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Le seul journal francophone de l’Université McGill • Le mardi 31 octobre 2006 — Volume 96 Numéro 7 • Polyglotte mucophage depuis 1977. Type cucurbitacée ou type pentacle? Laissez-vous aller aux plaisirs de la décadence spirituelle... en pages centrales

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Laissez-vous aller aux plaisirs de la décadence spirituelle... en pages centrales Le seul journal francophone de l’Université McGill • Le mardi 31 octobre 2006 — Volume 96 Numéro 7 • Polyglotte mucophage depuis 1977.

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Le seul journal francophone de l’Université McGill • Le mardi 31 octobre 2006 — Volume 96 Numéro 7 • Polyglotte mucophage depuis 1977.

Type cucurbitacéeou type pentacle?Laissez-vous aller aux plaisirs de la décadence spirituelle... en pages centrales

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03xle délit | 31 octobre 2006www.delitfrancais.com

RÉDACTION3480 rue McTavish, bureau B•24

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[Poste vacant et disponible]Coordonnateur [email protected]

Mathieu MénardCoordonnatrice de la correction

Laurence Bich-CarrièreCollaboration

Alexandre Duval, Catherine Côté-Ostiguy, Herjo Fuertes, Lucille Hagège, Alexandra Havrylyshyn, Andreea Iliescu, David Koch, Hugo Lavallée, Louis Melançon, Lawrence Monoson, Annie Poulin, Julie Rousseau

CouvertureHerjo Fuertes, Mathieu Ménard

BUREAU PUBLICITAIRE3480 rue McTavish, bureau B•26

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Publicité et direction générale Boris Shedov

Gérance Pierre Bouillon

Photocomposition Jack Sanford

The McGill Daily • [email protected]

Rishi Hargovan

Conseil d’administration de la Société de publication du Daily (SPD)

Alexandre de Lorimier, Kelly Ebbels, Joshua Ginsberg, Rishi Hargovan, Peter Lipsombe, Erika Meere, Joël Thibert, Jefferey Wachsmuth, Aaron Wright

[email protected]

Le seul journal francophone de l’Université McGill

Éditorial

On va faire ça simple. En personne: au local du Délit le mardi à 18h au B•24 du Shatner. Par courriel: [email protected].

Alexandre de LorimierLe Délit

Le dixième anniversaire du décès de Robert Bourassa a apporté avec lui son lot de sympathies et de

commémorations. Outre le dévoilement d’un bronze statuaire à l’Assemblée nationale, le maire de Montréal a pensé qu’il serait opportun de renommer une rue de la métropole en l’honneur de l’ancien premier ministre.

Le choix s’est arrêté sur l’avenue du Parc et la rue de Bleury, deux artères contiguës qui traversent quatre arrondissements montréalais. Vraisemblablement, cette option n’a fait aucun doute puisque Robert Bourassa est né à Outremont et a été député de Mercier, la circonscription qui comprend l’ouest du Plateau Mont-Royal, sans toutefois inclure l’avenue en question.

Au centre-ville, la nou-velle avenue Robert-Bourassa coupera désormais le boule-vard René-Lévesque, circons-tance que le maire Gérald Tremblay n’a pas tardé à sou-ligner. Il paraissait d’ailleurs si satisfait de ce clin d’œil à l’histoire, qu’on pourrait croire qu’il s’agissait de son seul critère de décision. Deux avenues renommées se croi-seront donc tel les deux hom-mes qu’elles remémorent ont croisé le fer pendant leurs car-rières politiques respectives.

Le boulevard Saint-Joseph avait éga-lement été proposé et le doute plane tou-jours sur sa mise de côté. Une association de commerçants de l’avenue du Parc aurait émis l’hypothèse selon laquelle l’Église ca-tholique se serait opposée à une telle dé-possession. Avec toutes ces rues au noms de saints, n’aurait-elle pas pu se montrer un tant soit peu généreuse? De toute évidence, la Révolution tranquille a eu lieu au Québec

mais cela ne se reflète toujours pas dans la toponymie montréalaise.

Maintenant, toutefois, le débat fait rage tout au long de la célèbre avenue. Les com-merçants rechignent de devoir changer leurs enseignes, d’avoir à avertir leurs clients et de préparer toute une démarche des plus bu-reaucratiques. Des petites entreprises, par exemple des épiciers de quartier, prennent des années avant d’assurer leur sécurité fi-

nancière. Une opération, aussi mineure soit-elle, comme le changement du nom de leur rue peut avoir un impact majeur sur leur chiffre d’affaires. Leur colère est compré-hensible, d’autant plus qu’aucun d’entre eux n’a été consulté.

Le nom d’une rue porte en lui toute son histoire et aussi celle du quartier. L’ave-nue du Parc rappelle la présence du parc du Mont-Royal et du parc Jeanne-Mance, deux

îlots de verdure en plein cœur de la mé-tropole. L’avenue a été la destination d’un grand nombre d’immigrants qui ont choisi Montréal comme ville d’adoption. Les com-munautés grecque et juive orthodoxe se sont établies à différentes hauteurs et peu-vent maintenant fièrement s’approprier une section de l’avenue.

Dans une telle situation, une question reste toujours sans réponse. Pourquoi re-

nomme-t-on une rue? Si ce n’est pour rappeler la mémoi-re d’une personnalité mar-quante, encore faut-il que la population soit d’accord avec un tel changement. La rue ap-partient en quelque sorte à ses résidents. Ils devraient avoir leur mot à dire, tout comme les commerçants et ceux qui l’utilisent fréquemment. Une rue devrait avoir un nom en accord avec sa personnalité, son histoire et son patrimoi-ne, lesquels sont déterminés par les gens qui l’habitent.

Appelez ça de l’immobi-lisme mais les Montréalais de-vraient pouvoir se prononcer sur une mesure qui change-rait la toponymie de ses rues. L’impact psychologique est important. Nos lecteurs qué-bécois connaissent sûrement un parent qui appelle toujours Berri-de-Montigny la station de métro Berri-UQÀM bien qu’elle ait été renommée il y a maintenant un bon moment. Le nom d’une rue, comme ce-lui d’une station de métro, est si profondément ancré dans la mentalité collective, qu’il faut au moins une génération pour que le changement ait

lieu dans la vie quotidienne.Le maire Tremblay ayant déjà fait son

faux-pas de l’année en annonçant des aug-mentations de taxes bafouant son propre programme électoral, le changement de nom de l’avenue aura bel et bien lieu après toute une valse bureaucratique entre les arrondis-sements, la ville et la province. Les citoyens, eux, devront s’y faire puisque aucune con-sultation publique n’est prévue. x

Avenue de renomlocal

L’empire du Canada: ils sont contre!

Lectures urbaines et design psychédélique

Visions de paix avec Shirin Ebadi

Le cinéma kurde a le vent dans les voiles

116 10 14L’usage du masculin dans les pages du Délit vise à alléger le texte et ne se veut nullement discriminatoire.

Le Délit (ISSN 1192-4609) est publié la plupart des mardis par la Société de publication du Daily (SPD). Il encourage la reproduction de ses articles originaux à condition d’en mentionner la source (sauf dans le cas d’articles et d’illustrations dont les droits avant été auparavent réservés, incluant les articles de la CUP). Les opinions exprimées dans ces pages ne reflètent pas nécessairement celles de l’Université McGill. L’équipe du Délit n’endosse pas nécessairement les produits dont la publicité paraît dans ce journal.Imprimé sur du papier recyclé format tabloïde par Imprimerie Quebecor, Saint-Jean-sur-le-Richelieu (Québec).Le Délit est membre fondateur de la Canadian University Press (CUP) et du Carrefour international de la presse universitaire francophone (CIPUF).

Volume 96 Numéro 7

Alexandre de Lorimier/Le Délit

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04xle délit | 31 octobre 2006www.delitfrancais.com Controverses

Bang-bang!

Alors vous avez ces deux types qui décident de trouver le squelette de Billy the Kid, le célèbre gamin hors-la-loi du folklore du Far-West et de l’exhumer. Ça sonne un peu trouble de la paix des cimetières, direz-vous. Or voilà qu’une entité administrative qui octroie des permis sans lire les demandes leur accorde le droit de creuser des tombes. Résultat, ils commencent à désacraliser un cimetière. Ils y croyaient, ces deux Arizoniens! (SFGate/FARK.ru)

Où ki vont les deux en un?

Des questions d’envergure agitent les chambres basses des parlements du monde. Prenez Rome où les membres de la chambre des députés ont débattu sur le dilemme suivant: quelles toilettes devraient utiliser les parlementaires transsexuels? C’est en Italie que le premier député transsexuel a été élu. S’étant vu refuser l’entrée aux toilettes des femmes par une députée, cet homme devenu femme s’est insurgé, soulevant la polémique. La dame, dégoûtée, a demandé que Vladimir Luxuria (c’est elleùlui) aie ses propres bécosses... oyez contribuables, c’est pour cela que nous payons l’impôt! (Yahoo/Reuters)

1-800-OVULONS

Devant la chute de son taux de natalité à environ 1,25 enfants par femme, le Japon s’inquiète de voir sa population diminuer dans les années à venir. Mais comme les ressources de la technologie n’ont pas de limites, le pays devrait voir nombre de naissances bondir grâce à un nouveau service de téléphone cellulaire programmé pour alerter les femmes quand elles entrent en période d’ovulation. Il suffi t d’insérer les dates de menstruation pour que le téléphone vous prévienne, sur la base d’un cycle moyen, du moment idéal pour procréer. À vos claviers! (Yahoo/Reuters)

Une vocation précoce...

