L'économie collaborative: les prémices d'une refonte...

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1 Projet de fin d’études EMLYON Décembre 2016 L'économie collaborative: les prémices d'une refonte profonde des systèmes économiques vers une désintermédiation totale par le blockchain? Oriane AUGE Aude CLERC Meyssane FAKIR

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Projet de fin d’études

EMLYON

Décembre 2016

L'économie collaborative: les prémices d'une refonte profonde des systèmes

économiques vers une désintermédiation totale par le blockchain?

Oriane AUGE Aude CLERC

Meyssane FAKIR

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INTRODUCTION

I. PRESENTATION DES NOTIONS D’ECONOMIE COLLABORATIVE ET DE BLOCKCHAIN .................................................................................................................................................... 5

1. L’ÉCONOMIE COLLABORATIVE........................................................................................................ 5

A. DÉFINITIONS ET CONCEPTS CLÉS ..................................................................................... 5

B. LES CARACTÉRISTIQUES DE L’ÉCONOMIE COLLABORATIVE : LES TRAVAUX DE RACHEL BOTSMAN ET ROO ROGERS...................................................................................... 8

C. LES CHIFFRES CLES DE L’ECONOMIE COLLABORATIVE ....................................... 11

D. LES SECTEURS CLES DE L’ECONOMIE COLLABORATIVE ...................................... 12

2. LA BLOCKCHAIN .............................................................................................................................. 21

A. ORIGINES ET MECANISME.................................................................................................. 21

B. LE FONCTIONNEMENT DE LA BLOCKCHAIN .............................................................. 25

C. LA BLOCKCHAIN, UNE REVOLUTION TRANSACTIONELLE................................... 27

II. LA RENCONTRE FRUCTUEUSE ENTRE L’ECONOMIE COLLABORATIVE ET LA BLOCKCHAIN ................................................................................................................................................. 30

1. LES DIFFÉRENTES APPLICATIONS DE LA BLOCKCHAIN ............................................... 30

A. L’APPLICATION DIRECTE DE LA BLOCKCHAIN : LE BITCOIN ............................. 30

B. UN APERÇU DES AUTRES APPLICATIONS DE LA BLOCKCHAIN ......................... 38

C. LES PROFONDS IMPACTS DE LA BLOCKCHAIN ......................................................... 42

2. LES ENJEUX DE LA BLOCKCHAIN SUR L’ECONOMIE COLLABORATIVE ................... 46

A. LES IMPACTS DE LA BLOCKCHAIN SUR L’ECONOMIE COLLABORATIVE ....... 46

B. LES INITIATIVES DEJA EXISTANTES .............................................................................. 47

C. QUEL DEVENIR POUR LA BLOCKCHAIN ? .................................................................... 51

III. DES PROBLEMATIQUES FONDATRICES ENTRE PERSPECTIVES ET DANGERS POTENTIELS ................................................................................................................................................... 53

1. UNE FORCE DE FRAPPE DE LA BLOCKCHAIN DIFFERENCIEE ..................................... 53

A. UNE DIFFERENTIATION SECTORIELLE ........................................................................ 53

B. UNE DIFFERENTIATION GEOPOLITIQUE ..................................................................... 58

2. LE REVERS DE LA MEDAILLE : ANALYSE DES CRITIQUES SUR L’INSECURITE ET L’ILLEGALITE GENEREES PAR LA TECHNOLOGIE ..................................................................... 67

A. ANONYMAT ET PSEUDONYMAT ...................................................................................... 67

B. LES FAILLES DU SYSTEME .................................................................................................. 70

3. LA REMISE EN QUESTION DES POUVOIRS PUBLICS ........................................................ 73

A. L’ETAT POLICIER ET SECURITAIRE ................................................................................ 74

B. LES REGULATEURS FINANCIERS ..................................................................................... 75

C. L’ALLIANCE DE L’ETAT A LA BLOCKCHAIN : LA CLEF DU SUCCES ? ................ 81

CONCLUSION

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INTRODUCTION

Nous sommes trois étudiantes de l’EMLYON, qui entrons dans une période charnière de notre vie de jeune adulte : nous nous apprêtons à quitter la vie étudiante pour rentrer dans la vie active. On peut facilement imaginer les bouleversements que cela peut impliquer...

Tout d’abord nous quittons notre appartement en colocation que nous avions depuis déjà

trois ans. N’ayant pas besoin de nos meubles pour la suite et étant dans l’obligation de libérer les lieux avant la fin du mois de juin, nous décidons donc de mettre l’intégralité de nos objets (électroménager, électronique, mobilier) en vente sur Le Bon Coin. Rapidement nous nous

rendons compte que tous nos biens trouvent preneur et les allées et venues s’enchainent pour venir les récupérer. Ce déménagement c’est aussi l’occasion de faire un grand tri dans notre garde de robe, nous mettons les habits dont nous ne nous servons plus en vente sur le site videdressing.com.

A l’heure du départ, nous prenons des routes différentes pour rejoindre nos familles dans les quatre coins de la France mais nous voyageons toutes avec le même système, économiquement imbattable : le covoiturage. La plateforme BlaBlaCar facilite tous nos trajets :

tandis que certaines sont conductrices, d’autres sont simplement passagères ; mais tout le monde finit par arriver à bon port ! Fort heureusement, ce n’est qu’un au revoir car nous nous retrouverons dans quelques semaines pour partir en voyage en Croatie toutes ensemble.

De retour au domicile familial, il est maintenant l’heure de trouver un petit travail d’été

pour financer ces fameuses vacances au soleil. Sans plus attendre, nous nous inscrivons sur un site recommandé par un ami : Youpijob, une plateforme de services entre particuliers. Grâce à nos

emplois du temps flexibles, nous trouvons rapidement plusieurs petites missions qui correspondent à nos compétences : Meyssane va donner des cours à des lycéens pour les aider à préparer le Baccalauréat, Aude va aider des personnes âgées de son quartier à déménager tandis

qu’Oriane va garder les animaux domestiques d’une famille voisine partie en voyage à l’étranger. Les semaines passent et il est déjà l’heure de toutes se retrouver pour partir en vacances !

Malheureusement, au moment de réserver nos billets de train pour Paris, le lieu de départ direction Split, l’addition est salée : même avec nos cartes de réduction (Carte Jeune 12-25 ans), les billets sont à 90 euros ! Par chance nous trouvons rapidement des billets d’occasion sur le site Kelbillet. Nous atterrissons aux premières lueurs du matin en Croatie. Nous sommes

physiquement exténuées et décidons de commander un Uber afin d’arriver au plus vite à notre logement. Nous avons loué un charmant appartement de trois pièces en plein centre ville, réservé quelques semaines auparavant sur Airbnb. Le propriétaire nous attend sur le pas de la porte et

nous donne toutes les indications et conseils pour passer le meilleur séjour possible. Entre autres, il nous apprend qu’un gigantesque festival de musique à lieu dans deux jours dans une île voisine, nous nous rendons sur le site officiel mais les places sont déjà toutes vendues. Par chance, nous trouvons quatre places à revendre sur Ticketswap.

Le retour à la réalité se fait sentir quand l’un de nos amis nous sollicite pour l’aider à

financer son projet entrepreneurial via la plateforme de financement participatif Ulule. Il est

maintenant l’heure pour nous de retrouver des logements dans les villes où nous allons respectivement travailler, rapidement nous trouvons des places qui se libèrent dans des colocations existantes sur le site Weroom.

Notre façon de vivre et de consommer nous semble évidente et innée cependant la plupart

des services mentionnés plus haut n’existaient pas il y à peine cinq ans. Ils font tous partie de l’économie collaborative, cette même économie qui a été nommée dans les dix idées qui vont changer le monde selon le Times : « Today’s Smart Choice : Don’t Own It. Share ». Mais l’économie

collaborative, qui se reflète dans notre mode de consommation, est-elle la manifestation ou le symptôme d’une modification plus profonde de la manière même de produire des biens et des

5

services ? Cet esprit collaboratif qui se présente à nous depuis quelques années sous la forme d’une multitude de plateformes collaboratives grand public apparaît-il sous d’autres formes et marque-t-il une révolution au-delà des modes de consommation ?

C’est ce que nous nous proposons d’étudier dans ce projet de fin d’études. Partant de l’économie collaborative telle qu’elle se manifeste dans notre vie de tous les jours, nous cherchons les formes les plus brutes et les plus aigües de cette économie collaborative et dans cette réflexion nous nous intéressons à la technologie blockchain en tant que technologie collaborative par

excellence. Nous étudions comment la blockchain, de par sa nature même et par ses applications,

donne naissance à une économie désintermédiée à l’extrême, point d’orgue de l’économie collaborative telle que nous la connaissons jusqu’à présent. Nous nous poserons des questions de définitions dans un premier temps afin de comprendre tous les concepts en jeu dans le monde collaboratif qui nous entoure. Puis nous analyserons ce monde qui se transforme plus précisément, en nous arrêtant sur les nouvelles possibilités qu’il offre et les conséquences liées.

I. PRESENTATION DES NOTIONS D’ECONOMIE COLLABORATIVE ET DE BLOCKCHAIN

1. L’ÉCONOMIE COLLABORATIVE

A travers notre expérience personnelle, nous distinguons une mégatendance : l’économie

collaborative. Il s’agit d’un modèle économique basé sur l’échange de produits et services entre

particuliers (de pair à pair). Cette tendance est en train de transformer la relation entre acheteur et vendeur en allant à priori vers une désintermédiation croissante qui met le particulier à la fois dans le rôle d’acheteur que dans le rôle de vendeur. L’économie collaborative met en effet en

contact directement les individus à travers des outils digitaux, sans avoir recours aux intermédiaires traditionnels (banques, assurances, plateformes électroniques, grands groupes multinationaux).

A. DÉFINITIONS ET CONCEPTS CLÉS

a. Les origines de l’économie collaborative

L’économie du partage n’est pas un nouveau concept. La notion de « biens mis en

commun » date du Moyen-Âge, période où les paysans cultivaient, tous ensemble, des terres communes, selon des règles prédéfinies, pour tirer profit de la terre et de ses ressources de manière collective.

Pour autant, ce modèle connaît un véritable essor à travers les mouvements de contre-culture apparus dans les années 1970-1980 aux Etats-Unis. Leur lutte consistait à créer un nouveau schéma sociétal, plus horizontal et communautaire, dénonciateur d’un hyper-consumérisme aliénant, où le consommateur retrouvait une place centrale. C’est d’ailleurs à cette même époque que le terme « économie collaborative » a été mentionné pour la première fois, par Marcus Felson et Joe L. Spaeth 1 (professeurs de sociologie à l’université de Michigan) en référence à l’apparition du covoiturage, un mode de consommation collectif.

1 "Community Structure and Collaborative Consumption: A routine activity approach" publié en 1978 dans « The

American Behavioral Scientist »

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La révolution technologique a permis de transformer cette idéologie en opportunités économiques bien plus concrètes et à plus grande échelle : c’est la naissance en 1990, des premières plateformes digitales d’échange entre particuliers, avec en tête de file le site Internet

eBay. A ses origines, eBay était un site de ventes aux enchères de biens entre particuliers ; une idée qui nous semble tout a fait banale à l’heure actuelle, mais qui consistait en une vraie révolution à cette époque. En effet, eBay fût le premier site Internet à permettre la réalisation instantanée de transactions entre particuliers dans le monde entier. Un autre site se démarque à la

même époque (1995) : CraigsList, un site de petites annonces à destination des particuliers. Ces deux plateformes électroniques ont été les précurseurs d’une véritable révolution des modèles économiques: la naissance d’un système décentralisé qui annonçait l’émergence d’un nouveau mouvement, l’économie collaborative.

Ce phénomène a définitivement pris son envol suite à la crise financière et économique de 2007 qui a lourdement touché les pays développés : explosion du chômage, baisse du pouvoir d’achat, précarité économique, etc. Cette crise s’est vue accompagnée d’une profonde remise en question du système capitaliste existant. Ainsi, on constata l’apparition de nombreux groupes d’oppositions, que ce soit les Indignés (« Los Indignados ») en Espagne, ou le mouvement

« Occupy Wall Street » aux Etats-Unis, venus promouvoir un partage des richesses plus équitable. L’objectif sous-jacent est de permettre au consommateur de reprendre le contrôle en lui offrant une place d’acteur plutôt que de simple sujet soumis au dictat des prix et des publicités des

grandes multinationales. On parle alors d’« empowerment » ou encore de « consommacteur ».

C’est en 2010, que l’on arrive à mettre des mots sur ce phénomène, à travers les travaux

de Rachel Bostman et Roo Rogers2. Ces figures, aujourd’hui emblématiques dans la réflexion sur notre sujet, ont été à l’origine de la démocratisation de l’expression « économie collaborative » à

travers l’ouvrage What’s mine is yours : the rise of collaborative consumption. Cet ouvrage s’inscrit d’ailleurs parfaitement dans la continuité des mouvements de révolution enfantés par la crise économique : « Nous avons buté contre le mur. Ensemble, Mère nature et le marché ‘ont dit stop’ ! Nous savons maintenant que l’économie de l’hyperconsommation est un château de cartes », affirment les deux auteurs.

Ce cri du peuple couplé à l’arrivée de têtes pensantes ont progressivement conduit à l’émergence de nouvelles initiatives citoyennes basées sur l’échange, le partage voire le don. Ces initiatives se font directement entre particuliers, sans intermédiaire. Ce sont les prémices d’une véritable consommation collaborative. Par la suite, les nouvelles technologies et start-ups ont parfaitement su démocratiser ce phénomène pour développer tout azimut de nouvelles plateformes de connexion, applications mobiles et communautés d’utilisateurs. On est donc loin du monopole d’eBay des années 1990, et on se retrouve immergé dans un nouvel univers, celui

de l’économie collaborative, où les nouveaux maîtres du monde s’appellent Uber, Airbnb,

BlaBlaCar.

Ces dernières années, cette tendance n’a fait que se confirmer : comme le souligne J. Rifkin : nous assistons à une « transformation de la vie économique : du capital financier et de

l’échange de biens et services sur les marchés à un capital social and le partage de biens et services »3. Finalement, c’est ainsi qu’apparaît l’économie collaborative : un nouveau modèle économique qui bouleverse les paradigmes traditionnels et remet en cause le système capitaliste

existant. En effet, l’économie collaborative se fonde sur la création de valeur en commun. Pour

ce faire, elle s’organise en réseaux et communautés (à travers des plateformes internet

notamment), propose une production et distribution partagée de l’ensemble des biens et

services, fonctionne par un financement participatif et une éducation ouverte.

2 Botsman, R. et Rogers, R (2011), What’s Mine Is Yours : the rise of collaborative consumption, New York,

HarperCollins. 3 "The transformation of economic life from finance capital and the exchange of goods and services in markets to social

capital and the sharing of goods and services”, J. Rifkin publié en 2014 : « The zero marginal cost of society ». Palgrave

MacMillan.

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b. Les concepts de l’économie collaborative4

Il existe une variété de termes différents pour décrire ce phénomène : économie collaborative, consommation collaborative, économie du partage. On voit même parfois dans la presse, d’autres notions moins usitées comme économie circulaire, économie de fonctionnalité ou économie sociale et solidaire. Il nous semble donc indispensable de définir ces différents concepts avant de rentrer dans le vif du sujet.

Autour des ces différents termes, nous dénotons une idée commune : un nouveau modèle économique basé sur des valeurs de solidarité et de partage, qui tend à modifier en profondeur nos modes de vie (se loger, se déplacer, se financer, s’équiper, s’habiller, se divertir, se nourrir...). Pour autant, ces différents concepts sont loin d’être synonymes et il convient donc d’en définir certains termes pour délimiter le périmètre de notre étude.

> L’économie circulaire

Il s’agit d’un système de production durable basé sur un mode de consommation limité des

ressources, c’est l’antithèse même du gaspillage. Cela se traduit par le recyclage des déchets ou

encore une conception éco-responsable des produits. L’économie circulaire concerne autant les grands groupes et entreprises multinationales que les start-ups, PME et TPE. Orange, par exemple, cherche à optimiser l’usage des équipements de son périmètre (box, ordinateurs de ses salariés, téléphones, réseaux) par deux types d’actions : une conception durable des équipements en amont (rallongement de la durée de vie) et un recyclage efficace des déchets en aval. On peut aussi faire référence à la startup lyonnaise Cy-Clope, que l’on retrouve partout dans les locaux de l’EMLYON, qui s’occupe de la gestion des déchets des mégots de cigarettes, traités puis transformés en plastique.

