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Le seul journal francophone de l’Université McGill Le mardi 23 mars 2010 - Volume 99 Numéro 22 Plus vieux que Jésus depuis 1977. le délit Publié par la société des publications du Daily, une association étudiante de l’Université McGill. Cahier Création 8 pages à conserver Le Canadien dans la peau autopsie d’un phénomène pp. 6 & 7

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8 pages à conserver autopsie d’un phénomène pp. 6 & 7 Le seul journal francophone de l’Université McGill Le mardi 23 mars 2010 - Volume 99 Numéro 22 Plus vieux que Jésus depuis 1977. Publié par la société des publications du Daily, une association étudiante de l’Université McGill.

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Le seul journal francophone de l’Université McGill Le mardi 23 mars 2010 - Volume 99 Numéro 22

Plus vieux que Jésus depuis 1977.

le délit

Publié par la société des publications du Daily, une association étudiante de l’Université McGill.

Cahier Création8 pages à conserver

Le Canadien dans la peauautopsie d’un phénomène pp. 6 & 7

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2 Nouvelles xle délit · le mardi 23 mars 2010 · delitfrancais.com

Le documentaire de la cinéaste reconnue Alanis Obomsawin Professeur Normand Cornett:

«Depuis quand différencie-t-on la bonne réponse d’une réponse honnête?» était projeté lundi dernier à l’intérieur des murs de McGill. Rassemblant quelques 200 étudiants, professeurs et citoyens concernés, la projection a remis sur la sellette la controverse entourant le congédiement jusqu’à maintenant injustifié du professeur qui y a enseigné pendant plus de quinze ans. Non-orthodoxie

Ses anciens étudiants et col-lègues sont unanimes: les métho-des d’enseignement du professeur Cornett sont non-orthodoxes. Ses étudiants se souviennent d’ailleurs de lui en ces termes: «le Dr. Cornett n’a jamais donné de matière à ap-prendre par cœur ni d’examen noté, mais je n’ai jamais autant appris dans un cours que dans le sien,» écrivait Emilie Laurencelle-Bonsant, diplômée du Baccalauréat ès arts de McGill en 2007. «Il appre-nait à connaître tous ses étudiants personnellement,» mentionne une autre de ses anciens étudiants, Mira Etlin-Stein. Pour ce faire, il donnait un nom à chaque cohorte, demandait aux élèves de se donner un surnom et créait «une réelle communauté d’élèves ouverts et prêts à affronter les sujets les plus difficiles, les moins explorés dans la société en général,» poursuit Émilie Laurencelle-Bonsant. Au total, 80% de la note obtenue par un étudiant revenait à sa participation.

Le professeur Cornett, dans un entretien avec Le Délit, précise qu’il étudie l’intégralité du spectre politique, de façon à faire valoir tous les points de vue. «Les étu-diants devraient avoir la possibilité de s’asseoir avec des chefs de file des domaines artistique, religieux et politique, et de leur tenir tête». Dans cet objectif, il a accueilli dans ses classes l’ex-premier ministre québécois Lucien Bouchard, le musicien Oliver Jones, et la cinéaste documentariste Alanis Obomsawin –elle-même réalisatrice du docu-mentaire présenté à McGill. «Il n’imposait pourtant jamais ses propres convictions», souligne M. Yakov Rabkin, professeur à l’Uni-versité de Montréal, dans le docu-mentaire. «Je ne saurais dire de quel

côté il pourrait se positionner. Il voulait que les étudiants réfléchis-sent.» À la porte!

Le Professeur Cornett s’est vu contraint de quitter son bureau et ses fonctions le 31 mai 2007 sans motifs explicites. Dans le docu-mentaire de Mme Obomsawin, Julius Grey, avocat et professeur à l’Université McGill, défend le professeur Cornett: «Les étu-diants aimaient et recherchaient ce cours». Pour l’avocat, la problé-matique entourant le licenciement du professeur Cornett est «une affaire plus morale que légale». Les sous-entendus déferlent sur l’institution McGill. Peut-être une réponse claire suffirait-elle à faire taire le débat, mais M. Gautier, ar-tiste sculpteur, doute que la réponse de l’administration ne vienne. «Cet espèce de politiquement correct dans lequel on baigne me fait très souvent penser à quelque chose qui ressemble fort à de la censure. En fait, c’est bien de cela dont il s’agit» estime-t-il. Liberté académique compro-mise

Peter Leuprecht, Directeur de l’Institut d’études internationales à l’Université du Québec à Montréal et ancien doyen de la Faculté de droit à l’université McGill, et l’avo-cat et professeur Julius Grey abon-dent dans le même sens dans une lettre ouverte parue dans Le Devoir: ils soupçonnent des restrictions à la liberté académique imposées par l’université. «La façon avec laquelle l’université McGill a traité le Dr Cornett [...] semble enfreindre ses propres règlements observent-ils, rappelant que l’université a tout in-térêt à expliquer les mesures excep-tionnelles qu’elle a prises.

L’administration de McGill se défend pourtant, dans une réponse publiée dans Le Devoir 13 juillet 2007, d’honorer la li-berté d’expression: les hypothè-ses soulevées quant au recours à la censure de la Faculté d’études religieuses n’aurait «aucun fon-dement». «L’université n’étant pas une organisation hiérarchique qui exerce son autorité et son contrôle sur les facultés, nous nous sommes assurés que la Faculté d’études re-ligieuses a appliqué les règles et les procédures dans le plus grand respect des valeurs associées à la liberté académique,» répondait le Vice-principal exécutif Anthony Masi au nom de l’administration mcgilloise.

L’affaire a subséquemment été amenée devant la cour: récemment l’administration de McGill a offert un montant d’argent en échange de la signature d’une entente de confidentialité. «Si je signais cette entente, l’administration ne serait plus responsable d’expliciter les raisons de mon congédiement. Et c’est ce qui m’importe», expliquait le Dr.Cornett –dans un français impeccable– au Délit, en souli-gnant «qu’il n’existe aucun mon-tant qui puisse remplacer le plaisir d’enseigner».

Ni la doyenne de la Faculté des études religieuses, ni les membres de l’administration n’ont répondu aux questions qu’il leur a posées. La réalisatrice du documentaire, Alanis Obomsawin, n’a également pas trouvé réponse à ses questions auprès de l’administration univer-sitaire. x

«We don’t need no education»La projection du documentaire d’Alanis Obomsawin sur l’enseignement du Professeur Cornett, mis à la porte par McGill sans explications, soulève la controverse, à nouveau, sur le campus.

RENVOI DU PROFESSEUR CORNETT

Éléna ChoquetteLe Délit

CAPSULE JURIDIQUE

Chers lecteurs et lectrices, cet-te semaine marque la paru-tion de notre dernière cap-

sule juridique pour l’année scolaire 2009-2010. Emplie d’émotions, la CIJM tient tout particulièrement à vous remercier pour le support que vous lui avez démontré lors du der-nier référendum. Ce sera un hon-neur et un privilège de pouvoir vous informer pendant les cinq prochai-nes années!

L’année scolaire tirant à sa fin, sachez que la CIJM sera fermée à partir du 9 avril jusqu’au 15 mai, date à laquelle la nouvelle équipe de directeurs entrera en fonction. Si jamais vous avez des questions d’ordre juridique pendant cette pé-riode, le site web www.educaloi.com, la Régie du logement, l’Office de la protection du consommateur et la Clinique d’information juridique du YWCA sont d’excellentes ressour-ces à votre disposition… surtout si vous avez l’intention de louer (ou sous-louer) un logement ou d’ache-ter une télévision défectueuse!

Aux dernières nouvelles, les prévisions météorologiques pré-voyaient une abondance de pro-priétaires véreux. Et selon une étude scientifique sérieuse, il a été démontré que le remède le plus ef-ficace à ce type de propriétaire est un locataire bien informé, un peu comme le muskol pour se défaire des moustiques.

Sur ce, nous vous souhaitons une excellente période d’examens et un été rempli de projet stimu-lants mais exempt de problème juridiques. Et dans l’éventualité où l’université vous soupçonnerait d’avoir manqué à vos obligations énumérées dans le petit livre vert (code de conduite), rappelez-vous que le Service de représentation étudiante sera à votre service.

Michael, Jelena, Kelly, Anastasija, Allison et Charles tirent leur révérence et vous sa-luent. Quant à Mari, Courtney, Daniel, Anaïs, Marlene et Joannie, ils vous attendent les bras ouverts et sont tous plus motivés les uns que les autres à faire de la CIJM une ressource adaptée à vos besoins. x

Ce n’est qu’un au revoirLA CIJM

Le professeur Norman Cornett a rencontré les étudiants ce mardiVincent Bezault/Le Délit

Professeur Norman Cornett: «Depuis quand différencie-t-on la bonne réponse d’une réponse honnête?» d’Alanis Obomsawin, Office National du Film, 2009.

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3Nouvellesxle délit · le mardi 23 mars 2010 · delitfrancais.com

Cinq étudiants ont passé cinq nuits dans leur sac de couchage la semaine

dernière dans le cadre de l’évé-nement «5 jours pour les sans-abris». Quelques quinze autres ont également pris part à l’ini-tiative pendant une ou deux nuits.

Rosa Gaia Saunders, étu-diante de troisième année en étu-des culturelles, et Albert Klein, étudiant en quatrième année en entrepreneuriat, mène une cam-pagne pour le chapitre mcgillois de End Poverty Now, une ONG qui, revendiquant son indépen-dance de toute organisation poli-tique ou partisane, lutte contre la pauvreté au niveau local comme international. Ils récoltaient de

l’argent et des aliments non-pé-rissables, notamment pour le cen-tre d’hébergement montréalais Projet Autochtone du Québec. «On goûte à la vie de l’errance», racontait Rosa Gaia Saunders, habillée d’un dossard conçu pour l’occasion, en arrêtant les étudiants qui passaient près des l’entrée Milton. «On cherche es-sentiellement à attirer l’attention des étudiants et professeurs.» Elle admet qu’il est facile d’ignorer les besoins de ceux qui dorment dans les rues, mais «pas quand ils se trouvent dans notre cour». C’est pour cela que dans le but d’atti-rer l’attention de la communauté mcgilloise, ils se sont installés et endormis au beau milieu du cam-pus.

«Ce sont les conditions les plus près de la véritable pauvreté, telle que vécue par plusieurs, dans lesquelles ont a choisi de vivre cet-te semaine», confie Albert Klein. En plus de dormir à l’extérieur, les participants se nourrissent exclu-

sivement des denrées apportées par les passants et dorment sans autre équipement qu’un modeste sac de couchage. Et ce, dans le but de «rappeler aux étudiants que la pauvreté existe et continue d’exis-ter». Selon le groupe, il est essen-tiel de réveiller la conscience des citoyens vis-à-vis les causes de la pauvreté telle qu’elle existe ici, au Canada.

Les participants auraient pu organiser «une soirée chic» pour amasser des fonds pour les or-ganismes en lesquels ils croient, expliquait Gaia Saunders. «Mais ça aurait été en complète contra-diction avec la réalité qu’on tente

de dépeindre ainsi qu’avec les principes de la campagne de End Poverty Now», précise-t-elle.

Les retombées de l’exercice sont telles qu’un sans-abri est venu les trouver lors de la deuxiè-me journée de la campagne. M. Klein explique que «certains d’en-tre nous étions un peu apeurés à son approche, mais la crainte s’est dissoute en moins d’une minute. Il voulait seulement être avec nous, et discuter entre égaux», ajoute-il.

L’organisation vise également à «aider les étudiants à aider». À cet effet, ils ont conçu une bro-chure faisant état des divers or-ganismes œuvrant déjà à la tâche, pour donner un point de départ aux McGillois désirant faire leur part pour lutter contre la pau-vreté.

À son terme, la campagne «5 jours pour les sans-abris» avaient amassé presque 4 900$, ce qui est aux dires de Mme Saunders «plus d’argent qu’ils auraient pu croire être capables d’amasser». x

La semaine de la mode à Montréal n’a pas échappé à sa tradition de promouvoir

le bien-être dans sa peau. Dans sa foulée, le 15 mars dernier, était mise en ligne la Charte québé-coise pour une image corporelle saine et diversifiée. Le site internet de la Charte permet désormais à la population entière d’en prendre connaissance et de la signer afin que les valeurs qu’elle transmet puissent imprégner l’imaginaire collectif, et éventuellement chan-ger les comportements.