Un adolescent de quinze ans a volé un autobus, l’a conduit sur un trajet et a encaissé le droit de transport des usagers qui montaient à bord, dimanche dernier en Floride. Ritchie Calvin Davis a pris le volant de l’autobus samedi en attendant qu’il soit vendu aux enchères. Le gamin a déclaré avoir «conduit cet autobus mieux que la plupart des chauffeurs de la compagnie [à laquelle appartenait l’autobus]». C’est la deuxième fois que Davis est accusé du vol d’un autobus. (AP/Cyberpresse)

Uof tse ednom elIl était une fois dans le Délit

L’HUMOUR DU BLOCLe Bloc a choisi un curé pour candidat en vue des

prochaines élections partielles dans Repentigny. Raymond

Gravel, se lance dans le monde religieusement corrompu de la politique ainsi: «Les politiques

de l’Église et celles défendues par le Bloc se ressemblent [...] Il faut défendre des valeurs de solidarité avec les plus démunis, et le Bloc a ça à coeur parce que ce n’est pas un parti de pouvoir». Il n’a pas tort pour le pouvoir... (Le

Devoir)

En hausse

FIDEL CASTROSoit qu’il est fi chtrement tenace,

soit qu’il se fout de nous, Castro fait un retour curieux

sur la télévision cubaine. Après qu’on l’a presque relégué au

rang de mort, Fidel nous refait une apparition mystérieuse

dans un fi lm dont l’origine et l’autenthicité sont douteuses. On soupçonne des retouches Photoshop... bref ça nous le

laisse au neutre. (The Guardian)

L’ÉVANGÉLINE DE MARIE-JO THÉRIAULTLa célèbre interprétation de

Marie-Jo Thériault de l’hymne acadien «Évangéline» a été évincée par celle d’Annie

Blanchard dimanche soir au gala de l’ADISQ. L’ancienne

star-académicienne a un public apparament sourd au bêlement et à son manque

d’originalité vocale. Ses remerciements étaient

d’ailleurs à la hauteur de son interprétation. (LD)

En baisse

Au neutre

En trois vitesses

Le mardi 6 novembre 1990

L’HALLOWEEN, CHARMANTE FÊTE OÙ DES enfants vagabonderont de portes en porte, où des épouvantails jouent du coude avec des laborantins, où des coccinelles géantes piétineront joyeusement vos pelouses, où Louis Bernard passe inaperçu, où des enfants nerds déguisés en momie seront jetés dans vos arbres, mis à nus par ce vent à décorner les cocus. Bon, me voilà qui m’emporte (mais c’est qu’autant en emporte le vent).

L’enfant, donc, est une charmante créa-ture. Ingénu et candide, il croit aux créatures de la nuit. Il croit à la fée des étoiles et au Père Noël. L’adulte non. L’adulte est raison-nable. Il lit Le Devoir et le Projet pour la paix perpétuelle de Kant. Il fait semblant d’écouter le bulletin de nouvelles alors que tout ce qui l’intéresse, c’est le bulletin météo (d’ailleurs, lorsqu’on lui signale que son party commen-cera à l’heure du crépuscule, comme les reve-nants sortent de leurs tombeaux pour hanter les morts, il fera remarquer que Météomédia donne 17:14 comme heure du crépuscule et que c’est surtout l’heure du bouchon de cir-culation des gens qui font du 9@5). L’adulte, donc, est raisonnable. Mieux encore: il vote.

Il vote au Brésil (et deux fois même). Il vote en Bulgarie. Il vote à l’ONU. Il votera un jour, peut-être, au PLC. Il vote en Ulster. Il vote en Serbie. Il vote en Suisse. Il vote même à Ottawa.

Même le Québec parle d’élections qui n’ont rien à voir avec la mise au ballottage de Kevin-Kyle ou de Francisco-Dwayne. Puisque Radio-Canada ne met pas gracieu-sement du temps d’antenne à la disposition

des candidats, force est de conclure que le Québec n’est pas à proprement parler en pé-riode électorale. N’empêche que le sujet est bigrement dans l’air du temps. On ne cesse d’anticiper la chute du régime Harper de-puis le projet de loi environnemental fl y-tox de Rona «BPC» Ambrose. On a un New Kid on the Bloc québécois, là, le p’tit prêtre qui dit qu’il aime le Bloc parce qu’il n’a aucune chance d’être au pouvoir, Raymond Gravel. On crie à la nouvelle Floride avec la «débâcle électronique municipale». On déplore que «les Indiens, ça fait pas gagner des élections», faute de participation à l’exercice démocra-tique. Remarquez que c’est la même chose pour les jeunes, sauf que les jeunes, les par-tis en ont vraiment besoin: il faut quelqu’un pour poser les pancartes.

Aux États-Unis, bravant la menace de la terreur, des tas d’électeurs, pour l’amour de leurs fi ls exposés chaque jour aux coups des milices armées ennemies, traverseront des plaines ravagées par les éléments et les gaz à effets de serre pour aller exercer leur droit de vote, même si d’ores et déjà on crie à la fraude et au vol d’élection et qu’il faudra at-tendre trois mois avant d’avoir les véritables résultats. Aux États-Unis, j’ai dit? Ah non, ‘scusez, ça c’est au Congo.

Parenthèse. Je vous l’accorde, la boutade était facile. C’est que vendredi soir, je me suis donnée à fond dans mon personnage et que j’étais déguisée en joueuse de soccer de qua-torze ans avec de l’attitude. Mon ami Jean me l’a d’ailleurs reproché: «Franchement, Lau-rence, j’aurais cru de toi que tu te déguiserais en concept». Et puis quoi encore, en fédé-

ralisme asymétrique? en reconnaissance du déséquilibre fi scal, en morale de Perrette et le pot de lait (les méchantes langues pourraient dire que ça revient au même), en l’incons-cient de Römmel? en discours sur la mesqui-nerie vide des messes électorales? Ça donne-rait: «Ah, la mise en urne de sa propre voix. Oh, l’acte de sujétion décidé, la capitulation de l’individu au principe du nombre. Oui, la soumission consentante et récurrente d’une population, l’ironie de “mettre une croix” là-dessus –une phrase qu’on me sert géné-ralement pour m’annoncer la mort de mon chien.»

Ça y est, je n’en suis même pas arrivée à parler des «urnes devenues les hypogées si-nistres de la démocratie», et je pense que je m’émeus. Je ferme la parenthèse et je balaye ça sous le tapis avec les morceaux de verre cassé.

Mieux, je vais aller répondre à la porte plutôt que de dire des bêtises. Et si c’est un gamin déguisé en réchauffement planétaire, je le passe à la moulinette.

Ceux qui frappent à ma porte

Sans commentaireLaurence Bich-Carrière

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05xle délit | 31 octobre 2006www.delitfrancais.com

1983 2006

Plus ça change, plus c’est pareil...

«Voir votre Larousse pour la traduction. Larousse maintenant en vente à la librarie McGill.»

OPERATING POLICY FOR GERTRUDE’S PUB

L’AYATOLLAH DE LA LANGUE présente

Controverses

Marie-Edwidge El-Djidjebeytiz

Dans cet article (dont seul le lecteur qui nous donnerait le bon Dieu sans confession peut croire qu’il

a été prémédité plutôt qu’écrit moins de douze heures avant que la présente édition ne se retrouve dans les présentoirs), Le Délit vous offre quelques suggestions de costume. Ses prémisses sont les suivantes: vous êtes alcooliques et sans imagination (genre, l’an dernier vous étiez un cow-boy, un hooligan gothique ou Alex d’Orange mécanique). Si ça ne vous plaît pas, faites comme si de rien n’était et tournez la page sans attendre la clochette, pour dévorer un article sur les manifestations contre l’impérialisme canadien (si, si, vous

pouvez aller vérifier, mais revenez après, il faudrait pas que j’aie remue-méningé le reste pour les nèfles).

Courageux et rétroSi vous n’avez pas peur d’exhiber votre

bedaine de bière naissante (allez, avouez que vous avez abusé à l’OAP, que vous abuserez au SnOAP et que vous ne vous souvenez plus exactement de ce qui s’est passé entre la 14e bière au 5@7 d’hier et le moment où vous vous êtes réveillé ce matin avec un abat-jour sur la tête en faisant la cuiller à un mannequin de chez Kokawai), déguisez-vous en Actarus (le type –de sang royal et stellaire quand même– à l’intérieur du super-robot Goldorak). Leggings mauves, chandail orange en lin et veston brun achetés dans un magasin médiéval, coupe de cheveux de la mort, sourcils en carton, vous serez la coqueluche des nostalgiques.

LittérairePas Alice aux pays des merveilles (come

on, Paris Hilton, l’a fait), pas Frankenstein ni Dracula, ni Sherlock Holmes ni Poirot, ni Tintin, ni Astérix, ni le Roquentin de Sartre, ni L’Étranger de Camus. Non, vous êtes trop individualiste. Pensez grrrrand, pensez collectif, pensez large et rassemblez assez

de gens pour personnifier tous les Rougon-Macquart (et si vous manquez d’amis ou d’influence, lisez Dale Carnegie).

AnimalOubliez les chiots, les chatons, les souris

et les lapins (ainsi que la version «adulte»). C’est mignon, mais c’est facile. Vous pouvez viser plus haut. Essayez le calmar, la pieuvre ou le poulpe. En plus, quand vous échapperez votre vodka-cannerberge sur votre voisine déguisée en princesse, vous pourrez faire une blague sur les expulsions encrées de ces charmantes et visqueuses créatures.

Pied de la lettreOuvrez le Larousse ou n’importe quel

dictionnaire d’expressions. Déguisez-vous en «pierre qui roule n’amasse pas mousse» ou en «la caque sent toujours le hareng». L’aiguille dans une botte de foin, la fin des haricots ou l’esprit de bottine devraient être de bons essais pour une première fois. Lorsque vous aurez plus d’expérience, vous pourrez vous attaquer à la tournée des grands-ducs, à la traversée du désert ou aux calendes grecques. Nous n’incluons pas dans cette catégorie une personne déguisée en chat (voir point précédent) qui prendrait un verre de trop, le soir.

Bilingue Déguisez-vous en one-night stand.

Transformez une vieille boîte en commode de nuit (faites-vous engager chez Club Price, ainsi en plus d’avoir un accès quasi illimité à un nombre incroyable de boîtes en carton de toutes tailles et toutes couleurs, vous aurez probablement un rabais sur des caisses de bonbons dans un format à faire gémir tous les dentistes). Collez-y une bouteille de fort ou deux, un numéro de téléphone (erroné) avec du rouge à lèvres dessus, un G-string en dentelle et des bas de nylon sexy, un boxer de marque 31 noir, quelques capotes et un paquet d’aspirine. Oh ouiii!

Post-moderne Prenez un vieux morceau de carton

(voir commentaire sur le Costco, plus haut). Prenez un gros marqueur Sharpie (marque déposée). Écrivez «déguisé» dessus. Avec votre main gauche si vous voulez vraiment vous insurger contre la norme du costume. Faites l’accord si le sexe vous en dit. Attachez l’affichette à votre cou grâce à un vieux lacet ou une vieille corde de bilboquet (particulièrement au cas où vous vous seriez déguisé en bilboquet l’année précédente). Succès garanti, particulièrement dans les partys d’étudiants en art. x

Comment je m’habille?Dans un machin pseudo-journalistique rempli de références parfois obscures comme Jude, Le Délit vous met au défi de le battre en originalité.

garde-robe

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06xle délit | 31 octobre 2006www.delitfrancais.com Nouvelles

Maysa PharèsLe Délit

Le parc Normand-Bethune a accueilli, le samedi 28 novembre dernier, un contingent anti-impérialiste mobilisé

sous la bannière du rejet du colonialisme canadien. La manifestation reflétait l’hostilité grandissante de l’opinion québécoise à l’égard des engagements militaires du gouvernement fédéral. Au milieu de pancartes affichant, entre autres, «Canada, crisse ton camp de l’Afghanistan» et «Ils occupent, nous résistons», militants de gauche, étudiants et simples sympathisants se sont côtoyés pour dénoncer la guerre.

