Élections législatives au Liban - M...

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16 Moyen-Orient 2 D O S S I E R L I B A N Jean-Luc Vannier Ancien conseiller « Moyen-Orient » au SGDN, auditeur de l’IHEDN, il a enseigné plusieurs années à l’université Saint-Joseph de Beyrouth. Aujourd’hui psychanalyste, il est chargé de cours à l’université de Nice et à l’EDHEC, et auteur de chroniques sur le Web. vote chiite qui, à l’image de ce qui s’est passé à Jbeil, a permis aux candidats aounistes de l’emporter. Conformément aux prévisions des Forces libanaises (FL), la ville de Zahlé a ainsi massivement voté pour la Coalition du 14 mars. Cee victoire est aribuée aux milliers de Libanais venus spécialement de l’étranger pour prendre part en grand nombre aux élections, une tactique pourtant largement adoptée à coup de centai- nes de millions de dollars de budget de campagne par les Élections législatives au Liban : du clientélisme traditionnel à la modernité politique ? Les élections législatives qui se sont tenues au Liban le 7 juin dernier marquent un tournant dans la vie politique au pays des Cèdres. Pour la première fois sans doute depuis l’occupation syrienne, le scrutin a cherché, sans toujours y parvenir complètement, à rompre avec la pratique traditionnelle du clientélisme au profit d’une modernité politique, encore balbutiante. © AFP Photo/Ramzi Haidar A vec 71 sièges sur 128 en faveur de la Coali- tion pro-occidentale du 14 mars, les résultats du scrutin, annoncés au coude-à-coude, ont constitué une surprise. Les électeurs chrétiens proches du général Aoun ont, semble-t-il, sanctionné son rapprochement « contre-nature » avec les responsables du Hezbollah. À part l’exemple de la circonscription du Kesrouan où la personnalité charismatique du général a joué, c’est le

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D O S S I E R L I B A N

Jean-Luc VannierAncien conseiller « Moyen-Orient » au SGDN, auditeur de l’IHEDN, il a enseigné plusieurs années à l’université Saint-Joseph de Beyrouth. Aujourd’hui psychanalyste, il est chargé de cours à l’université de Nice et à l’EDHEC, et auteur de chroniques sur le Web.

vote chiite qui, à l’image de ce qui s’est passé à Jbeil, a permis aux candidats aounistes de l’emporter. Conformément aux prévisions des Forces libanaises (FL), la ville de Zahlé a ainsi massivement voté pour la Coalition du 14 mars. Cette victoire est attribuée aux milliers de Libanais venus spécialement de l’étranger pour prendre part en grand nombre aux élections, une tactique pourtant largement adoptée à coup de centai-nes de millions de dollars de budget de campagne par les

Élections législatives au Liban :

du clientélisme traditionnel à la modernité politique ?

Les élections législatives qui se sont tenues au Liban le 7 juin dernier marquent un tournant dans la vie politique au pays des Cèdres. Pour la première fois sans doute depuis l’occupation syrienne, le scrutin a cherché, sans toujours y parvenir complètement, à rompre avec la pratique traditionnelle du clientélisme au profit d’une modernité politique, encore balbutiante.

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A vec 71 sièges sur 128 en faveur de la Coali-tion pro-occidentale du 14 mars, les résultats du scrutin, annoncés au coude-à-coude, ont constitué une surprise. Les électeurs chrétiens

proches du général Aoun ont, semble-t-il, sanctionné son rapprochement « contre-nature » avec les responsables du Hezbollah. À part l’exemple de la circonscription du Kesrouan où la personnalité charismatique du général a joué, c’est le

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deux principales formations. À l’étranger, le 14 mars disposait vraisemblablement d’un plus grand « réservoir de voix ». Les déclarations américaines, celles du vice-président américain en visite au Liban les derniers jours de la campagne, de même que le discours de Barack Obama au Caire – le « bâton » suivi de la « carotte » – ont pu jouer en défaveur des positions radicales défendues par les forces du 8 mars, inscrites dans l’axe syro-iranien du Moyen-Orient.Certes, quelques tentatives de fraudes à la carte d’identité ont été relevées, ainsi que des actes isolés de corruption et quelques échauffourées localisées, rapidement circonscrites par une ar-mée libanaise largement déployée dans le pays, mais dans sa grande majorité, la population a manifesté un réel engouement pour cette consultation nationale de l’ère postsyrienne. Cer-tains ont attendu plusieurs heures pour mettre leur bulletin dans l’urne. D’autres se sont rendus à pied pour rejoindre leurs bureaux de vote situés dans leurs villages, tandis que d’impres-sionnantes files de voitures provoquaient des embouteillages en dépit des mesures préventives adoptées par le ministère de l’In-térieur. Le représentant de la Commission de contrôle des opé-rations de vote de l’Union européenne, José Ignacio Salafranca, s’est félicité du « bon déroulement général » de ces élections. Un sentiment amplement partagé par les services de sécurité de l’ONU. Ces derniers s’attendent toutefois à de plus graves