La Charte encourage les ci-toyens à «promouvoir une diver-sité d’images corporelles compre-nant des tailles, des proportions et des âges variés; encourager de sai-nes habitudes autour de l’alimen-tation et de la régulation du poids corporel; dissuader les compor-tements excessifs de contrôle du poids ou de modification exagérée de l’apparence; refuser de souscri-re à des idéaux esthétiques basés sur la minceur extrême», et autres recommandations qui visent à minimiser les risques de troubles alimentaires au sein de la société québécoise.

Lancée le 16 octobre 2009, cette Charte est née de la détermi-nation de deux jeunes filles ayant souffert de troubles alimentaires à l’adolescence, Jacinthe Veillette et

Léa Clermont-Dion. «Nous vou-lions démystifier aux yeux du pu-blic les maladies liées aux troubles alimentaires et faire pression sur le gouvernement pour l’inviter à agir,» confie Jacinthe Veillette. Ces jeunes femmes ont donc déposé deux pétitions totalisant plus de 3000 signatures à l’Assemblée Nationale.

«Il est important de s’attaquer à ces stéréotypes chez les jeunes filles et les femmes parce qu’elles sont les plus représentées dans les magazines; elles sont les plus bom-bardées d’images de femmes par-faites dans les médias, et surtout les plus touchées par les troubles alimentaires,» ajoutait Jacinthe Veillette en mentionnant qu’il ne fallait pas pour autant ex sans ex-clure les garçons et les hommes de la campagne. Cependant, la jeune femme ne veut pas voir la charte devenir une loi contraignante: elle souhaite que son adhésion soit volontaire, un peu comme la cam-pagne publicitaire sur la beauté naturelle de la compagnie Dove.

Ainsi, Jacinthe Veillette et Léa Clermont-Dion furent les initia-trices par leur pétitions, mais le projet n’aurait pas pu continuer à évoluer sans sa prise en mains par Christine St-Pierre, ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine. En entrevue avec Le Délit, Mme St-Pierre confie qu’«avec tout le cynisme envers les politiciens qui

règne depuis quelques années, lorsqu’elles sont venus déposer leurs pétitions, je me suis fait un devoir de répondre à Jacinthe et à Léa».

Lors de l’élaboration de la Charte, le groupe de travail qu’elle a mis sur pieds s’est inspiré de ce qui s’est fait en Europe, et plus particulièrement du projet sur l’image corporelle de la ministre française de la santé. Elle expli-que qu’au sein du groupe de tra-vail, «les représentants du mon-

de de la mode québécoise l’ont agréablement surpris par leur ouverture sur la problématique, et ils ont grandement participé à cette charte.»

Maintenant que le site inter-net est lancé, la prochaine étape, et l’objectif de Mme St-Pierre, est le dialogue entre les palliers pro-vincial et fédéral. Quant à elle, des mesures contraignantes et légales ne sont pas exclues, «mais seu-lement en dernier ressort; si les comportements ne changent pas

au Québec.» La ministre a défini-tivement pris le leadership dans ce dossier et elle portera l’étendard d’une image corporelle saine et diversifiée au Québec, à travers le Canada et à l’étranger. Pour signer la Charte Québécoise pour une image corporelle saine et diversi-fiée, et ainsi amener des change-ments de comportement et de vi-sion au sein de la population et du monde de la mode, le site internet est le suivant:

www.jesigneenligne.com x

Une «Magna Carta» québécoiseLe Québec fait une première nord-américaine en lançant la Charte québécoise pour une image corporelle saine et diversifiée, inspirée de pétitions déposées à l’Assemblée Nationale par deux jeunes filles touchées par des troubles alimentaires.

QUÉBEC

Aider à aider Des étudiants de McGill militant pour End Poverty Now passent

la nuit dehors pour aider la cause des sans abris.

INITIATIVES ÉTUDIANTES

Francis Laperrière-RacineLe Délit

Éléna ChoquetteLe Délit

Les étudiants sont appelés à donner généreusement.Gracieuseté de End Poverty Now

La ministre en compagnie des deux jeunes filles à l’origine de la pétition.Le Ministère de la Culture , des Communications et de la Condition féminine

«C’est facile d’ignorer les besoins de ceux qui dorment dans les rues, mais pas quand ils se trouvent dans notre cour» - Sarah Gaia Saunders

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À ta santé, Obama!

Vendredi dernier, l’ambassadeur des États-Unis au Canada, David Jacobson, a remis deux caisses de bière au premier mi-nistre canadien Stephen Harper. Ce geste découlait d’un pari perdu par le président américain Barack Obama lors des derniers Jeux Olympiques à Vancouver. Les deux chefs d’État, qui avaient misé sur la vic-toire de leur pays respectif lors de la finale du hockey masculin, ont vu les Canadiens l’emporter 3-2 en prolongation. Les caisses de Yeugling et de Molson Canadian seront expédiées au Temple de la renommée du hockey, à Toronto. AFP

Un tir qui n’en vaut pas le coup

Après s’être enfermé par erreur dans une cellule de prison du Kentucky, un shé-rif adjoint claustrophobe a tiré sur la serrure avec son arme. Charles Wright, l’officier en question, a été renvoyé le jour même. On rapporte que l’incident s’est produit lors de l’inauguration de la prison, qui ouvrait ses portes après plus d’un an et 12,4 millions de dollars de travaux. Selon les autorités, Wright a accepté de rembourser les dégâts. The Associated Press

L’équipe du Délit

Les appelations de «ghetto» ou de «bulle» souvent accolées au campus de McGill ne sont pas dénuées de

vérité... Pour bien des étudiants, l’expérien-ce mcgilloise s’arrête aux portes Roddick, avec une annexe de la bulle sur Crescent et une autre mini-bulle sur Saint-Laurent. Et c’est à peu près tout. Pour bien des francophones, entrer sur le campus c’est se transformer soudainement en minorité audible. Heureusement, il existe certaines brèches dans cette bulle autrement plutôt hermétique qui permettent aux étudiants de s’ouvrir à tout ce que le grand Montréal a à leur offrir.

Comme seule publication franco-phone sur le campus, Le Délit offre une interface nécessaire d’intéractions entre les deux univers parallèles que sont la bulle anglo-mcgilloise et la communauté francophone montréalaise. Milieu ouvert, jeune, reconnu et bouillonnant, la scène de celle qui aspire à devenir une capitale culturelle se dévoile chaque semaine dans nos pages, du théâtre au cinéma, en pas-sant par la littérature, les arts visuels et les événements plus underground. Lieu de dé-couvertes et tribune pour le méconnu, Le Délit espère vous initier chaque semaine aux brillantes créations (et parfois, aux obscurs faux-pas) qui pourront ponctuer une année scolaire morose.

En plus d’ouvrir les portes de l’effer-vescence artistique et culturelle de la ville, Le Délit est lui-même un espace de créa-tion dans une Université qui n’a aucun programme de beaux-arts ou de création.

En témoigne l’exquis cahier création de cette semaine, dont vous pouvez vous

délecter, telle une brise de fraîcheur qui tranche au couteau la lourdeur des textes universitaires qui nous écrasent en cette saison des travaux de session. Les contri-butions de nos quinze collaborateurs se sont d’ailleurs distinguées, marquant l’édi-tion de cette année d’une grande touche d’originalité. Ces quelques pages révèlent des talents insoupçonnés, qui se terrent le reste de l’année dans les crasseux recoins du Leacock ou du terne Arts Lounge.

***

De manière plus large, Le Délit est une publication étudiante qui est par constitution démocratique et ouverte. Tous les étudiants qui souhaitent écrire en français peuvent pu-blier des textes, proposer des sujets, envoyer des lettres d’opinion, commenter sur le site Internet… Le Délit est un forum d’expression qui appartient aux étudiants de McGill, et il vous appartient d’en faire ce que vous voulez.

Allez, on vous attend, venez créer votre Délit!x

delitfrancais.com/collaborer-au-delit

En trois vitesses

Citation de la semaine

«Nous avons prouvé que nous

étions encore capable d’accomplir de grandes choses. Faisons place au changement.» - Barack Obama

Insolite

en hausse au neutre

INFO-GRÈVE DE L’UNIVERsIté DE mONtRéaL

La direction de l’Université de Montréal a déposé une offre finale en vue d’un accord pour la signature d’une convention collective de ses 2500 char-gés de cours, échu depuis le 31 août 2009. L’Université propose notamment aux syndiqués une hausse salariale de 3,8% rétroactive au 1er janvier 2010, ainsi qu’un plus grand accès aux auxi-liaires d’enseignement, leur permettant de rattraper la rémunération de leurs homologues de l’UQAM et de se situer au-dessus de celle des chargés de cours de l’Université Laval et de l’Université Concordia. UdeM

en baisse

La réforme sur la santé publique, pro-posée par le président américain Barack Obama, a été adoptée hier. 219 sénateurs ont voté en faveur du projet de loi contre 212 opposants.

The Associated Press

L’UNIVERsIté DE sHERBROOKE DaNs LE

ROUGE

Même si l’Université de Sherbrooke visait l’équilibre budgétaire pour l’élabo-ration du budget 2010-2011, son déficit pourrait varier entre 9 et 15 M$. Afin d’éviter un tel scénario, toutes les facul-tés ont été invitées à réviser leur budget. Selon le vice-recteur adjoint et directeur de cabinet, Jean-Pierre Bertrand, les coupures budgétaires ne seront pas ef-fectuées de manière uniforme en raison des fluctuations de la taille de chaque unité administrative. «En tout cas, c’est davantage un exercice qui consiste à re-chercher des possibilités de diminution des dépenses ou encore d’augmentation des revenus», déclarait-il. La Tribune

Crée ton Délit!

ÉDITORIAL

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PROGRammE éLEctORaL DOUBLE

Le Directeur général des élections du Québec (DGE) a confirmé cette semaine la possibilité de tenir des élections scolaires et municipales simultanées dès 2013.

La Fédération des commissions sco-laires du Québec (FCSQ) considère que cette option mérite d’être envisagée comme solution transitoire. Ce scénario est inspiré de la dernière élection municipale en no-vembre 2009. Les commissions scolaires de Portneuf et de l’Or-et-des-Bois avaient profité de l’occasion pour tenir une élec-tion partielle le même jour et au même en-droit. L’expérience s’est avérée concluante: le taux de participation a été plus élevé que celui de la dernière élection scolaire géné-rale. À suivre… FCSQ

Le Délit perce votre bubble depuis 1977.

Vincent Bezault / Le Délit

4 Controverses xle délit · le mardi 23 mars 2010 · delitfrancais.com

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Le mois d’août au Japon est marqué non seulement par les vacances d’été, mais aussi par le Obon (pronon-cer o-bonne). Il s’agit d’une fête boudd-histe honorant les esprits des morts, car au Japon, on croit que l’esprit des ancê-tres revient visiter la terre, le temps d’une journée. Le Obon est maintenant fête nationale du 13 au 15 août, ce qui permet à de nom-breuses personnes de se réunir en famille, de visiter un temple, de retourner sur la tombe de leurs ancêtres ou encore de participer aux festivités. Cette fête prend parfois la forme d’un véritable festival (du moins, véritable festival japonais) où il est

entre autre possible de voir des groupes de danses qui pratiquent le bon-odori (littéralement: danse du bon).

Les matsuri, qui ont souvent lieu pendant la période estivale, sont égale-ment des festivités importantes au Japon. Ils sont normalement associés au shin-toïsme, puisque la fête est centrée autour d’un temple particulier.

Lors de ces célébrations, il est souvent possible de voir des mikoshi, un temple portatif dans lequel on transfert l’esprit du kami (divinité) qui est vénérée au temple, et ce pour le temps d’une parade dans le voisinage. Il ne faut pas croire pour autant que les matsuri sont des fêtes à caractère religieux, loin de là. En fait, il s’agit plutôt de fêtes populaires permettant de rassem-bler une communauté. Chaque matsuri est unique, mais une chose est certaine, il est toujours possible de trouver, dans les rues et ruelles, un nombre considérable de kiosques de nourriture, de boissons et de jeux.

Si toutes les villes et villages au Japon ont leur matsuri, eh bien Montréal ne fait pas exception. Je profite donc de cette dernière chronique pour vous inviter à participer à la neuvième édition du festi-val Matsuri Japon, qui aura lieu le 15 août sur l’Île Bonsecours du Vieux-Port de Montréal. C’est une occasion unique de découvrir la culture japonaise, d’écouter un spectacle de taiko, de danser le bon-

odori, de porter un yukata (kimono d’été, en location sur place), et de manger des mets japonais avec une bonne bière, japo-naise elle aussi, il va sans dire. L’entrée au festival est gratuite, donc aucune raison de ne pas en profiter. Pour plus d’infor-mation: festivaljapon.com

En guise de conclusion pour cette chronique, je vous propose un retour sur quelques enjeux clés de l’année. Au Japon, Hatoyama est toujours au pouvoir, mais sa popularité a diminué depuis les élec-tions. Celui-ci est toujours en discussion avec les États-Unis en ce qui concerne la relocalisation de la base militaire améri-caine de Futenma. La Corée du Nord est toujours communiste et Kim Jong-Il, tou-jours officiellement au pouvoir.

