L'Ecriture sainte sont autorité et son Inspiration

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L'Ecriture Sainte sont autorité et son Inspiration Dr. Wilbert Kreiss

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Elle est le fruit d'une réflexion personnelle suscitée par une controverse qui ne cesse d'agiter la chrétienté actuelle, y compris certaines de nos Eglises luthériennes confessionnelles aux Etats-Unis, en Europe et ailleurs dans le monde. La question n'est pas de savoir si la Bible est la Parole de Dieu, si elle est inspirée et infaillible. Tout le monde vous dira sans doute qu'elle est tout cela. Malheureusement, nous ne vivons plus à une époque où il suffisait de répondre affirmativement à ces questions pour constater qu'il y avait unité doctrinale. En changeant de calibre, Satan affine ses armes. C'est pourquoi, au-delà de la réponse à ces questions, il faut demander de nos jours à son interlocuteur ce qu'il entend confesser quand il affirme que la Bible est la Parole de Dieu.

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L'Ecriture Sainte sont autorité et son

InspirationDr. Wilbert Kreiss

Inspiration

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Inspiration

TABLE DES MATIÈRES

P R É F A C E

La parole est à Luther

CHAPITRE 1: LA RÉVÉLATION

CHAPITRE 2: L'ÉCRITURE SAINTE EST LA SOURCE ET NORME DE LA DOCTRINE CHRÉTIENNE

o 1) L'Ecriture Sainte est la source de la doctrine chrétienne : o 2) L'Ecriture Sainte est la norme de la doctrine chrétienne : o Notes: o

CHAPITRE 3: L'ÉCRITURE SAINTE EST LA PAROLE DE DIEU

o La Bible est un livre humain : o La Bible est un livre divin : o o 1) Le témoignage que l'Ancien Testament se rend à lui-même :

a) Les prophètes annoncent la Parole de Dieu, ce que Dieu a dit :

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b) Les prophètes introduisent leurs prophéties avec l'expression "ainsi parle Jahvé" ou des expressions semblables pour attester qu'ils sont les porte-parole de Dieu :

c) Les prophètes déclarent que la "parole de l'Eternel" leur fut adressée :

d) L'Ancien Testament affirme que "la main de l'Eternel" fut sur les prophètes :

e) Autres expressions qui soulignent que les prophètes parlent sous l'inspiration de Dieu :

o 2) Le témoignage que le Christ rend à l'Ancien Testament : o 3) Le témoignage que le Christ rend au Nouveau Testament : o 4) Le témoignage des apôtres : o 5) Résumé : o Notes: o

CHAPITRE 4: LA DOCTRINE DE L'INSPIRATION

o 1) Les textes qui enseignent l'inspiration de la Bible : o 2) Ce qu'on peut dire de l'inspiration de la Bible : o 3) Inspiration et Parole inspirée : o 4) Résumé : o 5) L'enseignement de Luther et des Confessions luthériennes :

a) Luther : b) Les Confessions luthériennes :

o 6) Le rejet de la doctrine de l'inspiration : o Notes:

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Inspiration o

CHAPITRE 5: LES PROPRIÉTÉS DE l'ÉCRITURE SAINTE

o 1) Infaillibilité et inerrance : Quelques précisions : Quelques objections à l'inerrance :

o 2) L'autorité divine : o 3) L'autopistie : o 4) L'efficacité divine :

La Loi : L'Evangile :

o 5) La perfection divine : o 6) La clarté : o Notes:

CHAPITRE 6: LE TÉMOIGNAGE INTÉRIEUR DU SAINT-ESPRIT

o Notes:

CHAPITRE 7: LES REGLES D'INTERPRÉTATION DE LA BIBLE

o Introduction : o I. La Bible doit être interprétée en recourant à toutes les

connaissances qui permettent de bien la comprendre : o

1) La géographie : 2) L'histoire : 3) L'archéologie : 4) L'ethnologie :

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o II. La Bible doit être interprétée selon les règles linguistiques habituelles :

o 1) Tout texte de la Bible a un sens voulu par le Saint-Esprit,

et ce sens est unique : 2) Dans la Bible, un mot doit toujours être pris dans son sens

habituel ou littéral, sauf quand on a la preuve qu'il est employé dans un sens figuré :

3) Un texte de la Bible doit toujours être interprété dans son contexte :

o III. La Bible doit être interprétée selon un certain nombre de règles

théologiques: o

1) La Bible utilise souvent des anthropomorphismes. Cela signifie que puisque Dieu ne peut pas être décrit tel qu'il est en lui-même, elle le décrit souvent comme s'il était un homme :

2) La Bible diffère de tous les autres livres de ce monde en ce qu'elle est Parole de Dieu dans un sens unique du terme :

3) La Bible doit être lue et interprétée à l'aide de la raison humaine, mais celle-ci ne doit jamais s'arroger le droit de critiquer son contenu :

4) Un théologien luthérien souscrit aux Confessions de foi de l'Eglise luthérienne. Cela présuppose qu'il accepte l'attitude de ces Confessions de foi concernant la nature et l'interprétation de l'Ecriture Sainte :

5) La Bible poursuit un but précis. Il ne faut donc pas s'attendre à ce qu'elle réponde à toutes les questions que nous nous posons :

6) La révélation de Dieu est progressive :

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7) Bien interpréter la Bible, c'est savoir qu'il existe entre l'Ancien et le Nouveau Testament un lien très étroit dont l'interprétation doit toujours tenir compte : le Nouveau Testament est l'accomplissement de l'Ancien. Cela signifie aussi que Jésus-Christ est au centre de toute l'Ecriture Sainte.

8) La Bible doit être interprétée de façon à distinguer correctement la Loi et l'Evangile:

9) La Bible doit être interprétée selon l'analogie de la foi : 10) C'est sur les textes où elles sont clairement révélées qu'il

faut fonder les doctrines de l'Ecriture Sainte : 11) Les textes difficiles de la Bible doivent être interprétés à

la lumière des textes simples: 12) Pour bien interpréter un texte, il faut tenir compte du

genre littéraire auquel il appartient : Faut-il être un croyant, un homme régénéré par le Saint-

Esprit pour comprendre la Bible et l'interpréter légitimement?

o Notes:

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Inspiration

L'Ecriture Sainte son Autorité et sont Inspiration

Dr Wilbert . Kreiss

P R É F A C E

Nous soumettons à nos lecteurs, en particulier aux membres de l'Eglise Evangélique Luthérienne - Synode de France et de Belgique, cette étude sur l'Ecriture Sainte, son inspiration et son autorité.

Elle est le fruit d'une réflexion personnelle suscitée par une controverse qui ne cesse d'agiter la chrétienté actuelle, y compris certaines de nos Eglises luthériennes confessionnelles aux Etats-Unis, en Europe et ailleurs dans le monde. La question n'est pas de savoir si la Bible est la Parole de Dieu, si elle est inspirée et infaillible. Tout le monde vous dira sans doute qu'elle est tout cela. Malheureusement, nous ne vivons plus à une époque où il suffisait de

répondre affirmativement à ces questions pour constater qu'il y avait unité doctrinale. En changeant de calibre, Satan affine ses armes. C'est pourquoi, au-delà de la réponse à ces questions, il faut demander de nos jours à son interlocuteur ce qu'il entend confesser quand il affirme que la Bible est la Parole de Dieu. Il faut lui demander de définir sa conception de l'inspiration et de l'infaillibilité de l'Ecriture. Et c'est à ce niveau-là qu'on se rend bien souvent compte, avec tristesse et inquiétude, qu'on ne parle plus le même langage.

Notre étude ne prétend pas être complète. Elle désire simplement aider le lecteur à une meilleure compréhension de ce que la Bible dit d'elle-même, l'aider en particulier à discerner les subtiles erreurs doctrinales qui peuvent se cacher de nos jours derrière l'emploi de la même terminologie,

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Inspiration portant ainsi atteinte de façon insidieuse à l'autorité souveraine de l'Ecriture Sainte. Nous nous excusons auprès de nos lecteurs, s'il nous arrive de temps en temps d'utiliser un jargon de théologiens et de les entraîner parfois dans des argumentations qui peuvent paraître fastidieuses. Le sujet traité et les controverses actuelles rendent cela inéluctable.

Nous demandons à Dieu de bénir cette modeste contribution qui désire, à la gloire de son nom, affermir tous ceux qui la liront dans la foi en l'origine divine et l'autorité absolue de sa sainte Parole, "lampe qui brille dans un lieu obscur, jusqu'à ce que le jour vienne à paraître et que 1'étoile du matin se lève dans nos coeurs " ( 2 Pierre 1:19 ). Parue il y quelques années déjà, elle a été révisée et augmentée de plusieurs chapitres portant notamment sur les propriétés de l'Ecriture Sainte et les règles de son interprétation.

W. Kreiss Chàtenay-Malabry

1997

La parole est à Luther

"La Parole de Dieu est la lumière de notre vie; autrement nous sommes privés de la gloire de Dieu". "Tu dois c'abord savoir que l'Ecriture Sainte est un livre qui rend folle la sagesse de tous les autres, car elle seule nous enseigne la vie éternelle. C'est pourquoi, désespère entièrement de ton intelligence et de ta raison. Elles ne te serviront à rien, mais ne feraient que te précipiter du ciel dans l'abîme de l'enfer, toi et d'autres, par votre orgueil, comme il advint à Lucifer. Aussi mets-toi à genoux dans ta chambre et prie Dieu avec une grande humilité et avec ferveur pour qu'il te donne son Esprit Saint par son Fils bien-aimé, afin qu'il t'éclaire, te conduise et te donne la vraie intelligence. "Il vaut mieux anéantir la science que la religion, si la science ne veut pas servir le Christ, mais le fouler aux pieds. Si nous tolérons cela, nous participons à ce piétinement du Christ. Et si nous ne voulons pas le servir, il en trouvera d'autres qui auront le courage de le faire, car il est Seigneur". "Il y a quelques années de cela, j'ai lu la Bible deux fois de suite. En la comparant à un grand arbre majestueux et ses paroles à des branches grandes ou petites, je me suis adressé à

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Inspiration chacun de ses rameaux pour savoir pourquoi il est là et ce qu'il me propose. Eh bien, chacun d'eux avait en permanence une foule de petites pommes ou poires à me proposer". Martin Luther

CHAPITRE 1:

LA RÉVÉLATION

Toute religion, y compris la plus dégénérée, est fondée sur une révélation vraie ou fausse. Quand un homme adore un dieu, il le fait parce qu'il affirme le connaître et pouvoir communiquer avec lui. Il est donc convaincu que ce dieu se révèle à lui. A quelque époque qu'il appartienne et sous quelque latitude qu'il vive, l'homme cherche dans la religion une réponse aux questions qui le touchent de plus près: D'où vient-il? Où va-t-il? Qu'est-ce qui l'attend après la mort? Que pense son Dieu de lui? Comment trouver grâce auprès de lui? Comment expier ses fautes et s'en libérer? Quel est le sens de la souffrance? Où et comment rencontrer Dieu et se le concilier? Toute religion,

comme du reste toute philosophie, témoigne des efforts persévérants accomplis par l'homme pour trouver une réponse satisfaisante à ces questions et la paix du coeur. Hélas, toutes les religions, quelles que soient par ailleurs leurs divergences, aboutissent dans la même impasse et convergent vers la même erreur, enseignant à l'homme que, s'il n'est pas entièrement bon et juste, il n'est pas non plus totalement mauvais et perverti. Il possède un bon fond et dispose d'assez de ressources et de forces spirituelles et morales pour se réhabiliter auprès de Dieu, devenir digne de ses faveurs et participer ainsi à l'obtention de son salut.

L'homme ne peut croire en Dieu que si Dieu se révèle à lui

Toutes, sauf... le christianisme! La religion chrétienne, en effet, et en cela elle est diamétralement opposée à toutes les religions païennes, affirme que l'homme est totalement perdu et corrompu et qu'il ne peut être sauvé que par la grâce de Dieu qui lui est offerte en Jésus-Christ. L'apôtre Paul disait aux érudits d'Athènes:

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Inspiration "Dieu a fait que tous les hommes, sortis d'un même sang, habitent sur toute la surface de la terre, ayant déterminé la durée des temps et les bornes de leur demeure. Il a voulu qu'ils cherchent le Seigneur, et qu'ils s'efforcent de le trouver en tâtonnant, bien qu'il ne soit pas loin de chacun de nous, car en lui nous avons la vie, le mouvement et l'être" (Actes 17:26.27).

L'apôtre des païens affirme que Dieu se révèle à tous les hommes. Il le fait par la nature, par l'univers qui proclame sa majesté et sa grandeur, ainsi que par sa providence, c'est-à-dire par sa façon de gouverner le monde, en dispensant à ses créatures ses multiples bienfaits :

"Les cieux racontent la gloire de Dieu et l'étendue manifeste l'oeuvre de ses mains. Le jour en instruit un autre, et la nuit en donne connaissance à une autre. Ce n'est pas un langage, ce ne sont pas des paroles dont le son ne soit point entendu. Leur retentissement parcourt toute la terre, leurs accents vont aux extrémités du monde, où il a dressé une tente pour le soleil" (Psaume 19:2-5) "Les perfections invisibles de Dieu, sa puissance éternelle et sa divinité, se voient comme à l'oeil, depuis la création du monde, quand on les considère dans ses ouvrages. Ils sont donc inexcusables, puisque, ayant connu Dieu, ils ne l'ont

pas glorifié comme Dieu et ne lui ont point rendu grâces, mais ils se sont égarés dans leurs pensées, et leur coeur sans intelligence a été plongé dans les ténèbres" (Romains 1:20.21). "Ce Dieu, dans les âges passés, a laissé toutes les nations suivre leurs propres voies, quoiqu'il n'ait cessé de rendre témoignage de ce qu'il est, en faisant du bien, en vous dispensant du ciel les pluies et les saisons fertiles, en vous donnant la nourriture avec abondance et en remplissant vos coeurs de joie" (Actes 14:16.17).

L'Ecriture enseigne aussi que la Loi divine, c'est-à-dire la connaissance de la volonté du Seigneur, est inscrite dans le coeur de l'homme :

"Quand les païens qui n'ont point la loi, font par nature ce que prescrit la loi, ils sont, eux qui n'ont point la loi, une loi pour eux-mêmes. Ils montrent que l'oeuvre de la loi est écrite dans leurs coeurs, leur conscience en rendant témoignage et leurs pensées s'accusant et se défendant tour à tour " (Romains 2:14.15).

Cependant, cette connaissance naturelle de Dieu, de sa divinité, de sa grandeur et de sa sainte volonté, est non seulement tout à fait incomplète, mais aussi corrompue par le péché. Qu'il ait ou non sombré dans le polythéisme, le

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Inspiration païen est sollicité par sa religion à chercher son salut dans ses efforts, ses oeuvres et ses mérites. Il est engagé sur une fausse voie, qui ne lui permet en aucun cas de trouver le chemin du pardon et de la vie éternelle. Et pour cause! Celui-ci passe en effet nécessairement par Jésus-Christ, le Fils de Dieu devenu homme qui a réconcilié le monde avec Dieu par sa mort sur la croix et sa résurrection glorieuse. Or ni la nature ni la conscience ne lui annoncent ce Sauveur. Jésus dit :

"Allez par tout le monde et prêchez la bonne nouvelle à toute la création. Celui qui croira et qui sera baptisé sera sauvé, mais celui qui ne croira pas sera condamné" (Marc 16:15.16).

Et saint Paul écrit :

"Quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé. Comment donc invoqueront-ils celui en qui ils n'ont pas cru? Et comment croiront-ils en celui dont ils n'ont pas entendu parler?... Ainsi la foi vient de ce qu'on entend, et ce qu'on entend vient de la parole de Dieu" (Romains 10:13.14.17).

L'humanité déchue a rompu avec Dieu. Elle est spirituellement aveugle et morte. Il a donc fallu que Dieu se révèle à elle d'une façon tout à fait particulière et

surnaturelle, pour lui faire connaître son plan de salut. Pendant des siècles il l'a fait de façon immédiate, c'est-à-dire en allant trouver les hommes pour leur parler. C'est ainsi qu'il a annoncé à Adam et à Eve non seulement la malédiction et le châtiment mérités par leur péché, mais aussi la première promesse de la rédemption. Ce que la Bible nous en dit, dans Genèse 3, n'est certainement qu'un petit résumé de ce message divin. Cette bonne nouvelle fut transmise de génération en génération, de bouche à oreille. Puis, après le déluge, le Seigneur se révéla de façon directe aux patriarches, leur promettant que toutes les nations de la terre seraient bénies en leur postérité, le Messie. Pendant des siècles, le peuple de Dieu de l'ancienne alliance fut instruit, édifié et préservé dans la foi par la tradition orale. Mais on sait quel est le sort de toute tradition orale, combien elle risque de tomber dans l'oubli ou d'être falsifiée. C'est pourquoi le temps vint où Dieu décida de se révéler au monde par des hommes dûment choisis par lui, les prophètes, ainsi que les apôtres et les évangélistes, dont les écrits ont été rapidement réunis dans un canon qui constitue notre Bible actuelle. L'Ecriture Sainte n'est pas un simple témoignage rendu par

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Inspiration des hommes à la révélation divine, mais elle est cette révélation elle-même. Elle est la proclamation, valable pour tous les temps et pour les hommes du monde entier, des vérités que le Seigneur a fait connaître à ses serviteurs qui l'ont écrite sous son inspiration. Elle constitue donc, comme nous aurons encore l'occasion de le voir, pour l'Eglise chrétienne, l'unique source et norme de la foi et de la vie chrétiennes.

CHAPITRE 2:

L'ÉCRITURE SAINTE EST LA SOURCE ET NORME DE LA DOCTRINE CHRÉTIENNE

Dieu s'est révélé aux hommes pour leur faire connaître la vérité. Cette révélation a eu lieu dans la l'Ecriture Sainte. Voilà pourquoi elle est source et norme de la doctrine chrétienne, de tout ce qui concerne la foi et la vie du chrétien.

1) L'Ecriture Sainte est la source de la doctrine chrétienne :

Cela signifie qu'elle est le livre, l'endroit et le seul endroit où l'Eglise doit puiser son enseignement. Dieu se révèle à l'homme et veut l'instruire pour son salut: "Je t'instruirai et je te montrerai la voie que tu dois suivre" (Psaume 32:8). "Il conduit les humbles dans la justice, il enseigne aux humbles sa voie" (Psaume 25:9). "Dès ton enfance, tu connais les saintes lettres qui peuvent te rendre sage à salut par la foi en Jésus-Christ" (2 Timothée 3:15).

Seule la Bible révèle à l'Église ce qu'elle doit

enseigner

Cet enseignement a lieu par l'Ecriture Sainte, que ce soit d'une façon directe (lecture et méditation de la Bible) ou indirecte (prédication fondée sur l'Ecriture) :

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Inspiration "Heureux l'homme que tu châties, ô Eternel ! et que tu instruis par ta loi" (Psaume 94:12). "Appliquez-vous avec force à observer et à mettre en pratique tout ce qui est écrit dans le livre de la loi de Moïse sans vous en détourner ni à droite ni à gauche" (Josué 23:6). "La désobéissance est aussi coupable que la divination, et la résistance ne l'est pas moins que l'idolâtrie et les téraphim. Puisque tu as rejeté la parole de l'Eternel, il te rejette aussi comme roi" (1 Samuel 25:23). "A la loi et au témoignage ! Si on ne parle pas ainsi, il n'y aura point d'aurore pour le peuple" (Esaïe 8:20). "Ces choses ont été écrites, afin que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et qu'en croyant vous ayez la vie en son nom" (Jean 20:31). "Dès ton enfance, tu connais les saintes lettres qui peuvent te rendre sage à salut par la foi en Jésus-Christ. Toute l'Ecriture est inspirée de Dieu et utile pour enseigner, pour convaincre, pour corriger, pour instruire dans la justice, afin que l'homme de Dieu soit accompli et propre à toute bonne oeuvre" (2 Timothée 3:15-17). "Nous tenons pour d'autant plus certaine la parole prophétique, à laquelle vous faites bien de prêter attention come à une lampe qui brille dans un lieu obscur, jusqu'à ce que le jour vienne à paraître et que l'étoile du matin se lève dans vos coeurs" (2 Pierre 1:19).

"Tout ce qui a été écrit d'avance l'a été pour notre instruction" (Romains 15:4). "Ils ont Moïse et les prophètes. Qu'ils les écoutent!" (Luc 16:29). "Vous sondez les Ecritures, parce que vous pensez avoir en elles la vie éternelle. Ce sont elles qui rendent témoignage de moi" (Jean 5:39). "Ainsi donc, frères, demeurez fermes et retenez les instructions que vous avez reçues, soit par notre parole, soit par notre lettre" (2 Thessaloniciens 2:15).

La Bible est par conséquent l'unique fondement du peuple de Dieu, c'est-à-dire de l'Eglise chrétienne, la seule source où elle doit puiser son enseignement. Sa prédication ne doit pas rester en deçà ni aller au-delà de ce qu'il a plu à Dieu de révéler dans la Bible. Il ne faut rien en retrancher ni rien y ajouter.

"Vous n'ajouterez rien à ce que je vous prescris et vous n'en retrancherez rien, mais vous observerez les commandements de l'Eternel, votre Dieu, tels que je vous les prescris" (Deutéronome 4:2). "Vous avez été édifiés sur le fondement des apôtres et des prophètes, Jésus- Christ lui-même étant la pierre angulaire" (Ephésiens 2:20). "Je déclare à quiconque entend les paroles de la prophétie de ce livre: Si quelqu'un y ajoute quelque chose, Dieu le frappera des fléaux décrits dans ce

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Inspiration livre. Et si quelqu'un retranche quelque chose des paroles du livre de cette prophétie, Dieu retranchera sa part de l'arbre de la vie et de la ville sainte décrits dans ce livre" (Apocalypse 22:18.19).

Il est important d'insister là-dessus, parce qu'il existe des Eglises chrétiennes qui estiment que la Bible n'est pas la seule source de la doctrine. L'Eglise catholique enseigne, par exemple, que la tradition orale est elle aussi source de vérité. Elle appelle tradition orale des enseignements que Jésus est censé avoir donnés à ses disciples et qui n'ont pas été consignés dans la Bible. Cette tradition s'est transmise de vive voix, de siècle en siècle, et son enseignement que l'Eglise affirme avoir le pouvoir d'élever au rang de dogme doit compléter celui de la Bible. Voilà pourquoi les conciles et les papes ont promulgué un certain nombre de doctrines qui ne figurent pas dans l'Ecriture Sainte, concernant par exemple le culte de la vierge Marie (immaculée conception, assomption) ou le purgatoire.

Certaines Eglises appelées généralement pentecôtistes ou charismatiques enseignent aussi que Dieu continue de se révéler, qu'il accorde à des chrétiens des

révélations particulières qu'ils doivent communiquer à l'Eglise pour son instruction. L'Eglise luthérienne rejette cela en se fondant sur les textes de la Bible cités ci-dessus, et maintient que l'Ecriture seule est source de la vérité et donc de la doctrine que l'Eglise doit enseigner.

2) L'Ecriture Sainte est la norme de la doctrine chrétienne :

Cela signifie que la Bible est le juge de la vérité et de l'erreur. Est vraie toute doctrine conforme à l'Ecriture Sainte, et fausse toute doctrine contraire. Tout enseignement donné dans l'Eglise doit donc être mesuré à cette norme 1. Dans l'Eglise luthérienne, on dit que ce qui n'est pas biblique n'est pas du domaine de la théologie et ne doit donc pas être enseigné dans l'Eglise.

Une doctrine n'est correcte que si elle est

conforme à l'enseignement de la

Bible

Jésus est le modèle du genre. Dans ses controverses avec les pharisiens

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Inspiration et les sadducéens, il prend toujours à témoin l'Ecriture Sainte et prouve par elle que ce qu'il enseigne est juste. Elle constitue la norme de sa prédication, est seule habilitée à juger ce qu'il enseigne:

"N'avez-vous pas lu que le Créateur, au commencement, fit l'homme et la femme et qu'il dit: C'est pourquoi l'homme quittera son père et sa mère et s'attachera à sa femme, et les deux deviendront une seule chair?... C'est pourquoi l'homme quittera son père et sa mère et s'attachera à sa femme, et les deux deviendront une seule chair. Ainsi ils ne sont plus deux, mais ils sont une seule chair. Que l'homme donc ne sépare pas ce que Dieu a joint " (Matthieu 19:4). "Vous sondez les Ecritures, parce que vous pensez avoir en elles la vie éternelle. Ce sont elles qui rendent témoignage de moi" (Jean 5:39). "J'ai subsisté jusqu'à ce jour, rendant témoignage devant les petits et les grands, sans m'écarter en rien de ce que les prophètes et Moïse ont déclaré devoir arriver" (Actes 26:22). "Ils examinaient chaque jour les Ecritures, pour savoir si ce qu'on leur disait était exact" (Actes 17:11). "Si quelqu'un croit être prophète ou inspiré, qu'il reconnaisse que ce que je vous écris est un commandement du Seigneur" (1 Corinthiens 14:37). "Nous vous prions, frères, de ne pas vous laisser facilement ébranler dans

votre bon sens et de ne pas vous laisser troubler, soit par quelque inspiration, soit par quelque parole ou quelque lettre qu'on dirait venir de nous, comme si le jour du Seigneur était là" (2 Thessaloniciens 2:2). "Vous n'ajouterez rien à ce que je vous prescris et vous n'en retrancherez rien, mais vous observerez les commandements de l'Eternel, votre Dieu, tels que je vous les prescris" (Deutéronome 4:2). "Je déclare à quiconque entend les paroles de la prophétie de ce livre: Si quelqu'un y ajoute quelque chose, Dieu le frappera des fléaux décrits dans ce livre. Et si quelqu'un retranche quelque chose des paroles du livre de cette prophétie, Dieu retranchera sa part de l'arbre de la vie et de la ville sainte décrits dans ce livre" (Apocalypse 22:18.19).

En priant non seulement pour les apôtres, mais aussi pour tous ceux qui croiraient en son nom par leur parole (Jean 17:20), Jésus affirme solennellement que la révélation divine est achevée avec l'enseignement des apôtres qui furent les témoins de ce que Jésus a dit et fait. C'est ce qui ressort aussi du texte suivant:

"Après avoir autrefois, à plusieurs reprises et de plusieurs manières, parlé à nos pères par les prophètes, Dieu, dans ces derniers temps, nous a parlé

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Inspiration par le Fils qu'il a établi héritier de toutes choses" (Hébreux 1:1.2).

Les apôtres, en effet, ne font que rendre témoignage à Jésus et racontent tout ce qu'ils ont vu et entendu en le suivant. Maintenant que le Christ est venu sur terre et qu'ils lui ont rendu ce témoignage, il n'y aura plus de nouvelle révélation pour l'Eglise. Nous ne nions pas que Dieu puisse encore se révéler à des individus par des songes ou des visions, ou de toute autre manière, mais ces révélations ne sont pas normatives pour l'Eglise ; elles n'engagent pas sa foi et son témoignage. Dieu peut en accorder à des individus pour les encourager et les fortifier dans la foi, mais elles ne contiennent aucun enseignement qu'il faudrait imposer à l'Eglise. Les milliers de prédicateurs, pasteurs et missionnaires, qui ont conduit des âmes au Christ et les ont sauvées de la sorte, l'ont fait non par leur parole, mais par la parole des prophètes et des apôtres, annonçant au monde la vérité divine que ceux-ci lui ont léguée. Les apôtres en particulier étaient investis de l'autorité du Christ à qui ils rendaient témoignage.

"Si quelqu'un croit être prophète ou inspiré, qu'il reconnaisse que ce que je vous écris est un commandement du

Seigneur" (1 Corinthiens 14:37).

L'enseignement des apôtres est donc le critère ou la règle selon laquelle doit être jugée toute doctrine. Paul ne demande pas aux chrétiens de rejeter systématiquement toute prophétie, mais de juger toute prophétie en utilisant pour norme l'enseignement qui est le sien :

"Si nous-mêmes, si un ange du ciel annonçait un autre Evangile que celui que nous vous avons annoncé, qu'il soit anathème!" (Galates 1:8). "Nous vous prions, frères, de ne pas vous laisser facilement ébranler dans votre bon sens et de ne pas vous laisser troubler, soit par quelque inspiration, soit par quelque parole ou quelque lettre qu'on dirait venir de nous, comme si le jour du Seigneur était là" (2 Thessaloniciens 2:2).

Il est vrai que l'Eglise luthérienne attache beaucoup d'importance à ses Confessions de foi et leur confère une autorité normative. Elles sont une norme, parce que leur enseignement reproduit fidèlement celui de la Bible et des Confessions luthériennes et dénonce les erreurs que les Réformateurs ont combattues.

Il peut y avoir entre des Eglises des différences tout à fait normales dans

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Inspiration les adiaphora, c'est-à- dire dans les choses qui ne sont ni prescrites ni interdites par la Bible, mais l'unité doit être recherchée et correspond à la volonté de Dieu dans toute la doctrine révélée et la profession de foi. C'est ce que déclare la Confession d'Augsbourg :

"Pour que soit assurée l'unité véritable de l'Eglise chrétienne, il suffit d'un accord unanime dans la prédication de l'Evangile et l'administration des sacrements conformément à la Parole de Dieu. L'unité véritable de l'Eglise n'exige pas qu'on observe partout des cérémonies uniformes instituées par les hommes" (Article VII).

Il existe des articles fondamentaux de la foi chrétienne, qui concernent directement le salut, et des articles non fondamentaux, c'est-à-dire moins importants que les autres, mais tout ce qui est révélé dans la Bible pour notre instruction, même les choses que nous considérons comme moins importantes que d'autres, est vérité de Dieu. Le Seigneur veut que tout ce qu'il a révélé dans l'Ecriture Sainte soit cru, confessé et enseigné. C'est pourquoi toute doctrine qui s'écarte de sa révélation est fausse et doit être combattue. L'Eglise chrétienne doit parler là où parle l'Ecriture, conformer son langage à celui de la Bible et se taire là où elle se tait.

L'Eglise luthérienne doit professer, dans sa constitution et dans son enseignement public, en droit et en fait, son attachement inconditionnel à l'Ecriture Sainte divinement inspirée et infaillible dans toutes ses affirmations, et se soumettre aux Confessions historiques du luthéranisme, non pas dans la mesure où elles exposent fidèlement l'enseignement de l'Ecriture Sainte, comme le prétendent certains, mais parce qu'elles le font effectivement. Souscrire aux Confessions de foi de l'Eglise luthérienne "dans la mesure où elles enseignent la vérité", c'est ne pas y souscrire du tout. Un pasteur luthérien pourrait tout aussi bien souscrire à l'enseignement de l'Eglise catholique, aux décrets du Concile de Trente ou au Coran des musulmans "dans la mesure où ils enseignent la vérité"!

Voici ce qui disent les Confessions de l'Eglise luthérienne au sujet de l'Ecriture Sainte, seule source et norme de la doctrine :

"La Parole de Dieu doit établir des articles de foi; et nul autre, fût-ce même

un ange" 2

. "Nous croyons, enseignons et confessons que les livres prophétiques et apostoliques de l'Ancien et du Nouveau Testament constituent la seule règle ou

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Inspiration norme selon laquelle toutes les doctrines et tous les docteurs doivent être appréciés et jugés... Quant aux autres écrits, soit des Pères, soit des docteurs modernes, quel que soit leur nom, ils ne doivent jamais être mis sur le même rang que les Saintes Ecritures. Ils doivent tous être subordonnés à celles-ci et n'être cités qu'à titre de témoins attestant dans quelle mesure et en quels lieux la doctrine des prophètes et des apôtres a été conservée dans son

intégrité après le siècle apostolique" 3.

"Nous maintenons rigoureusement la différence qui sépare les écrits sacrés de l'Ancien et du Nouveau Testament d'avec tous les autres écrits. La Sainte Ecriture reste la seule règle et la seule norme. Elle seule a l'autorité de juger; elle est comme la pierre de touche à laquelle il faut éprouver toutes les doctrines pour reconnaître si elles sont bonnes ou mauvaises, vraies ou fausses. Quant aux Symboles et autres écrits dont nous avons fait mention, ils n'ont point, comme l'Ecriture Sainte, l'autorité de juger; ils ne sont que des témoignages et des déclarations de foi; ils montrent comment, aux différentes époques, l'Ecriture Sainte a été comprise et interprétée par les docteurs dans les controverses qui ont agité l'Eglise, et comment les doctrines contraires à l'Ecriture ont été rejetées et

condamnées" 4.

Quant à Luther, il suffira à titre d'exemple de rappeler ce qu'il répondit à Worms quand on lui demanda de se rétracter publiquement. Il prononça ce jour-là cette phrase fameuse :

"A moins que je ne sois convaincu par le témoignage de l'Ecriture ou par des raisons évidentes, car je ne crois ni à l'infaillibilité du pape ni à celle des conciles (il est manifeste qu'ils se sont souvent trompés et contredits), je suis lié par les textes bibliques que j'ai apportés et ma conscience est prisonnière de la Parole de Dieu. Je ne peux ni ne veux rien rétracter, car il n'est ni sûr ni salutaire d'agir contre sa conscience. Que Dieu me soit en aide! Amen".

Notes:

1 Cf. à ce sujet des textes déjà cités ci-dessus: Deutéronome 4:2; Josué 23:6; Esaïe 8:20; Luc 16:29; Apocalypse 22:18.

2 Articles de Smalcalde, II, 2, 15, dans La Foi des Eglises Luthériennes, p. 259.

3 Formule de Concorde, Epitome, Sommaire, 1.2, dans La Foi des Eglises Luthériennes, p. 421.

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Inspiration 4 Formule de Concorde, Epitome, Sommaire, 7.8, p. 422.

CHAPITRE 3:

L'ÉCRITURE SAINTE EST LA PAROLE DE DIEU

La Bible est un livre humain :

La Bible est un best-seller. Traduite, en tout ou en partie, en plus de 1500 langues et dialectes, elles est le livre le plus lu au monde. Un livre unique en son genre. A la différence de tous les autres, elle ne se présente pas seulement comme un ouvrage écrit par un certain nombre d'hommes, maïs affirme aussi être la Parole de Dieu, donc avoir Dieu pour auteur. Ce double aspect de l'Ecriture Sainte peut paraître étrange; il repose cependant sur son clair enseignement. Avant d'interroger la Bible, de lui demander: "Que dis-tu de toi-même? Qui prétends-tu être?", il est bon de l'observer, de la feuilleter pour voir comment elle se présente à nous. Ce faisant, on est tout d'abord frappé par son aspect humain. La Bible a tout d'un ouvrage humain : elle a été écrite

par des hommes, en plusieurs langues humaines (l'hébreu, l'araméen et le grec) et pour des hommes.

La Bible a été écrite par des hommes et pour des hommes

L'Ancien Testament, écrit par les prophètes, compte 39 livres. Les Juifs le subdivisaient en trois parties: la Loi (appelée encore le Pentateuque), les Prophètes et les Ecrits saints (Hagiographes). Dans nos Bibles, on en distingue généralement quatre : le Pentateuque (Genèse, Exode, Lévitique, Nombres, Deutéronome), les livres historiques (Josué, Juges, 1 et 2 Samuel, 1 et 2 Rois, 1 et 2 Chroniques, Esdras, Néhémie, Esther), les livres poétiques (Job, Psaumes, Proverbes, Ecclésiaste, Cantique des cantiques et les livres prophétiques (Esaïe, Jérémie, Lamentations de Jérémïe, Ezéchiel, Daniel, Osée, Joël, Amos, Abdias, Jonas, Michée, Nahum, Habakuk, Sophonïe, Aggée, Zacharie, Malachie), L'Ancien Testament a été rédigé durant une période qui va du XVº au Vº siècle avant Jésus-Christ, dans la langue nationale du peuple d'Israël, l'hébreu, à l'exception de certaines portions

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Inspiration d'Esdras et de Daniel qui furent écrites en araméen.

Le Nouveau Testament compte 27 livres : 4 évangiles, les Actes des Apôtres, 13 épîtres de Paul, l'épître aux Hébreux, 7 épîtres dites catholiques ou générales (Jacques, 1 et 2 Pierre, 1, 2 et 3 Jean, Jude) et l'Apocalypse. Tous ces livres ont été écrits dans l'espace d'une génération, durant la deuxième moitié du premier siècle de l'ère chrétienne. Bien que les Juifs de l'époque aient parlé essentiellement l'araméen, le Nouveau Testament fut rédigé en grec; non pas le grec classique, mais le grec populaire parlé à cette époque dans tout l'empire romain.

