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    L A C T U A L I T

    El Watan- Jeudi 5 novembre 2015 -5

    LES AUTEURS ALGRIENS TRS PEU TUDIS LCOLE

    Le livre scolaire, entre textes

    anonymes et pillage sur internetMmeBenghebrit planche actuellement sur la confection dune anthologie littraire plurilingue avec, comme objectif, de concilier limaginairede nos potaches avec les mots de nos cratifs patents et de parvenir, in fine, un ordre narratif plus en harmonie avec notrealgrianit.

    PHOTO:M.

    SALIM

    M es enfants sont des imbci les. Desdemeurs. Des inconsci ents. Je ne saissi ls manquent de maturi t, d intell i-gence ou simplement de bon sens. I ls doi vent

    tre limits. Intell ectuell ement sentend. Parceque physiquement, j ai l impression que tout sepasse bien pour eux. Et mme trop bien. Il aurai tmieux valu qu il s soient handicaps, qui ls aientpar exemple tous les muscles du ventre jusqul extrmitdes orteil s paral yss. I ls feraientmoins de conneri es, ces imbci lesCet extraitest tir du romanDes baller ines de Papicha deKaouther Adimi (Barzakh 2010, rdit chez

    Actes Sud sous le titre :LEnvers des autres).Avec un peu de chance, ce passage ou dautresbonnes feuilles des uvres de la talentueuseromancire (ne en 1986 et qui vient de sortir unautre roman chez Barzakh :Des Pier res dans mapoche) pourraient, who know, figurer dans lesprochaines annes dans nos manuels scolaires.Cest que le ministre de lEducation nationaleest dtermin intgrer au moins 80% dcri-vains algriens, quils sexpriment en arabe entamazight ou en franais, dans le panthon delinstitution scolaire.Nous citons Kaouther Adimi comme nous pour-rions voquer Mourad Djebel, Samir Kacimi,Salim Bachi ou Sarah Hadar. Et Tahar Djaout,Rachid Boudjedra, Rachid Mimouni, Dji-lali Khallas, Mohya, Merzac Begtache, YasminaKhadra, YB, Malek Alloula, Waciny Laredj,El Mahdi Acherchour, Hmida Layachi, AhlemMosteghanemi, Yamina Mechakra, BoualemSansal, SAS, Amin Zaoui, Habib Ayoub, Kamel

    Daoud, Abderrahmane Zakad, Bachir Mefti,Massa Bey, Adlne Meddi, Fadla El Farouk,Fodhil Belloul, Amara Lakhous ou Smal Yabrir.La liste pourrait sallonger linfini et il resteraitde la place jusqu Apule de mDaourouchet son innarrable Ane dor, premier roman delhumanit (qui a inspir le dernier roman deChawki Amari, LAne mort). On nomettra vi-demment pas de faire une place de choix nosgrandsclassiques, les Mohammed Dib, KatebYacine, Assia Djebar, Tewfik El Madani, TaharOuettar, Mouloud Mammeri, Mouloud Feraoun,Rda Houhou et autre Abdelhamid Benha-douga Autant de noms qui forment le corpusde la littrature algrienne contemporaine etqui, pour lcrasante majorit dentre eux, sontlittrairement et littralement ignors dans nosprogrammes scolaires. Le constat est fait parle ministre de lEducation nationale himself.Et pour remdier cette faute cul turel le,

    le dpartement de Mme

    Benghebrit plancheactuellement sur la confection dune anthologielittraire plurilingue avec, comme objectif, deconcilier limaginaire de nos potaches avec lesmots de nos cratifs patents et de parvenir, infine, un ordre narratif plus en harmonie avecnotre algrianit.

    PDAGOGIE DU PLAGIATProfitant de la fivre du SILA, clou de la hautesaison littraire sous nos latitudes, les concep-teurs de ce projet en gestation ont tenu fairepartager leur rflexion avec, comme enjeu etcomme viatique, le livre et la promotion de lalecture jeunesse. Une journe dtude sestainsi tenue mardi 3 novembre, linitiative duMEN, en marge du Salon, en compagnie dunedizaine dexperts pdagogiques, autour duthme Lcole et le livre : graines de lecteurs.Une partie des interventions sest demble atta-che dresser un tat des lieux sans concession

    de la teneur de nos manuels scolaires. Lquipede MmeBenghebrit est la premire le recon-natre : les outils pdagogiques en vigueur ontbesoin dune srieuse rvision et cest prcis-ment lun des chantiers de la rforme en cours.En attendant que les nouveaux brviaires soient

    prts lemploi, on ne peut que constater lesdgts.Nous avons des tudi ant s de magistrequi n ont jamais lu un seul roman de TaharOuettar ni d un autre cr ivain,martle le pro-fesseur Mohamed Daoud, conseiller au minis-tre de lEducation nationale, qui a ouvert le balpar une communication consacre La littra-ture algrienne contemporaine de langue arabeet sa place dans lcole. M. Daoud poursuit :