Que nous réserve l’avenir, une Union Est-Asiatique, un missile Nord-Coréen ou la libération du Tibet? À vous de suivre les nouvelles de l’Asie, en mon absence.

Le fortune cookie de la semaine «En toute chose, il faut considérer la fin.»

- Jean de La Fontaine x

Le festival Matsuri Japon vous branche? La bonne bière, l’été et les terrasses aussi?

www.delitfrancais.com

Fortune CookieGuillaume Doré

5Controversesxle délit · le mardi 23 mars 2010 · delitfrancais.com

rédaction3480 rue McTavish, bureau B•24

Montréal (Québec) H3A 1X9Téléphone : +1 514 398-6784

Télécopieur : +1 514 398-8318Rédactrice en chef [email protected]

Stéphanie [email protected] de section Éléna ChoquetteSecrétaires de rédaction Emma Ailinn Hautecoeur Amélie Lemieux Arts&[email protected] de section

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Claudine Benoit-DenaultCoordonnateur de la [email protected]

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Guillaume DoréCollaborationTerence Byrnes, Miruna Craciunescu, Rosalie Dion-Picard, Frédéric Faddoul, Zoé Gagnon-Paquin, Marie-France Guénette, Valérie Héon, Francis Laperrière-Racine, Annie Li, Jimmy Lu, Margaux Meurisse, Philippe Morin, MVR, Hannah Palmer, Xavier Peich, Xavier-Phaneuf-Jolicoeur, Daphné B. Pilon, Xavier Plamondon, Jacqueline Riddle, Julien Stout, Mathilde Touret, la CJIM.CouvertureAlain Tattoo

bureau publicitaire3480 rue McTavish, bureau B•26

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Gérance Pierre Bouillon

Photocomposition Geneviève Robert

The McGill Daily • [email protected]

Stephen Spencer Davis

Conseil d’administration de la Société des publica-tions du Daily (SPD)Stephen Spencer Davis, Stéphanie Dufresne, Max Halparin[[email protected]], Daniel Mayer, Mina Mekhail, Youri Tessier-Stall, Will Vanderbilt, Aaron Vansintjan, Sami Yasin

le seul journal francophone de l’université McGill

L’usage du masculin dans les pages du Délit vise à alléger le texte et ne se veut nullement discriminatoire.Les opinions exprimées dans ces pages ne reflètent pas nécessairement celles de l’Université McGill.

Le Délit (ISSN 1192-4609) est publié la plupart des mardis par la Société des publications du Daily (SPD). Il encourage la repro-duction de ses articles originaux à condition d’en mentionner la source (sauf dans le cas d’articles et d’illustrations dont les droits avant été auparavent réservés, incluant les articles de la CUP). L’équipe du Délit n’endosse pas nécessairement les produits dont la publicité paraît dans ce journal.Imprimé sur du papier recyclé format tabloïde par Imprimeries Transcontinental Transmag, Anjou (Québec).Le Délit est membre fondateur de la Canadian University Press (CUP) et du Carrefour international de la presse universitaire francophone (CIPUF).

Volume 99 Numéro 22

le délit

La presse eLLe-même admettait dans un article du jeudi 18 mars dernier que normalement, une rencontre en-tre un représentant de groupe d’intérêt québécois et un ministre provincial ne constitue pas en soi l’objet d’une cou-verture médiatique. Et pourtant, le même jour, la convocation du président de la Fédération des Travailleurs du Québec (FTQ) par le Ministre Sam Hamad était relatée par tous les quotidiens québécois.

Ces temps-ci, tout ce qui peut être associé, même de loin, à la FTQ-Construction, à l’attribution de contrats publiques, aux finances du Parti Libéral ou à la possibilité d’une enquête publique sur l’un de ces trois thèmes est tenu com-me a priori pertinent pour la publication. Mais sur quoi ce sentiment est-il fondé? Il y a longtemps qu’une vraie nouvelle ne nous est parvenue à propos de l’un ou l’autre de ces trois sujets.

Pour la FTQ-Construction, la der-nière a été celle des comptes de dépen-ses de Jocelyn Dupuis en 2009; pour les

contrats, la nouvelle la plus récente est celle des compteurs d’eau datant elle aussi de l’an dernier; et quant aux finances du Parti Libéral, on pense bien sûr à l’autre salaire de Jean Charest.

Tant d’allégations –probablement fondées, il faut dire– ont été faites l’an passé sur l’existence d’une toile obscure reliant ces sujets en apparence distincts qu’il s’est créé, dans et par la sphère mé-diatique, l’illusion qu’il se passe en per-manence «quelque chose» et, donc, qu’il y a toujours quelque chose à dire.

Si l’on y regarde bien, la tempête médiatique que nous avons traversée dans les deux dernières semaines n’a été construite que sur des allégations, des rumeurs et des réponses à ces dernières. Cela a commencé avec la sortie de Pierre Brassard de la CSN-Construction, selon laquelle il y aurait eu un employé dans un chantier qui en aurait intimidé un autre. Normalement, ce genre de commentaire n’est pas relevé par la presse, ou alors ne fait les frais que d’un entrefilet sans len-demain.

Si chaque journal et chaîne de télévi-sion a bondi sur l’occasion Brassard, c’est qu’il y avait là une occasion de réveiller quelque chose comme un débat national, assez flou j’en conviens, mais tournant autour de la question des enquêtes publi-ques. Il s’est ensuite trouvé des lecteurs pour rédiger des lettres d’opinions louant l’avalanche médiatique faite sur les sujets mentionnés plus haut, comme si elle al-

lait nécessairement, d’elle-même, mener à la mise en lumière d’escrocs vampirisant le Québec et aussi à leur désintégration par le biais… d’une enquête publique éblouissante.

L’opinion publique perçoit les médias comme un citoyen vaillant qui se porte à la défense des autres parce qu’il croit faire lumière sur quelque chose d’important. Mais pourtant, les médias ne font qu’imi-ter ceux dont ils parlent: ils se crampon-nent à leurs intérêts, coûte que coûte. Peu importe s’il n’y a pas eu d’événements et que rien n’a changé, au fond. Ce genre d’histoires remplit admirablement des pages, lesquelles se multiplient par elles-mêmes car la diversité des acteurs en lice en garantit la fécondité. Sans compter qu’une enquête publique garantirait des mois de nouvelles et rebondissements. Mais il y a plus grave. Pendant que des éléments de la FTQ, de la CSN, du PLC et du PQ se cramponnent sur leurs prises de positions, le dossier de l’heure sombre dans l’obscurité: qu’advient-il du Front Commun et des négociations dans le sec-teur public?

Faudrait-il également demander une enquête publique sur les salaires de plus de 450 000 employés de l’État, d’au moins 13% inférieurs à ceux du privé, pour que l’on accorde à ce dossier touchant la vie de milliers de québécois l’attention qu’il mérite? x

Le Délit se cramponne à ses lec-teurs et veut entendre leur(s) voix. Êtes-vous un étudiant syndiqué?

www.delitfrancais.com

Cadrage médiatiqueZoé Gagnon-Paquin

Tout le monde se cramponneCHRONIQUE

Festivités pour célébrer l’étéCHRONIQUE

«Chaque journal et chaîne de télévision a bondi sur l’occasion Brassard.»

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7Sociétéxle délit · le mardi 23 mars 2010 · delitfrancais.com6

HALTE-LÀ!Philippe MorinLe Délit

MATHIEU DARCHE

Le grand numéro 52, Montréalais d’origine et ancien joueur des Redmen de McGill.

En 1998, Frank Trovato de l’Université de Calgary publie un article

au titre pour le moins intriguant: The Stanley Cup of Hockey and

Suicide in Quebec, 1951-1992. Lorsque la Sainte-Flanelle est éliminée

au début des séries éliminatoires, la tendance aux comportements d’auto-

destruction augmente. Explications: les séries éliminatoires renforcent le

tissu social. Des inconnus se parlent, on aborde nos voisins, les chauffeurs

d’autobus nous saluent, les contacts informels sont plus fréquents. Une éli-

mination hâtive du Canadien provoque l’éclatement de cet éphémère tissu.

Le Délit enquête sur le Canadien, pour le bien public.

Le Délit (LD): Mathieu, tu joues maintenant pour le Grand Club, comment peut-on être certain que tu es un vrai fan des Habs?

Mathieu Darche (MD): Je suis un fan du CH depuis que je peux m’en rappeler. J’ai grandi en adorant les Canadiens, en lisant sur le Canadien.

LD: On te croit sur pa-role. Que penses-tu des fans du Canadien? La passion pour l’équipe n’est-elle pas exagé-rée?

MD: Moi j’adore ça, c’est quelque chose de spécial de jouer à Montréal. Y’a rien de compa-rable. Quand je jouais à Tampa Bay, il y avait deux journalistes qui couvraient l’équipe. Ici, le ves-tiaire est toujours plein. C’est tel-lement différent. Tu va avoir une ovation parce que tu bloques un

lancer! Les amateurs de Montréal sont des connaisseurs de hoc-key. Même certains pensent en connaître un peu trop…

LD: Est-ce qu’il y a des mauvais fans?

MD: 98% des fans à Montréal sont d’excellents fans. C’est seu-lement une petite minorité qui s’en prend personnellement à un joueur, à la famille d’un joueur. C’est pas correct. Les fans ont droit de manifester leur mécon-tentement. Mais c’est une minori-té de fans qui va insulter ta famille et ainsi de suite.

LD: Comment expliquer que certains joueurs, par exem-ple Steve Bégin, se soient attirés un respect inconditionnel des partisans alors que d’autres se font huer dès qu’ils remettent les pieds au Centre Bell?

MD: À Montréal y’aiment beaucoup les travaillants. Tsé, l’expression «manger les ban-des», les fans montréalais aiment ça. Steve était comme ça. Il faut donner tout ce que tu as à donner. Des fois, le joueur fait des mau-vais commentaires sur l’équipe ou la ville quand il est échangé. Ça les fans ne l’oublient pas.

LD: Tu as joué quatre ans pour McGill. Selon toi, pour-quoi personne ne suit les per-formances des Redmen?

MD: Si c’est pas les Canadiens, c’est dur de créer un engouement. Dans la culture québécoise et ca-nadienne le monde aime le junior majeur. Dans le circuit universitai-re c’est souvent des gars pour qui ça a pas marché le junior. C’est du très bon hockey quand même.

LD: Price ou Halak?MD: (…) On a deux très bons

gardiens.LD: Arghhh!

LD: Ménick, tu gères un salon de barbier depuis mainte-nant 50 ans. Tu as reçu chez toi René Lévesque et Chuck Norris mais surtout à peu près tous les amateurs de sports de la ville et d’ailleurs. Pourquoi les fans du Canadien viennent chez toi?

Ménick (M): Je sais pas. Ça a commencé tranquillement. Au dé-but, j’étais pas connu comme LE barbier des sportifs. J’ai joué au hockey jusqu’à midget. C’est là que j’ai connu Michel Bergeron (an-cien coach des Nordiques, ndlr) et Ghislain Delage. Pis j’ai ouvert mon salon de barbier mais eux ils ont continué à jouer. C’était ma gang. Le monde venait au salon pour jaser. Moi, je dis toujours oui. Pis le monde me le rend. À date, j’ai eu la Coupe Stanley trois fois dans mon salon.

LD: Ton salon c’est un peu un refuge pour ceux qui veulent parler de hockey?

M: Écoutes, quand Michel Thérien (ancien coach du Canadien, ndlr) s’est fait renvoyer, sa première sortie publique ça a été ici. Moi j’accueille tout le monde. Le monde y vient ici, je leur offre un café, on jase. C’est pas compli-qué.

LD: Te rappelles-tu la dernière fois où tu as passé une journée sans parler du Canadien?

M: C’est jamais arrivé. Pis ça arrivera jamais. Tsé, en ce moment

y’a une crise économique. Y’a du monde qui perdent leur job, qui ont pas beaucoup d’argent. Ils viennent parler de sport. C’est un baume sur leur plaie pendant la crise. Ça les tient occupés.

LD: Donc, chialer fait du bien aux gens.

M: Chialer c’est thérapeuti-que! Pis quand on gagne, ben on est fier.