incidents susceptibles d’intervenir après l’annonce définitive des résultats. Incidents qui pourraient impliquer les miliciens du Hezbollah et rappelant ceux du mois de mai 2008. Si la milice chiite, par la voix de son secrétaire général, Hassan Nasrallah, a dignement reconnu sa défaite, elle n’en a pas moins réaffirmé son refus de voir la question des armes de sa milice inscrite à l’ordre du jour des discussions gouvernementales. Des propos confirmés par ses collaborateurs selon lesquels l’issue du scrutin « ne change rien à l’équilibre des forces ».

• « Assabiya » : le clanisme du système politique libanais

L’histoire de la politique au Liban ne pourrait être, pour pla-gier le sociologue Vilfredo Pareto, qu’un « cimetière d’aristo-craties », les fils succédant aux pères et les veuves aux maris. Jusqu’à l’assassinat de Rafic Hariri en février 2005, le système politique libanais se résumait à un schéma ancestral de type féodal et d’articulations clientélistes où seules la détention d’une surface territoriale, l’influence du nom familial et la puissance financière valent légitimité. Le chef charismatique et le potentat local remplacent l’État, et imposent, contre une

Sympathisantes du Hezbollah lors des élections du 7 juin dernier, à Beyrouth. Malgré sa défaite, le Hezbollah reste un acteur incontournable de la vie politique libanaise et la question de son armement reste en suspens.

© REUTERS/Khalil Hassan

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« Je ne suis ni pour Taëf, ni

pour Doha mais pour une modernisation de

la vie politique libanaise », Albert Kostanian, directeur

de campagne des Kataëb.

Ces élections ont été marquées par la compétition entre les partisans du général Aoun, ralliés au Hezbollah, et ceux de la Coalition du 14 mars dirigés par Saad Hariri.

garantie de protection, un lien d’assu-jettissement ou « Assabiya », une

obligation d’allégeance. De nom-breux intellectuels libanais accusent d’ailleurs les responsables d’avoir dévié le pays vers la notabilité et le

népotisme. Point de partis politiques, point d’acteurs de la société civile im-

pliqués dans les rouages de l’État. Mais un principe de pouvoirs répartis, depuis1943 et

les accords de Taëf de septembre 1989, entre un pré-sident maronite, un Premier ministre sunnite et un président de la Chambre chiite. À même de rappeler étrangement les réflexions émises par Hegel à propos du système politique de l’Allemagne à son époque (1), l’État libanais « consiste » en ce que les plus forts, chefs de partis, seigneurs de clans, auto-rités religieuses et tribales, familles patriciennes, parviennent à « soustraire à son autorité et à son fonctionnement ».Le comptage des électeurs s’opère selon des critères confession-nels, sujet sensible au pays des Cèdres où se côtoient dix-huit communautés religieuses, douze chrétiennes et six musulma-nes. Le système du confessionnalisme a souvent comporté une dimension politique tout en infiltrant le projet social. Si elle n’est plus obligatoire sur la carte d’identité nationale, la men-tion de l’appartenance religieuse reste exigible par l’état civil à la déclaration de naissance, car elle déterminera à l’âge adulte la capacité électorale et les conditions d’éligibilité. Dans les administrations, la chaîne confessionnelle fonctionne de telle manière que toute mise en cause personnelle est – fallacieuse-ment – perçue et exploitée comme l’attaque d’une communauté contre une autre. Verrouillage complet du système.L’assassinat, en février 2005, du Premier ministre Hariri a

bousculé cet édifice : il a soudé les musulmans sunnites aux chrétiens jusqu’alors tenus pour des citoyens de « seconde classe », et créé une opposition devenue majoritaire. Avec les conséquences que l’on sait : la mobilisation de la communauté internationale contraignant Damas au retrait de ses troupes basées au Liban depuis plus de trente ans. Entre l’attentat de février 2005 et les élections législatives de juin 2009, ce furent quatre années d’un long processus politique rythmé par plu-sieurs crises majeures : une série d’attentats particulièrement meurtriers dans le prolongement du retrait syrien et du vote de la résolution pour la mise en place du Tribunal spécial pour le Liban (TSL), la guerre entre le Hezbollah et Israël de juillet 2006, l’occupation du centre-ville de la capitale par les miliciens du Hezbollah pendant plusieurs mois et les actions sanglantes lancées par la milice pro-iranienne au cœur de Bey-routh en mai 2008.Dans cette élection, tout reposait sur le vote chrétien. Sur les 26 circonscriptions, seules les chrétiennes, comme Beyrouth I, Koura, Zahlé, Jezzine, Kesrouan, Metn, Batroun et Baabda, soit une trentaine de sièges, présentaient une compétition entre les chrétiens du général Michel Aoun, rallié aux forces du 8 mars, et ceux de la Coalition du 14 mars emmenée par Saad Hariri. Au fond, la seule interrogation portait sur les partisans du gé-néral Aoun, nettement plus indécis après la signature d’un do-cument d’entente avec la milice pro-iranienne du Hezbollah. Tout l’enjeu de ces élections, côté chrétien, résidait aussi dans cette question : « Sortir ou non de l’Assabiya », du clientélisme traditionnel. Déjà Albert Kostanian, directeur de campagne des Kataëb, regrettait :