L'imprimerie n'existait pas à l'époque, c'est donc sous forme de nombreux manuscrits, complets ou partiels, écrits sur papyrus ou sur parchemin, que la Bible nous est parvenue. Les plus anciens, pour. l'Ancien Testament, remontent au IIº siècle avant Jésus-Christ. Ceux du Nouveau Testament vont du IIº au Xº siècle de notre ère. Ce n'est qu'à partir du XVº siècle qu'elle a été imprimée. Auparavant, elle avait été recopiée par la main de l'homme.

La Bible a été écrite par des hommes de diverses origines. Ils se

distinguaient les uns des autres par leur culture, leur origine sociale, leur passé, leur environnement, leur caractère et leurs dons. Il s'ensuit que nous rencontrons dans la Bible une très grande diversité de styles et de genres littéraires, qui font d'elle un ouvrage merveilleux qu'on ne se lasse jamais de lire. Quiconque la connaît bien sait définir les qualités et propriétés particulières de chacun de ses auteurs : l'éloquence sublime d'Esaïe, le lyrisme émouvant de Jérémie, la poésie touchante des psaumes, la dialectique et l'argumentation serrées de Paul, la simplicité candide de Jean, le sens pratique qui va droit au but de Jacques, etc. Elle contient des récits historiques ou biographiques, des textes juridiques, des recueils de poésie sacrée, des lettres, des ouvrages apocalyptiques, etc. Elle utilise la plupart des styles et genres littéraires qu'on rencontre dans la littérature profane. Des hommes y parlent à leurs semblables, dans un langage qui a tout ce qu'il y a de plus humain, pour être compris d'eux. Ils parlent à leur intelligence et à leur coeur. Et ils le font si bien que, depuis l'invention de l'imprimerie, des millions d'hommes ont lu et continuent de lire ce livre, le Livre des livres, comme l'indique son nom, la BIBLE. Elle est un livre

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Inspiration profondément humain. Mais quelque chose la distingue de tous les autres livres de ce monde.

La Bible est un livre divin :

Elle a été écrite par des hommes vivant à des époques diverses et provenant d'horizons différents. Mais en même temps on découvre en elle, par-delà cette diversité, une grande harmonie. Le contenu de ses livres varie selon les différentes époques auxquelles ils ont été écrits et les lecteurs auxquels ils sont destinés. Paul n'écrit pas pour ses paroisses comme Moïse a écrit pour Israël ! Cependant l'unité est manifeste et merveilleuse, et elle s'étend sur près de quinze siècles. C'est l'histoire d'un Dieu qui ne s'est pas retranché dans le silence, lorsque le monde sombra dans la désobéissance et le péché, mais qui décida d'exécuter un plan de salut qu'il avait prévu de toute éternité. Pour ce faire, il choisit dans l'humanité un individu, Abraham, dont il fit l'ancêtre du peuple avec lequel il conclut une alliance et à qui il promit un Rédempteur. D'innombrables prophéties proclament la venue, l'oeuvre et le règne de ce Sauveur ; des hommes le préfigurent dans sa mission (Melchisédek, David, Salomon,

Ezéchias) ; des gestes, des rites (sacrifices, notamment) annoncent son oeuvre rédemptrice. Et tout cela trouve son accomplissement en la personne de Jésus de Nazareth. Tout cela indique que la Bible n'est pas simplement parole d'hommes, mais qu'elle a, d'une façon que nous devrons encore définir, Dieu pour auteur.

La destinée d'Israël, seul peuple de l'Antiquité ayant survécu jusqu'à ce jour, le fait que la Bible ait été traduite dans d'innombrables langues et idiomes et qu'elle soit de très loin le livre le plus lu dans le monde, et ce par des hommes de toutes races, de toutes langues et de toutes civilisations, la piété, la fidélité et la ferveur, allant parfois jusqu'au martyre, de centaines de milliers d'hommes à travers le monde et l'histoire, viennent confirmer cette constatation. Ajoutons à ce bilan la noblesse et l'élévation des idées et des principes que répand le christianisme. Il est vrai que tout n'est pas beau de ce qui s'est fait au nom de la Bible, et il s'en faut de beaucoup. Le christianisme a été à l'origine directe ou indirecte de bien des aberrations : persécutions, guerres de religion, exploitation de l'homme par la défense de l'esclavage, apartheid, société de consommation qui est le fruit direct et mauvais de

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Inspiration l'essor scientifique et industriel dont le berceau furent les pays christianisés de l'Europe (cf. l'éthique chrétienne du travail). Cependant ce sont là autant de déviations dont la Bible n'est pas responsable, mais qui sont les erreurs de ceux qui se réclament d'elle.

La Bible est un livre unique en son genre parce qu'elle est la Parole inspirée de Dieu

A tous ces éléments que nous venons d'énumérer, nous ajouterons les constatations suivantes. Le christianisme est une religion unique en son genre, la seule qui enseigne aux hommes que ce n'est pas à eux de chercher Dieu, mais que Dieu est venu les trouver pour leur offrir son salut. Ce salut, acquis au prix d'une rédemption qui a nécessité l'incarnation et le sacrifice du Fils de Dieu, est offert gratuitement à tout pécheur qui se repent, sans qu'il ait en quoi que ce soit à le mériter par ses oeuvres. Tout cela nous confirme dans la conviction que la Bible n'est pas un livre religieux de l'Antiquité au même titre que d'autres, qu'elle n'est pas simplement parole d'hommes sur Dieu, mais aussi et

par-dessus tout Parole de Dieu donnée à l'homme.

Le caractère extraordinaire de cet ouvrage ressort déjà des titres qu'il se donne, que ces titres désignent l'ouvrage tout entier ou l'une ou l'autre de ses parties. Elle se nomme l'Ecriture (2 Timothée 3: 16), les saintes Lettres (2 Timothée 3:15), le Livre (Psaume 40:8; Hébreux 10:7), le Livre de l'Eternel (Esaïe 34:16), le Livre de la Loi de Dieu (Néhémie 8:18), les Livres (Daniel 9:2). A quarante-huit reprises, le Nouveau Testament parle de l'Ecriture. Quatre-vingt six fois il déclare "il est écrit", citant des paroles de l'Ancien Testament que Dieu a prononcées ou qu'il a écrites par les prophètes. Plus de 400 fois, la Bible déclare "Dieu dit". L'Ancien Testament tout entier est appelé "les oracles de Dieu" (Romains 3:2). Aucun écrivain n'appelle ou ne pourrait appeler l'un de ses ouvrages "le Livre" ou "l'Ecriture". En appelant ainsi les écrits des prophètes et des apôtres, la chrétienté confesse leur origine divine et leur caractère unique. Elle en a le droit et le devoir, car en agissant ainsi, elle se fonde tout simplement sur ce que la Bible dit d'elle-même. C'est ce que nous allons voir maintenant.

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Inspiration Tournons-nous, pour le constater, vers le témoignage que la Bible se rend à elle-même. Ce témoignage est double : il déclare qu'elle est Parole de Dieu et élucide ce mystère en affirmant qu'elle est inspirée.

1) Le témoignage que l'Ancien Testament se rend à lui-même :

Très souvent et de façons bien diverses il est dit dans l'Ancien Testament que Dieu a parlé par les prophètes ou que les prophètes ont annoncé la Parole de Dieu. Dans Luc 24:44, Jésus déclare devant les disciples d'Emmaüs : "Il fallait que s'accomplisse tout ce qui est écrit de moi dans la loi de Moïse, dans les prophètes et dans les psaumes". Tout l'Ancien Testament était divisé par les juifs en ces trois parties : la loi de Moïse, les prophètes et les psaumes. Cependant, on appelle prophète, au sens large du terme, tous les hommes de l'Ancien Testament par qui Dieu s'est révélé aux hommes. Y compris Moïse, le prophète par excellence, le plus grand peut- être de tout l'Ancien Testament (Deutéronome 34:10), et David, le poète et musicien auteur de nombreux psaumes.

a) Les prophètes annoncent la Parole de Dieu, ce que Dieu a dit :

"Je le jure par moi-même, parole de l'Eternel, parce que tu as fait cela et que tu ne m'as pas refusé ton fils, ton unique, je te bénirai" (Genèse 22:16). "Le Seigneur, l'Eternel, l'a juré par lui-même. L'Eternel, le Dieu des armées, a dit: J'ai en horreur l'orgueil de Jacob... C'est pourquoi, voici, je ferai lever contre vous, maison d'Israël, dit l'Eternel, le Dieu des armées, une nation qui vous opprimera" (Amos 6:8.14). "Voici, les jours viennent, dit l'Eternel, où le laboureur suivra de près le moissonneur" (Amos 9:13).

b) Les prophètes introduisent leurs prophéties avec l'expression "ainsi parle Jahvé" ou des expressions semblables pour attester qu'ils sont les porte-parole de Dieu :

"L'Eternel dit à Moïse : Va vers Pharaon et tu lui diras : Ainsi parle l'Eternel, le Dieu des Hébreux : Laisse aller mon peuple!" (Exode 9:1). "Ainsi parle le Seigneur, l'Eternel : Cela n'arrivera pas, cela n'aura pas lieu" (Esaïe 7:7). "Ainsi parle l'Eternel : Quelle iniquité vos pères ont-ils trouvée en moi, pour s'éloigner de moi?" (Jérémie 2:5).

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Inspiration "Cieux, écoutez! Terre, prête l'oreille! Car l'Eternel parle" (Esaïe 1:2). "Si vous résistez et si vous êtes rebelles, vous serez dévorés par le glaive, car la bouche de l'Eternel a parlé" (Esaïe 1:20). "Et maintenant l'Eternel parle et dit : Dans trois ans, comme les années d'un mercenaire, la gloire de Moab sera l'objet du mépris" (Esaïe 16:14).

Cf. encore Exode 9:13; 10:3; 11:4; Esaïe 10:24; 18:4; 21:6; 30:15; 65:8; Jérémie 2:2; 4:27; 7:3.21; 1 Samuel 2:30; Nombres 14:28; 2 Chroniques 34:27; Psaume 110:1; Esaïe 3:15; 14:22.23; 17:3; 19:4; 59: 20; 66:2.17.22; Jérémie 1:8.15.19; 2:3.9.12; 46:18.23.26.28. Genèse 12:4; 17:23; 24:51; Exode 4:30; 33:9.11; Deutéronome 1:21; Juges 2:15; Esaïe 20:2; 22:25, etc.

c) Les prophètes déclarent que la "parole de l'Eternel" leur fut adressée :

"La parole de l'Eternel lui fut adressée..." (Jérémie 1:2). "La parole de l'Eternel fut adressée à Ezéchiel" (Ezéchiel 1:3). "La parole de l'Eternel fut adressée à Michée" (Michée 1:1). "La parole de l'Eternel fut adressée à

Aggée" 5. (Aggée 1:1).

"La parole de l'Eternel se révéla par

Aggée 6, le prophète, en ces mots : ... La parole de l'Eternel se révéla par

Aggée 7, le prophète, en ces mots..."

(Aggée 2:1.10). "Oracle, parole de l'Eternel à Israël

par Malachie 8." (Malachie 1:1).

Cf. encore Jérémie 2:2; 8:1; 50:1; Ezéchiel 2:1; 3:1; 7:1; Osée 1:1; Joël 1:1; Amos 1:3; Abdias 1:1; Jonas 1:1; Nahum 3:5; Habakuk 2:2; Sophonie 1:1; Zacharie 1:1.

d) L'Ancien Testament affirme que "la main de l'Eternel" fut sur les prophètes :

"La parole de l'Eternel fut adressée à Ezéchiel, fils de Buzi, le sacrificateur, dans le pays des Chaldéens, près du fleuve du Kébar, et c'est là que la main de l'Eternel fut sur lui" (Ezéchiel 1:3). "Là encore la main de l'Eternel fut sur moi et il me dit : Lève-toi, va dans la vallée, et là je te parlerai" (Ezéchiel 3:22). "La main du Seigneur, l'Eternel, tomba sur moi" (Ezéchiel 8:1).

e) Autres expressions qui soulignent que les prophètes parlent sous l'inspiration de Dieu :

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Inspiration "L'Eternel parlait avec Moïse face à face comme un homme parle à son ami" (Exode 33:11). "Prophétie d'Esaïe, fils d'Amots, sur

Juda et Jérusalem 9." (Esaïe 1:1).

"Prophétie d'Esaïe, fils d'Amots, sur

Juda et Jérusalem 10

." (Esaïe 2:1). "Parole de celui qui entend les paroles de Dieu, de celui qui voit la vision du Tout-Puissant, de celui qui se prosterne et dont les yeux s'ouvrent" (Nombres 24:4). "L'Eternel étendit sa main et toucha ma bouche, et l'Eternel me dit : Voici, je mets mes paroles dans ta bouche" (Jérémie 1:9).

Cf. encore Osée 12:11; Esaïe 59:21; Amos 3:7.8; 2 Samuel 23:1.2; Esaïe 8:1.16.; 34:16; Jérémie 36:1; Daniel 12:4.

Toutes ces expressions montrent que les prophètes annonçaient la Parole de Dieu, que le Seigneur les inspirait et parlait par eux.

2) Le témoignage que le Christ rend à l'Ancien Testament :

Le témoignage que Jésus-Christ rend à l'Ancien Testament est déterminant, car c'est celui du Fils

de Dieu devenu homme. Jésus est le meilleur interprète de l'Ancien Testament qu'on puisse imaginer. Son témoignage est authentique, de sorte que personne n'a le droit d'en douter. Si, comme le dit l'Ecriture, l'Esprit du Christ était dans les prophètes et parlait par eux (1 Pierre 1:11), si le Christ, avec son oeuvre, son règne et son salut, est au centre de la prédication des prophètes d'Israël, et s'il est vrai Dieu, la Sagesse et la Vérité incarnées, qui pouvait s'exprimer sur l'Ancien Testament avec plus d'autorité et de compétence que lui? Toute théologie qui se veut chrétienne doit accepter son interprétation normative. La théologie moderne renverse les rôles : elle procède à une interprétation autonome de l'Ancien Testament, pour juger ensuite de celle du Christ. Elle fait de lui certes un envoyé de Dieu, mais aussi un enfant de son siècle dont l'interprétation n'est pas en soi normative. Il épousait, dit-on, les conceptions de ses contemporains, par exemple en ce qui concerne l'historicité d'Adam et d'Eve, de la chute dans le péché ou de l'histoire racontée par le livre de Jonas. Les rôles sont inversés ! Jésus cesse d'être le Fils de Dieu omniscient qui interprète légitimement l'Ancien Testament en tant que Seigneur de l'Ecriture, pour devenir le rabbin de

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Inspiration son époque dont on analyse la théologie avec un esprit critique, pour la censurer le cas échéant !

Une Eglise fidèle à la Parole de Dieu accepte sans réserve le témoignage du Christ. Pour Jésus, l'Ancien Testament est "Ecriture", c'est-à-dire révélation de Dieu :

"N'avez-vous jamais lu dans les Ecritures : La pierre qu'ont rejetée ceux qui bâtissaient est devenue la principale de l'angle?" (Matthieu 21:42). "Jésus leur répondit: Vous êtes dans l'erreur, parce que vous ne comprenez ni les Ecritures ni la puissance de Dieu" (Matthieu 22:29). "Jésus lui répondit: Remets ton épée à sa place... Comment donc s'accompliraient les Ecritures, d'après lesquelles il doit en être ainsi?" (Matthieu 26:52.54). "Alors il commença à leur dire: Aujourd'hui cette parole de l'Ecriture que vous venez d'entendre est accomplie" (Luc 4:21). "Vous sondez les Ecritures" (Jean 5:39).

En fait, les Juifs ne manquaient pas de sonder les Ecritures, mais ils le faisaient avec un coeur incroyant et, de plus, à la lumière de leur tradition. Ils les sondaient, comme le dit l'apôtre Paul, avec un voile devant les yeux (2 Corinthiens 3:15

s.), ne comprenant pas qu'elles rendaient témoignage au Christ.

L'Ancien Testament est pour Jésus-Christ quelque chose de bien défini, le canon hébraïque que les Juifs avaient accepté comme Parole inspirée, révélation de Dieu, la source et norme de la vérité qui ne peut être anéantie :

"Jésus leur répondit: N'est-il pas écrit dans votre loi: J'ai dit: Vous êtes des dieux? Si elle a appelé dieux ceux à qui la parole de Dieu a été adressée, et si l'Ecriture ne peut être anéantie, celui que le Père a sanctifié et envoyé dans le monde, vous lui dites: Tu blasphèmes! Et cela parce que j'ai dit: Je suis le Fils de Dieu" (Jean 10:35.36).

Dans ce texte, Jésus cite Psaume 82:6 où les autorités civiles sont appelées des dieux pour démontrer qu'il ne blasphème pas en se proclamant Fils de Dieu. Il utilise ce qu'on appelle un argument "a minore ad majus", du plus petit au plus grand. Si la Bible appelle les juges et chefs d'Israël "dieux" et "fils du Très-Haut", comme le laisse entendre la Parole de Dieu dans Psaume 82:6, et cela parce qu'ils exercent des fonctions dont Dieu lui-même les a chargés et qu'ils sont revêtus d'une autorité dont Dieu lui-même les a investis, à combien plus forte raison le Christ a-t-il

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Inspiration droit à ce titre, sans qu'il y ait blasphème, car il est "celui que le Père a sanctifié et envoyé dans le monde" (Jean 10:36).

La Bible est Parole de Dieu dans tout ce qu'elle affirme

Ce texte atteste que le Christ ne mérite pas l'accusation de blasphème qu'on brandit contre lui. C'est à propos d'un seul mot qui se trouve dans Psaume 82:6 qu'il déclare que l'Ecriture ne peut être anéantie, que son autorité ne peut être abolie. Nous avons dans ce texte le témoignage le plus clair et le plus puissant que le Christ ait rendu à l'Ancien Testament. C'est l'affirmation la plus forte qu'on puisse imaginer de l'autorité absolue et souveraine de l'Ecriture, jusque dans une seule de ses déclarations ou un seul de ses mots. Jésus croit en l'inspiration et l'autorité divine de l'Ancien Testament. C'est pourquoi il commence son ministère par un appel à l'Ecriture dans son affrontement avec le diable (Matthieu 4:4.7.10) et l'achève auprès des disciples par un nouvel appel à l'Ecriture (Luc 24:25-27.44-48).

Jean 10:35.36 que nous venons de citer n'est pas le seul texte. Ailleurs aussi, Jésus argumente avec une seule phrase ou un seul mot :

"N'avez-vous pas lu ce que Dieu vous a dit : Je suis le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac et le Dieu de Jacob? Dieu n'est pas le Dieu des morts, mais des v ivants" (Matthieu 22:31.32). "Comment donc David, animé par l'Esprit l'appelle-t-il Seigneur, lorsqu'il dit: Le Seigneur dit à mon Seigneur: Assieds-toi à ma droite, jusqu'à ce que je fasse de tes ennemis ton marchepied?" (Matthieu 22:43.44).

Les prophéties de l'Ancien Testament sont d'origine divine, c'est pourquoi elles doivent

s'accomplir 11

. Et de fait, elles s'accomplissent d'un accomplissement voulu par Dieu et

inscrit dans son plan de salut 12

. Telle chose doit s'accomplir parce qu'elle avait été annoncée non pas simplement par un homme, mais par un homme prophétisant au nom de Dieu.

Voici encore quelques textes par lesquels le Christ atteste l'autorité souveraine de l'Ancien Testament ou l'historicité de ses récits :

"Vous avez pour père le diable et vous

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Inspiration voulez accomplir les désirs de votre père. Il a été meurtrier dès le commencement et il ne se tient pas dans la vérité, parce qu'il n'y a pas de vérité

en lui" (Jean 8:44) 13. "De même que Jonas fut trois jours et trois nuits dans le ventre d'un grand poisson, de même le Fils de l'homme sera trois jours et trois nuits dans le

sein de la terre" (Matthieu 12:40) 14. "Ce qui arriva du temps de Noé arrivera de même aux jours du Fils de l'homme" (Luc 17:26). "Comme Moïse éleva le serpent dans le désert, il faut de même que le Fils de l'homme soit élevé" (Jean 3:14). "Ils ont Moïse et les prophètes. Qu'ils les écoutent!" (Luc 16:29). "Commençant par Moïse et par tous les prophètes, il leur expliqua dans toutes les Ecritures ce qui le concernait... Il leur dit : Ainsi il est écrit que le Christ souffrirait et qu'il ressusciterait des morts le troisième jour, et que la repentance et le pardon des péchés seraient prêchés en son nom à toutes les nations, à commencer par Jérusalem" (Luc 24:27.46.47). "Ne pensez pas que moi je vous accuserai devant le Père. Celui qui vous accuse, c'est Moïse, en qui vous avez mis votre espérance. Si vous croyiez Moïse, vous me croiriez aussi, parce qu'il a écrit de moi. Mais si vous ne croyez pas à ses écrits, comment croiriez-vous à mes paroles?" (Jean

5:45- 47).

C'est clair : Dans toutes les discussions qui l'opposent à ses adversaires, le Christ ne les combat jamais avec leurs propres armes. Il ne réfute pas les sadducéens en recourant comme eux à des arguments tirés de la raison (Matthieu 22:23-33), ni les pharisiens et les scribes en argumentant comme eux avec les traditions et les interprétations rabbiniques de la Loi (Matthieu 15:1-9). Sa seule arme est l'épée de l'Esprit qui est la Parole de Dieu. En citant l'Ancien Testament, il lui attribue une autorité divine qui met fin à toute discussion et devant laquelle Satan lui-même doit s'incliner. Son argument est toujours : "Il est écrit". Il suffit qu'il en soit ainsi pour qu'un problème soit résolu. Les témoignages du Christ que nous venons de citer sont tellement clairs qu'on est obligé de se rendre à l'évidence. Dans tous ces textes où il se réfère à l'Ancien Testament, il confesse son inspiration plénière et totale.

L'Ancien Testament est à ce point revêtu d'autorité divine que quiconque en supprimera le moindre commandement sera appelé le plus petit dans le Royaume des cieux (Matthieu 5:19). Pas un seul iota, c'est-à-dire pas la

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Inspiration plus petite lettre ne disparaîtra de la loi, jusqu'à ce que tout soit arrivé (Matthieu 5:18). S'il en est ainsi, c'est que l'Ancien Testament est revêtu d'autorité divine jusque dans ses moindres expressions.

3) Le témoignage que le Christ rend au Nouveau Testament :

Ce qui est vrai de la promesse l'est nécessairement aussi de l'accomplissement. Si le Saint-Esprit a inspiré les prophètes, à combien plus forte raison a-t-il inspiré les apôtres sur qui il fut répandu avec abondance lors de la Pentecôte.

Jésus-Christ, étant Fils de Dieu, n'avait pas besoin d'inspiration pour annoncer la Parole de Dieu. Cependant, il n'a pas écrit. Son enseignement se serait perdu à jamais ou aurait été falsifié par les hommes s'il nous avait été transmis par la seule tradition orale. Il a donc non seulement choisi des témoins oculaires, des hommes qui ont vu tout ce qu'il a fait et entendu tout ce qu'il a enseigné, mais leur a envoyé son Saint- Esprit qui les a inspirés, de sorte que ce qu'ils ont prêché et écrit est Parole de Dieu.

"Je vous dis ces choses, pendant que je demeure avec vous. Mais le Consolateur, l'Esprit Saint, que le Père enverra en mon nom, vous enseignera toutes choses et vous rappellera tout ce que je vous ai dit» (Jean 14:25.26). "Quand le Consolateur sera venu, l'Esprit de vérité, il vous conduira dans toute la vérité. Car il ne parlera pas de lui-même, mais il dira tout ce qu'il aura entendu et il vous annoncera les choses à venir. Il me glorifiera, parce qu'il prendra de ce qui est à moi" (Jean 16:13.14). "Quand on vous livrera, ne vous inquiétez ni de la manière dont vous parlerez ni de ce que vous direz. Ce que vous aurez à dire vous sera donné à l'heure même. Car ce n'est pas vous qui parlerez, c'est l'Esprit de votre Père qui parlera en vous" (Matthieu 10:19.20).

Cette promesse s'accomplit à la Pentecôte :

"Ils furent tous remplis du Saint-Esprit et se mirent à parler en d'autres langues, selon que l'Esprit leur donnait de s'exprimer" (Actes 2:4).

Ce qui fut vrai à la Pentecôte et qui se manifesta par le miracle du parler en langues, le fut pendant tout le ministère des apôtres : ils parlaient par le Saint-Esprit qui leur "donnait de s'exprimer". Ils furent inspirés de la même façon

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Inspiration que les prophètes dont l'Ecriture dit :

"L'Eternel étendit sa main et toucha ma bouche, et l'Eternel dit: Voici, je mets mes paroles dans ta bouche" (Jérémie 1:9). "Sa parole est sur ma langue" (2 Samuel 23:2). "Que ma langue soit comme la plume d'un habile écrivain" (Psaume 45:2).

Cette vérité est exprimée de façon particulière dans les visions d'Ezéchiel et de Jean, comme on peut le constater en comparant les deux textes suivants :

"Il me dit: Fils de l'homme, mange ce que tu trouves, mange ce rouleau et va, parle à la maison d'Israël! J'ouvris la bouche et il me fit manger ce rouleau. Je le mangeai, et il fut dans ma bouche doux comme du miel" (Ezéchiel 3:1-3). "La voix que j'ai entendue du ciel me parla de nouveau et dit: Va, prends le petit livre dans la main de l'ange qui se tient debout sur la mer et sur la terre... Je pris le petit livre de la main de l'ange et l'avalai. Il fut dans ma bouche doux comme du miel, mais quand je l'eus avalé, mes entrailles furent remplies d'amertume. Puis on me dit: Il faut que tu prophétises de nouveau sur beaucoup de peuples, de nations, de langues et de rois" (Apocalypse 10:9-11).

4) Le témoignage des apôtres :

Les apôtres adoptèrent à l'égard de l'Ancien Testament la même attitude que Jésus-Christ. Il était pour eux Parole de Dieu, source et norme de doctrine. C'est sur lui qu'ils fondent leur enseignement, démontrent qu'il est conforme à ce que Dieu a révélé aux prophètes, et en particulier qu'en Jésus se sont accomplies les choses que Dieu

avait prédites par eux 15

.

L'Ancien Testament est le fondement de leur message,

l'endroit où ils vont le puiser 16

L'Ecriture doit s'accomplir pour les apôtres (Actes 1:16; 2:14-17.27; 13:32-37) comme pour le Christ (Matthieu 26:54; Luc 22:37; 24:44).

Dieu et l'Ecriture sont des sujets interchangeables. Les apôtres attribuent à l'Ecriture des paroles prononcées par Dieu :

"Que dit l'Ecriture? Abraham crut à Dieu, et cela lui fut imputé à justice" (Romains 4:3). "L'Ecriture dit à Pharaon: Je t'ai suscité à dessein pour montrer en toi ma puissance" (Romains 9:17). "L'Ecriture, prévoyant que Dieu

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Inspiration justifierait les païens par la foi, a d'avance annoncé cette bonne nouvelle à Abraham: Toutes les nations seront bénies en toi" (Galates 3:8). "Que dit l'Ecriture? Chasse l'esclave et son fils, car le fils de l'esclave n'héritera pas avec le fils de la femme libre" (Galates 4:30).

Nous assistons dans ces textes à une véritable personnification de l'Ecriture. De plus, "Dieu dit" et "l'Ecriture dit" sont des termes interchangeables. "Dieu dit" = "L'Ecriture dit", et inversement. C'est que l'Ecriture est Parole de Dieu au sens le plus entier du mot. En fait, l'Ecriture ne parla pas à Abraham et à Pharaon, bien que Gal 3:8 et Rom 9:17 l'affirment, mais c'est Dieu en personne qui leur adressa la parole.

Dans Hébreux 1:1, nous avons toute une chaîne de citations de l'Ancien Testament, toutes introduites par l'expression "Dieu dit" ou "Il dit". Certaines de ces phrases furent effectivement prononcées par Dieu (Hébreux 1:5.13); d'autres sont de simples textes tirés de l'Ancien Testament attribués à Dieu, car il les a inspirés à ses auteurs. (Hé breux 1:6.7.8.10). On le voit, Hébreux 1 attribue indifféremment à Dieu des phrases qu'il a prononcées et des phrases qu'il n'a pas prononcées, mais qui

sont phrases de Dieu parce qu'elles figurent dans l'Ecriture qui est Parole de Dieu. On observe le même phénomène dans Romains 15:9-12, où nous avons trois citations introduites successivement par les formules : "Il est écrit", "Il (c'est-à-dire Dieu) dit" et "Esaïe dit". Dans le deuxième cas, ce n'est pas Dieu qui parle dans la citation, et dans le troisième cas Paul attribue à Esaïe une phrase prononcée par Dieu.

Les apôtres confessent aussi l'origine divine des textes de l'Ancien Testament, en les appelant "oracles de Dieu" ou "oracles vivants" (Romains 3:2; Hébreux 5:12; Actes 7:38).

A cet ensemble de témoignages il faut ajouter les textes suivants qui sont particulièrement importants parce qu'il y est question de l'inspiration des Ecritures :

"Toi, demeure dans les choses que tu as apprises et reconnues certaines, sachant de qui tu les as apprises. Dès ton enfance tu connais les saintes lettres, qui peuvent te rendre sage à salut par la foi en Jésus-Christ. Toute l'Ecriture est inspirée de Dieu et utile pour enseigner, pour convaincre, pour corriger, pour instruire dans la justice, afin que l'homme de Dieu soit accompli et propre à toute bonne oeuvre" (2

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Inspiration Timothée 3:14-17). "Nous n'avons pas reçu l'esprit du monde, mais l'Esprit qui vient de Dieu, afin que nous connaissions les choses que Dieu nous a données par sa grâce. Et nous en parlons non avec des discours qu'enseigne la sagesse humaine, mais avec ceux qu'enseigne l'Esprit, employant un langage spirituel pour les choses spirituelles" (1 Corinthiens 2:12.13). "Nous tenons pour d'autant plus certaine la parole prophétique, à laquelle vous faites bien de prêter attention comme à une lampe qui brille dans un lieu obscur, jusqu'à ce que le jour vienne à paraître et que l'étoile du matin se lève dans vos coeurs, sachant d'abord vous-mêmes qu'aucune prophétie ne peut être l'objet d'une interprétation particulière, car ce n'est pas par une volonté d'homme qu'aucune prophétie a jamais été apportée, mais c'est poussés par le Saint-Esprit que des hommes ont parlé de la part de Dieu" (2 Pierre 1:19-21). "Les prophètes, qui ont prophétisé touchant la grâce qui vous était réservée, ont fait de ce salut l'objet de leurs recherches et de leurs investigations. Ils voulaient sonder l'époque et les circonstances marquées par l'Esprit de Christ qui était en eux et qui attestait d'avance les souffrances de Christ et la gloire dont elles seraient suivies. Il leur fut révélé que ce n'était pas pour eux-mêmes, mais pour vous qu'ils étaient les dispensateurs de ces

choses que vous ont annoncées maintenant ceux qui vous ont prêché l'Evangile par le Saint-Esprit envoyé du ciel, et dans lesquelles les anges désirent plonger leurs regards" (1 Pierre 1:10-12).

Voici encore quelques autres textes instructifs :

"Hommes frères, il fallait que s'accomplît ce que le Saint-Esprit, dans l'Ecriture, a annoncé d'avance par la bouche de David au sujet de Judas" (Actes 1:16). "C'est avec raison que le Saint-Esprit, parlant à vos pères par le prophète Esaïe, a dit : Va vers ce peuple..." (Actes 28:25). "Les promesses ont été faites à Abraham et à sa postérité. Il ne dit pas : et aux postérités, comme s'il s'agissait de plusieurs, mais en tant qu'il s'agit d'une seule: et à ta postérité, c'est-à-dire à Christ" (Galates 3:16). "C'est pourquoi il dit : Etant monté en haut, il a emmené des captifs et il a fait des dons aux hommes" (Ephésiens 4:8). "L'Esprit dit expressément que dans les derniers temps, quelques-uns abandonneront la foi" (1 Timothée 4:1). "A plusieurs reprises et de bien des

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Inspiration façons, après avoir autrefois parlé à nos pères par les prophètes, Dieu, dans ces derniers temps, nous a parlé par le Fils" (Hébreux 1:1.2). "Comment échapperons-nous, en négligeant un si grand salut qui, annoncé d'abord par le Seigneur, nous a été confirmé par ceux qui l'ont entendu" (Hébreux 2:3). "C'est pourquoi, selon ce que dit le Saint-Esprit : Aujourd'hui, si vous entendez sa voix, n'endurcissez pas vos coeurs" (Hébreux 3:7). "Dieu fixe de nouveau un jour - aujourd'hui -, en disant dans David bien longtemps après, comme il est dit plus haut : Aujourd'hui, si vous entendez sa voix, n'endurcissez pas vos coeurs" (Hébreux 4:7). "C'est avec l'expression d'un blâme que le Seigneur dit à Israël : Voici les jours viennent, dit le Seigneur, où je ferai avec la maison d'Israël une alliance nouvelle... En disant: une alliance nouvelle, il a déclaré la première ancienne" (Hébreux 8:8.13). "C'est ce que le Saint-Esprit nous atteste aussi, car, après avoir dit: Voici l'alliance que je ferai avec eux..., il ajoute : Et je ne me souviendrai plus de

leurs péchés ni de leurs iniquités" (Hébreux 10:15.17). "Ainsi nous a-t-il appelés, non seulement d'entre les Juifs, mais encore d'entre les païens, selon qu'il le dit dans Osée : ..." (Romains 9:25). "Béni soit le Seigneur, le Dieu d'Israël, de ce qu'il a visité et racheté son peuple et nous a suscité un puissant Sauveur dans la maison de David son serviteur, comme il l'avait annoncé par la bouche de ses saints prophètes des temps anciens" (Luc 1:69.70). "Dieu a accompli de la sorte ce qu'il avait annoncé d'avance par la bouche de tous les prophètes, que son Christ devait souffrir" (Actes 3:18). "L'Ecriture dit: Tu ne muselleras point le boeuf quand il foule le grain. Et l'ouvrier mérite son salaire" (1 Timothée 5:18).

A noter que dans ce dernier texte, l'apôtre cite un commandement de l'Ancien Testament (Deutéronome 25:4) et une parole du Christ (Luc 10:7). Les deux sont, selon Paul, tirés de "l'Ecriture" et constituent de ce fait une norme qui justifie l'exhortation donnée dans le verset précédent et met fin à toute contestation. L'Evangile de Luc fait donc partie de cette Ecriture dont 2 Timothée 3:16 dit qu'elle est

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Inspiration inspirée de Dieu. Et ceci est vrai de tous les livres qui sont venus s'ajouter au canon de l'Ancien Testament pour constituer le Nouveau Testament. L'apôtre Pierre ne fait pas autre chose, quand, ayant affirmé que les prophètes ont parlé de la part de Dieu (2 Pierre 1:21), il range les épîtres de Paul parmi les "autres écrits" (2 Pierre 3:16) précisant qu'il les a écrites selon la sagesse qui lui avait été donnée (2 Pierre 3:15). Pour les apôtres, l'Ecriture était un ensemble de livres donnés par Dieu à son peuple, une collection d'écrits qui augmentait au fur et à mesure qu'il plaisait au Saint-Esprit d'enrichir le trésor de révélations confié à l'Eglise. Tout ce qui fait partie de l'Ecriture est divinement inspiré. Inversement, tout ce qui est divinement inspiré fait partie de l'Ecriture.

5) Résumé :

L'Ecriture Sainte est inspirée de Dieu. Cette inspiration

divine est telle qu'elle EST Parole de Dieu. C'est ce qu'attestent explicitement le Christ et les apôtres chaque fois qu'ils citent l'Ancien Testament. Et ce qui est vrai de l'Ancien Testament l'est également du Nouveau. Les apôtres

ont reçu le don de l'inspiration de la même façon que les prophètes. Le Saint-Esprit a parlé par les uns et les autres d'une façon unique en son genre.