LD: Mais ça fait presque 20 ans que le Canadien n’a pas ga-gné. Il passe même pas proche. Pourquoi les partisans conti-nuent d’idolâtrer les joueurs et l’organisation?

M: Le hockey c’est notre sport national. C’est pas le soccer, pas le baseball. On aime le Canadien pis le Canadien nous le rend bien. Il prend soin de son public. Regarde la tension que les séries suscitent, l’intérêt. Quand Canadien fait une conférence de presse, tout s’arrête. 17 ans qu’on a pas gagné mais c’est toujours sold-out. Les gens espèrent encore. C’est l’espoir.

LD: Est-ce que les partisans du Canadien sont trop fanati-ques?

M: On applaudit Kovalev, un Russe, pis on hue Daniel Brière. C’est comme dans le temps de la rivalité avec les Nordiques. Michel Bergeron, on l’haïssait. On l’haïs-sait pour de vrai. Mais en même temps on l’aimait. On écoute notre cœur, c’est ça la beauté du sport.

DOMINIC PERAZZINO, alias Ménick

Barbier constructeur de liens sociaux

Frédéric Faddoul

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Société[email protected]

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Cahier Création

Créer, c’est vivre deux fois.Albert Camus

L’art est un mensonge qui nous

permet de dévoiler la vérité.Pablo Picasso

La poésie n’a d’autre but qu’elle-même.Charles Baudelaire

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Les lumières rectilignes suaient une sorte de halo fanto-matique en forme de bavure à la Méphistophélès. On imaginait bien un type vêtu d’une cape noire apparaître

sur la chaise, des cornes de plastique sous une capuche achetée au rabais à un vieux magasin d’Halloween, sourire bêtement en montrant des canines trempées dans du jus de groseille. Mais non, au lieu de ça, un type vêtu de noir traversa rapidement le couloir comme un ancien mannequin surpris dans un runway.

-Christophe! Qu’est-ce que tu fous sur le plateau?-On m’avait demandé des cappuccino glacés…-Ça tourne! Imbécile!Les lumières s’ouvrirent d’un coup et les bavures dispa-

rurent sous les néons bleutés. Et c’est alors que le café apparut dans toute sa merveilleuse banalité.

-La chaise.-Quelle chaise?-Celle que tu viens de déplacer en venant nous apporter

ces putains de cafés. Ça t’arrangerait de la replacer?-Ça t’arrangerait de sourire de temps en temps?L’homme se rua sur la table, tira la chaise, trois quarts

de tour vers la droite, dix degrés vers la gauche, vérifia le pied, puis:

-Rien à faire. C’est raté.-Tu rigoles? c’est qu’une chaise…-Bon, maintenant elle correspond plus du tout à mon dé-

coupage.La grande blonde qui boitait, pas de naissance mais à cause

d’un orteil cassé, je l’ai appris plus tard, vint calmer les choses, et prit un cappuccino glacé exactement comme les grands-mè-res offrent des brownies à leur petit-fils qui vient de se casser un bras en jouant au hockey, mais mamie j’ai arrêté le but, oui je sais tiens, merci.

-T’es un amour Christophe! Ils sont tellement rafraîchis-sants!

Un amour, un amour. Le type rochigna, hésitant entre lui donner un pourboire plutôt ou lui foutre une baffe. C’est vrai que ce serait plus viril, elle serait peut-être impression-née, mais en même temps il pourrait me poursuivre, Dieu sait qu’on intente un procès pour n’importe quoi de nos jours, mais un procès ça fait toujours un peu de publicité. L’amour eau fraîche marchera peut-être mieux si les journalistes s’em-parent de cette histoire, parce qu’un café la nuit où l’on sert de l’amour et de l’eau fraîche, bof c’est pas si génial finalement comme idée,et je me serais jamais engagé dans ce foutu projet si j’avais pas reçu la bourse du Conseil des Arts.

-Alors, ces lumières?-Tu sais, je crois pas qu’on devrait tourner la scène de la

rencontre comme ça.-Comment, comme ça?-Ces lumières, on dirait un strip-club paumé d’un quartier

pauvre de Las Vegas. Ça fait pas du tout, Amour eau fraîche.-Écoute Cristèle, c’est pas comme ça que ça marche le ci-

néma, on peut pas tout changer à la dernière minute, ça ne se fait pas. C’est comme pour la chaise, ton client devait s’asseoir face à la caméra dans un angle bien spécifique, et là tu devais lui chuchoter ta première réplique à l’oreille, de biais…

-Pourquoi de biais?-Parce que l’équipe de production a décidé ça la semaine

dernière.-L’équipe de production. Tu veux dire toi et Charlie.-On perd du temps là. Tu veux jouer, oui ou merde?-C’est bon, j’ai accepté de prendre mon samedi pour

t’aider avec ton projet, mais franchement tu te prends un peu trop au sérieux.

En posant le cappuccino glacé de travers sur la table, elle fit tomber le couvercle qui n’avait pas été enfoncé (encore Christophe qui, soucieux de ne pas perturber le plateau par une arrivée tardive, avait exécuté les ordres à la va-vite), et le contenu se répandit sur la table comme du vomi à un party de Noël. On moins, là, ça marchait un peu avec l’éclairage. Plus tard :

-Qu’est-ce qui t’a pris de t’engueuler avec notre seule ac-trice?

-Actrice, tu parles. Sa seule expérience de jeu, c’était au lit qu’elle l’avait acquise. Et puis de toute façon elle avait une grande gueule, elle aimait pas tes lumières.

-Elle avait pas dit on dirait des chandelles? Ou des sabres-laser?

-Non, des capotes fluos. Elle a rectifié.-…-…-Alors, on fout quoi pour le tournage? On a même plus

d’actrice!-C’est un détail.

Le plateauMiruna Craciunescu

Brise féminine //Étreinte citadine

Margaux Meurisse

3Cahier créationxle délit · le mardi 23 mars 2010 · delitfrancais.com2

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Quand te regarder marcher m’étreint à en pleuvoir d’abandon

si m’évanouir au creux de tes hanchesme ramène aux longues marches d’automneà ce que je m’épargne de toi

rappelle-toi qu’encore hier nous mourrionssous les épaves de tes cheveux à saveur de flamencoma jupe perdue dans le recoin de ta chambrenous parlions si peu

je m’abandonne à ton corps encore chaud d’étéqui me soulève d’éclat à en perdre parole

Il y avait toi obsolète savourant les fuseaux horaires

le temps réparti aux quatre coins de ton corpstes jambes de béton soulevant ce qui nous reste de débrisdéjà ta gorge obscurcie d’un élan inavouableen terre inconnue l’eau de ton sexese débarrasse de ses minéraux

au pluriel tu fondais sur le tapis maghrébint’éparpillais de ce qui coule d’encre en nouste laissais choir sur ma tête trouée obus de mes rêves

Se regarder si avidement que j’en perdrais la vue

contempler tes yeux nomadesà la poursuite des miens émigrésen haute altitude

demain n’attendra pas

Au perpétuel enjambement du désir en apnée

des bulles plus qu’il n’en faudrait disperserà flot en guerre sous les décombres du plancher de la salle de baind’un pan nu l’eau nage de printemps

s’étiolait ta bouche suzeraineen centaines d’échos bestiaux n’y survivre que par la force du moins que commun

Tes omoplates en exergue tes bras pour épitaphe

mon ardoise cachés derrière ton front derrière un champ de nudité les herbes hautes sapent les rires de ton ventrenous courronslà-haut la jeunesse t’attend avec un revolver

un orage dans ma gorge ouvre ses yeux

Au bidonville du souvenir

j’aimerais encore faire l’amour en pyjama sur ton balconpenser à Rio que je ne visiterai jamaiste prendre plus souple que brumecrier violence pour que me revienne hier

sur ton sofa s’éprendre en japonaispour ne laisser que ce goûtde ce qui ne reviendra pas

D’un accord briser ce pont d’agrafes

sous écaille d’azur s’avouer l’impasseprendre à bouche close l’élan déchuj’aimerais feindre le ton du regretme cloîtrer sous ta gorge nouée par les oiseauxtes yeux buvant tout ce qui me reste d’ampleur

à longer ta nuque de maià me croire prisonnière d’un visage muet d’égardprends-moi sans floraisonne regrette pas la nuit entre nos jambesà ce manque d’oxygène au réveil

le matin goûtait l’abandon l’angoisse d’une reine soumise aux animaux nocturnes des myriades d’épaules où les têtes s’avalent entre elles où ma robe ne scintille plus des terres abandonnées s’abreuvent de l’improbable

tu meublais l’espace infertile de ton autoportrait

Si peu d’existence pour braver décombre des corps

des seins pour barricade tu emplissais la virginité le sable fin entre tes cuisses saturées d’un monde vaste

désincarnée dans un puits d’abeilles pour seule chanson les remords tranchés en couleurstu n’étais plus géographique

et ailleurs

mes veines éjaculaient des arômes d’impudeuren guise d’équinoxe

Nos sexes d’équinoxeValérie Héon

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3Cahier créationxle délit · le mardi 23 mars 2010 · delitfrancais.com2

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xle délit · le mardi 23 mars 2010 · delitfrancais.com4

VisagesMaxime Fortin

Aujourd’hui, j’ai le sourire facile qui fuit à toute vitesseJ’essaie d’écrire, je m’escrime, je m’échappe de la pièce

Aujourd’hui, je m’en vais gravir le soleil, je dois revoir sa cimeJe dois me rappeler de son visage pour tous les jours qui viennent.Je ne veux plus sauver les meubles, je veux que ma vie soit un film,Un œuvre, sans générique, comme une page pleine.

Aujourd’hui, j’ai déchiré mes vieux vêtements, j’avance comme certains traînent,J’ai su qu’il fallait tout laisser derrière lorsqu’il n’y a plus de cible.Tout peut brûler encore une fois, car je ne suis plus mer d’huileJe suis la sève qui s’élève dans le cœur d’un vieux chêne

Aujourd’hui, j’ai quitté tes côtes, j’ai transpercé la bête.Je marcherai seul, j’aurai une plume pour tailler des tempêtes

Aujourd’hui, j’ai franchi le seuil et brisé la vitreSeul, j’ai foulé le sol vierge pour y célébrer un riteJ’ai invoqué les forces brutes qui désertent le pupitreLe vent et le volcan ont levé la main le mythe.

Aujourd’hui, j’ai ouvert les yeux et j’ai enfin redressé le dosJ’ai rompu les rangs, percé les lignes pour pouvoir passer le motJ’ai perdu ma route, mordu la poussière, j’ai goûté ses arômesJ’arriverai à Rome par le chemin tracé dans mes paumes

Aujourd’hui, je m’en vais gravir le soleil, je dois revoir sa cimeJe dois me rappeler de son visage pour tous les jours qui viennent.Je ne veux plus sauver les meubles, je veux que ma vie soit un film,Un œuvre, sans générique, comme une page pleine.

Aujourd’hui, j’ai déchiré mes vieux vêtements, j’avance comme certains freinent,J’ai su qu’il fallait tout laisser derrière lorsqu’il n’y a plus de cible.Tout peut brûler encore une fois, car je ne suis plus mer d’huileJe suis la sève qui s’élève dans le cœur d’un vieux chêne

Aujourd’hui, j’ai marché à l’amour, comme certains marchent à la guerreCe sera l’âge du feu comme ce fut l’âge de la pierreJ’embraserai le ciel, il n’y aura que lumièrePuis, j’embrasserai ses lèvres comme certains embrassent la prière

Quand j’arriverai à elle, ce sera seul et les mains videsNous serons immenses et sûrs de rien, sphinx sur les pyramidesJe sentirai ma peau brûlante se consumer sous sa mainSachant que cette dernière est celle qui sculptera demain

Aujourd’huiXavier Phaneuf-Jolicoeur

Sans titreCatherine Côté-Ostiguy

Je voudrais coucher mon corps sur ton corps. M’étendre sur toi, de tout mon long. Je voudrais que nous ne fas-sions pas l’amour, que nous restions seulement là, cou-

chés et horizontaux, moi sur toi. Que tout un côté de mon corps touche tout un côté du tien, que tes bras se replient sur moi et qu’on y reste des heures. S’il faisait soleil, ce se-rait encore mieux. J’aurais la chaleur du soleil dans le dos, et ta chaleur à toi contre mon ventre. Je serais bien.