« Les chrétiens ne sont pas prêts à choisir entre deux projets politiques, ils en restent aux personnes ».

• Une campagne électorale sous contrôle sécuritaire

Dès le début de la campagne, des consignes ont été données par les partis politiques afin de calmer leurs militants. Des responsa-bles du Hezbollah à ceux des Forces libanaises, la question des risques sécuritaires a fait l’objet d’un véritable consensus : « La partie du Liban qui veut torpiller les élections peut toujours le faire mais elle risque, ce faisant, d’apparaître comme s’opposant à un choix démocratique », explique Elie Baraghid, le directeur de cabinet de Samir Geagea, chef des Forces libanaises. « On s’est mis d’accord entre leaders pour éviter les scénarios catas-trophes », confirme de son côté le leader druze, Walid Joum-blatt. Les milieux sécuritaires de l’ONU ont affiché davantage de crainte pour l’après-7 juin : une victoire peu claire et une absence de véritable majorité risquaient de susciter la critique des résul-tats. Sans parler des « difficultés à former le gouvernement » et à rédiger la « déclaration ministérielle », le programme gou-vernemental. Différents scénarios catastrophes étaient même évoqués, dont celui d’un « conflit avec Israël susceptible de conduire à l’évacuation complète des personnels onusiens ».

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en 1992

en 1996 en 2000 et 2005

Limites des circonscriptions

limite de caza

Conception : Tristan Khayat

�g. 1-09- L’organisation spatiale des élections législatives

Source : Atlas du Liban, 2009

Akkar

Baalbek

TripoliMinieh-

Dennieh

Zghorta

BcharriBatroun

Koura

Kesrouan

Jbeil

Marjayoun

Metn

Hermel

Baabda

Beyrouth

Aley

Chouf

Jezzine

Saïda

Tyr

Bint Jbayl

HasbayaNabatieh

Rachaya

Zahleh

Bekaa

circonscription pour les élections de 2000 et 2005

caza

Répartition confessionnelle des sièges de députés

depuis 1992(Chaque carré représente un siège)

Grec catholique

Grec orthodoxe

Chiite

Alaouite

Sunnite

Druze

Minorités

Protestant

Maronite

Arménien grégorien

Arménien catholique

a) Le découpage des circonscriptions b) La répartition confessionnelle des sièges de députés

Carte extraite de L’Atlas du Liban, 2007 ; conception : Tristan Khayat

Au Liban, le Parlement comprend 128 dépu-tés, répartis à égalité entre confessions chré-tienne et musulmane (64 députés chacune). Cette répartition est le produit des accords de Taëf signés en 1989 par 59 députés libanais pour mettre fin à la guerre civile. Or, pour ne pas alimenter les tensions politi-ques et religieuses, elle se base sur le recen-sement de la population de 1932, alors que les estimations avancent fréquemment les chiffres d’environ 60 % pour la communauté musulmane et 40 % pour la communauté chrétienne.La dernière loi électorale votée en 2000 fixe un système électoral complexe marqué par le confessionnalisme, des logiques clientélistes et partisanes, la permanence d’une dimen-sion clanique pour ne pas dire dynastique, et enfin l’influence syrienne. Le scrutin se fait à la majorité. Un nombre de sièges est ainsi

alloué à chaque circonscription (caza, fig. a) en fonction des diverses confessions présen-tes sur son territoire, et selon leur représenta-tivité (fig. b). Et chaque électeur peut voter pour un nombre de candidats égal au nom-bre de sièges alloués à sa circonscription, en respectant la répartition confessionnelle. Dans les faits, de nombreuses pratiques ren-dent ce système électoral peu susceptible de déboucher sur un Parlement réellement re-présentatif. Tout d’abord, l’électeur ne peut rarement faire le panachage que la loi lui autorise, puisque les alliances entre partis prennent souvent la forme de listes fermées correspondant exactement au nombre de siè-ges en compétition. Ensuite, de façon à limi-ter l’expression du communautarisme dans le vote, l’élection se fait la plupart du temps à l’échelle de circonscriptions qui regroupent plusieurs caza.

