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LECTURE DE GASTON BACHELARD [RE]DÉCOUVERTE DE LA MAISON ONIRIQUE Marie Courbet | MASTER HABITAT & ÉNERGIES Gaston Bachelard, La poétique de l’espace Chapitre premier LA MAISON DE LA CAVE AU GRENIER LE SENS DE LA HUTTE A LA PORTE DE LA MAISON QUI VIENDRA FRAPPER ? UNE PORTE OUVERTE ON ENTRE UNE PORTE FERMÉE UN ANTRE LE MONDE BAT DE L’AUTRE CÔTÉ DE MA PORTE Pierre Albert-Birot Les amusements naturels, p 217 I Pour une étude phénoménologique des valeurs d’intimité de l’espace intérieur, la maison est, de toute évidence, un être privilégie, à condition, bien entendu, de prendre la maison à la fois dans son unité et sa complexité, en essayant d’en intégrer toutes les valeurs particulières dans une valeur fondamentale. La maison nous fournira à la fois des images dispersées et un corps d’images. Dans l’un et l’autre cas, nous prouverons que l’imagination augmente les valeurs de la réalité. Une sorte d’attraction d’images concentre les images autour de la maison. A travers les souvenirs de toutes les maisons où nous avons trouvé abris, par delà toutes les maison que nous avons rêvé habiter, peut-on dégager une essence intime et concrète qui soit une justification de la valeur singulière de toutes nos images d’intimité protégée ? Voila le problème central. Ecole d'architecture de la ville & des territoires à Marne-la-Vallée Document soumis au droit d'auteur

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Lecture de Gaston BacheLard[re]découverte de La maison onirique

Marie Courbet | master haBitat & énerGies

Gaston Bachelard, La poétique de l’espace

Chapitre premierLa maison

de La cave au Grenier

Le sens de La hutte

A LA PORTE DE LA MAISON QUI VIENDRA FRAPPER ?UNE PORTE OUVERTE ON ENTRE

UNE PORTE FERMÉE UN ANTRELE MONDE BAT DE L’AUTRE CÔTÉ DE MA PORTE

Pierre Albert-BirotLes amusements naturels, p 217

I

Pour une étude phénoménologique des valeurs d’intimité de l’espace intérieur, la maison est,

de toute évidence, un être privilégie, à condition, bien entendu, de prendre la maison à la

fois dans son unité et sa complexité, en essayant d’en intégrer toutes les valeurs particulières

dans une valeur fondamentale. La maison nous fournira à la fois des images dispersées et

un corps d’images. Dans l’un et l’autre cas, nous prouverons que l’imagination augmente les

valeurs de la réalité. Une sorte d’attraction d’images concentre les images autour de la maison.

A travers les souvenirs de toutes les maisons où nous avons trouvé abris, par delà toutes les

maison que nous avons rêvé habiter, peut-on dégager une essence intime et concrète qui

soit une justification de la valeur singulière de toutes nos images d’intimité protégée ? Voila le

problème central.

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Lecture de Gaston BacheLard[re]découverte de La maison oniriqueMarie Courbet | master haBitat & énerGies

EAVT Marne la Vallée, 2010 - 2011

Enseignants Séminaire | Paul Landauer5ème année | Philippe Barthélémy4ème année | Patrick Rubin

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Sommaire

Préambule

introduction

la villa carré, villa bachelardienne ?La villa comme assemblage d’imagesLa coquille initialeMaison verticale / Maison horizontale Les coins, fenêtres et tiroirs, symboles de la maison rêvée ?La villa Carré, villa rêvée

lectureS de GaSton bachelard

Rêves et souvenirsMaison verticaleSolitude et intimitéPeter Zumthor, approche contemporaine de la maison onirique

concluSion : rêve bachelardien et déveloPPement durable

annexeS : Biographie de Gaston BachelardHiroshi Naito, Un espace par une fenêtre (texte original et traduction)

biblioGraPhie

p 5

p 7

p 11p 17p 31p 33p 39p 51

p 57p 59p 65p 67p 69

p 73

p 76p 77p 78

p 82

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«Non seulement nos souvenirs, mais nos oublis sont «  logés  ».

Notre inconscient est « logé ». Notre âme est une demeure. Et

en nous souvenant des « maisons », des « chambres », nous

apprenons à « demeurer » en nous-mêmes. On le voit dès

maintenant, les images de la maison marchent dans les deux

sens : elles sont en nous autant que nous sommes en elles. » 1

1_Gaston Bachelard, La poétique de l’espace, p19

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Préambule

La poétique de l’espace de Gaston Bachelard est un livre philosophique traitant de la maison individuelle. Bachelard interroge la maison et ses symboles à travers les images vécues. Il met en avant la relation privilégiée qu’entretient un habitant avec son habitat actuel et ses habitats passés et rêvés. Il cherche dans l’imaginaire et la rêverie les images de bonheur de la maison. La maison individuelle représente le rêve de nombreux français. Cependant on en parle peu pendant nos études d’architecture. C’est une forme d’habitat assez controversée. Elle est critiquée par le développement durable, notamment pour son manque de densité.

La maison décrite par Bachelard a plus de cinquante ans aujourd’hui. Cependant sa lecture me touche. Je trouve dans ses écrits des symboles que je partage et des espaces qui me sont chers. Sa lecture soulève des questions, fait remonter des souvenirs. Je m’aperçois en partageant ces souvenirs qu’ils sont importants pour beaucoup. Nos premiers rapports avec l’architecture sont parfois déformés par l’imaginaire. Ils ont été changés par le temps mais restent importants dans les symboles qu’ils représentent. Les « espaces heureux » décrits par Bachelard sont inscrits en chacun de nous.

La poétique de l’espace ouvre sur une façon bien particulière de regarder l’architecture, plus symbolique, moins pragmatique. A l’heure où l’on parle principalement d’inertie, de compacité et de déperditions thermiques, l’approche poétique de Gaston Bachelard peut-elle encore trouver une place ?

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La villa Carré, oeuvre de l’architecte Alvar Aalto a été construite en 1957 pour le galeriste français Louis Carré et sa femme.

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introduction

Gaston Bachelard écrit La poétique de l’espace en 1957. Cette même année, la construction de la villa Carré, dessinée par l’architecte Alvar Aalto débute. Ces deux oeuvres contemporaines sont deux approches différentes de la maison individuelle. L’une fut construite et habitée et l’autre est un texte philosophique basé sur l’analyse « phénoménologique » des espaces de la maison.

La première partie du mémoire, analytique, est basée sur la mise en relation de ces deux oeuvres. Il me semble que le but d’un philosophe n’est pas de dire des vérités mais plutôt de questionner. En ce sens, la vision décrite par Bachelard pose de nombreuses questions et il m’a paru intéressant de les confronter à une œuvre architecturale construite. En quoi la villa Carré est-elle une maison « bachelardienne » ? Il s’agit de rechercher dans la villa l’éventuelle présence des symboles expliqués dans le livre de Bachelard. La confrontation de ces deux oeuvres permet une approche sensible de l’oeuvre d’Alvar Aalto et de mettre en valeur quelques procédés employés par l’architecte. Chaque paragraphe commence par une citation du livre de Bachelard. La description de la villa change d’axe selon la citation qu’elle suit.

La deuxième approche, plus « théorique », est organisée autour des grands thèmes abordés par Bachelard. Le philosophe n’est pas ou peu étudié dans les études d’architecture aujourd’hui. Quelle est son actualité ? En prenant le témoignage d’autres auteurs qui ont cité le philosophe dans leurs ouvrages, chaque thème est regardé sous l’angle de l’architecture d’aujourd’hui et de la notion de développement durable.

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Photo pages suivantes : entrée de la villa, façade nord. L’approche de la villa se fait par séquences grâce aux traitements paysagers qui alternent vues sur la maison et espaces de végétation plus dense.

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Bazoches sur Guyonne à quarante kilomètres de Paris

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Alvar et Elissa Aalto (à gauche) et Louis et Olga Carré (à droite). La collaboration pour la construction de la villa fit naitre une grande amitié.

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la villa carré, villa bachelardienne ?

Gaston Bachelard aurait-il pu écrire son livre en pensant à la villa Carré ? La Villa Carré aurait-elle pu illustrer le livre de Gaston Bachelard ?

La villa Carré est une œuvre d’Alvar Aalto pour le galeriste français Louis Carré et sa femme. Louis Carré connaissait Le Corbusier mais trouvait son architecture trop froide. On lui conseilla Aalto. Il lui écrivit et le rencontra à Venise en 1956 puis alla en Finlande visiter la villa Mairea. Il eu un coup de cœur pour cette villa dont la commande était très similaire. Comme le couple Carré, Maire Gullichsen et son mari, les propriétaires de la villa, étaient des personnes aisées travaillant dans le domaine artistique. Aalto vint ensuite en France pour voir le site de Bazoches sur Guyonne, dans les Yvelines. La collaboration des deux hommes se mit en place. La construction débuta en 1957, les Carré s’installèrent dans leur villa le 19 juin 1959. Louis Carré avait appris par son travail qu’il fallait respecter l’intégrité de chaque artiste. Il laissa donc de très grandes libertés à Aalto dans le dessin de sa maison malgré quelques exigences précises. Il voulait notamment que sa maison mêle vie de famille, travail et vie sociale. La « vie de famille » entendue par Louis Carré était à cet époque là une vie à deux. Les pièces de vie devaient être capables d’accueillir aussi ses collections d’art : tableaux et sculptures.

Pour Gaston Bachelard, chacun forme l’image de son habitat rêvé à partir des souvenirs de sa « maison natale ». Cette image évolue au cours de notre vie, nourrit par les images que nous renvoient certaines maisons et les images créées par la société dans laquelle nous vivons. Le passé de chacun semble influencer notre façon de vivre et de rêver son habitat.

On retrouve, dans le dessin de la villa Carré les personnalités de Louis Carré et Alvar Aalto. Ils ont chacun été marqués par leur enfance et leur mode de vie.

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Plan d’ensemble de la villa. Elle est située presqu’au sommet de la colline formée par le terrain.