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Il faut, comme toujours, atten-dre quelque temps. La porte s’est refermée presque d’el-

le-même. Des pas feutrés s’éloi-gnent, elle reste plantée sous le porche. Ses yeux fixent la poignée, une de ces poignées d’un maté-riau composite dont la rondeur dorée ne se donne pas la peine de ressembler à un métal connu. Il l’aurait trouvé vulgaire, cette poi-gnée. Sans charme, sans cachet, ruinant à elle seule l’entièreté de la façade en pierre de taille, com-ment, quel imbécile, en quel hon-neur et de quelle ignorance crasse ou décadence de l’esthétisme oc-cidental découlait cette aberration architecturale qu’était la poignée?

Ils ne voulaient même plus me voir, quand je leur ai dit ce qui m’avait retenu. Je peux déci-der, quand même. Tout le monde perd son père un jour, on n’arrête pas de vivre pour autant. Le faux prêtre, l’officiant ont-ils dit, enfin l’homme en complet bon mar-ché qui remplaçait le prêtre qu’il aurait ressuscité pour engueuler cet homme donc inondait le silen-ce de phrases de circonstance. J’ai eu l’image des petites fontaines électriques de restaurant chinois, qui avalent et glougloutent gen-timent la même eau sale pendant des années.

Il n’y a plus rien à faire ici. Je suis comme dans un aquarium. Même mes cils sont mouillés. Des pleurs. Il y avait longtemps. Le goût de pleurer, un peu métallique, enrobe l’intérieur de la bouche. Quelque part sous le plexus, assez profondément, un serrement. Des sanglots rapides qui font trembler toute la cage thoracique, puis re-fluent dans la gorge. Aller quelque part. Voir quelqu’un, visiter une expo, manger quelque chose, boire quelques bières, appeler maman, acheter un chat, voler un vélo, répondre au mendiant qui parle en rimes de cocaïne. La pluie, c’est vrai, il pleut. Le bus, celui de tous les jours, arrive sur ces en-trefaites, j’y monte, normalement tranquillement comme si de rien

n’était. Pourquoi pas. Le mascara me pique les yeux. Ça m’appren-dra, aussi, à essayer d’en rajouter. Résonne dans mes pensées le son de sa voix, son ton didactique.

Je ne sais pas ce qu’il aurait dit.Soudain, mon nom émerge

de l’arrière du bus. Une grosse fille à la voix atone, engoncée dans un imperméable avec des bou-tons gros comme ma tête, qui m’a vue au CÉGEP il y a six ans. Un nom qui m’échappe, Jessica ou Daphné, un nom de poupée laide. Ses yeux creusés bavent sur mon chandail pendant que j’opine. Nos regards se croisent sur cette pelle mécanique, dehors, qui charrie as-sez de gros cailloux pour ensevelir le bus. Je m’entends lui dire que mon père est mort, je sors.

Toi seule qui te fais... Pas ce que tu fais. Ses phrases, sans sa voix, sans tout ce qu’il avait voulu dire, s’affaissaient, un tas de vê-tements vides. Ça ne voulait rien dire. Tout ce temps, ça n’avait jamais rien voulu dire. Toutes ces paroles entre le slogan et le sermon. Tentative prétentieuse et désespérée de me simplifier la vie. Être heureux pour les nuls, merci papa. Bernée par un vieux truc, un énoncé qui se répète avec une modification de sens, il y a un nom barbare pour cette construc-tion. Il aurait su.

Ils ne rappelleront plus. Les douze mètres carrés immobiles de l’appartement le crient. Elle prend une fourchette d’allure propre sur le comptoir, la renifle en marchant sur quelques miettes de consistances diverses (tiens, quand est-ce que j’ai mangé du riz) et se décide pour du maïs en conserve, sur la première étagère du frigo. La pluie tambourine sur le puits de lumière. La poignée du tiroir l’oblige à pencher la tête. Son cou tire un peu. Exactement à égale distance de ses deux ge-noux, elle rassemble un tas de grenailles. En éternuant, tout s’éparpille. Elle n’aura pas le rôle. La patte de la table est tout près de son pied gauche, ses jambes

sont en V et chaque pied effleure un mur. Cette patte a quelques griffures vers le bas, qui la ren-dent comme pelucheuse. Il avait eu des chats.

Elle suit le parcours d’un vieux mouchoir entre les rails. La ventilation le fait voler, elle remar-que qu’il est taché de sang par en-droits. Le sang de quelqu’un qui s’est coupé avec une feuille, ou peut-être qui saigne du nez. Ça pourrait être ce stagiaire, fonçant droit sur la radio nationale en re-lisant un tas de feuilles froissées, qu’il s’échine à replacer, en même temps il cherche quelque chose dans sa poche, oui un mouchoir voilà. Il redresse le torse et d’une main, tire sur le bas de sa chemi-se. Merde, merde, merde. Rester calme. Enfin une entrevue. Ils me la donnent, donc ils aiment mon travail. Ou ils veulent voir si je peux. Peut-être qu’ils pensent que je ne peux pas, ensuite ils me di-ront vous savez on a bien essayé, mais vraiment, cette entrevue... Je maitrise le sujet, je maitrise le su-jet. Merde, c’est le Femina ou le Goncourt qu’elle a gagné? 89 ou 98? C’est du direct. Ça sera dans ma rétrospective de carrière dans trente ans, la première entrevue de notre fidèle collègue, on rira bien quand on sera vieux. Si on s’y rend, à la vieillesse. Toutes ces choses seront sans importance, il n’y aura plus toute cette pres-sion, je vais craquer, je pourrais craquer, cesser de parler avoir un blanc oublier son nom inver-ser des syllabes dire qu’elle est grosse tomber dans les pommes vomir sur le micro, sur mes notes, faire comme si de rien n’était et continuer sans mes feuilles, que j’aurai balancé au fond du studio d’un geste négligeant, lui faire un sourire, la voir rosir et continuer. Ou elle me regarde avec mépris, je viens d’accorder un verbe au conditionnel plutôt qu’à l’impar-fait, deux fois dans la même phra-se incohérente, et pour cause mes feuilles sont dans le désordre, pu-tain j’ai tout échappé. Expirer.

5Cahier création

Il faut, comme toujours, attendre quelque tempsRosalie Dion-Picard Lé

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On dit qu’il y a un lieuAprès la mortOù tout est «luxe, calme et volupté».

Tout y est doux et heureuxLes malheurs ont disparu avec les malheureux.

Le ciel est blanchi Entraîne une cécité aiguëLa lumière enveloppe et soutientÉtouffe aussi, car il n’y a plus de répitPuisque l’obscurité s’est fondue en elle-même et a disparuLes yeux cherchent et ne trouvent plusIls ne ferment pas plusPuisqu’il n’y a nul besoin de se cacherL’âme s’éveille et tourne à vide chaque matinLes soucis partis – Rien à résoudre et rien à pondérerTout est résoluPuisque le monde est révolu.

On ne rêve plus Puisqu’on ne dort pasRien ne fatigue à présent.

«Oubliez l’émotion et le chagrinVous avez rejoint vos prochesVous êtes totalement libreDe toutes choses matérielles et du train-trainFini le dur labeurEt la chaude sueurFini le dur réveilLe coucher du soleil grinçant à la vueIci le soleil se lève perpétuellementEt l’espoir ne finit qu’avec le firmament!»

Maintenant qu’on peut voir les étoiles de prèsOn s’aperçoit qu’elles n’ont jamais menti.Elles ont seulement enjolivéLa vérité.

Là-bas on s’endort sans litPas besoin, le sol n’y est pas cruelEnfin, il n’y a pas de solPar terre c’est en hautEt en haut c’est en basOn flotte dans le vague et l’incertaine voluptéD’un manque de gravitéEt de repères.

Le mal est enfouiDessous les blanches épaisses vaguesDes nuages et leurs remousLa mousseline mousse et entoureLe corps maintenant devenu lourdNon, plutôt légerQu’importePuisqu’il n’y a plus de corps humain, de sorteQu’il n’y a ni réconfort ni douleurNi plaisir ni pleursNi douceur ni peur.L’attente et l’inquiétude ont disparuAvec les heures.

Et si je vous disais(Ce qu’on m’a dit, d’ailleurs)Que l’amour aussi y est mortPuisqu’il n’y a plus de cœur.

Le paradisMVR

GourmandiseMathilde Touret

Gourmandise, GourmandiseSucre de bouche et goût de peauMorceau d’amour et chocolatBulle de cœur et de champagneGlaçage de ciel et de pudeurEnvie de tes mots pralinés.Chou à la crème, vie de bohèmeEau de vie et de la pluie

Le long de ta jambe qui coule.

Gourmandise, GourmandiseConfiture de verdure, épluchure de natureTartine de liberté, profondeur de la MerCuillère d’Étoiles, soupçon de terreLitre d’espace et la poussièreArome de lèvres, caresse de mielMousse de baisers ou grain de caféCopeau de silhouette dans du caramelReligieuse majestueuse sur lit d’amandes

Assise dans la vitrine, elle fond.

Gourmandise, GourmandiseBuée de sourire nappée de crème Papilles noyées sous un coulis de fraisesSoupir de nougat et coussin de noixFleur de peur et ganache encore tièdeDans le creux de tes mainsÉtincelle de fraise, guimauve qui colleSuie de vanille et bâton réglisseUne plume de colombe

Sous ton souffle chaud s’envole.

Gourmandise d’un jour, Gourmandise de toujoursDe l’intérieur dévore.

xle délit · le mardi 23 mars 2010 · delitfrancais.com6

J’ai un chantier de chantage Un trou noir à forer L’hiver est arrivé. Tricote-moi un pelage Qu’il soit élimé Notre histoire à raccommoder Dans le lit sous tes ramages Et notre union unifoliée Je nous sens décomposer Et nos baisers cliquettent Craquent nos jeunes squelettes Sous le suaire des draps Je te concocte une concubine Des lendemains de limousine Un manteau marbré d’amour Un macaron de dévotion Des joujoux sous l’édredon Le chant d’un cygne noir Il fait froid ce soir Et mes mains sur l’arrosoir Pleurent l’amour mort.

Let’s danceDaphné B. Pilon

Claudine Benoit-Denault / Le Délit

Catherine Côté-Ostiguy / Le Délit

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J’ai une larme en têteMais n’en sens que le selHumide poussière de cielQui se consume en la bêteQui gerce mes lèvresHuilées par la joie qu’on me prêteQui gerce mes lèvres Et me perce d’arêtesQui divisent mes yeux et mes mains et ma tête

Les jours battent mes grèvesCelles où mes vents chargés d’orages crèventLa merJ’en surgis et j’y plongeJe suis un équateurJ’existe entre deux mondes

J’ai une goutte de pleursQui roule dans mes cheveuxQui s’ébroue en silenceMais n’irrigue pas mes yeux

Et j’ai la tête aveuglée par la vérité du selHumide poussière de cielQui se consume en la bêteQui gerce mes lèvresHuilées par la joie qu’on me prêteQui gerce mes lèvres

Et me perce d’arêtesQui divisent mes yeux et mes mains et ma tête

Mes lèvres s’assèchent et deviennent dunesDécouvrent des esquifs Des lunesUn pâle sourire s’esquisseJe change de visage mais conserve mes lacunes

Puis j’explose en plein soleilLorsque j’atteins la chuteDu haut de l’équateurL’impact au sol est brut.J’ai une larme en têteMais n’en sens que le selHumide poussière de cielQui se consume en la bêteQui gerce mes lèvresHuilées par la joie qu’on me prêteQui gerce mes lèvres Et me perce d’arêtesQui divisent mes yeux et mes mains et ma tête

Les jours battent mes grèvesCelles où mes vents chargés d’orages crèventLa merJ’en surgis et j’y plongeJe suis un équateur

J’existe entre deux mondes

J’ai une goutte de pleursQui roule dans mes cheveuxQui s’ébroue en silenceMais n’irrigue pas mes yeux

Et j’ai la tête aveuglée par la vérité du selHumide poussière de cielQui se consume en la bêteQui gerce mes lèvresHuilées par la joie qu’on me prêteQui gerce mes lèvres Et me perce d’arêtesQui divisent mes yeux et mes mains et ma tête

Mes lèvres s’assèchent et deviennent dunesDécouvrent des esquifs Des lunesUn pâle sourire s’esquisseJe change de visage mais conserve mes lacunes

Puis j’explose en plein soleilLorsque j’atteins la chuteDu haut de l’équateurL’impact au sol est brut.