> L’économie de fonctionnalité

C’est une économie qui privilégie l’usage à la possession ; c’est la vente de l’usage du bien plutôt que la vente de la propriété du bien directement. Par exemple, Michelin facture au consommateur

les kilomètres parcourus par les camions équipés de ses pneus au lieu de vendre directement les pneus. De la même manière, Xerox fait payer le nombre de photocopies plutôt que la vente ou la location des photocopieuses. On peut également évoquer JC Decaux qui met à disposition des vélos à louer plutôt qu’à acheter dans toutes les grandes villes de France (Vélib’ à Paris par exemple).

> L’économie sociale et solidaire (ESS) Cette économie regroupe l’ensemble des entreprises organisées en coopératives, mutuelles,

associations ou fondations répondant à un principe de solidarité et d’utilité sociale dans les domaines de la santé, l’emploi, l’environnement, l’éducation, etc. Nous pouvons faire référence ici à la Croix-Rouge, le réseau des ADMR (associations du service à domicile) ou encore l’APAJH (association pour adultes et jeunes handicapés).

Ainsi, pour la suite de notre étude, nous ne traiterons pas ces trois concepts qui sont, à notre sens, trop éloignés de la notion d’économie collaborative. A ce stade, il nous reste donc

trois autres concepts clés sur lesquels se pencher : les notions d’économie collaborative, de

consommation collaborative et d’économie du partage. Force est de constater que la différence entre ces nombreux termes n’est pas perçue par le

grand public et reste la chasse gardée d’un nombre limité d’experts. C’est pour dire, lorsque le Parlement européen parle d’économie du partage ; la Commission européenne, quant à elle, évoque une économie dite collaborative. Finalement, le rapport publié en juin dernier par le

4 Legros C. (2015) « Michel Bauwens : Uber et Airbnb n’ont rien à voir avec l’économie du partage », Les dossiers

d’Alternatives économiques, n°4, Novembre 2015 / Kretzschmar C. (2015) « Economie du partage, sociale ou collaborative : attention à la confusion », Les Echos, 14 Octobre 2015 / Thépot M. (2016), « L’économie collaborative

n’est pas sociale et solidaire », La Tribune, 8 Janvier 2016

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Ministère de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique analyse les « Enjeux et perspectives de la consommation collaborative ». Alors comment s’y retrouver entre tous ces termes techniques ?

Si l’on se tient à la définition du Parlement européen, l’économie du partage fait référence

uniquement aux transactions de particulier à particulier, sur des biens tangibles, impliquant une mise à disposition de ce bien (et non la vente). Au sens large, Internet parle aussi bien d’échange, d’achat groupé, de consommation commune, de propriété partagée, de crowdfunding, etc. La formulation en tant que telle pose également problème dans sa traduction. Sharing economy en anglais se traduit difficilement par économie du partage en français, mais fait bel et bien référence à l’économie collaborative. Face à ce fouillis conceptuel, nous avons décidé de nous concentrer sur les définitions proposées par Rachel Bostman et Roo Rogers 5 , les précurseurs d’un tel mouvement.

B. LES CARACTÉRISTIQUES DE L’ÉCONOMIE COLLABORATIVE :

LES TRAVAUX DE RACHEL BOTSMAN ET ROO ROGERS

a. Différentes versions de l’économie collaborative

Rachel Bosman propose d’étudier et de distinguer les trois concepts suivants, du plus restreint

au plus large : sharing economy, collaborative economy et collaborative consumption.

> Sharing economy

Sharing economy fait référence à un modèle économique fondé sur le partage de biens immobiliers et services, gratuitement ou non, directement entre individus, et généralement à

travers l’usage d’Internet. C’est le cas des plateformes de pair à pair (P2P marketplaces) telles que Airbnb, Uber ou BlaBlaCar. On peut également parler de peer economy.

> Collaborative economy

La collaborative economy concerne « l’ensemble des réseaux d’individus et de communautés

connectées, en opposition à des institutions centralisées, qui transforme la manière dont nous produisons, consommons, finançons et apprenons ». Ce concept inclut :

- La production collaborative : la création, production, distribution de biens à travers des réseaux collaboratifs (Fablabs, Techshop, Quirky).

- L’éducation collaborative : les modèles de connaissance collaborative et d’apprentissage de pair à pair (MOOC, Coursera, SkillShare).

- Le financement collaboratif : les modèles d’investissement et de financements entre

particuliers (Kickstarter, Ulule).

- La consommation collaborative : l’utilisation d’actifs à travers des modèles de redistribution partagée (Airbnb, Uber, BlablaCar).

Le schéma ci-dessous illustre les quatre composantes de l’économie collaborative selon Rachel Botsman.

5 Botsman, R. et Rogers, R (2011), What’s Mine Is Yours : the rise of collaborative consumption, New York,

HarperCollins.

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Source : http://rachelbotsman.com/work/the-sharing-economy-lacks-a-shared-definition-fastco-exist/

> Collaborative consumption

La collaborative consumption consiste en une réinvention des marchés économiques traditionnels et des comportements (location, vente, don, troc, échange) à travers la technologie. Ce concept s’applique à toutes les pratiques amenant les individus à collaborer et à se mettre en

réseau pour consommer différemment. Il s’agit de repenser non seulement ce que nous consommons mais également la manière de le consommer. Nous distinguons ainsi trois systèmes de consommation collaborative :

1. Les « Product Service Systems » (systèmes de produit-service)

2. Les « Redistribution Markets » (systèmes de redistribution)

3. Les « Collaborative Lifestyles » (styles de vie collaboratifs)

6 Citation de Carlota Perez (Economiste à l’université de Cambridge) : “We used to define ourselves by what we

consumed, the brands we wore, the cars we drove and the consumer electronics that we stuffed under the TV set. Now we’re defined much less by brands and more by the things we do, the choices we make, our values and beliefs, our self-

expression.”

Product Service Systems Redistribution Markets Collaborative Lifestyles

Payer pour l’usage d’un bien ou

d’un service sans en avoir la

propriété (transformer un

produit en service)

Redistribuer les biens d’une

personne les possédant à une

autre personne les recherchant

Partager des ressources

immatérielles (temps, espace,

compétences, argent) entre

particuliers

« Better than ownership »

La propriété en tant que

possession exclusive d’un bien

devient moins importante que

l’appartenance sociale (on se

définit quotidiennement par notre

présence en ligne sur nos partages

Facebook, nos connections sur

LinkedIn, etc.)

« What goes around comes around »

Le développement d’Internet a

contribuer à deux mouvements

majeurs : réduire le coût de

transaction et faire le lien entre

l’offre et la demande en un

quelques clics.

« We are all in this together »

« Jusqu’à présent nous nous

définissions à travers nos modes

de consommation, les marques

que nous portons, les voitures

que nous conduisons (…),

maintenant ce sont nos actions,

nos choix nos valeurs et

croyances et notre expression

qui nous définissent.»6

- Auto-partage

- Vélo en libre service ou en

location (Velib’)

- Location de voitures entre

particuliers (Drivy, Buzzcar) ou

de bateaux (Click and Boat,

Boarterfly)

- Location d’objets, de films, de

vêtements, etc.

- Plateformes d’achat et de vente

(eBay, Craiglist, LeBonCoin,

PriceMinister) mais aussi de troc,

de don (Freecycle, Recupe.net) et

d’échange

- Espace de co-working,

cohabitat, places de

stationnement, garages, jardins

- Financement participatif

(crowdfunding)

- Achats groupés

- Repas chez l’habitant,

colunching

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Dans le cadre de cette étude, nous allons nous pencher sur le concept d’économie

collaborative au sens large, qui englobe par conséquent la notion d’économie du partage et celle de consommation collaborative (l’un des quatre concepts de l’économie collaborative). Comme le

stipule Rachel Botsman, ces concepts sont quasiment interchangeables et nous allons les utiliser au même titre tout le long de ce projet de recherche.

b. Les piliers de l’économie collaborative

Finalement, tous ces concepts font référence à l’écosystème en lui même, c’est-à-dire,

l’ensemble des organisations (plateformes, applications et autres réseaux) qui utilisent la

technologie afin de mettre en relation directe des particuliers, sans intermédiaire, pour

échanger, vendre, acheter, consommer des biens et services. Concrètement, il s’agit d’associer directement l’offre et la demande sans avoir recours à des intermédiaires classiques. L’idée de

désintermédiation est sans conteste la notion clé qui constitue l’économie collaborative.

Sharing economy, collaborative consumption ou collaborative economy ont une orthographe différente et des définitions diverses mais des éléments en commun. Ce sont, une fois encore, les travaux de Rachel Botsman qui les mettent en lumière. Elle part du principe qu’il y a quatre piliers majeurs constitutifs de l’économie collaborative :

1. ASSET UTILIZATION

De la propriété à l’usage L’usage des ressources existantes est favorisé par rapport à la propriété (valoriser le service rendu plutôt que le produit lui-même). L’objectif de ce système est d’utiliser les ressources existantes et la capacité inutilisée. En effet, la majorité des individus possèdent des biens sans les utiliser à plein temps (voiture, mobilier, garage, jardin, objets).

2. DISTRIBUTED NETWORKS

Suppression des intermédiaires et mise en valeur du « peer-to-peer »

On tend à éliminer les intermédiaires pour favoriser la relation directe entre collaborateurs-consommateurs. Le pouvoir se déplace des grosses institutions centralisées vers les réseaux d’individus et les communautés d’utilisateurs. Nous pouvons néanmoins critiquer ce point en nous demandant aujourd’hui si les plateformes elles-mêmes, devenus très lucratives et percevant des frais croissants, ne deviennent pas un nouveau type d’intermédiaires dans la désintermédiation.

3. NEW TECHNOLOGY

Le rôle du numérique Le numérique favorise l’extension et le déploiement des services et met en relation les utilisateurs. La technologie permet de connecter les individus qui ‘veulent’ quelque chose et ceux qui ‘ont’ ce quelque chose à disposition.

4. SHARE COMMON VALUES

Le partage de valeurs communes Pour que ce système fonctionne correctement, il faut que ses utilisateurs partagent et véhiculent des valeurs qui leurs sont communes : la collaboration, l’ouverture, l’humanité, le pouvoir (empowerment). Au cœur de ce système on retrouve évidemment la notion de confiance.7 Cette

confiance est entretenue par les particuliers eux-mêmes par le biais de la publication d’avis les uns sur les autres ce qui encourage chaque utilisateur à agir avec honnêteté dans la transaction. Elle peut également découler de la plateforme, qui agit comme garant de la confiance et se pose en

7 Les acteurs de l’économie collaborative l’ont d’ailleurs très bien compris : les nouvelles plateformes ont des systèmes

décentralisés et une politique communautaire transparente qui créent facilement une relation de confiance entre de parfaits inconnus. Les entreprises doivent avant tout inclure dans leurs principes et stratégies les notions d’authenticité,

de confiance et de transparence.

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intermédiaire nécessaire (on pense à un assureur qui assure la location d’une voiture sur Drivy par exemple).

Ainsi, dans le cadre de notre étude, le périmètre que nous allons étudier va recouper

l’ensemble des concepts évoqués précédemment : la notion d’économie collaborative au sens large comme écosystème, regroupant ainsi les trois systèmes de consommation collaborative et reposant sur les quatre piliers évoqués par Rachel Botsman.

C. LES CHIFFRES CLES DE L’ECONOMIE COLLABORATIVE8

a. En France

- 276 plateformes d’économie collaborative - 89% des Français ont déjà participé à une consommation collaborative (notamment le

covoiturage, le partage de taxi, la vente et l’achat de biens entre particuliers)

- 1 Français sur 2 a déjà acheté ou vendu un bien sur Internet via Le Bon Coin en 2015 - 5% des Français tirent 50% de leur revenu par mois grâce à l’économie collaborative

b. Dans le monde

- Taille du marché de la consommation collaborative en 2015 : 15 milliards de dollars en 2014, ce marché devrait atteindre 335 milliards de dollars en 2025

- 9,000 start-up actives sur le marché de l’économie collaborative - La France et les Etats-Unis sont les leaders mondiaux - L’économie collaborative compte plus d’une dizaine de « licornes » ou entreprises valorisées

à plus d’un milliard de dollars. Nous allons nous intéresser plus en détail aux six premières d’entre elles selon le magazine Fortune (2015).

Uber Airbnb Didi Chuxing

Création en 2009 à San Francisco Véhicule de tourisme avec chauffeur 67,000 salariés 449 villes desservies 66 pays Valorisé à 62 milliards $

Création en 2008 à San Francisco Plateforme de location entre particuliers 1,000 salariés 34,000 villes desservies dans192 pays 1,5 million d’annonces Valorisé à 25 milliards de $

Création en 2012 à Beijing Véhicule de tourisme avec chauffeur 360 villes desservies Uniquement en Chine 40 000 chauffeurs 150million d’utilisateurs Valorisé à 16 milliards de $

WeWork Lufax Ola

Création en 2010 à New

York City Partage d’espace de travail 54 espace de coworking 28 villes 12 pays Valorisé à 10 milliards de $

Création en 2011 à Shanghai

Prêts financiers entre particuliers 80 villes couvertes 200 000 prêts réalisés pour un total de 2,5 millards de $ Valorisé à 10 milliards de $

Création en 2010 à Bangalore

Véhicule de tourisme avec chauffeur 7 000 salariés 85 villes desservies en Inde 200 000 chauffeurs 150 000 réservations par jour Valorisé à 5 milliards de $

8 « Consumer Intelligence Series: The Sharing Economy » publiée par PwC en avril 2015

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D. LES SECTEURS CLES DE L’ECONOMIE COLLABORATIVE

Le rapport du Ministère de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique publié en juin 2015

au sujet des « Enjeux et perspectives de la consommation collaborative » met en lumière neuf

secteurs concernés par ce phénomène : se déplacer, transporter/stocker, se loger, se divertir, se nourrir, s’équiper, s’habiller, se faire aider et se financer. Nous allons tâcher de balayer ces différents domaines et d’illustrer l’impact de l’économie collaborative à travers des exemples divers et variés. De notre point de vue, nous distinguons trois secteurs plus matures et développés que les autres : le logement, l’automobile, et la finance. Ils seront ainsi sujets à une étude plus poussée.

