L'Énergie et les Grandes Mutations

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L’ ENERGIE ET LES GRANDES MUTATIONS L’énergie, un des biens communs indisutables, est très dépendante d’un environnement en pleine mutation : sous le coup du développement des grands pays émergents, la demande d’énergie croît, mais elle est considérée comme l’un des principaux responsables du dérèglement climatique, que l’échec de Copenhague laisse sans solution. Comment l’Europe peut-elle réagir, le Traité de Lisbonne (article 176) semblant lui ouvrir la possibilité de mener une politique de l’énergie «dans un esprit de solidarité entre les Etats membres» ? (problème controversé, à aborder de la façon la plus objective possible) 2010 : OU EN EST-ON?1 L’Europe consomme 17% de l’énergie produite annuellement, à peu près autant que la Chine, mais moins que les Etats-Unis (22%) qui ont pourtant une population nettement inférieure. Cette énergie y est encore à 75% d’origine fossile et à plus de 50% importée. Par type de destination, le chauffage est le plus important (40%), suivi par le transport (35%) et la production d’électricité (25%). Le chauffage est produit à partir de toutes les sources d’énergie (noter la part croissante de biomasse). Le transport est un quasi monopole du pétrole (l’essor nouveau des ventes de voitures en Chine faisant craindre une forte demande de pétrole). L’électricité est produite de plus en plus par le gaz (souvent pour la pointe), mais aussi à plus de 15% (près de 80% en France) par l’énergie nucléaire dans 30 pays dans le monde. La consommation mondiale s’accroît en moyenne de1,5% par an (comme celle d’électricité), plus par le gaz naturel que par le pétrole. Cependant en 2009, à cause de la crise, le pétrole a 1 Tous ces développements résultent des rencontres suivantes: Rencontres parlementaires (06/10/09 et 19/01/10) Panorama IFP (28/01/10), Colloque Adapes-Passages (09/02/10)

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L'énergie et les grandes mutations un article d'Yves Durieux de l'Aitec

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L’ ENERGIE ET LES GRANDES MUTATIONS

L’énergie, un des biens communs indisutables, est très dépendante d’un

environnement en pleine mutation : sous le coup du développement des grands

pays émergents, la demande d’énergie croît, mais elle est considérée comme

l’un des principaux responsables du dérèglement climatique, que l’échec de

Copenhague laisse sans solution. Comment l’Europe peut-elle réagir, le Traité

de Lisbonne (article 176) semblant lui ouvrir la possibilité de mener une

politique de l’énergie «dans un esprit de solidarité entre les Etats membres» ?

(problème controversé, à aborder de la façon la plus objective

possible)

2010 : OU EN EST-ON?1

L’Europe consomme 17% de l’énergie produite annuellement, à peu près autant

que la Chine, mais moins que les Etats-Unis (22%) qui ont pourtant une

population nettement inférieure. Cette énergie y est encore à 75% d’origine

fossile et à plus de 50% importée. Par type de destination, le chauffage est le

plus important (40%), suivi par le transport (35%) et la production d’électricité

(25%). Le chauffage est produit à partir de toutes les sources d’énergie (noter la

part croissante de biomasse). Le transport est un quasi monopole du pétrole

(l’essor nouveau des ventes de voitures en Chine faisant craindre une forte

demande de pétrole). L’électricité est produite de plus en plus par le gaz

(souvent pour la pointe), mais aussi à plus de 15% (près de 80% en France) par

l’énergie nucléaire dans 30 pays dans le monde. La consommation mondiale

s’accroît en moyenne de1,5% par an (comme celle d’électricité), plus par le gaz

naturel que par le pétrole. Cependant en 2009, à cause de la crise, le pétrole a

1 Tous ces développements résultent des rencontres suivantes: Rencontres parlementaires (06/10/09 et 19/01/10) Panorama IFP (28/01/10), Colloque Adapes-Passages (09/02/10)

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reculé de 1,5% et le gaz de5%. Le charbon en régression, sa consommation est

concentrée sur les pays émergents (80% de l’énergie qui y est utilisée).Les

renouvelables croissent (pour 1/3 du fait de la biomasse, suivie par l’éolien et

le photovoltaique)

On est très inquiet au sujet de l’évolution des prix de l’énergie qui s’orientent à

la hausse depuis 2004, du fait de la demande des pays émergents, de la

raréfaction probable des réserves de fossiles et des anticipations spéculatives en

résultant.2 Pour le pétrole, l’Opep maîtrise mieux les prix à la baisse qu’à la

hausse par la règle des quotas: les prix s’envolent, d’autant plus qu’ils sont

libérés et que la sphère financière, depuis la loi US dite ENRON (2000), joue

un rôle accru dans ce domaine (surtout sur les marchés de gré à gré,

incontrôlables). Pour le gaz, les contrats à long terme (majoritaires) sont indexés

sur les prix du pétrole avec un certain retard, en partie du au stockage du gaz, ce

qui n’est pas le cas de l’électricité, consommée aussitôt que produite. En période

de pointe surtout, où les besoins excèdent la production de base, le Kwh

marginal, produit par les énergies fossiles, a pu passer de 50 à 3000 euros sur

le marché libre. La CE, face à cette situation, estime que pour lutter contre

toutes ces hausses, il faut une concurrence élargie à l’Europe (sans prendre en

compte que l’électricité s’est constituée tout naturellement en réseaux nationaux,

du fait qu’elle coûte cher à transporter). La CE veut donc multiplier les

interconnexions entre réseaux, supprimer les prix réglementés et sanctionner les

entreprises «dominantes». Ainsi EDF («coupable» d’avoir gardé 95% de sa

clientèle) devrait (d’après une loi «Nome», en cours d’examen au parlement

français) rétrocéder à ses concurrents, sous couvert d’une filiale, une partie

importante de sa production nucléaire (100 Twh ou plus?), à un prix minimum

(40 euros/Kwh ??), ce qui a indigné Madame Trautmann, (députée UE),

estimant qu’il s’agit là d’une «atteinte au patrimoine d’EDF, constitué par

l’apport progressif du peuple français», (qui par ailleurs, subira sûrement une 2cf. Débat Enerpresse (16/02/10)