Kand-myôjin, TokyoGuillaume Doré

L’équateurXavier Phaneuf-Jolicoeur

7Cahier créationxle délit · le mardi 23 mars 2010 · delitfrancais.com6

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8Cahier création xle délit · le mardi 23 mars 2010 · delitfrancais.com

MouvementLéa Grantham-Charbonneau

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7Sociétéxle délit · le mardi 23 mars 2010 · delitfrancais.com6

Que l’on aime ou pas le hockey, il faut se rendre à l’évidence: le Canadien est un phénomène social majeur au Québec. Il rend les gens heureux (et dépressifs). Il contribue à l’intégration des immigrants. Il unit les Francos aux Anglos. Il fait partie de nos vies.

LD: Les Canadiens ont conquis six victoires de suite et la ville est devenue folle. Les Martlets ont réussit l’exploit d’at-teindre 86 victoires de suite et personne n’en a parlé. À cause?

Ann-Sophie Bettez (ASB): Comparé à des universités dans des petites villes comme St.Lawrence (où a joué Jacques Martin, ndlr) ou Clarckson, Montréal c’est une grande ville où le monde peut faire d’autres choses que d’aller voir des matchs de hockey universitaire. Au hockey féminin, il y a moins de partisans qu’au masculin. Le jeu masculin est plus physique, il y a plus de batailles. Nous, c’est pas la même chose. On a plus de temps pour préparer des jouer, pour faire circuler la rondelle.

LD: Quand tu étais plus jeune, suivais-tu déjà le hockey professionnel masculin?

ASB: J’ai toujours été une par-tisane des Canadiens. Moi et mon frère. Mon grand-père, lui, prenait pour les Nordiques. Ça a donc toujours été une compétition entre nous et notre grand-père. Quand le CH faisait des buts on criait. C’était drôle. Quand j’étais plus jeune, je n’aimais pas ça écouter le hockey quand ce n’était pas le Canadien qui jouait. Je ne connaissais pas les autres joueurs. Maintenant, je peux regarder Vancouver contre Ottawa et quand même apprécier le match.

LD: Au sein des équipes nationales, ou même chez les Martlets, il y a des filles d’un peu partout au Canada. C’est possible de vivre avec des par-tisanes de d’autres clubs s’en s’arracher la tête?

ASB: Haa! (Rires). C’est sûr qu’il y a une grosse rivalité avec

les filles qui aiment les Leafs. Parfois dans le vestiaire il y en a qui nous demandent si les Maple Leafs ont gagné la veille. Nous, on répond «sûrement pas!» (Rires). J’habite avec deux filles d’Ontario. Quand il y a un match de Toronto et de Montréal en même temps à deux postes de télé différents, on a des conflits pour savoir qui va regarder qui. On s’ostine. Mais on va pas com-mencer à se battre non plus pour ça. C’est pas comme une religion, «je dois absolument re-garder les Canadiens». Si j’ai un travail à faire pour le lendemain, je vais sauter le match. C’est pas plus grave. Je vais juste regarder les highlights.

LD: Price ou Halak?ASB: Les deux ont leurs for-

ces et leurs faiblesses.LD: Arghh!!!

LD: Comment expliques-tu que le Canadien soit si popu-laire au Québec?

Martin Sasseville (MS): Il y a trois ans, le lock-out a fait réaliser aux gens qu’ils s’ennuyaient du hockey. Le département de mar-keting du Canadien a fait le reste. Tsé, c’est pas très subtil mais La ville est hockey, c’est majestueux. C’est un peu étrange au Québec de s’enorgueillir d’être un peuple de hockey. C’est pas vrai. C’est le Canadien et c’est tout.

LD: Certaines personnes dénoncent le hockey profes-sionnel comme étant un spec-tacle de masse.

MS: Mais c’est dénonciable! Mais moi j’embarque dans la game. Quand j’y vais au Centre Bell je l’achète la bière à 12$. Et ça me fait vraiment chier de voir le salaire de Scott Gomez. Le hockey ça fait avoir des trips stupides. T’es avec tes chums, tu prends un verre de trop: ça te rend heureux. C’est une belle satisfaction et ça fait pas de mal à personne. C’est pas si sé-rieux, c’est juste du hockey.

LD: C’est pas sérieux mais tu es en train d’écrire un livre

sur le hockey et ça fait main-tenant deux ans que tu animes un blogue sur le hockey…

MS: J’aime ça le savoir stu-pide. Je retiens des petits détails anodins. C’est pas sérieux mais c’est ça le fun. C’est mieux que de parler de la météo. Moi quand je rencontre quelqu’un, avant de lui dire que je fais un doctorat, j’aime mieux dire que je trippe sur le Canadien. Le hockey tu peux en parler avec quelqu’un de n’importe quel statut social. Au pire, la personne te dit que c’est un sport de cons. Pis elle a rai-son.

LD: C’est pas exagéré toute cette attention?

MS: Ça reste qu’on est tous, à l’intérieur, le petit cul qui joue au hockey. Ici, dans Côte-des-Neiges, je trouve ça beau de voir des flos de pleins de nationalités. Un pe-tit Indien qui échange des cartes de hockey avec un petit Chinois ça me rend heureux. D’un autre côté, les gens connaissent mieux l’actualité du Canadien que la politique. Le PQ vient de virer à droite: c’est grave. Les gens s’en fouttent. Le seul débat de société qu’on a c’est: Price ou Halak! x

FAITS D’HIVER

En 2009, le sport a

occupé un poids

médiatique 25 fois

supérieur à celui de la

pauvreté des aînés et

des autochtones réunis.

Le poids médiatique de

3,7 parties du CH

équivaut à l’ensemble

des nouvelles publiées

au Québec sur l’Afrique

en une année.

Google référence

48 800 articles pour

«Carbonneau, cravate».

Le 24 mai 1986, le

Canadiens, mené par

Patrick Roy, remporte

une 23e coupe Stanley.

Des émeutes éclatent…

à Roberval.

Le 9 juin 1993, le CH

élimine Wayne Gretzky

et boit du champagne

dans sa 24e coupe Stanley.

Résultat: 168 blessés

dont 49 policiers.

ANN-SOPHIE

BETTEZ

Joueuse de 5’4’’ des Martlets l’équipe féminine de hockey

de McGill

MARTIN SASSEVILLE

Fan de hockey, auteur über-geek du blogue Puck ta vie et sociologue qui travaille dans un organisme de dé-

fense des droits des personnes handicapées. Rencontre avec un maniaque de hockey capable de citer Roland Barthes et Maxime Lapierre dans la même phrase.

Fré

déri

c Fa

ddou

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Pour Google, un océan d’incompréhension

Fin février à Milan, trois di-rigeants de Google Italie ont été condamnés à des

peines criminelles de six mois pour violation de la vie privée. Le motif: une vidéo publiée en 2006 sur Google vidéo, c’est-à-dire avant que la firme ne rachète son concurrent YouTube, montrant des jeunes se moquant d’un en-fant italien atteint du syndrome de Down.

Évidemment, les dirigeants n’ont personnellement ni écrit, ni filmé, ni mis en ligne eux-mêmes la vidéo en question. Mais à lire le jugement, les employés d’un site web sont tenus responsables du contenu mis en ligne par leurs

utilisateurs. Sont donc potentiel-lement concernées les pages ali-mentées par les internautes: on peut penser à Twitter, Facebook, les blogues participatifs, Flickr et à peu près tout ce qui se fait de bon (et de moins bon) sur Internet ces temps-ci.

Néanmoins, selon le Juge Oscar Magi ayant rendu la déci-sion, en permettant à cette vidéo d’être diffusée sur sa plateforme, les dirigeants de Google sont coupables d’avoir enfreint la loi italienne sur la vie privée.

L’entreprise de Mountain View a déjà annoncé qu’elle fe-rait appel de la décision. Mais si le jugement est entériné, cela si-

gnifie que le web 2.0 ne serait pas fondamentalement différent des autres médias offrant du contenu (comme les journaux, la télévi-sion ou la radio) et devrait donc être régulés afin de protéger la vie privée.

Jusqu’à maintenant, la ges-tion par Google du contenu hé-bergé sur YouTube a été plus réactive que proactive: à défaut de surveiller l’intégralité du contenu qui lui était envoyé, Google at-tendait une plainte pour enlever la vidéo contestée. Cette méthode a été la même des deux côtés de l’Atlantique, car il aurait été dif-ficile techniquement et financiè-rement de contrôler la totalité

du contenu. En effet, on estime qu’à chaque minute, vingt heures de vidéo sont transférées vers les serveurs de YouTube.

Cette façon de faire a l’avan-tage de laisser toute la place à la libre circulation des idées et de n’induire aucune censure –rap-pelons que la devise de l’entrepri-se américaine est «Don’t be evil». Mais, répondent les Européens, cette méthode ne permet d’as-surer le respect de la vie privée qu’a posteriori, et parfois même un peu trop tard. Comment alors permettre un équilibre entre la li-berté d’expression et le respect de la vie privée? Et surtout, qu’en-tend-on par «vie privée»?

Deux empires de l’universel

Il est frappant de voir com-ment, de part et d’autre de l’At-lantique, l’universalité des droits humains a été évoquée –que ce soit le droit inaliénable à la liberté d’expression ou celui tout aussi inaliénable à la vie privée.

Sur le blog officiel de Google, on qualifie de «stupéfiante» la dé-cision de la Cour italienne et d’une «attaque contre les principes de liberté sur lesquels est fondé le web». L’Ambassadeur américain en Italie s’est dit «déçu», rappelant

9Sociétéxle délit · le mardi 23 mars 2010 · delitfrancais.com8

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élit

Xavier PeichLe Délit / Quedubon.info (correspondant à Rome)

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Pour Google, un océan d’incompréhension

les mots de la secrétaire d’État Hilary Clinton pour qui «l’In-ternet libre est un droit humain fondamental qui doit être protégé dans les sociétés libres».

Effectivement, la liberté d’expression n’est probablement nulle part mieux protégée qu’aux États-Unis. Il s’agit d’un droit constitutionnel, le premier amen-dement compris dans le célèbre Bill of Rights. Il ne connaît que très peu de limites, contrairement à d’autres États démocratiques et la jurisprudence américaine le reconfirme constamment. Cela s’applique aussi bien sur inter-net: dans ACLU c. Ashcroft, la Cour a tranché que n’importe quelle restriction sur Internet (sauf les quelques-unes déjà admises) était inconstitutionnelle. Le droit à la liberté d’expression est, aux États-Unis, un droit humain pratique-ment absolu.

Faisant écho à l’universalité à l’américaine, le droit à la vie privée est vu en Europe comme un droit fondamental universel. Ce faisant, il est inscrit dans la Convention européenne des droits de l’hom-me et dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union euro-péenne.

Récemment, par exemple, les députés européens devaient se prononcer sur l’accord SWIFT entre l’Union européenne et les États-Unis. Cet accord balise le transfert de données bancaires de citoyens européens vers les États-Unis dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Or début février, par 378 voix contre 196, le Parlement européen a rejeté l’accord, forçant Bruxelles et Washington à retour-ner à la table des négociation. Pour les eurodéputées libérales-démocrates Marielle de Sarnez et Nathalie Griesbeck, «le Parlement européen se pose en défenseur des droits fondamentaux et de la protection des données person-nelles».

Ces deux épisodes montrent à quel point les incompréhen-sions peuvent être grandes lors-que deux empires de l’universel se rencontrent. Et ce, au sein même de la culture occidentale d’où ces universalismes sont nés.

Incompréhensions transatlantiques

Cela ne signifie pas que les États-Unis n’offrent aucune pro-tection de la vie privée, ni que la

liberté d’expression n’existe pas en Europe. Plutôt, cela veut dire que des deux côtés de l’Atlanti-que coexistent deux conceptions différentes de la vie privée qui parfois, déclenchent des incom-préhensions et laissent des silen-ces gênants.

En effet, pourquoi l’accord SWIFT était-il très acceptable aux yeux des Américains? Pourquoi n’exige-t-on pas, aux États-Unis, que Google s’assure que les vi-déos diffusées respectent la vie privée de ceux qui en sont l’ob-jet? L’entreprise ne devrait-elle pas pré-visionner toutes les vi-déos hébergées, comme suppose le jugement italien?

Dans un article publié dans le Yale Law Journal, James Q. Whitman distingue deux cultures de la vie privée: celle américaine de la liberté et celle européenne de la dignité. Il fait remarquer que certaines habitudes cultu-relles américaines, comme celle de discuter ouvertement de son salaire, choquent généralement les Européens qui considèrent ce domaine «privé». Cependant sou-tient-il, ce n’est pas seulement en raison d’un certain manque d’éti-quette de la part des Américains: il s’agit aussi de la nature du droit européen auquel ils sont habi-tués. Le droit européen continen-tal protège avec avidité plusieurs choses «privées», notamment les données en lien avec le crédit, la consommation et la banque (comme dans le cas SWIFT), l’ac-tivité au travail ou encore la dis-simulation de l’identité des crimi-nels face au public.

