L'eglise de la Grauliere - La Chancellerie des ...

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L'ÉGLISE I)E LA GRAULIÈRE (couR ÈzE) Les doeunieui,s historiques sur la paroisse de La Grau- t ière (1) sont peu iioni hi'eilX cl. ne 'emon Lent pas à une très haine aTiCIOOIICLO. La pretniéi'e mention que flous cri crin- naissions (2) est donnec par , un acte non daté, niais qui d él passé etrtre les anisées 1060 et 1084 c'est une donation du lieu de Bouillac, situé dans la paroisse de Saint-Marco] de La Graulkire (3). Le cai'tulai 'e de Tulle contient un alu Lie acte dc donation, passé. entre 1 , 108 et 1137. devant l'église dit hou 1g de Saint-Ma r'ec! de La G rail I ière (4). (I) La (i 'au] i ére (in G ce, j /oin. lu G,-er,, hnj ra). oh cf-I eu (le du car ii un de Sci I lino, n rrond isseitte rit de 'radie (Go rrôze). (2) Dans Le Bus-L i,,ro,,sin seiq,,eitj'iul et rcliqiet,a, t. I, p. 59, M. .1.13. Charupeva] (lit li I e l'église (le La Gt'atthàre aurait Ôté donnée é l'abbaye de HennI ieti au IX' ou au X' si éd . Ne sneh t rit /i quo] I e sot roc il a puisé cc i'eitseigne lire tst. nuits ne pouvons LI vérifier l'cx:,clitu,le. (:1) J.-B. Clin u, pesa I Ce, roda ire des «bénites di, Tulle & de Roc' A arc, do,,,, i - 123. D' ni rAs le Voit i 1M historique du diode, de L bauges (publié pm M. le eh,, toi ne Lecler cia us je R,, Dell,, de Ici Société erte1iéo logique et historique du Limousin. t. LIII. p . 5h7), La Graulière serait ,ttenticttittiie r,,, 1170 (laits le c,rrtulaire d'Obazi,,o. (4) . J . - B. Cli an, peva I Cari,, lu ire des abbay es qes de Talle et de Roc- Amadou', p. 113. Document - 111111111111111111111111111111 - -

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L'ÉGLISE

I)E LA GRAULIÈRE

(couR ÈzE)

Les doeunieui,s historiques sur la paroisse de La Grau-

t ière (1) sont peu iioni hi'eilX cl. ne 'emon Lent pas à une très

haine aTiCIOOIICLO. La pretniéi'e mention que flous cri crin-

naissions (2) est donnec par, un acte non daté, niais qui dél passé etrtre les anisées 1060 et 1084 c'est une donation

du lieu de Bouillac, situé dans la paroisse de Saint-Marco]

de La Graulkire (3). Le cai'tulai 'e de Tulle contient un alu Lie

acte dc donation, passé. entre 1 ,108 et 1137. devant l'église

dit hou 1g de Saint-Ma r'ec! de La G rail I ière (4).

(I) La (i 'au] i ére (in G ce, j /oin. lu G,-er,, hnj ra). oh cf-I eu (ledu car ii un de Sci I lino, n rrond isseitte rit de 'radie (Go rrôze).

(2) Dans Le Bus-L i,,ro,,sin seiq,,eitj'iul et rcliqiet,a, t. I, p. 59, M. .1.13.Charupeva] (lit li I e l'église (le La Gt'atthàre aurait Ôté donnée é l'abbayede HennI ieti au IX' ou au X' si éd . Ne sneh t rit /i quo] I e sot roc il a puisécc i'eitseigne lire tst. nuits ne pouvons LI vérifier l'cx:,clitu,le.

(:1) J.-B. Clin u, pesa I Ce, roda ire des «bénites di, Tulle & de Roc'A arc, do,,,, i - 123. D' ni rAs le Voit i 1M historique du diode, de L bauges(publié pm M. le eh,, toi ne Lecler cia us je R,, Dell,, de Ici Société erte1iéologique et historique du Limousin. t. LIII. p . 5h7), La Graulière serait,ttenticttittiie r,,, 1170 (laits le c,rrtulaire d'Obazi,,o.

(4) .J . - B. Cli an, peva I Cari,, lu ire des abbayesqes de Talle et de Roc-Amadou', p. 113.

Document -

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6 L'ÉGLISE DE LA GRAIJLIÈ}1E

Cette église paroissiale exislait certainement depuis uneépoque assez reculée, car, ruinée 011 devenue insuffisante,elle n'allait pas tarder à être remplacée par un édifice dontla plus grande partie subsiste encore aujourd'hui.