    La lecture chez nos lves, tous l es pal iers, duprimaire au niveau universitai re, est totalementabsente.Et de plaider pour la ncessit dac-corder une large place nos crivains afin quenous constr uisions une culture par tage et quenos lves aient un capi tal cul turel commun.Pour lorateur, il sagit dun besoin imprieuxqui procde de la construction de l identi tcoll ective et indi viduel le.Mokhtar Abdessalem, inspecteur de languearabe de lacadmie de Batna, a embray parun expos sur La lecture des textes en languearabe dans lenseignement moyen. Statistiques lappui, il rvle que lensemble du cyclemoyen repose sur un corpus de 266 textes uti-liss dans les manuels. Ces textes sont rpartiscomme suit : 96 durant la 1re anne de collge,74 lanne suivante et enfin 48 durant les 3eet4eannes. M.Abdessalem indique que pour la1reanne moyenne, 19 parmi les 96 t extes sontanonymes, sans prcision ni de l auteur ni du

    li vre. Ces textes, qui r eprsentent 18,75% dece corpus, sont ti rs d internet. 50 autres textesne mentionnent pas l auteur et 31 ne citentpas le livre. Il prcisera dans la foule que8 textes seulement sur 96 sont l e fai t d auteursalgriens. Pour la 2eanne du cycle moyen,18 textes sont anonymes, soit 24,32%.Pour la 3e anne, 9 textes sur 48 sont tirsdinternet, 14 sont anonymes et un seul auteuralgrien figure dans le florilge. En 4e anne,28 textes sur 48 sont de source anonyme, 8ne citent pas lauteur, 3 sont tirs dinternet et4 textes dauteurs algriens seulement sont auprogramme. Ce recours abusif aux textes ano-nymes et cette tendance aupi llagesur internetrelvent dunepdagogi e du pl agi at, rsumeLila Medjahed, modratrice du dbat.

    IL Y A DES ENJEUX SOCIOPOLITIQUES,IL NE FAUT PAS TRE NAFDans son intervention intitule Littracie et

    programme scolaire en Algrie, Farid Ben-ramdane, chercheur associ au CRASC, conseil-ler en pdagogie au ministre de lEducation na-tionale et membre de la Commission nationaledes programmes, a plaid pour une pratique p-dagogique innovante, en rupture avec lapproche

    traditionaliste. Il est important, a-t-il soulign,de prendre en considration le contexte socio-culturel dans le processus didactique. Notonsque la littracie (orthographie aussi littratie)est un concept dorigine anglo-saxonne (delanglais literacy) qui est dfini commelapti -tude comprendre et util iser l informationcr ite, par extension les textes littraires. PourFarid Benramdane, il ne fait aucun doute que

    cette li ttracie, cette capacitde comprendre,est travail le par l histoi reen mettant enexerguela pl ace de l oral it. Nous sommesune socittradi ti on orale, insiste-t-il. Il ya aussi l a place du Coran et le rle des colescoraniquesdans notre background culturel,poursuit le spcialiste en toponymie. Farid Ben-ramdane estime quela littracie recouvr e desenjeux sociopol it iques. Il y a des poli tiquesrgressives dans le Monde arabe,assne-t-il encitant comme exemple le bannissement du texteargumentatif dans plusieurs systmes ducatifsdu Monde arabe en raison de sa dimension cri-tique. Il y a des pays o le texte argumentat ifest interdi t parce que je suis dans le contexte del int ell igence, dans l a thse et l anti thse.Le confrencier ajoute :Il y a des enjeux socio-poli tiques qui di sent la manire d enseigner untexte (). Di s-moi quel texte tu tudi es dans lepri maire, je te dirais comment sera l Algri e de2040.