Source : Ministère de l’économie (2015), Enjeux et perspectives de la consommation collaborative

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Source : http://www.web-strategist.com/blog/2016/03/10/honeycomb-3-0-the-collaborative-economy-market-

expansion-sxsw/

a. Panorama des différents secteurs

Secteur Activités Acteurs

Se déplacer Covoiturage

VTC (véhicules de transport avec chauffeur) entre

particuliers

Location de modes de transports entre particuliers

Location de places de stationnement entre particuliers

Plateformes d’achat et d’échange de titres de

transports entre particuliers

BlaBlaCar, Covivo, Ville fluide

UberPop, Djump, Drive, Lecab

Buzzcar, Drivy, Ouicar, Koolicar, Deways

MobyPark, BePark, Parkadom, Zenpark,

Parkopedia

Change your flight, Kelbillet, Jumpflight, Zepass

Transporter/Stocker Location d’espaces de stockage entre particuliers

Plateformes de livraison entre particuliers

Costockage, Jestocke, Ouistock

Colis Voiturage, Expediez entre vous, Sarranger,

PygeeBee, Cocourse

Se loger Cohébergement (temporaire)

- Prêt/partage de logement

- Echange de logement

- Location entre particuliers

Couchsurfing, Servas

Trocmaison, Homeforhome

Airbnb, Abritel, Homelidays, Wimdu

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Cohabitat (longue période)

- Echange définitif de logement

- Location/vente entre particuliers

- Habitat participatif

- Colocation

Echangedéfinitif, Echange immo

PAP, Le Bon Coin, SeLoger

Coab, Terracité, Scophec

Appartager, Weroom

Se divertir Plateformes spécialisées dans :

- Les activités de tourisme et découverte à l’étranger

- Les activités de loisirs de proximité

- Les activités sportives

- La location de bateaux

Vayable, Nomaders

TripNco

Sporting, Good Spot

Click and Boat, Sailsharing

Se nourrir Se restaurer :

- Achat/vente de plats faits maison

- Repas collaboratifs

S’approvisionner :

- Partage de parcelles cultivables

- Achat/vente de produits maison

- Groupement de consommateurs

Supermarmite, Marmijote

Cookening, Colunching, Eatwith

Prêtersonjardin

Cavientdujardin, Le Potiron

AMAP, LaRucheQuiDitOui

S’équiper Plateformes spécialisées dans :

- Achat et vente

- Location

- Echange ou troc

- Prêt

- Don ou partage

Concerne tout type d’objets (électroménager,

électroniques, jardin, décoration)

eBay, Le Bon Coin, ParuVendu

Zilok, E-loue

Trocdepresse, Myrecyclestuff

ShareVoisins, ShareWizz

Donnons, Freecycle

S’habiller Plateformes spécialisées dans :

- Achat et vente

- Location

- Echange ou troc

- Don ou partage

Le Bon Coin, eBay, Vinted, Vestiaire Collective,

Vide-dressing

Jelouetout, Zilok, Sac de luxe

Trocparty, Prêt à échanger

Donnons, Tout-donner

Se faire aider Plateformes de jobbing spécialisées dans le service à la

personne :

- Garde d’enfants ou d’animaux

- Réparation et travaux

- Enseignements et cours

- Aide aux personnes âgées ou handicapées

- Tâches ménagères

- Jardinage

- Visites touristiques

Youpijob, Jobsenboite, Je me propose, Le Bon

Coin, Youneed.

Se financer Plateformes spécialisées dans :

- Dons

- Prêts entre particuliers

- Investissement au capital de start-up (achat/vente,

rémunération)

KissKiss Bank Bank, Ulule, Kickstarter, MMC,

KKBB

Babyloan, Unilend, Hellomerci

Happy Capital, Anaxago, WiSEED

b. Focus sur les secteurs clés : le logement, le transport, le financement

> Le logement On peut distinguer deux segments majeurs de logement dit « collaboratif » : le cohébergement

et le cohabitat9.

9 Ministère de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique, Enjeux et perspectives de la consommation collaborative,

publié en Juin 2015

15

1. Le cohébergement Il s’agit de la mise à disposition d’un logement de manière temporaire (durant une période

de vacances, voyages d’affaires, etc.) à travers une plateforme collaborative. Très concrètement, cette pratique concerne à la fois le prêt, la location ou l’échange de logements entre particuliers pour quelques nuits.

Le marché du cohébergement est particulièrement atomisé et l’on retrouve des acteurs de toutes origines sur le marché : Etats-Unis (Airbnb, Homeexchange, CouchSurfing), Danemark (SERVAS), France (Abritel, Homelidays), Espagne (Knok, Alterkeys, Mytwinplace). Malgré la présence de nombreuses entreprises dans le secteur, six se sont distinguées depuis une dizaine d’année par leur taille et leur croissance exponentielle.

Parmi les plus connus, on compte surtout des plateformes en ligne de location de maisons, appartements ou villas entre particuliers.

1. Airbnb : leader mondial incontesté du marché. Créée à San Francisco en 2008, cette plateforme enregistre plus de 1000 employés, dessert 34 000 villes dans 192 pays et propose plus de 1,5 millions d’annonces. Cette entreprise fascine également les marchés financiers avec une valorisation estimée à plus de 25 milliards de dollars (2015).

2. House Trip : créée en Suisse puis implantée à Londres en 2010, cette entreprise recense plus de 250 000 offres partout en Europe, soit presque la moitié de l’offre actuelle de son concurrent Airbnb sur le continent.

3. Wimdu : pas loin derrière House Trip, on retrouve Wimdu, une entreprise allemande créée en 2011 qui compte environ 200 000 offres dans plus de 160 pays, notamment en Europe et Asie.

4. Bedycasa : en retrait du peloton de tête, on a le français Bedycasa, créé à Montpellier en 2009, présent dans 160 pays avec 47 000 offres disponibles. Cette entreprise a la volonté de connecter les pays du Nord avec les pays du Sud par le voyage et de favoriser l’échange culturel.

D’autres acteurs, nombreux, viennent compléter le marché. La tendance est aujourd’hui à la

spécialisation : - Géographique : MorningCroissant et Sejourning en France, Ficalaemcasa au Brésil,

Bedandfed au Royaume-Uni et Irlande. - Sectorielle : Le Collectionist, spécialisé dans la location de villas de luxe ou encore Onefistay

qui se concentre sur des appartements haut de gamme dans les grandes villes. Dans un marché de plus en plus dense, certaines entreprises ont choisi de se spécialiser dans les

échanges de logements. Parmi les principaux acteurs on trouve10 : 1. Homeexchange (ou Trocmaison pour la version française) : créé aux Etats-Unis en 1992

et leader mondial sur le marché, ce site revendique plus de 65 000 annonces dans plus de 150 destinations.

2. Guest to Guest : entreprise française créée en 2011, cette plateforme propose l’échange de logements parmi plus de 13 000 maisons.

On peut également citer d’autres acteurs avec un positionnement accru : HomeforExchange, Homelink, Echangedemaison, etc.

Pour finir, on retrouve les hébergements gratuits avec à l’origine Couchsurfing, regroupant près de 6 millions de membres et plus de 100 000 offres dans le monde. Cette plateforme permet de loger gratuitement des particuliers, sur un canapé ou dans une chambre. On trouve aussi d’autres alternatives de ce phénomène comme Cosmopolit Home ou Nightswapping qui parient sur l’échange gratuit de nuits entre individus.

10 Références sur Camago disponibles sur leur site internet

16

2. Le cohabitat A la différence du cohébergement, cette activité mobilise un logement pour une longue durée,

voire une durée indéterminée. Il rassemble les pratiques suivantes : l’échange définitif de logements, la location et/ou vente de maisons entre particuliers, la colocation (uniquement entre inconnus, exclut les situations de couple, groupes d’amis, familles) et l’habitat participatif (consiste en l’« implication d’un groupe d’habitants dans la conception, la construction et la gestion de leur logement »11) comme la propriété collective ou l’autoconstruction.

- L’échange définitif : comme le site du même nom, il permet de faire rencontrer différents propriétaires pour échanger de manière définitive leurs biens immobiliers.

- La location et la vente de logements : on ne cite plus les nombreux sites qui permettent la location voire la vente de biens immobiliers entre particuliers. Parmi les plus connus on trouve : De Particulier à Particulier (couvre 40% du marché en France) ou encore Le Bon Coin.

- La colocation : pratique très courante qui connaît un fort succès notamment via des sites

comme Appartager (n°1 de la colocation en France), La Carte des colocs (pour trouver le colocataire idéal parmi des centaines de candidats), Colocation Adulte (pour des rencontres entre personnes plus séniors), Weroom (pour rencontrer des colocataires partageant les mêmes centres d’intérêts).

- L’habitat participatif : permet à des particuliers de réaliser, ensemble, une opération immobilière, à la fois d’espaces privés (logements) ou partagés (salle de réunion, salle de fête, chambre d’amis, buanderie). Il s’agit de concevoir, créer et gérer un habitat de manière collective afin de mieux répondre aux besoins des individus. C’est le cas, par exemple, de la start-up Coab, qui met en relation et accompagne des particuliers dans leurs projets (soutien de la phase conceptuelle et opérationnelle).

> Le transport Les conséquences environnementales liées à la hausse de l’émission de gaz à effet de serre

couplées à la volatilité du prix des énergies fossiles (majoritairement à la hausse) ont engendré une prise de conscience générale au sein des populations développées. L’une des applications concrètes de ce réveil social a été l’émergence de nouvelles formes de transport, plus écologiques et économiques. Ces alternatives à la voiture traditionnelle s’appellent UberPop, Kelbillet, BlablaCar, Drivy. Toutes en ont commun une caractéristique majeure propre à l’économie collaborative : privilégier l’usage à la propriété. On peut en particulier dégager deux secteurs en particulier : celui de la location et celui de l’achat ou vente.

La location peut concerner tout type de biens ou services relatif au domaine du transport à partir du moment où elle se fait uniquement entre particuliers :

- Location de véhicules motorisés comme les voitures ou les motos (Deways, Drivy, OuiCar, BuzzCar)

- Location de véhicules non motorisés comme les vélos (BandBike) - Location de places de parking (BePark, MobyPark, Zenpark, Parkadom, Parkopedia)12

La vente ou l’achat fait référence à toutes les plateformes qui proposent des services de transports contre rémunération :

- Les Véhicules de Transport avec Chauffeur (VTC) entre particuliers : il s’agit ici d’utiliser un seul véhicule, regroupant un chauffeur (non professionnel) et un ou plusieurs passagers, dans le but de réaliser un trajet en commun. L’exemple le plus connu est celui d’UberPop, mais on trouve aussi Drive et Lecab en France.

11 Définition de l’Institut d’Aménagement et d’Urbanisme, Habitat participatif : un nouvel élan ?, IAU Ile-de-France,

juillet 2013. 12 Ce marché représente un vrai besoin de la part des automobilistes : on considère que seulement qu’un véhicule n’est

utilisé que 5% du temps, et reste ainsi stationné 95%. Les places de parking deviennent donc de plus en plus rares !

17

- Le covoiturage : consiste à partager une voiture entre particuliers afin d’effectuer un trajet donné, défini au préalable. On trouve différents acteurs sur le marché : BlaBlaCar bien entendu, mais aussi Carpooling, Covivo, Djump, Ville Fluide etc.

- La revente de titres de transport entre particuliers : plateformes d’échange et de revente de

billets de tout type (trains, bus, avion) (Kelbillet, Changeyourflight, Jumpflight, Zepass)

> Le financement FinTech (pour Finance Technology), crowdfunding ou financement participatif

correspondent à la collecte de fonds pour différents projets, qu’ils soient professionnels ou personnels, via Internet. Ils représentent un moyen rapide, transparent, et traçable pour faire financer un projet ou une idée par des particuliers tout en bénéficiant de la force de frappe d’Internet.

C’est un secteur en énorme croissance : 2,7 milliards de dollars levés dans le monde en 2012

contre 34,4 milliards de dollars en 201513, soit une croissance de presque 1275% en 3 ans. La

Fintech n’est pas à prendre à la légère pour les acteurs traditionnels du secteur puisque que selon une analyse de Forbes14 le montant des fonds levés en 2015 par le financement participatif surpasse la puissance de feu de tous les fonds d’investissement agrégés (autour de 30 milliards de dollars). En France, c’est une tendance qui a déjà fait sa place dans les esprits puisque 56 % des Français en ont déjà entendu parler et 7 % ont déjà contribué à un projet. De plus, ils seraient 23 % à être prêts à participer dans les douze prochains mois15.

On peut distinguer trois types de financement participatif. Les aides peuvent avoir la forme de don, prêt ou investissement.

Don - Sans récompense : c’est un geste purement symbolique et souvent avec une dimension

philanthropique puisque le prêteur ne reçoit pas de contrepartie. Les dons sans contrepartie

concernent souvent les projets d’association à caractère social : projet humanitaire, opération médicale ou encore mécénat d’art avec la plateforme Dartgnans.

- Avec récompense : les sites comme Kickstarter, KissKissBankBank ou Ulule proposent d’aider des projets entrepreneuriaux à se lancer en participant de quelques euros à plusieurs centaines d’euros en contrepartie d’un produit exclusif, de bons d’achat, ou bien d’une rencontre avec les fondateurs par exemple.

Prêt - Sans intérêt : on voit émerger de plus en plus de prêts à 0% d’intérêt pour financer des projets

très variés comme la publication d’un livre, l’aménagement d’un espace de travail ou le renouvellement d’un lot de poules pondeuses sur le site Hellomerci. Il est possible de choisir le montant de l’emprunt (entre 200€ et 10,000€) et la durée du remboursement (entre 1 et 36 mois). Si l’emprunteur fait défaut, les prêteurs reçoivent une reconnaissance de dette et

peuvent, s’ils le veulent, poursuivre en justice l’emprunteur, même si ce n’est pas l’esprit de la plateforme bien évidemment.

- Avec intérêt : en revanche certains financeurs choisissent de prêter avec un taux d’intérêt. Cependant, ce taux est souvent inférieur à celui proposé par les banques traditionnelles. Les plateformes Prêtgo, Pretup ou Lendopolis proposent par exemple de prêter à partir de 50€ pour des taux d’intérêt de 3 à 11%. Les projets de tous les secteurs d’activités peuvent s’y inscrire et lever entre 10,000 et 25,000€.

13 "Crowdfunding Industry Statistics 2015 2016 » Crowdexpert.com 14

« Trends Show Crowdfunding To Surpass VC In 2016 » 9/06/2015 Forbes.com 15 Etude réalisée par Finance Participatif France en 2014 auprès de 2 000 personnes

18

Investissement - Le financement par l’investissement (en capital, obligation ou royalties) est réservé aux

entreprises (principalement TPE et PME) pour des montants entre quelques centaines d’euros et plusieurs millions. Les plateformes dans ce type de financement sont souvent

spécialisées par secteur (immobilier, énergie, pharmacie…) puisqu’elles sont dotées d’experts qui permettent d’assurer la viabilité des projets et donc de gagner la confiance des potentiels prêteurs. Fundimmo est par exemple la première plateforme de crowdfunding dédiée uniquement à l’investissement immobilier et régulée par les autorités françaises. De même, GreenChannel, qui est d’ailleurs une filiale d’Engie, finance les projets d’énergie renouvelable ou solutions d’efficacité énergétique16.

Cependant il est important de rester prudent. D’une part, du côté des financeurs de projet, il

existe, malgré les nombreux contrôles mis en place, des faux sites de crowdfunding ou bien des projets qui s’apparentent plus à des arnaques qu’à de potentielles success stories (budget surestimés, produits jamais livrés…). Bien évidemment, le financement participatif reste un investissement, qui est, par définition, risqué et donc à bien évaluer avant de se lancer. D’autre part, du côté des porteurs de projet, il faut savoir que seulement 41% des projets atteignent leur

objectif de financement et ceux financés ne sont pas toujours des réussites : difficultés techniques inattendues, besoins mal évalués, retard de livraison…

c. Etude des secteurs alternatifs

Parmi les neuf grands secteurs concernés par l’économie collaborative selon le rapport du ministère, nous en avons distingué trois principaux : le logement, le transport et le financement. Pour autant, il existe bien d’autres domaines d’application, c’est ce sur quoi nous allons brièvement nous pencher dans cette partie à travers des exemples illustratifs.

> Le transport et le stockage d’objets

A chaque fois que vous avez la tentation de faire des achats sur un site en ligne, vous êtes constamment rebuté par le paiement des frais de livraison. A quoi bon acheter un tee-shirt à 15 euros, si c’est pour payer 7,5 euros de frais de livraison, soit 50% du prix en plus au moment de passer à la caisse ? PiggyBee a bien compris ce problème et propose justement une solution… Imaginez une plateforme qui permet d’avoir ses colis directement livrés à domicile gratuitement grâce aux services des particuliers ? Le principe est simple : prenons l’exemple de

Meyssane. Meyssane habite à Lyon, et va régulièrement à Genève pour faire les magasins et acheter le meilleur chocolat du monde, le chocolat suisse ! Or, en septembre, elle réalise un échange universitaire à Mexico, lors de son vol France-Mexique, elle pourra transporter dans son sac une boite de chocolat suisse à destination d’un Mexicain gourmand. En échange, elle se verra offrir un service en tout genre comme le transport de l’aéroport au centre-ville de Mexico. A travers l’exemple de PiggyBee, on observe une tendance : le développement du transport d’objets entre particuliers. Cela peut concerner des colis mais également des plats cuisinés, ou des courses.

Le segment du stockage d’objets prend également son essor progressivement face à une

réduction croissante de la place disponible du fait notamment de l’essor des déménagements17. Le stockage entre particuliers offre donc une alternative rentable car beaucoup plus attractive financièrement (30 à 50% moins chère que le marché).