La paroisse de La Graidiài'e a dépendu du diocèse deLimoges jusqu'à la Révolution l'évêque en était le décima-teur général (1). Elle l'ut unie h la mense épiscopalevers 1280 et comptait environ deux mille communiants aumilieu du NVILP siècle (2). Sous le vocable de Saint-Marcel.l'église avait aussi pour patrons saint Pierr et saintPaul (3).

Il ne reste, dans les archives (le la région, aucune piècepou'ant nous renseigner sur les dates de la fondation dol'église actuelle et des remaniements qu'elle a subis. Nousn'avons, 1)0e]' nous guider dans ces recherches, que lescaractères archéologiques des diverses parties do l'édifice,souvent trop incertains pour nous permettre d'arriver àtoute la précision désirable.

L'église n'a qu'une seule nef, coupée par un transept endeux -parties à peu près égales. Le croisillon du sud estmoins long que celui du nord sur ce dernier s'ouvre uneabsidiole vofltée en cul-de-four. La nef se termine h l'est parun mur droit. Une coupole sur pendentifs couvre le carré dutransept. Le croisillon du nord est voûté en berceau. Toutle surplus de l'église est- plafonné. Du porche on descenddans la nel'par 111E escalier de quelques marches. Une petiteporte estoirvej'( dans le mur occidental tic chaque croisillon.La nef, le choeur et le transept sont éclairés chacun par dpux.

(1) Archives de In Iiai,[e-Vier,rrc, G. 85.(2) PorrjU,? historique..

(3) .1 T.-B. Gb arr rpev:r I Le Rns .L irrro us irr seigneurial.

L'ÉGLISE DE LA GIIAULIÈIIE 7

fenôtres. T& est, dans ses lignes essentielles, le plan del'église.

On voit., du premier coup d'oeil, qu'il a été profondémentmodifié. Est-il possible de dire ce qu'il était à l'origine?

Le carré du transept date de la construction et n'a reçuaucun changement. Le croisillon du nord u conservé sesmurs, sa voûte primitive et son absidiole; les réparationsqui y ont été faites n'en ont pas transformé l'aspect. Un dûsmurs du croisillon méridional est ancien. Quant à la nef,dont les murs goutterots sont intacts jusqu'au-dessus dubandeau; on constate qu'elle était voûtée par tin berceau quecoupait un arc-doubleau. Un plafond n remplaci sa voûte,dont la naissance est apparente sur toute la longueur.

Le choeur j puis large et lin peu plus long que la nef, neporte au contraire, aucune trace de voûte; deux grandesarcades, dont il est difficile d'expliquer la raison, sont aveu-glées par la maçonnerie. Toute cette partie de l'église aété refaite, ainsi que la chapelle rectangulaire sur le croi-sillon du sud.

Il y u donc, dans l'église, deux parties nettementdistinctes la partie ancienne qui présente une incontestableunité, et la partie moderne dont il n'est pas possible dedéterminer la date, qui est•peut-ètrc le produit de plusieursréfections oit remaniements successifs et qui dénature, d'unefaçon regrettable, le plan primitif. -

Négligeant cette restauration fâcheuse et sans intérêtartistique, nous ne considérerons que les éléments de lapremière construction polir en signaler les particularités eten déterminer la date, tout au moins approximativement.L'étude de l'extérieur de l'édifice, notamment du porche etde la tour-logis qui le surmonte, complétera cette notice.

S LJOIISE DE LA GitAULŒiI]3

• Avant les modifications dont nous avons par]é le plaiide l'église était celui dune croix latine de proportions nor-.males. f.jC croisillon du sud devait avoir une absidiale encul-de-four, comme celui dit nord. M. le chanoine Ponlbriêredit Cille l'église se terminai h l'est pal- une abside en hémi-cycle (1); quoiqu'il il ait aiictiiie preuve (le CC ïait, itOUSpouvons le considirer comme très probable: car, Cil

- Limousin, les absides semi-circulaires sont plus fréquentesque les chevets plats clans les églises romanes à transept.

La nef était divisée en deux ti-avoes pat- des pilastresengages dans le min, qui portaient l'arc-doubleau Commenoirs l'avons déjà dit. elle étailétai voûtée eu berceau. Le départde celte \'oùte démon ire que le bereeihr dciii légèrementbriséi comme les grands mes qui supportent la coupole ducarr( du transept.. Un bandeau h biseau court sur Ioule lalongueur des murs latéraux an-dessous de la lia issance dela voil.e et passe surie pilastrc.dont il est le seiji ernerneiit.La iieï n'a jamais été flanquée de collatéraux.x Il ne reste pasde trace (les fenêtres C1iii pOnvaiemi I I'eelai-cr.