Le découpage électoral n’a cessé de varier d’une élection à l’autre en fonction des in-térêts politiques du moment. Par exemple, le Mont-Liban a été découpé en petites circons-criptions pour permettre aux Druzes d’en ob-tenir une où ils sont largement majoritaires. Enfin, ces circonscriptions sont non seule-ment le fruit de manipulations politiques par les partis libanais, mais aussi le résultat de l’influence syrienne, notamment pour celle du Liban-Sud (la Syrie souhaitant maintenir la dualité Amal/Hezbollah pour pouvoir jouer sur les deux tableaux). Ce système électoral est donc peu adapté pour faire émerger une véritable unité poli-tique au sein du pays, d’autant qu’il favorise la prégnance des enjeux locaux, dominés par une aristocratie politique, qui peine à se renouveler. n

Florian Dautil, Sciences Po Paris

Le système électoral libanais

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D O S S I E R • L I B A N Élections législatives au Liban : du clientélisme traditionnel à la modernité politique ?

Au cours de la campagne, l’ONU a régulièrement fait état de « tensions à la frontière entre le Liban et son voisin ». Avec 400 patrouilles par jour, 60 positions occupées par la FINUL et « 84 points de passage non contrôlés entre le Liban et la Syrie », on peut partager cette inquiétude. La préparation sécuritaire du déroulement de ces élections a fait l’objet d’un soin attentif du ministre de l’Intérieur Ziad Baroud, avec le déploiement prévu de 50 000 hommes au total pour gérer les 26 circonscriptions, protéger les 700 candidats et encadrer les 3 257 230 électeurs. Malgré l’annonce de toutes ces précautions, des événements inattendus ont fait monter la ten-sion d’un cran lors de la campagne. La remise en liberté, le mer-credi 29 avril, de quatre généraux libanais détenus dans la prison de Roumieh, a suscité quelques craintes. Incarcérés depuis septembre 2005 dans le cadre de l’enquête internationale sur l’assassinat de l’ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri, et considérés comme prosyriens, les généraux Jamil el-Sayed, Raymond Azar, Ali el-Hajj et Mustapha Hamdane tenaient les rênes des différents services libanais de sécurité au moment de l’attentat perpétré le 14 février 2005 à Beyrouth. Les leaders du 14 mars ont tenté, dans un premier temps, de gommer leur embarras en se félicitant d’une décision qui montrait l’« im-partialité politique » du Tribunal spécial pour le Liban (TSL). Les conditions dans lesquelles est intervenue cette libération ont également profité à la Coalition emmenée par Saad Hariri : les multiples déclarations vindicatives, à peine sorti de prison, du général Jamil el-Sayed ont douloureusement ravivé chez de nombreux Libanais le souvenir des heures sombres vécues au cours des trente années d’occupation syrienne. Période dont une majorité de la population, y compris chez de nombreux chiites, ne voulait plus entendre parler. Elles ont même pro-voqué une réaction épidermique du leader druze Walid Joum-blatt, resserrant de facto une Coalition du 14 mars menacée par un inexorable processus de dilution : « Ils ne passeront pas ». À l’inverse, les dirigeants du Hezbollah sont promptement pas-sés de l’enthousiasme délirant à la plus attentiste des prudences après une intervention du secrétaire général Hassan Nasrallah, refusant de laisser toute « carte blanche » au Tribunal. Ce lea-der a vite redouté la possibilité d’un « deal politique » au sujet du TSL entre la Syrie et les puissances occidentales, et dont le prix à payer serait probablement très lourd en termes de marge de manœuvre.

• Le Hezbollah

Dernier péril lors de cette campagne, véritable ligne rouge pour le Hezbollah, la question de ses armements. En remettant dé-but mai son neuvième rapport à Ban Ki-moon, Terjé Roed-Larsen, envoyé spécial du secrétaire général des Nations unies, a déclaré, ravivant les appréhensions des Libanais : « La me-nace des groupes armés crée un climat d’intimidation dans le contexte des élections ».Depuis sa fondation au début des années 1980, le Hezbollah a toujours officiellement revendiqué une doctrine fondée

L’Alliance du 14 mars

Elle regroupe les partis politiques libanais qui ont pris part à la manifes-tation organisée le 14 mars 2005 pour réclamer que la vérité soit faite sur l’assassinat de l’ancien Premier ministre, Rafic Hariri, un mois plus tôt. Elle rassemble des sunnites, druzes, chrétiens et laïcs, réunis par leur position antisyrienne, le désir de voir le Hezbollah se désarmer et la volonté de réformer le système électoral confessionnel, à plus ou moins long terme. Victorieuse des élections de 2005, l’Alliance du 14 mars a été reconduite majoritairement au Parlement lors du scrutin de juin 2009.