> Les loisirs et divertissements Le segment du loisir collaboratif reste encore très récent et peu développé, toutefois des

tentatives apparaissent progressivement dans le domaine du tourisme et du sport notamment. Dans cette perspective on retrouve la start-up TripnCo, lancée en 2012, qui propose de regrouper

16 Rapport d’activité 2015 du groupe Financement Participatif France 17 On recense trois millions de déménagements en 2013 selon les statistiques de l’Officiel du déménagement

19

des individus en fonction de leurs affinités dans le but de voyager ou de se divertir ensemble. L’objectif est de proposer des « trips » entre particuliers que ce soit un voyage, un match de football ou la visite d’un musée. TripnCo base son business sur la proximité géographique : rassembler des individus d’une même ville à travers de loisirs en tout genre via une application

mobile.

> L’alimentation Le secteur de l’alimentation a très vite surfé sur la vague de l’économie collaborative et de la

mise en commun des ressources. L’alimentation peut être abordée sous deux angles : celui de l’approvisionnement (l’achat de denrées alimentaires) et celui de la restauration (l’achat ou la vente de repas).

L’exemple le plus frappant dans le domaine de l’approvisionnement est celui de La Ruche Qui Dit Oui. Son modèle est le suivant : les consommateurs commandent en ligne la liste des produits locaux qu’ils souhaitent, ils viennent retirer leur commandes directement auprès des producteurs, à proximité de chez eux, puis ils n’ont plus qu’à cuisiner et déguster leurs achats !

C’est un moyen ingénieux de soutenir et faire vivre l’agriculture locale grâce à une communauté d’utilisateurs dans chaque ruche, sans passer par des organismes intermédiaires.

La restauration est moins développée dans ce domaine, mais présente toutefois une très forte concurrence parmi les acteurs présents. La toute première initiative a été de partager des plats entre particuliers grâce à Supermarmite, lancée en 2010. Cette action s’est très vite vue concurrencée par d’autres entreprises (Cuisinedelamaison, Gourmets&Cie) et d’autres initiatives : achats et ventes de plats fait maison, repas collaboratifs, etc.

> L’équipement Pour l’équipement, plus de doute, ce secteur fait partie de l’un des plus matures. En 2015, un

Français sur deux a déjà acheté ou vendu un bien sur Internet. Nombreux sont les sites qui

permettent la vente et l’achat d’objets entre particuliers : Le Bon Coin, Priceminister, eBay, CraigsList, etc. Pour autant, on observe de nouvelles initiatives plus originales au sein de ce secteur : les plateformes d’échanges et de troc d’objets comme MyRecycleStuff ou des plateformes de dons à l’instar de Freecycle.

> L’habillement Le secteur de l’habillement rejoint celui de l’équipement mais concerne uniquement les

vêtements, chaussures ou accessoires. Ce segment regroupe les activités d’achat et de vente de vêtements (neufs ou d’occasion d’ailleurs), la location, l’échange ou troc et le don d’habits.

Parmi les acteurs du secteur, on distingue Vestiaire Collective. Il s’agit d’une plateforme

française lancée en 2009 qui permet à la fois l’échange et la vente de pièces en ligne. Cette

entreprise connaît un fort succès grâce au soutien de grandes marques connues (comme Zadig & Voltaire18), la diversité et la qualité de ses produits et un positionnement assez haut de gamme. Elle recense près de 2 millions de membres depuis 2014 et plus de 20,000 produits sont vendus tous les mois !

On constate, en parallèle, une tendance à la spécialisation pour se différencier des plateformes

généralistes. Ainsi, certains acteurs cherchent à cibler un public spécifique : Videdressing se spécialise dans la vente d’articles de luxe entre particuliers à des prix réduits ; l’Armoire des petits et Too-short sont quant à elles, des plateformes destinées à la vente ou l’échange de vêtements pour enfants.

18 Avec le soutien de son créateur Thierry Gillier, la marque a investi plus de 400,000 euros dans cette plateforme.

20

> L’aide aux personnes Le service à la personne existe depuis la nuit des temps. On observe tout type de services

comme l’aide aux familles (garde des enfants, assistance scolaire), l’entretien du domicile

(ménage, jardinage, bricolage) ou le soutien aux personnes en difficulté (personnes âgées et handicapées). Or, ce secteur semble tout à fait correspondre aux exigences de l’économie dite collaborative : elle regroupe des particuliers qui ont des besoins divers et complémentaires (obtenir une aide vs. gagner de l’argent en échange d’un service).

C’est ainsi que se sont développées des plateformes de jobbing à l’image de Youpijob ou

Jemepropose : il s’agit de sites internet qui recensent les profils de ses membres (identité, compétences, disponibilité, géographie) afin d’apporter de l’aide aux personnes dans le besoin. Penchons-nous sur l’exemple de Jobsenboite par exemple. L’originalité de cette plateforme est de proposer aux membres du réseau de faire découvrir leurs métiers. Pour ce faire, quoi de mieux que de vivre le métier souhaité ! Ainsi, un testeur va vivre en totale immersion chez un hôte, qui va partager son parcours professionnel. On assiste à la rencontre entre un testeur, curieux, généralement un étudiant, à la recherche de sa voie professionnelle et d’un hôte, passionné par

son job, disponible pour témoigner de son expérience19.

En définitive, l’économie collaborative cherche à rapprocher les consommateurs entre eux en supprimant les intermédiaires souvent nombreux dans la transaction. Que ce soit dans un but purement économique (gagner ou économiser de l’argent), sociétal (rendre service à la communauté, créer du lien et rencontrer de nouvelles personnes) ou encore environnemental (meilleure utilisation des ressources épuisables), cette mise en relation entre particuliers a eu jusqu’à présent le mérite de rapprocher les gens. Mais nous pouvons nous demander si toutes ces plateformes que nous avons présentées, ne deviennent pas elles-mêmes des intermédiaires dans le sens où certes, elles rapprochent les particuliers, mais elles encadrent, contrôlent et souvent profitent financièrement de ce rapprochement qu’elles ont créé. L’économie collaborative, oui, mais jusqu’à quel point est-elle vraiment collaborative quand certains géants

capitalistes ont le monopole sur certains marchés et profitent de leur position confortable pour prélever des frais et, finalement, fixer des prix et reprendre un rôle d’intermédiaire? En nous faisant cette critique, nous nous sommes demandé quelle est l’essence même de l’économie collaborative et si cette essence ne serait pas déguisée dans toutes les plateformes connues du grand public, où la plateforme, garante de confiance, reprend un rôle d’intermédiaire mais sous une forme nouvelle. Comme le rapprochement entre les particuliers a paradoxalement été possible grâce à la technologie, elle qui est si souvent dénoncée comme un facteur d’isolement qui brise le lien social, nous avons voulu nous intéresser de plus près à l’aspect technologique de l’économie collaborative en y cherchant son essence. Cette l’économie collaborative que nous connaissons et la technologie sous-jacente qui permet de mettre en relation directement les particuliers peut-elle être poussée encore plus loin dans sa visée de désintermédiation ? A travers la technologie Blockchain, système qui sous-tend la mystérieuse monnaie virtuelle du Bitcoin,

nous avons trouvé l’essence de l’économie collaborative, où aucune plateforme ne peut avoir le monopole en organiser les échanges entre particuliers, car la technologie même de par sa nature (et donc son code) garantit la confiance. Nous tâchons ainsi dans la sous-partie suivante de définir, dans un premier temps, cette technologie en termes précis et compréhensibles.

19 L’hôte reçoit une rémunération pour le service rendu

21

2. LA BLOCKCHAIN

On peut sans grand risque supposer que rares sont les consommateurs français qui n’ont

encore jamais entendu parler de notre champion national BlaBlaCar, qui met en relation les conducteurs et les passagers afin de partager les dépensés liées au trajet moyennant des frais de mise en relation. En revanche, encore trop peu nombreux sont ceux qui connaissent une initiative, à première vue similaire, qui a vu le jour en Israël pratiquement au même moment,

La’Zooz. Dans les faits, La’Zooz met également en relation les conducteurs disponibles et les passagers dans le besoin afin de réduire l’impact écologique et économique des trajets réalisés seul dans sa voiture. Cependant, La’Zooz ne doit pas être confondue avec un énième copycat de l’entreprise leader dans le secteur mais doit bien être envisagée comme une révolution ou l’»ubérisation» de BlaBlaCar par La’Zooz, c’est à dire, la remise en question du business modèle de BlaBlaCar en introduisant une innovation technologique majeure.

- Premièrement, la société n’appartient pas à des acteurs privés (fondateurs ou

investisseurs) mais à chacun des utilisateurs, contrairement aux nouveaux géants des

transports comme Uber, Lyft ou BlaBlaCar, pour ne citer que les plus connus.

- Deuxièmement, les utilisateurs sont mis en relation directement et sans aucun

intermédiaire grâce à la technologie blockchain, celle derrière le relativement connu Bitcoin, monnaie virtuelle pionnière et référence en la matière.

- Enfin, les conducteurs sont rémunérés par la crypto-monnaie Zooz, c’est à dire une monnaie virtuelle, qui est indexée sur le Bitcoin.

En poussant le néologisme jusqu’à son paroxysme, certains vont jusqu’à dire que « la très jeune « ubérisation » est en voie de se faire « blockchainiser » alors qu’elle avait à peine commencée » en mentionnant des projets comme La’Zooz.20

« Bitcoin », « Blockchain », et « crypto-monnaie » sont autant de termes encore peu connus du grand public et qui peuvent sembler trop « geek » pour y prêter réellement attention. Mais quand

on sait que le World Economic Forum a nommé le bitcoin et la blockchain dans les 21

bouleversements technologiques majeurs aux côtés du Big Data, de l’Intelligence Artificielle ou de la Sharing Economy21, on comprend qu’il s’agit de plus qu’une idée farfelue de génies des mathématiques et de l’informatique rejetant les codes de la société et l’économie actuelle… Il nous a donc semblé indispensable de comprendre plus en détails les principes de la blockchain et ses applications.

A. ORIGINES ET MECANISME

A l’heure actuelle, la blockchain reste encore peu connue du grand public. Même si certains médias spécialisés en technologie et quelques « geeks » tâchent de démocratiser cette technologie a priori révolutionnaire ; la blockchain demeure encore une grande inconnue dans nos sociétés, en particulier une énigme mathématique à priori insaisissable pour les plus initiés. Nous avons voulu

briser ce tabou en essayant de comprendre à notre niveau et sans compétence technologique particulière, finalement, qu’est ce que la blockchain ?

20 « La blockchainisation de l’Uberisation » en 2016

21 Deep Shift Technology Tipping Points and Societal Impact, World Economic Forum, Septembre 2015

22

a. Les origines de la blockchain

Il faut savoir que la blockchain est apparue en 2008, simultanément avec la création de la monnaie électronique, le bitcoin, dont le fondateur demeure connu uniquement sous le pseudonyme Satoshi Nakamoto. Pour autant, il serait idiot de résumer la technologie blockchain au fonctionnement de la monnaie numérique. Comme nous le verrons par la suite, il est possible d’envisager de nombreuses autres utilisations à cette technologie révolutionnaire.

D’où provient le bitcoin ? Quels sont les théories précédentes ayant amené Satoshi Nakamoto à créer cette monnaie virtuelle et à concevoir la blockchain ? Existe-il des prédécesseurs ? La blockchain est une invention révolutionnaire dans le sens où elle permet la résolution de problèmes pour la première fois en 2008, mais c’est également une technologie qui a pu voir le jour et trouver un soutien au sein d’une communauté particulière : celle des Cypherpunks comme présenté par Andy Greenberg dans son livre This machine kills secrets. Ce

groupe de passionés de cryptographie activistes ou non, incluant à la fois des hackers anti-

gouvernementaux ultras de la transparence ou des misanthropes partisans d’une vie totalement privée, a travaillé sur des projets divers depuis les années 1980 et l’essor des ordinateurs et d’internets. Le groupe des Cypherpunks s’est formalisé sous la forme d’une chaine de mails, rejointe par toujours plus de participants qui partageaient leurs idées et projets aux autres. Dépourvu de hiérarchie et libre d’expression, le groupe a compté parmi ses membres des personnages comme Julian Assange connu mondialement pour sa création de Wikileaks et sa lutte contre la scientologie.

Les sujets communs abordés tels que la cryptographie et la crypto-monnaie ont permis une émulsion d’idées et une complémentarité des intelligences, jusqu’au jour où Satoshi Nakamoto a transmis à la mailing list son Manifesto intitulé Bitcoin : a peer-to-peer electronic cash system 22 et ainsi mis en route la machine bitcoin et mis à l’épreuve la technologie blockchain. Dès la première phrase, l’auteur annonce comment son système permettrait de réaliser des transactions sans passer par des institutions financières et pose ainsi le spectre de la

désintermédiation au cœur de son projet. Il explique comment les transactions seraient sécurisées par un système de clefs et comment leur registre serait généré par la technologie blockchain.

Dans les années 1980, David Chaum apparait en particulier comme l’un des pionniers dans l’histoire de la cryptographie qui aurait donné des idées à Satoshi Nakamoto dans sa création de la blockchain. Il se place en effet aux prémisses de l’idée bitcoin en mettant en avant l’idée de « signature aveugle » ou blind signature en anglais. Cette clef serait une clef privée qui permettrait

de sécuriser des transactions tout en permettant à ses usagers de garder leur identité secrète. La clef privée identifie le compte auprès de la banque mais la banque n’aurait pas besoin de connaitre l’identité du détenteur du compte car seul le détenteur aurait en sa possession cette clef privée permettant d’authentifier ces transactions. Andy Greenberg reprend l’image d’une enveloppe scellé par un sceau unique qui serait transmise à la banque : la banque reconnaitrait le sceau qui l’informerait sur le compte mais n’aurait pas besoin de connaitre l’identité de l’émetteur.

b. Qu’est-ce que la blockchain ?

La blockchain est, selon le site Blockchain France, « une technologie de stockage et de transmission d’informations, transparente, sécurisée, et fonctionnant sans organe central de

contrôle » 23 . Concrètement, à sa création, la blockchain est une grande base de données

autonome qui recense toutes les transactions jamais réalisées entre les utilisateurs. On observe

deux types de blockchain : publique et privée. Une blockchain dite publique est ouverte à tous les utilisateurs et est ainsi comparable à un grand livre de compte, accessible à tous, que chacun peut

22 Bitcoin : a peer-to-peer electronic cash system, par Satoshi Nakamoto (idendité inconnue) en 2008 23 Qu’est-ce que la blockchain ? par l’équipe de Blockchain France

23

consulter ou compléter, mais qui est impossible à modifier ou supprimer. Par opposition, une blockchain privée est limitée à un certain nombre d’utilisateurs, elle recense donc un nombre de transactions entre ces utilisateurs et ses données sont accessibles à un groupe particulier.

> Comment ça marche ?

- Chaque transaction est inscrite dans un bloc. - Un bloc est constitué de plusieurs transactions. - La blockchain désigne cette chaîne de blocs mis bout à bout.

Source : https://blockchainfrance.net/decouvrir-la-blockchain/c-est-quoi-la-blockchain/

Dès lors qu’un bloc contient assez de transactions, il doit être validé par l’ensemble de la communauté afin d’être intégré à la chaine de blocs préexistante. Ce travail de validation est celui

qui authentifie les transactions, et c’est ce que l’on appelle le travail de minage. Le minage est un travail de calcul visant à résoudre un problème mathématique complexe. La fin du minage, c’est-à-dire le moment de résolution du problème, est l’acte qui scelle le nouveau bloc et qui rend la transaction immuable dans la blockchain.

Ainsi par la conjonction des travaux des différents mineurs, toutes les transactions sont validées et constituent la blockchain. Les transactions sont ensuite inviolables et inchangeables dès lors qu’un bloc a été validé car l’intégration à la blockchain est finale et une seule et unique

blockchain est acceptée et intégrée par l’ensemble de la communauté.

> En quoi la blockchain diffère t-elle d’une base de données électronique classique ?