Un même s ystème mie votilemeiti en berceau avait étéadopté pour les ci-oisillons. Celui du nord, qui subsisleencore. a des pénétrations qui lui donnent iii' peu l'aspectdune voÏ t.0 cIa cèLes - Noirs avons déjà renia i-qu é dansdauta-es églises du Limousin. k Saint-iuiiien not.attiiïicnt,ces pénéti-aUoiis qui allègent le berceau. facilitentl'dciairagedirect des nefs et sont un acliein inemeiit vers l'empLoi desvoûtes d'arêtes sur les grands espaces. Elles marquentnnprogrès réel clans la construction . Nulle pari elles ne sontplus accentuées que dans l'église de La C raulière. Nous

(I) Ctm:.mio no l'onl I, ri Ç,rc !)ictiomm tait-ii mies pet ni isses ri z diocèse mie fiv. LA G BAIlLI CitE.

André Fnge. dol.

Plan de l'église de SLa Graulière.

L'ÉGLISE 11E LA GRAIILTÈRE 9

allons les retrouver, encore plus hardies, à la hase de lacoupole. Si la nef n'était pas aveugle, il est à croire que lesfenêtres en lunettes, qui l'éclai nient autrefois, pénétraient ]eberceau par un procédé semblable.

L'absidiole du croisillon septentrional n été remaniéesans que les dispositions générales en aient été modifiées.Une haie n été ouverte vers le nord, et la petite fenêtred'axe. avec son arc en plein cintre retombant, sur deuxcolonnettes, a été fermée.

Les constatations qui précèdent sufli raient â elles scidespour nous permettre de dire que l'église de La Grauiiêre estun édifice roman asse?. avancé. Le doubleau et le berceaubrisé, les pénétrations dans les 'oites dénotent, en effet,surtout dans la région limousine. une construction duXlIe siècle. L'étude du carré dii transept, plus orné etmieux caractérise, confirmera cette attribution.

Quatre piliers, engagés dans les murs etayantsurleurs facelibres une saillie de 0" 50 1 supportent les quatre grands arcsbrisés du carré du transept. Ils sont flanqués de colonnesengagées ,soutenant la doublure des ares. Les bases descolonnes, enfoncées dans le sol actuel, ne sont pas visibles.Les chapiteaux des quatre colonnes engagées dans lespremiers piliers sont épannelés, comme ceux de la cathé-drale de 'Enfle, de l'église dArnac-Pompadotir et debeaucoup d'autres églises limousines de la fin dii Xli iècic.Leurs tailloirs ont reçu un coup de chanfrein légèrementconcave.

Du côté du choeur, les quatre colonnes ont des chapiteauxdécorés de palmettes et de feuillages plais terminés enpalmettes. Deux cavets peu profonds découpent 'e bas deleurs tailloirs. Ces chapiteaux. de nième que les colonnes,les piliers et les arcades, sont en granit.

La nef ayant 0''60 de largeur de plus que le transept etcette différence n'étant pas rachetée pal' une plus fortesaillie des piliers, il s'ensuit que la croisée est légèrement

10 LÉCIdISE DE LA GHAUI.IEHE

h2lrlongile. Pour donner à In coupole qui couvre cette croiséeunee base à peu près circulaire, lare] ïdecte o fait débo idciles pendentifs du côté du transept la coupole nen restepas moins ovoïde. Une moulure en pierre de taille règneau-dessus des pendentifs et marque le départ de la coupole

André Page, det.

Coupe sur le carré du transept,

qui est construite en moellons. Une large otiveru le circu-laire est ménagée au sommet de la calotte pour le passagedes cloches. La tour carrée, dans laquelle elle est logée,sen. (le clocher; elle n'a qu'un étage, convent actuellementpar une toilire en ardoises. -

L ' ÉGLI SE DE LA GDAIJIIE(r E 1.1

Celte coupole de l'église de La Graulière présente uneparticularité rernaiCjtutlile, dont nous ne connaissons pasd'autre exemple dans la région. Elle est découpée à sa hasepar huit pénétrations aveugles, à profil brisé, ayant pourfond un mur droit. La coupole n'ayant pas de tambour et sacalotte reposant, directement sur les pendentifs, ces pénétra-tions vont en s'approfondissant dans le haut pour rejoindrele mur droit qui les aveugle. On les assimi](esàdestrompes (I): à naine peuvent-elles leur être comparéescomme aspect. Elles en diffèrent essente]lement commestructure et comme rôle. La trompe n pour but de préparerI assiette circulaire d'une coupole sur un espace rectangu-laire; elle se loge dans les angles formés par les piédroits;elle sert de hase à la coupole. A La Graulière, ce rôle estrempli par des pendentifs en triangles sphériques ; l'assiettede la coupole est marquée par une moulure sullanl.e.Au-dessus dc celte moulure, sur cette base circulaire, il n'yn plus de place pour (les trompes: la calotte peut se bâtiraisément et c'est dans l'épaisseu r même de la calotte queles entailles sont pratiquées.