Le Courant du Futur Fondé par l’homme d’affaires sunnite Rafic Hariri, personnalité incontournable de la scène politique libanaise, en raison de sa fortune et de ses réseaux. Nommé Premier ministre en 1992, il démissionne en 1998 en raison de désaccords avec le président de la République, Émile Lahoud, fortement soutenu par la Syrie, et entreprend d’unifier l’opposition contre le gouvernement prosyrien. Son assassinat en 2005 soude les partis libanais antisyriens. Le Courant du Futur est maintenant dirigé par son fils, Saad Hariri, tête de proue de la Coalition du 14 mars, et nommé Premier ministre suite au scrutin de 2009.

Le Parti socialiste progressiste (PSP) Fondé en 1949 par le chef druze Kamal Joumblatt, il réclame la fin du confessionnalisme politique et un socialisme arabe libéré des influences occidentales. Pendant la guerre civile, les milices du parti soutien-

nent les palestino-progressistes. En 1977, Kamal est assassiné, probablement sur ordre de la Syrie alors alliée aux chrétiens. Walid Joumblatt, son fils, reprend la tête du mouvement et s’allie à la Syrie quand celle-ci se détourne des milices chrétiennes. Mais sa fidélité à Damas se fissure avec l’élection de Lahoud à la présidence en 1998, avec qui il entretient une inimitié per-sonnelle. Il se rapproche de l’opposition chrétienne et sunnite et rejoint en 2000 le gouvernement d’Hariri. La prorogation du mandat de Lahoud sur ordre de la Syrie en 2004 achève la rupture avec la Syrie.

Le Parti Kataëb (Phalanges libanaises)Il fut fondé en 1936 par Pierre Gemayel contre la présence française au Liban. En 1985, le parti rompt avec les Forces libanaises et prend peu à peu ses distances avec Damas. Il est réunifié sous l’égide d’Amine Gemayel en 2005 après le retrait de la Syrie du Liban.

Les Forces libanaises (FL)Elles sont nées du regroupement des diverses milices chrétiennes pendant la guerre civile en 1976, sous l’impulsion de Béchir Gemayel. Transformées en parti politique après la guerre, les FL

sont interdites par les gouvernements prosyriens, pour revenir après le retrait syrien en 2005. Le parti est actuellement dirigé par Samir Geagea.

Le Parti national libéral (PNL)Créé par le président Camille Chamoun, il est dirigé par son fils, Dory Chamoun, depuis sa mort en 1987. Le parti est laïc mais à majorité chrétienne, et a pris part au côté des autres milices chrétiennes à la guerre civile.

Le Bloc nationalFondé en 1947 par le président Émile Eddé, il est dirigé depuis 2000 par son petit-fils, Carlos Eddé. En perte constante d’influence, il attire toutefois au sein de la bourgeoisie libanaise chrétienne modérée.

Aux élections du 7 juin 2009, la Coalition du 14 mars a remporté 71 sièges, dont 33 pour le Courant du Futur, 11 pour le Parti socialiste progressiste, 5 pour les Forces libanaises et 5 pour le Parti Kataëb.

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exclusivement sur la résistance armée à l’État hébreu, le re-tour des réfugiés palestiniens et la prise de Jérusalem comme capitale de l’islam. Sa volonté énoncée de devenir, une fois ces « questions résolues », un « simple parti politique » au sein de l’échiquier libanais a toujours été démentie par ses actes. La milice chiite invoque systématiquement des raisons de sécu-rité et les menaces israéliennes pour refuser son désarmement, et ce, malgré la résolution 1 559 de l’ONU. En mai 2008, dé-nonçant la révocation du chef de la sécurité à l’aéroport in-ternational de Beyrouth réputé proche de cette formation et refusant de céder ses moyens sophistiqués de communication parallèles à ceux de l’État libanais, le Hezbollah a pris l’initia-tive de bloquer l’aéroport. Plusieurs jours durant, elle a provo-qué de violents affrontements avec des gardes sunnites et des combattants druzes, réduisant à néant auprès de la population des années de propagande. En retournant et en utilisant ces moyens armés contre des Libanais, la milice pro-iranienne a instantanément démonétisé son crédit. Fort néanmoins de sa victoire militaire consacrée par l’accord de Doha, le Hezbollah a poursuivi jusqu’à la fin de l’année 2008, l’extension de zones de « non-droit » destinées à accueillir un armement de plus en plus sophistiqué. Autant d’événements qui ont certainement influencé le vote de juin 2009.