La particularité de la blockchain est d’enregistrer toutes ces transactions de manière totalement transparente, sécurisée, anonyme, infalsifiable et sans organe centrale de contrôle. Par extension, il s’agit donc d’une base de données répondant aux caractéristiques suivantes24 :

- Ordonnée : chaque bloc est unique et fait référence au bloc précédent, la chaîne de blocs s’organise donc par ordre chronologique.

- Irrévocable : un bloc enregistré dans la chaîne ne peut être modifié ou supprimé.

- Partagée : l’ensemble des nœuds du réseau partage une copie identique de la blockchain.

- Décentralisée : la blockchain est partagée par ses utilisateurs, sans avoir recours à un intermédiaire, ou une autorité « tiers de confiance ».

- Transparente : cette base de données est publique et visible par tous les utilisateurs du réseau.

- Infalsifiable : les risques de fraudes ou de piratage sont extrêmement faibles.

24 Qu'est-ce que la blockchain? Sur fimarkets.com

24

c. Petit lexique de la Blockchain

Avant de se plonger dans des exemples concrets d’application de la Blockchain, il convient de

définir quelques termes clefs dans le fonctionnement de cette technologie. Ils font écho à notre courte définition de la blockchain et seront abordés plus en détails lors de nos études de cas dans la partie suivante.

- Chaîne de bloc ou blockchain : il s’agit d’une technologie de stockage et de transmission de données. Par extension, la blockchain désigne également la chaine même de blocs, et est ainsi comparable à grande base de données qui contient l’historique de toutes les transactions réalisées depuis son origine. Ce grand « journal » est complètement public, transparent, sécurisé et désintermédié.

- Un bloc : un bloc contient plusieurs transactions en attente. On considère que toutes les 10 minutes, un bloc est ajouté à la blockchain.

- Clef privée : clef ou identifiant permettant à l’utilisateur d’une blockchain d’initier une transaction en signant cryptographiquement son message. Cette clef offre une signature électronique, propre et secrète à chaque utilisateur, et empêche ainsi tout piratage ou modification de la transaction une fois émise.

- Clef publique : clef ou identifiant faisant office d’adresse sur une blockchain. Elle est connue de tous, elle permet à un émetteur de désigner un destinataire.

- Mining ou minage: c’est le fait de traiter un bloc de transactions via la résolution d'un calcul mathématique afin de l’intégrer dans à la blockchain.

- Mineurs : individus ou entreprises en charge de l’activité de minage. Tout le monde peut devenir mineur : il suffit de rejoindre le réseau et d’apporter sa puissance de calcul en équipant son ordinateur d’un logiciel spécifique. A chaque bloc vérifié le mineur dont la machine a résolu le problème mathématique en premier est rémunéré en bitcoins.

- Bitcoin : c’est une monnaie électronique qui utilise la technologie blockchain. On parle également de crypto-monnaie.

- Crypto-monnaie : il s’agit de monnaies numériques décentralisées qui utilisent les principes de la cryptographie pour valider des transactions.

- Proof of work ou preuve de travail ou preuve de calcul : fait référence au traitement cryptographique des blocs. Elle permet de valider les blocs de transactions avant de les intégrer dans la blockchain. Il s’agit de décrypter des données en résolvant un calcul mathématique via des ordinateurs.

- Signature : une signature cryptographique est un processus calculatoire qui permet de prouver l’authenticité de son auteur.

- Smart contract : il s’agit de programmes exécutant de manière automatique et autonome les conditions et termes d’un contrat, sans avoir besoin de l’intervention humaine une fois

lancés.

- Ethereum : il s’agit d’une plateforme complètement décentralisée reposant sur les principes de la blockchain. Elle fonctionne grâce à sa propre crypto-monnaie, l’Ether. Ethereum a une dimension beaucoup plus large que le bitcoin (qui recouvre un aspect uniquement monétaire) : il se revendique comme un ordinateur global, accessible et modifiable par tous, partout, et tout le temps. C’est « un réseau d’ordinateurs qui permet de créer de nouveaux types d’applications »25.

25 « L’Ethereum expliqué à ma mère », par Simon Polrot en 2016

25

B. LE FONCTIONNEMENT DE LA BLOCKCHAIN

Source : https://blockchainfrance.net/decouvrir-la-blockchain/c-est-quoi-la-blockchain/

Source : Livre blanc : « Comprendre la Blockchain » uchange.co Janvier 2016

26

Avant toute explication, il faut comprendre que la blockchain fonctionne uniquement grâce à un moyen d’échange, une monnaie numérique comme le bitcoin ou des token (jetons programmables). Nous reviendrons plus en détails par la suite sur le fonctionnement du bitcoin, mais la blockchain a pour but de sécuriser des transactions sans intermédiaire, il convient donc qu’elle soit adossée à l’objet d’un échange afin d’avoir du sens.

Voici les différentes étapes du fonctionnement de la blockchain :

- Etape 1 : deux individus se mettent d’accord sur une transaction (que ce soit l’achat, la vente ou l’échange) : disons que A vend une paire de lunettes à B.

- Etape 2 : cette transaction est inscrite au sein d’un bloc dans le système. Un bloc est constitué d’un ensemble de transactions.

- Etape 3 : Le bloc est ensuite analysé et validé dans la blockchain. Cette étape fait appel à des mineurs, des personnes chargées de valider cette nouvelle information. Ils sont responsables d’analyser et de confirmer l’authenticité des blocs. Pour authentifier un bloc,

les mineurs résolvent des problèmes cryptographiques27.

- Etape 4 : une fois le bloc validé (par les mineurs), il est ajouté à la blockchain, partagé et répliqué dans tous les nœuds du réseau.

- Etape 5 : la transaction est alors effectuée : A va recevoir l’argent de B en échange de sa paire de lunettes. La validation d’une transaction et donc sa réalisation dure en moyenne une dizaine de minutes.

> Comment marche le mécanisme de cryptographie ?

Dans le cadre de la blockchain, on parle de cryptographie à double clé : clé publique et clé privée. Le principe est simple : chaque utilisateur dispose d’une clé publique, un identifiant visible et unique ; et d’une clé privée, un identifiant unique également mais invisible, qu’il est le seul à

posséder. Pour réaliser une transaction : il faut que les utilisateurs prouvent l’authenticité de la transaction, cela passe par la confirmation de leur identité à travers cette clé privée. Ensuite, la transaction peut être inscrite dans un bloc de la chaine avec la clé publique.

> Comment les transactions sont-elles scellées ?

Dès lors qu’une nouvelle action est réalisée, elle n’est pas immédiatement validée par le système. Cette action est, dans un premier temps, intégrée à ce qu’on appelle un bloc de transactions. Ce bloc rassemble plusieurs transactions récentes. Ce bloc est sujet à validation afin de pouvoir valider l’ensemble des transactions qui le constituent.

La validation de ces blocs est le travail des mineurs de bitcoins : ce sont les personnes ou entreprises qui mettent leur matériel et compétences informatiques à disposition pour vérifier l’ensemble des transactions dans des blocs. Cette phase de vérification est appelée preuve de travail (ou « proof of work » en anglais). Elle consiste à analyser les blocs de transaction selon un traitement cryptographique : il s’agit surtout d’une lourde phase de calcul durant en moyenne une dizaine de minutes.

> Comment vérifier que le travail des mineurs est conforme ?

Les mineurs sont ainsi responsables de valider ou non les transactions inscrites dans la blockchain. Pour autant, comment être sur qu’ils font bien leur travail ? Il existe deux procédés pour garantir que le travail soit bien fait :

27 A quoi peut servir la blockchain? Sur fimarkets.com

27

- La mise en concurrence des mineurs : les différents mineurs du réseau sont mis en concurrence à travers la résolution d’un problème mathématique assez complexe. L’objectif est de trouver le premier, l’identifiant du prochain bloc de transactions, à partir de l’identifiant du bloc précédent et de nombreux tests calculatoires aléatoires (jusqu’à

tomber sur le bon résultat). C’est ce qu’on appelle le principe du hashage. Le premier

mineur qui trouve l’identifiant du bloc a le droit de la valider ce même bloc, c’est la « proof of work ».

- La rémunération : les mineurs sont rémunérés en bitcoins pour leur travail. La récompense est actuellement de 25 bitcoins par bloc miné ainsi que certains frais de transactions très minimes.

C. LA BLOCKCHAIN, UNE REVOLUTION TRANSACTIONELLE

Les caractéristiques de la blockchain lui confèrent deux propriétés fondamentales qui en font un moyen de transaction révolutionnaire en comparaison des systèmes existants.

a. La sécurité

Elle est le résultat de deux mécanismes :

- La structure même de la blockchain : la blockchain est synchronisée en permanence afin de lister toutes les transactions qui se déroulent dans le monde entier à chaque instant. L’architecture de la blockchain est décentralisée c’est à dire que la base de données est dupliquée dans chacun des ordinateurs reliés au réseau blockchain. Par ailleurs, tout s’y fait en peer-to-peer, c’est-à-dire que ce sont les utilisateurs de la blockchain eux-mêmes

qui font tourner le système, notamment via le système des mineurs qui sont rémunérés en crypto monnaie pour certifier les transactions dans cette même monnaie. Pour la pirater en modifiant un bloc de celle-ci il faudrait modifier au moins 51% des données des ordinateurs en même temps, ce qui est impossible. De même, la perte de donnée est évitée puisqu’il est inenvisageable que tous les ordinateurs soient déconnectés en même temps du réseau.

- La cryptographie : La blockchain est sécurisée grâce la cryptographie afin de la protéger contre tout piratage. La cryptographie, à travers l’emploi d’écritures codées, permet de protéger la confidentialité et de vérifier l’intégrité et l’ordre chronologique des différents blocs de transaction. Gerard Drean, polytechnicien et employé d’IBM pendant plus de 30 ans, décrit la blockchain comme « un ensemble de blocs, protégés contre toute modification, dont chacun contient l’identificateur de son prédécesseur. »28 . Une fois

28 « Qui gère le Bitcoin » Gerard Drean – Septembre 2015

28

imbriqués les uns dans les autres, les blocs forment une chaine fermée où l’on ne peut pas modifier un seul des blocs (comme le témoigne le schéma ci-dessous) car dès lors qu’un bloc est vérifié et validé par un procédé cryptographique, il est ajouté à la chaine de blocs préexistante qu’il scelle et il sera lui-même scellé peu longtemps après lorsque le bloc

suivant viendra s’ajouter à la suite.

Source : Livre blanc : « Comprendre la Blockchain » uchange.co Janvier 2016

b. La désintermédiation

La blockchain constitue une base de donnée entièrement publique et transparente, elle n’appartient à personne et peut-être accessible par tous et à tout instant dès lors que l’on possède un ordinateur et une connexion à Internet. Une capacité plus ou moins importante de stockage peut-être nécessaire si l’on veut accéder à l’intégralité de la blockchain, et pas seulement consulter le registre de transactions, mais dans tous les cas le caractère peer-to-peer du système permet une désintermédiation. Par ailleurs, l’identité des personnes n’est pas dévoilée puisque les utilisateurs possèdent des pseudonymes de plusieurs dizaines de caractères. Ainsi la désintermédiation est poussée à un nouveau niveau puisqu’on ne peut même pas identifier les personnes réalisant les transactions au premier abord. Attention, la blockchain n’en est pas pour autant anonyme : on parle plutôt de pseudonymat.

Exemple de transaction Bitcoin29 : en haut la référence de la transaction, à gauche l’ « adresse » de l’émetteur, à droite l’ « adresse » du receveur du paiement d’un montant de 0,0999 Bitcoin. Nous reviendrons sur le bitcoin plus en détails par la suite.

29 https://blockchain.info

29

Puisqu’il y a assez de confiance dans le système grâce à la sécurité garantie, on peut se passer d’intermédiaire dans un souci d’authentification des transactions également puisque tout es fait par le système lui-même. L’ajout d’un nouveau bloc dans la chaine étant le résultat d’un consensus des acteurs du réseau, il n’y a donc pas besoin d’une instance supérieure pour valider la décision. La blockchain permet de remplacer tous les tiers de confiance chargés d’authentifier les transactions (banques, assurances, notaires, etc.).

> Quelles sont les conséquences de cette désintermédiation pour les transactions ?

- Rapidité : n’ayant pas besoin de faire passer la transaction par un tiers, celle-ci devient automatiquement plus rapide.

- Coûts d’infrastructure : ils correspondent à l’investissement matériel (puissance de calcul et espace de stockage). Avec la blockchain ils ne sont pas à la charge d’une seule institution mais partagés entre les différents mineurs du réseau contre rémunération en crypto-monnaie.

Prenons un exemple concret avec le cas du Bitcoin. Imaginons qu’une personne A veuille faire un virement pour son loyer à son propriétaire B. Son loyer de 510€ euros soit environ 1 Bitcoin au cours de juin 2016.

- Avec la blockchain : le temps moyen pour effectuer une transaction en Bitcoin est de 10

minutes30, que l’on soit un dimanche comme un lundi. Et il n’y aura aucun frais de transaction appliqué puisque les acteurs du réseaux, ou mineurs, qui valideront cette transaction seront compensés par l’émission de bitcoins.

- Sans le blockchain : dans le cas d’un virement bancaire classique, celui-ci prendra dans la plupart des cas une journée ouvrée avant d’être crédité sur le compte du tiers et des frais bancaires seront bien évidemment appliqués.

30

Pourquoi faut-il attendre près de 10 minutes pour qu’une transaction soit confirmée ? sur bitcoin.fr

30

II. LA RENCONTRE FRUCTUEUSE ENTRE L’ECONOMIE COLLABORATIVE ET LA BLOCKCHAIN

1. LES DIFFÉRENTES APPLICATIONS DE LA BLOCKCHAIN

A. L’APPLICATION DIRECTE DE LA BLOCKCHAIN : LE BITCOIN

De premier abord, la création du bitcoin semble une tâche complètement farfelue voire impossible : comment est-il possible de créer une nouvelle monnaie, virtuelle qui puis est et internationale ? Comment croire et avoir confiance en cette invention ? Comment réguler et encadrer les échanges ? Comment faire face aux risques de contrefaçon et de piratage ?

Le bitcoin, est l’une des nombreuses applications possibles de cette technologie qu’est la blockchain, elle était même la seule et unique application lors de sa création car la blockchain a été la technologie qui a soutendu la création du bitcoin. En effet, la blockchain avait d’abord été créée dans le but d’authentifier les transactions en bitcoins, de sécuriser les transactions effectuées dans cette monnaie virtuelle. C’est ensuite seulement qu’elle a été transposée à d’autres domaines d’activités34.

La blockchain est, par sa première définition, « un grand livre comptable partagé et public

sur lequel repose le réseau bitcoin en entier »35. Ainsi il faut immédiatement associer le bitcoin à la blockchain, puisque sans la technologie, la monnaie n’existerait pas. Nous avons donc jugé indispensable de nous pencher sur ce système complexe et passionnant qu’est le bitcoin pour pouvoir envisager les différentes applications de la blockchain.

a. Définitions et concepts clés du bitcoin

Selon Serge Roukine, le bitcoin est « une monnaie électronique décentralisée reposant sur

un réseau en pair-à-pair et un logiciel libre »36. Attention toutefois ici à ne pas résumer le bitcoin à une monnaie électronique. En effet, dans notre vie de tous les jours, dès lors que nous réalisons une transaction avec une carte de crédit ou un virement, la banque débite notre compte et crédite celui du vendeur. Il n’y a aucun échange d’argent physique, donc une grosse partie de l’argent qu’on utilise peut déjà être qualifiée d’électronique.37

Le bitcoin en revanche est une monnaie électronique mais également décentralisée, et c’est ici que se fonde toute la différence. Il n’y a aucune instance comme une banque qui va centraliser toutes les transactions au sein d’une base de données (autrement dit, un fichier informatique).

Toutes les transactions sont partagées dans un immense réseau dit peer to peer : tous les

utilisateurs connectés au réseau bitcoin peuvent disposer d’une copie de la base de données qui

contient toutes les transactions38. Ce système fonctionne donc sans aucune autorité centrale, comme une banque : n’importe quel utilisateur peut inscrire une transaction dans la base de données.