Quelques textes parmi d'autres qui l'affirment clairement :

"L'Esprit de l'Eternel a parlé par ma bouche et sa Parole est sur mes lèvres" (2 Samuel 23:2). "La parole fut adressée à Jérémie de la part de l'Eternel, en ces mots : Place-toi à la porte du temple de l'Eternel et là, prononce à haute voix cette parole: Ecoutez ce que dit l'Eternel, vous tous, hommes de Juda, qui entrez par cette porte pour vous prosterner devant l'Eternel. Ainsi parle l'Eternel des armées, le Dieu d'Israël..." (Jérémie 7:1-3). "Prends un livre et tu y écriras toutes les paroles que je t'ai dites sur Israël et sur Juda et sur toutes les nations... Prends un autre livre et tu y écriras toutes les paroles qui étaient dans le premier livre qu'a brûlé Jojakim, roi de Juda" (Jérémie 36:2.28). "Tout cela arriva afin que s'accomplît ce que le Seigneur avait annoncé par le prophète, disant..." (Matthieu 1:22). "Ce que vous aurez à dire vous sera donné à l'heure même, car ce n'est pas

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Inspiration vous qui parlerez, c'est l'Esprit de votre Père qui parlera en vous" (Matthieu 10:19). "Il fallait que s'accomplît ce que le Saint-Esprit dans l'Ecriture avait annoncé d'avance par la bouche de David, au sujet de Judas" (Actes 1:16). "Nous rendons continuellement grâces à Dieu de ce qu'en recevant la Parole de Dieu que nous vous avons fait entendre, vous l'avez reçue non comme la parole des hommes, mais, ainsi qu'elle l'est véritablement, comme la Parole de Dieu qui agit en vous qui croyez" (1 Thessaloniciens 2:13).

Dans 2 Thessaloniciens 2:15, la phrase : "Retenez les instructions que vous avez reçues, soit par notre parole, soit par notre lettre" précise que ce qui est vrai de la prédication des apôtres l'est aussi de leurs écrits.

"Les prophètes qui ont prophétisé touchant la grâce que vous était réservée ont fait de ce salut l'objet de leurs recherches et de leurs investigations, voulant sonder l'époque et les circonstances marquées par l'Esprit de Christ qui était en eux et qui attestait d'avance les souffrances de Christ et la gloire dont elles seraient suivies. Il leur fut révélé que ce n'était pas pour eux seulement, mais pour vous qu'ils étaient les dispensateurs de ces

choses, que vous ont annoncées maintenant ceux qui vous ont prêché l'Evangile par le Saint-Esprit envoyé du ciel dans lesquelles les anges désirent plonger leurs regards" (1 Pierre 1:10-12).

Les prophètes ont de la sorte prédit la venue, le ministère rédempteur et le règne du Christ. Les apôtres, témoins oculaires de ce Christ, attestent qu'il est bien venu accomplir ces prédictions. Les uns et les autres ont rendu leur témoignage avec l'autorité divine que leur conférait le Saint-Esprit parlant en eux. Ainsi donc, l'Eglise chrétienne est édifiée sur le fondement des apôtres et des prophètes dont Christ est la pierre angulaire (Ephésiens 2:20).

Selon le témoignage de la Bible, l'inspiration des prophètes et des apôtres ne peut être conçue que comme plénière et entière. Parfois on parle d'inspiration verbale, ce qui signifie que le Saint- Esprit leur a communiqué ce qu'ils devaient dire et les mots avec lesquels ils devaient le faire. Si les apôtres savent que Dieu s'est servi d'hommes pour se révéler, ils ne morcellent pas l'Ancien Testament, attribuant tel texte à Dieu et tel autre à un homme. Ils ne procèdent à aucune dissection, mais tout l'Ancien Testament est pour eux

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Inspiration Parole de Dieu révélée par des hommes choisis par lui. Sans doute reconnaissent-ils le côté ou l'aspect humain de l'Ecriture, mais ils n'y distinguent pas entre des textes qui seraient divins et d'autres qui seraient seulement humains. Nous avons vu que lorsqu'ils citent des passages de l'Ancien Testament, ils les attribuent indifféremment à Dieu ou au Saint-Esprit et aux prophètes, parfois aux deux,

précisant que "Dieu a dit par..." 17.

Partout où ils citent l'Ecriture, le Christ et ses apôtres le font en se référant à une autorité souveraine dont le jugement est sans appel et n'admet aucune contestation. Et cela concerne tout l'Ancien Testament et tout ce qui est enseigné par lui, qu'il s'agisse d'affirmations fondamentales, de quelque détail n'ayant pas en lui-même beaucoup d'importance, et des mots mêmes utilisés par ses auteurs. Il ne fait donc aucun doute que la doctrine de l'inspiration plénière de l'Ecriture que nous allons exposer dans le chapitre suivant est celle du Christ et des apôtres eux-mêmes, et qu'en l'abandonnant, on tourne le dos non pas à une théorie inventée par les théologiens, mais à une affirmation claire et nette de l'Ecriture elle-même. Même des théologiens

libéraux qui ne croient pas cela sont obligés de le reconnaître.

Notes:

5 Littéralement: "La parole de l'Eternel fut adressée par la main d'Aggée".

6 Littéralement: "La parole de l'Eternel fut adressée par la main d'Aggée".

7 Littéralement: "La parole de l'Eternel fut vers Aggée".

8 Littéralement: "Oracle, parole de l'Eternel à Israël par la main d' Aggée".

9 Littéralement: "Vision qu'Esaïe vit sur...".

10 Littéralement: "parole que vit". Cf. encore Ezéchiel 12:27; 13:16.

11 Matthieu 26:54; Marc 9:12.13; 14:49; Luc 22:37; 24:44; Jean 12:14; 13:18.

12 Matthieu 26: 31; Marc 14:27; Luc 20:17; Jean 17:12.

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Inspiration 13 C'est une affirmation de l'historicité du récit de la chute en Genèse 3.

14 C'est une affirmation de l'historicité du récit de Jonas.

15 Cf. par exemple Marc 1:2; 1 Corinthiens 15:3.4; Actes 8:35; 17:3; 26:22; Romains 1:17; 3:4.10; 4:17; 11:26; 14:11; 1 Corinthiens 1:19; 2:9; 3:19; 15:45; Galates 3:10.13; 4:22.27).

16 Actes 17:2; 18:24.28; 23:5; 1 Pierre 1:16; Jacques 2:8; Romains 2:26; 8:36; 9:33; 11:8; 12:19; 15:9.21; 2 Cor 4:13.

17 Marc 12:36; Actes 1:16; 4:25; Matthieu 2:5; 13:35.

CHAPITRE 4:

LA DOCTRINE DE L'INSPIRATION

1) Les textes qui enseignent l'inspiration de la Bible :

Les passages scripturaires auxquels nous avons fait appel jusqu'à présent se contentaient d'affirmer que Dieu a parlé par les prophètes et les apôtres, attribuant directement au Seigneur de nombreux textes bibliques. L'Écriture Sainte a donc vu le jour grâce à un acte divin que nous appelons l'inspiration, sur lequel les apôtres nous donnent quelques précisions dans un certain nombre de textes qu'on appelle les "sedes doctrinae" de l'inspiration.

"Les prophètes, qui ont prophétisé touchant la grâce qui vous était réservée, ont fait de ce salut l'objet de leurs investigations, voulant sonder l'époque et les circonstances marquées par l'Esprit de Christ qui était en eux, et qui attestait d'avance les souffrances de Christ et la gloire dont elles seraient suivies. Il leur fut révélé que ce n'était pas pour eux-mêmes, mais pour vous,

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Inspiration qu'ils étaient les dispensateurs de ces choses, que vous ont annoncées maintenant ceux qui vous ont prêché l'Évangile par le Saint-Esprit envoyé du ciel, et dans lesquelles les anges désirent plonger leurs regards" (1 Pierre 1: 10-12).

L'apôtre, parlant des prophètes de l'ancienne alliance et précisant qu'ils ont prophétisé pour les croyants de la nouvelle alliance, dit clairement que l'Esprit du Christ était en eux, leur révélant ce qu'ils ont annoncé concernant les souffrances et la glorification du Messie. Le Saint-Esprit a donc parlé par eux. Cette activité du Saint-Esprit, dont le résultat sont les livres de l'Ancien Testament, est explicitement distinguée des recherches, études et méditations personnelles des prophètes. Sondant ce qu'ils avaient prêché et écrit, ils ont tenté de déterminer à quelle époque et dans quelles circonstances leurs prédictions allaient se réaliser. Ils se demandaient donc quand le Messie promis allait venir. Mais sans trouver de réponse à leur question, car si le Saint-Esprit leur avait révélé dans le détail l'oeuvre rédemptrice du Christ, il n'avait rien dit de l'époque choisie par Dieu à cet effet. Il fallut attendre que Jésus vienne, qu'il meure et ressuscite pour le salut du monde,

pour que le Saint-Esprit fasse proclamer l'accomplissement des promesses faites aux pères. Le même Esprit, en effet, dit l'apôtre Pierre, qui a jadis parlé par les prophètes, parle maintenant par les apôtres. Aussi l'Église chrétienne est-elle fondée sur l'enseignement des apôtres et des prophètes, dont le Christ est la pierre angulaire (Ephésiens 2: 20).

S'il est vrai que de nombreuses prédictions étaient telles que même leurs auteurs, les prophètes, ne pouvaient comprendre leurs propres oracles plus que nous ne les comprenons nous-mêmes, le Saint-Esprit n'a pu parler par eux qu'en prenant entièrement possession de leur être, en particulier de leur intelligence. L'inspiration dont ils ont été les objets fut donc nécessairement totale et plénière. Cette inspiration était beaucoup plus que la simple assistance que l'Esprit Saint accorde par exemple à un pasteur qui prépare son sermon, plus qu'une simple suggestion des vérités qu'ils devaient proclamer. Dieu ne peut communiquer avec un homme que dans une langue humaine, et ne peut lui communiquer l'inconnu et ce qui est par nature inconnaissable, ce que l'oeil n'a pas vu, que l'oreille n'a pas entendu et qui n'est pas monté au coeur de l'homme, que par une

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Inspiration inspiration plénière. C'est par elle qu'il lui révèle les vérités divines dans un langage qu'il comprend et dans lequel il peut les retransmettre oralement ou par écrit.

"Nous tenons pour d'autant plus certaine la parole prophétique, à laquelle vous faites bien de prêter attention, comme à une lampe qui brille dans un lieu obscur, jusqu'à ce que le jour vienne à paraître et que 1'étoile du matin se lève dans vos coeurs, sachant tout d'abord vous-mêmes qu'aucune prophétie de l'Ecriture ne peut être l'objet d'une interprétation particulière, car ce n'est pas par une volonté d'homme qu'aucune prophétie a jamais été apportée, mais c'est poussés par l'Esprit-Saint que des hommes ont parlé de la part de Dieu" (2 Pierre 1:19-21).

Dans ce texte, Pierre parle de la Parole prophétique. Il s'agit manifestement de l'Ancien Testament. C'est pourquoi, lorsqu'il est question de prophétie, il ne peut pas s'agir seulement des prédictions de l'Ancien Testament concernant l'avenir et plus particulièrement le Christ. Le mot "prophétie" en effet est un terme qui englobe tout l'enseignement donné par les prophètes. L'apôtre avait rappelé à ses lecteurs qu'il avait été le témoin oculaire de la gloire du Christ, lors de la transfiguration (2 Pierre

1:17.18), comme tous les apôtres ont été du reste, pendant trois ans, les témoins des faits et gestes du Seigneur. Mais il y a mieux que le fait d'avoir vu Jésus dans toute sa gloire sur la montagne de la transfiguration. Il existe une source de connaissance plus certaine que cela : c'est la parole prophétique. Et Pierre va nous dire pourquoi : c'est que cette parole est d'origine divine. Elle a pour auteur le Saint-Esprit lui-même. C'est ce qui lui permet de briller, tel un flambeau, dans ce lieu obscur qu'est le monde corrompu et condamné.

Mais que veut dire Pierre, lorsqu'il écrit qu'aucune prophétie n'est l'objet d'une interprétation particulière? Ou d'une interprétation privée (TOB)? Ou encore d'une explication personnelle (Bible de Jérusalem)? Ou bien qu'aucune prophétie n'est jamais venue de la seule volonté d'un homme (Bible en Français Courant)? Il ne peut pas vouloir affirmer que les prophéties ne s'interprètent pas elles-mêmes. Ce serait en effet contraire à l'un des principes d'interprétation biblique les plus importants, qui veut précisément que l'Écriture s'interprète elle-même, qu'elle nous fournisse elle-même le sens de ses affirmations. Il ne peut pas davantage vouloir dire que les

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Inspiration prophètes n'interprètent pas leurs propres prophéties, et qu'elles sont pour cela difficiles à comprendre. Si telle avait été la pensée de l'apôtre, il ne pourrait pas dans la même phrase déclarer que la parole prophétique est semblable à une lampe qui brille dans un lieu obscur. Il se contredirait lui-même.

C'est pourquoi beaucoup de théologiens estiment que Pierre a voulu dire que ceux qui entendent ou lisent les textes de l'Ancien Testament ne peuvent pas leur donner une interprétation personnelle, conforme à leurs opinions, leurs conceptions ou leurs goûts. Mais s'il en était ainsi, on ne comprendrait pas le lien qui unit le verset 20 au suivant : "car ce n'est pas par une volonté d'homme qu'aucune prophétie a jamais été apportée, mais c'est poussés par le Saint-Esprit que des hommes ont parlé de la part de Dieu". Cela reviendrait à dire que nous n'aurions pas le droit ou le pouvoir d'interpréter l'Écriture, parce qu'elle est inspirée par le Saint-Esprit! L'argument n'est pas logique et ne convainc pas, et s'il en était ainsi, les pasteurs devraient renoncer à prêcher, car ils ne font rien d'autre dans leurs sermons qu'interpréter l'Écriture!

C'est pourquoi nous pensons qu'il faut donner au mot que nos traductions de la Bible rendent généralement par "interprétation" un autre sens, le sens premier du terme grec employé par Pierre. Ce terme exprime, dans le langage profane, l'action de défaire des noeuds, de solutionner un problème par un effort de compréhension ou de réflexion personnelle. Autrement dit, aucune prophétie n'est le produit, le résultat d'une représentation, d'une compréhension ou d'une idée personnelle des prophètes. En clair : Ils n'ont pas écrit le produit de leurs opinions ou conceptions personnelles, ils ne nous proposent pas leur petite théologie particulière, leur vision de Dieu, du monde, de l'homme et de son salut. Pourquoi? Parce que, comme le dit le verset suivant, "ce n'est pas par une volonté d'homme qu'aucune prophétie a jamais été apportée, mais c'est poussés par l'Esprit Saint que des hommes ont parlé de la part de Dieu". En un mot : ils étaient inspirés, c'est le Saint-Esprit lui-même qui a parlé par eux. Ainsi, le lien entre les différentes affirmations de Pierre est très clair, et on comprend pourquoi la parole prophétique est une lampe qui brille dans un lieu obscur. Seuls les faux prophètes prophétisent selon leur coeur ; l'Eternel ne parle pas par

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Inspiration eux. Les prophètes, par contre, que le Seigneur a envoyés ont été ses fidèles porte-parole, car le Seigneur lui-même, en la personne de l'Esprit Saint, s'est exprimé à travers eux.

Ils étaient "poussés" par lui. Ce verbe, utilisé par la Bible de Segond, ne nous satisfait pas entièrement. Il pourrait signifier en effet que les prophètes étaient simplement incités par le Saint-Esprit à écrire, mais qu'ils ont finalement écrit ce qu'ils pensaient devoir écrire. Le Saint-Esprit serait simplement leur inspirateur, leur conseiller ou leur guide, mais pas l'auteur de ce qu'ils ont communiqué aux hommes. En réalité, ce verbe, traduit par "poussés", signifie "portés" (TOB), "emportés", "charriés", "entraînés". C'est le verbe utilisé pour décrire l'action d'un bateau dont le vent gonfle les voiles (Actes 27: 15,17). Les prophètes étaient à ce point sous l'action du Saint-Esprit qu'ils ont dit ou écrit ce qu'il voulait leur faire dire ou écrire. La Bible est Parole de Dieu ; le Seigneur lui-même y parle aux hommes. Voilà pourquoi elle est une lampe dans un lieu obscur vers laquelle nous devons nous tourner, jusqu'à ce que le jour vienne à paraître, le jour glorieux du Christ où l'Eglise sera enlevée au ciel et où les croyants verront ce qu'ils ont cru ici-bas.

"Dès ton enfance tu connais les saintes lettres qui peuvent te rendre sage à salut par la foi en Jésus-Christ. Toute l'Écriture est inspirée de Dieu et utile pour enseigner, pour convaincre, pour corriger, pour instruire dans la justice, afin que l'homme de Dieu soit accompli et propre à toute bonne oeuvre" (2 Timothée 3 : 15-17).

Dans ce texte, Saint Paul parle des "saintes lettres" et de "l'Écriture". Il s'agit manifestement de la même chose : Paul songe aux écrits de l'Ancien Testament. Les théologiens se sont souvent querellés pour savoir s'il fallait traduire "toute Écriture" ou "toute l'Ecriture". Le mot en effet n'a pas d'article en grec. Mais il existe d'autres exemples dans la Bible où l'adjectif "tout" est construit avec un substantif sans article et où ce substantif désigne malgré tout l'ensemble tout entier. Ainsi "tout Jérusalem" (Matthieu 2:3), "toute la maison d'Israël" (Romains 11:26), "tout l'édifice" (Ephésiens 2:21). On s'est demandé par ailleurs s'il fallait traduire : "toute l'Écriture est inspirée de Dieu et utile à...", ou bien : "toute Écriture, inspirée de Dieu, est aussi utile à...". Grammaticalement, les deux traductions sont possibles. Et finalement, quel que soit le choix fait par le traducteur, le sens de l'affirmation de Paul est le même. Il

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Inspiration a parlé des saintes lettres. Qu'il déclare que chacun de ces écrits, parce qu'il est inspiré de Dieu, est utile à..., ou que l'ensemble de ces écrits est inspiré de Dieu et utile à..., le résultat est le même! En tout état de cause, Paul affirme l'inspiration des saintes lettres que Timothée connaît depuis son enfance.

L'apôtre utilise ensuite un mot grec qu'on ne rencontre nulle part ailleurs dans toute la Bible. De plus, dans toute la littérature grecque profane, il n'est utilisé qu'une seule fois, du moins dans la littérature antérieure au Nouveau Testament. Il s'agit d'un ouvrage longtemps attribué par erreur à un certain Phocylidès. L'auteur y parle de la sagesse inspirée de Dieu. La très grande majorité des dictionnaires grecs donnent à cet adjectif un sens passif, comme à tous les adjectifs verbaux construits de la même façon. Tous s'accordent aussi pour dire que la traduction "inspirée" est ambiguë. Le mot "inspirée" laisse entendre, en effet, que l'Écriture existait avant de recevoir le souffle de Dieu, que les écrivains sacrés l'ont rédigée d'eux-mêmes, puis que Dieu l'a remplie de son Saint-Esprit. En réalité, le mot employé par l'apôtre Paul ne définit pas la nature de l'Ecriture Sainte, mais indique quelle est son origine. Pour

bien faire, il faudrait traduire par "spirée", si ce mot existait : l'Écriture est "spirée de Dieu", émane et jaillit du Saint-Esprit ; elle en est le produit. Et ceci est vrai de toute l'Écriture ou, si on préfère, de tout écrit qui compte au nombre des "saintes lettres", des livres divins. Paul ne connaît pas plusieurs degrés d'inspiration, pas plus qu'il n'existe, selon lui, dans la Bible, des livres ou des textes qui sont inspirés et d'autres qui ne le sont pas. Il ne fait pas ce que font tant de théologiens libéraux, qui s'efforcent de montrer que l'inspiration de l'Ecriture Sainte s'applique uniquement à son message central qu'est l'Evangile du pardon et du salut par la foi en Christ, à l'exclusion, par exemple, de ses textes historiques. L'apôtre reçoit tout l'Ancien Testament comme un recueil d'ouvrages qui émanent du Saint-Esprit et qui l'ont pour auteur. Nous rejoignons ainsi les nombreux textes que nous avons cités ci-dessus, en particulier ceux où le Christ et les apôtres citent un passage de l'Ancien Testament en l'attribuant directement à Dieu.

"Or nous, nous n'avons pas reçu 1'esprit du monde, mais 1'Esprit qui vient de Dieu, afin que nous connaissions les choses que Dieu nous a données par sa grâce. Et nous en parlons, non avec des discours

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Inspiration qu'enseigne la sagesse humaine, mais avec ceux qu'enseigne l'Esprit, employant un langage spirituel pour les choses spirituelles" (1 Corinthiens 2:12.13).

Nous avons déjà parlé de ce texte. Pour bien le comprendre, il faut l'étudier dans son contexte. Paul distingue entre les vérités qui lui furent révélées, ainsi qu'aux autres apôtres, et les paroles par lesquelles il exprime ces vérités dans son enseignement apostolique. Il dit à leur sujet : "Ce sont des choses que l'oeil n'a point vues, que l'oreille n'a point entendues et qui ne sont point montées au coeur de l'homme, des choses que Dieu a préparées d'avance pour ceux qui l'aiment. Dieu nous les a révélées par l'Esprit" (1 Corinthiens 2: 9.10). Ensuite, il précise comment il les communique à ses auditeurs lecteurs : "Nous en parlons non avec des discours qu'enseigne la sagesse humaine, mais avec ceux qu'enseigne l'Esprit" (1 Corinthiens 2:13). Les mots "nous en parlons" traduisent un verbe grec qui désigne l'expression verbale donnée à une vérité, sa verbalisation, sa communication aux autres à l'aide de mots et de phrases. Quant au mot traduit par "discours", un dictionnaire grec spécialisé affirme qu'il est employé, "non pas tant pour souligner ce qui est dit, mais

pour insister sur le fait que cela est dit ou exprimé... C'est le mot en tant que composante et forme du discours, surtout lorsqu'il est utilisé au pluriel" 18. Cet emploi de ce mot est attesté dans le grec classique (Xénophon, Eschile, Platon, Démosthène), et dans le Nouveau Testament (Matthieu 15:23; 22: 46; Actes 2:40; Luc 23:9; 1 Corinthiens 14:19; 2:4; Ephésiens 5:16; 2 Pierre 2:3; 3 Jean 10; Actes 16:36; Matthieu 12:37, etc.). L'apôtre affirme donc avec netteté qu'il tient de Dieu et les vérités qu'il proclame et la façon dont il les proclame, jusque dans l'emploi des expressions.

Rappelons enfin cette déclaration capitale de l'épître aux Hébreux :

"Après avoir, autrefois, à plusieurs reprises et de plusieurs manières, parlé à nos pères par les prophètes, Dieu, dans ces derniers temps, nous a parlé par le Fils" (Hébreux 1:1.2).

Dieu a d'abord parlé par les prophètes, puis par son Fils, et là où sont le Père et le Fils, là est aussi le Saint-Esprit. Ce texte confirme de façon convaincante que Dieu parle par l'Écriture et s'adresse en particulier à tous ceux qui estiment que la grande diversité dont font preuve les livres de la Bible (diversité de langues, de styles, de

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Inspiration procédés d'exposition, d'argumentations, etc.), milite contre l'inspiration plénière de l'Ecriture. Disons plutôt le contraire! N'est-il pas tout à fait étonnant que des auteurs aussi différents, vivant et agissant dans divers pays, séparés parfois dans le temps par de nombreux siècles, et d'origine si différente (militaires, rois, bergers, nobles, pêcheurs, médecin, artisans, péagers), n'est-il pas tout à fait étonnant que ces hommes aient pu écrire un livre qui présente une telle unité?

N'est-ce pas un miracle, qu'une collection apparemment si désordonnée d'ouvrages traitant de sujets si divers, constitue un édifice doctrinal unique et merveilleusement agencé, à l'exclusion de toute contradiction réelle, simple, clair et compréhensible pour tous? La Bible sort d'un moule unique, aux multiples facettes. C'est sans doute un phénomène unique dans l'histoire de la littérature mondiale. Comparez-la par exemple à une encyclopédie moderne, rédigée par différents auteurs, quoique sous la direction d'un éditeur unique! Comparez en particulier la Bible à une encyclopédie théologique, un recueil de traités et d'études théologiques, où les différents auteurs donnent souvent libre cours

à leurs conceptions théologiques particulières! La différence est indéniable, sans compter que les auteurs d'une encyclopédie théologique moderne vivent tous à la même époque, sortent d'écoles et universités semblables, possèdent un bagage théologique analogue et un niveau intellectuel à peu près identique. L'unité admirable qu'on constate dans la Bible atteste qu'elle est inspirée par Dieu, qu'elle est sa Parole.

2) Ce qu'on peut dire de l'inspiration de la Bible :

L'inspiration est un profond mystère. L'Ecriture ne la définit donc pas. Elle se contente de l'affirmer ou, qui plus est, de déclarer de multiples fois et de bien des façons qu'elle est Parole de Dieu. Elle affirme le fait de l'inspiration, mais se tait sur ses modalités. Cela indique que l'inspiration de la Bible est un mystère au même titre, par exemple, que l'incarnation du Fils de Dieu, et qu'en tant que tel, elle échappe en dernière analyse à une investigation rationnelle et une définition scientifique.

Si nous ne pouvons définir l'inspiration de la Bible dans son

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Inspiration essence même, car elle est aussi mystérieuse que l'existence d'un Dieu unique en trois personnes, l'incarnation du Fils de Dieu, son sacrifice expiatoire sur la croix ou la présence réelle de son corps et de son sang dans la Cène, il nous est possible cependant, en nous fondant sur les témoignages scripturaires que nous avons étudiés, de dire ce qu'elle n'est pas et de dégager aussi les conséquences de ce que la Bible dit à son sujet. C'est ce que nous tenterons de faire.

Ainsi, l'inspiration n'est pas identique au gouvernement de Dieu, à sa providence, c'est-à- dire son activité toute-puissante dans la conservation du monde (Actes 17:25.28; Romains 11:36; Ephésiens 1:11). C'est en vertu de cette providence divine que l'homme vit, qu'il se meut, qu'il pense, parle, écrit et agit. L'inspiration de l'Écriture n'est pas cela, car la providence est du domaine de la nature et concerne aussi les incroyants. C'est pourquoi, l'inspiration de la Bible n'est pas identique à l'inspiration générale des poètes, des musiciens ou des peintres.

L'inspiration de l'Écriture n'est pas davantage identique à l'activité du Saint-Esprit dans le coeur des croyants qu'on appelle régénération

ou illumination, une activité divine qui s'exerce sur les pensées, les paroles et les actes des chrétiens (1 Corinthiens 2:12; Ephésiens 1:17; 1 Corinthiens 12:3; Romains 8:14; Actes 2:17; 1 Corinthiens 12:29). Si l'inspiration n'était que cela, les prophètes et les apôtres auraient été inspirés au même titre qu'un prédicateur de la Parole, ou comme tout chrétien. Il y aurait tout au plus, de part et d'autre, une différence quantitative. Les auteurs de la Bible n'auraient été que davantage ou mieux inspirés que nos pasteurs.

L'inspiration de la Bible n'est pas non plus une simple assistance que le Saint-Esprit aurait accordée aux écrivains sacrés, voire une certaine préservation de l'erreur. L'Ecriture Sainte n'est pas simplement dirigée par l'Esprit Saint, mais elle émane de lui. Si le Saint-Esprit n'avait fait que guider les prophètes et les apôtres, pour les préserver de toute erreur, la Bible ne se distinguerait en rien de n'importe quel bon écrit religieux. De nombreux ouvrages religieux, tels que prédications, cantiques, commentaires, manuels de dogmatique, ont été écrits sans erreurs, sans que pour autant leurs auteurs aient été inspirés au même titre que les prophètes et les apôtres. Aussi l'inspiration de la Bible est-elle plus qu'une simple

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Inspiration assistance, plus qu'une préservation de l'erreur de la part du Saint-Esprit.

Nous distinguons aussi entre inspiration et révélation. Si la révélation est la communication d'une vérité divine, l'inspiration en est sa formulation verbale ou écrite. La révélation est l'acte par lequel Dieu dévoile à des hommes des choses ou des faits qu'ils ne connaissent pas et qu'ils ne peuvent pas connaître d'eux-mêmes, qu'il s'agisse de vérités surnaturelles concernant la doctrine chrétienne, ou de faits naturels, telles que la déportation d'Israël à Babylone ou la destruction de Jérusalem. Dieu a révélé bien des choses à de nombreux croyants, sans que ceux-ci aient été inspirés pour nous léguer ces révélations. Ce fut le cas d'Adam, d'Abraham, de Jacob, de Joseph fiancé à Marie, de Zacharie, ou encore des prophètes qui exerçaient leur ministère dans l'Église apostolique. Il peut donc y avoir révélation sans qu'il y ait inspiration. Inversement, il peut y avoir inspiration, sans qu'il y ait révélation. Les évangélistes, par exemple, ont été les témoins directs de ce qu'ils ont écrit par la suite. Ils ont entendu de leurs propres oreilles ce qu'ils racontent dans leur évangile. Paul donne des conseils relatifs au célibat qui ne lui furent

pas donnés par révélation, mais qui procédaient d'une conviction personnelle ; pourtant, nous affirmons que le Saint-Esprit a voulu qu'ils soient consignés dans la Bible, par conséquent que Paul les a écrits sous l'effet de l'inspiration. Enfin, révélation et inspiration peuvent être dissociées dans le temps, quand un prophète par exemple prononce un oracle qu'il ne consigne par écrit que plus tard. Ou bien, au contraire, elles peuvent coïncider dans le temps. Ce fut le cas de Balaam, qui proclama immédiatement ce que Dieu lui révélait, puis repartit dans son pays. D'ailleurs, l'exemple de ce devin païen, cupide et que rien ne prédisposait à annoncer la Parole de Dieu, est une preuve convaincante de l'étendue de l'inspiration. Chargé par le roi de Moab de maudire le peuple d'Israël, il lui répondit : "Je dirai les paroles que Dieu mettra dans ma bouche" (Nombres 22: 38). Un peu plus loin, nous lisons : "L'Eternel mit des paroles dans la bouche de Balaam" (Nombres 23:5). "N'ai-je pas dit aux messagers que tu m'as envoyés : Quand Balaak me donnerait sa maison pleine d'argent et d'or, je ne pourrai faire de moi-même ni bien ni mal contre l'ordre de l'Eternel ; je répéterai ce que dira l'Eternel" (Nombres 24:13).

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Inspiration Selon le témoignage de 2 Timothée 3:16, ce ne sont pas les écrivains sacrés, mais leurs livres qui sont inspirés. C'est pourquoi nous devons rejeter toute doctrine de l'inspiration qui ferait dans l'Écriture une coupure horizontale, soutenant que les vérités qui y sont exprimées sont d'origine divine, mais que leurs auteurs inspirés ont choisi eux-mêmes la façon de les énoncer. S'il en était ainsi, l'Écriture ne serait d'origine divine que grâce à son contenu. D'autre part l'apôtre Paul, loin de dire que certaines choses seulement sont inspirées dans l'Écriture, déclare que l'Écriture tout entière, ou, ce qui revient au même, que tout écrit parmi les livres canoniques est inspiré. Aussi rejetons-nous également toute coupure verticale dans la Bible attribuant par exemple au Saint-Esprit les affirmations et révélations doctrinales, et aux apôtres et prophètes les généalogies, les narrations historiques et autres. C'est ainsi que, sous l'inspiration du Saint-Esprit, les auteurs de la Bible ont manifestement utilisé des documents historiques (cf. par exemple Luc 1:1-4), des tables généalogiques, des annales familiales (sans doute pour la vie des patriarches) et des chroniques nationales.

Nous rejetons aussi toute coupure consistant à dire que les textes sont, en fonction de leur contenu, plus ou moins inspirés par le Saint-Esprit. Cette méthode en effet ne rend pas justice à ce que la Bible dit d'elle-même. Il n'existe, selon le témoignage de la Bible, ni différents degrés d'interprétation, ni à côté de textes inspirés, d'autres qui ne le seraient pas. C'est un jugement exclusivement humain qui fait dire à certains théologiens qu'il y a dans la Bible des choses importantes et d'autres qui ne le sont pas. Certes, il existe des vérités capitales (en particulier celles qui concernent directement le salut, ce qu'on appelle les articles fondamentaux de la foi chrétienne), et d'autres qui sont manifestement moins importantes, mais tout ce qu'affirme la Bible vient de Dieu, est divinement inspiré et donc Parole de Dieu.

Pas non plus de coupure horizontale ! L'Ecriture Sainte n'est pas mi-divine et mi-humaine, un mélange de vérités divines révélées par inspiration et d'opinions humaines tributaires de leur temps. Tout dans la Bible est Parole de Dieu, le formel et le matériel, c'est-à-dire aussi bien les idées et les vérités exprimées que les expressions et les termes utilisés pour cela. Un théologien luthérien

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Inspiration s'exprime ainsi: "Le Saint-Esprit ne peut pas tout d'abord donner le contenu et ensuite guider dans le choix des bons mots. Comment pourrait-on communiquer une idée autrement que par des mots? Que le Saint-Esprit enseigne les mots signifie pour beaucoup de théologiens modernes qu'il enseigne les choses révélées dans la Bible. Mais comment peut-on enseigner à quelqu'un des choses autrement que par des mots? Si donc on remplace le don des mots par une simple assistance dans le choix des bons mots, il s'ensuit que le Saint-Esprit n'a pas non plus communiqué le contenu de la Bible, mais seulement aidé à le découvrir" 19.

En un mot, si l'inspiration de la Bible est inspiration des choses, communication divine de son contenu, elle est aussi et nécessairement inspiration des mots, communication des termes qui expriment ce contenu).

Importantes ou non, toutes les affirmations bibliques font partie d'un livre qui dit de lui-même qu'il est tout entier inspiré par Dieu et qui se présente explicitement comme Parole du Seigneur. D'autre part, tout se tient dans la Bible. Des textes historiques apparemment sans importance sont en fait les

témoins de la façon dont Dieu a gouverné le monde et plus spécialement son peuple pour accomplir ses promesses. Une législation rituelle, dont la lecture nous paraît souvent fastidieuse, est tout entière orientée vers celui dont elle doit préfigurer de façon visuelle l'oeuvre rédemptrice, Jésus-Christ. Tout cela est profondément imbriqué dans le message même de l'Écriture. L'extraordinaire connaisseur de l'Ancien Testament qu'était l'apôtre Paul, déclare que "tout ce qui a été écrit d'avance l'a été pour notre instruction, afin que, par la patience et par la consolation que donnent les Écritures, nous possédions l'espérance" (Romains 15:4). C'est a priori faire fausse route que de jongler avec une échelle des valeurs pour déterminer dans l'Écriture ce qui est inspiré et ce qui ne l'est pas.

" L' inspiration de la Bible est un mystère "

Pour exprimer le mystère de l'inspiration, les théologiens ont de tout temps fait appel à la notion d'instrument. Cela signifie que dans ce mystère, la relation du Saint-Esprit et des auteurs sacrés était un lien organique: il s'est servi d'eux comme d'instruments chargés de transmettre sa Parole. Se servir d'un instrument, c'est le faire agir

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Inspiration pour produire par lui, à travers ses effets propres, ce qu'on veut effectivement produire. Dans l'effet ainsi produit, on reconnaîtra certes la marque de l'instrument, mais plus profondément encore celle de celui qui le manie. Un silex taillé trouvé aux abords d'une grotte préhistorique porte les marques de l'outil qui a servi à lui donner sa forme. Mais il porte davantage encore les marques de l'homme qui l'a façonné, témoigne de sa technique, de son art et de ses intentions. Il dit comment et pourquoi cet homme l'a fait tel qu'il est. Autre exemple, situé à un degré plus élevé: c'est le violoniste qui produit la musique, bien que ce soit avec son violon. La sonorité est due aux cordes dont joue le musicien, mais c'est lui qui leur fait exprimer ce qu'il conçoit et sent. Si bien que la musique, en elle-même faite de sons et donc tout simplement de vibrations, est pleine de son âme. Dans l'inspiration scripturaire, ce que veut réaliser la motion ou l'inspiration divine, ce n'est pas seulement le déploiement des forces propres d'un écrivain, c'est la communication de ce qu'il pense et veut, lui, à ceux qui liront l'écrit, à ceux auxquels il l'adresse. Dans cette parole humaine, c'est la Parole de Dieu qui, s'il est permis de s'exprimer ainsi, s'incarne.

Expression humaine, mais pensée divine.