Selon les organisateurs, l’initiative de Bloquez l’empire a attiré autour de cinq cents personnes, un nombre dont se félicite Jaggi Singh, un des organisateurs, étant donné la pluie battante ce jour-là. La manifestation se déroulait en même temps qu’une marche organisée par Échec à la guerre. Les deux rassemblement ont comptabilisé un total de mille manifestants. La manifestation était endossée par plus de vingt-cinq associations et organismes, qu’ils soient étudiants, politiques ou à vocation nationale.

Étant donné qu’il s’agissait de la Journée internationale d’action contre l’occupation de l’Afghanistan, cette question a été le point de convergence de toutes les

revendications. Ce fut toutefois l’occasion pour une variété de causes de s’exprimer. La perspective plus large de la marche était de manifester le soutien aux luttes d’autodétermination de nations comme le Liban, la Palestine, la Colombie, les Philippines ou encore Haïti. Cela dit, la situation des autochtones du Canada était également représentée et il était question de souligner, comme l’indiquait le communiqué de presse, «la résistance anti-coloniale à Six Nations, à Grassy Narrows, à Kanesatake et à Kahnawake et dans plusieurs autres localités».

Jaggi Singh explique au Délit les motifs de ce rassemblement public pour manifester la «résistance contre la guerre». Au-delà de la seule présence militaire canadienne en Afghanistan, Singh parle d’une volonté générale de «remett[re] en question l’idée que le monde occidental puisse déterminer la manière d’être des autres cultures qui constituent la plus grande partie du monde». Il affirme que l’impérialisme tel qu’on l’entend communément, n’est pas très différent de celui qu’il dénonce aujourd’hui au sein de Bloquez l’empire: «Par “empire”, nous faisons certes référence à l’expansion colonialiste des puissances européennes au cours des siècles passés, mais la dynamique est la même aujourd’hui». Définissant son combat

comme une lutte pour l’autodétermination sur la base de la justice sociale, Singh déclare que «[c]e n’est pas nouveau, mais il est

important de le rappeler». Le groupe Bloquez l’empire ne se

contente pas d’attaquer la politique étrangère du gouvernement de George W. Bush car il

considère le Canada comme complice de l’expansion américaine. Les porte-parole de Bloquez l’empire affirment en effet que

«[l]es soldats canadiens sont en Afghanistan pour permettre qu’il y ait plus de soldats états-uniens en Irak». Selon Singh, les firmes canadiennes contribuent au même titre que notre armée à la machine de guerre américaine, car «même si nos troupes ne sont pas partout où sont celles des Américains, notre industrie leur fournit les balles avec lesquelles ils se battent». Singh déclare qu’«il est facile d’être au Canada et de critiquer uniquement les États-Unis, mais il est essentiel de dénoncer notre rôle à nous, qu’il s’agisse de nos troupes, de nos firmes, ou de nos ONG». Les organisations non gouvernementales sont en effet prises pour cibles car elles servent la dynamique impérialiste sur la base du principe de la «responsabilité de protéger», que Bloquez l’empire associe au fameux «fardeau de l’homme blanc».

Jaggi Singh s’estime satisfait de l’impact du rassemblement et considère que le message est passé Au nombre des prochaines mobilisations organisées par Bloquez l’empire, une campagne contre le recrutement de nouveaux

soldats devrait avoir lieu, bien que Singh ne sache pas encore quand précisément. Une chose est sûre, il continuera à mener son combat contre l’impérialisme occidental. x

L’impérialisme canadien dénoncéLe collectif Bloquez l’empire a organisé un rassemblement contre la présence de l’armée canadienne à l’étranger.

local

Guy et de Maisonneuve: une affiche éloquente.Maysa Pharès

De Haïti à l’Iran, toutes les causes étaient représentées.Maysa Pharès

Manifester sous la pluie, un bonheur.Maysa Pharès

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07xle délit | 31 octobre 2006www.delitfrancais.com

Nouvelles

Annie PoulinLe Délit

La Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ) était de passa-

ge à l’Université du Québec en Abitibi-Témiscaminque (UQAT), la semaine dernière, dans le ca-dre de sa campagne «22 millions pour les universités en région». La Fédération milite pour un ajuste-ment financier qui permettrait aux universités situées hors des grands centres d’offrir un service compa-rable aux autres universités.

D’après la FEUQ, les besoins à l’UQAT se font sentir sur plu-sieurs plans. Les représentants de la Fédération ont notamment remar-qué qu’il manque de professeurs et que l’offre de cours est déficiente. «Le manque de financement fait que les services et plusieurs cours ne sont pas offerts partout, ce qui affecte directement les étudiants et leur parcours académique», explique Amélie Mercier de l’As-sociation générale étudiante de l’UQAT.

L’été dernier, un comité de travail, dont faisait parti le gouver-nement provincial et les universités régionales, a reconnu le manque de ressources en région. Le co-mité a ensuite suggéré d’apporter des changements au financement, notamment en adaptant la formule de paiement en fonction des spéci-ficités propres aux universités des régions.

En août 2006, le ministre de l’Éducation Jean-Marc Fournier, a annoncé la création d’un fonds de 240 millions de dollars sur trois ans pour les universités québécoises. La FEUQ espère que de ce mon-tant, au moins un minimum 22 millions de dollars seront attribués aux régions. «Lors de la dernière

campagne électorale, Jean Charest avait reconnu que les universités “jouent un rôle fondamental” pour leur région. Il s’était d’ailleurs en-gagé à augmenter leur budget de fonctionnement. Les étudiants at-tendent maintenant que le premier ministre remplisse ses promesses», a déclaré Christian Bélair, le prési-dent de la FEUQ.

Les universités en région ne sont pas les seules à réclamer plus d’argent. Le 25 octobre dernier, un comité de travail de la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ) a conclu que le réseau collégial public est sous-financé. D’après le rapport, le manque à gagner des cégeps s’élève à 305 millions de dollars. La Fédération affirme que le sous-financement touche tous les cégeps mais que, dans les régions, ce manque d’ar-gent affecte la population de façon différente. «En région, les cégeps sont des institutions vraiment centrales au développement de la communauté puisque qu’ils repré-sentent un véritable pôle d’activité. C’est là que l’on retrouve plusieurs installations comme les piscines et les salles de spectacle par exem-ple», affirme Caroline Tessier de la FECQ.

Les cégeps reçoivent 86 p. cent de leurs revenus du gouvernement et n’ont pas le droit d’être en défi-cit. Elles dépendant donc du gou-vernement et se sentent parfois poussées à réduire leurs services. Pour les universités, la situation est différente, elles peuvent contrac-ter une dette. La semaine dernière, le vérificateur général du Québec, Renaud Lachance, évaluait à 254 millions de dollars le déficit univer-sitaire. Une dette que le gouverne-ment refuse d’éponger, puisque se-lon le ministre des finances, Michel Audet, les universités sont dirigées par des conseils d’administration autonomes. x

L’éducaquoi en région?La FEUQ fait une tournée provinciale pour demander au gouvernement d’allouer 22 millions de dollars supplémentaires aux universités en région dès cette année.

national

Le Délit est toujours en manque!Plusieurs postes restent encore à combler parmi l’équipe éditoriale du Délit. Faites-nous signe dès maintenant en envoyant un courriel à [email protected] ou passez nous rencontrer le lundi après-midi au local B•24 du Shatner.

Hugo LavalléeLe Délit

C’est en l’absence de la bienfaitrice à l’origine du projet que la Faculté de droit de l’Univer-sité inaugurait, mardi dernier, une nouvelle

chaire de droit international public. Établie grâce à un don exceptionnel de Tamar Oppenheimer, la première Canadienne nommée secrétaire générale adjointe du Secrétariat des Nations unies, la nouvelle chaire per-mettra à l’Université de conserver sa position de leader en matière d’enseignement et de recherche, a assuré le doyen de la faculté, Nicholas Kasirer.

Il fut beaucoup question de la réputation «excep-tionnelle» de l’Université McGill, de même que de sa faculté de droit, en ce jour qualifié de «magique» par la vice-rectrice aux développement et affaires universi-

taires, Ann Dowsett Johnston. Johnston a souligné les bienfaits «extraordinaires» de la philanthropie, qui fait de McGill un «endroit meilleur».

Succédant à sa collègue de la haute direction, le doyen Kasirer a pris le micro pour parler de l’impor-tance du droit international dans l’enseignement ju-ridique, affirmant que «[l]a connaissance du droit in-ternational est nécessaire à la compréhension du droit national». Rappelant le rôle de premier plan joué par de nombreux anciens de la faculté sur la scène inter-nationale, le professeur a indiqué que le geste de Mme Oppenheimer constituait un «appel» aux étudiants pour qu’ils servent au sein d’organisations internatio-nales et gouvernementales.

Nicholas Kasirer a ensuite insisté sur la nécessité pour le Canada d’harmoniser ses lois avec les précep-tes du droit international, indiquant au passage que la Journée des Nations unies (justement célébrée ce jour-là) n’était toujours pas considérée comme un jour férié au Canada, malgré la volonté jadis exprimée en ce sens par l’organisation internationale.

Avis aux académiciens qui seraient attirés par la nouvelle chaire, vous avez jusqu’au 1er décembre 2006 pour soumettre votre candidature.x

Jour magique pour la Faculté de droitInauguration à McGill d’une nouvelle chaire en droit international public.

campus

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Àl’origine, le paganisme regrou-pe tous les rites païens, c’est-à-dire non chrétiens. Cela inclut donc tant les cultes druidiques ou polythéistes que la religion musulmane. Aujourd’hui, le paganisme (certains parlent

même de «néo-paganisme») est une forme de spiritualité liée au mouvement New Age. Selon John David Hickey, adepte de longue date du paganisme, professeur au Crescent Moon Spiri-tual Learning Centre et président du Centre de ressources païennes de Montréal, le terme pa-ganisme est un «terme parapluie». «Le paganis-me est un système de croyances qui comporte quatre principes de base. Les adeptes du paga-nisme croient en l’existence de dieux multiples, en l’énergie naturelle de l’Univers, en l’esprit personnel, fait de cette énergie, et en l’équili-bre et l’interconnexion de toutes choses.» Ainsi, cette défi nition englobe aussi bien les cultes druidiques, shamanistes, égyptiens antiques, spirites que sorciers ou wiccans (voir encadré), puisqu’ils adhèrent tous à ces croyances com-munes, mais avec de différentes composantes culturelles.