Mais pour Whitman, cela ne veut pas dire que les Américains ne s’intéressent pas à la protec-tion de la vie privée. Au contraire, certaines facettes du droit euro-péen choqueraient certainement plusieurs Américains. En Europe, la force publique peut interdire certaines appellations pour les bébés– les noms trop ridicules ou ceux rappelant le nazisme, par exemple. Aux États-Unis, cela se-rait vu comme une violation inac-ceptable de la vie privée (qu’est-ce qui est plus privé que la relation entre les parents et le nouveau-né?).

En Europe continentale, il est recommandé aux citoyens d’avoir leur carte d’identification nationa-le sur eux, chose tout à fait inac-ceptable pour un Américain. J’ai surpris plusieurs Européens en leur expliquant qu’en Amérique

du Nord (autant au Canada qu’aux États-Unis) il n’existe pas de pièce d’identité nationale, mais plutôt une quantité de documents pouvant plus ou moins la rempla-cer: permis de conduire, certificat de naissance, assurance-sociale, passeport.

«C’est que les conceptions de la vie privée américaine et européenne proviennent de dif-férences légales ayant elles-mê-mes “judiciarisé” des suppositions culturelles», explique Whitman. En Europe, la protection de la vie privée tourne autour du droit au respect et à la dignité person-nelle. Corollairement, on retrouve le droit à l’image, au nom et à la réputation: en d’autres mots le droit à l’auto-détermination de son information. En Amérique, au contraire, la vie privée s’oriente davantage vers la liberté, particu-lièrement la liberté contre les in-gérences de l’État. En effet, aux États-Unis, la conception de la vie privée demeure celle que l’on retrouvait dans les années fonda-trices de la fin du XVIIIe siècle: le droit à la liberté contre les in-trusions de l’État (fédéral), parti-culièrement contre la propriété individuelle, la vie familiale et re-ligieuse.

«D’un côté, écrit Whitman, il y a l’Ancien Monde dans lequel il est fondamental de ne pas être humilié en public. De l’autre, un Nouveau Monde dans lequel il est fondamental de préserver la sou-veraineté de sa demeure contre les attaques de l’État». C’est aussi cette conception qui a motivé –et qui motive encore– le droit améri-cain de porter des armes: protéger sa liberté contre l’État.

L’incompréhension qu’expri-me Google face à la décision du tribunal italien est transatlanti-que: pour l’entreprise américaine, la protection de la vie privée n’est pas une question de dignité per-sonnelle, mais bien d’une protec-tion contre un État qui voudrait le forcer à réguler son contenu, à réduire sa liberté d’expression.

Alors que Google considère actuellement la possibilité de se retirer complètement de la Chine –pour des raisons encore une fois de liberté d’expression– il se pour-rait que YouTube soit dans l’obli-gation, plutôt que de filtrer les vi-déos, de fermer le site en Italie.

Je vais aller en profiter tout de suite pendant que c’est encore ouvert… dans l’intimité de mon appartement. x

9Sociétéxle délit · le mardi 23 mars 2010 · delitfrancais.com8

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À première vue, tout pointe vers la catastrophe: la cri-tique, qui se félicite de

ce théâtre «feel good» (dixit La Presse) qui fera pleurer «petits et grands», à moins qu’on ne soit «mort à l’intérieur», comme nous l’indique la brochure de présen-tation (nous voilà prévenus); la genèse de ce spectacle, inspiré d’une expérience vécue auprès d’enfants malades à Calcutta et conçu en prison alors que son auteur, Daniele Finzi Pasca (un charmant quarantenaire tessinois connu dans le monde entier), purgeait sa peine pour objection de conscience; Finzi lui-même, enfin, qui ne peut s’empêcher d’esquinter en prologue le «théâ-

tre contemporain conceptuel», et qui cherche avec cette pièce à re-nouer avec la simplicité, à «faire pleuvoir dans les yeux des gens» (comme Simple Jack dans Tropic Thunder). Cela pue l’anti-intel-lectualisme forcené couplé d’un philanthropisme protestant qui aime sa plèbe à distance (quel bonheur que cette pièce, qui nous emmène dans la chambre des malades indiens, l’odeur et le bruit en moins). L’ambiance télé-visuelle (entre «Le plus grand ca-baret du monde» et «The Oprah Winfrey Show») est confirmée lorsque vient le temps pour le comédien-metteur en scène de choisir, parmi le public, son ou sa partenaire de scène d’un soir. Le quatrième mur est (une fois de plus) brisé, les spectateurs fré-missent un peu, partagés entre

le désir d’être choisis et celui de rester au chaud dans leur fau-teuil. Finalement, tout le monde applaudit la candidate sélection-née, qui suit d’un air benêt le co-médien hors-scène. Déballez vos bonbons et éteignez vos télépho-nes, la pièce commence.

Pourtant, une fois tous ces parasites écartés, une fois ac-cepté le fait que l’on assistera aux clowneries d’un Pierrot-Pedrolino toujours aussi délicieusement maladroit (crise de rire générale alors que notre antihéros tente d’enfiler son pantalon par-dessus sa robe de chambre, et se met à tourner sur lui-même comme un chien après sa queue), une sin-gulière mélancolie nous gagne. C’est que sous ses airs de bouf-fon, Pasca est un esthète et un passeur qui initie le spectateur-

acteur à un système de représen-tation total. Scène marquante que celle où le comédien demande à la star d’un soir, une Canadienne anglaise au français approximatif, d’imaginer une nouvelle fonction à la table de la chambre d’hôpi-tal où elle se trouve. «Un ring de hockey?», répond-elle, quasi ins-tinctivement. Explosion de rire de notre Pedrolino, qui décide alors de lui jouer de son instrument: un lit transformé en cithare avec des ressorts en guise de cordes. À la pauvreté d’un imaginaire télé-visuel (le hockey), vient se sup-planter une énergie créatrice qui change un quotidien banalisé en Gesammtkunstwerk symphonique.

C’est là la force de cette pièce et de son auteur, qui in-voquent un dispositif scénique élémentaire, voire morbide (une

chambre d’hôpital), et une tra-dition dramaturgique stéréoty-pée (la Commedia dell’arte) pour mieux les investir d’accessoires (étoffes, tiroirs) et de leur propre chaleur clownesque. Le mythe d’Icare était un rappel féroce et pessimiste (grec antique, donc) de l’impossibilité qu’a l’homme de transcender sa condition. Or, Pasca se propose de «réenchan-ter» le monde. Comme si Icare, en pleine chute et sachant qu’il était condamné, se mettait à chanter et à rêver au son et à l’odeur de ses plumes crépitant sous la chaleur mortelle du soleil.x

Teatro Sunil

Icaro, ce clownIcaro, de Daniele Finzi Pasca, fait «pleuvoir dans les yeux des gens» et chanter les lits d’hôpitaux. Chronique d’un réenchantement du monde.

THÉÂTRE

Julien StoutLe Délit

IcaroOù: Usine C 1345, av. LalondeQuand: jusqu’au 3 avrilCombien: 25$ (30 ans et moins)

Arts&Culture

10 Arts & Culture xle délit · le mardi 23 mars 2010 · delitfrancais.com

La fébriLité était danS l’air, la témérité et les précautions aussi. De peur de mourir de faim sur cette terre stérile qu’est un théâtre, mes voisines s’étaient munies d’un piquenique huit services, incluant une bouteille d’eau remplie de vin, en cas d’ultime sécheresse. Mais à peine eurent-elles le temps d’enta-mer le trou normand que la pièce se terminait déjà. Elles se levèrent alors d’un bond pour se joindre à

la longue ovation que tous consa-craient aux comédiens de Lipsynch et à son auteur et metteur en scène émérite, Robert Lepage. Absorbées et complètement renversées, les neuf heures qu’avait durées la nouvelle création de cette icône du théâtre québécois leur avaient paru bien courtes et elles étaient rassa-siées. Quant à moi, je mis quelques instants à me lever de mon siège, toujours un peu perplexe devant notre tradition d’ovationner en tout temps et en tout lieu. Malgré mon réel enthousiasme à l’idée de passer un après-midi et une soirée com-plète au théâtre, ces neuf heures avaient été pour moi longues, iné-gales et, au final, plutôt décevantes.

Une question me tourmentait à ma sortie de la salle: «Quel est mon problème? Pourquoi n’ai-je pas su apprécier une pièce encen-sée par la critique et visiblement ac-clamée par son public?» Il est très décevant de ne pas être émerveillée

par une œuvre de celui qui m’a fait découvrir une véritable passion pour les arts de la scène. C’est avec La face cachée de la lune que j’avais été initiée à l’univers unique et brillant de Robert Lepage, qui jouait en solo une panoplie de personnages. J’avais été encore plus fascinée de-vant Le projet Andersen – le génie des effets scéniques, la musique, une interprétation unique et une his-toire savamment ficelée m’avaient naïvement convaincue d’étudier en théâtre au CÉGEP. J’étais reve-nue bredouille après Le Dragon bleu, et voici que Lipsynch perpétue la contrariété.

Le début de la pièce était pour-tant très prometteur. On y retrou-vait les qualités infaillibles des mises en scènes de Lepage. Mais au bout de quelques heures de représen-tation, le caractère intarissable du thème de la voix, qui justifiait l’en-semble de la pièce, a commencé à nuire à l’histoire. La série de neuf

tableaux décrivant autant de per-sonnages qui symbolisent chacun à leur manière un certain type de voix, s’est fait trop ambitieuse. Le comique de situation a alors com-blé le manque de substance, com-me s’il avait été décidé bien avant son élaboration que la pièce dure-rait neuf heures.

Robert Lepage a certainement la recette du succès. Mais le côté carrément épique des neuf longs actes, la sensationnelle scénogra-phie, la mise en scène toujours divertissante et le grandiose des scènes d’opéra peuvent-il masquer de flagrants défauts? Ou sommes-nous obnubilés par notre fierté face la renommée de l’artiste, à un point tel que nul n’ose critiquer?

Il serait impensable de démen-tir le génie de Robert Lepage. Son œuvre a bel et bien révolutionné le paysage québécois et a su se faire acclamer au-delà des frontières. Mais face à l’étrange impression

que m’a laissée Lipsynch, je ne peux que sourire en lisant ces quelques lignes qu’Évelyne de la Chenelière a consacrées à notre théâtre il y a quelques années:

«Si je me mettais à la place du public, ma perception du mi-lieu théâtral, par moments, serait la suivante: un groupe de gens qui n’arrêtent pas de se féliciter les uns les autres et qui s’excitent devant des objets théâtraux parfois ina-boutis, convenus, de courte vue, redondants et superficiels et dont pourtant la critique m’avait assurée que c’était révolutionnaire et abso-lument exaltant. »

Les plus optimistes d’entre vous seront bien rassurés: ici s’en-tame ma trêve de chiâlage pour l’année, histoire de vous laisser apprécier tout le théâtre d’été que vous voudrez et de me permettre de m’assagir un peu. Sur ce, chers lecteurs, bonne fin de session et bonnes vacances anticipées! x

Le Billet de la BombeEmilie Bombardier

La recette du succèsCHRONIQUE

[email protected]

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Si vouS ne comprenez pas encore ce qu’est Twitter, vous n’avez peut-être pas pris connaissance de la tenue de l’événement South by South-West (SXSW) à Austin, Texas. On pensait tous qu’il n’y avait que des cowboys mangeurs de Mexicains illégaux dans cet état, eh bien non! Paraît-il qu’Austin est une ville particulièrement in-téressante, dynamique, avec de l’art moderne et tout et tout.

Et puis il y a ce festival, qui rassemble dans l’un des volets de son activité les acteurs du mon-de des nouvelles technologies et de la communication. Ce que tous ces gens ont en commun? Un compte Twitter, évidemment un profil Facebook (même si c’est tellement 2009), un iPhone et probablement un MacBook Pro. Et moi qui me sentais un peu cool d’utiliser les réseaux sociaux virtuels, pensant naïve-ment que ce qui impressionne ma mère est universellement reconnu comme tout à fait in-croyable… Paraît-il qu’à SXSW, on (pas moi, mais le «on» général dans le sens de «des spécialistes que je ne connais pas vraiment») a mis sur point un médecin élec-tronique qui, avec une radiogra-phie du corps au complet, peut établir votre maladie. Après, il faut cocher les symptômes pro-posés, et une prescription est di-rectement envoyée à votre phar-macie du coin. Il y a même des gens qui ont inventé un casque qui permet d’écrire par la pen-sée. Et, encore mieux, il y aurait même un robot qui passe l’aspi-rateur, fait la vaisselle et qui se transforme en voiture volante.