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Louis Carré et sa femme Olga étaient originaires de Bretagne. Louis a vécu à Paris dans un immeuble de Le Corbusier, rue Nungesser et Coli. Son parcours personnel va marquer sa maison en commençant par le choix de l’architecte. Il voulait travailler avec un architecte qui avait des préoccupations proches des siennes. L’influence de ses origines bretonnes se retrouve par exemple dans le toit de la Villa, couvert d’ardoises de Trélazé (Maine et Loire). Le toit était une des rares exigences de Louis Carré, il voulait un toit pentu et recouvert d’ardoises.« Je lui ai demandé une maison qui soit petite à l’extérieur et grande à l’intérieur _ l’équivalent de la maison au toit de chaume que j’habitais à cent mètres d’ici, et une maison avec un toit. » 2

Alvar Aalto est né et à vécu presque toute sa vie en Finlande. Trois facteurs principaux ont marqué sa vie :Son grand-père maternel : ingénieur forestier, il s’intéressait aux humanités et aux sciences naturelles. Comme son grand-père, Aalto aimait la technique, la science et l’humanisme. Il avait foi en l’unité de l’Homme et de la nature.Son père : pour lui, un architecte était quelqu’un qui avait un devoir bien particulier vis-à-vis de la société. Il estimait que le travail de l’architecte, tout comme celui de l’arpenteur (qu’il exerçait) étaient des activités humanistes fondées sur un savoir technique et exigeant une « grande capacité de synthèse créatrice ». L’intelligence avec laquelle Aalto adapte ses créations au terrain et l’intérêt qu’il a toujours porté à l’urbanisme nous renvoie à l’expérience acquise aux côtés de son père.La troisième influence marquante de sa vie vient des rapports sociaux vécus pendant son enfance. Dans le quartier où il vivait, la communication était libre et la camaraderie naturelle malgré les différents niveaux de vie.En écho aux paroles de Gaston Bachelard, Aalto reflétera ses souvenirs d’enfance dans son travail d’architecte. Il deviendra un architecte humaniste, mêlant dans ses projets nature et fonctionnalisme en accordant toujours une grande place à l’Homme et à son bien-être.« Le but de l’architecture est toujours de mettre le monde matériel en harmonie avec la vie humaine » 3

2_Louis Carré, Entretien avec Irmeline Lebeer, 1967, dans Maison Alvar Aalto3_Alvar Aalto, L’humanisation de l’architecture, 1940 dans Technological Revue

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Photo pages suivantes : façade ouest de la villa montrant le découpage des pièces : bibliothèque à gauche, séjour traité en bois au centre et salle de bain prolongée de solarium à droite. On voit également la relation forte entre la pente naturelle du terrain et l’inclinaison du toit.

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« La maison est un corps d’images qui donnent à l’homme des

raisons ou des illusions de stabilité. Sans cesse on réimagine

sa réalité : distinguer toutes ces images serait dire l’âme de la

maison ; ce serait développer une véritable psychologie de la

maison » 4

4_Gaston Bachelard, Op. cit. p4, p34

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L’organisation des pièces de la villa dépend de leur orientation et de l’emploi du temps de Louis Carré.Globalement, le plan semble torturé mais les pièces ont toutes des géométries simples.

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la villa comme aSSemblaGe d’imaGeS

La maison bachelardienne est une multitude d’images qu’il est possible de trier, d’organiser et de nommer. Dans le découpage même des chapitres de son livre, Gaston Bachelard décompose la maison, fait ressortir la juxtaposition des espaces (Chapitre I : « La maison, de la cave au grenier »).L’oeuvre d’Alvar Aalto, d’une façon similaire à celle de Bachelard, fait ressortir une juxtaposition d’espaces. Cette juxtaposition est en premier lieu guidée par une approche fonctionnaliste de l’architecte. Cependant, par le biais de cette approche architecturale, Alvar Aalto crée un corps d’images différentes. La lumière, le rapport au dehors et la proportion des espaces différent vraiment d’un espace à un autre ce qui marque les souvenirs avec des images très particulières.« Le logement c’est le territoire protégé où l’on mange, où l’on dort, où l’on travaille, où l’on joue. Ce sont ces formes biodynamiques qui doivent servir de point de départ à la répartition interne de l’appartement et non les désuètes pièces ordinaires dictées par les axes de symétries et l’architecture de la façade. » 5

On retrouve cette façon de penser les espaces dans un texte, datant également de 1957, de l’architecte Louis Kahn. Il explique :« Le grand espace, les petits espaces, les espaces sans noms et les espaces servants : la façon dont ils sont formés dans le respect de la lumière est le problème de tous les bâtiments. » 6

L’organisation de la villa Carré reflète les idées de son architecte en matière de fonctionnalisme. Ce qui importe chez Aalto est la justesse d’utilisation des espaces qu’il dessine. Ce sont bien, à l’image de la vision bachelardienne, les espaces vécus qui importent. Il existe deux points de départ à cette fonctionnalité : les habitudes du couple Carré et les orientations.

5_Alvar Aalto, Toward a human modernism6_Louis Kahn, Silence et Lumière, p35

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« Nous n’habitons pas seulement notre chambre, écrit Gaston

Bachelard, notre chambre habite notre âme, notre chambre

est un état d’âme » 7

7_Henriette Levillain, Poétique de la maison, p18

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Les fenêtres de la cuisine ouvrent sur l’est. La pièce est très lumineuse le matin, en particulier le plan de travail.

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Cuisiner, à l’Est

Le soleil du matin vient éclairer les chambres du personnel ainsi que la cuisine et son plan de travail positionné sous les fenêtres. Cet espace semble sur-proportionné si on considère le fait que les Carré ne vivaient que tous les deux. C’est à la demande de ces derniers que la cuisine a une telle dimension afin de pouvoir préparer des repas de réceptions pour des centaines de personnes. En effet, les Carré aimaient organiser des réceptions où il n’était pas rare de voir jusqu’à trois cent personnes. Ainsi la dimension de cette pièce qui est pourtant peu utilisée par le couple s’explique et ses larges ouvertures vers l’Est nous laisse imaginer qu’il devait être agréable de travailler dans la pièce dès le matin lors de la préparation des repas. Pour éviter la surexposition, les fenêtres sont protégées par des casquettes extérieures. Les autres pièces orientées à l’Est sont les salles du personnel : appartements, cuisine et salle de détente. La lumière semble être ici ce qui définit l’espace, en témoignent les grandes ouvertures.

Dormir, au sud

Les chambres s’ouvrent sur le sud. Pour Gaston Bachelard, les chambres sont les lieux de l’intimité par excellence. C’est un espace réel où s’épanouit l’imaginaire. Les chambres de la villa Carré sont des espaces très lumineux, l’ambiance est calfeutrée par la présence de rideaux dessinés par Artek, la société d’Alvar et Elissa Aalto. Louis et Olga Carré avaient chacun leurs chambres qui reflétaient leurs personnalités. Il y avait également une chambre d’ami. Il n’était pas rare que les Carré reçoivent du monde qui restait dormir. La chambre d’ami et les deux chambres du couple sont traitées de façon fort similaire. Les Carré accordaient une grande importance à la réception et l’attention dont fait preuve la chambre d’ami, dans son traitement, en témoigne. Chacune des chambres bénéficie d’une salle de bain. Un sauna continue la salle de bain dans la chambre de monsieur Carré. Les gammes chromatiques ont été choisies en collaboration entre Aalto et le couple Carré. Les chambres disposaient également d’un dressing à la mesure de chacun.

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La position des salles de bain délimite un patio intime pour les chambres

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L’espace extérieur sur lequel s’ouvrent les chambres est clos par l’avancée des salles de bain. Cela crée une intimité extérieure, comme une sorte de patio très ensoleillé. L’accès à l’extérieur se fait par les salles de bain qui s’ouvrent sur le côté ce qui renforce l’aspect clos, intime du patio.

S’ouvrir à l’ouest

L’orientation privilégiée de la villa est l’ouest. Cette direction a été mise en valeur pour deux raisons : les horaires de monsieur Carré, qui était le plus souvent à la maison en fin d’après-midi et le paysage. Lors de la construction de la villa, la vue était très dégagée dans cette direction et ouvrait sur l’horizon de campagne. Aalto avait même proposé de couper les arbres en contrebas, prévoyant que leur croissance boucherait cette vue lointaine mais l’idée n’avait pas été retenue pour ne pas toucher aux arbres du site. (cf photo page 46)

Manger

Louis Carré avait formulé le souhait de dîner avec les derniers rayons du soleil. La salle à manger bénéficie de ce fait d’une large baie ouverte à l’ouest mais également d’un fenestron orienté de telle façon qu’il capte les derniers rayons de la journée. Il est placé en saillie, selon un angle différent de celui du mur extérieur de béton. D’après la correspondance entre Louis Carré et Alvar Aalto après la construction, la salle à manger avait vraiment une ambiance particulière quand la lumière de l’ouest pénétrait par cette petite fenêtre. Louis Carré insiste bien sur le fait que la pièce est lumineuse, comme Alvar Aalto le lui avait promis lorsqu’il n’avait pas voulu ouvrir une nouvelle fenêtre sur le mur nord. La lumière de l’ouest ainsi mise en valeur dans la salle à manger accentue la convivialité propre à une telle pièce. Il est probable que les moments passés en fin d’après-midi dans cette pièce devaient être très agréables. Si l’on fait écho aux paroles de Bachelard qui montrent l’aller-retour incessant qui existe entre une maison et son habitant, on peut imaginer que les Carré devaient aimer ses moments de repas qu’ils ont su mettre en valeur dans leur maison. Ceci est conforté également par les dimensions de la table à manger qui pouvait accueillir une douzaine de convives.

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« Si l’on nous demandait le bienfait le plus précieux de la

maison, nous dirions : la maison abrite la rêverie, la maison

protège le rêveur, la maison nous permet de rêver en paix » 8

8_Gaston Bachelard, Op. cit. p4, p 25-26

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Travailler

La bibliothèque bénéficie de deux orientations : l’ouest par une large fenêtre et le nord avec une ouverture en imposte. Cette pièce était le lieu privilégié de Louis Carré qui l’avait demandé précisément : « J’avais quelques petites exigences : une pièce entourée de livres, par exemple, car j’ai besoin de vivre avec des livres. »

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Le bureau, asymétrique, a été dessiné spécialement pour son emplacement sous la fenêtre, habitude nordique d’aller chercher le plus de lumière possible sur les espaces de travail. Il sera tourné perpendiculairement à la fenêtre pour éviter l’éblouissement. D’après les témoignages et les entretiens de Louis Carré, il semblerait que la bibliothèque soit la pièce dans laquelle il passait le plus de temps et qui « reflète le mieux sa personnalité » 10

. Ce propos semble illustrer ceux de Bachelard quand il affirme que le bienfait le plus précieux d’une maison est de protéger le rêveur . La bibliothèque vécue par Louis Carré réunit en une seule pièce les bienfaits décrits par Bachelard. En effet, ses dimensions modestes sont un exemple tant au niveau de la justesse des proportions que dans la sensation d’intimité que la pièce dégage. La matérialité joue beaucoup dans la chaleur de cet espace. L’emploi du teck donne une couleur et une ambiance chaleureuse. Il n’est pas difficile d’imaginer que quelqu’un qui aime les livres, comme Louis Carré, se soit senti bien dans cet espace, propice aux rêveries.

Un autre espace de travail prend place dans le salon. L’extrémité sud de cette grande pièce est pensée pour le travail. Deux bureaux sont dos à dos, chacun face à un mur, celui dans la continuité des fenêtres épousant la forme du poteau et une table plus basse est au milieu de l’espace. Les bureaux sont des espaces de rangement et de tri, la table sert à étaler des lithographies. Cette table fut ensuite déplacée dans la chambre de Louis Carré quand il décida d’en changer l’aménagement afin de pouvoir dormir face à la fenêtre.

9_Louis Carré, Entretien avec Irmeline Lebeer, 1967, dans Maison Louis Carré10_Asdis Olafsdottir, Maison Louis Carré, p80

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La maison «cimaise» :De nombreux murs de la maison ont été laissés blancs volontairement pour que les Carré puissent exposer leur collection personnelle. Il y avait également des statues posées dans l’entrée, le salon et la salle à manger.