Loin d'être rie artifice de coostruclion , elles augmentaientles difficultés de travail, nécessi laient l'emploi (le cintrescompliqués et entraînaient des sujétions extraordinaires.Ses premières assises étant affaiblies, il semble que la stabi-lité du dôme devait, être moins grande. Dans les berceauxdes voâtes les pénétrations présentur!t moins d'inconvé-nients leur utilité est manifeste s'il s'agit, par exemple, dedonner plus de hauteur à lin arceau ou plus de jour à unenef. ou bien encore si l'on veut, ménager le raccordementd'une absidiole, commue dans le croisillon de l'église de LaGraulière. Les grandes coupoles do l'école périgourdine, àSaint-Front de Périgueux et ii Saint-Etienne de Cahors, ont,de rares fenêtres percées dans la calotte; cos dômes émer-

(1) Cf. Clin no inc Pou I briére Diction 'loire des p00 inox.

12 L'ÉGLISE DE LA GRAULIÈRE

gent et ont un tambour extérieur on pouvait les éclairer.La coupole de La Graulière, comme celle de Solignac,comme toutes celles qui r'ecouvrent l'étage inférieur desclochers, est enfermée dans une tour; elle devait doncrester aveugle. Aussi les huit pénétrations qu'on y remarquene traversent-elles pas la maçonnerie de part en pari; ellesviennent boiter contre une paroi verticale. Celte dispositionn été voulue; elle a existé dès l'origine.

Ce qu 'a recherché l'architecte qui en a conçu le plan,c'est un motif de décoration. Sans l'emploi de moulures,sans lait cil de pierres de taille, sans baies perçant lacalotte, il est arrivé à produire un jeu de lumière. Le jourvenant d'en bas, du transept et de l'abside, s'arrête dans laprofondeur des pénétrations et se reflète sur l'intrados desvoussures. La calotte, qui est assez basse, paraît plusélancée, plus haute. Avec son ouverture circulaire du centreet ses découpures àprofil brisé du pourtour, la coupole deL'a Graulière ressemble à une grande étoile à huit branchescouvrant le carré du transept.

Quoique soit grand diamètre ne soit que de 5" 50, laconception de la coupole, dans les concluions que nousvenons d'indiquer, était assez hardie. Les piédroits qfli lasupportent ont une faible saillie n'encombrant pas la nef.L'ensemble de la construction est pourtant d'une stabilitéparfaite; on n'y voit la trace d'aucune lézarde, d'aucunereprise. Les murs de la nef, dit et des croisillons ontété suffisants pour résister à la poussée. Ce travail, difficileet habilement exécuté, ne prouve-t-il pas que la coupole del'église de La Graulière est une (les moins anciennes de larégion? La brisure des grands arceaux sur lesquels ellerepose n'est pus ait de jeunesse; on la trouve dèsle XI' siècle en Périgord et en Limousin; mais la brisurebeaucoup plus accentuée des pénétrations, cette découpurequi s'enfonce dans l'oeuvre vive de la maçonnerie, l'amin-cissement des supports et l'ornementation des chapiteaux

L'ÉGLISE D LA GRAULIItRE 13

des colonnes engagées dans les piliers démontrent quecette partie de l'église date de la lin de la période romane,des dernières années du Xlle siècle.

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A l'exception de la façade, l'extérieur ne présente aucuneparticularité méritant d'être signalée. Les parois des mursn'ont pas reçu la moindre décoration. Le clocher central estune simple tour carrée. sans contreforts et sans moulures,percée de quatre fenêtres en plein cintre; il est dépourvu detout caractère pouvant révéler soit Une porte arcsurbaisé s'ouvre dans le croisillon du nord; la portedonnant acCès dans l'autre croisillon est, moderne.

On entre dans la nef par un porche qui sert de base à unlogis. Cette disposition n'est pas très raie dans la région ducentre. Une chambre existe au-dessus du porche deMoissac.Sur le porche de Laguenne, près de Tulle, une chambre,qui communique avec la tribune, servait aux réunions decertaines confréries. A. La Graulière, la tour rectangulairequi surmonte la porte n deux étages, et chaque étage coin-prend une chambre avec cheminée, fenêtre et placard dansl'épaisseur du mur. On entre dans la diambre du premierétage en passantpassant l)iU' la tribune; un escalier en bois conduità la chambre supérieure.