L'acte d'écrire procède des forces et des émotions de l'écrivain sacré, mais Dieu s'est emparé de lui et donc de tout ce qu'il a de spécifique pour en faire l'instrument par lequel il s'exprime lui-même humainement. C'est lui qui écrit en langage humain ce qu'il a révélé, qu'il révèle ou qu'il rappelle simplement à l'homme qu'il a choisi pour cela. C'est Dieu qui parle dans cette langue humaine, à travers ces mots, ces phrases, ces structures de langage, en utilisant tout le pouvoir signifiant qui leur est propre. Il utilise cette langue, ces mots, ces images, cette syntaxe et les fait siens, un peu comme le Christ a assumé la nature humaine et l'a faite sienne, parce qu'ils disent ce qu'il a voulu qu'ils disent et comme il a voulu qu'ils le fassent. Ils disent la Parole de Dieu avec les mots humains avec lesquels le Seigneur a voulu qu'elle soit dite.

Le caractère et la nature humaine des écrivains sacrés ont évidemment, d'une façon ou d'une autre, conditionné leurs écrits. Tout écrit humain porte la marque de son auteur (sensibilité, goûts, style, connaissances, genre littéraire de l'ouvrage, circonstances, etc.). Il en va de même des livres de la Bible. Il

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Inspiration suffit de les comparer entre eux pour s'en rendre compte. La personnalité de leurs auteurs a teinté leur message. Cela dit, Dieu a formé cette personnalité des auteurs sacrés en vue de l'oeuvre particulière à laquelle il les destinait, de la révélation de sa vérité et de son plan de salut pour les hommes.

On a objecté que Dieu ne pouvait pas transmettre sa révélation par des hommes sans que ceux-ci la déforment. L'argument est le suivant : La lumière qui éclaire la rosace d'une cathédrale est lumière du ciel, mais elle est transformée, teintée par les verres colorés dont est faite cette rosace. De même toute pensée de Dieu qui passe par l'esprit et l'âme d'un homme est modifiée par sa personnalité et cesse d'être, dans cette même mesure, la pure Parole de Dieu. Mais que vaut cet argument, si la personnalité de l'écrivain sacré a été précisément modelée par Dieu de manière à donner aux paroles qui lui sont confiées les couleurs mêmes que Dieu a voulues? L'architecte ne choisit-il pas justement les couleurs du vitrail de manière à ce que la lumière qui passe au travers ait exactement les couleurs qui sont les siennes? Dieu n'a-t-il pas formé les prophètes et les apôtres de telle manière que la Parole qu'il a

destinée à son peuple ait exactement les particularités qu'elle a en fait? Le Dieu qui parle dans l'Ecriture Sainte est tout autant Dieu de la providence et de la grâce que Dieu de la révélation et de l'inspiration. Il ne s'est pas contenté d'inspirer prophètes et apôtres, mais les a aussi sélectionnés et préparés en vue de leur tâche. L'inspiration de l'Ecriture est un long processus incluant un certain nombre d'éléments qui relèvent à la fois de la providence, de la grâce et du miracle. Tout cela reste extrêmement mystérieux et échappe à toute description adéquate, mais il faut en tenir compte quand on tente d'expliquer le lien existant entre Dieu et l'Ecriture.

Qu'on essaie d'imaginer tout ce qui se situe à l'origine d'un livre historique comme les Chroniques ou les Actes des apôtres. Dieu fait tout d'abord l'histoire elle-même. Il est la cause première des différents éléments qui la constituent et en a organisé la séquence. Celle-ci a un aspect téléologique ou étiologique. Ensuite, il prépare l'homme destiné à raconter cette histoire. Cette préparation a lieu par la naissance, l'éducation, les expériences, les dons de la grâce. Il convient que cet homme ait un désir sincère de connaître cette histoire, de l'étudier,

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Inspiration de faire les recherches nécessaires, de comprendre l'action et le dessein de Dieu, et qu'il ait les aptitudes requises pour l'écrire de façon claire et convaincante. Quand enfin Dieu le met au travail, qu'il lui demande d'écrire cette histoire et qu'il l'inspire pour cela, lui révélant au besoin certaines choses, ce récit ne sera-t-il pas exactement ce que Dieu a voulu qu'il soit? De même, il sait préparer par la naissance, l'éducation, les dons naturels et surnaturels, les expériences vécues, la sensibilité et la maîtrise de la langue le poète qu'il a choisi pour donner à son peuple des psaumes qui soient sa Parole. On pourrait en dire autant de l'apôtre à qui il demande d'écrire des épîtres à l'Eglise et qu'il équipe en conséquence, lui accordant notamment l'intelligence, le savoir, la perspicacité, l'esprit logique, le don de la polémique et le pouvoir de conviction dont il a besoin pour être son porte-parole. La providence divine qui confère à l'homme choisi par le Seigneur les capacités et dons naturels, la grâce qui lui apporte les dons surnaturels, la révélation et l'acte particulier qu'est l'inspiration font que ce qu'il dit et écrit possède des qualités parfaites voulues par Dieu et constitue sa Parole. Ce n'est pas simplement la parole d'un homme

pieux illuminé et guidé par Dieu, mais la Parole même de Dieu.

" Dieu a inspiré les prophètes et les apôtres de façon à leur faire dire ce qu' ils devaient dire et de la manière dont ils devaient le faire, de sorte que l'Ecriture Sainte est Parole de Dieu dans tout ce qu'elle affirme."

Les écrivains sacrés ne savent et ne déclarent pas seulement que "tout ce qui a été écrit l'a été pour notre instruction, afin que par la patience et par la consolation que donnent les Ecritures nous possédions l'espérance" (Romains 15:4), mais con-fessent que par la providence de Dieu "ces choses sont arrivées pour nous servir d'exemple" (1 Corinthiens 10:6). La con-version de Paul et l'appel qui lui fut adressé ont été soudains et imprévus, apparemment sans antécédents. Mais l'apôtre n'en confesse pas moins : "Il plut à celui qui m'avait mis à part dès le sein de ma mère et qui m'a appelé par sa grâce, de révéler en moi son Fils, pour que je l'annonce parmi les païens" (Galates 1:15). Dans 2 Corinthiens 1:4-6, il dit sa conviction que s'il a été affligé et éprouvé par Dieu, c'était pour pouvoir d'autant mieux "consoler ceux qui se trouvent dans l'affliction".

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Inspiration L'apôtre Paul sait que Dieu le conduit dans la vie de façon à ce qu'il soit capable d'exercer un ministère fécond : "Dieu nous console dans toutes nos afflictions, afin que par la consolation dont nous sommes l'objet de la part de Dieu, nous puissions consoler ceux qui se trouvent dans quelque affliction. Car de même que les souffrances de Christ abondent en nous, de même notre consolation abonde par Christ. Si nous sommes affligés, c'est pour votre consolation et votre salut. Si nous sommes consolés, c'est pour votre consolation" (2 Corinthiens 1:4-6). L'inspiration plénière de l'Ecriture que nous professons n'est ni une dictée mécanique, ni quelque chose de fortuit, un produit du hasard, mais un acte que le Seigneur a préparé longtemps à l'avance et dans lequel il prend entièrement à son compte l'homme qu'il a choisi et formé pour cela.

Il a assumé par exemple l'impétuosité émotionnelle et oratoire d'un Paul, la simplicité et la tendresse d'un Jean, le génie pratique d'un Jacques, pour leur faire écrire dans leur style et dans leur langue habituels sa Parole. Beaucoup d'attaques contre une telle doctrine de l'inspiration proviennent d'une méconnaissance de ces faits et d'une mauvaise

présentation de ce profond mystère qu'elle demeurera toujours.

Quand les auteurs du Nouveau Testament se disent les porte-parole de Dieu, il est donc clair qu'ils ne conçoivent l'inspiration proprement dite que comme l'acte final d'un processus qui englobe un tas de choses qui sont du domaine de la providence, de la grâce et du miracle. C'est par elles que le contenu de l'Ecriture a été préparé pour être rédigé, que les apôtres ont été formés pour l'écrire et que la rédaction proprement dite est devenue réalité.

L'auteur humain a beau n'être qu'un instrument de ce que Dieu fait par lui, ce qu'il est en lui-même et par nature et par grâce joue un rôle très important dans l'effet produit. Il ne suffit certainement pas qu'un écrivain soit plein de talent, de lumière et de grâce pour qu'on puisse le dire inspiré. Il peut même en être dénué et n'offrir au Saint-Esprit qui s'empare de lui que sa pauvreté humaine et sa carence en charismes naturels ou autres. Mais même alors, ce qu'il écrit est Parole de Dieu, parce que Dieu l'a choisi pour la dire aux hommes. Si par contre il a le talent, et peut-être même le génie d'écrire, s'il est poète, orateur, narrateur, s'il est érudit et sage, l'inspiration divine

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Inspiration exalte ces dons et fait passer par eux le plus sublime de ce que Dieu veut nous dire. A cet égard, il peut ne pas y avoir égalité entre les auteurs de la Bible, mais mais certains nous paraissent supérieurs à d'autres. Cependant tout y est pareillement Parole de Dieu.

Très souvent l'écrivain qu'inspire Dieu écrit ce qui a été révélé à d'autres. Il fait alors fonction de simple narrateur. Luc, par exemple, ne semble pas avoir reçu lui-même révélation de ce qu'il raconte dans son évangile et dans les Actes, puisqu'il nous dit dans son prologue qu'il s'est informé soigneusement auprès de ceux qui ont vu et entendu. Mais puisqu'il est inspiré, c'est sous la motion du Saint-Esprit qu'il veut savoir, qu'il enquête, qu'il choisit et trie, qu'il rassemble et met en bon ordre, qu'il rédige finalement tout ce qu'il peut savoir d'événements divins et de paroles divines. Et c'est l'inspiration qui le fait juger de la vérité de ce qu'il a à rapporter.

Tenant compte de l'existence dans le canon de l'Ecriture de différents genres littéraires, on peut parler d'inspiration prophétique, lyrique, sapientiale, etc. Le prophète Esaïe à qui Dieu dévoile des mystères qui s'accompliront dans un avenir lointain, le narrateur inconnu des

livres des Rois ou des Chroniques qui relate l'histoire du peuple d'Israël, ou celui connu qui rapporte, non sans faire quelques recherches personnelles, les faits et gestes du Christ dont il a été le témoin ou qui lui ont été communiqués par des témoins, le législateur Moïse qui promulgue une loi et d'innombrables préceptes rituels, le poète qui, comme David, fait parler son coeur et loue le Seigneur, ont tous été inspirés par Dieu et ont tous dit sa Parole, quoique la contribution personnelle n'ait pas été la même pour chacun d'eux (connaissance, sensibilité, émotions, etc.) et que le Seigneur ne les ait pas inspirés de la même façon. Ils n'ont bénéficié de visions que s'il leur était demandé de parler de choses futures, de révélations que s'ils étaient chargés de retransmettre des choses qu'ils ne savaient pas eux-mêmes ou d'expliquer des mystères qui échappaient à leur propre entendement (1 Corinthiens 2:9-12).

Autre observation : Tout n'a pas la même importance dans l'Ecriture Sainte. Tout n'y traite pas du Christ, comme l'avait relevé Luther. L'auteur sacré relate des événements grands et petits et raconte bien des choses qui sont des détails secondaires par rapport au

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Inspiration contenu même de la révélation et à l'événement fondamental que sont l'incarnation et l'oeuvre rédemptrice du Christ. Mais toutes ces choses font partie de la réalité concrète dans laquelle Dieu est intervenu. Cela ne veut pas dire que le récit biblique cesse d'être inspiré quand il aborde ce qui peut paraître secondaire et bénin, mais que cela se situe à la périphérie du message fondamental de l'Ecriture. L'inspiration divine est une sorte de torrent qui entraîne avec lui bien des choses accessoires qu'il trouve sur son chemin, car il a plu à Dieu qu'il en soit ainsi.

L'inspiration de l'Écriture a souvent été comparée à l'incarnation du Christ. De même que Jésus est à la fois vrai Dieu et vrai homme, qu'il possède une nature divine et une nature humaine réelles et entières, de même, dit-on, l'Ecriture est à la fois Parole de Dieu et parole d'hommes, entièrement divine et entièrement humaine. La comparaison est intéressante et utile pour tenter de comprendre l'union du divin et de l'humain dans la Bible, mais elle devient dangereuse dès qu'on tente de la presser. Dans l'Écriture, en effet, le divin et l'humain ne sont pas tout à fait unis de la même façon qu'en Christ. Qu'on nous pardonne la formule barbare, mais

l'«inscripturation» de l'Esprit Saint n'est pas parallèle à l'incarnation du Fils de Dieu! Si en vertu de l'incarnation Jésus est à la fois Dieu et homme, dans l'inspiration de l'Écriture le divin et l'humain coopèrent pour produire un livre qui n'est pas divin et humain au même titre, mais le LIVRE DE DIEU écrit dans des langues humaines. En d'autres termes, Dieu et les écrivains sacrés ne sont pas des partenaires, mais ces derniers sont entièrement soumis au Seigneur.

Reste la question : Quel a été le rapport exact entre Dieu et les hommes qu'il a choisis pour écrire la Bible? Nous sommes là en plein mystère. Il convient d'emblée de rejeter toute définition de l'inspiration qui réduirait celle-ci à une sorte de dictée et ferait des prophètes et des apôtres de simples secrétaires, semblables aux dactylos qui écrivent sous la dictée de leurs patrons, ou à des bandes magnétiques enregistrant simplement la voix de Dieu, bref des robots. Une telle conception n'expliquerait pas la si grande diversité de styles dans la Bible, les différentes personnalités de ceux qui l'ont écrite et qui s'expriment si bien à travers leurs ouvrages.

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Inspiration Nous dirons volontiers que la Bible est verbalement inspirée, à condition que cette expression ne soit pas assimilée à une dictée. Certains théologiens conservateurs ont traditionnellement utilisé, dans leur présentation de la doctrine de l'inspiration, des verbes comme "suggérer" ou "dicter", ou encore comparé les auteurs de la Bible à des instruments de musique qui émettent un son sous l'action du souffle divin qu'est l'Esprit Saint, mais un son dont le timbre varie d'un auteur à l'autre. Il faut savoir que ces termes et ces images ne sont que des approximations qui ont les mérites et les faiblesses de toutes les illustrations. Ils traduisent des mécanismes proprement humains qui ne peuvent, en dernière analyse, rendre compte de ce qui s'est effectivement passé, lorsque Dieu a parlé par un prophète ou un apôtre, pour la bonne raison que cet acte dépasse notre intelligence et échappe obstinément à toute définition précise et rationnellement satisfaisante. D'où sans doute la sobriété avec laquelle la Bible s'exprime à ce sujet.

L'inspiration est l'activité mystérieuse du Saint-Esprit en vertu de laquelle toute parole de l'Écriture est réellement et authentiquement Parole de Dieu.

Dans sa condescendance, le Seigneur a assumé l'auteur sacré avec son caractère, son tempérament, son niveau intellectuel, sa phraséologie, son vocabulaire, ses particularités affectives et émotives, de telle façon que cet homme a écrit sa Parole. Le contrôle du prophète ou de l'apôtre par le Saint-Esprit fut complet, au point qu'il empêcha les facteurs humains de cet homme de conditionner de quelque façon que ce soit la pureté et l'intégrité de ce qu'il a écrit. L'Écriture est Parole de Dieu entièrement et partout, donnée par des hommes d'une façon qui n'a pas fait violence à leur nature humaine, mais permis à celle-ci de s'exprimer librement, de telle sorte, toutefois, que chacune de leurs affirmations est réellement Parole de Dieu, dite telle que Dieu voulait qu'elle le fût. Les écrivains sacrés n'ont pas travaillé de leur propre initiative, secondés et soutenus simplement par Dieu, mais sur l'initiative du Seigneur et portés par la puissance du Saint-Esprit. Le mot "inspiration", et nous insistons sur le "in", n'est pas biblique ni tout à fait satisfaisant pour décrire ce que Dieu a fait. La Bible en effet n'est pas un produit humain, dans lequel le Seigneur aurait par la suite insufflé son Esprit, l'élevant ainsi au rang de Parole de Dieu, mais la révélation

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Inspiration divine transmise par les hommes. Si donc nous utilisons le mot "inspiration", nous le faisons à la condition expresse qu'on n'impose pas à ce terme le sens qu'il peut avoir d'ordinaire quand les hommes parlent d'inspiration, mais qu'on lui donne le contenu et le sens qui se dégagent de l'Écriture elle-même (2 Pierre 1:21; 2 Timothée 3:16).

3) Inspiration et Parole inspirée :

La théologie luthérienne confessionnelle n'a jamais fait de la doctrine de l'inspiration l'article principal de la foi chrétienne. Elle n'en fait même pas un article fondamental dont l'ignorance entraînerait la perdition éternelle de l'homme. Elle distingue entre inspiration et Parole inspirée. Cela signifie qu'un homme peut être touché par le message de la Bible ou de l'un de ses livres, se repentir et se fonder avec une foi sincère sur les promesses qu'il y a découvertes, sans jamais avoir entendu parler de son inspiration. Ce n'est pas la foi en l'inspiration de la Bible qui sauve, mais la foi en son contenu inspiré.

Comment peut-on prouver que l'Ecriture est inspirée de Dieu? Il faut distinguer entre la preuve

objective et la preuve subjective. La preuve objective est le témoignage que la Bible se rend à elle-même. Cette preuve n'est pas contraignante. On peut même, à voir les choses de plus près, accuser la théologie chrétienne de se mouvoir dans une pétition de principe, de vouloir prouver par la Bible que la Bible dit vrai. La preuve objective ne peut engendrer qu'une conviction ou foi humaine qui n'est pas à confondre avec la foi justifiante et salvifique.

Seule la preuve subjective, le témoignage intérieur du Saint-Esprit dont nous aurons encore à parler, peut faire naître dans le coeur la conviction ou foi divine, convaincre intimement que la Bible est Parole de Dieu et faire naître dans les coeurs la confiance en ses promesses. Cf. ci-dessous, le chapitre 4.

4) Résumé :

Nous résumerons ainsi ce que la Bible dit d'elle-même et de son inspiration :

1. L'inspiration est l'activité mystérieuse et extraordinaire du Saint-Esprit en vertu de laquelle

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Inspiration toute parole de l'Ecriture est réellement et authentiquement Parole de Dieu. Dans sa condescendance, le Seigneur a assumé l'auteur sacré avec son caractère, son tempérament, son niveau et ses connaissances intellectuels, sa phraséologie et son vocabulaire, sa personnalité et toutes ses émotions, de telle façon que cet homme a écrit la Parole de Dieu.

2. Cette action est mystérieuse, en ce qu'elle ne peut être identifiée à l'inspiration d'un artiste ou d'un homme de génie. Elle est aussi extraordinaire, différente de l'action ordinaire de l'Esprit Saint dans la conversion et la sanctification des croyants. Elle garantit l'infaillibilité ou inerrance de l'Ecriture, un don dont ne jouissaient pas les docteurs ordinaires de l'Eglise, tels que Luther et les autres Réformateurs.

3. Le contrôle de l'écrivain sacré par le Saint-Esprit fut complet, au point qu'il empêcha les facteurs humains de cet écrivain d'altérer en quoi que ce soit le message dont il était chargé. L'Ecriture Sainte est Parole de

Dieu, entièrement et partout, transmise par des hommes d'une façon qui ne fit pas violence à leur nature humaine, mais permit à celle-ci de s'exprimer librement, de manière cependant à ce que chacune de leurs paroles soit réellement Parole de Dieu. Ainsi est rejetée toute théorie de l'inspiration-dictée. L'inspiration de la Bible n'est en aucun cas assimilable à une dictée mécanique court-circuitant l'activité personnelle de l'écrivain sacré.

En disant cela, nous ne prétendons en rien expliquer le mystère de l'inspiration. Elle reste un mystère qui transcende l'intelligence humaine et toute tentative de formulation rationnellement satisfaisante, mais en atteste simplement les résultats. L'Ecriture n'est pas tantôt parole humaine et tantôt Parole de Dieu, selon le sujet traité, mais elle est toujours et partout à la fois parole d'hommes et Parole de Dieu, parole entièrement humaine et totalement divine. Il arrive que dans ce monde des livres soient signés par deux ou plusieurs auteurs. C'est qu'ils se sont réparti le travail: l'un a fait les recherches nécessaires et l'autre a rédigé l'ouvrage, ou bien chacun en a écrit une partie. Mais ce n'est pas ainsi

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Inspiration que les choses se sont passées pour la Bible, car elle est à la fois, sur chacune de ses pages, Parole de Dieu et l'oeuvre d'hommes. Cela montre qu'il est psychologiquement impossible d'expliquer ou même simplement de décrire le mystère de l'inspiration de l'Ecriture. Celui-ci échappe, en tant qu'oeuvre divine, à toute définition.

Le recours fréquent, de la part de nombreux théologiens dans l'histoire de l'Eglise, à des images telles que la flûte ou la lyre, légitime si on tient compte de ce qu'une image a toujours d'approximatif, ne doit se faire qu'avec la plus grande prudence. Il assimile en effet l'inspiration à un acte accompli alors que l'écrivain sacré était dans un état d'extase. Or extase et inspiration sont deux choses différentes. S'il est vrai que tel prophète était dans un état extatique au moment où Dieu se révélait à lui, ce n'était pas toujours le cas. L'auteur des Chroniques, les auteurs des évangiles et celui des Actes n'ont sans doute pas connu ce genre de situation. Dieu a aussi inspiré ceux qui ont procédé à des recherches et investigations personnelles avant de se mettre à écrire. Les images de la flûte et de la lyre ne rendent justice que d'un mode particulier d'inspiration, à l'exclusion des autres.

Une définition de l'inspiration qui prétend expliquer ce mystère psychologiquement a pour conséquence ou bien l'absorption du côté divin de l'Ecriture par son côté humain, ou bien au contraire l'absorption de son côté humain par son côté divin. Elle fait de l'inspiration ou bien une simple assistance par le Saint-Esprit ou bien une dictée mécanique. Dans le premier cas, elle constitue une conception arienne de l'Ecriture qui sous-estime son côté divin et ne lui permet pas d'être réellement Parole de Dieu. Dans le second, elle verse dans le docétisme qui écrase la dimension humaine de l'Ecriture sous le poids de sa dimension divine, qui réduit prophètes et apôtres au rôle d'agents passifs dont la volonté, la personnalité et les limites ont été ignorées ou court-circuitées par le Saint-Esprit. L'Eglise chrétienne doit se méfier de ces deux écueils.

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Inspiration 5) L'enseignement de Luther et des Confessions luthériennes :

a) Luther :

Martin Luther n'a pas écrit de Dogmatique. Il n'a donc pas procédé à un exposé systématique et détaillé de la doctrine de l'autorité et de l'inspiration de l'Ecriture Sainte. Cependant, il en parle bien des fois, et d'une façon qui montre à l'évidence qu'elle représente pour lui l'autorité suprême à laquelle doit se plier tout l'enseignement de l'Eglise chrétienne. Parole inspirée de Dieu, elle est pour lui l'unique source et norme de la doctrine et de la foi.

"Une seule parcelle de doctrine vaut plus que le ciel et la terre. C'est pourquoi, nous ne tolérons en rien qu'elle soit lésée" (W 2 IX, 650). "Si les Sacramentaires croyaient qu'ils ont affaire à la Parole de Dieu, ils ne joueraient pas avec elle, mais la tiendraient en honneur, lui feraient foi sans discuter ni douter, et sauraient qu'une parole de Dieu est tout et que toutes les paroles de Dieu sont un" (XIV, 491). "Le Saint-Esprit est l'écrivain et l'orateur le plus simple qui soit dans le ciel et sur la terre; aussi ses paroles ne peuvent-elles avoir plus d'un sens, et ce sens est-il simple. C'est ce que nous appelons le sens de la langue

scripturaire ou littéraire" (XVIII, 1307). "Si Moïse écrit que Dieu a créé le ciel et la terre et ce qui s'y trouve en six jours, tiens-toi à cela et crois qu'il s'agit de six jours, et ne cherche pas d'explication pour montrer comment six jours peuvent faire un jour. Et si tu ne peux pas comprendre comment cela a pu se faire en six jours, fais cet honneur au Saint-Esprit d'être plus instruit que toi" (III, 21). "La Parole de Dieu est Parole de Dieu. Il n'y a là rien à contester. Quiconque accuse Dieu de mentir en un seul point ou estime qu'il importe peu qu'il soit blasphémé ou accusé de mensonge, blasphème le Dieu tout entier... Il y a un Dieu unique qu'on ne peut pas partager ou louer sur un point et réprimander sur un autre" (XX, 775).

Il faut "considérer un trait de lettre ou une lettre comme plus grande que le monde entier, trembler devant elle et la redouter comme Dieu lui-même" (XX, 1040).

A propos de Galates 1: 9 : "Voilà un texte très clair et une cognée céleste : Paul se réunit lui-même, un ange du ciel, les docteurs sur terre et tous les maîtres possibles et imaginables en un tas et les soumet tous à l'Écriture Sainte. Cette reine doit régner, tous doivent lui obéir et se soumettre à elle. Ils ne sont

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Inspiration pas ses maîtres, juges ou arbitres, mais rien que des témoins, des élèves et des confesseurs, et quand il s'agirait du pape, de Luther, d'Augustin, de Paul ou d'un ange du ciel. Aucune autre doctrine ne doit être présentée et entendue dans l'Église que la pure Parole de Dieu, c'est-à-dire l'Écriture Sainte. S'il n'en est pas ainsi, que les docteurs et ceux qui les écoutent soient maudits avec leurs doctrine" (IX, 87).

"L'Ecriture n'a pas poussé sur terre" (VII, 2095). "L'Ecriture a été dite par le Saint-Esprit" (III, 1895). Elle est " le livre du Saint-Esprit" (IX, 1775), la "lettre de Dieu" adressée aux hommes (I, 1055). "Un prophète est un homme qui a reçu son intelligence de Dieu, sans intermédiaire, à qui le Saint-Esprit place la Parole dans la bouche" (III, 785). "Nous devons nous attacher au texte tout nu et simple que Dieu lui-même a prononcé" (XX, 1093). "L'Ecriture ne s'est encore jamais trompée" (XV, 1481). "L'Ecriture ne peut se tromper" (XIX, 1309). "Il est impossible que l'Ecriture se contredise, excepté que les hypocrites insensés et endurcis se l'imaginent" (IX, 356). "Non seulement les mots, mais aussi les

phrases dont se servent le Saint-Esprit et l'Ecriture sont divins" (XIV, 1960).

Pour Luther, le Saint-Esprit est même à l'origine de certaines incorrections de langage dans la Bible:

"Il ne faut pas en vouloir au Saint-Esprit qui parle par Paul, lorsqu'il faute contre la grammaire. Il est emporté par son zèle" (IX, 130). "Le Saint-Esprit n'est pas l'esclave des rigueurs de la grammaire" (IX, 190).

Nous pourrions encore citer de nombreux textes tirés du commentaire de Luther sur la Genèse, dans lesquels il attribue au Saint-Esprit lui-même la narration des détails tour à tour futiles et savoureux de la vie conjugale et familiale ou bien sociale des patriarches (II, 537. 618.1565; III, 461; II 157 ; IX, 1998 ; II, 1212 s.; I, 292).

Il faut donc ou bien ne pas connaître Luther, ou bien être de mauvaise foi pour lui attribuer une conception libérale de l'Ecriture et de son inspiration. Rares sont, assurément, les théologiens qui ont fait preuve d'autant de respect et de soumission à la Bible et à tout son enseignement que lui. Il est vrai qu'avec son franc-parler habituel il lui est arrivé de s'exprimer d'une

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Inspiration façon qui pourrait laisser penser le contraire. Il est un texte, en particulier, auquel la théologie libérale aime faire appel, pour attirer le Réformateur dans son camp. C'est celui dans lequel il s'exprime sur l'épître de Jacques, texte combien galvaudé! Le voici :

"Si on veut prêcher l'Evangile, il s'agit de n'annoncer rien de plus que la résurrection du Christ. Quiconque ne prêche pas cela, n'est pas un apôtre, car c'est là le centre de la foi, et les livres vraiment les plus nobles sont ceux qui traitent de cette vérité et l'enseignent, comme nous venons de le dire. C'est pourquoi on peut facilement se rendre compte que l'épître de Jacques n'est pas une vraie épître apostolique, car elle ne dit presque rien de cela" (IX, 969).

Ajoutons encore la citation suivante :

"L'Evangile de saint Jean et sa première épître, les épîtres de saint Paul, en particulier celles aux Romains, aux Galates et aux Ephésiens, et la première épître de Pierre sont les livres qui traitent du Christ et t'enseignent tout ce que tu dois savoir pour être sauvé, et quand tu ne verrais aucun autre livre et n'entendrais aucune autre doctrine. C'est pourquoi, l'épître de Jacques est une vraie épître de paille, comparée à

celles-là, car elle n'a pas de contenu évangélique" (XIV, 81).

Quand Luther s'exprime ainsi, il songe à la distinction faite par l'Eglise ancienne entre les "homologoumènes" et les"antilégomènes" que nous trouvons entre autres chez Eusèbe de Césarée ( 430). Les "homologoumènes" sont les livres du Nouveau Testament au sujet de l'apostolicité desquels il n'y a jamais eu de doutes dans l'Eglise ancienne, les "antilégomènes", par contre, ceux sur l'origine apostolique desquels il y eut au IVº siècle de l'ère chrétienne, dans une partie de la chrétienté, une contestation passagère. Il s'agit de Jacques, de 2 Pierre, de Jude et de la deuxième et troisième épîtres de Jean. Estimant qu'il y avait contradiction sur la justification entre Paul et Jacques, Luther a, du moins jusqu'en 1524, partagé ces doutes et n'a pas pu se convaincre que l'épître de Jacques était canonique, et donc inspirée.

C'était un point de vue personnel du Réformateur, et l'Eglise luthérienne ne l'a pas suivi en cela. S'appuyer sur ces textes de Luther pour lui attribuer une conception libérale de l'inspiration, est une entreprise tendancieuse et finalement malhonnête. C'est confondre, sciemment ou non, deux problèmes

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Inspiration entièrement différents, la canonicité et l'inspiration des livres de la Bible. Pour Luther, un ouvrage canonique, c'est-à-dire dont il est certain qu'il provient d'un apôtre (ou d'un évangéliste), est toujours inspiré, et entièrement inspiré, dans toute l'extension que le Réformateur donne à ce terme. Si, par contre, il n'est pas canonique, il n'est pas non plus inspiré. Il faut donc cesser d'en appeler au Réformateur pour affirmer qu'il existait dans sa pensée plusieurs degrés d'inspiration chez ceux qui ont écrit la Bible!

b) Les Confessions luthériennes :

La position de Luther sur l'autorité divine intangible de l'Ecriture Sainte fut sanctionnée par les Confessions luthériennes. Certes, elles n'exposent pas la doctrine de l'inspiration de la Bible, car elles n'avaient pas besoin de le faire. C'était là, à l'époque, un article de foi incontesté. Il n'y avait pas de controverse à ce sujet. Par contre, la façon dont les Confessions parlent de la Bible, l'autorité qu'elles lui attribuent montre clairement qu'elle était pour elles la Parole inspirée de Dieu, qui ne souffre aucune critique, dont le témoignage doit être accepté sans la moindre réticence :

Symbole de Nicée :

Dans cette confession de foi de l'Eglise ancienne (325/381), l'Eglise luthérienne confesse que le Saint-Esprit "a parlé par les prophètes".

Confession d'Augsbourg :

" Pour obéir en toute soumission à votre Majesté Impériale, nous remettons la confession de nos pasteurs et prédicateurs qui est celle de leur enseignement et de leur foi, telle qu'ils la prêchent, l'enseignent et l'observent, conformément à la Sainte Ecriture divine, dans nos pays, principautés, seigneuries, villes et territoires" ( Introduction, 8). "Si donc les évêques ont le pouvoir d'opprimer les Eglises et de tyranniser les consciences par d' innombrables ordonnances, pourquoi alors 1'Ecriture divine interdit-elle si souvent d'instituer et de suivre ces ordonnances humaines? Pourquoi les appelle-t-elle des doctrines de démons? Serait-ce donc en vain que le Saint-Esprit nous a adressé tant d'avertissements?" (Article 28,49). "Ainsi nous avons clairement montré comment les adversaires ont condamné certains articles, à l'encontre de l'enseignement officiel et manifeste de l'Ecriture et des claires paroles du Saint-Esprit" (Préface, 9) . "Pensent-ils que l'Ecriture n'a pas de

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Inspiration raisons pour répéter la même chose si souvent, et en paroles si claires? Estiment-ils que le Saint-Esprit ne réfléchit pas quand il compose sa Parole?" (Article 4, 107).

Formule de Concorde :

"Nous croyons, enseignons et confessons que les livres prophétiques et apostoliques de l'Ancien et du Nouveau Testament constituent la seule règle ou norme selon laquelle toutes les doctrines et tous les docteurs doivent être appréciés et jugés... Quant aux autres écrits, soit des Pères, soit des docteurs modernes, quel que soit leur nom, ils ne doivent jamais être mis au même rang que les Saintes Ecritures. Ils doivent tous être subordonnés à celles-ci et n'être cités qu'à titre de témoins attestant dans quelle mesure et en quel lieu la doctrine des Prophètes et des Apôtres a été conservée dans son intégrité après le siècle apostolique... Ainsi nous maintenons rigoureusement la différence qui sépare les écrits sacrés de l'Ancien et du Nouveau Testament d'avec les autres écrits. La Sainte Ecriture reste la seule règle et la seule norme ; elle seule a l'autorité de juger. Elle est comme la pierre de touche à laquelle il faut éprouver toutes les doctrines, pour reconnaître si elles sont bonnes ou mauvaises, vraies ou fausses" (Sommaire, 1,2,7). "Nous reconnaissons sans réserve

l'autorité des livres prophétiques et apostoliques de l'Ancien et du Nouveau Testament, sources pures et limpides d'Israël, et nous croyons que les Saintes Ecritures sont la règle unique et sûre d'après laquelle il faut examiner tous les dogmes, juger de toutes les doctrines et apprécier tous les docteurs" (S.D., Sommaire, Fondement, Règle et Norme de la doctrine, 3).

Dès la fin du XVIº et durant le XVIIº siècles, de nombreux théologiens luthériens ont dû défendre la foi en l'autorité absolue de l'Écriture Sainte fondée sur son inspiration. Cette doctrine commençait en effet à être contestée ici et là. On appelle ces théologiens les Dogmaticiens de l'orthodoxie luthérienne. Ils ont procédé, conformément à ce qu'on attend de théologiens de ce genre, à un exposé systématique et détaillé de la doctrine de l'inspiration. Voici les noms des plus connus d'entre eux : Jacob Heerbrand (1521-1600), Martin Chemnitz (1522-1586), Aegidius Hunnius (1550-1603), Léonard Hutter (1563-1616), Jean Gerhard (1582-1637), Nicolas Hunnius (1585-1643), le Strasbourgeois Jean Dannhauer (1603-1666), Abraham Calov (1612-1686), Jean Quenstedt (1617-1688), Jean W. Baier (1647-1695), David Hollaz (1648-1713).

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Inspiration La théologie libérale a beaucoup de reproches à faire à ces Dogmaticiens. Ils avaient leurs faiblesses, c'est un fait, et n'élevaient aucune prétention à la perfection. On peut leur reprocher de n'avoir pas suffisamment insisté sur le témoignage intérieur du Saint-Esprit qui seul peut convaincre le chrétien de l'origine divine de l'Ecriture Sainte, ou encore de n'avoir pas suffisamment mis en valeur la condescendance par laquelle Dieu, dans l'acte d'inspiration, a utilisé les auteurs bibliques avec tout ce qu'ils avaient de personnel et d'humain, y compris leurs faiblesses. On peut sans doute aussi leur reprocher d'avoir voulu aller trop loin dans l'explication et la définition de l'inspiration, ne soulignant pas assez qu'il s'agit d'un mystère qui n'est pas rationnellement explicable. Par contre, nous refusons de croire qu'ils avaient une conception de l'autorité et de l'inspiration de la Bible plus étroite que Luther et tous les fidèles docteurs de la chrétienté qui l'ont précédé. Ils ont repris, pour décrire l'inspiration, des termes et des illustrations que bien des Pères de l'Eglise avaient déjà utilisés avant eux ("suggérer", "dicter", "secrétaires", "cithare", "lyre", etc.). Peut-être auraient-ils dû être plus prudents dans le recours à ces termes et images,

sachant que l'inspiration de la Bible est un mystère qui échappe à toute définition. Il est préférable d'éviter toute terminologie assimilant les prophètes et les apôtres à de simples secrétaires à qui on dicte un texte, voire à des robots.