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La villa était destinée à mêler vie de famille et travail. « Travailler » est alors une valeur importante dans la maison. Bachelard quand à lui ne fait aucune allusion au travail possible à la maison. Pour lui la maison est exclusivement le lieu de la vie de famille, de repos, de moments « heureux ». La maison bachelardienne étant une maison rurale, on peut imaginer que le travail de ses habitants était un travail agricole, impossible à effectuer dans le logement mais cependant souvent à proximité du lieu d’habitation. Le travail de Louis Carré était une passion pour ce dernier, ouvrir une galerie d’art avait été son rêve. Bachelard cible son analyse sur les espaces «heureux», les espaces où l’Homme se sent bien, protégé. On peut considérer que l’action de «  travailler » pour Louis Carré appartienne aux actions de « l’homme heureux » dans sa maison. Nous pouvons alors continuer « l’assemblage fonctionnel » de la maison par le verbe « Exposer » qui découle dans cet exemple de « travailler ».

Exposer

La villa devait servir à exposer la collection personnelle des Carré : tableaux, sculptures et oeuvres d’art en tout genres. Le hall d’entrée est le premier lieu répondant à cette demande : des « placards-cimaise » sont disposés de telle façon à cloisonner l’espace, partager les pièces privées des pièces de réception mais également de façon à recevoir des tableaux. Des sculptures étaient également présentes dans le hall. Cet espace, aussi appelé « galerie » dans les descriptions de la maison joue un grand rôle fonctionnel, aussi bien en lui-même que pour l’organisation entière de la maison. Les long linéaires de murs, laissés blancs volontairement, sont des supports à l’accrochage des toiles. Ainsi, dans la salle à manger, mais également dans le salon, des oeuvres prennent place. Le mur sud du salon, qui aurait pu être ouvert, a été traité comme un mur d’exposition offrant ainsi plus de place à l’exposition et contribuant à la hiérarchisation des pièces selon les orientations. Une seule pièce de la villa est ouverte dans deux directions : la bibliothèque. Les autres pièces ne bénéficient que d’une seule orientation.

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La Maison est un assemblage d’images guidées par les fonctions et les orientations des pièces

Pièces de service

Pièces de réception

Espaces de rangement et de transition

Espaces de travail

Chambres

Salles de bain

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La place importante que les oeuvres d’art tiennent dans la villa renforce l’idée de Bachelard que la maison est le reflet de la vie intime. Le grand galeriste qu’était Louis Carré ne pouvait imaginer une maison dont l’art ne jouait pas un rôle. Les tableaux accrochés aux murs de la maison incarnaient les valeurs de son propriétaire, ce qui était important pour lui.

Se réchauffer près de la cheminée

Il y a quatre cheminées dans la villa : dans le salon, dans la salle à manger, dans la chambre de Louis et la dernière dans la cuisine (qui sert de grill à bois ou à charbon). La cheminée était une image importante pour Louis Carré. Il souffrit du froid pendant la guerre et formula le souhait de trouver dans sa maison la chaleur qui lui avait manquée en ayant une cheminée dans le plus de pièces possibles. Je me pose la question de savoir pourquoi il n’y en avait pas dans la bibliothèque, pièce pourtant apparemment si utilisée par Louis Carré. La chaleur dégagée par la cheminée n’est probablement pas propice à la bonne conservation des livres et le risque de feu sont deux facteurs prohibitifs. De plus, la place aurait manqué. La bibliothèque n’avait donc pas besoin de cheminée pour offrir à son habitant la chaleur qu’il recherchait.

La plus grande cheminée, celle du salon, fait face à la grande baie vitrée. C’est la journée que l’espace devant la fenêtre s’apprécie, largement ouvert, il est le lieu des rêveries sur l’extérieur. Au contraire, quand la nuit tombe, c’est la cheminée qui devient le foyer vers lequel on se tourne.

27Photo pages suivantes : vue du salon. En premier plan, l’espace de la cheminée.

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«Dans toute demeure, dans le château même,

trouver la coquille initiale, voilà la tache première du

phénoménologue  »  11

11_Gaston Bachelard, Op. cit. p4, p24

L’entrée de la maison distribue, expose, lie et sépare les pièces

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entrée / exposition

salon

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« la coquille initiale »

Dans les maisons dessinées par Alto, une « coquille initiale » semble organiser l’espace. Les maisons dessinées par l’architecte portent clairement une marque de la personnalité et/ou du travail de ses clients. Elles sont généralement organisées autour d’un espace « maître » en fonction du métier, de la passion ou de l’envie du futur habitant. Dans le cas de la villa Carré, on trouve la coquille initiale dans l’espace de l’entrée. Les pièces de vie étaient destinées à accueillir leurs collections et à recevoir des invités, clients potentiels ou artistes. L’articulation des espaces de la villa se fait par l’entrée. Elle est le cœur de la maison et joue le rôle de salle d’exposition. La lumière entre par des fenêtres hautes, exposées nord, direction privilégiée pour une lumière homogène idéale pour l’exposition. Le faux plafond de cet espace, en pin finlandais, est une partie très importante de la maison. Le regard est guidé par le travail du plafond vers le paysage de l’ouest, à travers le salon. En forme de vague, il englobe toute la pièce pour finir jusqu’au salon. Les lignes des joints accentuent le mouvement des courbes. Le plafond agrandi l’espace de l’entrée et lui donne une solennité quasi religieuse, accentuée par les proportions (plus hautes que larges) et la luminosité. Les luminaires, suspendus au plafond devant les fenêtres en imposte, viennent prendre le relais de la lumière naturelle. L’entrée expose, distribue, lie et sépare les pièces. Dans la maison Carré, la coupe (spécialement celle sur l’entrée) semble être ce qui exprime le mieux les idées et intentions d’Alvar Aalto. On sent le rapport étroit qui existe entre la villa et son site, la façon dont elle prend place presqu’au sommet de la colline formée par le terrain. On voit également la différenciation des espaces qui se juxtaposent. En 1960, une maquette de la coupe sur l’entrée a été demandée à l’agence d’Aalto par monsieur Carré qui souhaitait la placer dans l’entrée.

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« La maison est imaginée comme un être vertical. Elle s’élève.

Elle se différencie dans le sens de sa verticalité. Elle est un des

appels à notre conscience de verticalité»12

12_Gaston Bachelard, Op. cit. p4, p34-35

Bien que vécue de plain-pied par Monsieur et Madame Carré, la villa s’organise également verticalement. La dimension onirique verticale décrite par Bachelard existe dans la villa de façon suggérée et non explicite.

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Pièces de service

Pièces de vie du couple (entrée et séjour)

Espaces de rangement et faux plafond

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maiSon verticale / maiSon horizontale

La maison selon Bachelard se lit verticalement, de la cave au grenier. Il parle de maison « tierce » et de maison « quarte » selon le nombre d’étage(s). Il montre la différence de ressenti entre la cave et le grenier et décrit les espaces de la maison de bas en haut. Avec cette notion de verticalité vient le thème de l’escalier qui amène les actions de « monter » et de « descendre » que Gaston Bachelard distingue fortement. Il attache à ces deux notions des valeurs poétiques complètement différentes par les pièces auxquelles elles sont attachées. La cave est décrite comme le coin obscur pour cacher ses secrets, le grenier est un appel à l’envol, il est le voisin du ciel, de l’imaginaire, du rêve. Dans la description bachelardienne, il est important que la maison s’étire verticalement, cela permet d’étendre la dimension onirique des espaces.

La Villa Carré possède un étage, un grenier et une cave. Ces pièces, si importantes dans la description de Bachelard ne sont pas destinées au couple Carré. Ce sont des pièces de service, destinées au personnel. L’assemblage des espaces dans la villa est plutôt une juxtaposition horizontale. La Villa vécue par les Carré est une villa de plain-pied. Louis Carré souffrant de problèmes de hanches, il ne voulait pas d’escaliers dans sa maison. On peut tout de même remarquer que le salon et l’entrée sont séparés par sept marches. Ces marches permettent de distinguer les deux espaces sans pour autant les cloisonner : la vue est continue, la relation des espaces est forte mais ce sont bien deux espaces distincts. La différence de niveau fait également écho à la pente naturelle du terrain, comme un rappel de l’extérieur. A l’origine réfractaire à ces marches, Louis Carré s’est laissé convaincre grâce aux proportions de celles-ci, égales à celle du château de Versailles, « douces et faciles à pratiquer ». Les actions de «  descendre » et de «monter» sont mises en valeur par Aalto. On descend de l’entrée au séjour. Le faux plafond et la vue offerte dans l’entrée nous guident vers le salon. La différence de hauteur entre les deux cimaises de l’entrée participe également à ce processus d’attrait. Au contraire, on monte du séjour à l’entrée, attirés par la lumière qui vient de haut et qui éclaire le plafond à son point le plus haut.Pour Bachelard, la descente symbolise l’entrée dans un lieu de secrets cachés. La montée est un envol à la rêverie. Pénètre-t-on dans un espace de secrets lorsqu’on descend vers le salon de la villa Carré ? Cela parait paradoxal puisque le séjour est la pièce de réception d’une maison.

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« L’escalier qui va à la cave, on le descend toujours. C’est sa

descente qu’on retient dans les souvenirs, c’est la descente

qui caractérise son onirisme. L’escalier qui monte à la

chambre, on le monte et on le descend. C’est une voie plus

banale. Il est familier. L’enfant de douze ans y fait des gammes

de montée, faisant des tierces et des quartes, tentant des

quintes, aimant surtout, quatre marches par quatre marches,

faire ses enjambées. Quatre à quatre monter l’escalier, quel

bonheur crural !

Enfin l’escalier du grenier plus raide, plus frustre, on le monte

toujours. Il a le signe de l’ascension vers la plus tranquille

solitude. Quand je retourne rêver dans les escaliers d’antan,

je ne redescends jamais » 13

13_Gaston Bachelard, Op. cit. p4, p41

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Les marches permettent de hiérarchiser l’entrée et le salon de la villa. Le salon devient alors un lieu intime mais que les convives peuvent partager. L’entrée appuie sa position de coeur de la maison, là où les pensées « s’envolent ».

On retrouve ces marches dans la bibliothèque, lieu privilégié de Louis Carré ce qui prouve une fois de plus cette mise en valeur de la différence de hauteur. En sept marches, Aalto réussit à rappeler la pente naturelle du terrain, séparer les espaces mais également à créer des jeux de hauteurs forts en symbolique onirique.

La maison possède une cave et un grenier. Bien que les Carré n’y soient probablement peu allés, le fait de savoir que la maison possède ses pièces semble suffisant dans la description bachelardienne pour amener les rêveries qu’elles symbolisent. L’imaginaire sait que ces pièces existent. On peut alors s’y échapper un instant, rêvant à ce que peuvent être ces espaces.

Les façades extérieures de la maison ne reflètent pas l’horizontalité. Les appartements du personnel et la toiture en pente, écho à la pente du terrain, forment des façades qui se développent verticalement. Dans une comparaison sur les mots, Bachelard donne une fonction à la partie du rez-de-chaussée : « Les mots _ je l’imagine souvent _ sont de petites maisons, avec cave et grenier. Le sens commun séjourne au rez-de-chaussée, toujours prêt au « commerce extérieur », de plain-pied avec autrui. » 14

Cette phrase pourrait décrire la maison Carré. On a vu à plusieurs reprises que les Carré aimaient recevoir. On peut alors dire que la villa Carré, est de « plain pied avec autrui » ce qui incarne le côté accueillant de ses habitants, l’importance de la notion de réception.