Ce qui distingue cette construction de la plupart desautres du même genre, c'est que les deux chambres n'étaientpas affectées ail service de l'église ou des confréries localeselles constituaient lin véritable logis. On les désigne encoresous le nom de « chambres des Pères ». « C'est l'indicationindubitable, dit. M. le , chanoine Poulbrière, du logementqu'y faisaient de temps à autre les moines dObazine quandils allaient visiter leur grange de La Montagne, dans laparoisse de La Craulière (1)

(1) CI,a,,oj,ue PouIhritrc Dictionnaire des paroisses.

14 i: ItGL1S]i DE LA Gli AUIIÈRE

A quelle éj)oqiIe remonte la construction de ce logis-porche -? A défaut de documents il est très difficile derépondre à cette question. A Je considérer dans son ensemble,le bâtiment qui sert de Façade à l'église (le La G-aulièreparaît homogène. Les matériaux du porche ne é ifTèient, pasde ceux (lii preini C1 étage ; il e la base an linteau de la fenê-tre de ce premier étage, c'est un granit (lu pays assez gros-sier, mis hien appareillé. Le bandeau qui court au-dessousdu premier étage n'a rien de caraet(ristique en lui-même;mais il est la reproduction de celui du porche- Or, le 1) 01 -

c]xe a Ioules les apparences d'une oeuvre de la fin duXW siècle. Faut-il conclure que le logis tout entier remonteà cette époque ? le me garderai bien de l'allirwer. 11 o dûêtre l'objet de i-wna g iernenls iffi portants quand les moinesdOhazine y ont iL bu leur glie de séjour. La Fenêtre dupremier étage n été faite ou refaite à une époque moderne..Au-dessus du premier étage les irratériaux sont moins bien

p p0 reillés - Peut-être n ne seule chambre existait-clic autre-fois au-dessus du porche et la tour rectangulaire se termi-nait-elle par une haute toiture oit itne Ileche.

li est à remarquer que le logis-porche est pins large quela nef et qu'il repose sur (les massifs de maçon none capa-bles de supporter les plus lourdes charges. Autres singula-i-itésànoter: le porche n'est pas exactement dans l'axe del'édifice; le b is_po relue, dans la partie au-dessous du haiï-deau est plus profond que dans ta partie liante. Toutes cesanomalies peinent, noirs faire croire cil l e la destina lion duhàtimen t a été chargée aps uoItj) et qu'il a subi de pro-fondes modifications.

Comme le clocher qui s'élève sur le carré dur tr;msept, lelogis-porche est actuellement coiffe d nue toiture à quatrepentes en ardoises.

Leportail de l'église, qui s'ouvre dans le porche, rappellepar ses lignes et sa décoration la plupart des portails li mou -sins de l'époque romane. Une archivolte brisée, à trois

LÉCLISE DE LA GRAI)LTÈRE

ressauts, dans l'angle rentrant desquels est un boudin,repose sur clos piédroits de inême profil, ayant danschaque ressaut une colonnette de même dhimàtre que le1)011 iii ii. La colonnette est, séparée du houd in par un cliap j -tenir sans tailloir_ -

Le plus souvent, les pe tits chapiteaux des Portails limon-

sans lie présentent aucir n intérêt ai' tistique. Leurs diinen-sions exiguës et la dii roté de la pierre dans laquelle ils sonttaillés ne permettaient pas de les historier. J)es têtesd'homme, des ai, iin;rux. quelques fleurs des houles, en sont,les ornements les plus fréquents . Souvent mème ils n'ontaucune décoration.

Bien différents sont ceux di, portail de La Graulière. L,sculpteur a emplo yé pour ses chapiteaux lin calcaireoolithique, d'un grain très fin ci, assez facile à tailler: il leurn donné une plus . grcuide di rnension et les a couvertsd'animaux, de chimères. dc feuillages. de guirlandesentrelacées. Nos meilleurs animaliersnmaliers pourraient y trouverdes modèles de chiens aux pattes fines et nerveuses, iiii Corpssou pie. à la tète intelligente, d'oiseaux élégants, copiés surla jiatiiic. d 'u n dessin minutieux et savant. Je ne crois pasqu'il y ait. clans la région du centre. do puis jolis petitsmotifs de sculpture romane, il est il regretter que plusieursd'entre eux soient dans un mauvais état de consei'valion

Les ha ses.criii reposent su r un entablemen t. soht Composéesde deux 011 trois tores légèrement aplatis.

M. le chanoine Pont liii è ru croit que ii portait a dû avoirautrefois un tympan sculpté. Le fait n'est pas impossible.mais il est très Peu proha hie. Li tympan aurait été bienpetit- ....portail est 1)01] large, en effet, et n'a jamais eu deruiI,ean . Fine reste sous i'arclmivol te aura ne trace d'arrjcl,e-

ment. Ne nous arrêtons donc pas à l'hypothèse d'un tympansculpté. Le portail de l'église dq La Graulière ne comportaitpas ce décor. Autrefois, comme aujonrd'hui, il devait êtrepercé et servir à éclairci' la nef.