L'Église Luthérienne, dans la mesure où elle s'est conformée fidèlement à l'enseignement de l'Ecriture, ce qui, malheureusement n'a pas toujours été le cas et l'est actuellement de moins en moins, a toujours enseigné et confessé que la Bible était entièrement Parole de Dieu écrite par des hommes, en vertu d'une inspiration qui fait du Seigneur lui-même le véritable auteur de chacun de ses livres et de chacune de ses affirmations. Tout théologien luthérien qui ne partage pas cette conviction doit savoir qu'il a abandonné la voie de la Réformation luthérienne et tourné le dos au témoignage de l'Écriture Sainte.

6) Le rejet de la doctrine de l'inspiration :

Rares sont à l'heure actuelle les Églises luthériennes et protestantes en général qui confessent encore l'inspiration totale et plénière de l'Ecriture Sainte. Le protestantisme offre un triste spectacle au monde. On y trouve de tout ! La palette

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Inspiration théologique va du radicalisme le plus terrifiant et le plus grossier jusqu'au libéralisme le plus raffiné et le plus dangereux. On y vante le pluralisme qu'on érige en principe, c'est-à-dire la liberté octroyée à chaque théologien de professer ses convictions propres. Le tout est chapeauté par un oecuménisme prônant une unité dont le dénominateur commun se réduit souvent à sa plus simple expression, telle que l'affirmation que Jésus-Christ est Seigneur! N'ayant plus de solide nourriture biblique à offrir aux hommes, d'innombrables Églises cherchent un dernier refuge dans une bonne morale teintée de christianisme, ou bien dans l'action sociale et politique, allant jusqu'au soutien financier accordé aux mouvements révolutionnaires dans le tiers-monde! Et tout cela, parce que le protestantisme n'est plus fermement édifié sur le fondement des apôtres et des prophètes dont le Christ est la pierre angulaire.

L'Ecriture Sainte n'est plus reconnue comme Parole souveraine et infaillible de Dieu, mais considérée comme un recueil d'ouvrages religieux dans lesquels différents auteurs ou "écoles" donnent libre cours à l'expression de leurs convictions théologiques plus ou moins centrées sur Jésus-Christ. Il semble bien qu'une

malédiction pèse sur la chrétienté chaque fois qu'elle abandonne l'unique source et norme de doctrine que Dieu ait donnée aux hommes. Engagés sur cette voie, certains théologiens, par une inconséquence heureuse, réalisent qu'ils doivent rester attachés au moins à l'enseignement fondamental de la Bible et retenir les faits essentiels de l'histoire du salut. D'autres, n'ayant plus aucune inhibition, rejettent l'une après l'autre les affirmations doctrinales de l'Ecriture, allant au besoin jusqu'à professer une théologie de la mort de Dieu. Quand on a rejeté l'autorité divine de l'Ecriture dans tout ce qu'elle révèle, on n'a plus pour critère de sa petite théologie personnelle que sa conscience, son goût ou ses sentiments. On est prisonnier de son propre subjectivisme, ou bien d'une certaine tradition ecclésiastique qu'on tente de préserver avec plus ou moins de chance ou de conviction.

Nous allons proposer à nos lecteurs quelques échantillons de la façon dont la théologie moderne envisage l'inspiration ou la non-inspiration de l'Ecriture Sainte. Les rationalistes du XVIIIº et du XIXº siècles affirmaient le règne de la raison et niaient tout bonnement la réalité d'une intervention de Dieu

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Inspiration dans l'histoire de ce monde. Pour eux, il était clair que Dieu ne se révèle pas aux hommes, en tout cas pas par l'intermédiaire d'un livre. Ils voyaient donc dans la Bible l'expression uniquement humaine des convictions religieuses de certains hommes.

De nombreux théologiens du XIXº siècle réagirent contre le rationalisme, affirmant la possibilité et la réalité d'une révélation divine. Cependant la très grande majorité d'entre eux rejetèrent la doctrine de l'inspiration que nous avons exposée. C. Luthardt par exemple, affirmait que cette doctrine n'était pas puisée dans la Bible, mais qu'elle constituait une simple construction de l'esprit 22. Theodor Kaftan en fait un théologoumène, c'est-à-dire une simple théorie de théologiens 23, précisant qu'elle est maintenant définitivement surmontée. Horst Stephan estime que, malgré tous les efforts faits pour l'expliquer de façon évangélique, "nous ferions mieux de renoncer entièrement au concept d'inspiration" 24. Karl Kahnis écrit : "L'impossibilité de soutenir la doctrine de l'inspiration de l'ancienne orthodoxie sautera aux yeux de quiconque se donne la peine de s'en faire une image précise et détaillée" 25.

De très nombreux théologiens, suivant en cela l'un de leurs chefs de file, R. Bultmann, soutiennent que l'Ecriture contient d'innombrables récits mythologiques ou légendaires, mais essaient de sauvegarder la Bible en déclarant que, bien que ces récits soient librement composés par leurs auteurs et ne correspondent pas à la réalité historique, ils expriment cependant des vérités religieuses qui doivent alimenter notre foi. Même le luthérien P. Althaus écrit, par exemple : "Le récit de Noël est, certes, de la poésie, mais pas un conte, composé par la fantaisie de la nostalgie de la rédemption. Avec ses traits miraculeux, il exprime de façon imagée ce qu'il y a d'insondable dans la naissance de Jésus... Les paroles de Jésus sur la croix, y compris dans la mesure où elles ne sont pas historiques, expriment de façon valide le pourquoi et la signification de sa mort. C'est dans ce sens qu'elles sont essentiellement vraies... C'est dans ce sens qu'est aussi essentiellement authentique la scène du larron, bien qu'elle soit en fait une peinture légendaire ultérieure... Il nous faut encore dire un mot particulier à propos de l'évangile de Jean. Il ne faut pas le lire en se demandant s'il est historiquement fidèle. Jésus n'a pas parlé de lui-même dans les termes

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Inspiration de cet évangile. Les paroles qu'il prononce à son sujet dans l'évangile de Jean, bien que dans leur ensemble elles ne soient pas historiques, sont cependant vraies dans le sens essentiel du mot : elles expriment une connaissance de l'être et de la signification salvifique de Jésus qui est inhérente à la foi pascale en son nom, cette foi qu'il suscite lui-même" 26.

La théologie dialectique, appelée encore néo-orthodoxe, dont Karl Barth fut le champion, a découvert une façon nouvelle, combien dangereuse, parce que raffinée et apparemment si évangélique, d'affirmer l'autorité de l'Écriture. Pour K. Barth, la Bible n'est pas la Parole de Dieu, mais le devient par une intervention divine, quand son message est annoncé : "La Bible est la Parole de Dieu, dans la mesure où il parle par elle" 27. "Que Dieu daigne s'ouvrir lui-même totalement à nous, voilà ce qu'entend affirmer l'inspiration divine de la parole prophétique et apostolique" 28. Ceci n'empêche pas la Bible de contenir de nombreuses erreurs. Son infaillibilité ne s'étend pas à ses affirmations qui sont souvent erronées, mais à son message central : "Les prophètes et les apôtres même comme tels, dans leur parole orale et écrite, étaient capables d'erreurs ; ils étaient en

fait des hommes faillibles comme nous tous" 29. "Si Dieu n'a pas eu honte de parler par l'Écriture avec ses mots humains faillibles, ses bévues historiques et scientifiques, ses contradictions théologiques, l'incertitude de sa transmission et, par-dessus tout, son caractère juif, mais au contraire, s'il l'a acceptée dans toute sa faillibilité pour qu'elle le serve, nous ne devrions pas avoir honte d'elle, lorsqu'avec toute sa faillibilité elle désire à nouveau nous rendre témoignage. Ce serait désobéir et chercher sa propre volonté que de désirer découvrir dans la Bible des éléments infaillibles" 30. Les prophètes et les apôtres "étaient des hommes faillibles et sujets à l'erreur tout comme nous, des enfants de leur temps, comme nous sommes des enfants du nôtre ; leur horizon intellectuel était aussi limité que le nôtre. On peut, si on y tient, refaire toujours à nouveau la constatation que leurs conceptions scientifiques, l'image qu'ils se faisaient du monde, et dans une large mesure leur morale elle-même ne peuvent pas être normatives pour nous. Ils ont rapporté des traditions et des légendes et ont utilisé très librement toutes sortes de thèmes mythiques. Ils se sont contredits sur plus d'un point, et même sur des affirmations importantes. A quelques exceptions près, ils ne

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Inspiration furent pas des théologiens remarquables" 31. Quelle modestie de la part K. Barth! On croit voir un professeur de théologie distribuant quelques mauvaises notes aux prophètes et aux apôtres, concédant quand même que parmi ses élèves il a quelques bons éléments! Pour le théologien de Bâle, récemment décédé, l'autorité de la Bible est celle de son contenu, Jésus-Christ : "Ainsi, c'est en vertu de ce contenu que l'Écriture s'impose. Un texte qui a ce contenu-là, celui-là seul en vérité, par opposition à tous les autres textes, est l'Écriture Salinte... C'est le contenu de la Bible qui fait de ce livre le canon de l'Église" 32.

Emil Brunner écrit de même : "L'Écriture, nous la considérons comme une norme absolue, pour autant qu'elle nous met en possession de la révélation, Jésus-Christ lui-même" 33. En d'autres termes, quand la Bible ne nous parle pas de Jésus, comme par exemple dans les livres historiques de l'Ancien Testament, elle cesse d'être norme. Le même théologien écrit encore : "Alors que nous sommes absolument liés au moyen, à l'instrument de la révélation que représente le témoignage apostolique, nous ne sommes que relativement liés à l'autorité de ce témoignage. L'autorité absolue,

c'est Jésus-Christ en personne qui ne vient à nous que par l'enseignement historique et doctrinal des apôtres. Lui qui ne nous est accessible que par eux, il est au-dessus d'eux. Leur témoignage est valable, absolument décisif, pour autant qu'il l'atteste vraiment lui-même" 34. Frank Gueutal écrit de son côté : " En réalité, Dieu s'est fait connaître, il s'est révélé à l'homme, non pas au moyen d'un livre, mais par Jésus-Christ et dans la personne de Jésus-Christ, le Fils de Dieu fait homme... L'Ecriture n'est rien d'autre et rien de plus qu'un témoignage rendu au Fils de Dieu... Et c'est là essentiellement ce qui fonde son autorité. Elle cesserait d'avoir cette autorité, si on pouvait prouver qu'elle trahit la vérité incarnée en la personne du Christ. Et c'est pourquoi je ne craindrai pas d'aller jusqu'à dire que l'Écriture n'est pas une autorité en soi, mais qu'elle tient son autorité du Fils de Dieu auquel elle rend témoignage" 35.

Il y a quelque chose d'insidieux et de fondamentalement incorrect dans toutes ces affirmations qui prétendent lier l'autorité de la Bible à une personne, Jésus-Christ, et non à son contenu doctrinal. Le Dieu et le Christ en qui je suis appelé à croire ne sont présentés dans l'Écriture que dans des affirmations

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Inspiration qui sont spécifiquement doctrinales. Lorsque la Bible affirme que le Christ est Fils de Dieu devenu homme, elle fait de la doctrine. Lorsqu'elle déclare que le pécheur est justifié par la foi en lui, elle en fait encore. Il n'existe pour nous aucun accès au Christ et à son salut autre que par les formulations doctrinales de l'Écriture. Aussi est-ce un sophisme de soutenir que l'autorité de l'Écriture est celle du Christ. Bien sûr, Jésus est au centre de la Bible et le garant de son message. Mais l'autorité de l'Ecriture n'est celle du Christ que parce que c'est l'autorité de ses affirmations doctrinales concernant le Christ.

Qu'est le Christ de l'Ecriture et qu'est son autorité, si je le dégage des affirmations par lesquelles elle me le présente? Que vaut le Christ de la Bible, si ce que cette Bible me dit de lui n'est pas normatif et contraignant? Le Saint-Esprit, bien sûr, me convainc que ce que la Bible me dit du Christ est vrai. Mais il le fait précisément par les affirmations de la Bible, des affirmations qui s'imposent au coeur croyant comme étant d'origine divine, comme l'est tout ce qu'enseigne la Bible. Définir l'autorité de la Bible comme étant celle du Christ et non celle du livre qui nous le révèle, comme le fait la théologie moderne, constitue une

attitude foncièrement fausse et une entreprise vouée à l'échec. L'Écriture ne se laisse pas morceler, disait Luther, et il avait bien raison. On ne peut pas lui croire sur un point, fût-ce le Christ, et refuser son enseignement sur un autre. "Toute l'Ecriture est inspirée de Dieu", déclare saint Paul (2 Timothée 3:16), qu'elle parle ou non du Christ, qu'elle le fasse directement ou au travers du voile de la prophétie, qu'elle m'affirme d'une façon générale que Jésus accueille les pécheurs, ou qu'elle atteste cela de façon concrète par l'épisode du larron sur la croix. L'Ecriture est inspirée et dit vrai, dans le plein sens du sens, lorsqu'elle déclare que Jésus est vrai Dieu et lorsqu'elle affirme cela dans le récit de sa naissance virginale. L'Ecriture ne peut pas être Parole de Dieu, dans le sens qu'on a de tout temps donné à ce terme, si elle n'est pas entièrement, totalement inspirée. Affirmer le contraire, c'est jouer avec les mots et égarer les âmes!

Notes:

18 Cremer/Kögel, Biblisch-theologisches Wörterbuch der neutestamentlichen Gräzität, p.672.

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Inspiration 19 Adolph Hoenecke, Dogmatik, I, p. 345.

22 Kompendium, p. 332.

23 Moderne Théologie des alten Glaubens, p. 109.116.

24 Glaubenslehre, p. 52.

25 Dogmatik, 1, 666.

26 Die christliche Wahrheit, p. 127.

27 Kirchliche Dogmatik Ill, 112.

28 op. cit., 1/2, 573.

29 1/2, 563 s.

30 1/2, 590.

31 L'Église, 1964, p. 212.213.

32 La Doctrine de la Parole de Dieu, p.95.

33 Dogmatique, 1,70.

34 op. cit., p. 68.

35 Les Confessions de Foi, in Positions Luthériennes, Juillet 1961, p. 164 s.

CHAPITRE 5:

LES PROPRIÉTÉS DE l'ÉCRITURE SAINTE

L'Ecriture Sainte possède en vertu de son inspiration, du fait donc qu'elle est Parole de Dieu, un certain nombre de propriétés ou qualités. Leur définition n'est pas le simple fruit d'un raisonnement. La Bible elle-même les revendique et en rend témoignage.

1) Infaillibilité et inerrance :

Si toute l'Ecriture est Parole inspirée de Dieu, il s'ensuit qu'elle est infaillible, non seulement, comme le concèdent volontiers les théologiens libéraux, parce qu'elle parvient à son but, qu'elle est en mesure d'enseigner à l'homme le chemin du salut, mais aussi en ce sens que tout ce qu'elle affirme est vrai et que tout ce qu'elle promet se réalise. Elle ne contient pas d'erreurs et est de ce fait inerrante. On ne peut relever en elle aucune affirmation que l'on doive, pour des raisons contraignantes et sans appel, rejeter comme fausse. Cette inerrance s'applique à tout le contenu de la Bible.

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Inspiration "La parole de l'Eternel est droite et toutes ses oeuvres s'accomplissent avec fidélité" (Psaume 33:4). "Le témoignage de l'Eternel est véritable" (Psaume 19:8). "Ta parole est la vérité" (Jean 17:17). "Il fallait que s'accomplît ce que le Saint-Esprit a annoncé d'avance dans l'Ecriture" (Actes 1:16). "L'Ecriture ne peut être anéantie" (Jean 10:35).

Cette dernière affirmation du Christ concerne un mot isolé tiré de Psaume 82:6. Cf. du reste toute la façon dont le Christ et ses apôtres fondent leur enseignement sur l'Ecriture, en l'occurrence l'Ancien Testament (Matthieu 4:22.31; 5:17-19; Luc 16:17; Actes 24:14).

Si l'Ecriture n'est pas infaillible, si elle contient des erreurs, il faudrait que Dieu donne aux hommes une autre révélation, infaillible cette fois, qui puisse servir de règle et de norme pour discerner dans l'Ecriture le vrai du faux.

Quatre réflexions s'imposent :

1. L'Ecriture n'est pas une révélation complète de Dieu, du monde et du salut, mais une révélation fragmentaire, suffisante cependant pour que l'homme connaisse le chemin du salut. Nous ne voyons pas toujours comment

ces fragments constituent un tout harmonieux, car il nous manque des éléments. Certaines données qui permettraient de saisir cette harmonie ne nous sont pas révélées. Il y a donc souvent paradoxe pour notre esprit, mais paradoxe ne signifie pas contradiction.

2. Le coeur humain est par nature hostile à la vérité et enclin à l'erreur et à la contradiction, considérant le vrai comme faux et le faux comme vrai. Il est donc par nature tel qu'il trouve des erreurs dans la Bible.

3. Le coeur humain est orgueilleux et veut s'ériger en juge de l'Ecriture. Le chrétien cependant croit a priori en l'infaillibilité de la Bible et peut très souvent la vérifier a posteriori. Bien souvent on a pu constater que ce qu'on croyait être une erreur ou une contradiction ne l'était pas. Toutefois si une telle démonstration n'est pas possible, nous croyons qu'une solution existe, même si elle nous échappe pour l'instant.

4. La théologie confessionnelle sait parfaitement que l'Ecriture n'est pas un manuel de cosmologie, de géologie, d'ethnologie, de géographie ou d'histoire. Elle affirme malgré tout qu'en raison de son origine divine, parce qu'elle est inspirée par celui qui est le Maître

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Inspiration du monde et de son histoire, elle ne contient pas d'erreur proprement dite. Elle admet aussi volontiers que la condescendance divine implique souvent le recours à un parler expérimental et phénomé- nologique. Autrement dit, la Bible décrit souvent les choses telles que les hommes les voient et non telles qu'elles sont en réalité. L'affirmation que le soleil tourne autour de la terre ou que le grain de blé meurt en terre avant de porter du fruit n'est pas une vérité scientifique, mais correspond à une constatation expérimentale.

Confesser l'inerrance de l'Ecriture, c'est affirmer tout simplement que son autorité et sa sûreté s'étendent à toutes ses assertions, même quand il s'agit de questions de détail. L'emploi de l'adjectif "inerrant" est relativement récent et motivé par le fait que la théologie libérale avait fini par s'emparer de la notion d'infaillibilité pour lui donner un sens nouveau. Faire cependant de l'inerrance de l'Ecriture un dogme fondamentaliste moderne est contraire à la réalité historique. Non seulement les Réformateurs, mais les Pères de l'Eglise primitive ont tous confessé que la Bible ne contient pas d'erreur. Si de nos jours la théologie évangélique parle plus volontiers d'inerrance que d'infaillibilité, c'est parce que la

portée de ce dernier terme a été limitée par la théologie libérale. Celle-ci en effet est prête à attribuer l'infaillibilité à la Bible au sens étymologique du mot ("qui ne peut pas tomber", "qui réalise toujours son objectif"), mais sans confesser pour autant que la Bible ne contient pas d'erreur. Il a donc fallu, pour se distancer de cette théologie, recourir à un terme plus précis. Cela dit, il existe même dans la théologie confessionnelle une aile qui affiche une répugnance pour le concept d'inerrance et limite la "vérité" de la Bible à ses affirmations religieuses et doctrinales. Quant à la théologie catholique, comme nous aurons encore l'occasion de le voir, si elle utilise le terme "inerrance", elle le vide de son sens.

La Bible dit toujours la vérité et ne contient pas d'erreurs

Quelques précisions :

La notion d'inerrance doit être soigneusement délimitée, pour rendre justice à la Bible. Nous donnerons donc les précisions suivantes :

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Inspiration 1) L'inerrance est liée à la genèse du texte. Elle concerne donc les originaux des écrits de la Bible (autographes) et non les copies (apographes). Personne n'est tenu de croire que les copistes ont bénéficié d'un charisme surnaturel les préservant de toute erreur dans la retransmission du texte. Ils ont de fait commis des erreurs. Cependant, Dieu a veillé sur sa Parole qui est parvenue jusqu'à nous dans son intégrité substantielle. Aucune vérité d'ordre spirituel (doctrine et éthique) n'est affectée par les variantes textuelles.

2) L'inerrance ne concerne pas les "erreurs" grammaticales. L'erreur grammaticale en effet se réfère à un usage humain et est tout autre que l'erreur qui fausse l'affirmation et qui se réfère à un absolu divin, à l'exigence de vérité d'un Dieu qui ne peut mentir. Il vaudrait mieux renoncer ici à l'emploi du mot erreur. Le Français moyen utilise des tournures qui constituent, à parler strictement, des erreurs grammaticales, mais qui sont passées dans les moeurs et communément admises. Il en va de même des auteurs du Nouveau Testament 36.

3) L'inerrance s'applique au sens que l'auteur a voulu donner au texte et respecte donc les souplesses du

langage, en s'accommodant parfaitement de procédés d'expression courants à l'époque. Par exemple, les chiffres ronds ou autres approximations (comparer 1 Corinthiens 10:8 et Nombres 25:9 dans le texte massorétique aussi bien que dans les Septante), les divergences chronologiques (comparer Matthieu 21:12-17 et Marc 11:15-18 concernant la date de la purification du temple), les raccourcis schématiques, les figures de style telles que l'hyperbole et l'image, le recours, dans l'explication de certains noms propres, à une étymologie qui ne répond pas aux critères de l'étymologie scientifique moderne, les licences poétiques et autres particularités du genre littéraire choisi, le discours phénoménologique du genre "le soleil se lève et se couche", le grain de blé doit mourir en terre (Jean 12:24), les hyperboles, l'utilisation d'un vocabulaire qui n'a pas le sens scientifique précis qu'il a de nos jours (par exemple, le mot "espèce" dans le récit de la création).

4) L'inerrance concerne toutes les affirmations des auteurs sacrés, et pas seulement les propositions principales de leur enseignement. Les «obiter dicta», c'est-à-dire les «choses dites accessoirement, en passant» ne peuvent pas faire

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Inspiration d'entorse à la vérité, si toute la Bible est inspirée de Dieu (2 Timothée 3:16). Il n'est pas légitime de restreindre l'inerrance à un seul type d'affirmation (par exemple au seul contenu religieux de la Bible, ou à l'Evangile dans la Bible). Si l'Ecriture est Parole de Dieu, si Dieu parle en elle, elle doit être crue, quoi qu'elle affirme.

5) L'inerrance vaut pour les affirmations que l'auteur biblique propose comme vraies et non pour celles qu'il présente comme incertaines ou qu'il se contente de rapporter. Elle ne vaut pas non plus pour les opinions privées de l'auteur. Ce ne sont pas là des restrictions dogmatiques que nous faisons au concept d'inerrance, mais des délimitations qui vont de soi et qui veulent le préserver de tout malentendu. C'est pourquoi, on distingue parfois entre inerrance primaire et secondaire. C'est ainsi que les paroles du serpent dans le récit de la tentation (Genèse 3:1-3) contredisent Dieu et veulent séduire l'homme de manière à provoquer sa chute. Il lui promet notamment qu'il sera égal à Dieu, ce qui est un mensonge flagrant. Il est bien évident que ces paroles ne sont pas inerrantes, qu'elles ne constituent pas un oracle divin. Cependant, nous acceptons comme inerrant le récit qui nous en est fait,

ce qui signifie que l'auteur de Genèse 3, inspiré par Dieu, les reproduit fidèlement. Nous leur attribuons donc en l'occurrence une inerrance secondaire. Cela vaut aussi pour les interventions des amis de Job. Nous ne prétendons pas qu'elles leur aient été inspirées par le Seigneur et qu'elles soient pour cela inerrantes. Elles contiennent en effet des insinuations sournoises, des accusations non fondées et des mensonges. Cependant, le livre de Job les rapporte fidèlement. De même, le mensonge de l'Amalécite qui, pour gagner les faveurs de David, vint lui raconter qu'il avait tué Saül (2 Samuel 1), n'est pas parole de Dieu. Cependant, Dieu a voulu qu'il soit rapporté dans la Bible, et s'il n'est pas inerrant en lui-même, le récit qui nous en est fait l'est. Nous parlons là ausi d'inerrance secondaire.

Toutefois, nous confessons que les paroles du Christ dans les évangiles, à la différence de ce qu'ont pu dire les pharisiens et les scribes, et même Nicodème et la Samaritaine, sont non seulement rapportées de façon inerrante, mais inerrantes en elles-mêmes. Cela vaut aussi pour le sermon de Pentecôte de l'apôtre Pierre (Actes 2). Ne sont inerrantes dans la Bible d'une inerrance primaire que les

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Inspiration paroles prononcées par Dieu lui-même ou par des hommes dotés du charisme de l'inspiration. Qu'on ne vienne pas citer l'exemple de l'apôtre Pierre cherchant à détourner le Christ du chemin de la croix et qui se fit pour cela traiter de Satan (Matthieu 16:21-23). Il n'était, en disant cela, ni inspiré ni inerrant.

Question : S'il en est ainsi, que penser du discours d'Etienne (Actes 7) qui contient au moins une dizaine de difficultés historiques? 37 Est-il inerrant en lui-même, ce qui implique qu'Etienne a été inspiré par le Saint-Esprit au moment où il l'a prononcé (inerrance primaire), ou bien faut-il se contenter de dire que Luc, inspiré par le Saint-Esprit, l'a rapporté de façon inerrante, mais sans pour autant cautionner tout ce qu'Etienne a pu dire (inerrance secondaire)? Rex A. Koivisto, arguant que Luc approuve manifestement le discours d'Etienne et le considérant donc comme inspiré au moment où il fut prononcé, plaide pour l'inerrance primaire 38 .

Quelques objections à l'inerrance

On entend souvent dire que la doctrine de l'inerrance est un a priori, une conclusion tirée d'une certaine conception de l'inspiration.

On soutient qu'il faut procéder, non de façon déductive (déduire l'inerrance à partir d'une certaine doctrine), mais de façon inductive (vérifier si oui ou non la Bible contient des erreurs, pour parvenir ainsi à un certain constat et déterminer si de la sorte on peut lui attribuer l'inerrance ou l'infaillibilité).

A cela nous répondons que la doctrine de l'inerrance, comme toute autre doctrine, ne doit être ni déduite ni induite, mais tout simplement c'est-à-dire confessée parce qu'attestée par l'Ecriture. Les déclarations de Jésus, par exemple, sa façon d'affirmer l'inviolabilité d'un mot isolé de l'Ecriture (Jean 10:34-36), ont priorité sur toutes nos conclusions ou constatations quant à l'absence ou la présence d'erreurs dans la Bible.

L'inerrance, dit-on encore, est un attribut inutile de l'Ecriture, puisqu'elle est censée ne concerner que les originaux qui ont disparu à jamais. Nous répondons à cela que l'inerrance est un attribut de l'Ecriture qui nous intéresse pour lui-même, isolément. Nous la confessons, parce qu'elle fait partie de ce que la Bible nous dit d'elle-même et qu'elle est indissociable de son statut de Parole de Dieu. Si la Bible n'est pas inerrante, elle n'est

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Inspiration pas Parole de Dieu au sens où elle affirme l'être, en tout cas pas dans tout ce qu'elle dit. Une erreur dans l'original changerait le statut de la Bible, comme un péché en Jésus-Christ modifierait toute la christologie. Entre une copie imparfaite de la Parole de Dieu, dont le texte précis de tel ou tel verset ne peut plus être établi avec une certitude entière, et une parole humaine sur Dieu contenant des erreurs, il y a un abîme qualitatif.

Les apôtres, affirme-t-on, ont montré que l'inerrance ne les intéressait pas, qu'ils ne se souciaient pas de petites erreurs. En effet, ils déclarent l'Ecriture "inspirée de Dieu" (2 Timothée 3:16), alors que le texte de l'Ancien Testament qu'ils citent n'était pas inspiré, puisqu'il s'agissait généralement des Septante. Or la traduction des Septante non seulement n'est pas inspirée, mais contient des erreurs.

Soit ! Mais l'expression apostolique "inspirée de Dieu" s'applique aussi bien à l'original hébraïque (et à lui seul) que l'affirmation "la Bible est inspirée", lorsque nous la citons et la commentons en français. D'autre part, l'inerrance apostolique ne peut pas non plus être remise en question du fait que les apôtres citent parfois librement les textes

de l'Ancien Testament. Ils reproduisent généralement le texte des Septante, mais le modifient ou proposent une traduction personnelle, quand la version des Septante est incorrecte au point d'altérer gravement le sens du texte en question. Dans de rares cas, il y a citation libre ou paraphrase. Mais c'est là un procédé tout à fait légitime, une méthode très consciente de paraphrase exégétique qui n'affecte pas l'inerrance de la Bible.

La critique scientifique aurait montré, soutient-on, la présence de nombreuses erreurs dans la Bible. C'est l'objection décisive qui incite beaucoup de théologiens bibliques à abandonner le concept d'inerrance. Nous répondrons que dans la très grande majorité des exemples allégués, la preuve n'est pas faite qu'il y a erreur ou contradiction. Celle-ci n'existe souvent que dans l'esprit des critiques. Cf. par exemple le cas des soi-disant doublets, c'est-à-dire des récits parallèles, avec leurs variantes. Souvent aussi il y a une mauvaise compréhension de la Bible, et une exégèse plus rigoureuse permet de dissiper la prétendue erreur. Enfin, on a souvent opposé de fausses certitudes aux affirmations de l'Ecriture. Par exemple, la conviction que l'écriture était

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Inspiration inconnue à l'époque de Moïse. La science, en particulier l'archéologie, a rendu de notables services à la théologie biblique et anéanti un certain nombre de dogmes de la critique. Cf. l'évolution qu'a connue le grand expert en archéologie qu'était W.F. Albright.

Cela dit, il subsiste certaines difficultés en nombre bien limité, mais qui ne peuvent pas renverser le dogme biblique. Elles sont généralement dues à notre ignorance des faits, du milieu ou des langues bibliques. D'ailleurs, et il faut le dire à haute voix, nous ne sommes nullement tenus de résoudre toutes les difficultés pour confesser l'inerrance. Celle-ci est un article de foi : nous la confessons dans la foi, en nous fiant aux paroles de notre Maître, même si nous avons parfois les apparences contre nous, sachant combien notre savoir est limité.

Beaucoup de théologiens actuels, et souvent parmi les plus conservateurs, tentent de limiter l'inerrance de l'Ecriture Sainte à son contenu théologique, à son seul message doctrinal (parfois on précise : à l'Evangile), à l'exclusion par exemple de ses affirmations d'ordre historique. Pour dire les choses autrement : la vérité est selon la Bible autre chose que

l'exactitude historique et même que la facticité des événements relatés. En d'autres termes, on soutient qu'il n'est pas nécessaire qu'un événement relaté se soit effectivement produit pour que la leçon qu'il contient soit vraie. Même si Jonas n'a jamais existé, ou si les péripéties qu'on lui attribue n'ont pas de réalité historique, le livre en question contient un message et des leçons que nous devons prendre à coeur. Cet argument est dangereux, c'est pourquoi il mérite quelques réflexions.

Il est vrai, bien sûr, que la notion biblique de vérité est quelque chose de très profond qui dépasse le cadre habituel de ce concept, mais cela ne signifie pas encore que ce qu'on appelle couramment vérité n'en fasse pas partie. Quand la Bible parle de mystères divins, de l'essence et des pensées et desseins de Dieu, ceux-ci sont vrais en ce sens qu'ils correspondent effectivement à la réalité divine invisible. Or l'Ecriture montre Dieu à l'action dans l'histoire et donne des exemples historiques de comportements humains, tout cela pour avertir, mettre en garde, exhorter ou consoler. Comment peut-on dire que la vérité historique de ce qui est ainsi raconté n'importe pas? Comment peut-on prétendre,

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Inspiration sans le prouver, que la Bible a une autre conception de la vérité? L'apôtre Paul ne dit-il pas que le témoignage qu'il rend au Ressuscité est faux, si le Christ n'est pas ressuscité (1 Corinthiens 15:15)? Pierre atteste, de son côté, que la transfiguration a effectivement eu lieu, qu'il a personnellement vu le Christ transfiguré, qu'il en est le témoin oculaire (2 Pierre 1:16-18). Jean affirme la vérité historique, c'est-à-dire la facticité de ce qui n'est en fin de compte qu'un détail de la crucifixion, quand il écrit : "Celui qui l'a vu en a rendu témoignage, et son témoignage est vrai. Et il sait qu'il dit vrai, afin que vous croyiez aussi. Ces choses sont arrivées afin que l'Ecriture soit accomplie : Aucun de ses os ne sera brisé" (Jean 19:35.36).

Pour la Bible comme pour tout homme, une affirmation est vraie quand elle correspond à la réalité. Ce n'est pas là une conception aristotélicienne de la vérité, opposée à la conception hébraïque et que l'Orthodoxie protestante aurait importée dans l'herméneutique, comme on le prétend trop souvent, mais c'est une notion propre à l'esprit humain, universellement reconnue. R. Bultmann écrit dans le Dictionnaire Théologique du Nouveau Testament: "La langue de l'Ancien

Testament utilise le mot 'èmèth (environ 126 récurrences) dans le sens absolu de réalité, qui en tant que 'âmén doit être considérée comme sûre, valable, normative, et qui signifie donc vérité... Un 'îsch 'èmèth est un homme dont le comportement correspond à la norme de vérité, un homme véridique... La traduction "fidélité" ne s'impose nulle part... 'èmèth affirme fondamentalement la vérité réelle d'un événement ou d'une situation, comme la langue juridique le montre clairement" 39. "Alètheia, en français «vérité", désigne donc le fait réel... De même que dans la langue juridique l'alètheia est le fait qu'il s'agit de prouver par opposition aux différentes suppositions, le mot désigne chez les historiens la réalité historique par opposition au mythe" 40. Cremer affirme que ce n'est que dans un sens second que le mot 'èmèth désigne la fidélité. Une parole est dite 'èmèth, quand "elle a de la consistance, qu'elle est ferme, sûre, vraie. C'est le cas de récits qui s'avèrent conformes à la réalité, de promesses qui se matérialisent" 41.

Distinguer le contenu doctrinal de la Bible et ses affirmations historiques, en affirmant que l'un peut être vrai sans que les autres le soient, que son message est 'èmèth même s'il est véhiculé par des

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Inspiration affirmations qui ne sont pas historiquement exactes, c'est procéder à une dichotomie qui n'est pas légitime et ne rend pas justice au discours de l'Ecriture. C'est ignorer aussi que Dieu est le Dieu de l'histoire, un Dieu qui agit et qui se sert de ses actes pour appeler à la foi, éclairer, guider, corriger, consoler et sauver. Affirmer par exemple que Jonas n'a pas prêché la Parole de Dieu aux habitants de Ninive, c'est déclarer que des gens à qui la Parole de Dieu n'a pas été prêchée et qui ne se sont pas convertis se lèveront au dernier jour pour condamner la génération perverse qui rejeta l'Evangile du Christ, et que la reine de Saba fera de même, bien qu'il ne soit pas prouvé qu'elle vint des extrémités de la terre pour entendre la sagesse de Salomon (Mt 12:41.42)! Si les récits historiques de la Bible ne sont pas crédibles, les leçons qu'elle en tire pour les croyants ne le sont pas davantage. Par voie conséquence, l'histoire du salut et donc le salut lui-même n'est pas fiable.

2) L'autorité divine :

L'autorité divine de l'Ecriture Sainte provient bien sûr de son origine divine. Lorsqu'un père parle

à son enfant, sa parole est revêtue de son autorité de père. Quand un gouvernement promulgue une loi, celle-ci est ipso facto revêtue de l'autorité gouvernementale.

Cf. les chapitres L'Ecriture Sainte est la source et norme de la doctrine chrétienne et L'Ecriture Sainte est la Parole inspirée de Dieu.

La Parole écrite de Dieu subit le même sort que sa Parole incarnée, son Fils. Jésus était Fils de Dieu au plus profond de son abaissement. Parce que sa divinité était invisible, il fut l'objet de moqueries et d'insultes et accusé de blasphèmes. Il en va de même de la Parole de Dieu. Sa divinité est cachée aux yeux du monde. Elle n'est saisie que par la foi. Il faut être croyant pour se soumettre à elle et adorer ses mystères.