14_Gaston Bachelard, Op. cit. p4, p139

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Photo pages suivantes : vue de l’entrée vers le salon, juste au-dessus des marches séparant les deux espaces.

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« Voici le point de départ de nos réflexion : tout coin dans

une maison, tout encoignure dans une chambre, tout espace

réduit où l’on aime à se blottir, à se ramasser sur soi-même,

est, pour l’imagination une solitude, c’est-à-dire le germe

d’une chambre, le germe d’une maison » 15

15_Gaston Bachelard, Op. cit. p4, p130

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leS coinS, tiroirS et fenêtreS…SymboleS de la maiSon rêvée ?

Plus que sur les pièces elles-mêmes, Bachelard met l’accent sur ces petits espaces que sont les « coins » comme porteurs de sensations d’intimité. Pour lui, l’Homme recherche dans la maison la possibilité de « se blottir », de retrouver le sens de l’abri ou de la hutte : la protection et le bien-être lié à ces espaces. Le coin est vu ici comme un morceau d’espace que nous investissons. Il répond à notre désir d’isolement, de calme, d’immobilité. Dans « l’abécédaire de la maison » de Jean-Paul Flamand, le coin est « la forme première de l’habitacle humain, de notre espace de vie. C’est la forme spatiale, matérielle ou immatérielle, au sein de laquelle nous pouvons être totalement et pleinement nous-mêmes, dans le seul rapport à nous-mêmes. Le coin est par excellence l’ « espace heureux  » dont parle Gaston Bachelard, le cœur du cœur de notre habitat. » 16

Pour Dominique Spinetta, dans ses leçons d’architecture « Le principe du « coin » […] est une image poétique en même temps qu’un espace type, susceptible de faire l’objet d’un classement typologique. » « Ce lieu dérobé au regard, en relation très étroite avec l’individu, revêt le caractère intime d’une maison, c’est-à-dire d’un petit monde en soi »

17, cette définition n’est pas sans rappeler la phrase de Bachelard : « la maison est notre coin du monde, elle est - on l’a souvent dit - notre premier univers » 18

dans l’introduction de son livre.Les petits espaces à l’intérieur d’un grand espace sont décrits comme étant le moyen que possède l’habitant de s’approprier les lieux, de s’y sentir bien. Ils incarnent le refuge, évoquent une notion temporelle puisqu’aller se « blottir dans un coin » ne dure qu’un temps même si celui-ci peut se renouveler. On garde toujours en tête la recherche de rêverie que prône Bachelard dans son livre. (Cf citation 8 page 22)

La recherche de ses espaces intimes, d’appropriation et de bien être peut être lue dans la villa Carré. Dans une telle « œuvre d’art totale », il devait sûrement être difficile de trouver sa place en tant qu’habitant. La villa Carré est une « œuvre d’art totale » dans le sens où Aalto a tout dessiné : du plan masse aux poignées de portes en passant par le mobilier et l’aménagement du jardin, le couple Carré n’a apporté qu’un seul meuble qu’il possédait avant.

16_Jean-Paul Flamand, l’Abécédaire de la maison17_Brigitte Donadieu, L’apprentissage du regard, p3318_Gaston Bachelard, Op. cit. p4, p24

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Dans la villa Carré, Aalto crée des «lieux d’intimité» grâce à la présence forte des angles pleins dans les pièces.

Des espaces privilégiés sont crées dans chaque pièces : espaces autour de la cheminée, autour de la table ou devant un bureau.

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Cependant, d’après les correspondances entretenues avec l’architecte ou avec d’autres amis le couple semblait y être bien et appréciait la vie là-bas. Quels sont ses «  coins », au sens décrit par Bachelard, qui donnent à la villa toute sa valeur de « bien-vivre » et de recherche d’intimité, plus importants sûrement que la fonctionnalité d’un plan ?

Les pièces deviennent elles-mêmes la juxtaposition de plusieurs espaces, de plusieurs actions. La temporalité joue un rôle très important dans cette création de « coins » puisqu’ils sont souvent crées par des moments éphémères.

Regardons en premier lieu l’action de « lire » ou de « travailler », puisqu’elle semble si importante dans la demande de Louis Carré. De nombreux bureaux sont disposés dans la maison : un dans la bibliothèque, un dans chaque chambre et deux dans le salon. Ceux de la bibliothèque ou des chambres étaient placés sous les fenêtres. Celui de la bibliothèque a ensuite pivoté pour être perpendiculaire à la fenêtre. La bibliothèque était le lieu privilégié de monsieur Carré. Les témoignages, basés sur des entretiens et d’anciennes photos montrent que c’était assis à ce bureau que Louis Carré semblait le plus heureux. La bibliothèque était « son » lieu, le seul espace qu’il s’était vraiment approprié en apportant un meuble personnel (une petite bibliothèque pivotante) sur laquelle était posé son cartonnier. Un autre lieu privilégié de Louis était la place devant la porte qui donnait sur la terrasse devant la bibliothèque. Louis Carré s’y installait, après les repas, pour fumer sa pipe ou boire un digestif, sur sa chaise « spaghetti », dessinée par Aalto. Cet espace est « stratégique » dans la maison. D’un côté il ouvre sur le paysage de l’ouest, en contrebas, de l’autre il voit, d’un même balayage de regard, l’entrée (et donc l’accès aux chambres et aux pièces de service) et la totalité du salon. C’est un espace qui dévoile toute la taille de la maison. La diagonale, thème souvent abordé par Alvar Aalto, est mise en valeur. Est-ce en voyant la maison sous cet angle là, qu’il semblait pratiqué si souvent, que Louis Carré dit : « Aalto a vraiment exalté l’espace, il a créé, ce qui est la marque de son génie, des volumes qui paraissent plus grands que leur dimensions véritable. » 19 ?

19_Louis Carré, Entretien avec Irmeline Lebeer, 1967, dans Maison Louis Carré

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Photo pages suivantes : la bibliothèque, espace privilégié de Louis Carré

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« Avec le thème des tiroirs, des coffres, des serrures et des

armoires, nous allons reprendre contact avec l’insondable

réserve des rêveries d’intimité. » 20

20_Gaston Bachelard, Op. cit. p4, p8221_Gaston Bachelard, Op. cit. p4, p201

« On dirait toute sa vie si l’on faisait le récit de toutes les portes

qu’on a fermées, qu’on a ouvertes, de toutes les portes qu’on

voudrait rouvrir. » 21

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Gaston Bachelard ne parle pas dans son livre que des espaces, il décrit également des détails de la maison. Ainsi, un chapitre est consacré aux tiroirs, coffres et armoires. Pour lui, « Les mots les plus usuels, les mots attachés aux réalités les plus communes ne perdent pas pour cela leurs possibilités poétiques. » 22. Un tiroir ou une armoire peuvent symboliser une intimité très forte et susciter la rêverie au moins autant qu’une pièce entière. Le premier de ses rêves étant de les ouvrir. Les pièces de la villa Carré ont un incroyable inventaire de tiroirs, armoires et rangements en tout genres. La bibliothèque, pièce intime de Louis Carré regorge de tiroirs et d’étagères, avec des tailles variables. Je pense que pour Bachelard, la bibliothèque de la villa Carré serait une grande source onirique. Il en va de même pour les chambres qui ont chacune un dressing. Ces grandes armoires, où l’on peut entrer entièrement on été faites sur mesure, en témoignent les planches de mesures de la société d’Aalto. Le dressing de Louis Carré présente un éventail de tiroirs et de rangements de différentes tailles tous accessibles par Monsieur Carré (qui était assez petit). Quand au dressing d’Olga Carré, il s’ouvre par une grande porte qui pivote entièrement et qui sert de miroir. Bachelard écrit : « Les meubles complexes réalisés par l’ouvrier sont un témoignage bien sensible d’un besoin de secrets, d’une intelligence de la cachette » 23. En écho à ces paroles, ne peut-on pas penser que les Carré vivaient bien dans cette «  œuvre d’art totale » dans le sens où leurs besoins de secrets, d’intimité, s’incarnaient dans la multiplicité des rangements présents ?Gaston Bachelard amène ensuite une description de la porte : « cosmos de l’entrouvert  » 24 qu’il utilise comme une image princeps. Pour lui, dans la porte est incarné un petit « dieu de seuil » et cet espace en dit long sur l’être lui-même : une simple porte incarne l’image de l’hésitation, de la tentation, du désir, de la sécurité, du libre accueil et du respect.

La fenêtre, tout comme la porte décrite par Bachelard, a toujours été un élément important en architecture. Kahn disait : « Des éléments de la pièce, la fenêtre est le plus merveilleux » 25 , le poète américain Wallace Stevens demandait : « quelle tranche de soleil votre bâtiment a-t-il ? » 26

, quand à la maison de Supervielle, elle « est une maison avide de voir. Pour elle voir c’est avoir. Elle voit le monde, elle a le monde » 27.

22_Gaston Bachelard, Op. cit p4, p7923_Gaston Bachelard, Op. cit. p4, p8824_Gaston Bachelard, Op. cit. p4, p20025_Louis Kahn, Silence et Lumière, p24026_Wallace Stevens cité par Louis Kahn dans Silence et Lumière, p25027_Gaston Bachelard, Op. cit. p4, p73

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À l’origine, la vue offerte dans le salon était très dégagée et ouvrait sur le paysage de l’ouest.

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Alvar Aalto accorde une grande attention, toujours à la fois fonctionnaliste et poétique aux fenêtres de la villa. « Les présupposés biologiques de la vie humaine sont, entre autres, l’air la lumière et le soleil. L’air c’est autre chose que la dimension et le nombre des pièces. C’est un facteur en soi, à part. »

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Chaque pièce de la villa Carré a un rapport différent et très contrôlé avec l’extérieur. Les fenêtres de chaque espace sont particulières et ne pourrait pas être échangées. Les « vides  » générés par l’architecte dans les murs sont tous choisis et calibrés pour créer une ambiance particulière selon la pièce. On peut sentir dans le travail d’Aalto, là encore, comment l’usage a dessiné le projet : les allèges basses, dans le séjour ou la salle à manger laissent passer la vue même dans une position assise. Au contraire les allèges des fenêtres de la cuisine sont propices au travail debout. L’entrée reçoit de la lumière naturelle mais pas de vue : cet espace sert à montrer des oeuvres et non le paysage ou à distribuer les autres espaces.