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16 L']cLigE DE L% GRÂL'LTÈIIE.

Les deux parois parallèles de l'intérieur du porcheprésen-taient, au contraire, des surfaces surlesquelles des sculpturespouvaient, tout naturellement, trouver place. Les artistes del'école à laquelle nous devons les porches de i3eaulieu etde Moissac se sont chargés de les illustrer. On peut dire,pOUF employer une expression de M. Anthyme Saint-Paul,qu'ils y ont mis leur signature, quand ils ont planté sui unedes arcades du i.ah]eau de gauche le petit clocher limousin,si caractéristique et si pareil à ceux que l'on trouve sur lesporches de Moissac et de i3eaulieu (1). La similitude dequelques-uns des sujets traités sur ces trois porches nelaisse aucun doute sur l'origine commune deiçurs sculptures.

Chaque panneau est divisé en deux compartiments par desarcades géminées dont les retombées reposent sur troiscolonnes à chapiteaux richement et habilement fouillés. Lescorbeilles, malheureusement endommagées, sont ornées dejolies chimères et de délicats feuillages. Les bases, forméesde tores superposés, sont portées sur un entablement quicontinue celui des piédroits du portail. La liaison de . tamaçonnerie du portail et du porche prouve que leur construc-.tion a été laite en même temps. C'est sous ces arcades quesent encastrés les sujets que nous allons décrire, ils sont enpierre calcaire de même provenance que les chapiteaux du

portail.Dans les arcades du panneau de gauche une scène unique

se développe, coupée par la colonne centrale Malgré sesdétériorations on peut la reconstituer assez facilement. Unmourant git sur un lit dent les pieds sont décorés de fines

(1) Voir notre notice sur Le clocher li,iiouin û l'époque ro,:'ane, dans te

Bulletin Monir,,.entol, 1907, P. 263-286.

L'ÉGLISE DE LA CIIAULIÈRE 17

sculptures. Il est rccou.ert diun-linceul dont] es plisiaissentvoir-la,forrue du corps. l.a tête repose sur titi Aupied du lit, un ange debout vêtu dune robe plissee,dessinant les.jambes tient une balance di, la, main gauche.Il pèse les bonnes et les mauvaises actions, les mérites etles démérites dit Derrière- le lit, un.per'sonnage sepenche vers- le mourant etporte lamain à,ses yeux dans- ungcsted3 douleur; ses traitssont.effacés, mais on devine lafemme qui asiste l éplorée : aux derniers moments de sonmari. Près (le ],a du lit, un autre personnage complétaitcelte scène; unS reste que des- traces assez vagues, tantil été martelé-avec soin. C'est, ordinairemênt, la place clèSatan dans les tableaux représentant la mot-t- (litriche. Si les têtes du gisant et de sa femme, si le fléau de labalance n'étaient pas brisés, on pourrait. croile que desdévols ont voulu sauver l'àme dit moribond en chassant- lediable de son chevet; -

L'histoire de la mort- du mauvais, riche a, été souventreprésentée dans nos églises du, moyen ftge. Nous la trou-vous sur -le - panneau de gauche du porche de Moissac: undémon- s'empare de la house, pendant qu'un autre arrachePâme ; point n'est:besoiu de peser les -actions-du mourant:;ellessoritjugées; Lange n'est pas aupied dit du hautdu ciel; salis intervenir-,- il voit là fin du, réprouvé. Lit

de, lui-Ciste ne laisse aucun -doute lorsqu'il montre ainsila victoire de Satan prenant' P:lme et le trésor. Sur - leporche de La Gi-aulière on ne voit pas aussi nettement-ceque le sculpteur a- voulu ' figurer. Les quatre personnages -typiques- sont à leur place habituelle: en admettent quecelui -dont-la silhouette se distingue à peine soit la démon;niais le triomphe du démon -n'est pas manifeste. Nous tictrouvons pas la bourse gonflée d'or qui caractérise l'usuricrl'avare et le mauvais riche. 'je plateau de la - balance (luiest: du côté du - diabla parait le moins- chargé. Il semblemême que l'ange veut gagner la cause du ciel en pesant