A la question : Comment un homme parvient-il à la conviction que la Bible est Parole de Dieu et revêtue d'autorité divine? il faut répondre en distinguant entre ce qu'on appelle en théologie lafides humana, c'est-à-dire une foi d'origine humaine, fondée sur des raisonnements humains, et la fides divina, la foi d'origine divine, produite par le Saint-Esprit. et en faisant appel au témoignage

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Inspiration intérieur du Saint-Esprit. C'est ce qu'on appelle encore

3) L'autopistie :

Cette propriété de la Bible affirme qu'elle est capable de faire naître dans le coeur de l'homme la foi en elle-même, c'est-à-dire la conviction intime que Dieu y parle. Elle n'a pas besoin qu'on démontre qu'elle est d'origine divine et qu'elle dit la vérité, mais s'impose comme telle à quiconque reçoit son enseignement avec foi. Le Saint-Esprit agit par elle et donne au croyant la certitude intime qu'elle est Parole de Dieu

"Après avoir entendu ce discours, ils eurent le coeur vivement touché, et ils dirent à Pierre et aux autres apôtres : Hommes frères, que ferons-nous?" (Actes 2:37). "Alors le geôlier, ayant demandé de la lumière, entra précipitamment et se jeta tout tremblant aux pieds de Paul et de Silas. Il les fit sortir et dit : Seigneurs, que faut-il que je fasse pour être sauvé?" (Actes 16:29.30). "Je n'ai point honte de l'Evangile ; c'est la puissance de Dieu pour le salut de quiconque croit, du Juif premièrement, puis du Grec" (Romains 1:16). "Ma parole et ma prédication ne reposaient pas sur les discours

persuasifs de la sagesse, mais sur une démonstration d'Esprit et de puissance, afin que votre foi soit fondée non sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu" (1 Corinthiens 2:4.5). "Ma parole n'est-elle pas comme un feu, dit l'Eternel, et comme un marteau qui brise le roc?" (Jérémie 23:29). "La parole de Dieu est vivante et efficace, plus tranchante qu'une épée quelconque à deux tranchants, pénétrante jusqu'à partager âme et esprit, jointures et moelles. Elle juge les sentiments et les pensées du coeur. Nulle créature n'est cachée devant lui, mais tout est nu et découvert aux yeux de celui à qui nous devons rendre compte» (Hébreux 4:12.13).

Cf. ci-dessous le chapitre Le témoignage intérieur du Saint-Esprit.

4) L'efficacité divine :

L'Ecriture n'est pas lettre morte, mais Parole puissante de Dieu, aussi bien dans la Loi que dans l'Evangile.

La Loi :

"C'est par la loi que vient la connaissance du péché" (Romains

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Inspiration 3:20). "La loi est-elle péché? Loin de là! Mais je n'ai connu le péché que par la loi. Car je n'aurais pas connu la convoitise si la loi n'eût dit: Tu ne convoiteras point. Et le péché, saisissant l'occasion, produisit en moi par le commandement toutes sortes de convoitises, car sans la loi le péché est mort. Pour moi, étant autrefois sans loi, je vivais. Mais quand le commandement vint, le péché reprit vie et moi je mourus. Ainsi, le commandement qui conduit à la vie se trouva pour moi conduire à la mort. Car le péché, saisissant l'occasion, me séduisit par le commandement et par lui me fit mourir. La loi donc est sainte, et le commandement est saint, juste et bon. Ce qui est bon a-t-il donc été pour moi une cause de mort? Loin, de là! Mais c'est le péché, afin qu'il se manifestât comme péché en me donnant la mort par ce qui est bon et que, par le commandement, il devînt condamnable au plus haut point" (Romains 7:7-13). .

L'Evangile :

"Je n'ai point honte de l'Evangile, c'est une puissance de Dieu pour le salut de quiconque croit, du Juif premièrement, puis du Grec, parce qu'en lui est révélée la justice de Dieu par la foi et pour la foi, selon qu'il est écrit: Le juste vivra par la foi" (Romains 1:16.17). "La foi vient de ce qu'on entend"

(Romains 10:17). "Dieu qui a dit: La lumière brillera du sein des ténèbres! a fait briller la lumière dans nos coeurs pour faire resplendir la connaissance de la gloire de Dieu sur la face de Christ" (2 Corinthiens 4:6). "En lui aussi, après avoir entendu la Parole de la vérité, l'Evangile de votre salut, en lui vous avez cru et vous avez été scellés du Saint-Esprit qui avait été promis" (Ephésiens 1:13). "Vous avez été régénérés, non par une semence corruptible, mais par une semence incorruptible, par la Parole vivante et permanente de Dieu" (1 Pierre 1:23).

Cf. encore Esaïe 55:10.11; 1 Corinthiens 1:18; 2:3-5; Hébreux 4:12.13; Jacques 1:18, et le cours de dogmatique sur la Parole de Dieu/moyen de grâce.

5) La perfection divine :

Le message de l'Ecriture est double. Par la Loi elle montre à l'homme sa corruption et son péché et lui demande de se repentir. Dans l'Evangile elle lui annonce le salut en Jésus-Christ, le convainc de la grâce et de l'amour de Dieu et lui promet le pardon et la vie éternelle par la foi en Christ.

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Inspiration La perfection est l'attribut en vertu duquel la Bible se suffit à elle-même pour atteindre ce double but Elle n'est pas une révélation intégrale et ne répond pas à toutes les questions théologiques et spirituelles que l'homme se pose. La connaissance qu'elle engendre est partielle (1 Corinthiens 13:12: "Je connais en partie"), mais elle est suffisante pour sauver l'homme. C'est en cela que consiste sa perfection.

"Dès ton enfance tu connais les saintes lettres qui peuvent te rendre sage à salut par la foi en Jésus-Christ. Toute l'Ecriture est inspirée de Dieu et utile pour enseigner, pour convaincre, pour corriger, pour instruire dans la justice, afin que l'homme de Dieu soit accompli et propre à toute bonne oeuvre" (2 Timothée 3:15-17). "Ils ont Moïse et les prophètes. Qu'ils les écoutent!" (Luc 16:29). "Vous sondez les Ecritures, parce que vous pensez avoir en elles la vie éternelle. Ce sont elles qui rendent témoignage de moi" (Jean 5:39).

Dieu ne se révèle donc pas à l'Eglise en dehors de l'Ecriture. Ni la tradition orale ni les révélations particulières ne peuvent être source et norme de doctrine chrétienne. Le chrétien n'a pas besoin d'autres sources. Celles-ci ou bien enseigneraient la même chose que la Bible, et dans ce cas elles seraient

inutiles, ou bien elles apporteraient un enseignement nouveau et différeraient donc de l'Ecriture.

Bien qu'elle révèle des vérités et des commandements divins, la Bible n'est ni un recueil de vérités religieuses ni un code moral, mais la révélation d'une histoire de salut, le balisage d'un chemin du salut pour le monde pécheur. Elle a été écrite pour cela. Il faut le souligner, sous peine de s'égarer dans un fondamentalisme malsain.

Cf. l'antithèse dans le chapitre L'Ecriture / Source et norme de la doctrine chrétienne.

6) La clarté :

Elle consiste en ce que l'Ecriture enseigne en termes clairs tout ce que l'homme doit savoir et croire pour être sauvé. Tout homme doué d'une intelligence normale, capable de lire ou d'écouter et de comprendre, peut par elle parvenir au salut.

"Ils ont Moïse et les prophètes. Qu'ils les écoutent!" (Luc 16:29). "Vous sondez les Ecritures, parce que

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Inspiration vous pensez avoir en elles la vie éternelle. Ce sont elles qui rendent témoignage de moi" (Jean 5:39). "Ils reçurent la Parole avec beaucoup d'empressement, et ils examinaient chaque jour les Ecritures, pour savoir si ce qu'on leur disait était exact" (Actes I7:11). "Nous tenons pour d'autant plus certaine la parole prophétique, à laquelle vous faites bien de prêter attention, comme à une lampe qui brille dans un lieu obscur" (2 Pierre 1:19). "Ta parole est une lampe à mes pieds, une lumière sur mon sentier" (Psaume 119:105). "Le témoignage de l'Eternel est véritable; il rend sage l'ignorant" (Psaume 19:8). "Depuis ton enfance tu connais les saintes lettres, qui peuvent te rendre sage à salut par la foi en Jésus-Christ" (2 Timothée 3:15). "Je vous écris, petits enfants... Je vous écris, pères... Je vous écris, jeunes gens... Je vous écris, petits enfants" (1 Jean 2:12-14). "Si vous demeurez dans ma Parole, vous êtes véritablement mes disciples. Vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous affranchira" (Jean 8:31.32). "Sanctifie-les par ta vérité, ta parole est la vérité" (Jean 17:17).

Cela dit, pour comprendre l'Ecriture, il faut comprendre son langage spirituel, saisir toute la portée de termes-clés comme foi, rédemption, justification,

sanctification, alliance, péché, Loi, Evangile, etc. Si nous avons souvent du mal à comprendre la Bible, c'est parce que notre intelligence et notre coeur sont par nature hostiles aux vérités révélées dans l'Ecriture. D'autre part, notre connaissance des langues anciennes est malgré tout imparfaite. Ensuite, il faut tenir compte du fait que le texte, en particulier celui de l'Ancien Testament, a pu se corrompre au cours de sa retransmission.

Il existe certes des textes difficiles, obscurs (2 Pierre 3:15.16), mais ils ne rendent pas la Bible obscure pour autant, comme quelques gouttes de vin ne transforment pas l'eau en vin. Tout ceci ne change rien au fait que le message central de la Bible, le chemin du salut, y est clairement enseigné. Les vérités que l'homme doit connaître sont toutes révélées dans des textes clairs, les sedes doctrinae, à la lumière desquels il faut interpréter les textes difficiles.

La dogmatique, à la suite de Martin Luther dans son Traité sur le Serf-Arbitre, distingue entre la clarté externe et la clarté interne de la Bible. C'est ainsi que le Réformateur écrit:

"Pour dire les choses brièvement, il

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Inspiration existe une double clarté de l'Ecriture comme il y a en elle une double obscurité. L'une, externe, réside dans le ministère de la Parole; l'autre, interne, dans la connaissance du coeur. Concernant la clarté interne, aucun homme ne comprend la moindre parcelle de l'Ecriture, s'il n'a pas l'Esprit de Dieu, car tous ont le coeur obscurci, si bien que même s'ils prennent la parole et savent exposer toute l'Ecriture Sainte, ils ne la saisissent et ne la comprennent pas vraiment. Ils ne croient pas non plus qu'il y ait un Dieu et qu'ils sont ses créatures, ni rien de tout ce qu'enseigne l'Ecriture, comme le dit le Psaume 14: "L'insensé dit en son coeur: Il n'y a point de Dieu". Le Saint-Esprit est nécessaire pour comprendre aussi bien l'Ecriture tout entière que l'une de ses parties. Par contre si tu parles de la clarté externe, Dieu n'a rien laissé dans l'obscurité ou le doute, mais la Parole a tout mis dans la lumière la plus claire et l'a fait connaître au monde entier" 42.

Cette distinction est correcte et s'impose pour rendre justice à l'Ecriture Sainte. La Bible jouit dans la plupart de ses textes de ce qu'on appelle la clarté extérieure. Tout homme peut en comprendre le sens grammatical. C'est ainsi que les paroles d'institution de la Cène sont très faciles à comprendre, même pour un enfant. Et même un païen peut comprendre le message

biblique de la justification. Cependant sa clarté intérieure échappe à l'homme aussi longtemps que le Saint-Esprit n'a pas fait son oeuvre dans son coeur, car lui seul comprend les choses qui sont de l'Esprit de Dieu (1 Corinthiens 2:9-11.14.15). C'est à lui de les révéler intérieurement à l'homme, pour qu'elles cessent d'être pour lui folie et scandale.

Si le Christ a institué le ministère de la prédication, ce n'est pas parce que la Bible serait trop difficile à lire pour le commun des mortels, mais parce qu'à cette époque-là, acheter une Bible n'était pas à la portée de tous et que par ailleurs tout le monde ne savait pas lire. La prédication de l'Evangile allait donc permettre à ce dernier de se répandre beaucoup plus rapidement que s'il n'existait que sous forme d'un livre. Et c'est encore vrai aujourd'hui dans bien des pays du monde. Enfin, la prédication de la Parole de Dieu par un homme qualifié a un rôle à la fois explicatif et parénétique. Un bon sermon fait pénétrer le message du texte biblique dans les coeurs, actualise l'Evangile, en dégage les applications qui s'imposent, ancre la foi des auditeurs dans son message et la fait grandir.

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Inspiration

Notes:

36 Cf. Blass/Debrunner, Grammatik des neutestamentlichen Griechisch, p. 1-9.

37 Comparer par exemple Actes 7:14 et Genèse 46:26. Cf. Gleason Archer, Encyclopedia of Bible Difficulties, 1982, p. 378 ss.

38 Rex A. Koivisto, Stephan's Speech : A Case Study in Rhetoric and Biblical Inerrancy, in Evangelicals and Inerrancy, editor Ronald Youngblood, 1984, p. 217 ss.

39 Th.W.N.T., sub alètheia, I, p. 233.234.

40 Th.W.N.T., op.cit., p. 239.

41 Cremer/Kögel, Wörterbuch der neutestamentlichen Gräzität, 6º édit., p. 110.

42 Martin Luther, W2 XVIII, p. 1683.1684; WA 18, 609.

CHAPITRE 6:

LE TÉMOIGNAGE INTÉRIEUR DU SAINT-

ESPRIT

Aucune argumentation provenant de l'extérieur ne

peut démontrer à un homme l'autorité divine de l'Ecriture. Il ne suffit pas pour cela d'évoquer l'harmonie de son message, l'accomplissement des prophéties, la très haute idée qu'elle se fait de Dieu, l'élévation de la morale qu'elle prescrit aux hommes, son grand âge, sa diffusion dans le monde, la confirmation apportée par les fouilles archéologiques, le martyre de ceux qui ont préféré mourir plutôt que renier le christianisme, la permanence du christianisme malgré les persécutions et les idéologies qui ont tenté de le supprimer, le témoignage rendu aux chrétiens par de nombreux incrédules, etc.

Même ce que l'Ecriture dit d'elle-même ne peut emporter la conviction d'un incroyant. Il n'acceptera aucune preuve scripturaire, puisqu'il demande précisément qu'on lui prouve d'abord que la Bible dit vrai, avant d'accepter son témoignage. Il ira éventuellement même jusqu'à

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Inspiration reprocher au christianisme d'opérer avec une pétition de principe, de vouloir prouver l'autorité de la Bible par la Bible elle-même. Le témoignage de la Bible, ce qu'elle dit d'elle-même, ne peut que confirmer un croyant dans la foi, la fortifier, mais n'est pas en mesure de la faire naître dans un coeur.

D'où vient la certitude chrétienne de l'origine et de l'autorité divines de la Bible? Il n'existe à cette question qu'une réponse: elle provient du témoignage que la Bible se rend à elle-même. La parole de l'Ecriture, en vertu du Saint-Esprit qui agit par elle et indépendamment de toute preuve humaine ou rationnelle, suscite dans le coeur du croyant l'approbation, la conviction qu'elle dit vrai, c'est-à-dire la foi. La foi en l'autorité de la Bible est foi créée par Dieu, foi d'origine divine ("fides divina") et non une foi ou une conviction que l'homme se donne ("fides humana"), parce qu'elle est l'oeuvre du Saint-Esprit. Quand celui-ci ouvre le coeur d'un homme au message de la Loi et de l'Evangile révélé dans la Bible et y suscite la foi, la Bible lui démontre d'elle-même qu'elle est Parole de Dieu. La parole divine de l'Ecriture agit à l'intérieur de l'homme comme un feu, un marteau ou une épée (Jérémie 23:29; Hébreux 4:12). Or,

quand on fait l'expérience d'un marteau, d'une épée ou du feu, on n'a plus besoin qu'on vous prouve que le marteau est un marteau, l'épée une épée et le feu un feu. La Bible s'impose au coeur croyant comme Parole de Dieu. Le Saint-Esprit se sert du message de la Bible pour convaincre l'homme qu'elle dit vrai. On appelle cela l'«autopistie»" de la Bible ou encore le témoignage intérieur du Saint-Esprit dont parlent les textes suivants :

"Ma parole et ma prédication ne reposaient pas sur les discours persuasifs de la sagesse humaine, mais sur une démonstration d'Esprit et de puissance, afin que votre foi soit fondée non sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu" (1 Corinthiens 2:4.5). "Si quelqu'un veut faire sa volonté 43, il connaîtra si ma doctrine est de Dieu ou si je parle de mon propre chef" (Jean 7:17). "Quand sera venu le Consolateur que je vous enverrai de la part du Père, l'Esprit de vérité qui vient du Père, il rendra témoignage de moi" (Jean 15:26). "Quand le Consolateur sera venu, l'Esprit de vérité, il vous conduira dans toute la vérité, car il ne parlera pas de lui-même, mais il dira tout ce qu'il aura entendu et il vous annoncera les choses à venir. Il me glorifiera, parce

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Inspiration qu'il prendra de ce qui est à moi et vous l'annoncera" (Jean 16:13.14). "Notre Evangile ne vous a pas été prêché en paroles seulement, mais avec puissance, avec l'Esprit Saint et une pleine persuasion" (1 Thessaloniciens 1:5). "Pour vous, l'onction que vous avez reçue de lui demeure en vous et vous n'avez pas besoin qu'on vous enseigne, mais son onction vous enseigne toutes choses. Comme elle est véritable et qu'elle n'est point un mensonge, demeurez en lui selon les enseignements qu'elle vous a donnés" (1 Jean 2:27). "L'Esprit lui-même rend témoignage à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. Or, si nous sommes enfants, nous sommes aussi héritiers, héritiers de Dieu et cohéritiers de Christ" (Romains 8:16.17). "Qui est celui qui a triomphé du monde, sinon celui qui croit que Jésus est le Fils de Dieu? C'est lui, Jésus-Christ, qui est venu avec de l'eau et du sang. Non avec l'eau seulement, mais avec l'eau et le sang. Et c'est l'Esprit qui rend témoignage, parce que l'Esprit est la vérité... Si nous recevons le témoignage des hommes, le témoignage de Dieu est plus grand, car le témoignage de Dieu consiste en ce qu'il a rendu témoignage à son Fils. Celui qui croit au Fils de Dieu a ce témoignage en lui-même. Celui qui ne croit pas Dieu, le fait menteur, puisqu'il ne croit pas au témoignage que Dieu a rendu à son Fils. Et voici ce

témoignage: c'est que Dieu nous a donné la vie éternelle, et que cette vie est dans son Fils" (1 Jean 5:5.6.8-11).

Jésus dit lui-même que même le témoignage d'un défunt ne peut susciter la repentance et la foi, mais qu'il faut pour cela les écrits de Moïse et des prophètes qui agissent par leur seul contenu, sans aucune preuve de l'extérieur, à telle enseigne que celui qui ne croit pas l'Ecriture, ne croira pas non plus s'il est témoin d'un miracle ou d'une vision (Luc 16:27-31). Les preuves externes peuvent contraindre un homme à se rendre à l'évidence, mais cette contrainte ne fait naître ni la repentance ni la foi. Et ce qui est vrai des prophètes, l'est aussi des apôtres. On constatera que ces derniers ne tentent jamais de démontrer la véracité de leur enseignement. Cette démonstration est fournie par l'enseignement lui-même, qu'il soit oral ou écrit. Quiconque est intimement convaincu de sa corruption et ressent dans sa conscience les accusations de la Loi, reconnaît par là l'origine divine d e cette Loi. Et quiconque a expérimenté la puissance salvifique de l'Evangile sait par là-même que cet Evangile vient de Dieu et qu'il peut se fier à ses promesses. L'Ecriture a ce pouvoir en elle-même de s'imposer comme révélation divine. On

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Inspiration appelle cela son autopistie qui lui vient de l'action que le Saint-Esprit exerce par elle. Cf. le chapitre sur les propriétés de l'Ecriture Sainte.

H. Echternach écrit à ce sujet: "Cette nouvelle prise de conscience de la notion d'autopistie aide à bien comprendre l'ancienne doctrine de l'inspiration, en l'acquittant d'un reproche qu'on lui fait depuis les premiers jours du rationalisme et que la critique n'a jamais cessé de formuler: celui d'utiliser le dogme de l'inspiration comme argument pour démontrer l'autorité, l'infaillibilité et l'origine divine de l'Ecriture" 44.

Toutes les affirmations de l'Ecriture ne démontrent pas d'un seul coup sa vérité, sa puissance et son autorité. Le témoignage intérieur du Saint-Esprit concerne la Loi (Jésus déclare dans Jean 16:8-11 que le Saint-Esprit nous convainc à propos du péché), mais aussi et surtout l'Evangile dans l'Ecriture, c'est-à-dire la bonne nouvelle qui procure au pécheur contrit la certitude de son salut. Mais du fait que la Bible tout entière se présente comme Parole de Dieu, le pécheur gagné par l'Evangile qui y est révélé ne songera pas à douter de l'origine et de l'autorité divines de ses autres

textes. "L'Ecriture ne se laisse pas morceler", disait Luther.

Chr. Luthardt 45, Richard Grützmacher 46 et d'autres encore ont essayé de limiter le témoignage intérieur du Saint-Esprit au contenu de la Bible, aux vérités qu'elle enseigne, à l'exclusion des termes dans lesquels elles sont articulées. Cette thèse se détruit d'elle-même ; elle contient en effet une contradiction en soi. On ne peut pas séparer le contenu de l'Ecriture des paroles par lesquelles il s'exprime. Nous ne pouvons accéder au contenu qu'au travers des mots qui le véhiculent. Une pensée nous est inconnue aussi longtemps qu'elle ne trouve pas son expression dans le langage. Elle n'a de signification pour nous que par les mots dans lesquels elle s'exprime. Le témoignage intérieur du Saint-Esprit concerne donc à la fois le contenu de la Parole de Dieu et les mots qui articulent ce contenu.

Celui qui, d'un coeur brisé, confesse ses péchés à Dieu et le supplie de l'épargner montre par là que la Loi divine a eu raison de lui, qu'elle s'est imposée à lui avec toutes ses exigences, qu'elle a brisé sa résistance naturelle. Il accepte son verdict. S'il a de plus entendu l'Evangile, si par la foi il s'approprie

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Inspiration les promesses de grâce, de pardon et de salut qui lui sont faites en Christ, il montre que cet Evangile a su gagner son coeur, qu'il a agi en puissance de Dieu pour son salut. La doctrine du témoignage intérieur du Saint-Esprit et son impact sur la doctrine de l'Ecriture Sainte permettent de définir le rapport entre le principe formel et le principe matériel de la Réforme, c'est-à-dire entre la foi en l'autorité de la Bible et son contenu. Ce rapport s'articule ainsi : L'Ecriture est reconnue comme Parole de Dieu par l'activité de la Loi et de l'Evangile. Quant à la Loi et à l'Evangile, ils sont reconnus par l'activité de la Parole scripturaire. En d'autres termes : un coeur en qui la Loi a suscité la repentance et l'Evangile la foi, place sa confiance en la Parole divine de l'Ecriture, tandis que la repentance et la foi sont créées par le Saint-Esprit au moyen de la Loi et de l'Evangile attestés par la Parole de l'Ecriture.

Nous tirons de cela l'application suivante : La Parole divine de l'Ecriture ne peut être correctement prêchée que par une annonce intégrale et une distinction correcte de la Loi et de l'Evangile. Inversement, une annonce intégrale et une distinction correcte de la Loi et de l'Evangile ne peuvent émaner que de la conviction que l'Ecriture

est Parole de Dieu inerrante. Loi et Evangile convainquent de l'origine divine de l'Ecriture Sainte, et inversement l'acceptation de l'autorité souveraine de l'Ecriture Sainte autorise une prédication correcte de la Loi et de l'Evangile.

Notes:

43 N.B.: à savoir la volonté du Père, dont Jésus dit dans Jean 6:40 qu'elle consiste à croire en son Fils et à avoir ainsi la vie éternelle.

44 H. Echternach, Die Lehre von der Autopistie der Heiligen Schrift, in E.L.K.Z., Nº6, p. 87.

45 Christian Luthardt, Kompendium der Dogmatik1, p. 349 s.

46 Richard Grützmacher, Studien zur systematischen Theologie, III, p. 102.

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Inspiration

CHAPITRE 7:

LES REGLES D'INTERPRÉTATION DE LA

BIBLE

Introduction :

Comme pour toute oeuvre littéraire produite par les hommes, il existe un certain nombre de règles qu'il faut à tout prix respecter pour bien interpréter la Bible. Dieu a voulu se révéler aux hommes pour se faire connaître à eux. Il a donc fallu qu'il leur parle dans les langues qu'ils connaissaient. Comme il s'était choisi un peuple, Israël, pour donner un Sauveur au monde, il lui a donné sa Parole dans la langue des juifs. C'était, à l'époque de Moïse, l'hébreu. Plus tard, quand ils furent emmenés en captivité à Babylone, ils apprirent l'araméen, la langue des Babyloniens. Plus tard encore, quand l'empereur grec Alexandre le Grand conquit la Palestine et tous les pays aux alentours, les juifs s'habituèrent progressivement à parler le grec. Voilà pourquoi la Bible a été écrite en hébreu pour l'Ancien Testament (avec quelques chapitres en araméen), et en grec pour le Nouveau Testament.

C'était à l'époque des prophètes, puis de Jésus-Christ et des apôtres. En ce temps-là, on ne savait pas encore imprimer des livres. Il fallait donc les recopier chaque fois qu'on en voulait un exemplaire. Pendant de nombreux siècles, la Bible tout entière ou des livres de la Bible furent soigneusement recopiés. On appelait cela des manuscrits. Quelques-uns d'entre eux ne sont que des fragments d'un livre ou d'un chapitre de la Bible. Tout au début, on prenait du papyrus, une variété de grand roseau dont on déroulait la tige. Cela permettait d'obtenir des feuilles qu'on traitait spécialement et sur lesquelles on écrivait le texte. Par la suite, on utilisa des peaux de bêtes, de chèvres ou de veaux, qu'on traitait aussi de façon spéciale pour qu'elles soient bien souples. On appelait cela des parchemins. C'est seulement beaucoup plus tard, au XVº siècle, qu'on invita en Europe l'imprimerie, ce qui permettait de reproduire rapidement un texte en autant d'exemplaires qu'on en voulait. On a retrouvé au fil du temps des milliers de manuscrits de la Bible qui sont parfois âgés de plus de 1.500 ans. Pour pouvoir imprimer le texte de l'Ecriture, il fallut les lire soigneusement et les comparer entre eux. Cela permit d'éliminer des erreurs, des fautes de copie qui s'étaient introduites çà et là à force

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Inspiration de recopier le texte. L'étude de tous ces manuscrits est un travail de spécialiste qu'on appelle la critique textuelle. Une fois qu'on a bien établi le texte, il s'agit de le traduire, et finalement de l'imprimer.

Le spécialiste de l'interprétation de la Bible l'étudie dans les langues anciennes dans lesquelles elle a été écrite. Ceux qui ne maîtrisent pas ces langues l'étudient dans les langues modernes dans lesquelles elle a été traduite. A l'heure actuelle, la Bible a été traduite dans toutes les grandes langues de ce monde. On appelle grandes langues celles qui sont parlées par beaucoup de gens à la fois. Pour beaucoup de langues parlées seulement par des tribus isolées qui ne sont pas numériquement très importantes, il se peut qu'on ait seulement traduit à l'heure actuelle une partie de la Bible comme le Nouveau Testament et les Psaumes, ou bien seulement un évangile.

Il existe même dans certaines langues parlées par beaucoup de monde comme le français ou l'anglais plusieurs traductions de la Bible. En français, par exemple, il existe la Bible de Jérusalem qui a été publiée et qui est utilisée par l'Eglise catholique. Les protestants utilisent la Bible de Louis Segond,

qui a été révisée plusieurs fois pour l'adapter à la langue qui évolue. Ou bien la Bible "A la Colombe", ou encore la Bible en Français Courant, ou la Bible du Semeur. Il existe même ce qu'on appelle la Bible en Français Fondamental : il s'agit d'un français très simple que comprennent même ceux qui parlent très mal cette langue. Il y a aussi ce qu'on appelle la T.O.B. (Traduction Oecuménique de la Bible), ainsi appelée parce qu'il s'agit d'une traduction faite à la fois par des théologiens catholiques et des théologiens protestants.

Pour simplifier, disons qu'on peut répartir les traductions de la Bible en deux catégories. Il y a tout d'abord les traductions classiques. Elles ont le mérite d'être généralement très proches du texte original et fidèles dans la traduction des nuances les plus fines. Leur défaut, si on peut s'exprimer ainsi, c'est qu'elles utilisent parfois des mots un peu compliqués que tout le monde ne connaît pas et qu'il faut alors expliquer aux gens, comme par exemple les mots "repentance", "chair", "grâce", "justification", "sanctification", "rémission" ou "rédemption". C'est le cas de la Bible de Segond. Et puis il y a les Bibles traduites dans une langue beaucoup plus simple, qui évitent systématiquement les mots

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Inspiration difficiles. Alors, au lieu d'employer les termes de repentance, chair, grâce ou rédemption, elles utilisent d'autres mots mais qui ne sont pas toujours aussi précis ou qui ont parfois même un sens un peu différent. Le résultat est que ces traductions faciles à comprendre manquent souvent de précision. Dans quelques cas précis, on peut même leur reprocher de ne pas bien reproduire le sens du texte. Voilà pourquoi il est bon, quand on prépare un sermon ou une étude biblique et qu'on en a la possibilité, de lire et d'étudier le texte dans plusieurs traductions.

Voilà ce qu'il fallait dire en guise d'introduction concernant le texte de la Bible. Voici maintenant une présentation des principales règles d'interprétation de l'Ecriture Sainte.

I. La Bible doit être interprétée en recourant à toutes les connaissances qui permettent de bien la comprendre :

Dieu est, comme nous avons eu l'occasion de l'étudier dans le détail, l'auteur suprême de la Bible. Pour se révéler aux hommes, il s'est servi d'auteurs humains qui ont vécu et écrit à des époques et en des lieux différents, comme hommes de leur

temps. Aussi les livres de l'Ecriture Sainte doivent-ils être lus comme des documents littéraires dans les cadres historique, géographique, culturel dans lequel ils ont vu le jour. Il existe des connaissances qui sont non seulement utiles, mais même indispensables pour bien comprendre l'Ecriture Sainte et discerner le sens que le Seigneur a voulu donner à ses textes. Tenir compte du contexte dans lequel ses livres furent écrits n'est pas seulement souhaitable, mais indispensable, une nécessité incontournable. L'interprétation de la Bible se fait donc en recourant à un certain nombre de sciences ou disciplines profanes. En voici les plus importantes :

1) La géographie :

Quand on connaît un peu la géographie de cette partie du monde, on comprend mieux les textes qui racontent la sortie de l'Egypte, la traversée du désert et l'entrée dans la terre promise. On comprend mieux aussi ce que représentait pour le peuple d'Israël l'exil à Babylone. La connaissance de la géographie de

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Inspiration la Palestine, avec son climat, ses montagnes, ses plaines et son désert, son fleuve, ses rivières et ses lacs, est importante pour bien comprendre beaucoup de ses textes et le style de vie des habitants (nomadisme, élevage, agriculture, pêche). On comprend alors pourquoi l'eau y joue un rôle si important, et pourquoi il y est si souvent question de la vigne et des oliviers. On saisit mieux ce que pouvait représenter une invasion de sauterelles. On comprend mieux aussi les grands problèmes d'approvisionnement en eau et en aliments que connaissait Jérusalem, surtout à l'époque des grandes fêtes où de nombreux pèlerins venaient d'un peu partout. La géographie est donc une discipline qu'il ne faut pas négliger.

2) L'histoire :

Pour bien comprendre l'histoire du peuple d'Israël, il est important de connaître celle des peuples au milieu desquels il vivait. C'est vrai pour l'Egypte, l'Assyrie, Babylone, la Perse, la Grèce et l'empire romain. L'histoire fournit des dates,

raconte et explique les événements qui se sont produits ici et là. Ainsi, l'histoire de l'Egypte permet de mieux comprendre l'attitude de ses rois envers les Israélites et le genre de travaux qu'on leur fit faire. Quand on sait que beaucoup plus tard, des rois étrangers ont souillé le temple de Jérusalem en y égorgeant des cochons en l'honneur de dieux païens, on comprend mieux l'indignation et la souffrance du peuple d'Israël colonisé par des puissances étrangères. L'histoire des migrations de peuples entiers ou des techniques de guerre utilisées à l'époque par les uns et les autres jette elle aussi de la lumière sur bien des textes de l'Ancien Testament.

3) L'archéologie :

L'archéologie est une science au service de l'histoire. Elle consiste à faire des fouilles qui permettent souvent de découvrir les ruines d'anciennes villes ou bien les ustensiles dont on se servait à l'époque pour faire la guerre, cultiver le sol, cuire les aliments ou décorer une maison. Beaucoup de fouilles ont mis à

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Inspiration jour les ruines de villes dont parle la Bible telles que Jéricho, Ninive, Babylone, Capernaüm ou l'ancienne cité de Jérusalem. Ces découvertes sont importantes et très intéressantes, car elles nous permettent de nous faire une idée de la façon dont vivaient les gens.

Parmi les découvertes archéologiques figurent aussi des textes inscrits sur des tablettes d'argile. Il s'agit souvent de lois, de pratiques ou de coutumes diverses qui nous donnent des indications très utiles pour comprendre la culture des peuples de l'époque. Dans Genèse 15, on nous raconte une histoire étrange. Dieu demanda à Abraham de couper plusieurs animaux en deux et de disposer les morceaux en deux tas. Quand la nuit fut venue, un grand feu passa au milieu des quartiers de viande et Dieu conclut une alliance en promettant à Abraham qu'il serait le père d'un peuple nombreux à qui il ferait don du pays de Canaan. C'était un ancien rite qui servait à sceller une alliance dont on a retrouvé la trace dans d'autres

civilisations de l'époque. Une telle découverte permet de mieux comprendre un texte comme celui-là.

L'archéologie a aidé aussi à mieux comprendre les religions des peuples au milieu desquels vivaient les Israélites, qu'il s'agisse de la religion égyptienne, de celle des Phéniciens, des Cananéens, des Babyloniens et d'autres peuples encore. On comprend mieux l'attrait qu'elles ont souvent exercé sur le peuple que Dieu s'était choisi et les dangers qu'elles représentaient pour lui. L'archéologie a permis ainsi aux spécialistes de l'interprétation de la Bible de mieux comprendre beaucoup de ses textes.

4) L'ethnologie :

L'ethnologie est la science qui étudie les civilisations et les modes de vie des peuples. Elle s'intéresse aux langues qu'ils parlent, à leurs coutumes, aux règles qui régissent leur société. Cf. par exemple ce qui vient d'être dit de la façon dont Dieu conclut une alliance avec Abraham. L'ethnologie nous

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Inspiration apprend aussi beaucoup de choses sur les coutumes liées au mariage des peuples anciens, sur la façon dont il était conclu, les festivités auxquelles il donnait lieu, la dot, la polygamie, les règles concernant le divorce, la protection dont on entourait les couples et leurs enfants. Elle nous apprend aussi bien des choses sur tout ce qui concerne le statut des esclaves ou bien les transactions commerciales, l'achat et la vente de terres, le patrimoine et l'héritage, le régime patriarcal, les privilèges du fils aîné, etc.

Certains peuples voisins de la Palestine parlaient des langues assez proches de l'hébreu. C'est vrai de l'araméen, du phénicien ou du syriaque. La connaissance de ces langues a permis parfois de mieux comprendre tel ou tel mot hébreu dont le sens était incertain.

On pourrait multiplier les exemples montrant combien toutes ces sciences sont utiles et nous donnent accès à des connaissances qui permettent de mieux comprendre les textes bibliques, en particulier certains détails qui autrement resteraient parfois bien mystérieux.

Pour bien comprendre les textes de la Bible, il faut donc toujours, dans la mesure du possible, tenir compte de la situation historique, géographique, culturelle et politique de l'époque.

II. La Bible doit être interprétée selon les règles linguistiques habituelles :

Personne ne sait quelle langue on parle dans le ciel. Si on s'y exprime dans une langue donnée, ce n'est certainement pas une langue humaine. Mais Dieu a voulu se révéler aux hommes. Il a donc bien fallu qu'il le fasse de manière à ce qu'ils puissent le comprendre. C'est pourquoi il l'a fait dans une langue parlée par eux. Une langue humaine donc, que les hommes ont inventée et pris l'habitude de parler pour communiquer entre eux, comme l'hébreu ou le grec. Il a inspiré les prophètes et les apôtres. Cela veut dire qu'il leur a communiqué ce qu'ils devaient écrire. Il l'a donc fait dans la langue de ces hommes. La Bible est Parole de Dieu, inspirée par le Seigneur et écrite par des hommes, dans des langues d'hommes et pour des hommes. Elle se lit donc de la même façon que n'importe quel livre, ce qui signifie

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Inspiration que son interprétation obéit aux mêmes règles.