Alvar Aalto sépare les fonctions de la fenêtre Voir : Aalto donne une grande importance à la vue, ainsi il met en scène les paysages  : dans le salon, la partie droite est composée de deux fenêtres fixes. Elles sont comme des tableaux qui montrent le paysage. Elles font écho au mur qui se situe en face qui servait à afficher des oeuvres. Le séjour est donc entouré de tableaux. Pour appuyer cette fonction de « tableaux », des luminaires sont disposés de façon à ce qu’il ait le moins de contre-jour possible sur la vitre. De la même façon, la fenêtre de la salle à manger bénéficie de la lumière apportée par le puits de lumière et le fenestron ce qui réduit son propre effet contre-jour qui aurait atténué la vue. Cette fenêtre est comme un cadre de plus dans la salle à manger. On a toujours un certain recul face aux fenêtres de la Villa Carré : que ce soit par un mobilier dessiné juste devant ou par le rebord créé, on ne peut pas se « coller à la vitre ». Le recul permet de donner une fonction à l’espace devant la fenêtre et également à intégrer dans la vue le cadre de la fenêtre. Le cadre devient un élément de décoration autour du paysage montré. Alvar Aalto apporte une grande attention aux matériaux des châssis, des cadres et des tablettes des fenêtres, ce qui participe à encadrer les paysages. La lumière est toujours très contrôlée : casquettes protectrices (pour le séjour et la bibliothèque), stores, lamelles de bois ou rideaux.

28_Alvar Aalto, Nous loger, ce problème, texte paru dans Domus 8-10, 1930

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La lampe de la salle à manger est issue du modèle Cloche d’or. À ce modèle standard, Aalto a ajouté une forme florale qui diffuse la lumière sur le côté afin d’éclairer les tableaux accrochés au mur. Ce luminaire témoigne de l’attention portée par Aalto à l’usage. Il permet d’éclairer les oeuvres d’art sans éblouir les personnes en train de manger.Toutes les lampes de la maison ont été dessinées avec soin par l’architecte. La lumière était très importante, aussi bien le jour par la position très calculée des fenêtres que le soir par la multitude de lampes.

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Aérer / sortir sur l’extérieur : Les parties ouvrantes sont généralement des éléments pleins qui ne servent qu’à lier physiquement l’extérieur et l’intérieur. La porte qui donne accès à la terrasse devant la bibliothèque ainsi que les portes permettant d’accéder à l’extérieur depuis les chambres sont des éléments en bois, pleins. Chaque chambre bénéficie également d’une partie de la fenêtre qui peut être ouverte pour amener de l’air sans apporter de la lumière puisque des lamelles de bois sont fixées à l’extérieur. Eclairer : des fenêtres en imposte sont installées : puits de lumière de la salle à manger, fenêtre de l’entrée, fenêtre haute de la bibliothèque et fenêtres hautes dans les salles de bain.

Retournons la façon de voir la fenêtre : généralement, elle est le regard du dedans vers le dehors mais elle est aussi le regard du dehors vers le dedans. En ce sens, Bachelard nous amène à lire la maison de l’extérieur lorsqu’il fait nuit :«Un dossier considérable de documents littéraires relatifs à la poésie de la maison pourrait être exploité sous le seul signe de la lampe qui brille à la fenêtre » 29

« Par la lumière de la maison lointaine, la maison voit, veille, surveille, attend » 30

Dans la villa Carré, la lumière est très importante. La lumière naturelle est très contrôlée et maîtrisée selon les ambiances souhaitées. La lumière artificielle fait également l’objet d’une grande attention. Aalto a dessiné tous les luminaires de la maison. Ces lumière prennent le relais de la lumière naturelle ou au contraire la complète pour éviter les contre-jours.

Les « coins » de l’extérieurs sont également très importants. Il y a de nombreux traitements paysagers tout autour de la villa. Parmi ces traitements, des terrasses, qui offrent la possibilité de poursuivre l’espace en dehors. La continuité dedans/dehors est un thème souvent abordé par Aalto.

29_Gaston Bachelard, Op.cit. p4, p4830_Gaston Bachelard, Op.cit. p4, p48

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« Cette maison rêvée peut être un simple rêve de propriétaire,

un concentré de tout ce qui est jugé commode, confortable,

sain, solide, voire désirable aux autres. Elle doit satisfaire alors

l’orgueil et la raison, termes inconciliables. » 31

31_Gaston Bachelard, Op. cit. p4, p68

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la villa carré, villa rêvée

La villa est un assemblage d’images. Images fonctionnelles à première vue, elles peuvent également être perçues en s’appuyant sur la façon dont Bachelard décrit les lieux qui nous entourent, comme l’assemblage d’espaces vécus, d’espaces porteurs d’images pour ses habitants, comme un corpus de souvenirs. La villa Carré est comme un portrait idéal de ses propriétaires et de leurs goûts artistiques, elle semble incarner leur façon rêvée de vivre. On trouve cette notion en lisant les textes d’Aalto :« Chaque maison construite pour une famille doit obéir non pas à un schéma préconçu, mais être le reflet des habitudes et des particularités des habitants » 32

Au milieu de toute les préoccupations : l’Homme. Les usages et le vécu des espaces semblent plus importants que la pensée globale d’un projet architectural. La méthode de travail de l’architecte est fondée sur l’Homme, ses besoins et ses envies. Dans le même sens, Gaston Bachelard décrit les espaces à travers les usages que l’on en fait, les souvenirs que l’on en a. Une grande place est accordée à la vision de la maison dans les yeux de l’Homme. Il ne regarde pas l’architecture en tant que telle, mais comment le fait de la présence humaine affecte et façonne les espaces et comment, en retour, l’architecture marque les souvenirs de ses habitants. L’architecture d’Alvar Aalto a marqué les souvenirs d’Hiroshi Naito, architecte et professeur à l’université de Tokyo. Le texte présenté en annexe 2 nous fait partagé sa réaction après la visite de la Villa Mairea, en 1995.

La villa est le fruit d’une demande assez particulière. En effet, l’importance de la vie sociale de ses habitants donne une grande place à la notion de réception. Aalto a su faire de la villa une maison très accueillante et intime à la fois. Les témoignages inscrits dans le livre d’or de la villa montrent à quel point les Carré savaient recevoir et aimer montrer leur maison.

32_Alvar Aalto cité par William J. R. Curtis dans le prologue de Maison Louis Carré

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Esquisses du plan et de la coupe sur l’entrée de la villaLe plan fait déjà ressortir la juxtaposition des espaces, les pièces étant pensées dès le début comme des entités ayant chacune leur identité et leur ambiance.La coupe montre le rapport étroit au terrain et le jeu très précis des hauteurs dans la villa.

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Aalto suivait souvent le même modèle méthodologique pour mener à bien ses projets : il commençait par recherchait une adaptation du plan et des espaces aux divers éléments du programme et à son environnement. Il s’intéressait dès le début aux implications « psychophysiologique » du programme.

Bachelard mêle des notions de la maison à l’être humain. Il pense que les espaces ne sont pas simples créateurs d’imaginaire mais qu’en plus, l’imagination et la nature de l’Homme peuvent être des espaces en soi. Les projets d’Aalto montrent la sensibilité de l’architecte et l’importance qu’il attache à la fonctionnalité et au bien-être. Il rêvait d’une architecture « dénuée de tout style où les constructions ne seraient déterminées que par la diversité des besoins de leurs usagers, les conditions imposées par le site, les matériaux disponibles et les considérations financières. » 33

Il semble donc possible de regarder la villa Carré à travers les yeux de la description bachelardienne. Par ses fonctions identifiées et clairement distinctes, la villa devient un corpus d’images. Les espaces créés ont leur identité propre et donne à chaque lieu de vie une atmosphère précise. La maison est avant tout le reflet de ses habitants, l’incarnation de leur rêve d’habiter, de leur personnalité et de leurs envies. La villa Carré est une villa sur mesure, une villa faite par un architecte clairement choisi. Aalto a su conserver toute les valeurs d’intimité nécessaires à une maison tout en dessinant une villa qui servait de lieu de réception et d’exposition. La «villa-cimaise» est également une villa onirique. Grâce à une bonne entente entre Aalto et Carré, un investissement des deux côtés dans la construction de la villa et, « détail » non négligeable, un budget « illimité  », la villa Carré est d’une grande qualité architecturale et on lui trouve des qualités bachelardiennes dans la façon qu’elle a, notamment, d’abriter les rêveries de ses habitants. La Villa Carré, qui a été beaucoup appréciée de ses habitants incarnait leur rêve en apportant à chaque pièce l’onirisme qu’elle requiert.

33_Alvar Aalto cité par Goran Schildt dans Alvar Aalto, his life

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Photo pages suivantes : façade sud de la villa, verticalité et juxtaposition des espaces.

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« L’essai de phénoménologie a marqué sa génération au point

de devenir une référence en matière d’architecture sans pour

autant aborder de problématique architecturale. » 34

34_Brigitte Donadieu, L’apprentissage du regard, p12

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lectureS de GaSton bachelard

La poétique de l’espace a été traduit en anglais en 1964 ce qui a permis d’étendre son influence en dehors de la France. Pour Bachelard, «si on nous demandait le bienfait le plus précieux de la maison, nous dirions : la maison abrite la rêverie, la maison protège le rêveur, la maison nous permet de rêver en paix » 35. Dans la société actuelle, quel est le « bienfait le plus précieux » de la maison ? Il semble que l’architecture ait perdu cette notion de rêve au profit des économies d’énergie. Panneaux solaires, géothermie, isolation performante…voila les nouveaux mots clefs de l’habitat à la mode. « Effondrement de la mesure poétique dans le grouillement des mesures quantifiées, nombrées, calculées. » 37

Bien que l’architecture d’aujourd’hui soit guidée avant tout par la technique, les écrits concernant la rêverie et son influence restent nombreux. On en parle peu à l’école mais peut-on l’enseigner ? Il me semble difficile de pouvoir apprendre la notion de rêve en architecture. C’est à travers notre ressenti face à des espaces et notre opinion personnelle sur certains ouvrages écrits que nous pourrons appréhender au mieux la notion d’onirisme en architecture. C’est en cela que la lecture de Bachelard a retenu mon attention. Il parle de notions et de façon d’appréhender l’espace qui m’étaient sorties de l’esprit et qu’il est plaisant de [re]découvrir. Dans la suite du mémoire j’ai essayé de regrouper par thèmes « bachelardien » les impressions que j’ai pu lire sur Bachelard ou les influences que ses ouvrages ont pu avoir et de m’interroger sur leur possible utilisation dans l’architecture actuelle. La dernière partie est consacrée à la lecture de Peter Zumthor. J’ai découvert dans les écrits de cet architecte contemporain des notions sensorielles en rapport avec l’approche bachelardienne que je trouvais intéressant d’aborder.

35_Gaston Bachelard, Op. cit. p4, p25-2636_Augustin Berque, Habiter dans sa poétique première, p388

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« La maison de Bachelard est une maison à rêves et de rêves.

Je dirais même plus pour les rêves et fabriqués à partir

d’eux.  » 37

37_Thierry Paquot, Demeure terrestre, p61

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rêveS et SouvenirS

Beaucoup de lieux que nous traversons dans notre vie sont remplis de souvenirs. Ces souvenirs, on les module au gré de nos rêveries et on s’attachera plus ou moins à certains lieux selon ce qu’on a vécu dans ces endroits. La notion de confort perd alors son côté purement physique pour devenir subjective grâce aux souvenirs attachés à l’espace ou à ce type d’espace. On peut parler, à titre d’exemple, d’une maison de famille en plein cœur de la campagne. Même par une froide journée, la cheminée n’ayant pas fonctionné depuis longtemps car la maison est inhabitée, on arrive pour quelques jours, on s’y installe et généralement on est heureux d’être là. Bachelard explique que la maison est chargée de souvenirs qui prennent le dessus sur l’inconfort objectif. Les souvenirs peuvent parfois être plus influents que les données physiques.