34 La blockchain est-elle l’avenir de l’économie collaborative ? sur le blog de Magicstay en 2016 35 Comment fonctionne Bitcoin ? sur le site bitcoin.org 36 Serge Roukine, Comprendre et utiliser le bitcoin, 19Editions

37 Plus de 90% de l’argent que l’on utilise aujourd’hui est électronique : la masse monétaire totale en zone euro est de

11,000 milliards, il n’y a que 1,000 milliards d’euros en pièces et billets soit environ 10% de l’argent est physique. 38 On peut d’ores et déjà penser qu’une telle base de donnée semble beaucoup plus difficile à détruire ou à pirater

puisqu’il existe des centaines de milliers de copies.

31

Prenons un exemple concret pour illustrer ce concept :Oriane souhaite acheter une paire de lunettes de soleil avant de partir en vacances et constate que, justement, Aude vend les siennes pour 0,1 BTC. Oriane va alors inscrire dans la base de données qu’elle, Oriane, donne 0,1 BTC à Aude pour ses lunettes. Aude accepte. La transaction est enregistrée et l’ensemble du réseau

reçoit l’information, puis Aude peut envoyer ses lunettes à Oriane puisque la transaction a été authentifiée.

Serge Roukine dans son livre « Comprendre et utiliser le bitcoin » se propose de répondre à la cette question fondamentale suivante : pourquoi le bitcoin est une « bonne » monnaie ? Selon cet auteur, le bitcoin répond à toutes les caractéristiques des monnaies traditionnelles et répond ainsi aux critères d’une « bonne » monnaie :

- Rare : personne n’est en mesure de créer ou de falsifier des bitcoins et son nombre est limité. On connaît en permanence le nombre de bitcoins mis en circulation et le nombre maximum de bitcoins sur Terre a une limite de 21 millions en 2020.

- Impérissable : on pourra toujours payer ou vendre des biens en bitcoins ou stocker cette monnaie de manière infinie. La périssabilité du bitcoin est intrinsèquement liée à l’usure du système informatique et des ordinateurs qui lui sont connectés. En ce sens, les bitcoins

existeront tant que l’informatique fonctionnera39.

- Accessible : on peut s’inquiéter de l’augmentation fulgurante de la valeur du bitcoin depuis ses débuts et ainsi douter de la facilité d’acheter des produits et services si le bitcoin atteint une valeur trop élevée. Ici, le bitcoin est techniquement divisible à l’infini, peut importe sa valeur, on pourra raisonner en centièmes, millièmes, cent-millionièmes de bitcoins.

- Transmissible : il est très facile d’échanger des bitcoins, et ce en un laps de temps réduit et gratuitement. S’il faut plusieurs jours pour faire un virement, sujet à l’acceptation d’une banque, une transaction en bitcoins est validée sur le réseau en une heure, et gratuitement à 99% des cas.

Ainsi, par son aspect rare, impérissable, accessible à tous, facilement échangeable, le bitcoin

répond à toutes les caractéristiques d’une vraie et bonne monnaie, ce qui assure la confiance des utilisateurs en cette devise. Afin de creuser un peu plus cette vision positive de Serge Roukine, nous allons aborder plus en détails la mécanique qui sous-tend le bitcoin et qui lui confère ces caractéristiques.

b. La petite histoire du bitcoin

A l’origine de cette monnaie, on trouve un certain Satoshi Nakamoto mais on ne sait pas qui est réellement le ou les inventeurs du bitcoin, qui mit en circulation le premier bitcoin pour quelques dollars. Sous ce pseudonyme, on pense soupçonne trois spécialistes de la cryptographie : Vladimir Oksman, Neal King et Charles Bry40. Pour autant, certains pensent qu’il s’agirait de Nick Szabo, un professeur d’université. Le flou reste total mais le pseudonyme Satoshi

Nakamoto reste le tout premier mineur de bitcoins et possède à son actif plusieurs centaines de milliers de bitcoins à l’heure actuelle.

Si l’histoire du bitcoin est toute récente, elle fut riche en évènements et rebondissements. Nous allons donc brièvement nous intéresser aux étapes clés à l’origine du succès de cette monnaie.

39 De plus, il est même possible de stocker des bitcoins sur des services spécifiques en ligne, des clefs USB adaptées,

des DVDs gravés ce qui garantie la durabilité de cette monnaie. 40 Ces trois personnes auraient en effet déposé un brevet relatif aux technologies de réseau liées à la cryptographie trois

jours avant la réservation du nom de domaine Bitcoin.org.

32

- C’est en 2008 que le nom de domaine Bitcoin.org est réservé pour la première fois ; un an plus tard une version 0.1 du logiciel Bitcoin fait son apparition et annonce le début des transactions : la valeur du bitcoin est placée à un millième de dollar.

- En 2010, tout s’accélère. La place de marché MtGox est créée, un raccourci de « Magic : The Gathering Online eXchange » : elle constitue une plateforme pour tous les échanges en bitcoins41.

- Dès 2011, le bitcoin est de plus en plus médiatisé : de nouvelles plateformes apparaissent aux quatre coins du monde (Brésil, Royaume-Uni, Pologne) ainsi que les premières conférences sur le sujet.

- L’année 2012 enregistre les premiers dérives de cette monnaie : 50,000 bitcoins sont volés suite à une faille technique du logiciel, il s’agit du plus grand vol de bitcoins de l’histoire. Au même moment, la Fondation Bitcoin fait son apparition, dont l’objectif est de promouvoir l’utilisation et l’expansion de cette monnaie.

- Un an plus tard, en 2013, le bitcoin connaît des nouveaux scandales. Premièrement, un bug dans le système entraine la duplication des transactions au sein de la blockchain.

Pour faire face à ces doublons, une seule et unique version du logiciel est alors jugée valide et adoptée par l’ensemble des utilisateurs. Deuxièmement, la plateforme historique du bitcoin MtGox est secouée par un litige financier, la justice américaine bloque 5 millions de dollars de fonds.

Le bitcoin s’est surtout fait connaître par deux plateformes intrinsèquement liées à son

histoire : Silk Road et Satoshi Dice. Puisque le bitcoin permet de transférer de l’argent anonymement à un fournisseur, il peut très vite être utilisé à des fins illégales, c’est notamment le cas du site Silk Road, aussi appelé le supermarché de la drogue en ligne. Sur ce site, on trouve de tout : faux-papiers, contrefaçons, médicaments et stupéfiants. Toutes les transactions sont réalisées uniquement en bitcoins et on ne peut retracer l’identité des acheteurs ou des vendeurs. Cette place de marché a été fermée par le FBI en 2013. Pour autant, elle doit son existence à celle du bitcoin et constitue une étape importante dans son développement42.

On se doit également de faire référence à autre site, tout aussi connecté aux bitcoins : Satoshi Dice. Il s’agit d’un site de pari en ligne entièrement basé sur le bitcoin : le site met à disposition plusieurs adresses bitcoin sur lesquelles parier, avec une probabilité de gain et un coefficient multiplicateur. En cas de gain, l’utilisateur obtient sa mise initiale multipliée par le coefficient associé, le tout en bitcoins. Le site a été revendu pour 11,5 millions de dollars en 2013.

L’histoire du bitcoin demeure donc très controversée entre dérives incontrôlées (comme le témoigne l’exemple de la plateforme Silk Road) et richesse exponentielle pour certains de ses utilisateurs. On peut notamment citer l’histoire d’un jeune étudiant norvégien qui avait acheté 27 dollars de bitcoin en 2009 pour finalement toucher plus d’un million de dollars et s’acheter un appartement en 201343.

c. Guide utilisateur du bitcoin44

Comment échanger des bitcoins ? Comment devenir utilisateur ? Pour commencer, il faut préciser que l’échange de bitcoins est complètement gratuit et libre. Il suffit de disposer de deux

« outils » : une adresse bitcoin et un portefeuille électronique et de télécharger un logiciel.

41 Elle recensait près de 70% des transactions en 2013 (Wikipédia). 42 Le FBI aurait recensé plus de 1,2 milliards de dollars de transactions, soit 9 millions de bitcoins destinés à l’achat de

drogues (Theverge.com). 43 Yahoo.com

44 https://bitcoin.fr/principes-techniques/

33

1. Se créer une adresse Bitcoin : il s’agit de créer une adresse spécifique, du même type qu’une adresse email pour s’identifier et ainsi pouvoir vendre et acheter des bitcoins. Exemple : 18Trqk3tKkF8vNoW6am5rx8K6wUSQAqo1q.

2. Se constituer un porte-monnaie électronique : il s’agit d’un logiciel contenant des adresses

bitcoin et qui permet de se connecter au réseau. Il faut au minimum une adresse au sein du portefeuille électronique pour effectuer des transactions. Une fois le logiciel téléchargé, on peut librement recevoir ou envoyer des bitcoins entre deux adresses.

3. Se procurer des bitcoins : il existe différents moyens : les places de marché (la solution la plus usitée), le minage de bitcoins (obtenir des bitcoins comme rémunération), les programmes d’affiliation, les sites publicitaires (obtenir gratuitement un montant très réduit de bitcoins), ou encore les lieux physiques comme la Maison du Bitcoin à Paris.

4. Télécharger le logiciel libre (ou programme informatique) appelé BitCoin Core. Plusieurs milliers d’ordinateurs (et donc de personnes) sont connectés à ce logiciel et constituent ainsi un réseau d’utilisateurs, libres de réaliser des transactions en bitcoins dans le monde entier. Une fois connecté au réseau, il faut mettre à jour l’ensemble de la base des données de toutes les transactions réalisées depuis la création du projet (cette étape peut prendre plusieurs jours). La mise à jour terminée permet au logiciel de

fonctionner de manière continuelle, en réseau, avec l’ensemble des autres ordinateurs connectés.

Il ne reste plus qu’à dépenser ses bitcoins !

Alors justement, une fois munis d’une adresse bitcoin et d’un portefeuille électronique et acheté un certain montant de bitcoins en ligne, comment pouvons-nous les dépenser ou les

utiliser ? En d’autres termes, quelles sont les utilisations du bitcoin ?

On peut utiliser le bitcoin de deux manières différentes : échanger et stocker de la richesse.

Premièrement, le bitcoin peut servir d’intermédiaire entre les échanges : on peut acheter et vendre des biens et services en bitcoins. Toutefois, contrairement aux monnaies traditionnelles, on ne peut pas encore tout acheter avec des bitcoins. Pour autant, on trouve déjà de nombreuses

utilisations :

- L’achat de noms de domaines : namecheap.com

- L’inscription à l’université : Université de Nicosia, Chypre

- Le paiement d’un sandwich Subway dans certains restaurants aux Etats-Unis ou de sushis Maki Wrap en France

- La réservation d’un voyage dans l’espace avec Virgin Galactic

- L’achat de produits illégaux notamment de la drogue : la plateforme SilkRoad doit indéniablement sa création aux bitcoins.

Deuxièmement, le bitcoin peut être vu comme un moyen de créer de la valeur : on peut garder ses investissements en bitcoins au sein de nos portefeuilles électroniques. C’est un moyen d’épargner, mais aussi de prévoir et spéculer sur la volatilité du cours du bitcoin et les

perspectives de rendements futurs. A tout moment, à travers les plateformes d’échanges, on peut transformer nos bitcoins en euros ou dollars.

Dernièrement, le bitcoin est également de plus en plus utilisé dans le cadre de levées de fonds : de plus en plus d’entreprises se financent à travers l’apports d’investisseurs notoires en bitcoins45.

d. Les mécanismes sécurisants en jeu

Dans notre économie classique, la banque joue un rôle majeur dans les transactions : en effet

elle permet premièrement de valider l’identité des auteurs des transactions (authentification) et

deuxièmement, elle vérifie que les personnes ont l’argent nécessaire pour payer. Par ailleurs, elle

45 On peut faire référence à la société Coinbase qui a levé des fonds à hauteur de 5 millons de dollars en 2013

34

permet de sécuriser la base de données des transactions (elle empêche que n’importe qui vienne pirater ou falsifier cette base).

Pour remplir tous ces rôles en l’absence d’organe central, le bitcoin se base sur deux

technologies majeures : la signature électronique et la blockchain. Etudions les rôles un par un et analysons comment le bitcoin permet d’y faire face.

> Rôle #1 : comment être sûr de l’identité de l’auteur de la transaction (dès lors que l’on

aperçoit un transfert de bitcoins sur le réseau) ?

On utilise ici le principe de la cryptographie asymétrique. En cryptographie on utilise une clef qui permet de chiffrer et déchiffrer des messages. Exemple : attaque imminente (chiffrage avec une clef A) cewghio pjdrebneg attaque imminente (déchiffrage avec la clef A).

Ici le bitcoin utilise encore une technologie supérieure puisqu’on parle de chiffrage asymétrique c’est-à-dire que la clef qui sert à déchiffrer le message n’est pas la même que celle qui sert à chiffrer le message initial. Exemple : attaque imminente (chiffrage avec la clef B) gfujejkllppdnbee attaque imminente (déchiffrage avec la clef C). Il faut absolument la clef de

déchiffrage pour trouver la signification du message.

Ici l’avantage de la cryptographie asymétrique est le suivant : la clef de chiffrement est publique, tout le monde peut y avoir accès et ainsi n’importe qui peut envoyer des messages codés. Pour autant la clef de déchiffrement reste privée, seul l’utilisateur peut lire et déchiffrer les messages. L’intérêt est de pouvoir recevoir des messages codés par n’importe qui tout en protégeant l’auteur initial de la transaction. C’est en particulier utile pour un journaliste, une agence de renseignements ou dans les communications sur Internet.

La signature électronique est exactement tout l’inverse de la cryptographie asymétrique : la clef de chiffrement est privée, en la possession de l’auteur, alors que la clef de déchiffrement est publique et accessible à tous. Ici ce système ingénieux permet de vérifier l’identité de l’auteur de la transaction. Par exemple : si Oriane a inscrit « Moi, Oriane, donne 0,1 BTC à Aude pour sa

paire de lunettes de soleil », elle va ensuite avec sa clef de chiffrement crypter cette action sous la forme « hgduj758HNVD » et l’inscrire au sein de la base de données. N’importe quel utilisateur peut appliquer la clef de déchiffrement publique, et ainsi déchiffrer et valider cette transaction. L’identité de l’auteur comme Oriane est ainsi vérifiable par tous, puisqu’Oriane est la seule à avoir chiffré la transaction sous la forme « hgduj758HNVD » puisque sa clef de chiffrement privée lui est propre.

Ainsi au moment de la connexion au réseau bitcoin, le nouvel utilisateur doit disposer d’un portefeuille électronique, d’une adresse bitcoin. Il reçoit ensuite deux clefs : une clef privée, qu’il va garder pour lui précieusement pour authentifier ces transactions, et une clef publique pour valider les nœuds du réseau. Nous reviendrons sur le fonctionnement du bitcoin dans la pratique par la suite.

> Rôle #2 : comment être sûr que l’auteur de la transaction ait les fonds disponibles pour

payer ?

Il faut comprendre que lorsqu’on inscrit une transaction sur le réseau, on inscrit également une référence aux transactions précédentes, une référence à l’origine de l’argent que j’ai récolté. Exemple : au lieu d’écrire « Moi, Oriane, donne 0,1 BTC à Aude », Oriane doit inscrire « Moi, Oriane, donne 0,1 BTC à Aude, en utilisant les 0,1 BTC reçus par Meyssane la semaine dernière ». En effet, la semaine précédente, Oriane et Meyssane avaient parié sur les résultats du match France-Irlande pendant l’Euro 2016 de football. Oriane ayant obtenu le résultat exact, elle a donc reçu 0,1 BTC de la part de Meyssane. Ainsi, dans la base de données se sont les 0,1 BTC reçus par Meyssane qui vont être utilisés pour payer la paire de lunettes de soleil achetée à Aude.

L’intérêt de faire référence aux transactions passées est double :

35

- Il n’est pas nécessaire de connaître le solde du compte de l’utilisateur et donc de vérifier s’il a les fonds disponibles pour payer. Il suffit de vérifier que les transactions passées auxquelles il fait référence n’ont pas déjà été utilisées dans une autre transaction.

- Cela empêche de faire un copier-coller de la transaction : on ne peut pas utiliser deux fois la somme reçue par une transaction, le double paiement est impossible !