Une phrase est faite de plusieurs mots qu'il s'agit d'analyser pour comprendre son sens. Les verbes indiquent si un événement a eu lieu dans le passé, s'il a lieu dans le présent, s'il aura lieu à l'avenir ou s'il a lieu en tout temps. Quand Jésus dit à son Père dans une prière : "Ta parole est la vérité" (Jean 17:17), il affirme que la Parole de Dieu est constamment vraie. Elle était vraie jadis, elle est vraie aujourd'hui, elle sera vraie demain. Elle est toujours vraie. Dans Esaïe 9:5, le prophète dit : "Un enfant nous est né, un fils nous est donné". Il parle au présent, alors qu'il annonce un événement, la naissance du Christ, qui n'aura lieu que sept cents ans plus tard. Mais la chose est tellement sûre, puisque c'est Dieu qui l'a promise, que le prophète l'annonce comme si elle avait lieu dans le présent. Quand l'apôtre Paul dit au gardien de la prison de Philippes : "Crois au Seigneur Jésus, et tu seras sauvé, toi et ta famille" (Actes 17:31), il affirme que le salut est quelque chose que nous n'avons pas encore, mais qui nous sera offert un jour si nous croyons en Jésus. Il faut donc bien respecter le temps des verbes. Il faut également respecter le sens

des mots. A ce sujet, voici quelques règles importantes :

1) Tout texte de la Bible a un sens voulu par le Saint-Esprit, et ce sens est unique :

Luther a beaucoup insisté sur cette règle. En effet, peu de temps après la mort des apôtres, des théologiens ont développé l'idée qu'un texte de la Bible avait plusieurs sens à la fois, un sens apparent et des sens cachés. Un Père de l'Eglise du nom d'Origène disait qu'il y avait plusieurs niveaux d'interprétation. En voici un exemple : dans Genèse 37:3 il est dit que le patriarche Jacob fit une tunique de couleurs pour Joseph. Le sens apparent est évident : Jacob fit confectionner ou acheta un vêtement pour son fils préféré. C'est le sens littéral du texte que n'importe quel lecteur de la Bible peut saisir. Le deuxième sens est un sens moral : ce texte veut nous donner une leçon sur le danger qu'il y a pour un père à préférer un de ses enfants aux autres ou à favoriser quelqu'un. Mais pour Origène, un texte comprend aussi un sens spirituel ou mystique qui est, de

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Inspiration loin, le plus important. Il était convaincu que l'histoire de cette tunique de différentes couleurs était là pour nous enseigner aussi qu'il existe des connaissances philosophiques secrètes qu'on n'a pas le droit de rejeter. Les frères de Joseph représentaient selon lui les hommes mauvais qui veulent rejeter les enseignements philosophiques hors de l'Eglise. Dieu ne veut pas de cela, c'est pourquoi il a voulu, selon Origène, que l'histoire de la tunique figure dans la Bible. Tel est le soi-disant sens profond et mystique de ce texte. Mais seuls les meilleurs chrétiens ou les chrétiens les plus évolués et les plus sages peuvent le saisir.

Un jour, Jésus rappela à un maître de la Loi qu'il fallait aimer Dieu de tout son coeur, de toute son âme et de toutes ses forces, et son prochain comme soi-même. Le maître de la Loi lui demanda qui était ce prochain. C'est pour répondre à cette question que le Christ raconta la parabole bien connue du bon Samaritain (Luc 10:25-37). Elle enseigne que notre prochain est tout homme qui a besoin de

nous, besoin que nous lui venions en aide. Tel est le sens et la leçon de cette parabole. Mais il arrive parfois qu'on l'interprète autrement, en comparant Jésus au bon Samaritain qui vient en aide aux hommes et les délivre de la mort. C'est vrai que le Christ fait cela, mais ce n'est pas ce qu'enseigne cette parabole. Prétendre cela, c'est donner à la parabole un sens allégorique.

Donner à un texte biblique plusieurs sens est une méthode qui peut être très dangereuse, car on lui fait dire plus que ce qu'il veut dire, plus que ce que le Saint-Esprit a voulu lui faire dire. Et on peut finalement lui faire dire alors tout ce qu'on veut. Il est tout à fait évident que Jacob a eu tort de préférer Joseph à ses autres enfants et de le montrer en lui offrant un beau vêtement. Ce comportemant a d'ailleurs été à l'origine de tous les problèmes qu'il a connus dans sa famille, et l'interprétation de ce texte doit déboucher sur cette application. Cependant elle ne doit pas en dégager plusieurs sens, littéral, moral, allégorique, etc. Il est

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Inspiration donc faux d'affirmer que les textes de la Bible ont plusieurs sens à la fois. Ils n'en ont qu'un, celui que le Saint-Esprit a voulu qu'ils aient et qu'il faut découvrir en les étudiant soigneusement.

2) Dans la Bible, un mot doit toujours être pris dans son sens habituel ou littéral, sauf quand on a la preuve qu'il est employé dans un sens figuré :

Les mots sont comme des véhicules qui apportent aux hommes le message que Dieu leur destine. Quand Dieu déclare dans sa Loi révélée dans la Bible : "Maudit soit celui qui n'obéit pas continuellement à tout ce qui est écrit dans le livre de la loi" (Galates 3:10), il nous dit que celui qui transgresse sa Loi se place sous sa malédiction, ce qui signifie qu'il est éternellement condamné. Quand la Bible dit de Jésus-Christ : "C'est lui le Dieu véritable, c'est lui la vie éternelle" (1 Jean 5:20), tous ces mots doivent être pris dans leur sens habituel. Jésus est vraiment Dieu, de la même façon que le Père ou le Saint-Esprit. Quand elle dit que Dieu a chargé Jésus de nos péchés (2 Corinthiens

5:21; 1 Pierre 2:24) ou qu'il est devenu un "objet de malédiction à notre place" (Galates 3:13), c'est qu'il a vraiment été chargé de nos péchés et maudit à cause d'eux comme s'il les avait commis lui-même. Quand Jésus institue la Sainte Cène et qu'il dit à ses disciples en leur donnant du pain, puis en leur tendant une coupe de vin : "Prenez et mangez ceci, c'est mon corps... Buvez-en tous, car ceci est mon sang" (Matthieu 26:26-28), il nous demande de croire que le pain est vraiment son corps et le vin vraiment son sang. En effet, l'apôtre Paul affirme que le pain et le vin de la Sainte Cène sont la communion au corps et au sang de Jésus-Christ (1 Corinthiens 10:16). Il déclare aussi que celui qui communie indignement "se rend coupable envers le corps et le sang du Seigneur" (1 Corinthiens 11:27). Le pain et le vin ne sont donc pas de simples images de son corps et de son sang, comme le prétendent certains chrétiens, mais ils sont véritablement son corps et son sang. Un texte de la Bible doit toujours être interprété dans son sens littéral, sauf s'il nous

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Inspiration indique lui-même qu'il a un autre sens que celui-là.

Nous croyons aussi qu'un texte comme le récit de la chute d'Adam et d'Eve doit être pris dans son sens littéral. Cela signifie que la chute dans le péché s'est bien produite de la façon dont cela nous est raconté, du fait que le diable, ayant pris l'apparence d'un serpent, réussit à séduire Eve et à lui faire manger du fruit de l'arbre défendu, et qu'Adam se fit séduire par elle. Ce n'est pas une image ou une petite histoire qui essaie d'expliquer comment le péché est entré dans le monde, mais c'est ainsi que les choses se sont passées. Voilà pourquoi dans Romains 5:12-21, l'apôtre Paul se fonde sur ce texte pour dire que par Adam le péché et la mort sont entrés dans le monde. Il se fonde aussi sur le récit de la chute pour expliquer pourquoi la femme ne doit pas exercer dans l'Eglise le ministère de l'enseignement (1 Timothée 2:12-14). Il ne pourrait pas faire cela si la chute ne s'était pas produite comme cela est raconté dans Genèse 3.

Il est donc très important de donner à chaque mot de la Bible son sens habituel, sinon on finit par lui faire dire n'importe quoi. Chaque fois qu'une phrase de l'Ecriture ne nous convient pas, nous pourrions alors lui donner un autre sens. Le résultat serait que nous ferions dire à la Bible ce que nous aimerions bien qu'elle dise. Elle ne serait plus alors la Parole de Dieu.

Mais il faut savoir aussi que beaucoup de mots ont plusieurs sens, et très souvent un sens figuré ou imagé. Dans Esaïe 45:9, le prophète compare Dieu à un potier et les hommes aux vases et aux pots qu'il façonne de ses mains. Tout le monde sait que Dieu n'est pas un potier dans le sens habituel du mot et que les hommes ne sont pas des vases qui servent à puiser de l'eau ou des pots pour conserver ou cuire les aliments. Il s'agit donc d'une image qui exprime l'idée que nous sommes ses créatures et qu'il nous crée entièrement comme il le veut. La Bible dit aussi que Dieu est un berger. Pas un berger qui garde des moutons quelque part dans la brousse, mais un berger qui nous

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Inspiration garde et qui prend soin de nous. Son troupeau n'est pas fait d'animaux, mais des hommes qui croient en lui et le suivent. C'est encore une image qui exprime l'idée que Dieu nous aime, qu'il nous garde et qu'il prend soin de nous.

La Bible dit aussi que Dieu est notre Père (Matthieu 5:16; 6:9.14.26; 23:9). Il s'agit là aussi d'une image, car Dieu n'est pas celui qui nous a engendrés. Notre père, au sens littéral du terme, est celui qui nous a engendrés en fécondant notre mère. Mais le mot "père" évoque l'image de quelqu'un qui aime ses enfants, les nourrit, les élève et en prend soin. C'est ce que Dieu fait pour nous. Pouvoir adorer Dieu comme un Père est ce qui fait toute la beauté de la religion chrétienne.

Dans 1 Corinthiens 15:8, Paul affirme qu'il est un avorton. Il n'est pas cela au sens littéral du mot, sinon il ne serait pas venu vivant au monde. Il utilise ce mot pour confesser qu'il ne méritait absolument pas d'être un apôtre de Jésus-Christ parce qu'avant d'être converti, il avait

haï le Christ et persécuté les chrétiens.

Retenons qu'un mot a toujours un sens littéral et parfois aussi un sens figuré. Dans la Bible, un mot a toujours son sens littéral, sauf quand la preuve est faite qu'il est utilisé dans un sens figuré.

3) Un texte de la Bible doit toujours être interprété dans son contexte :

On appelle contexte ce qui entoure un texte, le chapitre ou le paragraphe dans lequel il se trouve. Un texte ne doit jamais être isolé, mais il faut l'étudier dans son contexte. En effet, si on l'isole, on peut lui faire dire des choses qu'il ne veut pas dire du tout. En voici un exemple. L'apôtre Pierre écrit : "L'amour efface un grand nombre de péchés" (1 Pierre 4:7). Si j'isole ce texte de son contexte, je peux lui faire dire que par mon amour j'obtiens que mes péchés soient pardonnés, autrement dit que je mérite le pardon en pratiquant l'amour. C'est une interprétation qui a été parfois donnée par les théologiens catholiques pour

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Inspiration expliquer que la foi ne suffit pas pour être pardonné et sauvé, mais qu'il faut mériter le pardon en accomplissant de bonnes oeuvres. Cette interprétation est fausse car elle contredit ce que la Bible enseigne au sujet du pardon et du salut. Et si on lit ce texte dans son contexte, on comprend facilement que par notre amour nous n'effaçons pas nos péchés, mais couvrons ceux des autres. Aimer son prochain, c'est refuser de raconter partout le mal qu'il a pu faire, le cacher ou l'effacer, faire comme s'il n'existait pas. Voilà ce qu'affirme l'apôtre Pierre.

Dans Luc 7:36-50, on nous raconte comment une femme était venue verser du parfum sur les pieds de Jésus. Le Seigneur dit d'elle : "Ses nombreux péchés ont été pardonnés car elle a beaucoup aimé" (Luc 7:47) 47. Si on extrait ce verset de son contexte, on pourrait lui faire dire que cette femme a mérité par son amour que Dieu lui pardonne ses péchés. Le contexte nous fait comprendre que Jésus veut dire exactement le contraire : ce n'est pas pour que Dieu lui pardonne qu'elle a

montré beaucoup d'amour, mais elle l'a fait parce qu'elle se savait pardonnée, parce qu'elle savait que Dieu ou Jésus lui avait fait grâce. C'est pour l'en remercier qu'elle était venue verser du parfum sur les pieds du Christ.

Voici un autre exemple. Dans Jacques 2:24, il est dit que "l'homme est reconnu juste par Dieu à cause des actes qu'il accomplit et pas uniquement à cause de la foi qu'il a". Si vous isolez ce texte de son contexte, vous lui faites dire le contraire de tout ce que la Bible enseigne par ailleurs. En effet, l'Ecriture Sainte enseigne que nous sommes justifiés par la foi, sans les oeuvres de la Loi (Romains 3:20; 4:1-8; Galates 2:16). Ce texte doit être lu dans son contexte. Or tout le contexte montre qu'une foi qui ne produit pas d'oeuvres est une foi morte. Jacques fait la leçon à ceux qui disent : "J'ai la foi" et qui vivent dans le péché en se disant que la foi les sauvera. Une telle foi ne sauve personne parce que ce n'est pas une vraie foi.

Autre exemple : dans Jean 3:16, Jésus dit que Dieu a tant aimé le

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Inspiration monde qu'il a donné son Fils unique pour que tous ceux qui croient en lui aient la vie éternelle. Or dans 1 Jean 2:15, l'apôtre nous demande de ne pas aimer le monde. Comment la Bible peut-elle nous demander de ne pas aimer le monde alors que Dieu l'aime? C'est que dans ces deux textes, le mot "monde" a un sens différent. Dans le premier, il désigne tous les hommes. Dans le deuxième, il désigne le monde des incroyants et des pécheurs. Le sens du mot n'est pas le même. Il faut lire ces deux textes dans leur contexte pour les comprendre.

III. La Bible doit être interprétée selon un certain nombre de règles théologiques:

La Bible est un livre écrit dans des langues humaines, par des hommes et pour des hommes. C'est une oeuvre littéraire qui, pour cette raison, ressemble à bien d'autres oeuvres littéraires. Elle est donc profondément humaine et veut toucher le coeur des hommes. Seulement, comme cela a été attesté clairement plus haut, elle n'est pas seulement parole d'hommes, mais

aussi Parole de Dieu. Bien que les prophètes et les apôtres aient écrit selon leur style propre et que chaque livre de la Bible reflète la personnalité de son auteur, elle a Dieu pour auteur principal. Cela signifie que le Seigneur a inspiré les auteurs de la Bible pour qu'ils écrivent ce qu'il a voulu qu'ils écrivent et de la façon dont il l'a voulu. Elle est donc Parole de Dieu dans tout ce qu'elle affirme. Et c'est pour cela qu'elle est la source et la norme de la foi, de la doctrine et de la vie chrétiennes. Elle possède à ce titre un certain nombre de qualités ou de particularités que ne possède aucun autre livre humain. Nous les avons évoquées plus haut. Nous nous contenterons donc de rappeler ici qu'elle est revêtue d'une autorité divine à laquelle aucun homme n'a le droit de porter atteinte. Elle nous révèle la vérité de Dieu de façon infaillible et inerrante, ce qui signifie qu'elle ne contient aucune erreur.

Il s'ensuit que l'Ecriture Sainte doit être interprétée selon un certain nombre de règles que nous appellerons théologiques car elles découlent directement de son inspiration et origine divines. Nous en exposerons les principales.

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Inspiration 1) La Bible utilise souvent des anthropomorphismes. Cela signifie que puisque Dieu ne peut pas être décrit tel qu'il est en lui-même, elle le décrit souvent comme s'il était un homme :

Nous venons de voir que la Bible compare Dieu à un potier, un berger ou un père. Ce sont des images. Souvent elle le décrit aussi comme s'il avait un corps humain. Elle parle de ses yeux (Deutéronome 11:12. 32:10; Psaume 11:4; 33:18; Luc 1:48), de ses oreilles (2 Samuel 22:7; Psaume 116:2), de ses mains (Exode 9:3; Nombres 11:23; Juges 2:15; Job 12:9; Psaume 31:6; 75:9) ou de ses bras (Deutéronome 33:27; Esaïe 40:10; 52:10). Or Dieu n'a pas de corps; il n'a donc rien de tout cela. C'est pourquoi, il s'agit là aussi d'images pour nous faire comprendre qu'il voit et sait tout, qu'il entend nos prières, qu'il agit avec force et qu'il nous protège.

La Bible dit aussi que Dieu se met en colère (Lévitique 10:6; Deutéronome 1:37; 1 Rois 11:9), qu'il rit quand il voit les hommes s'agiter (Psaume 2:4; 37:13; 59:9)

ou qu'il se moque d'eux (Psaume 2:4; Proverbes 3:34), ou encore qu'il s'est repenti d'avoir créé le monde (Genèse 6:6) ou d'avoir voulu punir son peuple (Exode 32:14). Elle lui attribue donc un corps humain, mais elle lui prête aussi des sentiments humains et nous le décrit se conduisant comme un homme pour nous aider à mieux le connaître, à mieux comprendre comment il est et comment il se comporte. On appelle cela des "anthropomorphismes". Ces descriptions de Dieu ne doivent pas être prises au sens littéral. Ce sont des images qui veulent nous aider à nous le représenter tel qu'il est.

2) La Bible diffère de tous les autres livres de ce monde en ce qu'elle est Parole de Dieu dans un sens unique du terme :

L'Ecriture Sainte, quoique écrite par des hommes pour des hommes, est un spécimen unique de la littérature mondiale en ce sens qu'elle est le résultat de l'action miraculeuse de Dieu le Saint-Esprit sur les prophètes,

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Inspiration les apôtres et tous ceux qui ont participé à sa rédaction. Elle est divinement inspirée, mais pas de la façon dont on a l'habitude de dire cela d'un beau cantique ou d'un sermon. L'inspiration divine consiste en ce que Dieu s'est emparé de l'intelligence, de l'esprit et du coeur des prophètes et des apôtres de sorte qu'il leur a communiqué sa Parole et la leur a fait retransmettre de la façon voulue par lui, si bien qu'il en est le véritable auteur. Ces hommes, inspirés par lui, ont retransmis et écrit ce qu'il a voulu qu'ils écrivent et de la façon voulue par lui. On ne peut dire cela d'aucun autre livre écrit par les hommes.

3) La Bible doit être lue et interprétée à l'aide de la raison humaine, mais celle-ci ne doit jamais s'arroger le droit de critiquer son contenu :

Luther disait que la raison doit être la servante de la Bible et non sa maîtresse. Elle doit rester soumise à son enseignement et

ne jamais chercher à le dominer. Il écrit par exemple : "L'Ecriture Sainte ne vient pas des juifs, ni des saints, ni des anges, et encore moins des démons, mais elle est de Dieu seul. Lui seul l'a dite et écrite. C'est à lui de l'expliquer et de l'interpréter là où c'est nécessaire. Les démons et les hommes ne sont que des élèves et des auditeurs" 48. "La Parole de Dieu est Parole de Dieu. Il n'y a là rien à contester. Quiconque accuse Dieu de mentir en un seul point ou estime qu'il importe peu qu'il soit blasphémé et accusé de mensonge, blasphème Dieu tout entier... Il y a un Dieu unique qu'on ne peut pas partager ou louer sur un point et réprimander sur un autre" 49.

La Formule de Concorde, une des Confessions de foi de l'Eglise luthérienne, déclare : "Nous croyons, enseignons et confessons que les livres prophétiques et apostoliques de l'Ancien et du Nouveau Testament constituent la seule règle ou norme selon laquelle toutes les doctrines et tous les docteurs doivent être appréciés et jugés... Ainsi, nous

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Inspiration maintenons rigoureusement la différence qui sépare les écrits sacrés de l'Ancien et du Nouveau Testament d'avec les autres écrits. La Sainte Ecriture reste la seule règle et la seule norme. Elle seule a l'autorité de juger. Elle est comme la pierre de touche à laquelle il faut éprouver toutes les doctrines pour reconnaître si elles sont bonnes ou mauvaises, vraies ou fausses" 50.

Cela signifie que notre intelligence, notre raison et les connaissances que nous procurent l'archéologie, l'histoire, la géographie ou la linguistique sont des outils dont nous devons nous servir pour bien comprendre l'Ecriture Sainte, mais elles ne doivent jamais s'ériger en juge de son enseignement. Jamais elles n'ont le droit de dire : "Ceci n'est pas vrai parce que ce n'est pas possible et qu'on ne peut pas le croire". Si la raison humaine se met à critiquer, juger et corriger ce qu'affirme la Bible, elle se place au-dessus de la Parole de Dieu. Si nous déclarons : "Nous ne pouvons pas croire que Jésus-Christ est vrai Dieu parce qu'on

ne peut pas être à la fois Dieu et homme", ou bien : "Je ne peux pas croire que Jésus est ressuscité des morts parce qu'on n'a jamais vu un mort sortir de sa tombe", ou bien encore : "Je ne peux pas croire que le corps et le sang de Jésus-Christ sont réellement présents dans la Sainte Cène parce qu'ils sont dans le ciel et non pas sur la terre et qu'on ne les voit et ne les sent pas quand on va communier", nous plaçons notre raison et notre intelligence au-dessus de l'Ecriture Sainte. Dans ce cas, l'Ecriture Sainte n'est plus reconnue comme la Parole que Dieu nous a donnée et comme la vérité suprême à laquelle tout homme doit se soumettre.

L'apôtre Paul écrit aux chrétiens de Corinthe : "Nous renversons tout ce que l'on dresse orgueilleusement contre la connaissance de Dieu. Nous faisons prisonnière toute pensée pour l'amener à obéir au Christ" (2 Corinthiens 10:5). Notre raison doit se soumettre à la connaissance de Dieu et nos pensées obéir à Jésus-Christ. Où pouvons-nous connaître Dieu et

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Inspiration l'Evangile de Jésus-Christ? Dans la Bible, tout simplement. La raison ou l'intelligence humaine ne doit donc en aucun cas se placer au- dessus d'elle et juger ou critiquer son enseignement.

4) Un théologien luthérien souscrit aux Confessions de foi de l'Eglise luthérienne. Cela présuppose qu'il accepte l'attitude de ces Confessions de foi concernant la nature et l'interprétation de l'Ecriture Sainte :

Il n'existe pas dans les Confessions de l'Eglise luthérienne d'article consacré à l'Ecriture Sainte, son inspiration et son autorité. Cependant, quiconque les connaît sait qu'elles confessent son inspiration, son autorité et son infaillibilité ou inerrance divines. Ce n'était pas là matière à controverse au XVIº siècle. On ne débattait pas de cela, mais d'autres questions doctrinales. Aussi le besoin d'y consacrer un article ne s'était-il pas fait ressentir. Souscrire aux Confessions de l'Eglise luthérienne comme "norma normata" (norme normée) revient donc à confesser que la

Bible est "norma normans" (norme normante et donc souveraine) et à s'incliner devant elle, à accepter son enseignement. Voici ce que la Formule de Concorde dit à ce sujet : "Nous reconnaissons sans réserve l'autorité des livres prophétiques et apostoliques de l'Ancien et du Nouveau Testament, sources pures et limpides d'Israël, et nous croyons que les Saintes Ecritures sont la règle unique et sûre d'après laquelle il faut examiner tous les dogmes, juger de toutes les doctrines et apprécier tous les docteurs" 51. Cela revient aussi à accepter les règles d'interprétation qui sont manifestement celles de la Réforme et dont on retrouvera l'essentiel dans les pages qui suivent.

5) La Bible poursuit un but précis. Il ne faut donc pas s'attendre à ce qu'elle réponde à toutes les questions que nous nous posons :

Quel est le but de la Bible? L'apôtre Paul écrit à Timothée : "Depuis ton enfance tu connais les Saintes Ecritures. Elles

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Inspiration peuvent te donner la sagesse qui conduit au salut par la foi en Jésus-Christ. Toute Ecriture est inspirée de Dieu et utile pour enseigner, réfuter l'erreur, corriger les fautes et former à une juste manière de vivre, afin que l'homme de Dieu soit parfaitement préparé et équipé pour accomplir toute bonne oeuvre" (2 Timothée 3:15-17). Son but? Nous donner la sagesse qui conduit au salut. Nous révéler la vérité, corriger nos erreurs, nous faire connaître tout ce que nous devons savoir pour être sauvés et vivre chrétiennement.

La Bible nous parle-t-elle de la création du monde? Bien sûr, puisque Dieu est le Créateur de toutes choses. Mais elle ne le fait pas de la même façon que la science. Elle nous dit de la création du monde ce que Dieu a voulu lui faire dire et proclame la toute-puissance, l'infinie sagesse et la grande bonté du Créateur du ciel et de la terre. La Bible décrit-elle l'univers avec ses étoiles et ses galaxies? Oui, mais d'une autre façon et avec d'autres mots que l'astronomie. Décrit-elle les animaux et les plantes?

Oui, mais pas comme le font la zoologie ou la botanique.

Fait-elle de l'histoire? Oui, mais selon d'autres critères que les historiens. Prenons deux exemples. L'un concerne un roi de Juda, Ezékias, qui a fait beaucoup pour ramener le peuple à l'obéissance au Seigneur. Son règne est raconté dans deux textes, 2 Rois 18-20 et 2 Chroniques 29-32. Si on les compare, on constate qu'ils sont très différents. 2 Rois 18-20 raconte surtout la guerre qu'Ezékias dut mener contre les armées assyriennes venues envahir le pays, tandis que 2 Chroniques 29-32 ne s'intéresse pas particulièrement à cet aspect de son règne, mais raconte dans le détail tout ce qu'il a fait pour lutter contre l'idolâtrie et rouvrir le temple au culte de Dieu. Il n'y a aucune contradiction entre les deux textes, mais ils sont très différents l'un de l'autre. Leurs auteurs ont voulu nous présenter des aspects très différents du règne de ce souverain. Aucun n'a voulu faire un travail d'historien, raconter la vie de ce roi dans tous ses détails. Nous croyons

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Inspiration cependant que ce que chacun a écrit à son sujet est vrai.

L'autre exemple sont les quatre évangiles. Ils racontent tous la vie de Jésus, mais chacun le fait à sa façon. Aucun ne prétend être complet. Ils ne prétendent pas davantage raconter les événements dans l'ordre précis dans lequel ils se sont produits. Les évangélistes ne sont pas des historiens. Pourtant, nous pouvons être certains qu'ils nous racontent effectivement ce qu'ils ont vu et entendu. Ils sont des témoins crédibles de la vie de Jésus-Christ, les seuls du reste dont le témoignage nous soit parvenu. Et chacun écrit son évangile en fonction de ce qui lui a paru le plus important pour les gens auxquels il le destinait. Il faut savoir en effet que ces destinataires n'étaient pas les mêmes. Tel évangéliste a écrit son évangile pour les juifs habitant la Palestine, et tel autre pour les juifs de la diaspora, ceux qui étaient dispersés dans le monde entier. Un tel a écrit son évangile pour les chrétiens d'origine juive, et tel autre pour les chrétiens d'origine païenne.

Il ne faut donc pas demander à la Bible qu'elle réponde à toutes nos questions et quelle le fasse de façon scientifique à la manière de l'astronomie, de l'histoire, de la géographie, de la zoologie, de la botanique et ou d'autres sciences. Tout ce qu'elle dit est dit de la façon voulue par Dieu. Son témoignage est donc vrai en toutes choses et veut être cru, mais elle ne doit pas être lue comme un traité scientifique ou un livre d'histoire. Elle poursuit un but : faire de nous des enfants de Dieu, nous aider à croire en lui et à le servir, et nous procurer le pardon et la vie éternelle. C'est pour cela qu'elle nous a été donnée.

6) La révélation de Dieu est progressive :

Dieu nous traite un peu comme une mère ses enfants. Elle les allaite tout d'abord pendant un certain temps. Puis elle leur donne du lait animal et leur prépare progressivement de la nourriture à base de bouillies, de légumes, de viandes et de fruits. Dieu agit de même. Il s'est révélé progressivement à son peuple. Le jour même de la chute

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Inspiration d'Adam et d'Eve, il leur a donné une promesse de salut, en disant au serpent : "Je mettrai l'hostilité entre la femme et toi, entre sa descendance et la tienne. La sienne t'écrasera la tête, tandis que tu la mordras au talon" (Genèse 3:15). C'était la toute première promesse d'un Sauveur. Par la suite, Dieu précisa cette promesse quand il conclut une alliance avec Abraham, Isaac et Jacob, puis avec le peuple d'Israël. Régulièrement, les prophètes apportaient des précisions nouvelles, si bien qu'Israël put finalement se faire une idée précise du Sauveur qui devait venir. Quant à nous qui vivons des siècles après Jésus-Christ, qui pouvons lire les évangiles et les épîtres de ceux qui l'ont vu de leurs yeux et entendu de leurs oreilles, nous en savons beaucoup plus sur lui que les juifs de l'Ancien Testament.

La révélation de Dieu a été progressive et continue. Elle a culminé en la personne du Christ, ce qui fait dire à l'auteur de l'épître aux Hébreux : "Autrefois Dieu a parlé à nos ancêtres à plusieurs reprises et

de plusieurs manières par les prophètes, mais dans ces jours qui sont les derniers il nous a parlé par son Fils" (Hébreux 1:1.2). Il est donc normal que nous ayons dans le Nouveau Testament sur certaines grandes doctrines de la foi chrétienne comme la Trinité, la rédemption ou la résurrection des morts beaucoup plus d'informations que dans l'Ancien Testament. Cela ne signifie pas que la religion révélée par la Bible ait évolué et se soit modifiée avec le temps, mais que sa révélation s'est faite de façon progressive. Il faut savoir cela pour ne pas exiger de l'Ancien Testament autant de détails et de précisions que du Nouveau. Cela signifie qu'une doctrine donnée n'est pas entièrement révélée dans un seul et même texte et qu'il faut chercher les compléments d'information sur cette doctrine ailleurs dans la Bible. Par exemple, Jean 3:5.6 n'est pas la seule chose que la Bible nous dise du Baptême institué par Jésus-Christ. Pour avoir une notion aussi complète que possible de ce sacrement, il faut consulter les autres textes bibliques qui en parlent.

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Inspiration 7) Bien interpréter la Bible, c'est savoir qu'il existe entre l'Ancien et le Nouveau Testament un lien très étroit dont l'interprétation doit toujours tenir compte : le Nouveau Testament est l'accomplissement de l'Ancien. Cela signifie aussi que Jésus-Christ est au centre de toute l'Ecriture Sainte.

Le Christ ressuscité dit aux disciples d'Emmaüs : "Hommes sans intelligence, que vous êtes lents à croire tout ce qu'ont annoncé les prophètes ! Ne fallait-il pas que le Messie souffre ainsi avant d'entrer dans sa gloire?... Puis il leur expliqua ce qui était dit à son sujet dans l'ensemble des Ecritures, en commençant par les livres de Moïse et en continuant par tous les livres des prophètes" (Luc 24:25.27). L'apôtre Pierre affirme : "Tous les prophètes ont parlé de lui, en disant que tout homme qui croit en lui reçoit le pardon de ses péchés par le pouvoir de son nom" (Actes 10:43).

Un Père de l'Eglise bien connu, saint Augustin, écrit : "Le Nouveau Testament est caché dans l'Ancien et l'Ancien se

manifeste dans le Nouveau". Les cérémonies et les rites de l'Ancien Testament tels que les sacrifices prescrits par Moïse n'avaient rien à voir avec les sacrifices des païens. Ils n'étaient en aucune façon des moyens d'obtenir les faveurs de Dieu, son pardon et son salut, mais annonçaient le grand sacrifice que Jésus allait apporter quand il viendrait dans le monde. C'est dans la foi en ce Sauveur promis que les sacrifices prescrits dans l'Ancien Testament devaient être apportés au Seigneur et qu'ils procuraient le pardon et le salut. Quant aux nombreuses lois qui avaient été données au peuple d'Israël, elles n'étaient pas des moyens de salut, mais enseignaient aux juifs comment ils devaient servir le Seigneur en le remerciant pour le pardon et le salut qu'il leur offrait dans son amour. Il faut donc lire l'Ancien Testament à la lumière du Nouveau.

Interpréter correctement la Bible signifie comprendre que dans de très nombreux textes de l'Ancien Testament il est, directement ou indirectement, question du Messie et bien

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Inspiration expliquer cela. Il suffit, pour bien le comprendre, de penser à tous les textes prophétiques qui sont cités dans le Nouveau Testament et à propos desquels il est dit que ce qui avait été annoncé par les prophètes s'est accompli en Jésus-Christ. C'est particulièrement frappant quand on lit l'évangile de Matthieu, l'épître de Paul aux Romains, la première épître de Pierre ou l'épître aux Hébreux.. Sans parler de nombreux textes de l'Ancien Testament qui, sans être cités dans le Nouveau Testament, annoncent eux aussi le Christ, des personnages qui le préfigurent et des rites et gestes qui évoquent l'oeuvre qu'il viendra accomplir. Une interprétation correcte de l'Ancien Testament est donc une interprétation qui sait y trouver le Christ partout où il est présent, et il l'est beaucoup. Elle respecte le lien étroit qui existe entre la prédiction et l'accomplissement. En un mot, une bonne interprétation est une interprétation qui voit Jésus-Christ au centre de toute la Bible. Jésus dit de lui-même : "Je suis l'Alpha et l'Oméga, le premier et le dernier, le

commencement et la fin" (Apocalypse 1:8; 21:6; 22:13). Il est cela partout, dans le plan de Dieu, dans l'histoire de son Eglise et bien sûr aussi dans la Bible. C'est ce qui lui fit dire à ses adversaires qui ne voulaient pas croire en lui : "Vous étudiez les Ecritures parce que vous pensez trouver en elles la vie éternelle. Ce sont justement elles qui parlent de moi!" (Jean 5:39).

Ainsi, le sola Scriptura de la Réforme est en même temps un solus Christus. L'Ecriture est tout entière centrée sur le Christ, le chemin, la vérité et la vie, en dehors duquel il n'y a pas de salut. Ignorer cela, c'est passer à côté de son message principal. Sans le principe matériel de la Réforme (le solus Christus, le sola gratia et le sola fide), son principe formel (le sola Scriptura ) ne peut être que mécompris et érigé en une règle sans contenu.

Le christocentrisme de l'Ecriture Sainte est le garant de son unité. Etant donné que le même Dieu énonce partout dans la Bible le même message du salut par la foi en Christ, l'Ecriture présente

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Inspiration une unité organique de son enseignement aussi bien à l'intérieur de l'Ancien et du Nouveau Testament que dans le rapport entre les deux. Et cela, malgré les différences de style d'un auteur à l'auteur, malgré aussi les différents genres littéraires auxquels ils recourent et dont nous aurons encore l'occasion de parler, malgré les nuances et les accentuations différentes qu'on constate jusque dans les récits parallèles d'un même événement. Diversité ne signifie en aucun cas manque d'unité ou contradiction. L'unité de la Bible est garantie par le fait qu'elle a un auteur unique et un contenu central, Jésus-Christ.

8) La Bible doit être interprétée de façon à distinguer correctement la Loi et l'Evangile:

Il existe deux messages dans la Bible. L'un s'appelle la Loi, l'autre l'Evangile. La Loi est le message dans lequel Dieu exprime sa sainte volonté et exige une obéissance totale. En nous expliquant la volonté de Dieu, elle nous montre où et comment nous la violons et désobéissons au Seigneur. Elle

met donc le doigt sur nos péchés, nous accuse et nous condamne. L'Evangile, au contraire, est le message de la Bible dans lequel Dieu nous dit qu'il nous aime tels que nous sommes, malgré nos péchés, et qu'il a conçu un plan pour nous sauver : Jésus-Christ, son Fils, est devenu homme et nous a rachetés par sa vie sainte, ses souffrances et sa mort innocentes et sa résurrection triomphante. "Evangile" signifie Bonne Nouvelle. C'est la Bonne Nouvelle que nos péchés sont pardonnés et que nous sommes sauvés par la foi en Christ. Il n'y a dans l'Evangile aucune exigence, accusation ou menace, mais rien que des promesses et des consolations, comme l'affirme le Christ : "Allez dans le monde entier et annoncez la Bonne Nouvelle à tous les hommes. Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé" (Marc 16:15).