Les « contres espaces » de Michel Foucault Le philosophe fut l’élève de Guillaume Canguilhem qui était lui-même le disciple de Gaston Bachelard. La filiation est donc assez directe, il parait naturel de ce fait de trouver dans les textes de Foucault des influences bachelardiennes. Dans « Les hétérotopies », texte issu d’une conférence prononcée en 1966 par Michel Foucault, ce dernier parle au tout début des « contre-espaces ». Après un court listing de lieux, il explique :« Or, parmi tous ces lieux qui se distinguent les uns des autres, il y en a qui sont absolument différents : des lieux qui s’opposent à tous les autres, qui sont destinés en quelques sorte à les effacer, à les neutraliser ou à les purifier. Ce sont en quelque sorte des contre-espaces»  38

Dans un texte de 1948 de Bachelard, « la maison natale et la maison onirique », on trouve une notion semblable au «contre-espace». Elle concerne la maison.« La maison est pour ainsi dire un contre-univers, ou un univers du contre. » 39

Les « contre-espaces » évoqués par Foucault sont des lieux très particuliers qui différent des autres lieux. Pour Bachelard, la maison est « un contre-univers » par sa notion de protection et donc de repli face à l’extérieur. Dans les deux cas, les « contres-espaces  » sont les espaces aimés, des espaces où l’on se sent protégé.

38_Michel Foucault, Les hétérotopies, p2439_Gaston Bachelard, La terre et les rêveries du repos, p128

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« Bachelard montre les espaces qui ont été dimensionnés

d’une telle façon par l’imagination humaine qu’ils ne pourront

jamais rappeler un espace indifférent sujet seulement aux

mesures physiques » 40

40_Joy Monice et Frank Vodvarka, Sensory Design

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Foucault approfondi son propos et explique ensuite que les enfants connaissent ces espaces :« Ces contre-espaces, ces utopies localisées, les enfants les connaissent parfaitement. »(Jardin, grenier, tente dans le jardin, lit des parents) 41

On retrouve dans ces propos une notion chère à Bachelard qui est l’enfance et l’influence qu’elle a sur nous. Foucault explique également qu’il ne faut pas paraitre étonné quand un enfant nous explique sa découverte, que c’est la société des adultes qui leur « souffle à l’oreille ». Il va donc plus loin que l’analyse de Bachelard qui disait que nos rêves et nos souvenirs d’enfant marquaient notre vie future. Pour Foucault, il existe un aller-retour entre les deux « sociétés » : des enfants et des adultes. Grâce aux adultes, des rêves naissent chez les enfants qui les renvoient ensuite dans la société adulte apportant une touche de naïveté qui manque souvent dans cette société là. On peut donc dire que notre conception individuelle de l’habiter vient s’inscrire dans une figure de la maison élaborée dans et par chaque société. Même dans nos rêveries on est guidé par une connaissance de notre culture et de notre société qui nous fixent des règles latentes.

« Sensory design » de Joy Monice Malnar et Frank Vodvarka est un livre autour de la notion des sens. Il s’interroge sur ce que pourrait être l’architecture si elle était guidée plus par les sens que par les structures ou les programmes. Les descriptions de la maison partent du postulat de Bachelard que « la maison est notre coin du monde » 42. Ils insistent sur la définition de la topo-analyse : « L’étude psychologique systématique des sites de notre vie intime » 43. Ce qui leur semble important est la façon dont ces thèmes existent en dehors de la mesure habituelle du temps. Il relève chez Bachelard une dimension intemporelle poétique. L’espace bachelardien dans ce livre nous apparait comme guidé par les sens. La recherche du bien être de l’habitant passe par une recherche sensorielle. Or les sens ne sont pas oubliés dans les textes et les normes concernant la haute qualité environnementale. En effet, chaque sens est abordé mais à travers des données chiffrées ce qui est paradoxal. Des règles fixent le taux d’ensoleillement pour chaque pièce, la quantité d’air propre… Mais peut-on fixer des règles de ressenti ?

41_Michel Foucault, Les hétérotopies, p2442_Gaston Bachelard, Op. cit. p4, p2443_Ibid p60

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« Oui, qu’est-ce qu’il y a de plus réel : la maison même où

l’on dort ou bien la maison où, dormant, l’on va fidèlement

rêver ? Je ne rêve pas à Paris, dans ce cube géométrique, dans

cet alvéole de ciment, dans cette chambre aux volets de fer

si hostiles à la matière nocturne. Quand les rêves me sont

propices, je vais là-bas, dans une maison de Champagne, ou

dans quelques maisons où se condensent les mystères du

bonheur » 44

44_ Gaston Bachelard, La terre et les rêveries du repos, p110

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Peter Wilson, dans un article intitulé « Sometimes Bachelard » explique le contexte dans lequel La poétique de l’espace a prit place. Il était question, à cette époque de «  re-mythologiser » l’espace, de combler le trou laissé par le « positivisme logique » et le « fonctionnalisme calibré », « Les poétiques [la traduction en anglais Poetics of space, est au pluriel] de Bachelard ont fermé la porte a « une maison comme machine pour vivre » »

45. L’article est assez critique face aux espaces architecturaux trop neutres, trop industriels. Il dénonce la période où l’architecture est devenue « machine » ce qui a entraîné une perte de la valeur de l’espace. La technologie avance tellement vite et les opportunités qu’elle offre sont tellement vastes que l’espace perd son aspect « humain ».

Peter Wilson semble vouloir dire qu’il ne faut pas oublier que les espaces sont vécus, que c’est cette valeur qui importe. En cela le texte de Bachelard a permis d’apporter de l’importance à des notions de vécus face à la technologie trop prenante.

45_Peter Wilson, Sometimes Bachelard, article paru dans Architectural Design, mars 2002

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« Avec la cave comme racine, avec le nid sur son toit, la

maison oniriquement complète est un des schèmes verticaux

de la psychologie humaine » 46

46_Gaston Bachelard, Op. cit. p62, p119

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la maiSon verticale

Avant d’écrire La poétique de l’espace, Bachelard avait déjà développé une grande partie sur la maison verticale et la différence de symbolique entre grenier et cave dans le chapitre « La maison natale et la maison onirique » 47.

Le thème de la maison verticale et de sa comparaison avec l’être humain est souvent abordé dans les textes philosophiques ou les essais d’architecture. Si l’on veut parler de développement durable sur ce thème, on revient au sujet de la maison individuelle, de son impact environnemental. Il ne faut pas oublier de distinguer cependant la maison individuelle du pavillon. Le pavillon est une forme d’habitat très critiqué en architecture et cela bien avant la notion de développement durable. Les grands ensembles étaient déjà une critique de cette forme d’habitat. Mais il existe un paradoxe entre ces critiques et les envies des habitants. Le pavillon incarne le rêve de beaucoup de français puisqu’il représente la maison individuelle à prix moindre qu’une maison d’architecte. Puisque les maisons individuelles semblent pour certains inadaptées aux préoccupations écologiques, d’autres formes verticales ne peuvent-elles pas incarner ce schéma ? Les immeubles ne peuvent-ils pas être interprétés de cette façon ?

Il me semble que l’apparence de la maison décrite par Bachelard importe peu. Il lui suffit d’être notre demeure pour exister et être aimée. Elle nous fournit un corpus d’images et de souvenirs mais sa globalité n’est pas importante. En ce sens, la description bachelardienne est alors facilement adaptable. La poétique de l’espace a eu une place spéciale dans les esprits des architectes quand il est sorti parce qu’il a cherché à figer et à analyser des images éphémères. Bachelard, fort de sa propre expérience en épistémologie a lié le problème de la connaissance scientifique et de la pente de l’imagination. En ce sens, la pensée de Bachelard est toujours d’actualité. Ne cherche-t-on pas encore à mêler la technologie à des approches plus sensorielles, plus sensibles ?

47_Ibid p64

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« La maison oniriquement complète est la seule où l’on puisse

vivre dans toute leur variété les rêveries d’intimité. On y vit

seul, ou deux, ou en famille, mais surtout seul. Et dans nos

rêves de la nuit, il y a toujours une maison où l’on vit seul. » 48

48_Gaston Bachelard, Op. cit. p62, p118

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Solitude et intimité

La maison bachelardienne est un grand lieu d’intimité. Elle semble permettre de contrôler son degré d’intimité, de socialisation, de solitude. Bachelard prône plutôt la solitude mais on a pu voir dans l’exemple de la villa Carré qu’une vie sociale bien remplie ne représente pas forcément la négation des valeurs d’intimité. Il est important de laisser le choix. La liberté de l’habitant prend toute son importance dans les projets.Les recherches de rêves et de rêveries mises en avant par Gaston Bachelard font ressortir avant tout le besoin de solitude de l’habitant. La maison décrite par Bachelard est la maison de l’imagination. Or imaginer est un acte solitaire.On aime parfois raconter nos rêveries, faire partager les histoires qui se fabriquent dans notre imagination mais cela reste avant tout une action solitaire. On choisit ce que l’on raconte, quel extrait on peut partager et avec qui. Pour Bachelard, l’acte d’habiter devrait être guidé par les même règles que les rêveries. On devrait pouvoir choisir avec qui on le partage, à quel moment.

Le « vivre-ensemble » et la mutualisation sont des termes en vogue dans notre société pour des raisons économiques et écologiques. A l’époque de la sortie du livre de Bachelard, les façons de vivre étaient différentes. La France était beaucoup moins urbanisée. Mettre en commun certains services me parait approprié à notre société actuelle mais il ne faut pas oublier le besoin de solitude de chacun. On ne peut pas imposer la mutualisation de tout. On ne peut pas imposer à des personnes qui rêvent d’habitat individuel de vivre en immeuble sous prétexte d’écologie. Le bien être et le respect des rêves devraient être des notions clef du développement durable. Bachelard base son texte sur de nombreux écrits, de nombreux poèmes. Il associe parfois le rapport que l’on peut avoir avec un livre et celui que l’on peut avoir avec une maison. Pour Bachelard, pratiquer l’architecture peut s’apparenter par moment à lire. On sera donc libre, avec la base que l’on nous offre de s’imaginer la suite, de continuer par nos rêveries le monde que l’on voudra. C’est également en ce sens que le rapport de l’Homme avec son habitat est très important, il est et devient le support de la rêverie par les aspirations qu’il offre.