Cela a pour conséquence que le paganisme est une forme de spiritualité très libre, puis-qu’il n’existe aucun livre de référence univer-sellement reconnu, aucune bible païenne, et que la plupart des mouvements païens n’ont ni hiérarchie ni église institutionnelles. «Les gens qui viennent au paganisme quittent souvent des religions très structurées et cherchent une manière plus libre d’exprimer leur spiritualité»,

explique John David Hickey. Cela explique qu’il n’y ait pas réellement de valeurs mora-les liées à la pratique du paganisme, contrai-rement à d’autres religions comme le chris-tianisme. «Certaines tendances particulières mettent de l’avant des valeurs morales, mais la seule à être reconnue par tous les groupes païens est la règle d’or, qui stipule que tu peux faire ce que tu veux, tant que ça ne fait de tort à personne. Une autre règle impor-tante est que tout ce qu’on met dans l’Uni-vers nous reviendra, qu’il faut faire attention aux conséquences.»

Rituels et sortilèges

Lorsque Hickey parle de «ce qu’on met dans l’Univers», il fait allusion à la pratique la plus connue des adeptes du paganisme: la sorcellerie. La pratique de lancer des sorts est en effet au cœur des spiritualités païennes, bien qu’elles ne l’envisagent ni ne la pratiquent de la même manière. Pour l’adepte païen, cette pratique magique cor-respond à la manipulation des énergies de l’Univers et peut revêtir diverses apparences selon chaque tradition. Par exemple, pour une sorcière wiccane il s’agira de faire brû-ler des chandelles de couleurs différentes en prononçant une formule rituelle lors d’une certaine période lunaire. D’autres croient, comme John David Hickey, qu’il est possi-ble de lancer un sort sans avoir recours à ce genre de mise en scène. «J’ai lancé un sort en venant te rencontrer. Je ne voulais pas

avoir à chercher une place de stationnement, alors j’ai fait un sort pour en avoir une en con-duisant. Quand je suis arrivé, j’avais une place parfaite. Est-ce que c’est de la magie? Est-ce que c’est moi qui ai fait ça? Je ne sais pas, mais ça marche huit fois sur dix pour moi.» Selon les traditions, les composantes matérielles des sorts seront vus comme ayant un pouvoir in-trinsèque ou comme simplement favorisant la concentration.

Les rituels publics sont généralement plus impressionnants, mettant en scène une grande composante théâtrale. Comme ils rassemblent des gens de traditions hétéroclites, ils se limi-teront souvent aux structures païennes mini-males. Ces rites débutent habituellement par la consécration d’un espace sacré, un cercle tracé à même le sol à l’intérieur duquel seront invo-quées différentes divinités, comme le Dieu et la Déesse (noms génériques des grandes divini-tés païennes) ou encore les forces élémentaires comme le Feu, l’Air, l’Eau et la Terre. Quelque fois les participants invoquent des dieux spé-cifi ques lorsqu’ils ont des demandes particu-lières. Ensuite il peut y avoir des chants, des danses, des incantations ou des offrandes afi n de plaire aux divinités.

Les fêtes païennes importantes donnent lieu à des rituels davantage élaborés et orien-tés plus précisément, puisque chacune de ces fêtes revêt une symbolique particulière. L’Hal-loween, appelé Samhain (prononcez sowwen) par les adeptes du paganisme, est une de ces fêtes. «Pour moi, Samhain est un moment pour prendre acte de ce que j’ai accompli durant la dernière année, pour changer. […] C’est aus-si un moment pour se souvenir de ceux que nous avons perdus. Ne croyez pas que nous les sorciers ramenons les morts, mais nous appelons les esprits de ceux que nous avons

perdus, pour leur dire qu’ils nous manquent.» L’année dernière, John David Hickey a participé à un rituel du Samhain pendant lequel chaque participant était invité à invoquer l’esprit d’un proche dans le cercle, à tour de rôle. «Beaucoup de gens pleuraient […] c’était très émotif.»

La communauté païenne

Ces fêtes spéciales sont également une oc-casion pour les membres de la communauté païenne de Montréal de se retrouver. La ville compte en effet plusieurs points de ressources qui desservent la communauté païenne. Plu-sieurs magasins, comme Le mélange magique, Charme et Sortilège ou La Witcha offrent une vaste sélection de livres et d’objets magiques ou entrant dans la composition de rituels (ba-guettes magiques, herbes, encens, chaudrons, cartes de tarot, pierres et cristaux, grimoires, pentacles et bijoux). Certains endroits, comme Charme et Sortilège et le Crescent Moon Spi-ritual Learning Centre, offrent également une sélection de cours et ateliers sur divers sujets reliés au paganisme comme la divination par le tarot, l’éthique de la magie, la construction d’une baguette magique, la magie rituelle, le chamanisme, l’herbalisme, la kabbale, l’intégra-tion des sorts dans le quotidien, etc. Ces cours sont habituellement divisés selon le niveau de l’étudiant et plusieurs implique la complétion préalable d’un autre cours. Ainsi, pour partici-per à l’atelier «Introduction à la boule de cristal et au pendule» l’étudiant devra avoir suivi «Ini-tiation à la voyance».

Le Centre de ressources païennes de Mon-tréal, lui, vise plutôt à donner de l’information sur le paganisme au grand public ainsi qu’aux personnes attirées par cette forme de spiritua-lité. x

Si l’Halloween amène à chaque année, avec son lot de fêtes costumées, des hordes de sorciers au chapeau pointu et de sorcières armées de baguettes magiques, des centaines de personnes pratiquent une forme de magie à longueur d’année. Notre rédacteur-reporter Pierre-Olivier Brodeur a rencontré un adepte du paganisme.

Les sorciers parmi nous

Lors du recensement de 2001, 849 personnes se sont déclarées affi liées à un culte païen, une augmentation de 400 p. cent par rapport au dernier recensement. Mais pour John David Hickey, il y aurait plutôt de

1500 à 2000 adeptes du paganisme à Montréal. Si certaines personnes ne se considèrent pas comme païennes bien qu’elles pratiquent une forme de paganisme, comme le chamanisme ou certaines spiritualités new age, plusieurs ont peur d’avouer au grand jour qu’ils adhèrent au paganisme. «Il y a beaucoup de peur de la part d e s païens, que les autres g e n s les croient mauvais (evil), qu’ils s’imaginent qu’ils adorent Satan, ce qui est faux. Ils ont peur de perdre leur emploi ou leurs amis si leur spiritualité païenne était découverte. Je crois qu’à Montréal nous sommes chanceux, car les gens sont très ouverts: tu peux porter un pentacle et les gens ne te crieront pas des insultes dans la rue […] mais je n’irais pas en Alabama avec ça autour du cou.» Cependant, il est arrivé que des gens entrent dans le magasin Le mélange magique et aspergent les employés et les clients d’eau bénite pour les exorciser en leur hurlant qu’ils allaient tous brûler en enfer. Ce n’est pas surprenant, puisqu’une brève recherche sur Internet permet de constater que la majeure partie de la littérature anti-païenne émane de groupes chrétiens fondamentalistes, qui voient à tort dans le paganisme une forme de satanisme. x

Qu’est ce le paganisme?

Une des formes de paganisme les plus connues est la wicca, popularisée par les livres du Britannique Gerald Brousseau Gardner publiés dans les années 30.

L’écrivain a affi rmé avoir découvert un coven(groupe de sorcellerie) de sorcières dont les rites remontaient à la plus haute antiquité et a publié ces rites ainsi que les sorts utilisés. Ces livres ont donné naissance à différentes formes de la religion wicca à travers le monde. Cette religion reprend beaucoup de stéréotypes culturels européens entourant la sorcellerie médiévale. Si certains adeptes croient à l’authenticité des rites rapportés par Gardner, l’écrasante majorité des historiens et des ethnologues s’entendent sur le fait qu’il s’agit d’une invention de Gardner, inspirée de travaux d’ethnologues, de rites maçonniques et rosicruciens ainsi que d’anciennes mythologies.

Wicca, l’«ancienne religion»

Vivre païen

photos Herjo Fuertes/Le Délit ; montage Mathieu Ménard/Le Délitremerciements à l’apothicaire du Mélange magique (1928 Ste-Catherine O.)

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Nouvelles

Annie PoulinLe Délit

La conférence donnée à l’Université de Montréal par Shirin Ebadi, lauréate d’un prix Nobel, s’intitulait «L’Islam,

les droits des femmes et l’Occident». C’est la première de la série Franchir les frontières, une suite de conférences qui vise à présen-ter annuellement une personnalité de renom mondial à l’intention du grand public.

Shirin Ebadi a inauguré la nouvelle série de conférence de l’Université de Montréal en parlant pendant plus d’une heure dans sa langue maternelle, le farsi. Ceux qui ne parlaient pas cette langue ont pu bénéficier d’une traduction simultanée en français. Plu-sieurs membres de la communauté iranienne de Montréal se sont déplacés pour écouter ce que leur compatriote avait à dire. Mme Ebadi a parlé de la paix au Moyen-Orient et des façons de parvenir à une coexistence pa-cifique entre plusieurs cultures.

Lors de la période de questions, un homme s’est avancé à l’un des micros dis-posés dans la salle. Il s’est présente en fran-çais, a dit qu’il était Iranien puis a poursuivi en farsi sur un ton sec. Le visage de Mme Ebadi a change, la foule a attendu silencieu-

sement qu’on lui dise ce qui n’allait pas. La conférencière a fait signe à son interprète de traduire la question afin que tous puissent comprendre: «Mme Ebadi, pourquoi croyez-vous que l’on vous a décerné le prix Nobel de la paix? Est-ce que vous croyez que les femmes sont dignes de recevoir un prix pa-reil?» Il y a eu un malaise dans la salle, les gens murmuraient. Une femme s’est alors exclamée: «N’a-t’il rien compris de tout ce que la conférencière vient de dire?» Le dis-cours de Shirin Ebadi portait justement sur l’incompréhension.