Ce sont là les deux grands messages de la Bible, et chacun de ses textes est ou bien Loi ou bien Evangile. Un texte ou un événement de la Bible est là pour nous montrer nos péchés et nous appeler à la repentance ou bien

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Inspiration pour nous consoler avec la promesse du pardon et du salut et nous encourager à croire. Parfois, un texte ou un événement de l'Ecriture peut faire les deux, annoncer à la fois la Loi et l'Evangile. C'est ainsi que la mort de Jésus-Christ nous enseigne deux choses : que Dieu est saint et juste et exige que le péché soit puni, et qu'il est bon et miséricordieux et veut sauver le pécheur. Mais la Loi n'est jamais Evangile, et l'Evangile n'est jamais Loi. Il est donc très important de ne pas changer la Loi en Evangile ni l'Evangile en Loi. Changer la Loi en Evangile serait adoucir ses exigences et présenter le Seigneur comme un Dieu qui ne punit pas et qui n'exige aucune repentance pour sauver les hommes. Changer l'Evangile en Loi, c'est oublier que les promesses de Dieu sont gratuites et que le salut ne se mérite pas, l'assortir de conditions et retirer à ses promesses ce qu'elles sont de merveilleusement consolant. Il faut donc, quand on interprète des textes de la Bible, se demander s'ils font partie de la Loi ou de l'Evangile et ne jamais mélanger les deux. C'est

fondamental quand il s'agit d'expliquer des textes où il est question des rapports entre les actes de Dieu et ceux des hommes, entre la foi et les oeuvres, entre le péché et la grâce. Seule une distinction correcte de la Loi et de l'Evangile permet de bien les comprendre, sans transformer la Loi en un Evangile ni l'Evangile en une Loi. Prêcher l'Evangile, par exemple, et demander ensuite aux gens de prier jusqu'à ce que Dieu accepte de les accueillir et de leur faire grâce ou leur demander de faire tout ce qu'il faut pour être dignes de la grâce de Dieu, c'est procéder à un affreux mélange des deux.

Il faut aussi savoir discerner dans tout texte de la Bible la part de Loi ou d'Evangile ou la part des deux qu'il contient. Le récit de la chute dans Genèse 3 annonce à la fois la Loi et l'Evangile. Celui du déluge également. Le récit de l'Exode, cette délivrance miraculeuse que Dieu accorda à son peuple, est une préfiguration grandiose de la délivrance finale promise dans l'Evangile à tous ceux qui croient. Quand Israël désobéit à

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Inspiration Dieu, celui-ci lui annonça qu'il partirait en exil à Babylone. Mais Dieu était tenu aux promesses messianiques qu'il avait faites et assura donc son peuple qu'il rentrerait de l'exil. Il y a là la Loi et l'Evangile. Ce sont autant de choses qu'il faut discerner et exposer avec soin. Un théologien ou prédicateur luthérien fait très attention à bien distinguer Loi et Evangile. Il sait que c'est indispensable pour interpréter correctement les textes de l'Ecriture.

9) La Bible doit être interprétée selon l'analogie de la foi :

Qu'est-ce que cela veut dire? Cela signifie que l'interprétation d'un texte de la Bible ne doit jamais se faire en contradiction avec ce qu'elle enseigne par ailleurs. Pour dire les choses autrement : l'interprétation d'un texte doit toujours être conforme à l'ensemble de la révélation divine. Elle est Parole de Dieu. C'est pourquoi elle ne peut pas se contredire. Tout se tient dans son enseignement et il existe une unité profonde dans tout ce qu'elle révèle. Supposons que deux théologiens proposent

deux interprétations différentes d'un texte. Si l'une des deux est contraire à ce que la Bible enseigne par ailleurs, elle est nécessairement fausse et doit donc être rejetée. Une interprétation de ce que Jacques écrit au sujet de la justification (Jacques 2:14-26) est à rejeter catégoriquement si elle contredit l'enseignement que nous donne l'apôtre Paul. Toute interprétation qui fait se contredire la Bible ne peut être que fausse.

Prenons un autre exemple. Dans Colossiens 1:24, l'apôtre Paul écrit : "Je me réjouis des souffrances que j'éprouve pour vous. Car ainsi, en ma personne, j'aide à compléter ce qui manque encore aux souffrances du Christ pour son corps, qui est l'Eglise". Affirmer sur la base de ce texte que Paul complète le sacrifice rédempteur du Christ en finissant d'expier les péchés des chrétiens serait tout à fait contraire à l'analogie de la foi, à tout ce que l'Ecriture Sainte enseigne au sujet du Christ et de son oeuvre. Jésus-Christ a tout fait pour acquérir aux hommes la délivrance et le salut. Encore

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Inspiration faut-il leur annoncer cette bonne nouvelle, et cela ne va pas sans souffrances. Voilà pourquoi Paul dit qu'il complète ce que le Christ a fait.

L'apôtre Pierre écrit : «Avant tout, ayez les uns pour les autres un ardent amour, car l'amour couvre une multitude de péchés» (1 Pierre 4:8). Des théologiens catholiques ont affirmé sur la base de ce texte qu'en pratiquant l'amour chrétien, on pouvait couvrir, expier ses péchés, mériter le pardon. Une telle interprétation contredit de façon flagrante la doctrine biblique du pardon. Ce que Pierre veut dire, c'est que l'amour que nous avons pour le prochain nous incite à couvrir ses fautes, à les cacher, à ne pas les divulguer.

Dans Apocalypse 20:4, il est dit que les croyants "revinrent à la vie et régnèrent avec le Christ pendant mille ans". Une interprétation qui fait dire à ce texte que Jésus-Christ reviendra un jour sur cette terre avant la fin du monde, qu'il remportera une grande victoire militaire sur les puissances du mal et qu'il siégera à Jérusalem et établira

ici-bas un règne glorieux qui durera mille ans, pendant lequel il n'y aura plus de péché ni de mort sur terre, est en contradiction flagrante avec ce qu'il dit lui- même à Ponce Pilate au sujet de son Royaume qui n'est pas de ce monde et avec tout l'enseignement de la Bible concernant la fin des temps. Voici un autre exemple : Jésus dit un jour que ni lui ni les anges ne connaissent le jour et l'heure de la fin du monde, que le Père céleste est seul à les connaître (Marc 13:32). Une interprétation de ce texte qui affirmerait que Jésus n'est pas vrai Dieu puisqu'il ne sait pas tout est à rejeter, car elle contredirait l'enseignement clair de textes tels que 1 Jean 5:20; Jean 1:1-5; 20:28.

L'interprétation des textes de la Bible doit tenir compte de l'ensemble de son enseignement et ne peut en aucun cas la faire se contredire. Luther et d'autres grands théologiens chrétiens disaient que l'Ecriture est sa propre interprète ou qu'elle s'interprète elle-même.

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Inspiration 10) C'est sur les textes où elles sont clairement révélées qu'il faut fonder les doctrines de l'Ecriture Sainte :

Il existe dans la Bible des textes bien précis où sont enseignées un certain nombre de doctrines. On les appelle en théologie les «sièges des doctrines» 52. C'est dans ces textes et non ailleurs qu'il faut chercher ce qu'elle enseigne à ce sujet. Zwingli, le Réformateur de Suisse, ne croyait pas que le corps et le sang de Jésus- Christ sont réellement présents dans la Sainte Cène, mais affirmait qu'ils sont simplement symbolisés par le pain et le vin. Quand il rencontra Luther pour comparer leur enseignement, il lui cita ce que Jésus dit dans Jean 6:63 : "C'est l'Esprit qui vivifie; la chair ne sert à rien" 53. Il croyait ainsi avoir prouvé que Jésus lui- même niait la présence réelle de son corps et de son sang dans le sacrement. Son erreur était de citer un texte où il n'est pas question de la Sainte Cène. Ce n'est pas dans un texte de ce genre qu'il chercher la vérité sur ce sacrement.

Dans Matthieu 25:31-46, Jésus raconte ce qui se passera au jour du jugement dernier. Ce jour-là, il mettra à sa droite et sauvera ceux qui auront donné à manger à ceux qui avaient faim, à boire à ceux qui avaient soif, qui auront visité les prisonniers et accueilli les étrangers, tandis qu'il mettra les autres à sa gauche et les condamnera. Ce serait une grave erreur d'en conclure, comme le font certains, qu'on peut être sauvé sans connaître Jésus et croire en lui, qu'il suffit de faire du bien autour de soi pour obtenir le pardon des péchés et la vie éternelle. Ce texte, en effet, n'enseigne pas comment on obtient le pardon et le salut, mais affirme selon quels critères nous serons jugés. Ce n'est pas la même chose. La doctrine du pardon et du salut est enseignée dans d'autres textes que celui-là. Il ne faut donc pas la chercher ici, mais ailleurs.

Dans la parabole du serviteur impitoyable, le maître fit jeter son serviteur en prison "pour y être puni en attendant qu'il ait payé toute sa dette" (Matthieu 18:34). Il serait faux d'en déduire, comme l'ont fait des

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Inspiration théologiens catholiques, qu'il existe entre le paradis et l'enfer un troisième endroit appelé le purgatoire dans lequel on reste un certain temps pour y expier ses fautes, après quoi on en sort pour aller au paradis. L'enseignement de la Bible sur l'au-delà et le sort des défunts nous est donné dans d'autres textes que celui-là. Ce sont ces textes-là qu'il faut consulter pour savoir quel sort attend les morts.

11) Les textes difficiles de la Bible doivent être interprétés à la lumière des textes simples:

La Parole de Dieu est une lampe à nos pieds, une lumière sur notre sentier (Psaume 119:105), une "lampe qui brille dans un lieu obscur" (2 Pierre 1:19). Cependant, tous ceux qui connaissent la Bible savent qu'il existe des textes plus difficiles à comprendre que d'autres. L'apôtre Pierre écrit au sujet des épîtres de Paul : "Il y a, dans ses lettres, des passages difficiles à comprendre, et des gens ignorants et sans fermeté en déforment le sens, comme ils le font d'ailleurs avec d'autres

parties des Ecritures. Ils causent ainsi leur propre perte" (2 Pierre 3:16). C'est vrai en particulier de certains textes prophétiques qui annoncent tout ce qui se produira dans la suite des temps. Comment faut-il par exemple expliquer le texte qui annonce qu'un jour les peuples monteront sur la montagne du Seigneur, qu'il n'y aura plus de guerre, qu'on transformera les armes en outils agricoles (Esaïe 2:1-5)? Ou le texte selon lequel le loup vivra en compagnie de l'agneau, que la panthère se couchera avec le chevreau, que le lion mangera de l'herbe et que le petit enfant jouera avec les serpents (Esaïe 11:1- 10)? Ces textes sont-ils à prendre au sens littéral ou utilisent-ils des images? Décrivent-ils le monde d'aujourd'hui, le monde tel qu'il sera un jour ou le nouveau monde que Dieu créera dans l'éternité, c'est-à-dire le paradis céleste? Pour bien comprendre ces textes, sans risque de se tromper, il faut les étudier à la lumière de textes plus faciles.

Comment faut-il comprendre certains textes particulièrement difficiles de l'Apocalypse? Le

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Inspiration texte par exemple où on nous dit que le dragon poursuivit la femme qui allait enfanter pour dévorer l'enfant qu'elle allait mettre au monde (Apocalypse 12)? Ou comment interpréter Apocalypse 7:71-8? Faut-il en conclure que seuls 144.000 hommes seront sauvés? Ce sont des textes difficiles dont l'interprétation est délicate et exige beaucoup de prudence. Il faut les expliquer à la lumière de textes plus faciles à comprendre.

12) Pour bien interpréter un texte, il faut tenir compte du genre littéraire auquel il appartient :

Il existe dans le domaine littéraire une multitude de genres différents : des récits historiques qui racontent des événements du passé, des codes civils ou pénaux qui contiennent des lois et prévoient les châtiments à infliger aux transgresseurs, des romans qui mettent en scène des personnages fictifs et racontent des faits imaginaires, des poèmes dans lesquels des gens qui sont de vrais artistes de la langue expriment de façon imagée leurs

sentiments et leurs émotions, des contes et des légendes, des petites histoires qu'on se raconte pour illustrer une réalité de la vie de tous les jours ou pour se distraire, etc. Cela existe dans pratiquement toutes les civilisations du monde.

Il en va de même de la Bible. Elle contient des textes qui appartiennent à des genres littéraires très différents les uns des autres. Voici les principaux :

a) Récits historiques :

Prenons par exemple le récit de la transfiguration du Christ dans Matthieu 17:1-9. Voilà un texte qui raconte l'expérience que vécurent les apôtres Pierre, Jacques et Jean quand ils accompagnèrent Jésus au sommet d'une montagne, qu'ils le virent dans toute sa majesté et entendirent la voix de Dieu qui disait que c'était son Fils bien-aimé. Ce n'est ni un poème, ni un conte, ni une parabole, mais le récit de quelque chose qui s'est produit tel que l'évangéliste nous le raconte, et il n'existe aucune raison de douter de l'événement. Chaque mot est à

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Inspiration prendre dans son sens littéral. Il en va de même des récits de la naissance, de la passion, de la mort, de la résurrection ou de l'ascension du Christ. Ou de tant de récits de l'Ancien comme du Nouveau Testament, comme le passage de la Mer Rouge, la traversée du désert, l'entrée dans le pays de Canaan, les conquêtes du roi David, la construction du temple par Salomon, la déportation à Babylone, le retour des exilés en Palestine, la naissance de Jean-Baptiste, le baptême et le ministère du Christ, la conversion de l'apôtre Paul, etc.

Nous considérons, bien sûr, comme historiques les récits de miracles de la Bible. Cela signifie qu'ils racontent les miracles tels qu'ils ont été accomplis par le Christ, les prophètes et les apôtres. Nous insistons là-dessus, car bien des théologiens rangent les récits de miracles dans un genre littéraire particulier et considèrent qu'ils ne rapportent pas nécessairement les choses telles qu'elles se sont déroulées, mais qu'ils contiennent des éléments légendaires.

Qu'en est-il des chapitres qui nous racontent la création du monde? Ils nous disent comment Dieu créa le ciel et la terre, les plantes, les animaux et le premier couple d'hommes. Et ils le racontent de la façon voulue par Dieu. C'est ainsi que le Seigneur a voulu que nous soit raconté le plus grandiose des miracles, la création de l'univers à partir de rien. Nous sommes donc liés à ce que nous dit ce texte. Cependant ce n'est pas un récit historique dans le sens habituel du terme, puisqu'il n'y a pas eu de témoin des faits et que Moïse qui nous a légué ce texte n'a pas vu de ses propres yeux ce qu'il raconte et a peut-être, sous l'inspiration du Saint-Esprit, utilisé un matériel littéraire existant tel que des tablettes qu'on se passait de génération en génération dans les familles des patriarches, ou bien puisé dans la tradition orale. Quand un prophète de Dieu plonge son regard inspiré dans le passé ou dans l'avenir et raconte ce qu'il n'a pas vécu et qu'il ne vivra pas personnellement, on a l'habitude de dire qu'il prophétise. Il est sans doute pour cette raison permis de dire que le récit de la

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Inspiration création est un texte prophétique comme sont prophétiques les pages de la Bible qui annoncent le retour du Christ et la fin du monde. Elles relatent des faits réels, mais le font dans un style prophétique. Voilà pourquoi le récit biblique de la création est fondamentalement différent d'un rapport scientifique.

b) Textes doctrinaux :

Ce sont des textes qui enseignent des doctrines et les exposent dans le détail. Ils expliquent des vérités qui font partie de la foi chrétienne. On les trouve essentiellement dans le Nouveau Testament, dans le Sermon sur la montagne (Matthieu 5-7), dans les chapitres de l'évangile de Jean qui rapportent des discours du Christ (Jean 5-10), et surtout dans les épîtres des apôtres. Ce sont des textes très importants, car c'est sur eux que l'Eglise fonde l'essentiel de son enseignement. Il s'agit donc de bien les comprendre. Pour cela, il faut les analyser avec soin, déterminer le sens précis de chaque mot, pour bien

comprendre leur message ainsi que le lien qui existe entre chaque doctrine.

Quand l'apôtre Paul fait un exposé doctrinal sur le péché originel, la rédemption, la conversion, la justification par la foi ou la résurrection des morts, il est indispensable de déterminer dans quel sens il utilise ces mots et comment il les définit. Chaque terme employé, chaque précision apportée est d'une importance capitale.

c) Textes législatifs :

Il s'agit des lois promulguées dans la Bible. Elles sont nombreuses et n'ont pas toutes la même portée. Certaines prescriptions définissent le bien et dénoncent le mal. Elles constituent ce qu'on a l'habitude d'appeler la loi morale, car elles concernent la conduite de l'homme face à Dieu et au prochain et les mobiles qui doivent dicter son comportement, dont le plus important est l'amour. C'est le cas des dix Commandements qui nous ordonnent d'aimer Dieu de tout notre coeur et de toutes nos

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Inspiration forces, et le prochain comme nous-mêmes. Comme ce qui est bon ou mauvais aux yeux de Dieu restera toujours bon ou mauvais, la loi morale a une valeur permanente et s'adresse à tous les hommes du monde.

Mais il existe aussi des règles qui régissent la vie en collectivité dans la famille, le village ou la nation, ainsi que le travail ou l'alimentation. Ce sont des lois sociales, civiles, hygiéniques ou rituelles. Les règles qui régissent la vie en France ou en Amérique ne sont pas nécessairement identiques à celles qui ont cours en Afrique ou ailleurs dans le monde. Chaque peuple possède en effet sa culture propre et se donne les règles qu'il juge les plus appropriées. Dieu n'a pas seulement donné au peuple d'Israël sa loi morale, mais aussi tout un ensemble de règles sociales. Quand des juifs contractaient certaines maladies, ils étaient considérés comme impurs. De même, quand ils touchaient un cadavre ou du sang. Il existait des lois sur le patrimoine ou sur la façon de traiter les esclaves, des règles

qui régissaient le divorce, une loi interdisant d'atteler à la même charrue un âne et un boeuf (Deutéronome 22:10). Une autre interdisait aux moissonneurs de repasser dans le champ pour couper ce qu'ils avaient oublié, car c'était réservé aux veuves et aux pauvres (Deutéronome 24:19). Il était interdit de porter des vêtements tissés de fils différents comme le lin et la laine (Deutéronome 22:11). Certains aliments étaient considérés comme impurs et interdits à la consommation (Lévitique 11:4).

A cela, il faut ajouter de nombreuses lois régissant le culte et la vie religieuse, les différents sacrifices, les fêtes et les pèlerinages. Toutes ces lois sociales, sanitaires, rituelles ou religieuses étaient données uniquement au peuple d'Israël. C'est pourquoi elles ne sont pas reprises dans le Nouveau Testament et ne sont plus en vigueur de nos jours. Il est important de faire la différence entre ce qui est universel et ce qui était limité au peuple de l'ancienne alliance, ce qui est éternellement valable et ce qui est périmé parce qu'aboli dans la

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Inspiration nouvelle alliance. Cela pour ne pas imposer aux chrétiens un joug dont Jésus-Christ les a délivrés, comme voulaient le faire les faux docteurs qui voulaient imposer aux chrétiens l'observance du sabbat et enseignaient qu'il fallait circoncire les païens avant de les admettre dans l'Eglise chrétienne, et contre qui l'apôtre Paul a dû lutter si farouchement dans l'épître aux Galates.

d) Livres poétiques :

L'Ancien Testament contient un certain nombre de livre poétiques comme le psautier, Job, le Cantique des cantiques, sans parler de la plupart des oracles des prophètes. Un poème ne s'interprète pas de la même façon qu'un récit historique ou un texte législatif. On sait qu'il recourt à des tournures particulières, qu'il utilise des images et emploie des mots dans un sens métaphorique. Les psaumes sont des poèmes de ce genre. Le Psaume 104, par exemple, raconte comment le Seigneur a créé l'univers et gouverne le monde. Il ne le fait pas à la façon d'un historien et

encore moins à la manière d'un savant, mais comme seul un poète peut le faire. Quand le psalmiste décrit l'homme pieux comme il le fait dans le Psaume 1 ou qu'il s'écrie dans le Psaume 148 : "Depuis la terre, glorifiez le Seigneur, glorifiez-le, océans et monstres marins. Et vous aussi, feu et grêle, neige et brouillard, vent de tempête soumis à sa parole. Glorifiez-le, montagnes et collines, arbres fruitiers et tous les cèdres, animaux sauvages ou domestiques, oiseaux et reptiles" (Psaume 148:7-10), il fait de la poésie. Ces expressions ne sont pas à prendre au sens propre. C'est vrai aussi quand le prophète Esaïe invite le ciel et la terre à être les témoins de l'impiété d'Israël (Esaïe 1:2) ou que le prophète Ezéchiel raconte comment Dieu a eu pitié de son peuple comme un homme a pitié d'une fille délaissée, prend soin d'elle et l'épouse (Ezéchiel 16:1-14). L'interprétation de poèmes n'obéit pas aux mêmes règles que celle d'autres textes. Il faut en tenir compte quand on interprète la poésie biblique.

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Inspiration e) Textes prophétiques :

On trouve dans les textes prophétiques des discours semblables à ceux des apôtres dans leurs épîtres, mais on y découvre aussi des oracles, des visions, des éléments poétiques et symboliques. Un jour, Dieu demanda au prophète Jérémie de s'acheter une ceinture de cuir, de la porter un certain temps puis de la cacher dans la fente d'un rocher, près d'une rivière. C'est ce qu'il fit. Plus tard il alla la rechercher, et voici elle était pourrie. Dieu le chargea d'aller la montrer à Israël et de lui expliquer qu'il avait porté son peuple comme un homme porte une ceinture, mais que son peuple s'est pourri à force de lui désobéir (Jérémie 13:1-11). Il demanda au prophète Osée d'épouser une prostituée pour montrer au peuple d'Israël qu'il se comportait comme une prostituée en abandonnant son Dieu et en servant les divinités païennes. Dans une grande vision, Dieu révèle au prophète Ezéchiel qu'il ressuscitera son peuple comme ressuscitent des morts, pour le faire retourner dans sa patrie (Ezéchiel 37:1-14).

Daniel eut lui aussi des visions troublantes : des bêtes étranges lui apparurent, symbolisant les puissances qui opprimeraient le peuple de Dieu. On trouve des tableaux analogues dans l'Apocalypse.

Quand on étudie des textes de ce genre, il convient de déterminer si les prophéties en question se sont accomplies depuis longtemps, si elles sont en train de s'accomplir ou si leur accomplissement n'a pas encore eu lieu. Le prophète Esaïe écrit : "Un jour, la colline du temple dominera les montagnes, elle sera la plus haute. Alors toutes les nations afflueront vers elle. Beaucoup de peuples s'y rendront et diront : En route! Montons à la montagne du Seigneur, à la maison du Dieu de Jacob. Il nous enseignera ce qu'il attend de nous, et nous suivrons le chemin qu'il nous trace" (Esaïe 2:2.3). Qu'est-ce qu'annonce ce texte? Que les peuples du monde se tourneront vers le Dieu d'Israël et se rendront en esprit à Jérusalem pour l'adorer et entendre sa Parole, ou qu'un jour les peuples de ce monde iront littéralement

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Inspiration en Palestine pour y adorer le Christ venu instaurer un règne de gloire et de paix? Autrement dit, cette prophétie est-elle en train de s'accomplir par la conversion des païens, ou attend-elle encore son accomplissement? Quand les prophètes annoncent le jugement de Dieu 54, songent-ils au jugement qui frappa Israël quand il dut partir en exil au VIº siècle avant J.-C., au jugement par lequel Jérusalem fut détruite en l'an 70 ou au jugement dernier? Ou se pourrait-il qu'ils songent aux trois à la fois?

Concernant les prophéties messianiques, il faut savoir aussi qu'il existe des prophéties rectilignes ou directes qui ont trouvé leur accomplissement dans le Messie et rien qu'en lui, et des prophéties à accomplissement multiple. Esaïe 53 est une prophétie messianique rectiligne. A la question que l'eunuque d'Ethiopie adressa à l'évangéliste Philippe : "Dis-moi, je t'en prie, de qui le prophète parle-t- il ainsi? Est-ce de lui-même ou de quelqu'un d'autre?" (Actes 8:34), il n'y a qu'une réponse. Dans ce texte, il ne peut

être question que du Messie. Aucun autre homme n'a jamais été frappé et puni par Dieu pour les péchés des autres. Il est clair aussi que l'homme dont la mission est décrite dans Esaïe 61:1.2 ne peut être que Jésus qui affirme que cette prophétie s'est accomplie en lui (Luc 4:16-21). Cf. encore Psaume 22; Esaïe 7:14; 9:5.6; 53:1-12; Zacharie 9:9.10. Ce sont des prédictions messianiques rectilignes. Dans tous ces textes, il est directement question du Christ et rien que de lui.

Mais il existe aussi des prophéties typologiques à accomplissements multiples. Elles trouvent un premier accomplissement dans un personnage de l'histoire d'Israël, un roi par exemple comme David, Salomon ou Ezékias, qui par son règne préfigure le Christ, et un accomplissement ultime et définitif en Christ lui-même. C'est le cas, par exemple, de 2 Samuel 7:4-17 qui a trouvé un premier accomplissement en Salomon, le fils de David, et son accomplissement ultime en Christ, le Fils de David par excellence 55.

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Inspiration Il faut savoir enfin que les prophètes décrivent bien souvent le ministère du Messie en employant un vocabulaire militaire (Psaume 45:4; Apocalypse 2:26.27; 12:5) ou bien les bénédictions spirituelles qu'il viendra apporter aux hommes en utilisant un langage matériel, en parlant de pain et d'eau, d'abondance et de paix (Esaïe 2:1-5; 55:1.2). Si on ne tient pas compte de cela, on comprend mal ces textes et encourage les chrétiens à rêver d'un âge d'or dans ce monde, d'un paradis terrestre. Cette erreur est à la base du millénialisme.

f) Textes apocalyptiques :

Le style apocalyptique est une variante du discours prophétique. Il décrit la fin des temps et le fait à l'aide de visions, de tableaux riches en symbolisme. Interpréter ses images et ses nombres littéralement, c'est passer entièrement à côté de l'esprit du texte et ne pas lui rendre justice.

Il arrive souvent que lorsqu'ils prédisent ce qui aura lieu à la fin des temps, les prophètes s'expriment sans perspective, sans doute parce qu'ils ne la percevaient pas eux-mêmes. C'est de la géométrie plane, par opposition à la géométrie dans l'espace. Ils voyaient parfois sur un même plan des événements qui se succédèrent dans le temps et que séparaient souvent de nombreux siècles. Par exemple, la prise de Jérusalem par Nebucadnetsar en 587/86 avant J.-C., sa destruction par les Romains en l'an 70 de notre ère et la fin du monde. Ou bien le retour des captifs à Jérusalem et l'entrée dans l'Eglise chrétienne des juifs et des païens croyants. Ces différents tableaux annonçant des événements distants dans le temps se télescopent souvent en une prédiction unique. Même Jésus dans sa description des derniers temps, dans Matthieu 24, ne distingue pas toujours entre l'annonce du jugement qui allait frapper Jérusalem et celle du jugement final. L'échelle du temps dont Dieu se sert quand il parle par les prophètes ou par le visionnaire Jean dans

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Inspiration l'Apocalypse tend à rétrécir, à estomper voire à supprimer les perspectives. C'est ce qui permettait à Jésus de dire, il y a deux mille ans de cela, et sans que ce soit une boutade: "Voici, je viens bientôt". C'est pourquoi, les visions de l'Apocalypse ne sont pas à prendre nécessairement comme une suite chronologique d'événements.

Les textes apocalyptiques sont des textes difficiles. Il faut donc les interpréter à la lumière des textes simples, plus faciles à comprendre, et éviter de leur faire dire tout ce qui serait contraire à ce que la Bible enseigne par ailleurs.

g) Paraboles :

Jésus prêchait beaucoup en paraboles, mais les prophètes l'avaient déjà fait avant lui (2 Samuel 12: 1-7; Psaume 23; Esaïe 5:1-7; Ezéchiel 16:1-14). On appelle "parabole" une image empruntée à la vie de tous les jours destinée à illustrer une vérité du Royaume de Dieu. C'est ainsi que celui-ci est

comparé à un cultivateur qui ensemence son champ, à des pêcheurs qui pêchent et trient les poissons, à un festin de noces auquel sont invités les hommes, à un boulanger qui met de la levure dans sa pâte pour la faire lever, à un homme qui trouve un trésor et vend tout ce qu'il a pour l'obtenir. Jésus se compare lui-même à un berger qui prend soin de son troupeau. Ou bien à un berger qui va à la recherche de la brebis perdue jusqu'à ce qu'il l'ait retrouvée, ou encore à une femme qui a perdu une pièce de monnaie et qui fouille sa maison jusqu'à ce qu'elle l'ait trouvée. Le peuple d'Israël est comparé à un figuier qui ne porte pas de fruit, les chefs du peuple à des vignerons qui tuent les serviteurs et le fils de leur maître, etc.

Une parabole contient toujours un message, veut toujours illustrer une vérité précise. C'est ce message, cette vérité qu'il faut dégager du texte. On appelle cela trouver le point de comparaison. Beaucoup de détails, par contre, n'expriment pas de vérité particulière et ne sont là que pour les besoins de la

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Inspiration cause, pour rendre la parabole vivante et éloquente. Il faut donc éviter de leur chercher un sens particulier. La parabole du festin de mariage (Matthieu 22:1-14) n'enseigne pas qu'il faut être bien habillé pour aller au ciel. La parabole des dix vierges dont cinq étaient sages et cinq folles (Matthieu 25:1-13) ne signifie pas que sur dix hommes cinq seront sauvés. La parabole de la brebis perdue (Luc 15:4-7) n'affirme pas que pour aller chercher ceux qui s'éloignent de lui et se perdent, Jésus laisse seuls et abandonne ceux qui lui sont fidèles. Celle des ouvriers embauchés à des heures différentes (Matthieu 20:1-16) n'entend pas nier que Dieu, dans sa grâce, accordera des récompenses particulières à ceux qui auront beaucoup souffert pour lui et peut-être même subi le martyre. La parabole du mauvais riche et du pauvre Lazare (Luc 16:19-31) n'enseigne pas qu'on va en enfer quand on est riche et au ciel quand on est pauvre. La parabole du gérant habile (Luc 16:1-9) ne nous invite pas à tricher et à voler notre patron pour nous faire des amis. Ce qui importe,

c'est la leçon qu'une parabole est chargée de donner. C'est elle qu'il faut dégager et expliquer, sans faire dire à la parabole des choses qu'en fait elle ne veut pas dire.

h) Maximes :

C'est le dernier genre littéraire que nous mentionnerons dans cette étude. La maxime est une figure de style qui recourt volontiers à l'exagération ou l'hyperbole pour inculquer une vérité, un principe valable dans le Royaume de Dieu. Dans Luc 14:26, Jésus nous dit que si nous ne haïssons pas notre père, notre mère, notre femme, nos enfants et nos frères et soeurs, nous ne pouvons pas être ses disciples. C'est du moins ce qu'on peut lire dans la Bible de Segond. Il est vrai que la Bible en Français Courant a considérablement adouci le sens de la phrase. Dans Matthieu 5:39, le Christ nous demande de tendre la joue gauche à celui qui nous a frappés sur la joue droite, et dans Matthieu 5:40, il nous ordonne de donner notre manteau à celui qui veut nous prendre la chemise. Il nous conseille dans

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Inspiration Matthieu 5:29.30 de nous arracher l'oeil s'il est pour nous une occasion de chute, et de nous couper la main droite si elle veut nous inciter à pécher. Dans Matthieu 19:23.24, il déclare qu'il est plus facile à un chameau de passer par le trou d'une aiguille qu'à un riche d'entrer dans le Royaume de Dieu. Il est clair que ces textes ne sont pas à prendre au pied de la lettre. Il y a pour le chrétien d'autres solutions que de se mutiler pour résister au péché. Mais Jésus veut faire passer un message important : nous ne pouvons pas être ses disciples s'il est n'est pas notre seul Maître, si nous ne sommes pas prêts, en cas de besoin, à tout sacrifier pour pouvoir le suivre. Nous ne pouvons pas non plus entrer dans le Royaume de Dieu si nous ne faisons pas tout pour résister au mal.

Nous avons montré dans cette présentation des règles d'interprétation de la Bible qu'elle est un livre humain écrit par des hommes, qu'il convient donc de l'interpréter selon les règles qui gouvernent toute analyse et explication d'un texte littéraire. Nous avons montré aussi qu'elle est

la Parole de Dieu, qu'à ce titre elle échappe à toute critique visant à remettre en question ses affirmations et que son interprétation obéit à des règles particulières. Nous terminerons cette étude en répondant à la question suivante :

Faut-il être un croyant, un homme régénéré par le Saint-Esprit pour comprendre la Bible et l'interpréter légitimement?

Aucun livre obscur et abstrait ne saurait jouer le rôle que Dieu assigne à l'Ecriture Sainte, celui d'être la source et la norme de la doctrine et de révéler le salut réalisé en Jésus-Christ et obtenu par la foi en lui. Pour pouvoir être et faire cela, il faut que la Bible soit claire. La théologie luthérienne insiste beaucoup sur la clarté de l'Ecriture Sainte. Cela signifiait aussi pour les Réformateurs et les auteurs des Confessions de l'Eglise luthérienne que le croyant n'a pas besoin du magistère doctrinal de l'Eglise pour comprendre son message. Luther appelait cela sa clarté extérieure : toutes les vérités que Dieu révèle dans la Bible y sont révélées dans une langue simple,

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Inspiration facile à comprendre, et en un vocabulaire accessible à tous. Il n'est donc pas a priori indispensable d'être un croyant éclairé par le Saint-Esprit pour comprendre ses textes. Cependant, Jésus dit que nul ne peut venir à lui si le Père céleste ne l'attire (Jean 6:44). Selon saint Paul, nul ne peut dire que Jésus est Seigneur si ce n'est par le Saint- Esprit (1 Corinthiens 12:3), le Christ crucifié est scandale et folie (1 Corinthiens 1:18.23), et ce sont là des choses que l'homme n'a ni vues ni entendues et qui ne sont pas montées dans son coeur (1 Corinthiens 2:9), des choses qu'on ne comprend pas si on n'a pas l'Esprit de Dieu (1 Corinthiens 2:14).

Il existe une clarté extérieure de la Bible, accessible à tous. Mais il existe aussi une clarté intérieure qu'elle ne possède que pour ceux qui sont éclairés par le Saint-Esprit. Comprendre les phrases et les textes de l'Ecriture est une chose. Se les approprier intérieurement, confesser qu'on est un pécheur, mais confesser aussi que Jésus est notre Sauveur parce que nous l'avons

expérimenté personnellement et que cette certitude s'est emparée de notre coeur, en est une autre. La responsabilité pour la compréhension de la Bible n'incombe pas à la Bible elle-même, mais à l'homme. L'intelligence et le coeur de l'homme sont obscurcis par le péché. Les ressources intellectuelles dont il dispose par nature ne suffisent donc pas pour saisir la clarté intérieure de la Bible. L'homme ne peut intérioriser ce qu'elle dit de Jésus-Christ que par la puissance du Saint-Esprit. Cela signifie que toute la science théologique ne suffit pas pour pénétrer les profondeurs du message divin, si le Saint-Esprit n'est pas là pour sanctifier l'érudition de l'interprète.

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Tout ce qui vient d'être dit de l'Ecriture Sainte, de son origine et de son autorité, de son contenu et de son interprétation atteint son point culminant dans l'affirmation que le but ultime de toute activité théologique et en particulier de l'exégèse est de faire connaître à l'Eglise et au monde entier la Bonne Nouvelle du salut en Jésus-Christ et de rendre ainsi toute gloire à Dieu.

Notes:

47 Traduction de Segond.

48 W2 XX, 2103.

49 W2 XX, 775.

50 Formule de Concorde, Epitome, 1.7, in La Foi des Eglises Luthériennes, p. 421.422.

51 Formule de Concorde, Solida Declaratio, Sommaire, fondement, règle et norme de la doctrine, in La Foi des Eglises Luthériennes, p. 449.

52 En latin on appelle cela les «sedes doctrinae».

53 Traduction de L. Segond.

54 Cf. par exemple Esaïe 22:1-14; 24:1--13; Jérémie 4:1-31.

55 Cf. encore Jérémie 31:15 / Matthieu 2:17.18, ou Osée 11:1 / Matthieu 2:15.

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