Remarquez, moi j’aime presque faire le ménage, particu-lièrement la veille d’une remise de travaux, ou d’un examen. Syndrome pas particulièrement original, seulement moi je ne me contente pas de faire le ménage. Non madame. Je fais du sport, ça aide la concentration, c’est un investissement; je cuisine, il faut absolument que je fasse un pain aux bananes, sinon je vais en-core les perdre; je reçois un ap-pel d’une personne pas vraiment proche mais avec qui je me dis que, finalement, je devrais déve-lopper un lien plus serré; je rac-commode des mitaines un peu laides que je vais sûrement je-ter, d’ailleurs qu’est-ce que c’est que ces mitaines de merde dont le haut s’ouvre tout le temps, découvrant mes pauvres petits doigts rougis par le froid?

Mais revenons-en aux extra-ordinaires percées technologi-ques de SXSW. Ridicule. Comme dit mon beau-frère, on est capa-ble d’aller sur la Lune mais, pas de faire des (insérez ici le nom de l’objet que vous voulez lancer rageusement contre un mur) qui ont de l’allure! C’est bien vrai. Toutes ces technologies, et tou-jours autant de problèmes maté-riels quotidiens. À quoi bon? Je rêve du jour où je partirai loin de la ville, dans une campagne éloignée, pour vivre dans une grotte et me nourrir de racines et de sangliers (tsé comme dans Lost). Au moins je vais arrêter de surconsommer et de gaspiller de l’électricité. À chaque fois que j’allume le chauffage dans mon appart sibérien, je pense aux barrages hydroélectriques qui détruisent des écosystèmes, au nucléaire qui produit des dé-chets ingérables, et ça me fait de la peine. Alors je ne vois pas quoi faire d’autre. Adieu, cher lecteur, adieu.x

Ceci était la dernière chronique de Rosalie. Vous voulez qu’elle reste parmi nous? Ou, au contraire, la re-joindre dans la quête d’une vie plus simple?

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La tête en fricheRosalie Dion-Picard

Sobriété et nostalgieCHRONIQUE

11Arts & Culturexle délit · le mardi 23 mars 2010 · delitfrancais.com

Artistes contre l’Apartheid, l’un des événements ar-tistiques les plus engagés

à Montréal, est devenu une sorte de tradition à la Sala Rossa. Les concerts servent à amasser des fonds pour la campagne Boycott, désinvestissements et sanctions (BDS) menée au Canada par la Coalition contre l’Apartheid israélien (CAIA). À Montréal, c’est le collectif Tadamon! («so-lidarité» en arabe) qui se charge d’organiser les soirées musicales, aussi soutenues par CKUT et le Festival Suoni Per Il Popolo. Tadamon! milite pour l’autodé-termination, l’égalité et la jus-tice pour les peuples du Moyen-Orient.

Les concerts présentés dans le cadre d’Artistes contre l’Apar-theid on attiré, avec les années, plusieurs grands noms, comme Karen Young, Sam Shalabi, cé-lèbre joueur de oud, Antoine Bustros, compositeur de musique de film, et DAM, un populaire groupe de hip-hop palestinien. La plus récente édition était l’occa-sion pour la palestinienne Rafeef Ziadah de lancer parmi nous son

premier album. La slameuse, qui est aussi militante à Toronto pour la CAIA, a offert au public mon-tréalais plusieurs de ses créations, des textes écrits en anglais parse-més d’arabe, comme autant de cris du cœur sincères et chargés d’émotions. La poétesse nous raconte le destin tragique d’une jeune palestinienne de neuf ans tuée parmi les dommages collaté-raux causés par l’armée israélien-ne. Elle nous fait voir les réfugiés aux pieds nus, la déportation, les peaux et les corps couleur olive, le déracinement, la culpabilité, l’appartenance et l’occupation. Elle sait s’assumer en tant que Palestinienne d’origine et par-tage avec le public des souvenirs douloureux, comme l’assassinat, à un point de contrôle, du pre-mier garçon qu’elle ait embrassé.

Malgré la lourde charge émotive des textes, la présence de feuilles de notes entre les mains de la slameuse nuisait un peu à l’intensité du moment. La pièce finale, écrite par «une femme en colère», a su nous toucher plus directement, étant donné que Ziadah le récitait de mémoire et pouvait ainsi se commettre en entier à son public.

Ont également participé à la soirée le slameur Kaie Kellough,

membre fondateur de Kalmunity Vibe Collective, et la formation électro-soul LAL, qui combine sa prose engagée avec une mu-sique sensuelle et langoureuse, invitant le public à se lever des sièges pour danser. Le tout est agrémenté de plusieurs images, projetées en arrière-plan, qui ajoutent un aspect visuel à l’am-biance artistique.

En somme, n’ayez pas peur de vous pointer pour la premiè-re fois à un événement organisé par Artistes contre l’Apartheid. Dès que vous y mettrez les pieds, l’ambiance chaleureuse de la Sala Rossa vous accueille-ra, vous y ferez bien vite la ren-contre d’autres sympathisants pro-palestiniens et pourrez profiter d’une soirée musicale fébrile, pleine de découvertes et d’émotions, où l’expression «art engagé» prend toute sa signifi-cation.

La Coalition contre l’Apar-theid israélien vous invite à leur prochaine activité, soit la Journée mondiale d’action en solidarité avec le peuple palestinien, le 30 mars à 16h au Carré Phillips.x

Pour plus d’information et sa-voir quand auront lieu les prochains concerts : www.tadamon.ca

AU DÉLIT, ON ÉLIT !Vous aurez collaboré plus de trois fois avant la fin de l’année (articles, photos, dessins)?

Soumettez votre candidature pour l’équipe éditoriale [email protected]

http://delitfrancais.com/collaborer-au-delitÉlections : le vendredi 9 avril à 16h

Le slameur Kaie KelloughTerence Byrnes / Véhicule presse

Artisans du changementLe 18 mars dernier avait lieu la douzième édition d’Artistes contre l’Apartheid, un évènement devenu tradition qui allie slam, militantisme et musique.

MUSIQUE

Annie LiLe Délit

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12 Arts & Culture xle délit · le mardi 23 mars 2010 · delitfrancais.com

ÉPISODE 21

Résumé de l’épisode précédent: Delilah baigne dans le bonheur avec Francis, mais se rappelle des souve-nirs douloureux de son passé pas aussi virginal qu’on aurait pu le croire. Elle fait un rêve prémonitoire: toujours le chiffre «2», une dualité qui la rend confuse. Emma et Steeve se retrouvent au cinéma, où ils découvrent leurs pas-sions communes. C’est devant le grand écran qu’ils s’embrassent pour la pre-mière fois, mais c’est dans les toilettes qu’ils s’enlacent fougueusement.

Comme à chaque fois qu’il était déprimé, Steeve se rendit au Café Chaos.

Généralement, le temps de quel-ques bières, le malheur passait et il reprenait ses esprits. Mais cette fois, l’image d’Emma, la fille bour-geoise, persistait malgré les heu-res et l’alcool. Il ne parvenait pas à oublier ses lèvres et les folies qu’elle avait murmurées au creux de sa nuque, entre deux soupirs passionnés. Il aperçut un livre sur la table devant lui. Trente arpents. Ça ne lui disait rien. Il l’ouvrit et lut un passage au hasard: «Sur la terre, on se comprend sans pres-

que jamais se parler; tandis que dans les villes, on se parle sans presque jamais se comprendre.» C’est fou comme cela résumait bien ce qu’il sentait avec Emma. Ils s’étaient à peine parlé, mais Steeve se sentait lié à elle d’une manière presque inexplicable. Et pourtant, Emma n’était pas québécoise; elle n’était pas «une vraie fille d’icitte». Il continua de feuilleter le livre, distrait. Un autre passage l’accrocha: «La patrie c’est la terre, et non le sang.» Il s’arrêta un moment. Si Emma acceptait de rester au Québec, elle deviendrait tout de même québécoise…

***

- Mom? You need to come to Montreal. I, I… I don’t know what to do, balbutie enfin Delilah au téléphone.

Deux jours plus tôt, Emma, qui avait eu une nuit particuliè-rement mémorable avec Steeve après leurs ébats dans les toilettes du Cinéma du Parc, s’était rendue à la pharmacie pour se procurer un test de grossesse, car malgré ses précautions habituelles, elle savait les femmes de sa famille très fertiles. Elle en avait pris deux, à cause du rabais. Le test lui avait annoncé en clair et en rose

qu’elle n’était pas enceinte. De son côté, Delilah cou-

vait le désir d’essayer un test de grossesse. Chaque fois qu’elle re-gardait les comédies romantiques d’Hollywood, les yeux rivés sur l’écran, elle attendait le moment où tout allait changer, celui où la vie des personnages serait bous-culée par les nombreuses péripé-ties déclenchées par la nouvelle d’un enfant à naître. Elle s’em-porta en lisant l’emballage. Elle avait l’intention d’en racheter un, de cacher son petit dérapage irrationnel à Emma, mais quand la deuxième barre est apparue, elle n’a pu s’empêcher de hurler. Emma était accourue, l’avait cal-mée, consolée, conseillée. Emma avait aussi dit qu’il était impéra-tif que Delilah appelle sa mère, la seule personne qui l’aimait in-conditionnellement.

- Sweetie? What’s wrong? What’s going on?

Margaret était une bonne maman, une femme dévouée au bien-être de sa fille.

- Mom, I don’t know how to say this. I can’t find the words, I just can’t cope.

- Sweetie, whatever it is, I’m here for you, I love you, and I can help you. Just tell me.

- I’m pregnant. - Oh dear! Stay put, I’ll be on

the next flight to Montreal.Femme autoritaire et quel-

que peu agressive, Margaret avait agi de manière remarqua-ble. Celle qui avait toujours été le bras de fer de la famille avait comme devise: «C’est le coq qui

chante, mais c’est la poule qui pond les œufs.» Inutile de dire qu’elle n’attendait jamais l’ap-probation d’un homme ou, à bien y penser, de qui que ce soit pour se placer à la tête de l’ac-tion. Dès son arrivée, elle et sa fille étaient allées à une clinique privée où:

la gynécologue avait confirmé la grossesse;le radiologue avait souri: «des ju-meaux»;Delilah avait failli s’évanouir;Margaret avait poussé un cri de joie;Emma avait eu une larme;et où les embryons s’étaient re-tournés dans leur liquide amnio-tique.

Après les premières réac-tions, Margaret avait regardé sa fille et lui avait dit: «I need to meet him. Invite him to High Tea. We’ll go to the Ritz.» Delilah avait appelé Francis, lui avait donné rendez-vous. Au Ritz, elle lui avait ex-pliqué ce qui lui était arrivé. Elle avait précisé qu’elle ne savait pas encore ce qu’elle voulait faire, mais que sa mère était prête à tout pour l’aider.

***

Francis était rentré perplexe. Il voulait parler à quelqu’un, mais Steeve n’était pas là. Il remarqua

un livre sur la table du salon: Trente arpents. Ça ne lui disait rien. Il regarda l’affiche de Che et lui demanda: «Toi, Che, tu ferais quoi?» Pour se changer les idées, il se prépara du popcorn et s’assit devant The Motorcycle Diaries, un des films préférés de Steeve. Les images défilaient, mais rien

ne parvenait à lui faire oublier la mère de Delilah et la déception qui transparaissait dans son re-gard lorsqu’il lui tendit la main. Il ne se sentait pas à sa place au Ritz-Carlton. Son seul pantalon propre était malheureusement un peu sale (il n’avait pas eu le temps de le déposer chez le nettoyeur). À la fin de l’après-midi, Margaret lui avait dit: «You’re a good kid, but stay in school.» Qu’est-ce que cela pou-vait bien vouloir dire, alors qu’elle avait parlé de mariage blanc à Boston, de ramener Delilah avec elle à Boston, d’aider avec les en-fants?

Avec ses yeux plus bleus que le bleu des cieux, Gael García Bernal avait résumé le dilemme de vie de Francis: «What do we leave behind when we cross each fron-tier? Each moment seems split in two; melancholy for what was left behind and the excitement of entering a new land.»

Francis poussa un soupir avant de se mettre à pleurer. «Je serai papa.» x

Flagrant délit de tendresseLE ROMAN-FEUILLETON DU DÉLIT

Marie-France GuénetteLe Délit

«Qui ne sait pas conduire est conduit par les autres» - Biscuit chinois

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Claudine Benoit-Denault / Le Délit