«Ceux qui disent que l’Islam est incom-patible avec la démocratie et le respect des droits de la personne ne comprennent pas bien l’Islam. Ils se basent sur les propos de quelques extrémistes qui interprètent le Co-ran à leur façon et disent au peuple que la femme ne devrait pas être égale à l’homme.» Selon Mme Ebadi, le prophète Mahomet res-pectait les femmes et était ouvert aux autres cultures. Sous son règne les fidèles d’autres religions pouvaient vivre tranquillement. Pour la conférencière, dans ce contexte, il est donc illogique d’affirmer que l’Islam est fondamentalement répressif et incompatible avec la démocratie. «Des valeurs comme la paix, la démocratie, le respect du droit des femmes et des autres races sont universel-les et compatibles avec toutes les cultures puisqu’elles sont désirables pour tout le

monde.»D’après Mme Ebadi, pour expliquer la

vague de haine envers l’Occident qui touche les pays musulmans, il faudrait se tourner vers d’autres théories. «Les actes de haine envers l’Occident et les autres religions ont deux causes: l’injustice et l’incompréhen-sion. Les gens qui vivent dans la misère et la pauvreté, qui sont écrasés sous des dictatures qui ne respectent pas leurs droits, se sentent pris au piège et se tournent vers le terroris-me. […] Bien sûr que ces peuples préfère-

raient vivre dans une société plus ouverte, où l’on respecte leurs droits et on écoute leurs opinions. Mais ce n’est pas le cas.»

Shirin Ebadi a terminé son discours en remettant en question l’intervention mili-taire de plusieurs pays occidentaux dans le monde arabe. «Ce n’est pas en attaquant ces pays que la démocratie va naître au Moyen-Orient. Cela doit venir de l’intérieur. La dé-mocratie n’est pas une marchandise que l’on peut exporter et ça, l’Occident va devoir le comprendre.» x

L’Islam et démocratie ne sont pas incompatiblesShirin Ebadi, lauréate du prix Nobel de la paix en 2003, s’est adressée à plus de mille personnes jeudi dernier à l’Université de Montréal.

local

Shirin Ebadi martèle la nécessité de l’Occident de modifier sa perception de l’Islam.Annie Poulin/Le Délit

Andreea IliescuLe Délit

«Merci pour votre discours M. Hersh, vous m’avez fait peur», fut la réaction d’un

jeune étudiant à la fin de la conférence du journaliste du New Yorker Seymour Hersh, intitulée Report from Washington. Seymour Hersh est un des plus grands et des plus controversés journalistes d’enquête améri-cain. Il a reçu le prix Pulitzer pour son livre Chain of Command: The Road from 9/11 to Abu

Ghraib. Hersh a suscité la terreur de l’assis-tance au centre Mont-Royal le 26 novembre dernier, évoquant les horreurs de la guerre en Irak et de la politique menée par George W. Bush dans sa quête pour le renforcement de la démocratie.

L’année prochaine se passera mal ou du moins c’est ce que Hersh prédit en rappelant les cinq zones instables que sont l’Iran, l’Irak, la Corée du Nord, la Palestine et le Liban. «Peut-être Bush s’attaquera-t-il à l’Iran», va-t-il jusqu’à spéculer.

Une expansion inquiétante«Bush croit que les gens vont finale-

ment se rendre compte du fait qu’il a raison et que dans dix ou vingt ans on lui rendra hommage pour sa stratégie», déplore le jour-naliste. Or, à la question «Peut-on attendre quelque chose de rationnel de la part de Washington?» demande le conférencier, qui émet des réserves, décrivant Bush comme un président radical, incapable d’appren-dre de ses propres erreurs, inapte à chan-

ger, prônant la démocratie comme solution pour tous les problèmes. Le journaliste du New Yorker soutien que le but serait pour les États-Unis de s’assurer la suprématie sur la scène internationale à travers un contrôle de tous les pays.

Selon Hersh, il n’y a jamais eu d’armée aussi violente que celle des États-Unis. Il af-firme que les camps militaires et les prisons sont des lieux où aucun règlement n’est ap-pliqué et dont la devise serait «Fais ce que tu veux pourvu que l’on ne t’attrape pas». Pour combler cela, le 6 septembre 2006, Bush avait demandé que la torture soit légalisée par le Congrès, une manière d’institutionna-liser et de justifier cette pratique.

L’enfer sur TerreAbou Ghraib est aux yeux de Hersh l’en-

droit le plus associé avec le non-respect des droits de l’Homme. Des civils y ont été déte-nus et torturés, les femmes, témoigne-t-il, « priaient leurs proches de venir les tuer». Les humiliations auxquelles elles ont été soumi-

ses peuvent être qualifiées de «cauchemars». Des photos avec des prisonniers forcés à prendre des poses humiliantes, à simuler des actes sexuels ont déclenché l’indignation du grand public. Hersh cite un général irakien qui fait référence aux conséquences de ces actions. «Vous ne pouvez pas vous rendre compte de ce que vous avez fait». L’homo-sexualité étant condamnée par la loi islami-que, il est humiliant pour des hommes de se retrouver nus devant d’autres hommes.

Cependant, les prisonniers ne sont pas les seuls affectés. La mère d’un militaire aurait affirmé: «Je leur ai donnée un bon garçon, il m’ont renvoyé un assassin». Une autre femme avait senti le besoin de chan-ger de peau en ayant recours à des tatouages couvrant l’ensemble de son corps. Il ne s’agit pas de confondre bourreau et victime mais de faire la part des choses.

Hersh conclut que «Rien n’arrivera tant que nous [les Américains] resterons là-bas, c’est une fantaisie que d’y croire.» x

Le prix de la paix Le grand journaliste américain Seymour Hersh était de passage à McGill la semaine dernière.

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11xle délit | 31 octobre 2006www.delitfrancais.comArts&Culture

Julie RousseauLe Délit

Avec le démantèlement de l’Empire ottoman en 1920, les Kurdes ont vu pousser des frontières sur leur

territoire. Turquie, Syrie, Irak et Iran se partagent aujourd’hui le Kurdistan. Avec une population de plus de trente-cinq millions de personnes, le peuple kurde constitue la plus grande nation sans pays du monde. Les Kurdes partagent une langue et une culture commune, mais aussi la souffrance liée à leur destin tragique sur un territoire instable et divisé. Depuis une quinzaine d’années, le peuple kurde partage également une effervescence, une vivacité culturelle qui s’exprime comme elle le peut. Par la culture, les Kurdes peuvent rendre tangible leur pays, qui n’existe que dans l’imaginaire collectif. L’émergence de leur cinéma, malgré certaines difficultés de création, offre au Kurdistan une reconnaissance que le politique ne lui accorde pas.

Le jeune cinéma kurde traite surtout de la division du Kurdistan et de ses conséquences sociopolitiques. Exils, voyages et frontières sont des thèmes récurrents. Souvent tournés dans des conditions difficiles, sans techniques de pointe et avec des acteurs amateurs, les films traduisent l’urgence de la création. Il s’en dégage tout de même une grande force, une preuve que les Kurdes, malgré le déracinement et le désespoir, existent encore.

Une vingtaine d’oeuvres seront présentées à la Cinémathèque québécoise cet automne. Les Rencontres internationales du documentaire de Montréal (du 9 au 19 novembre) consacreront également un volet aux productions kurdes. La sélection rassemble plusieurs réalisateurs réputés. Voici quelques recommandations du Délit:

Les films d’Yilmaz Güney, pionnier du cinéma kurde, permettent au spectateur de découvrir la première vague de ce cinéma. Originaire de Turquie, Güney le militant a été plusieurs fois emprisonné pour ses prises de position politiques. Certains de ses films, dont Yol (La permission), palme d’or ex-

æquo à Cannes en 1982, ont même été réalisés selon ses directives, alors qu’il était incarcéré. Tourné au Kurdistan et présentant des personnages de la région, le film est cependant en langue turque. En effet, jusqu’en 1991, une loi interdisait aux kurdes l’usage de leur langue maternelle.

Bahman Ghobadi est né en Iran et fait partie de la nouvelle génération de réalisateurs d’expression kurde. Ne manquez pas l’occasion de voir (ou de revoir) son très poignant Les tortues volent aussi, prix du public du Festival du nouveau cinéma de Montréal en 2004. Mettant en vedette un groupe d’enfants dans un village du Kurdistan irakien peu avant l’attaque américaine, le film montre le désespoir face à l’impossibilité de s’offrir un monde meilleur. Ghobadi dit vouloir créer un «cinéma vraiment kurde. […] Les Kurdes sont toujours en train de bouger, explique-t-il, c’est quelque chose qu’ils ont en commun avec le cinéma, qui est l’art du mouvement.»

Enfin, le réalisateur originaire d’Irak Hiner Saleem représente bien l’effervescence du cinéma kurde. Son premier film, Vive la mariée… et la libération du Kurdistan!, réalisé en 1998, dépeint l’humour particulier de son peuple. Saleem réussit à tourner la tragédie au burlesque, à montrer la douleur dans une gaieté du désespoir. La rétrospective présente plusieurs films du réalisateur, dont Passeurs de rêves, sur l’absurdité des frontières, Vodka Lemon, souvent décrit comme une version glacée de Bagdad café, et Kilomètre zéro, un road-movie poussiéreux dans le désert irakien présentant la situation kurde sous Saddam Hussein.

«Notre passé est triste, notre présent est tragique, heureusement nous n’avons pas d’avenir», disait le grand-père de Saleem en parlant de son peuple.

Il semble que son petit-fils et ses compatriotes ne veulent pas lui donner raison. En effet, par leur richesse culturelle, les Kurdes réussissent à créer un imaginaire collectif transfrontalier, une existence. x

L’Odyssée du cinéma kurde est présentée à la Cinémathèque québécoise, 355, De Maisonneuve E. (métro Berri-UQÀM) jusqu’au 9 novembre. L’horaire des films est disponible au www.cinematheque.qc.ca. Le prix d’entrée étudiant est de 6$ par séance.

Construire un pays par le cinémaLa Cinémathèque québécoise invite le public à découvrir l’imaginaire cinématographique du peuple kurde à travers sa rétrospective L’odyssée du cinéma kurde, présentée jusqu’au 9 novembre.

Kilomètre zéro d’Hiner Saleem, présenté en avant-première à la Cinémathèque, prendra également l’affiche au cinéma Parisien dès le 10 novembre. Hiner Salem

Ghabadi nous montre la vie d’enfants dans un camp de réfugiés irakiens peu avant l’invasion américaine dans son film Les tortues volent aussi

cinéma

Bahman Ghabadi

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12xle délit | 31 octobre 2006www.delitfrancais.com

Alexandra HavrylyshynLe Délit

Poor Liza, un film de la scénariste So-phia Romma et de la metteure en scène Slava Tsukerman, était présenté

à McGill mercredi soir dernier par le dépar-tement d’études russes et slaves. Le film, une adaptation d’une nouvelle par Nikolaï Kar-mzin, auteur russe du XVIIIe siècle, porte sur un thème universel et intemporel: le suicide chez les jeunes.

