela apparaît comme un critère de qualité supplémen- taire pour les publications intégrées à ces revues. Pour le moment, Kinésithérapie, La Revue n'est qu'une petite pousse comparée aux géants que sont Manual Therapy , Physical Therapy ou encrore l'Australian Journal of Physiotherapy mais la direction est donnée. Le challenge est lancé ! Référence [1] Costa LOP, Lin CWC, Grossi DB, et al. Clinical trial registration in physical therapy journals: recommendations from the International Society of physiotherapy journal editors. Phys Ther 2013;93:610. http://dx.doi.org/10.2522/ptj.2013.93.1.6. Matthieu Guemann 14, rue Pirandello, 75013 Paris, France Adresse e-mail : matthieu.guemann@gmail. com Kinesither Rev 2013;13(137):1 Éditorial © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.kine.2013.02.006 1

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Kinesither Rev 2013;13(137):1 Éditorial

L'enregistrement des essais cliniquesen physiothérapie, unerecommandation de l'ISPJE pour luttercontre les biais liés à la publication

Registration of clinical trials in physiotherapy,an ISPJE's recommendation to fight against thepublication biases

Matthieu Guemann

Au mois de janvier dernier, l'International Society of Physiotherapy Journal Editors(ISPJE), groupe d'intérêt de la World Confederation for Physical Therapy (WCPT) dontKinésithérapie la Revue fait partie, a signé l'éditorial de Physical Therapy (journal de

l'American Physical Therapy Association : APTA) [1].Dans cet éditorial, l'ISPJE explique les avantages d'enregistrer le protocole d'un essai théra-peutique avant de débuter les évaluations et les enregistrements. L'enregistrement d'un pro-tocole consiste à rendre cette information disponible sur des bases de données publiques. Leprotocole devient alors accessible à tous (rédacteurs, auteurs, relecteurs, chercheurs, prati-ciens, patients. . .). Les bases de données répertoriant ces essais sont de deux types : soitspécifique d'une pathologie (www.strokecenter.org/trials), soit géographique (www.pactr.org).Toutes les informations sur l'étude à venir ou en cours y sont présentées (lieux, équipe,financement, nombre de sujets à recruter, dates limites). De plus, cette procédure permetaux patients d'être informés sur les essais cliniques au sein desquels ils pourraient participeret de les faire contribuer à l'avancée de la science.À l'heure de l'evidence-based medicine/practice, chaque professionnel se doit d'être critique vis-à-vis de ce qu'il lit et ne pas tirer de conclusions trop rapides par rapport à une publication. Cesrecommandations vont dans ce sens : rendre les informations plus transparentes et rendre lesauteurs plus honnêtes vis-à-vis de leurs données.Deux problèmes souvent rencontrés en recherche clinique sont mis en avant dans l'éditorial : lasélection des résultats reportés et les biais de publication. Dans le premier cas, les auteurs onttendance à reporter seulement les résultats qui ont donné un résultat positif alors que denombreuses mesures ont été effectuées. Par exemple, si les résultats donnent un effet positifà six mois mais négatif à deux, trois, quatre, et 12 mois, les auteurs vont préférer montrer que lathérapie est efficace car positive à six mois. Pour ce qui est des biais de publication, il s'agit dufait que la plupart des données publiées donnent lieu à des publications montrant un effet positif.Or, on ne sait pas combien ont montré un effet négatif. Imaginons qu'il y ait un ratio de 1 (effetpositif) pour 5 (effet négatif mais non publié), on peut croire faussement qu'une thérapie estefficace.Le fait de répertorier les essais cliniques rend les informations disponibles et accessibles alorsqu'ellesne font pas l'objet depublications. S'ajoute à cela lapossible comparaisonentre les résultatsobtenus et les mesures prévues, évitant toutes fraudes de type ajout ou omission de données.Les journaux médicaux utilisent déjà ce procédé. Le monde de la physiothérapie avance sur ceterrain, en recherche de qualité de transparence et de partage d'informations. Certaines revuescomme Physical Therapy ont déjà mis en place cette obligation depuis janvier 2009 et denombreuses autres vont suivre le chemin. Cela apparaît comme un critère de qualité supplémen-taire pour les publications intégrées à ces revues. Pour le moment, Kinésithérapie, La Revue n'estqu'une petite pousse comparée aux géants que sont Manual Therapy, Physical Therapy ou encrorel'Australian Journal of Physiotherapy mais la direction est donnée. Le challenge est lancé !

14, rue Pirandello, 75013Paris, France

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[1] Costa LOP, Lin CWC, Grossi DB, et al. Clinical trial registration in physical therapy journals:recommendations from the International Society of physiotherapy journal editors. Phys Ther2013;93:6–10. http://dx.doi.org/10.2522/ptj.2013.93.1.6.

© 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.http://dx.doi.org/10.1016/j.kine.2013.02.006 1