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hausse des tarifs électriques, du fait de la péréquation future des prix de

l’électricité au niveau européen , plus élevés qu’en France)

PERSPECTIVES D’AVENIR :

L’alternative est de prévoir les moyens de production nécessaires à une demande

risquant de croître de 40% d’ici 2030, ou de réduire celle-ci

Réduire la demande ? Certains (Y.Cochet, député), estimant que l’on rencontre

déjà «le peak-oil»( c’est-à-dire le moment où la demande annuelle de pétrole

dépasse la capacité à la satisfaire, faute de réserves suffisantes), il est urgent de

réduire drastiquement la demande, ne serait-ce qu’en laissant les prix croître

naturellement (baril à 200$ en 2012 et à 300-400$ en 2020). De plus, le marché

de l’énergie devrait être fractionné en marchés locaux devant chacun

s’équilibrer. Sans souscrire à ces thèses, d’autres insistent néanmoins sur

l’obligation de réduire la demande (cf. Grenelle de l’environnement en France),

en particulier, en agissant sur la consommation unitaire des véhicules, en

favorisant le transport collectif, en appliquant des normes de consommation

(50Kwh/m2) pour les logements neufs (avec comme but des logements «à basse

consommation» ou même «à énergie positive») et des incitations pour les

logements anciens (primes et crédit d’impôt pour isolation thermique et

appareils économes en énergie, comme la pompe à chaleur)? Ce qui est

complété par des mesures d’ordre plus général (contrats à engagement de

résultat,.certificats d’économie d’énergie, fonds chaleur doté d’un milliard

d’euro) On peut également déplacer la demande, en remplaçant le pétrole, dans

les véhicules, par l’électricité3 ou les biocarburants (objectif, contesté, de l’UE:

en 2020, 10% de la demande de carburants en biocarburants ) Enfin on souhaite

améliorer les réseaux de transport de gaz et d’électricité (I milliard d’euros 5, Plan français pour 2020 : pour 2 Millions de véhicules (tout électrique ou hybrides) à batterie au lithium prévus, 5Milliard d’euros pour les infrastructures de recharge (2 Millions de prises 3 ou 6 Kva, sur le domaine public ou privé et création d’un réseau d’alimentation) et 6 Twh de consommation annuelle d’électricité

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investis par an, répartis entre les divers opérateurs) ; on compte aussi,depuis peu,

sur la création de réseaux intelligents et de compteurs communicants, capables

d’orienter la demande afin d’économiser l’énergie

Accroître l’offre ? Le pétrole ? Les réserves découvertes de façon

conventionnelle, situées à 75% au Moyen-Orient, risquent d’être épuisées d’ici

35 à 40 ans, si la demande annuelle continue à progresser d’1,5% par an, même

si l’on augmente le rythme des investissements de recherche du pétrole. Mais

l’exploitation, par des procédés chimiques, de réserves inabordables

jusqu’alors,situées sous des structures rocheuses (Texas et Appalaches), ouvre

des perspectives, avec cependant des coûts d’extraction plus élevés. Le gaz

naturel ? Les réserves, concentrées sur la Russie, l’Iran et le Qatar (voire au

Nigéria et au Yémen) posent un double problème de sécurité géopolitique et de

durabilité (50 ans de réserves, pouvant être complétées par des gaz de schistes

aux USA et au Canada). Le charbon? Comptant encore pour 20% du marché

fossile, il sera massivement exploité, étant donné l’importance des réserves et

leur répartition géographique, lorsqu’on aura mis au point, d’ici 10 ans ( ?), à

des prix compétitifs,les divers procédés de captation et de stockage souterrain du

CO2 qu’il dégage (sous réserve d’acceptation publique) . Le nucléaire? qui

divise aussi l’opinion. On prévoit de remplacer d’ici 10 ans, les centrales des

deux premières générations (dont la durée de vie est passée de 30 à 50 ans).

D’où la 3° génération de centrales EPR, estimées comme plus sures et plus

efficaces (de15%), avec 2 projets en cours de réalisation en France et un en

Finlande, ainsi que des perspectives au Royaume-Uni, en Italie, aux Etats-Unis,

en Chine. D’ici 20 à 30 ans, la 4° génération de centrales, à neutrons rapides,

pourrait voir le jour, considérée comme présentant le double avantage de réduire

très fortement l’utilisation d’uranium et les déchets radioactifs (leur

enfouissement étant impopulaire). Les énergies renouvelables ? L’objectif de

l’UE est de faire passer de 10 à20% en 2020 leur part dans le bilan énergétique

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(23% en France: la moitié à usage chaleur grâce à la biomasse, 40% pour

l’électricité, 10%pour le transport). Les éoliennes off shore vont augmenter à un

rythme d’environ 1000 par an (Royaume-Uni avec un programme de 6400). Le

photovoltaique croît (doublement annuel grâce au prix de rachat de sa

production par EDF, réduit récemment) et son coût de production va baisser

(une centrale solaire par région française prévue en 2012)

Non rendue obligatoire par l’UE, la baisse de la demande d’énergie est

pourtant prioritaire, mais la croissance de la production n’est pas moins

envisageable grâce aux progrès prévus : recherche pétrolière, énergies

renouvelables et aussi (sous réserve d’acceptation publique) stockage CO2 du

charbon et énergie nucléaire. Que décideront l’UE et les Etats membres ??