Au Québec, c’est un problème qui est loin d’être résolu: selon l’Institut national de santé publique, le tiers des décès d’ado-lescent entre 15 et 19 ans est attribuable au suicide, soit le taux le plus élevé au Canada. L’Association québécoise de prévention du suicide consacre d’ailleurs toute une semai-ne en mi-février pour faire la prévention du suicide. Selon ces deux organismes, l’un de

ses motifs importants chez les jeunes serait l’angoisse des premiers échecs amoureux!

Dans le film écrit par Sophia Romma, qui a reçu le prix du meilleur scénario au Festival de films de Gatchina en Russie en 2001, c’est exactement cela qui pousse Liza (Barbara Bobulova), le personnage principal, à s’enlever la vie. Jeune fille pauvre originaire d’un village aux alentours de Moscou, elle vient chaque jour dans la ville pour vendre ses fleurs. Elle y tombe amoureuse d’un aris-tocrate, Erast (Gabriel Olds), qui lui promet l’amour éternel. Dans sa naïveté, elle le croit. Le film illustre d’ailleurs bien l’innocence du premier amour: dans son imagination, elle pense déjà au jour où il lui proposera de l’épouser. Sa mère, par contre, est plus scep-tique, et avertit sa fille d’avoir moins confian-ce en son amant. C’est d’ailleurs dans l’une des premières scènes que les spectateurs sont informés que sa mère a raison.

Poor Liza manque néanmoins un tanti-net d’authenticité et d’émotion. D’une part par le ton souvent monotone des acteurs. Ils manquent de ce qu’on appelle au théâtre la bonne élocution, d’un changement du ryth-me ou de l’intonation de la voix tout simple-ment. Cela enlève la profondeur de certaines conversations à maintes reprises. D’autre part, ceux-ci ne parlent pas en russe mais en anglais avec un accent slave. On rit ainsi par-fois aux moments où il ne faudrait pas.

Malgré ces défauts, il faut dire que le film porte sur un thème pertinent, qui fait écho

au Québec d’aujourd’hui. Même si l’his-toire est ancrée dans les siècles passés de la Russie, Romma pose des questions qui sont toujours d’actualité. Pourquoi, par exemple, les personnes ont-ils tendance à s’isoler lors d’une situation déprimante et de ne pas se prendre en main ou demander de l’aide? Romma, qui est moscovite de naissance mais qui réside désormais aux États-Unis,

était présente à la projection. Elle a d’ailleurs précisé: «C’est un thème qui m’est proche. Je connais bien le sentiment de vouloir se dé-truire à cause d’un être qu’on aime.» Elle a ajouté: «Je ne suis jamais venue au Canada, mais j’ai toujours voulu y aller.» C’est en réalisant son désir qu’elle a partagé son film remarquable avec les étudiants de McGill et les Montréalais mercredi dernier. x

Catherine Côté-OstiguyLe Délit

L’Office national du film (ONF), dont la réputation n’est plus à établir sur la

scène cinématographique québé-coise, lançait il y a quelques semai-nes Cinéma québécois, version court, une compétition de courts métra-ges interactive et fort intéressante. En effet, vous pouvez, et ce jus-qu’au 21 décembre, aller visionner les quelque trente films participant à ce concours qui a pour but d’en-courager la relève, tout en éveillant chez le public un intérêt pour les courts métrages, un genre souvent négligé.

Ainsi, en vous rendant sur le site Le court en web, vous pourrez voir ces oeuvres souvent éton-nantes, qui s’inspirent des piliers

du cinéma québécois. Cette se-maine se déroule la seconde des trois rondes de quart de finale, durant laquelle sont présentés dix films, dont seulement cinq pour-ront passer en demi-finale. Parmi les participants de cette deuxième ronde, on retrouve un hommage à Elvis Gratton, l’histoire d’une prostituée et de son fils ou encore un mélange de bingo et d’extraits

sonores divers. Tous les goûts se-ront ainsi satisfaits. Mon coup de cœur personnel demeure Wow de 1 à 10, un film réalisé par Marianne Gravel rendant hommage au ci-néaste Claude Jutra. C’est avec des images magnifiques mais réalistes que cette oeuvre dépeint les rêves et les pensées de jeunes enfants, re-prenant ainsi le concept que Jutra exploitait dans Wow, à la fin des an-

nées soixante. Leur naïveté est tou-chante, certains rêvant par exemple de devenir peintre, explorateur ou même Spider-Man!

Une fois que vous aurez co-tés les courts métrages visionnés, vous pourrez ensuite assister à l’évolution de la compétition et ainsi savoir si vos oeuvres favorites sont passées à l’étape suivante. Au terme du concours, deux bourses

d’une valeur de 2500$ seront remi-ses aux cinéastes dont les oeuvres auront gagné la faveur du public. Mais en plus de ces prix attribués selon les votes des internautes, un jury sera chargé de désigner un grand gagnant, qui se verra remet-tre une caméra haute définition. Et ce ne sont pas les seuls qui courent la chance de gagner: en votant, les internautes courent la chance de gagner plusieurs prix (lecteur DVD portatifs, coffrets de classiques du cinéma québécois).

Vous avez donc jusqu’à la mi-décembre pour aller visionner ces petits bijoux de la relève cinéma-tographique québécoise. Et restez à l’affût pour voir lesquels d’entre eux se rendront jusqu’en finale, puisque nombre de ces réalisateurs ne manqueront pas, j’en suis sûre, de devenir de plus en plus présents sur la scène culturelle du Québec. Vous pourrez ainsi dire que vous aurez assisté à leurs débuts! x

Le concours Cinéma québécois, ver-sion court, se poursuit jusqu’au 21 décembre. Pour visionner les films ou pour plus d’information, rendez-vous à l’adresse suivante: www.onf.ca/cour-tenweb/.

Amateurs de cinéma, à vos souris!Une compétition de courts métrages s’installe sur le web.

Arts&Culture

cinéma

Pauvres Russes!Poor Liza, adaptation cinématographique d’une nouvelle russe, était présenté à McGill mercredi dernier

cinéma

Rolline Laporte

Dans Mémoire morte, les troubles de mémoire d’une jeune femme la mettent étrangement en péril

DR

C’est dans un Moscou du 18ème siècle que prend place le film Poor Liza

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13xle délit | 31 octobre 2006www.delitfrancais.com

Lawrence MonosonLe Délit

À l’occasion du soixantième anniversaire de la Deutsche Film-Aktiengesellschaft (DEFA, les studios de production cinématographique de

l’Allemagne de l’Est), au Goethe-Institut de Montréal présente une sélection de la série «Rebelles pour la bonne cause», organisée par le Museum of Modern Art de New York. Et le rebelle de la journée, c’est Egon Günther, réalisateur du fi lm Her Third.

En 1971, de l’autre côté du rideau de fer, Egon Günther tournait Her Third. Sachez d’ores et déjà que les caméras de Günther sont loin d’être rouges. «Le tampon offi ciel disait qu’il fallait tout respecter: aucun changement de scénario n’était offi ciellement autorisé. Mais je n’ai respecté aucune de ces consignes-là!» déclarait-il de son fi lm! Ni les tampons, ni les mœurs ne pouvaient empêcher Günther de réaliser un fi lm à la fois avant-gardiste et choquant. Il évoque sa rébellion avec pleine humilité: «Je ne faisais que décrire une situation qui existait. Je l’ai simplement rendue publique». Derrière les grilles du célèbre checkpoint

Charlie, il est diffi cile de s’imaginer un studio de production. Bien au contraire, le réalisateur vente les mérites de la DEFA avec amour et nostalgie: «le studio était très grand, il offrait plein de possibilités, et en plus peu de monde l’utilisait. Des conditions de tournage idylliques!».

Alors que Günther a su profi ter des avantages communistes de la RDA, il n’hésite pas à dépeindre une Allemagne de l’Est en pleine effervescence sexuelle. Her Third retrace dix-huit ans dans la vie de Margit à travers une série de fl ash-backs. Cette forme non chronologique a plu à Günther puisqu’elle lui a permis d’«essayer autre chose». Une série de clichés se succèdent pour former une histoire d’amour divertissante, attestant de l’évolution et de l’indépendance de la femme en Allemagne de l’Est. Deux relations amoureuses ratées, deux enfants, une amie et fi nalement l’amour tant espéré. Le rôle principal est interprété avec tact par Julia Hoffmann, désignée meilleure actrice au festival de Venise.

«Beaucoup de femmes m’ont félicité de leur avoir donné la parole.» Et cette parole on la retrouve tout au long du fi lm: pour la première fois une femme fait le premier pas vers un homme, deux meilleures amies se découvrent dans un moment d’excitation sexuelle… Autant de scènes qui pour l’époque constituent un véritable affront socioculturel au régime en place. Günther a échappé tant bien que mal aux critiques étatiques («enlevez-moi cette cochonnerie!»). Il met son succès sur le dos de la chance et du fait qu’il n’a jamais dépassé trop les frontières: «il y a du sexe, mais pas trop».

Si les années soixante-dix vous manquent, ou que vous êtes curieux de connaître ce qui se cache derrière les bobines est-allemandes, vous devriez jeter un coup d’œil à Her Third ou un autre fi lm de la sélection. x

La série de fi lms «Rebelles pour la bonne cause» est présentée au Goethe-Institut jusqu’au 15 décembre, les jeudis à 20h et les vendredis à 18h30. Les billets coûtent 7$, 6$ pour étudiants. Pour plus de renseignements: www.goethe.de/uk/mon.

Egon Günther célèbre les femmes dans une Allemagne de l’Est des années 70, défi ant le régime socialiste de l’ère, tout comme les autres cinéastes présentés dans la rétrospective Rebelles pour la bonne cause au Goethe Institut.

cinéma

Les femmes qui font le premier pas

Arts&Culture

Les curieux des tabous sexuels de l’ex RDA seront satisfaits avec Her Third.gracieuseté Goethe-Institut Montréal

Critique littéraireAlexandre Duval

J’AIME MES AUTEURS BIEN CINGLANTS. J’aime ceux qui s’attaquent à mes convictions sans relâche. Comment peut-on prétendre apprendre quelque chose d’utile en ce bas monde si on lit uniquement des livres qui viennent nous réconforter dans nos mythes? Voilà pourquoi j’ai décidé d’écrire cette chronique sur Maurice G. Dantec. Je ne crois pas qu’il existe une personne sur cette terre qui s’acharne à détruire mes conceptions morales, politiques, philosophiques et

sociales avec autant de détermination que cet homme. Pour ceux qui ne connaissent pas encore le personnage, voici

une brève biographie: né à Grenoble en 1959, il vit en France jus-qu’en 1998, moment où il décide de venir s’installer à Montréal. Jusqu’à aujourd’hui, il a publié neuf livres, dont la plupart sont des romans de science-fi ction. Il se dit d’ailleurs être un «catholique du futur». Même s’il se concentre principalement sur la fi ction, il donne toujours une dimension politique et philosophique à ses oeuvres. Dans les médias, il se montre très critique envers l’isla-misme, les élites québécoises ainsi que la société européenne en général. Il collabore également à la très conservatrice revue cana-dienne-française Égards.