    Lorateur na pas manqu dvoquer limpor-tance de laspect sociolinguistique. Tout enreconnaissant la langue arabe son statutde langue vhiculai reet transversale, ilconsidre quil y a unjeu concur rent ielentreles langues, en Algrie ou ailleurs, en pointantlimportance des langues maternelles pourlapprenant. Dis-moi dans quell e langue t uparles je te dirai s qui tu es, professe-t-il. Il y alieu doprer, selon lui, desruptur es pi stmo-logi ques et cognitivesen attestant du poids dela tradition et du conservati sme scolasti quequi rsiste lapproche scientiste. Dans leprogr amme de phi losophie, on a enlevle sou-fisme, dplore-t-il, avant de lancer : Il y a desenjeux sociopoli tiques(autour de lEcole, ndlr),il ne faut pas tre naf.Le chercheur du CRASC nen dmord pas etmaintient quil faut changer les postures dansle systme ducati f. Pour lui, la meilleure ap-proche, cest l atti tude empir ique prospectivequi reste construi re. El le repose sur l ingnie-ri e de l infor mation, l ingnier ie pdagogique,la smanti que, la smiologie, l analyse du dis-cours, je dconstr uis et reconst ruis le mondeC est un savoir disparate, ajoute-t-il, endfendant un statut unitaire du savoir avec un

    soubassement cognitif commun. Pour mener bien cet immense chantier, Farid Benramdaneprconise defor mer des cadr es suprieurs avecun esprit cr it ique, une ri gueur thique et scienti -fique, une capacitdanticipat ion et un rapportd excellence aux langues.

    POUR UN SOCLE COMMUNDE RFRENCESPour sa part, Lila Medjahed, docteur en litt-rature compare et conseillre auprs de MmeBenghebrit charge de la coopration interna-tionale, a ax son intervention sur le thme :

    Lecture scolaire et identit : les anthologies lit-traires scolaires.Tous les enseignants font lemme constat : les lves ne l isent pas, les lvessont f aibles lcr it. Or, les deux sont lis, dit-elle dentre. Et dtablir un lien entre langues,littrature et culture en focalisant sur lurgencede mettre en place unsocl e commun de rf-rences des uvres li ttraires al griennestantil est vrai, souligne-t-elle, quela cul ture d ori -gine est trs important e pour l acquisi tion deslangues.Lila Medjahed indique quil y a 2 8% detextes al gri ens seulement dans les manuelsscolai res. P ti t Omar est connu gr ce aufeuil leton adaptdu roman de Mohammed Di b(El Hariq, ralis par Mustapha Badie, ndlr)et gure par le l ivre lui-mme, note- t-el le. Laconfrencire recommande de mettre en uvredes parcour s de lecture, du pr imaire au lyce,avec des textes qui se rpondent et se compltentd un pali er l autre.

    Se rfrant la rforme en cours, Lila Medjaheda cit toute une srie de mesures destines booster la lecture en milieu scolaire : ateliers delecture dynamiques, rencontres avec les auteurs,activits en bibliothque, visites au SILA auprofit de plusieurs classes comme cela sest faitcette anne pour pas moins de 25 000 lves.Pour loratrice, il est important de valoriser lepatr imoine cul turel et l it trai re al gri en dans ladiversi tde ses languesen veillant promou-voir la plur icultural itqui caractri se notrealgriani t. Il faut imposer un pourcentaged auteurs algri ens dans tous les genres,appuie-t-elle. La spcialiste en onomastiquelittraire insiste sur le fait que cet ancrageanthropologique et culturelest le meilleurgage de louverture sur luniversalit. Enfin,Lila Medjahed a assur que dans le cadre de laloi dorientation sur lducation nationale, desanthologies dans les trois langues sont en cours

    dlaboration, de concert avec des inspecteursdarabe, de tamazight et de franais.Farid Benramdane nous a dclar ce propos :Notre objecti f, aujourd hui, est de construir eun socle commun parti r de nos rfrences enarabe, en tamazight et en franais. Tous les bonssystmes ducati fs dans le monde reposent surun socl e de rfrences cul turel les communes.Vous imagi nez un lve en France qui ne connatpas Hugo ? Nous uvrons pour que les manuelsscolai res contiennent au moins 80% de textesd auteurs algri ens dans les troi s langues. C estquelque chose de valor isant pour nos auteurs.Etre enseignlcole, pour n impor te quelcr ivai n, c est comme entr er au Panthon.Cette mesure devrait tre applique ds sep-tembre 2016, selon lAPS.Au cours du dbat, le professeur Benramdanea fait remarquer : Il n est pas normal qu unlve de Fr enda ne connai sse pas Ibn Khaldoun,qu il n ait j amais visi tla grot te o il a compossa fameuse Al Mqadima. I l n est pas normalqu un lve de Tlemcen ne connaisse pas SidiBoumedine, mme chose pour Saint -Augusti n,Tinhinane Il faut sorti r de la culture de l ex-clusion. Nous devons assumer not re al gri anitdans toute sa diversi t. Mustapha Benfodil