1.8 'rLiSE DE l.,\ GRAULIIItE

avec sa mai11 droite sur le plateau qui est de son côté.Ce ta hleau portait liii -mû] ne son encadrei neil t. taillé

dans le bloc calcaire; ce sont, des arcades géminées cri pleincintre, qui retombent sur trois colonnettes à chapiteaux.L'arc et la eolônnette de droite ont disparu l'arcade degauche, au contrai e, est. intacte et a conservé ses deuxcolonnettes. Elle est ornée d'une moulure avec un cercle encreux dans les écoiriçons . Sur la tablette horizontale quirecouvre l'arc se détache le petit clocher linousin à retraite,avec gôble, dont j'ai déjà parlé. Deux chapelles ou églises.sur plan fu yant, sont sculptées de chaque côté dccc clocher.Jusque dans lès (liitails accessoires l'artiste u lait. preuved'une véritable mait.ri.se . Le petit clocher est fouillé. avec

- soin, et les édicules qui le flanquent se développent clansune juste perspcti\'e

1e panneau de droite du porche comprend deux sujetsséparés, un sous chaque airade. Ils sont., l'un et l'autre.sculptés dans un calcaire oolithique.

Sous l'arcade la plis rapprochée du porta il, c'est leChâtiment du mauvais riche. figuré enroule Moissac et àBeaulien. L'avare est assis nue grosse bourse, attachée àson cou, pend sur sa poitrine. A califourchon sur ses épaules.un démon se cramponne de la main droite à ses cheveux etse penche pour la bourse. L'expiation (lu péchéd'avarice est- représentée sous sa forme la plus caractéris-tique: le pécheur, en effet, est à la merci de Satan qui lechevauche, l'avilit- et s'apprête à le dépouiller . de cettefortune mal lu

pour laquelle il a perdu son âme. La

o]cflpOsil.ifln du sujet, est excellente IOS deux personnagessont bien dessinés, dans une attitude naturelle et expressive.Si les traits des visages, altérés par le temps: l'l'011t plus lanetteté 'qu'ils ajaient autrefois. leuirelief estencole suffisantpour marquei' dune façou saisissante les deux physionomies.Le vieillard est vaincu, écrasé, soumis; il ne résiste pas à lamainmise (]il ; il ne défend pas son trésor; il n'a

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plus d'tiine, plus de volonté. Au contraire, le démon exultedans Son triomphe; il est! muii in, rai lieur; sa proie ne petitlui éd 'ippe r; le malheureux l)écl tou r, corps et hi en s. loiappartient défi]iitivement.

Le sujet qui remplit iatiti'e aronde est plus difficile àexpliquer. Un homme, vêtu (lune tunique collante aitbuste et aux manches, flottante sur les jambes dont elledessine pourtan 11es formes, porte sur son épaule droite unénorme poisson. Il en tient la tête en avant dans ses deuxmains. Le poisson est, si grand que sa queue dépasse enarrière la chute (les reins de 'homme; il est si lourd quele porteur semble ployer sous le fardeau. L'homme estnu-pieds et marche il a une barbe épaisse et (les cheveuxabondants; il est dans la l'orce de-l'age.

Quel est le personnage que le sculpteur a ainsi t'epré-senté ? li n'a son pareil ni sur le porche (le Beau lieu. ni sûrcelui dc Moissac. On ne le voit, à nia connaissance, suraucun des portails sculptés de nos églises.

La première idée c1iti se présente à l'esprit est que l'artistevoulu figurer 'l'uNe. On pourrait se demander la raison

d'être de 'l'ohio it côté des scènes que nous venons dedécrire, si l'on ne savait pas que les sculpteurs du moyenflge ;i io ll tai en t. peut do prix à l'unité de la composition. Sui-le porche (le l3eaulieu , P' exemple. Daniel dans la fosse auxlions t'ait l'ace à l'expiation du mauvais riche, sans fi ll e l'Ofl

isse imaginer un lien ipelconqime entre ces deux sujets. Ala rigueur vu peut clone admettre que l ' artiste, sans d'autreraison que sala ii tai sic a logé Tobie et son poisson à côtédu diable et de l'avare.

Dans le voyage qu'il tit avec l'ange Rnplial. arrivé surLa bords du Tigre, le jeune '.l'ohie vit un gros poisson qui.sautant hors de l'eau, faillit le dévorer. L'ange lui dit (leprendre ce poisson. Il le prit, le jeta sur le rivage, l'ouvritcl, et) retira le coeur le fiel et le foie qui lui servirent iirendre ]fi vile à son père et à cli as ser l'esprit ma li n. Telle

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est ],a L'homme barbu qui marche en portant ungros poisson n'en rappelle aucun des détails. Ii West pasimpossible pourtant que le sculpteur. usant. (l'une trèsgrande liberté, d'interprétation et: simplifiant la scène,comme on le faisait souvent à. cette époque, l'ait réduite àsa plus simple expression: le gros poisson serait devenupourdui:un signe suffisamment caractéristique du person-nage. C'est ainsi, au surplus. q&il a été représenté dansquelques enluminures.