En attendant de mettre la main sur son dernier bouquin, Grande jonction, je me suis intéressé à La sirène rouge, sa toute pre-mière publication, qui l’a rapidement établit à l’avant-scène litté-raire. Contrairement aux autres, cette oeuvre se déroule à notre époque, en 1993, et elle ne traite pas de science-fi ction. Il s’agit plutôt d’un mélange de roman noir et de roman policier qui s’étend sur 592 pages.

Tout débute à Amsterdam lorsqu’Alice, une petite fi lle de douze ans, décide de fuir la maison familiale parce qu’elle a dé-couvert que sa mère et son beau-père sont des tueurs en série. En effet, ces derniers kidnappent des innocents, leur font subir des sévices corporels et sexuels pour ensuite s’abreuver de leur sang et les assassiner cruellement. Complètement dégoûtée, Alice se rend alors dans un poste police où elle rencontre une inspectrice nom-mé Anita, à qui elle raconte toute son histoire. Or, étant donné qu’elle ne possède pas de preuves suffi santes, l’agente ne peut les arrêter. De plus, Anita se voit obligée parla loi loi de ramener Alice à ses parents. La petite fi lle décide donc de s’enfuir, et c’est à ce moment là qu’elle tombe sur Hugo, un mercenaire au passé très nébuleux, qui décide de l’aider...

Je résumerai la suite des événements ainsi: il s’agit d’un mé-lange homogène entre The Fugitive, le premier Kill Bill et Titanic. Le fugitif pour l’immense chasse à l’homme qui s’ensuit. Tuer Billpour les meurtres et les bains de sang à n’en plus fi nir. Finalement, Titanic parce que la scène fi nale se déroule sur un gros bateau qui coule dans l’Atlantique. L’écriture de Dantec rappelle vraiment le déroulement d’un fi lm d’action. Il sait très bien comment garder son lecteur en haleine. Une explosion. Une courte pause. Plu-sieurs tirs. Une courte pause. Une plus grosse explosion.

Toutefois, d’un autre côté, je dois dire que je m’attendais à plus de Dantec, l’homme de tous les débats, l’homme qui criti-que tout. Outre quelques commentaires par rapport à la guerre en Bosnie-Herzégovine, le récit manque de profondeur. Les per-sonnages sont dessinés avec des traits gras et un peu malhabiles: la mère d’Alice est trop méchante et trop sadique, Alice est trop intelligente et trop mûre pour son âge et Hugo est trop mystérieux et trop sûr de lui. On a l’impression de vivre dans un univers en deux dimensions. Un bon roman policier, sans plus. Mais il ne s’agissait tout de même que de son premier livre. Il faut laisser une chance au coureur. Reste à voir si son style a évolué avec Grande jonction, prochaine critique de Dantec à venir…

Plus de sang!Découvrez le Dantec originel, cet écrivain qui a su attirer l’attention par son style peu orthodoxe et ses critiques sociales acerbes.

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14xle délit | 31 octobre 2006www.delitfrancais.com

Arts&Culture

Polyfolie

Mathieu MénardLe Délit

Il s’avère fort tentant de qualifier la plus récente édition d’Urbania (automne 2006) de bipolaire,

puisqu’elle alterne entre le glauque et le bon enfant. Avec sa mise en page éparpillée, l’ouvrage a quel-que chose de ludique, forçant le lecteur à tourner le magazine dans tous les sens et même à se procurer un miroir pour déchiffrer toutes les informations. L’illustration pro-pose quelques trouvailles intéres-santes (y compris un ingénieux dé-tournement de la carte du Québec en tache de Rorsach), mais sombre ici et là dans des excès agaçants ou étourdissants.

Dans sa quête au pays de la fo-lie, la rédaction interroge de nom-breuses figures de l’industrie du spectacle. Le lecteur y découvrira le non-sens comme un travail la-borieux pour les «sains et simples» Denis Drolet, les épiphanies spi-

rituelles d’un Normand L’Amour étonnamment candide, l’alchimie de la revendication et de l’improvi-sation chez les George Leningrad. Dans le monde du divertissement, la folie est un détour du sentier de la raison, que l’on emprunte le temps d’une performance, d’un changement de costume. Elle peut contaminer la vie de tous les jours, ainsi que le révèle une perturbante entrevue avec Alys Robi (Lady Alys pour les intimes).

Les quelques excursions litté-raires d’Urbania renvoient à Alice au pays des merveilles (un incon-tournable, en fait de folie), à la fo-lie meurtrière de Kimveer Gill (un spectre de l’actualité). Les amateurs de croustillant se régaleront sans doute de la réponse au roman Folle de Nelly Arcan. En effet, Urbania a profité de l’occasion pour donner la parole à l’ex de la célèbre roman-cière scandalophile.

La folie, toutefois, peut aussi être un univers hermétique qui engouffre sans discrimination les membres de la famille, les amis et les connaissances. Un phénomène

qui paraît banal en surface (voyage, consommation de drogue) peut être suffisant pour déclencher la schizophrénie et rendre non fonc-tionnel un individu dans la fleur de l’âge. Que faire avec ces individus qui ne peuvent plus communiquer suivant les normes de la logique?

Le fou du village, baromètre de la normalité, a perdu son rôle de mascotte, de héros des histo-riettes locales, comme le déplore le conteur Fred Pellerin, également interviewé ce trimestre-ci: on l’a d’abord placé en institutions, avant de couper les vivres aux asiles. Il est désormais le personnage de nos stations de métro, ou même le fou des banlieues. Nombreux sont les auteurs qui déplorent ou con-damnent les traitements axés sur les interventions physiques ou les mixtures chimiques et leurs nom-breux effets secondaires. L’époque des lobotomies et des camisoles de force est révolue -–on commence à intégrer l’art-thérapie, à trouver des traitements plus ciblés, mais le combat est loin de s’achever.

Dans l’ensemble, Urbania réussit à unir le divertissant et le pertinent. On finit sa lecture en ap-préciant sa propre rationalité.x

Pour plus d’information, consultez www.urbania.ca

magazine

Un petit brin de folie, une fourchette dans l’œil...Roger Proulx

Quand le magazine Urbania s’aventure au coeur de la folie, il en résulte une curieuse dissonance entre la légèreté et la consternation.

Wow. Totalement déjanté. Totale-ment froid. Totalement tout. L’auteur parle

de «barbouillages at-mosphériques» et de «livre insolent». Il a tout à fait raison. Le scéna-rio est (tenez-vous bien) une porte invisible qu’il arrive qu’une jeune fille porte sur le dos pour échapper au dogme. Et pourquoi pas une série de ficelles initia-tiques qui tressent des ponts d’absurde entre une multitude d’his-toires (on ne s’épargne jamais l’augmentation des probabilités) ou qui nouent un collet pour attacher les personna-ges qui dépassent leur rôle? La quête absurde porte en elle des éléments mille fois traités, mais il s’en dégage une fraîcheur nouvelle (voire une froideur dans le cas de Minerve, dont chaque phrase résonne comme un coup d’horloge dans l’air glacé des soirées d’hiver). La langue est précise et empreinte d’une surprenante poésie caustique.

La cohésion tordue de cet univers en spirales, en tunnels et en tiroirs, est reflétée dans un dessin torturé et vertigineux. Ça vous brise une ligne de perspective. Comme la logique interne, le dessin doit être appri-voisé. Au premier abord, Minerve se présente comme un gribouillis de coin de table, pas

encré et numérisé (c’est peut-être le cas, le tout a été bouclé en deux semaines): le crayonné est lourd, les traits, inégaux et durs; les retouches et les cor-rections, très visibles. À la longue pourtant, la technique de David Turgeon transparaît: à bien y regarder, toutes les ombres sont splen-dides, les perspectives sont résolues, les an-gles audacieux. Et si l’on se met à parler de la dynamique de course renversante, des mon-tagnes au profil dur et escarpé ou à l’aura

lasse de Minerve, on en aura pour toute la nuit.

C’est très étrange tout ça. Mais Minerve en entier est très étrange. Et très prenant. (Montréal, Mécanique générale, 2006, 78 pa-ges, crayonné) x

Laurence Bich-Carrière

DAVID TURGEONMinerve

critiques de bédé, le retour

Le concept, c’était qu’Iris crée une planche par jour pour son blogue. Tout son été 2005 y passe: une plan-

che par jour, c’est du boulot, même quand on fait un bac en bédé! Le résultat en vaut la peine. Iris partage dé-sormais sur papier quelques bribes de la vingtaine d’années de tranches de vie accu-mulées: jokes plates sur les noms de famille au primaire, cigarettes grillées en cachette à 14 ans, maudite côte pour se rendre à l’éco-le, un chum des chats (qui font d’ailleurs désormais l’objet de leurs propres aven-tures), vacances en France et les road-trip dans divers salons et festivals, l’angoisse de se «trouver une vraie job qu’on aime», la vie d’étudiante. Les su-jets abordés ne manqueront pas de finir par toucher le lecteur-type du Délit, même si les planches –comme les souvenirs d’ailleurs– finissent parfois en queue de poisson. Sans début ni fin véritables, les carnets présen-

tent des moments, dans le mélange le plus total (on appelle ça du décalage).

Côté technique, au 29 juillet 2005, Iris écrit «[A] priori, j’adore pas dessiner. […] J’aimerais simplifier mon dessin encore plus […] Ce que j’aime moi, c’est racon-ter». Ça paraît quand même un peu. Malgré quelques expressions faciales particulière-

ment réussies, le des-sin reste simplet. On finit par s’y habituer au bout d’une vingtaine de pages, les couleurs vives aidant à donner du rythme à un des-sin où le mouvement s’insère surtout à coups de conventions graphiques. Ce qui fait le charme des Rellignes, c’est plutôt la viva-cité du ton sur lequel sont rapportées les capsules de la vie de l’auteure: naturel, un peu nonchalant, un peu complexé, selon les planches. Mignon.

(Montréal, Mécanique générale, 2006, 102 pages, couleurs)x

Visitez le blogue d’Iris au monsieurleblog.canalblog.com.

Laurence Bich-Carrière

IRISDans mes rellignes

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15xle délit | 31 octobre 2006www.delitfrancais.com

Arts&Culture

La littérature sauvageLucille Hagège

C’EST LORSQUE LE VENT FAIT frémir les dernières feuilles frisées des arbres, que l’odeur sucrée de citrouille se mêle à celle des caramels et que les enfants de la ville se transforment en lutins, vampires et fantômes l’espace d’une nuit, qu’il est le plus délectable de s’offrir des frissons littéraires.