> Rôle #3 : comment être sûr que la base de données soit valide et sécurisée ?

Le système est ouvert, partagé, et dépendant d’une technique d’authentification mais il reste un problème : il existe une multitude de copies de la base de données et donc il faut trouver un moyen pour qu’elles communiquent entre elles et se synchronisent afin d’éviter les risques, en particulier le risque de double paiement.

Ici chaque nœud du réseau possède une liste de transactions dites « en attente », puis, toutes les dix minutes en moyenne, les mineurs valident les nouvelles transactions qui sont fixées dans un

nœud du réseau : nous avons vu précédemment que cela constitue un bloc de transactions. Ainsi, tous les autres nœuds du réseau se synchronisent en fonction de ce bloc validé. Chaque

bloc doit entreprendre de vérifier à nouveau toutes ses transactions en attente, sur le modèle du nouveau bloc validé (et donc des transactions qui le composent).

Mais alors, comment définir de manière unique le nœud qui sera validé et sur lequel l’ensemble des transactions suivantes en attente va se baser ? Si plusieurs nœuds sont validés pour les mêmes transactions, on tombe dans le piège du double paiement et de transactions enregistrées plusieurs fois. Cela pourrait créer plusieurs blockchains et rompre l’unicité et l’inviolabilité du système car plusieurs registres existeraient. Comment est-ce évité ?

Dans un premier temps, pour proposer un nouveau bloc à l’ensemble du réseau, il faut lui trouver

un nom ou plutôt un identifiant et cet identifiant nécessite de résoudre un problème

mathématique compliqué : c’est le principe du hashage. Sans rentrer dans les détails techniques,

le hashage est un système très complexe qui permet d’attribuer un identifiant à chaque bloc de

transaction. Le hashage utilise l’identifiant du bloc précédent et la liste des transactions en

attente du bloc à valider. Dès lors qu’un bloc trouve un identifiant qui répond au problème mathématique posé (avant les autres blocs, en attente), il est validé, et les autres nœuds se synchronisent sur ce bloc et peuvent chercher à nouveau leurs identifiants, et ainsi de suite s’enchaine le système de la blockchain.

Ce système est très sécurisé puisque l’identifiant du bloc précédent est utilisé pour déterminer l’identifiant du bloc en traitement, ainsi il est d’une part impossible de modifier l’identifiant d’un bloc dans le passé, sans changer l’ensemble des identifiants des blocs qui lui sont rattachés. Or on sait qu’il y a un bloc validé toutes les dix minutes en moyenne sur la blockchain qui soutient le bitcon, c’est donc un travail impossible à réaliser et la protection de la chaine de blocs est optimale.

Pour résumer :

- Chaque nœud du réseau a sa liste de transactions en attente, et travaille de manière acharnée pour faire en sorte que cette liste devienne le prochain bloc (c’est le travail de

minage). Pour contribuer au réseau, il faut donc travailler afin d’aboutir à ce qu’on a défini précédemment comme la preuve de travail.

- Le premier nœud (ou mineur) qui parvient à trouver un identifiant est l’heureux élu qui sera rémunéré en bitcoins et tous les autres nœuds du réseau se synchronisent sur ce nouveau bloc.

- Le processus se répète et c’est ainsi que se crée la blockchain.

Mais que faire si deux nœuds du réseau proposent leurs blocs de manière simultanée ? Il reste en effet ce dernier problème à résoudre : le cas où deux nœuds trouvent simultanément leur identifiant propre et sont ainsi les candidats légitimes à la validation. Dans un tel cas, on se

retrouve avec deux chaînes de blocs différentes. La règle est simple : tous les nœuds du réseau doivent conserver les deux chaînes mais on doit uniquement continuer à travailler sur la plus

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longue des deux. Ainsi la plus grande chaîne va prendre le pas sur l’autre et les blocs suivants ne pourront être validés qu’en se basant sur l’une seule des deux versions ; l’unicité et l’inviolabilité de la chaine de blocs est donc préservée même dans le cas de la validation de deux blocs en simultané.

Ainsi, le fonctionnement de la blockchain permet de sécuriser l’utilisation des bitcoins. Chaque utilisateur (ou ordinateur connecté au réseau) ne possède qu’une très faible puissance de calcul en comparaison au total. Pour compromettre l’utilisation de ce système, il faudrait qu’une

même entité arrive à contrôler plus de 50 % (c’est-à-dire 51% minimum) de la puissance de calcul de tout le réseau. Théoriquement, cette entité pourrait insérer les transactions qu’elle souhaite dans la blockchain, invalider et censurer certaines transactions.

Pour autant, les utilisateurs n’ont aucun intérêt à conférer leur puissance à une seule et même personne puisqu’ils sont, personnellement, rémunérés pour leur travail, le tout en bitcoins. Dès qu’un bloc est validé, l’utilisateur reçoit 25 BTC (soit 10,000 euros actuellement)46 Ainsi si un mineur arrivait à contrôler 51% de la puissance de calcul, le système serait compromis ce qui ferait instantanément chuter la valeur du bitcoin de manière vertigineuse et irait

fondamentalement contre les intérêts de ce même mineur. Ainsi les mineurs font attention à ne pas concentrer trop de puissance de calcul afin d’éviter un tel scénario, et tous les utilisateurs ont intérêt à ce que la fiabilité de la chaine de blocs soit maintenue.

Ainsi on comprend que le réseau Bitcoin est particulièrement bien pensé et sécurisé afin de limiter voire supprimer toute menace de piratage. C’est ainsi qu’il se passe d’autorité centrale régulatrice et fonctionne sans intermédiaire traditionnel.

e. Le bitcoin : une monnaie

Nous avons vu qu’à l’issue du travail des mineurs, chaque bloc est validé et les transactions sont réalisées. La vérification de blocs relève d’une sorte de tirage au sort dans l’ensemble des

ordinateurs du réseau : lorsqu’un ordinateur remporte ce tirage, il a l’opportunité de miner le bloc et d’être rémunéré pour sa prestation 48 . La rémunération se fait en bitcoins provenant de transactions précédentes : ainsi le mineur se voit attribuer un certain montant de bitcoins. Les

bitcoins ne se trouvent plus en circulation, ce système permet donc la création de nouveaux

bitcoins dans la base. Le montant total des bitcoins en circulation est plafonné à 21 millions de

bitcoins. Une fois ce nombre atteint, d’ici quelques années, les mineurs de bitcoins ne pourront plus être rémunérés en bitcoins et percevront une prime ou commission sur chaque transaction. A l’heure actuelle, nous comptons déjà 15,5 millions de bitcoins en circulation. Le tableau ci-dessous schématise le nombre de bitcoins en circulation à travers le temps. Le maximum sera atteint d’ici une quinzaine d’années.

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Toutefois, il faut mettre tellement de puissance de calcul pour arriver à déminer un bloc qu’il faut être plusieurs et

regrouper les compétences entres utilisateurs.

48 A l’heure actuelle, toutes les dix minutes, 25 BTC sont destinés aux mineurs de bitcoins pour rémunérer les mineurs.

Cette activité nécessité un matériel informatique très important et est fortement consommatrice d’énergie : un

ordinateur relativement récent et performant n’est pas capable de réaliser cette tâche.

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Source : https://en.bitcoin.it/wiki/File:Total_bitcoins_over_time_graph.png

Aujourd’hui, le bitcoin n’est pas la première monnaie électronique imaginée mais c’est la plus aboutie et celle avec la plus grosse valorisation. A l’heure où nous écrivons, plus de 15 500 000 bitcoins50 sont en circulation avec une valeur unitaire de 573€51, soit une valorisation a plus de 8 milliards d’euros en juin 2016.

Ce sont les utilisateurs eux-mêmes qui donnent la valeur du bitcoin à partir du moment où ils sont prêts à acheter un certain montant de bitcoins à un montant donné. Voici l’historique du prix du bitcoin en fonction du dollar américain (USD).

Source : https://bitcoin.org/img/faq/price_chart.png

50 https://blockchain.info/fr/charts/total-bitcoins 51 https://blockchain.info/fr/charts/market-price

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B. UN APERÇU DES AUTRES APPLICATIONS DE LA BLOCKCHAIN

La blockchain joue un rôle dès lors qu’il y a une interaction entre deux individus, que ce soit, l’achat, la vente voire un échange de biens ou services. En ce sens, cette technologie pourrait jouer un rôle dans tous les secteurs d’activités :

- Le finance : avec une modification de l’activité des acteurs financiers (banques et assurances notamment).

- La politique : pour la comptabilisation des votes lors d’élection ou pour la collecte des impôts.

- Le juridique : le recours aux smart contracts pour les documents officiels, les licences et les droits de propriété intellectuelle.

- Le social : l’utilisation des outils technologiques dans les secteurs de la santé (suivi médical) et de l’éducation (authentification des diplômes).

- La culture : l’authentification des œuvres d’arts, du contenu musical, des écrits littéraires.

- L’immobilier : la certification des titres de propriété et actifs fonciers.

Nous pouvons étudier les applications de la blockchain à travers plusieurs exemples illustratifs, que ce soit en abordant des alternatives au bitcoin mais également des secteurs très différenciés.

a. Les alternatives aux bitcoins : les altcoins et Ethereum

Force est de constater que le succès du bitcoin a très vite engendré le développement de crypto-monnaies alternatives qui s’en inspirent : Ripple, Litecoin, Peercoin, Darkcoin…

Aujourd’hui, il existe plus de 80 monnaies cryptographiques concurrentes au bitcoin68.

Le bitcoin a donné naissance à d’autres formes de crypto-monnaies, les altcoins, qui fonctionnent sur le même principe : un logiciel initial avec des modifications successives. Parmi ces altcoins qui restent encore marginaux, on peut trouver :

- Le Litecoin (LTC) : il dispose d’une vitesse d’exécution quatre fois supérieure au bitcoin (une transaction est validée en quatre fois moins de temps, puisque les blocs sont minés quatre fois plus rapidement) et son montant maximum en circulation est beaucoup plus élevé (81 millions de litecoin pour 21 millions de bitcoins).

- Le Peercoin (PPC) : il se distingue par sa consommation d’énergie limitée et introduit la notion de propriété ou « proof of stake ». Concrètement, il détermine la légitimité d’un mineur en fonction du nombre de peercoins en sa possession.69

- Les autres monnaies alternatives : on peut aussi évoquer le Namecoin (NMC) ou le Feathercoin (FTC), toutes des crypto-monnaies résultant des modifications du logiciel blockchain original.

L’existence de ces crypto-monnaies alternatives est très intéressante puisqu’elle témoigne du succès direct du bitcoin. De plus, elles sont des sources d’investissements rassurantes pour les nouveaux investisseurs puisque ces monnaies valent moins de 10 dollars pièce alors que le bitcoin atteint les 573 dollars.70

Plus ambitieux qu’une simple monnaie virtuelle, Ethereum propose une révolution encore plus poussée… Quand le jeune Vitalik Buterin d’à peine 20 ans, prodige Canadien d’origine

68 Jean-Paul Delahaye, Le Bitcoin, une monnaie révolutionnaire, janvier 2014 69 Plus un mineur a des peercoins dans son portefeuille électronique, plus il est légitime pour lui de miner et moins il a

besoin de consommer des ressources informatiques et donc énergétiques. 70 Cours du bitcoin au 29 Juin 2016, source : https://bitcoin.fr/cours-du-bitcoin/

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russe, imagine Ethereum, c’est pour pallier aux déficiences qu’il perçoit dans le Bitcoin, notamment en terme de sécurité et de praticité. Il finance son projet par une levée de fond historique en 2014 de 18,9 millions de dollars ou « 30.000 bitcoins » comme il le dit71 en vendant sa monnaie l’Ether, qui est actuellement la deuxième monnaie virtuelle derrière le Bitcoin en

seulement deux ans d’existance avec une capitalisation boursière en juin 2016 de plus d’un milliard de dollars72 (contre 9 milliards de dollars pour le Bitcoin).

Ethereum, comme le Bitcoin, est une blockchain ; elle en possède donc bien sur toutes les propriétés : elle est publique, décentralisée et surtout très sécurisée. On peut l’envisager comme

« un ordinateur mondial, que n’importe qui peut programmer et utiliser comme il le souhaite

»73. Sur le site officiel Ethereum.org, Ethereum est définit comme « a decentralized platform that runs smart contracts: applications that run exactly as programmed without any possibility of downtime, censorship, fraud or third party interference. », ou en français « une plateforme

décentralisée qui fait fonctionner des smart contracts : des applications qui fonctionnent exactement comme elles ont été programmées sans aucune possibilité de panne, censure, fraude ou interférence d’un tiers ».

> Quelles sont les différences avec le Bitcoin ? La blockchain du bitcoin a été pensée dans le but de gérer des transactions à travers l’utilisation d’une crypto-monnaie, le bitcoin. L’Ethereum va beaucoup plus loin : on peut parler de « premier véritable ordinateur global » 74 qui serait capable de créer tout types d’applications, et en particulier des smart contracts, allant donc plus loin qu’une utilisation transactionnelle en proposant une révolution plus profonde.

> Comment fonctionne l’Ethereum ? L’Ethereum développe une nouvelle dimension de la blockchain en offrant l’opportunité de développer toute sorte d’applications. Le principe est simple : les développeurs envoient une série d’instruction à la blockchain. Ces consignes sont ensuite effectuées automatiquement et sans erreur au moment où l’application sera lancée par un utilisateur.

Au cœur de ces applications on retrouve les smart contracts, l’élément décisif de l’Ethereum. Pour rappel, un smart contract, ou contrat intelligent, est un programme autonome qui exécute automatiquement des conditions préalablement définies en fonction de l’occurrence de certaines situations. Pour caricaturer, les smart contracts répondent aux mêmes principes que les boucles informatiques (langage turbo Pascal ou VBA) : if… then (si… alors). L’Ethereum s’opère grâce à une autre crypto-monnaie, l’Ether, dont l’objectif est de payer l’exécution des smart contracts. Les domaines d’applications sont immenses75 : vote en ligne, paris sportif, conciergerie digitale, loterie, covoiturage comme avec Lazooz… Tout l’intérêt réside dans le fait que le système et totalement transparent, donc vérifiable, et décentralisé, donc non corruptible.

b. Des applications dans la vie courante

Exemple #1 : le transport

Anne est une grand-mère qui vit dans un petit village en Savoie. Elle souhaite rendre visite à ses petits-enfants habitant à Paris. Ne se sentant pas capable d’assurer plus de 7 heures de route en voiture toute seule du fait de son certain âge et ne trouvant pas d’horaires de trains convenables ; Anne décide de s’inscrire sur la’Zooz, une nouvelle application qui révolutionne le transport.

71 "Ethereum, La Blockchain Plus Sophistiquée Que Celle De Bitcoin". Lesechos.Fr. 13/01/2016 72 http://coinmarketcap.com/#EUR 73 "Qu’Est-Ce Qu’Ethereum ?" Polrot, Simon. 2016. Ethereum France.

74 https://blockchainfrance.net/2016/03/04/comprendre-ethereum/ 75 Voir la liste de plus de 200 projets de Dapps, ou application décentralisée, en construction sur Ethereum.

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Une fois l’inscription terminée, Anne constate qu’il y a déjà de nombreuses demandes de trajets au départ de Savoie (Chambéry, Albertville) en direction de Paris. Contrairement aux plateformes mondialement connues Uber ou BlaBlaCar, la’Zooz ne dispose pas d’unité centralisatrice, la plateforme est complètement décentralisée et autogérée par la communauté

d’utilisateurs. Anne va minutieusement examiné les profils des différents chauffeurs disponibles pour son trajet : voilà qu’elle choisit Bertrand, un jeune professeur de philosophie au profil très sympathique. Elle paiera son trajet moins cher que sur BlaBlaCar en évitant les frais additionnels posés par l’intermédiaire.

Exemple #2 : la culture

Rémi est depuis toujours passionné de musique, il passe son temps libre à écouter de nouveaux morceaux et à proposer ses propres mix en tant que DJ dans des petites salles ou soirées lyonnaises. Du fait de son métier parallèle et de sa passion, Rémi ne souhaite avoir aucune restriction en termes d’écoute musicale et ainsi disposer d’un large catalogue. Pour autant, Rémi est sensible au respect des droits d’auteur des différents artistes, il est d’ailleurs lui-même le premier énervé lorsque l’on plagie l’une de ses compositions personnelles.