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« Ce que les architectes disent de leurs bâtiments ne

correspond souvent pas exactement à ce que ces bâtiments

nous racontent. Cela tient probablement du fait qu’ils nous

disent beaucoup de choses sur les aspects réfléchis de leur

architecture mais nous dévoilent peu les passions secrètes

qui donnent véritablement une âme à leur travail. » 49

49_Peter Zumthor, Penser l’architecture, p21

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Peter zumthor, aPProche contemPoraine de la maiSon onirique

Peter Zumthor a une approche de l’architecture plus sensorielle que pragmatique. On peut lire dans ses écrits l’importance des ressentis, des atmosphères. Il donne un côté humain à son travail et à son rapport aux choses.«Quand je pense à l’architecture, des images remontent en moi. Beaucoup de ces images sont en rapport avec ma formation et mon travail d’architecte. Elles contiennent le savoir sur l’architecture que j’ai pu accumuler au cours du temps. D’autres évoquent mon enfance. Je me rappelle le temps où je faisais l’expérience de l’architecture sans y réfléchir. Je crois sentir encore dans ma main une poignée de porte, une pièce de métal arrondie comme le dos d’une cuillère. » 50

Zumthor accorde une grande place aux images vécues et particulièrement à celles de l’enfance. Peter Zumthor apprécie avant tout les lieux et les maisons où l’être humain se sent protégé, qui lui fournit un habitat agréable, qui l’épaule dans la vie. La sensation d’atmosphère, de ressenti est très momentanée, instantanée, cela rejoint la définition des images poétiques de Bachelard. Ce sont des instants vécus, éphémères. « Les gens disent toujours que l’architecture est un art de l’espace, mais c’est aussi un art du temps. » 51

Peter Zumthor explique qu’il « existe une interaction entre les êtres humains et les choses. » 52. Il donne aux choses une importance dans les lieux. Pour lui, « Il existe une magie du réel » 53. Le « réel » et les objets du quotidien ont une symbolique. L’enfance, notre passé, notre vécu sont également importants pour l’architecte :« Le son de l’espace – personnellement, ce qui me vient à l’esprit en premier, ce sont les bruits de ma mère dans la cuisine lorsque j’étais gamin. Ils m’ont toujours rendu heureux»54

« Il y a des bâtiments qui ont un son magnifique, qui me disent : je suis à la maison, je ne suis pas seul. C’est probablement cette image maternelle dont je ne me défais pas et dont, à vrai dire, je ne veux pas me défaire. » 55

50_Peter Zumthor, Penser l’architecture, p751_Peter Zumthor, Atmosphères, p4152_Ibid, p1753_Ibid, p1954_Ibid, p2955_Ibid, p33

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« Les racines de notre compréhension de l’architecture

plongent dans notre enfance, dans notre jeunesse ; elles se

trouvent dans notre biographie.» 56

56_Peter Zumthor, Penser l’architecture, p65

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Il évoque les souvenirs de son enfance, de la maison de sa tante. Il décrit le bruit des portes de son enfance, explique qu’il se rappelle exactement la proportion des escaliers qu’il empruntait dans sa jeunesse.« De tels souvenirs portent en eux les impressions architecturales les plus profondément enracinées que je connaisse. C’est en eux que se fondent les atmosphères et les images que je tente de sonder dans mon travail d’architecte. » 57

Zumthor, à la différence de Bachelard, est architecte. Il explique alors le rapport qu’il y a chez lui entre son enfance et son travail. L’influence des images de son enfance est grande mais il cherche à aller plus loin et à tirer profit de ses souvenirs vécus. Sa démarche de projet n’est pas de se fixer sur les images qui lui viennent en tête mais qu’elles soient le tremplin vers de nouvelles images :« Nous portons en nous des images des architectures qui nous ont marquées. Nous avons la faculté de faire revenir ces images à notre esprit et de les questionner. Mais cela ne suffit pas à faire un nouveau projet, une nouvelle architecture. Nos « vieilles » images ne peuvent que nous aider à en trouver de nouvelles » 58

Sa démarche de projet s’enrichit du passé en essayant d’avancer vers d’autres images.« Penser en images, par associations d’idées, de manière effrénée, libre, colorées, sensorielles – c’est ma définition préférée du projet d’architecture. Penser en images comme méthode de la conception de projet, c’est ce que je voudrais communiquer aux étudiants. » 59

Il parle également de la solitude et de ses degrés. Une partie de « penser l’architecture » s’appelle : paliers d’intimité, elle concerne la proximité et la distance et les différents degrés de solitude.« Il y a donc la situation où je suis seul, celle où je suis seul mais avec d’autres à l’intérieur d’un groupe et celle où je suis dans la masse » 60

57_Peter Zumthor, Penser l’architecture, p858_Ibid, p6759_Ibid, p6960_Peter Zumthor, Atmosphère, p55

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« À travers les souvenirs de toutes les maisons où nous avons

trouvé abri, par delà toutes les maisons que nous avons rêvé

habiter, peut-on dégager une essence intime et concrète qui

soit une justification de la valeur singulière de toutes nos

images d’intimité protégée ? » 61

61_Gaston Bachelard, Op. cit. p4, p23

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rêve bachelardien et déveloPPement durable

La lecture de Bachelard permet de découvrir des dimensions cachées derrière le mot « maison » pourtant si usuel. Elle montre une façon différente d’appréhender l’espace. Elle ouvre les yeux sur un certains nombres de symboles qui s’incarnent dans la figure de la maison. Son livre est sur un ton heureux, ne parlant que d’espaces heureux ou donnant à des lieux mystérieux (la cave par exemple) des qualités qui nous aident dans la recherche de soi.

Je pense que grâce aux développements des technologies et aux progrès faits sur les matériaux, on arrive à être performants en termes écologiques de la construction. Mais aujourd’hui, il manque une dimension : il faudrait que tout cela appartienne pleinement aux habitants. Il existe encore une différence entre les constructions qui naissent de normes de plus en plus exigeantes, qui amènent des bâtiments performants et les rêves d’habiter. La symbolique de l’habitat devrait s’adapter aux exigences de la société et à même titre, les constructions doivent être adaptables aux rêves d’habiter de chacun.

L’habitat aujourd’hui ne doit pas se contenter de répondre aux attentes créées par le développement durable. Il y a deux entrées à prendre en compte. La vision rêvée, la vision vécue, philosophique des espaces et ce qu’invoque le verbe « habiter » dans notre pensée, dans nos souvenirs et la vision « développement durable », celle qui répond aux exigences matérielles des constructions d’aujourd’hui et de demain.

Il me semblerait intéressant de reprendre la démarche de Gaston Bachelard. Pour lui, nous sommes marqués par les logements que nous habitons et nous marquons également l’architecture. Ce sont les rêves que nous cultivons qui nous font changer des choses dans l’habitat. Il faudrait donc faire évoluer nos rêves pour que nos habitudes changent. Si nos rêves ne sont plus les même, alors nos façons d’habiter changeront.

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La maison Gugalun est une oeuvre de Peter Zumthor, construite en 1994 à Safiental, en Suisse.Dans ses projets, l’architecte explore les qualités tactiles et sensorielles des espaces. Il a une approche sensible des matériaux et de la construction.

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La forme même de l’habitat décrite par Bachelard est critiquée par le développement durable. On est à l’heure de la densité où le problème du manque de logement et la nécessité d’être économe et performant énergétiquement nous amène à densifier. La maison individuelle est-elle en passe de disparaître ? Je pense qu’il existe déjà de nombreuses situations où les rêves et le développement durable peuvent coexister : beaucoup de personnes ne souhaitent pas abandonner leur rêve de maison individuelle mais construisent des maisons écologiques. De plus en plus de bâtiments offrent une qualité de vie qui peut s’apparenter à celle rêvée par la forme de maison individuelle et en étant très performants.

Aujourd’hui les schémas de vie se diversifient, du parent monoparentale à la famille recomposée, les logements exigent une grande flexibilité. Aussi bien au sein d’un logement que dans une typologie variée. Dans la description de Bachelard, l’espace est approprié par les rêveries, par les souvenirs. L’appropriation n’est pas matérielle, elle est pensée, rêvée. La possibilité de s’approprier un espace est importante. Il est plus facile de s’approprier un espace par la pensée s’il est déjà notre matériellement. En cela, l’architecture doit permettre une appropriation de l’habitat par l’habitant. Elle doit offrir la possibilité de gérer sa sociabilisation en créant des espaces où l’on peut partager mais également des espaces où l’on peut vivre pleinement sa solitude.

L’architecture peut être aussi performante que possible si elle n’oublie pas de tenir compte de laisser s’exprimer au mieux les relations humaines et en particulier les relations avec soi-même. Dessiner un bâtiment, à plus forte raison lorsqu’il s’agit d’habitation, ne se résume pas dans des données chiffrées, quelque soit la forme prise par le bâtiment, il est important de lui donner une âme.

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Annexe 1 : Biographie de Gaston Bachelard

Gaston Bachelard est né en 1884. Il est mobilisé d’août 1914 à mars 1919 sur le champ de bataille. Il est agrégé en philosophie en 1922 et docteur ès lettres en 1927. En 1961, il devient Grand Prix national des Lettres.

Il était philosophe des sciences et de la poésie. Il renouvela l’approche philosophique et littéraire de l’imagination et interrogea notamment les rapports entre la littérature et la science, c’est-à-dire, pour lui, entre l’imaginaire et la rationalité. Dans ses écrits, la rêverie poétique « sympathise » intimement avec le réel, tandis que l’approche scientifique est « antipathique ». Bachelard reçut l’influence de trois principaux courants de pensée : l’idéalisme allemand, l’épistémologie française et la psychanalyse.Il expliqua que la connaissance scientifique est un aller et retour permanent entre la raison et l’expérience, et la raison se corrige elle-même, elle ne produit pas des théories figées, mais des théories qui évoluent. Son épistémologie (étude critique des sciences, destinée à déterminer leur origine logique, leur valeur et leur portée) etait conçue comme une psychanalyse de la raison alors que sa poétique est une psychanalyse de l’imagination.

L’importance de l’imaginairePour Bachelard, l’origine première de la vie psychique était l’imaginaire et non la perception. Il consacra une partie de son œuvre à une étude approfondie de l’imaginaire poétique. « Notre appartenance au monde des images est plus forte, plus constitutive de notre être que notre appartenance au monde des idées »62.Bachelard mêlait à ses analyses poétiques des analyses psychanalytiques. Selon lui, l’interprétation de la poésie est tributaire d’une psychologie de l’imagination. En effet, il expliquait que l’on pouvait mieux comprendre la poésie d’un auteur lorsque l’on étudiait son imaginaire personnel, ce qui le fascinait et ce qui le hantait.

Un côté « scientifique »L’organisation de son texte s’apparente à un raisonnement « scientifique », « rationnel ». Bachelard explique ses raisonnements avant de les commencer, il dit quelle « méthode » il va utiliser. Ainsi, dans l’introduction de son livre, il déclare qu’il parlera d’ontologie (étude de l’être en tant qu’être, de l’être en soi), de phénoménologie et d’épistémologie. Il évoque la notion de « rythmanalyse » de la fonction d’habiter. Ces termes, philosophiques, sont employés par Bachelard comme un vocabulaire de la médecine à laquelle il va recourir pour analyser l’espace.

62_Gaston Bachelard, Le Dormeur Éveillé

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Gaston Bachelard appuyait ses démonstrations sur les écrits d’autres auteurs, poètes et philosophes. Dans la poétique de l’espace, il va analyser entre autre les écrits de :

Pierre-Jean Jouve (1887-1976) Poète et romancier français.Inspiré par les aspects tragiques de la condition humaine, Pierre Jean Jouve a une vision plutôt apocalyptique de la vie en générale.