Pour assouvir vos plaisirs macabres cette Halloween, voici quelques suggestions de lecture.

Tout d’abord, remontez aux sources avec le tout premier roman gothique: Le château d’Otrante, écrit par l’Anglais Horace Walpole en 1764. Le récit, qui se déroule dans un mystérieux château du Moyen-Âge, a fait claquer les dents de l’Angleterre du XVIIIe siècle et donné naissance au genre fantastique.

Enfant des contes de fées, des histoires de loup-garou et des superstitions les plus folles, le genre du fantastique est caractérisé par l’irruption d’un phénomène inexplicable dans le monde réel. Le genre se place en totale opposition avec le rationalisme et la confi ance du siècle des Lumières. D’autres classiques? Mystères du château d’Udolphe (1794) d’Anne Radcliffe, qui met en scène des jeunes fi lles sensibles dans un univers effrayant où des portes secrètes s’ouvrent sur des visions d’épouvante et Frankenstein ou la Prométhée moderne (1818), la fameuse histoire d’un jeune chercheur qui crée un être vivant a son image à partir de morceaux de cadavres, écrite par une Mary Shelley d’à peine 19 ans.

Mais si vous voulez plutôt vous vanter d’avoir lu le premier livre où fi gure un vampire, un archétype du genre, alors tentez le terrifi ant Carmilla (1871) de l’Irlandais

Sheridan Le Fanu, le livre qui infl uença le fameux Dracula (1897) de Bram Stoker

Pour les débuts fantastiques francophones, allez voir Le diable amoureux (1772) de Jacques Cazotte ou L’élixir de longue vie (1816), qu’Honoré de Balzac écrivit sous le pseudonyme Horace de Saint-Aubin.

Du côté de l’Amérique, tentez L’abomination de Dunwich (1928) de H.P. Lovecraft, le père incontesté de la littérature fantastique américaine moderne. Il est l’auteur de plus d’une soixantaine de nouvelles et aurait, dit-on, infl uencé Stephen King.

À l’époque moderne, la littérature de l’horreur se distingue des récits fantastiques plus traditionnels. À la place de châteaux situés dans des paysages grandioses, on trouve un univers quotidien sordide et des personnages dont les pulsions apparaissent monstrueuses par rapport à une norme sociale intériorisée par le lecteur. Chez les auteurs francophones, le roman Malpertuis (1943) de Jean Ray est incontournable. Son adaptation cinématographique en 1962 par Harry Kumel, avec Orson Welles et Michel Bouquet, a d’ailleurs contribué au renouveau du genre fantastique des années 70.

Mais plus près de chez nous et dans le monde merveilleusement gratuit de l’Internet, parcourez le fanzine Carfax (1984-1987), une publication québécoise consacrée aux nouvelles fantastiques.

Le fanzine Carfax est disponible au www.geocities.com/carfaxfanzine.

Émilie BeauchampLe Délit

Avec déjà huit soirées improductives à leur actif, les Improductifs sont plutôt occupés

pour porter un tel nom! Ce qu’ils font? Loin d’être liés à la procrastination et à l’ennui, ce groupe d’humoristes nous convie à des soirées d’impro «préparées». Voilà déjà beaucoup d’antithèses pour

un début d’article, alors clarifi ons: quatre comédiens sont sur scène et interprètent au cours d’une soirée déjantée diverses performances, toutes improvisées. Un animateur, agissant en tant que maître du jeu, et le public, constamment convié à

interagir avec les comédiens, complètent le spectacle.

Bien qu’elles soient improvisées, les performances doivent respecter un concept bien précis pour chaque sketch et doivent aussi répondre aux exigences spontanées du public, qui détermine les barèmes et les paramètres des numéros avec le maître du jeu. Les comédiens doivent tantôt jouer, tantôt chanter, parfois même danser et, surtout, ils doivent exécuter n’importe quelle idées ludique qui lui permettrait de gagner les votes du public à la fi n de la soirée. Parmi les improductifs réguliers nommons Simon Boudreault, Daniel Malenfant, Laurent Paquin et Eric Desranleau. La présence d’une des trois seules improductives, soit Diane Lefrançois, Sophie Caron ou Maryvonne Cyr, ajoute habituellement du piquant à la présentation et a tendance à provoquer une compétition accrue entre comédiens! Les Improductifs seront au Cabaret music-hall les 7 novembre, 5 et 19 décembre prochains. x

Pour plus d’information sur les Improductifs et leurs spectacles: www.improductifs.com

découverte

Venez procrastiner devant l’improductivitéQuoi de mieux que de passer ses soirées à s’amuser au lieu de travailler sur un projet à remetre le lendemain matin... Avec les Improductifs, vous ne vous serez plus les seuls!

C’est le Cabaret Music-Hall qui accueille les Improductifs.

kulturkalendercompilé avec amour

par Émilie Beauchamp

Mercredi 1er au 3 novembre

Le métro vous chante Verdi

Pendant 3 jours, l’opéra de Montréal vous enchantera aux stations Place-des-Arts, Berri-UQÀM et Atwater en vous présentant des extraits de La Traviata de Verdi, nouvelle pièce présentée à l’opéra dès le 4 novembre

Où? Stations de métro Atwater, Berri-UQÀM et Place-des-Arts

Quand? de 16h à 16h30Entrée gratuitePlus d’infos? www.operademontreal.com

Samedi 4 novembre

Musica camareta

McGill présente le second concert de sa 37e saison artistique. Pour l’occasion, le fl ûtiste Denis Bluteau, la pianiste Berta Rosenohl, le violoniste Luis Grinhauz, l’altiste Chantale Boivin et la violoncelliste Mariève Bock, interpréteront la Sérénade en ré majeur opus 77a pour fl ûte, violon et alto du compositeur allemand Max Reger, la Suite privée (1988) pour fl ûte, violoncelle et piano du compositeur canadien Denis Gougeon et concluront ce concert avec le Quatuor en do mineur opus 13 pour piano et cordes du compositeur allemand Richard Strauss.

Où? Salle RedpathQuand? À 20hEntrée: 18$ pour étudiantsPlus d’infos? 514-489-8713

Mercredi 1er novembre

Incroyable Disbelief

Le département de sociologie présente un documentaire sur les relations russo-américaines à partir de la Deuxième Guerre mondiale. Durée: 105 minutes.

Où? 688 rue Sherbrooke, salle 361Quand? À 17hEntrée gratuitePlus d’infos? 514-398-6843 ou 514-398-

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Vendredi 3 novembre

Orchestre symphonique

Dirigé par Alexis Hauser, le talentueux orchestre de McGill présentera des œuvres de Beethoven, de Tchaïkovsky et d’Alexandra Fol. Venez les écouter!

Où? Pavillon Strathcona, 555 rue Sherbrooke Ouest, salle Pollack

Quand? À 12hEntrée: 10$Plus d’infos? 514-398-5145 ou 514-398-

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David Koch/Le Délit

Des histoires qui font peur...

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16xle délit | 31 octobre 2006www.delitfrancais.com

Arts&Culture

Andreea IliescuLe Délit

Artistes en herbe ou professionnels, ne restez plus dans l’anonymat ! Finalement, quelqu’un a enfin eu

la brillante idée de fournir un lieu où les étudiants de McGill peuvent exposer leurs œuvres et partager leur art. Mais de quoi parlons-nous exactement? De McGill Art, un site Internet financé par la compagnie Yum Domains, appartenant à Bradford Hines, un entrepreneur de Boston qui étu-die présentement de le français à McGill. Le Délit l’a reçu afin qu’il présente son projet.

Le Délit Pourquoi avoir choisi de

créer ce site?Bradford Hines Après avoir parlé

avec plusieurs étudiants, j’ai identifié un besoin chez les artistes de McGill. Leurs chefs d’œuvres ne pouvaient être exposés nulle part, il n’y avait pas non plus d’en-droit où ils auraient pu se faire connaître comme artistes à McGill. J’ai commencé la construction du site lancé à la fin septem-bre. Mais le site Internet est aussi consacré en bonne partie à mon art.

LD Quelle est la mission du site ? BH Il y en a deux. D’une part, il s’agit

seulement de fournir aux artistes un espa-ce, même fictif, pour exposer leur art mais aussi la possibilité de se présenter en tant qu’artistes. Chaque étudiant envoyant une œuvre est encouragé à nous faire parvenir une photo avec des informations sur lui, ce qui nous permet de réaliser un profil. Avec un peu de chance certains réussiront

peut-être à se faire connaître en tant que membres de ce club. Cela permet donc un meilleur contact avec les artistes. En regar-dant les fiches des artistes, nous accédons à des commentaires fascinants. Pour Melissa da Silva, par exemple, l’art représente l’in-dividualité: «Les personnes peuvent essayer de répliquer votre style mais ils ne vont ja-mais le dupliquer».

LD Qui a accès au site?BH Tous les étudiants de McGill y

ont accès. Nous les encourageons tous d’ailleurs, même ceux qui ne se voient pas comme des artistes traditionnels de nous envoyer leurs oeuvres d’art, poèmes inclus.

LD Mais est-ce que l’art de tout le monde peut être exposé sur McGill Art?

BH Je ne crois pas qu’il puisse exister un concept de «bon» ou de «mauvais» en ce qui concerne l’art donc tout ce que nous

recevons est accepté. Je voudrais bientôt inclure les étudiants de Concordia dans ce projet, puisque la plupart des étudiants de McGill se voient forcés de prendre des cours là-bas s’ils s’intéressent aux beaux arts.

LD Qui gère tout cela? BH Je m’occupe tout seul du site, mais

je vais chercher les étudiants qui s’inscri-vent sur le site quand j’ai besoin de con-seils, ils ont d’ailleurs contribué à la con-ception du site.

LD Quel message enverriez-vous aux étudiants artistes de McGill qui hésiteraient à prendre part au projet?

BH L’art est une forme d’expression personnelle, plus son étendue sera grande, mieux nous comprendrons la façon de penser de l’humanité et la compréhension fonde la paix. x

Le fruit d’une passion pour le beau

L’art n’a pas encore rendu l’âme à McGill.

arts visuels

photos des œuvres gracieuseté McGill Artphotos de l’arrière-plan Louis Melançon/Le Délit ; montage Mathieu Ménard/Le Délit

Lian Leng (art numérique)Cecilia Ackerman (huile sur carton)Mellisa de Silva (collage)

Guille Lasarte (photographie) Michel Chaccour (photographie)