• Enjeux et stratégies de campagne

L’application des accords de Taëf et les armes du Hezbollah ont constitué l’essentiel des enjeux de cette élection. Sur le premier sujet, la Coalition du 14 et celle du 8 mars ont affiché quelques ambiguïtés : au nom de la « modernisation de la vie politique libanaise », certains au sein du 14 mars assuraient vouloir en finir avec ce cadre stérile d’une répartition confessionnelle des grandes charges de l’État. Tout en regrettant que le nombre de leurs représentants, aux Affaires étrangères par exemple, ait chuté au profit des sunnites. De son côté, Mahmoud Berri, l’in-fluent frère du président du Parlement, pourtant membre de l’opposition, expliquait :

« Personne ne peut remettre en cause les accords de Taëf verrouillés par toute la communauté internationale ».

Une opinion en contradiction avec ses alliés du Hezbollah et du général Michel Aoun. Mis à part quelques solides bémols de Walid Joumblatt, la question du Hezbollah a fédéré, en re-vanche, l’Alliance du 14 mars, laquelle a régulièrement accusé la milice chiite d’un « putsch rampant contre les institutions libanaises ». De part et d’autre pourtant, ces coalitions ont été fragilisées par des tactiques personnelles : accusé de négocier en secret, en pleine campagne, avec la milice pro-iranienne, le leader druze a mollement démenti l’existence de pourparlers : « Que voulez-vous faire ? », lance-t-il, « ils sont là ! ». D’où sa confession à propos du président du Parlement, Nabih Berri,

L’Alliance du 8 marsElle tire son nom de la manifestation organisée le 8 mars 2005 en réponse aux manifestations antisyriennes suite à l’assassinat de Rafic Hariri. Ce rassemblement fut organisé essentiellement par le Hezbollah, mais com-prit quelques éléments chrétiens. Elle regroupe les partis dénonçant les tentatives d’ingérence des puissances occidentales (États-Unis, France) dans les affaires syro-libanaises et appelant à la souveraineté du Liban, tout en restant fidèle à la Syrie. Cette alliance partage également la volonté de mettre fin au confessionnalisme libanais et de créer un pays jouissant d’une communauté politiquement unifiée.

Le HezbollahMilice chiite libanaise fondée en réponse à l’offensive israélienne au Liban en 1982. Depuis les élections de juin 2005, elle fait partie du jeu politique libanais et présente des candidats, appelant par la voix de son chef, Hassan Nasrallah, à un gouvernement d’unité nationale. Le Hezbollah est partisan d’une transformation du système électoral sur une base pro-portionnelle et aconfessionnelle. L’action de résistance du Hezbollah dans la guerre de 2006 contre Israël a renforcé son prestige, y compris auprès d’autres partis non chiites. Considéré comme un mouvement terroriste par les États-Unis, il est soutenu et financé depuis ses origines par l’Iran et est la seule milice à n’avoir pas déposé les armes. Bien qu’ayant reconnu sa dé-faite aux dernières élections, le Hezbollah demande le maintien du principe actuel de minorité de blocage qui lui a été accordé en mai 2008.

Le Mouvement AmalAcronyme arabe de « détachements libanais pour la résistance » signifiant « espoir », il est à l’origine une milice créée en 1975 pour assurer la défense des com-munautés chiites et de leurs intérêts. Soutenue par la

Syrie et ayant des liens forts avec l’Iran, cette milice fut l’une des plus importantes durant la guerre civile. Intégrée par la suite au jeu politique, elle perdit peu à peu de son audience face au Hezbollah, avec qui elle s’affrontera plusieurs fois durant les dernières années du conflit, avant de se déclarer solidaire de son combat contre Israël en 2006. Le mouvement est dirigé par l’actuel président du Parlement, Nabih Berri.

Le Courant patriotique libre (CPL)Il a été fondé en 1992 par le général Michel Aoun (chrétien) avec pour objectif le retrait des troupes sy-riennes et l’instauration d’un État de droit au Liban. Après quinze ans d’exil en France, le général rentre au Liban en 2005 et participe à la révolution du Cè-dre, mais il prend ses distances vis-à-vis de l’Alliance du 14 mars, suite à des dissensions lors des élections de 2005. Se sentant rejeté par ses alliés naturels, il se rapproche des anciens alliés chrétiens de la Syrie et des chiites du Hezbollah, avec qui il signe un document d’entente en 10 points.

Le Parti MaradaAllié au CPL, ce parti est à l’origine une milice chré-tienne créée par Soleiman Frangié, président de 1970 à 1976, et dirigée par son fils, Tony. Alliée aux Forces libanaises, elle s’en détache quand celles-ci s’éloignent

de la Syrie pour se rapprocher d’Israël. La milice se transforme en parti pro-syrien en 2006, dirigé par Soleiman Frangié Jr. (fils de Tony).