Rilke (1875-1926) Ecrivain autrichienSa vie et son œuvre montrent que c’est un être d’une sensibilité exacerbée et d’une instabilité maladive, partagé entre « une aspiration ardente à la lumière » et une grande angoisse face à la misère, à la souffrance et à la mort.

Henri Bosco (1888-1976) Ecrivain françaisIl aimait jouer sur l’alternance du mystère et de la réalité de la vie quotidienne au sein d’un monde paysan régi par des croyances ancestrales.

Jules Supervielle (1884-1960) Poète et romancier françaisNé en Uruguay, il fut toute sa vie fut imprégnée du souvenir des immenses espaces vides de la pampa et de l’océan, dont la fréquentation lui donna très tôt le sentiment de distance et d’isolement. Son art est simple et sincère, il utilise un vocabulaire simple, une écriture « transparente ». Supervielle n’avait pas peur de la banalité mais de l’incompréhension. L’un des thèmes fondamentaux de la poésie de Supervielle est la responsabilité de l’Homme dans l’existence des choses « Si nul ne pense à moi je cesse d’exister »

Bergson (1859-1941) Philosophe françaisIl élabora sa pensée en faisant une analyse critique des méthodes et des résultats scientifiques de son époque.

Baudelaire (1821-1867) Ecrivain françaisIl donnait à la vie quotidienne une importance, une place dans la création de l’espace.

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Annexe 2 : Hiroshi Naito, A place by a Window | texte original

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En Avril 1995, j’avais plusieurs projets qui coïncidaient et une montagne d’activités au bureau comme nous n’en avions jamais connu. En tant qu’architecte, je ne pouvais demander une meilleure opportunité. Mais, comme quelqu’un obligé de créer, je me trouvais en pleine crise. Je me sentais en danger de perdre quelque chose précieux. Coincé dans un emploi du temps très serré, je n’avais pas vraiment le temps de penser. J’ai mis tout de côté et je suis parti en voyage pour voir les bâtiments d’Alvar Aalto. Pourquoi Aalto ? Je n’étais pas vraiment sûr. Il fallait que ce soit Aalto, je pensais, ça deviendrait éventuellement plus clair à mes yeux.

Louant une voiture à Helsinki, je conduisis à travers les forêts, passais des lacs montrant le paysage d’Avril de Finlande. Derrière les sommets enneigés encore tout fraîchement blancs, le ciel bleu qui se présentait occasionnellement était pur et époustouflant. Le monde semblait éclatant avec une brillance nouvelle comme il eut de rare fois dans ma vie. Les bâtiments d’Aalto, comme je les découvris, avaient un air de quiétude, en contraste avec la vitesse de ma voiture. Pour moi, dans mon état d’esprit de l’époque, chacun de ses bâtiments étaient tel un oasis de paix, qu’il apparaisse dans un contexte urbain ou dans l’ombre des arbres d’une forêt.

Le salon de la villa Mairea, que j’ai vu à ce moment là, m’impressionna particulièrement, et je m’en souviens encore précisément. Je ne fus dans cette pièce que dix minutes environ je pense, en partie parce que j’avais un rendez-vous pour visiter le bâtiment. Je peux encore reconstruire cet espace dans mon esprit, même maintenant, jusque dans les moindres détails du mobilier.

Annexe 2 : Hiroshi Naito, A place by a Window | traduction

Ouvrant la modeste porte en bois, on entre dans le hall d’entrée qui est placé sous le niveau du salon. La composition spatiale se déplie à partir de là, dans une séquence continue, c’est impeccable. Il n’y a rien de superflu, tout exprime l’élégance. Ensuite, une lumière diffuse « C’est ce que je suis venu voir, dans cette pièce » je n’ai eu qu’une pensée. Ce que je rencontrais dans ce salon ne fut pas une forme architecturale mais plutôt l’image d’un espace conceptualisé par Aalto.

En septembre 2001, une vue étrange contraire à toute autre chose que j’ai pu voir sur les écrans de télévision. Derrière le reporter, qui parlait « fast and furious », une immense tour brûlait en se cachant derrière la fumée noire. Le bâtiment commença doucement à s’écrouler. Le reporter n’avait pas encore remarqué. A ce moment, je me figurais quelque chose comme une énorme roue dentée qui se mettait en route avec des cliquetis. Depuis, le monde a changé d’apparence. En réalité, qu’est-ce que cet incident nous a dit ? Après de nombreuses discutions, l’analyse de tout ce sang, des distorsions, nous sommes en train de perdre notre poignée de vérité.

Quand je regarde cette scène, en réalité, quelque chose sans aucun rapport avec la tragédie me traverse l’esprit. Pendant longtemps, je ne savais pas pourquoi une telle chose se produisait en moi.Ce qui vint à mon esprit à ce moment fut le salon de la Villa Mairea. Pas là où c’est ouvert vers la piscine mais plutôt l’espace cloisonné qui s’étend de la cheminée à la partie la plus profonde de la pièce.

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Plus spécifiquement, pas vers la rangée de fenêtres répétitives mais vers une fenêtre seule sur un mur, vers la lumière venant de cette fenêtre et vers la délicate planche de plafond qu’elle illuminait, un espace modeste qui ne peut être décrit que comme chaleureux et tranquille. Un espace par une fenêtre peut-être comme on en trouve dans toutes les maisons en Finlande. Ce que je me rappelle c’est la scène de cet espace par la fenêtre, la façon dont il avait de me dire «   C’est okay d’être ici ». Le sens profond du relief que j’ai ressenti. Un espace qui reconstituait sa dignité à l’être humain.

Trouver un espace par une fenêtre pour les gens ; c’est tout ce que l’architecture peut faire en réponse à la folie du monde. Un architecte : même si je me présente en employant ce mot, je ressens un peu de fierté et un peu d’hésitation. Le travail d’un architecte est probablement résumé dans la capacité à créer cet espace par une fenêtre. Si nous ne pouvons pas faire cela, il n’y a aucun sens dans nos projets. Je n’ai pas encore été capable de le faire. Dans un monde d’incertitude croissante, un monde d’homogénéité croissante, un monde qui cherche à nous voler notre individualité et notre fierté : dans un tel monde, nous avons besoin d’espaces qui puissent nous soutenir. Les salons d’Aalto sont la preuve que de tels espaces sont possibles. C’est pourquoi, je pense, quand je me suis heurté à cette épouvantable et brutale scène, je me suis souvenu un espace par la fenêtre. J’ai pu me trouver une consolation et quelque chose sur quoi pencher en pensant à cet espace.

Les guerres sont encore d’actualité, privant des personnes de leur espace par la fenêtre. Le terrorisme est une révolte de ceux qui ont été privés de leur espace par la fenêtre.

La lutte sans but entre ceux qui privent et ceux qui deviennent des privés commence. Dans une telle guerre, la civilisation moderne est doucement et implacablement en train de priver les gens d’endroits où ils peuvent être eux-mêmes. On ne peut que difficilement ne pas le remarquer, cela nous enlève notre place par la fenêtre. Tout cela a été perdu par le monde ou c’est maintenant en train de disparaître : la mémoire humaine, la fierté, et l’existence, et toute les petites histoires oubliées. Les bâtiments d’Aalto, avec un espace par la fenêtre ont le pouvoir de réveiller tout notre intérieur. Les modernistes vont sans doute appeler ça « nostalgie », mais n’oublions pas : nostalgie, tout comme la musique de Astor Piazzola, est le moyen de restaurer, en ces temps, des choses de la plus grande importance à l’esprit humain. Ce pouvoir se trouve dans l’espace par la fenêtre.

En Août 2002, j’ai pu visiter La Villa Mairea une seconde fois et apprécier une demi-journée sur place, cette fois avec une invitation spéciale, comme une récompense pour avoir donner des cours pendant le symposium de Aalto. Je suis resté là, une heure, béat. Ces espaces remplis des sons joyeux des personnes qui parlaient et riaient, des gens avec des yeux d’enfants et de bienvenu d’un visiteur d’une autre culture. Le temps passa, d’or dans sa chaleur et sa richesse et je le bus profondément. Et ce qui me traversa l’esprit, là, à la villa Mairea, fut la scène d’une tour en train de brûler.Eco

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Bibliographie

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OUVRAGES

Alvar Aalto

Göran Schildt, Alvar Aalto, His life, Alvar Aalto Museum, 1998

Louna Latiti, Aalto (1956-1961), Taschen, 2007

Louna Latiti, Aalto (1898-1976), le paradis pour les petites gens, Taschen, 2009

Winfried Nerdinger, Friedrich Achleitner, Alvar Aalto, Toward a human Modernism, Paperback, 1999

Göran Schildt De l’oeuvre aux écrits, textes d’Alvar Aalto, 1982[Nous loger, ce problème][L’humanisation de l’architecture, publié dans technological Review, 1940][Entre humanisme et matérialisme][Le paradis selon les architectes][L’architecture Carélienne]

Malcom Quantrill Alvar Aalto a critical study, The mature expression, Schocken Books, 1983

Kirmo Mikkola, Alvar Aalto, 1898-1976, Musée d’architecture de Finlande, 1994Alvar Aalto, un homme de pensée, production verbale d’Alvar Aalto, Musée Alvar Aalto, 1994

William J.R. Curtis,Alvar Aalto, Maison Louis Carré, Académie Alvar Aalto, 2009

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Gaston Bachelard La terre et les rêveries du repos, Corti, les Massicotés, 1948

Gaston Bachelard La poétique de l’espace, Éditions PUF, 1957

Gaston Bachelard Lettres à Louis Guillaume, La part commune, 1951-1962

Michel FoucaultLe corps utopique, les hétérotopies, lignes 1966

Jean-Paul Flamand L’abécédaire de la maison, La Villette, 2004

Brigitte Donnadieu L’apprentissage du regard : leçons d’architecture de Dominique Spinetta, La Villette, 2002

Louis I. Kahn Silence et lumière : choix de conférences et d’entretiens 1955 - 1974, Linteau, 1996

Augustin Berque, Alessia de Biase et Philippe Bonnin L’habiter dans sa poétique première : Actes du colloque de Cerisy-la-Salle, 2008

Joan Ockman , avec la collaboration de Edward Eigen Rizzoli Architecture culture 1943-1968 : a documentary anthology , 1993

Thierry Paquot Demeure terrestre : enquête vagabonde sur «l’habiter», L’Imprimeur, 2005

Joy Monice Malnar et Frank Vodvarka Sensory design, University of Minnesota Press, 2004

ARTICLES

AMC n°90, 1998, p56-63L’architecture d’aujourd’hui n°315, 1998, p4-19 n°191, 1977 p56-121 N°56, 1954Le carré bleu 1/98/01/05/1995 p28-30Abitare n°369, 1998 p43-79Architectural design, n°2, mars 2002, pp1-96

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Remerciements

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Merci à ceux qui m’ont permis d’habiter pour leur soutien de toujours, Merci à ceux avec qui j’ai habité pour tout les souvenirs inoubliables, Merci à celles avec qui j’habite aujourd’hui pour tous nos moments de joies quotidiennes et de partage,Merci à celle qui a partagé mon habitat-moustiquaire pendant un mois pour son amitié et sa présence

Et Merci à Paul Landauer, qui nous aide à aller de l’avant et à trouver nos propres motivations.

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