Peut-être peut-on donner une autre explication du sujetqui noirs •occupe et k rattacher aux deux autres tableaux.Dans cette hypothèse, le grand panneau de gauche repro-duirait incontestablement la mort du mauvais riche; lesdeux panneaux de droite noirs montreraient' ses tourmentsaprès sa mort. h'arnour de ] !or et la.gour-mandisc sont lescauses principales de sa damnation. Mainlenant qu'il estdans l'impuissance de satisfaire sa passion pour la bonnechère, un homme vient le tenter en lui portant. ce qui étaitconsidéré au moyen Age comme le plus luxueux des mets,un poisson rare. -

k. l'appui. de cette interprétation, on peut invoquer lafaçon dont certains peintres verriers ont liguréles tentationsqui assaillirent l'archidiacre . Théophile après qu'il eutdonné son une ait Sur le vitrail de la chapelle dela Vierge dans la cathédrale de ]3eauvais, on voit un per-sonnage à genoux présentant à Théophile un immensepoisson.

Ait dans la cinquième lancette de ]-il chapelle de laVierge, au chevet de la catlrédrale, l'archidiacre, revêtud'un manteau violet, est assis sur son siège; nia petitdiable rouge se tient près de lui, comme pour le sur-veiller et jouir de lit de ses concupiscences.Un homme s'avance vers 'I'héophile, portant sur ptrulesdeux.grandset lourds poissons; ce fardeau semble écrasantpour Uni; Son attitude est absolument la même que celle de

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l'homme du porche de La Grauliùrc (1). La pensée du pein-tre parait clairet c'est lesprit malin qui exerce ses séduc-tions en faisant offrir à l'archidiacre Théophile le mets quiflattera le mieux son goût pour la bonne chair.

Une inspiration de même nature se rencontre peut-êtredans la sculpture de La Graulière. Le festin du mauvaisriche n été bien des fois représenté par les artistes dumoyen ôgc. Le poisson ne rappelle-t-il pas son

S amour de latable, comme la bourse son amour de l'argent Y Ce n'est làqu'une hypothèse 5111' laquelle il ne faut pas insister pluslongtemps mais un rapprochement était à faire entre levitrail de la cathédrale du Mans et le bas-relief de l'églisede La Graulière, car l'homme dans l'altitude que nousavons décrite, portant un gros poisson sur son épaule, nese rencontre pas ailleurs, à notre connaissance:

Ce qui rend plus incertaine encore l'interprétation dusujet dent nous parlons, c'est qu'il est impossible de savoir siles trois panneaux du porche de La Graulière occupaient àl'origine la place où nous les voyons aujourd'hui. Non pasque nous voulions mettre en doute qu'ils aient été sculptéspour décorer ce porche; rien n'autoriserait une pareillesupposition. Mais des traces de remaniement sont visibles.La scène de la mort du riche portait son encadrement etn'était pas faite pour se loger sous la double arcade qui'enferme actuellement. La petite colonnette centrale, qui

fait corps avec le sujet, étant derrièrèlb lit, nedivisait pas lascène en deux parties il a fallu en casser le chapiteau pourétablir au devant la colonne qui supporte la retombée del'arcature et a l'inconvénient de couper en deux le tableau.Le panneau sculpté est trop étroit pour la largeur des deuxarcades. Enfin, le couronnement architectural •du côté duchevet ainsi que la petite colonnette de droite avaient

(1) M. Bobert Triger non lobiigeance do vériiier sur pince l'exactitudede colle coniparaison.

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disparu très vraisemblablement lors de la remise eu place.La réfection est moins évidente en ce qui concerne les

deux panneaux (hi mur latéral de droite. On peut croire,cependant qu'ils étaient plus rapprochés l'un de l'autre.

Ces sculptures sont. peu1èti'e 1.11) lieu antérieures aitportail do l'èglise et oui été déplacées et réemployéeslorsqu'on a refait le portail h la fin du M e siècle. Les a-t-onexactement remises h lotit place? A répoque de la constiiic-Lion du logis des moines d'Obaziue, n'a-t-on pas réédifié lepoitiin pour donner ù ses murs plus iléptusseni' et plus derésistance? Il est difficile de proposer une solution satisfai-sante de ce petit probléine archéologique.

Ce qui n'est pas douteux, c'est, que les sculptures duporche de l'église de La C ..aubère rappellent celles desporches de Beaulieu et de iMoissac, qu'elles procèdent dela méine inspiration et sont l'oeuvre d'une même coIe. Aupoint de vue artistique elles marchent de pair avec elles, sielles rie leur sont pas SLI périeures.

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Caen. - Imprimerie H. Delesques, mc I),,moionh,,, 31.