Le Parti social nationaliste syrien (PSNS)Parti laïc fondé en 1932 dans le but de lutter contre le mandat français. Ce parti et ses milices sont à l’origine de l’attentat de 1975 qui déclenche la guerre civile, durant laquelle elles combattront contre Israël, en rivalité, puis en collaboration avec le Hez-bollah. Prosyrien, ce parti estime qu’il est normal que la Syrie prenne part à la politique libanaise, puisque le Liban et la Syrie constituent, d’après lui, deux mor-ceaux d’une seule nation.

La Coalition du 8 mars a remporté 57 sièges, dont 19 pour le Courant patriotique libre, 14 pour Amal, 12 pour le Hezbollah, 3 pour le Parti Marada, 3 pour le Parti social nationaliste syrien.

Encadrés réalisés par Florien Dautil, Sciences po Paris

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D O S S I E R • L I B A N Élections législatives au Liban : du clientélisme traditionnel à la modernité politique ?

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« La finesse du Hezbollah consiste à ne pas effaroucher l’électorat chrétien, à tenir un discours feutré où la menace est toujours sous-entendue mais jamais dite »,

Ibrahim Najjar, ministre de la Justice s’exprimant à titre personnel.

tenu pour un contrepoids possible à l’influence du Hezbollah au sein du Parlement : « Je l’aide comme je peux ». Des clivages personnels ont également surgi au sein des forces du 8 mars : une personnalité du mouvement Amal reconnaît que Nabih Berri vit mal « dans l’ombre de Hassan Nasrallah » et qu’il lui est difficile « de contredire les discours » de ce dernier. Quant au général Aoun, il dit de Berri dans une formule a minima : « Il est l’allié de mon allié ». S’exprimant à titre personnel, le ministre de la Justice, Ibrahim Najjar, résume quant à lui l’enjeu de ces élections par une question :

« Le Hezbollah va-t-il continuer, ouvertement ou en catimini, à dicter sa loi ou non ? ». Avant de conclure : « La vie politique actuelle du Liban est plombée par les armements du Hezbollah. […] Ils ont un poids énorme dans le pays et on le voit quand on s’approche du pouvoir ».

Au risque de semer la confusion dans les rangs des chrétiens du général Michel Aoun, la position du Hezbollah a constamment oscillé entre la volonté de minimiser la portée de ce scrutin et celle d’en souligner l’importance. La contradiction majeure est apparue sur le discours concernant le futur gouvernement : d’un côté, les responsables du Hezbollah ont martelé leur « souhait d’un gouvernement d’Union nationale » qui ignorerait l’issue du vote, d’un autre, ils expliquaient que ce « scrutin majeur allait déterminer les avancées de la résistance et changer la face du Liban ». Les chrétiens du 14 mars ont adopté une stratégie nettement plus cohérente. Les Forces libanaises (FL) ont notamment cherché à présenter dans les régions aounistes « des figures pas forcément issues du parti mais qui bénéfi-cient d’une assise populaire », selon Elie Baraghid, directeur du cabinet de Samir Geagea. Et ce, en dégageant trois catégories de candidats potentiels : en premier lieu, des « partisans des

Forces libanaises », ensuite des personnes « non étiquetées FL » mais qui ont « donné un accord verbal pour appartenir à un bloc parlementaire FL », enfin, des « sympathisants avérés mais qui refusent d’appartenir au futur bloc parlementaire » même s’ils doivent « tenir compte de la masse électorale FL sans laquelle ils ne pourraient être élus ». Et de préciser :

« À Zahlé, toutes les statistiques montrent que les For-ces libanaises arrivent en premier mais malgré cela, nous avons préféré avancer des noms qui ne soient pas des FL pour qu’ils soient mieux acceptés ».

Les Forces libanaises et les Kataëb se sont, par surcroît, unis pour faire de cette élection un « référendum sur la question centrale du Hezbollah, de sa politique et de ses armements ». Nadim Gemayel, jeune leader des Forces libanaises et candidat pour la circonscription de Beyrouth I, place lui aussi cette ques-tion au cœur des enjeux électoraux et dénonce la « nouvelle politique de conquête générale, culturelle, politique, militaire et institutionnelle » menée par la milice chiite : il cite notam-ment l’« inscription des étudiants du Hezbollah dans les uni-versités », notamment à l’USJ, avec pour conséquences une autocensure des enseignants. Côté 14 mars, il appert que ces élections vont en outre offrir l’occasion de mener une opération de renouvellement et de mo-dernisation des partis politiques. À ce titre, Nadim Gemayel reconnaît « qu’il est difficile de s’imposer a fortiori lorsque l’on porte un nom comme le mien », même si son but reste celui, peut-être utopique, de « bâtir une nouvelle modernité politi-que, hors confessionnalisme ». Walid Joumblatt exprime, quant à lui, le « besoin profond de restructurer le parti druze, d’en rajeunir la direction, de donner un rôle aux femmes et de redé-finir des slogans dans le domaine social ». Même son de cloche pour les Forces libanaises : « Un gros travail de réorganisation et d’édification du parti » est en cours, assure Elie Baraghid. Quant au directeur de campagne des Kataëb, il ne tient pas un autre discours : « La question de maturité du parti se pose », explique-t-il, car « pendant la période syrienne, le Parti Kataëb s’est vidé de son contenu et de ses cadres ». On mentionnera finalement la considérable exploitation d’Internet dans cette campagne électorale, bien au-delà des frontières libanaises.

• Interventions extérieures

Des « interventions extérieures » ont également ponctué le déroulement de cette campagne, chacun exploitant, si l’on ose dire, les moyens qui lui étaient familiers. À la Syrie et au Hez-bollah ses influences et ses « amicales pressions », mentionnées dans la presse, sur le choix des candidats, les désistements, les regroupements et les marchandages de listes. Aux Saoudiens, semble-t-il, les pressions pour imposer pour la première fois un candidat de la « Jamaa islamiya » dans une circonscription de Beyrouth. Ce sont sans doute les États-Unis qui détien-nent la palme de la visibilité dans ce domaine : le discours du

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Élections législatives au Liban : du clientélisme traditionnel à la modernité politique ?

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© AFP Photo/Ramzi Haidar

« Nous avons failli à notre devoir de mémoire et créé un complexe communautaire », Nadim Gémayel (sur l‘affiche) candidat des Forces libanaises pour Beyrouth-I.

représentant du Département d’État Jeffrey Feltman, la visite surprise de Hillary Clinton immédiatement suivie par celle du vice-président américain ont montré l’intérêt non dissimulé de Washington pour ces élections. Chacune de ces trois per-sonnalités a pris grand soin de préciser que l’aide américaine dépendrait du sort des urnes.La publicité donnée aux multiples mises en cause à l’étranger du Hezbollah a également pu être ressentie comme une in-tervention extérieure : en premier lieu, ses actions en Égypte – un dossier datant de novembre 2008, mais qui a éclaté en avril 2009 –, la rupture, ensuite, des liens entre le Maroc et l’Iran, la découverte à La Haye de réseaux de drogue où auraient été impliqués des membres du Hezbollah et, finalement, les liens du « Parti de Dieu » avec des dirigeants du Venezuela. Si les perspectives des négociations israélo-palestiniennes de même que les discussions entre Damas et Washington n’ont pas réellement affecté le déroulement de cette campagne, les États-Unis ont quand même tenté d’obtenir de leurs alliés is-raéliens la libération avant l’élection, du village frontalier de Ghajar encore occupé par Tsahal, et ce, afin de donner un coup de pouce au 14 mars. En vain.

• L’inconnue Michel Sleimane

Phénomène notable, tous les regards se tournèrent pendant la campagne électorale sur la personne du président de la République. Affichant une neutralité à toute épreuve, il n’en fut pas moins l’objet de polémiques : la première a concerné l’existence d’un « agenda caché » présidentiel, destiné à créer un « bloc parlementaire centriste ». Même s’il s’en est tou-jours publiquement défendu, l’idée faisait son chemin. Une idée renforcée par la candidature à Jbeil d’un de ses anciens conseillers. Selon le ministre de la Justice Ibrahim Najjar, une « percée électorale des indépendants, une douzaine de députés constituerait un lieu géométrique où le président de la Républi-que aurait des gens à lui pour gouverner ». Le 3 mai pourtant, Michel Sleimane déclara officiellement : « Doha prend fin avec les élections, ce qui signifie le retour à la Constitution ». Une pierre dans le jardin du Hezbollah désireux de maintenir le tiers de blocage obtenu à Doha en mai 2008. Une déclaration qui a marqué une entrée certes tardive mais de plain-pied du chef de l’État dans la campagne électorale. Fort néanmoins de la bonne réputation de l’armée libanaise restée à l’écart des ré-cents conflits politiques, l’ancien commandant en chef devenu président de la République a su se construire une personnalité appréciée de la majorité comme de l’opposition. Il pourrait finalement incarner ce point de consensus et d’arbitrage sur lequel tout gouvernement libanais semble, malgré le sort des urnes, contraint de s’appuyer. n

Jean-Luc Vannier(1) Georg Wilhelm Friedrich Hegel, Écrits politiques, la Constitution de l’Allemagne 1800-1802, 10/18, 1996.

« D’ici à vingt ans, le Liban sera devenu une République islamique »,

Walid Joumblatt.