Grâce à la blockchain, Rémi a trouvé la solution à son problème : il est inscrit sur la plateforme Ascribe. Cette interface lui permet d’accéder à toute une base de données de musique dont le paiement est directement reversé aux artistes, il n’y aucune intervention d’une tierce personne, organisme ou maison de disque. Ainsi, Rémi est rassuré, il peut découvrir de nouveaux morceaux, il sait où va son argent, et permet aux artistes qu’ils aiment d’être rémunérés pour leur talent.

Exemple #3 : le travail

Paul est actuellement Consultant Junior au sein d’un prestigieux cabinet de conseil en stratégie américain. Pour les besoins de son métier, il réalise fréquemment des missions partout en France et à l’étranger. Or, Paul vient d’être choisi pour travailler sur un nouveau projet à Milan en Italie. Pour se simplifier la vie, il souhaite détenir tous les fichiers (professionnels et personnels) dont il a

besoin sur son smartphone de façon hautement sécurisée.

Pour cela, il va télécharger l’application mobile ShoeCard la veille de son départ. Il va ensuite importer (scanner) et signer via l’application tous les documents utiles au bon déroulement de son séjour à l’étranger (passeport, carte vitale, contrat de travail, billets d’avion, etc.). ShoeCard va ensuite faire circuler l’ensemble de ces informations à travers les nœuds du réseau bitcoin. Ce réseau génère une série de clés d’identification en charge de protéger les données de Paul. Contrairement à un serveur classique ou à une plateforme digitale (à l’instar de Google Drive ou DropBox), les données de Paul sont hautement sécurisées et impossibles à pirater sur le réseau bitcoin (cf chapitre sur les fonctionnements du bitcoin).

c. Des applications transformantes à l’échelle sociale

Exemple #1 : la santé

Aude est partie faire le tour du lac d’Annecy en vélo, sa ville natale. Elle fait une grave chute et se retrouve aux urgences de l’hôpital le plus proche.

Avec la blockchain, l’ensemble du cursus médical d’Aude, ses traitements en cours, accidents passés, les personnes à contacter en cas d’urgence, ses allergies potentielles, ou encore les vaccins et prises de sangs réalisés depuis sa naissance sont disponibles au sein d’une banque publique. Chaque patient peut ainsi retrouver toutes ses données médicales grâce à un identifiant qui lui est propre et disponible sur une blockchain. Dans le cas où Aude arrive inconsciente aux urgences mais qu’elle a dans son sac à main sa carte d’identité, on peut imaginer que les médecins ont accès à une blockchain privée où les identités des patients sont reliées à leur clef privée. Ils peuvent ainsi avoir accès à l’identifiant privé d’Aude et accéder à son dossier médical comme elle

l’aurait fait.

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On peut même envisager la création de bracelets pour les patients dès lors qu’ils sont admis à l’hôpital : le bracelet porte cet identifiant codé (ou scanné) pour chaque personne malade. Par ce moyen, les médecins sur place peuvent directement scanner le numéro, avoir accès au dossier du patient et ainsi contribuer au mieux à sa guérison. Dès qu’un médecin traite un patient, il peut

mettre à jour son dossier médical sur la blockchain et permettre un suivi précis des informations.

De plus, les factures des soins médicaux prescrits à Aude sont également disponibles sur cette base de donnée électronique. Ainsi, le paiement sera automatiquement pris en charge par sa mutuelle, Aude n’aura à remplir ni justificatif ni formulaire de remboursement car un smart contract déclencherait le processus automatiquement dès l’entrée d’informations du médecin, cryptée par une clef à nouveau privée du médecin et/ou de l’hôpital. La blockchain peut ainsi complètement révolutionner le domaine de la santé et faciliter à la fois le service fourni au patient et le travail des spécialistes médicaux.

Exemple #2 : la propriété intellectuelle

Adrien est étudiant en dernière année à l’EMLYON Business School. Passionné

d’entrepreneuriat, c’est tout naturellement qu’il décide de créer sa start-up à la fin de ses études. Il a eu l’idée d’un projet innovant : « Oh My Tea !»76, une jeune entreprise dynamique qui souhaite faire redécouvrir le thé aux plus jeunes générations. Pour cela, Adrien s’appuie sur des packagings innovants et attractifs, des associations de saveurs uniques et des produits de haute qualité.

Son projet est ambitieux et unique, ainsi il souhaite déposer un brevet pour protéger son idée. Pour cela, il va, d’abord, créer un fichier zip « blueprints » qui va regrouper l’ensemble des données nécessaires à la réalisation de son projet (processus de fabrication, cartes électroniques, impressions des packaging, recettes spéciales, etc.). Puis, il va payer un service nommé BOP (Blockchain Oriented Programming), chargé de breveter gratuitement et instantanément son projet (et les supports) en open source.

Dans le même esprit, on retrouve l’application Factom77, qui propose d’utiliser la Blockchain afin de certifier trois choses : l’existence même d’un document, les différentes versions disponibles de

ce document et de retracer les modifications apportées. Factom enregistre donc toutes les données relatives au document par ordre chronologique dans une liste unique. Cette liste est envoyée aux différents nœuds du réseau et ne peut être modifiée (on peut bien entendu ajouter à l’infini de nouvelles informations).

Exemple #3 : la politique

Meyssane a la double nationalité franco-marocaine. En automne 2016, les élections législatives ont lieu au Maroc. Meyssane, très intéressée par le devenir politique et les enjeux économiques de son pays, souhaite vivement y participer. Malheureusement, elle sera, au même moment, en échange académique à Mexico. Grâce à la blockchain, Meyssane pourrait exaucer son souhait et voter aux élections.

Partons du principe que l’Etat marocain instaure un système de vote en ligne dans le cadre des

ces élections. Meyssane va s’inscrire sur la plateforme électronique dédiée. Le système fournit par la blockchain est simple : Meyssane va disposer d’un compte avec les profils de tous les candidats. Elle va ensuite disposer d’un « jeton », en d’autres termes son vote, qu’elle va adresser au candidat de son choix. La blockchain va enregistrer ce jeton numérique.

Puisqu’il s’agit d’un livre de transactions publique, Meyssane pourra même vérifier que son vote a bel et bien été comptabilisé. L’avantage de ce système de vote en ligne par la blockchain est double : la technologie est hautement sécurisée donc le truquage est impossible ; ensuite le vote est complètement anonyme. Ce système sera un bon moyen d’augmenter le taux de participation (notamment pour les ressortissants à l’étranger) et ainsi d’accorder davantage de légitimité aux

76 Page Facebook d’Oh My Tea 77 10 applications pour mieux comprendre les caractéristiques de la Blockchain, par Hugues de Saint Vincent en 2016

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élections politiques. De plus les coûts économiques liées à l’organisation de telles élections (ouverture de bureaux de vote, emplois supplémentaires, sécurité, etc.) seraient supprimés !

Ainsi la technologie blockchain a le potentiel d’agir de manière transfigurante sur nos sociétés comme nous pouvons l’apercevoir à travers ces exemples. Nous allons maintenant tacher de définir plus précisément les niveaux d’impacts que peut avoir la blockchain de manière transversale.

C. LES PROFONDS IMPACTS DE LA BLOCKCHAIN

Les exemples d’applications de la blockchain sont multiples et peuvent recouvrir un large panel de domaines variés comme nous venons de le voir avec des exemples de situations du quotidien. Pour autant, nous pouvons synthétiser les impacts fonctionnels de la blockchain en quatre applications majeures : le transfert, l’authentification, les smart contracts et les plateformes digitales.

a. Le transfert et le paiement

L’un des grands avantages de la blockchain est de faciliter le transfert. Il peut s’agir de d’actifs financiers mais également d’actifs immobiliers ou encore de droits. L’une des premières

utilisations de la blockchain se retrouve notamment dans le domaine des services financiers.

Loin d’être seulement une menace disruptive pour nos grandes institutions financières (banques et assurances), la blockchain peut être à l’origine d’une hausse de la rentabilité liée à la réduction des coûts de fonctionnement pour les banques telles que nous les connaissons. En effet,

le recours à la blockchain pourrait faire économiser jusqu’à 20 milliards de dollars aux banques à horizon 202278 par la réduction des frais de fonctionnement liés aux paiements à l’étranger, au trading d’actions et à la mise en conformité, mais également par la suppression des fonctions du backoffice (automatisées et remplacées par la technologie).

Par ailleurs, outre une baisse des coûts opérationnels, la blockchain offre une sécurité

renforcée lors des transferts d’actifs financiers. Les banques pourraient avoir recours à l’utilisation d’identité numérique propre à chaque client. Lors des transactions, elles pourront émettre leurs propres clés privées pour identifier les utilisateurs impliqués dans la transaction. De la même manière, lors de perte ou vol de carte de crédit, les clients pourront instantanément informer leur banque et cette dernière bloquerait automatiquement les transactions.

Certains acteurs des services financiers commencent progressivement à comprendre les avantages considérables liés à la blockchain et se lancent dans une série d’investissements et de

tests. A titre d’exemples, on compte les banques et entreprises multinationales suivantes79 :

- Barclays a mis en place un partenariat avec Safello, une société suédoise spécialisée dans l’échange de bitcoins, afin d’étudier un potentiel recours à la blockchain du bitcoin dans ses opérations.

- Goldman Sachs a investi plusieurs millions de dollars dans des start-ups spécialistes de la blockchain (notamment Circle à hauteur de 50 millions de dollars).

- Visa a mené un investissement de 30 millions de dollars dans l’entreprise Chain, en charge de développer une blockchain privée. Le groupe lance, en parallèle, un centre de recherche à San Francisco (avec des anciens employés de Google) sur le sujet.

78 Rapport de Santander InnoVentures

79 De la finance à l'IoT, la révolution blockchain est en marche, par Aude Fredouelle en 2016

43

- BNP Paribas (la filiale Securties Services) s’est associée avec SmartAngels, l’un des spécialistes du financement participatif pour développer un projet de crowfunding basé sur la blockchain. L’objectif est simple : les entreprises non cotées pourraient émettre des titres financiers sur le marché primaire, les investisseurs auraient ensuite accès à ces titres sur le marché secondaire, le tout reposant sur la technologie blockchain.

Outre ces initiatives individuelles en interne, on trouve un projet commun, celui de la start-up R3

CEV, regroupant déjà 22 grandes banques (dont Goldman Sachs, JP Morgan, Citi, Bank of America, UBS ou encore Société Générale). L’objectif est de développer des applications de la blockchain pour faciliter les transactions dans le domaine bancaire par des investissements massifs (de plusieurs millions de dollars). Cette démarche s’est également lancée à une échelle plus locale, en France avec 11 partenaires (dont BNP Paribas, BCPE, Crédit Agricole, CNP Assurances et AXA) qui ont mis en place un groupe de travail sur le sujet sous la tutelle de la

CDC (Caisse des Dépôts et Consignations).

A terme, on peut également penser utiliser la blockchain pour la collecte des impôts. En effet, la Commission du Forum Économique Mondial, intitulée « Global Agenda Council on the Future of Software and Society », a interrogé plus de 800 cadres et experts des technologies de l’information et de la communication. Les résultats sont saisissants. En moyenne, ces cadres estiment que le point critique serait atteint dès 2023, avec l’utilisation de la blockchain par les

gouvernements. 73,1% d’entre eux estiment que d’ici 2025 au moins un gouvernement

collectera des taxes par le biais de la blockchain.

Toutefois, la faculté de transfert sécurisé rendue possible par la blockchain ne se limite pas au secteur financier : on peut par exemple imaginer un tout autre type de transfert, plus qualitatif

comme avec le vote en ligne : les start-up Bitcongress ou Follow My Vote ont fait le pari du vote

en ligne sécurisé notamment. L’objectif est d’offrir un outil permettant un vote sécurisé et un

résultat complètement transparent et auditable par tous. En parallèle, cette initiative permettrait de réduire considérablement le coût lié au vote traditionnel (diviser par 2 voire 3 les coûts grâce à la blockchain80). Par exemple, une telle application aurait rendu obsolètes les opérations de mise sous pli de l’élection présidentielle en 2012, dont le coût aurait atteint les 51 millions d’euros.81

Aujourd’hui, certains pays ou Etats sont précurseurs dans ce domaine (municipalités en Amérique du Nord ou en Estonie en Europe) et utilisent le vote électronique. Pour autant, cet instrument reste limité et nombreux sont les gouvernements réticents à l’instaurer. La blockchain apporterait une alternative hautement sécurisée et économique aux Etats en évitant les erreurs humaines, les nombreux recomptages et les contestations de résultats, en supposant que la sécurité garantie par la blockchain et l’impossibilité de manipuler le système soit efficacement

communiquées aux citoyens votants. Dans le même esprit, le Nasdaq82, souhaite avoir recours à

la blockchain pour permettre aux actionnaires de voter en ligne aux différentes résolutions et amendements pris par les entreprises.

b. L’authentification et l’enregistrement

Il est possible d’avoir recours à la blockchain pour l’enregistrement, la protection et la traçabilité de documents, d’objets ou d’actifs. La blockchain revêt un rôle majeur dans la certification des personnes, documents ou propriétés et trouve ainsi son utilité dans des secteurs divers et variés.83

80 Démocratie et blockchain : le cas du vote, par l’équipe Blockchain France en 2016 81 Livre Blanc « comprendre la blockchain » en Creative Commons, uchange.co 82 A titre informatif, le Nasdaq a déjà recours à la blockchain pour le stockage et l’authentification des documents 83 De la finance à l'IoT, la révolution blockchain est en marche, par Aude Fredouelle en 2016

44

Dans l’éducation tout d’abord, les diplômes de la Holberton School, une école de développeurs créée par trois Français dans la Silicon Valley, semblable à l’école 42 fondée par Xaviel Niel,

certifie ses diplômes grâce à la technologie de la blockchain. La start-up Bitproof est une des leaders dans ce domaine : elle a mise au point un outil pour cryptographier les clés et encoder les documents à travers un numéro de diplôme dans une blockchain (nommée SealX). Ainsi, chaque étudiant fraichement diplômé se verrait remettre un diplôme sous format papier ainsi qu’un numéro de diplôme digital à la fin de ses études. Ce numéro peut ainsi être utilisé par toutes les entreprises soucieuses de vérifier l’authenticité du diplôme de ses employés (actuels ou futurs). A terme, on pourrait même penser à inclure ce numéro dans le CV des demandeurs d’emplois. L’objectif est donc de limiter les faux diplômes ; les universités Ivy League aux Etats-Unis seraient les premières concernées.

Au niveau culturel ensuite, la start-up Verisart utilise la blockchain dans le but de numériser et authentifier l’ensemble des œuvres d’art présentes sur le marché. Dans la même dynamique,

Monegraph propose aux artistes de déposer des licences sur leurs réalisations dans leurs domaines (photographie, musique, littérature). Le secteur du streaming de la musique en ligne

semble le plus développé avec la création de nombreuses plateformes électroniques (PeerTracks,

Ujo Music, Ascribe) qui assurent la redistribution monétaire des droits d’auteur aux artistes, sans intermédiaire. Ces plateformes apparaissent suite à un vrai besoin de la part des artistes : à l’heure actuelle, leurs revenus sont minimes (0,0001 euro par écoute sur Spotify). La blockchain offre des outils de traçabilité et permet de récompenser tous les contributeurs d’un même morceau (parfois multiples entre les éditeurs, les interprètes) à travers une rémunération directe par la crypto monnaie entre les fans et l’artiste. La plateforme UjoMusic 84 qui utilise la blockchain de l’Ethereum a l’ambition de percer dans ce secteur. Dès lors qu’un utilisateur achète un morceau sur la plateforme (l’équivalent de 0,6$ en Ether), l’argent est réparti équitablement entre les différents auteurs, sans passer par un intermédiaire qui s’octroie une contribution (comme l’Apple Store, Spotify, Deezer, etc.).

Dans un domaine un peu plus juridique, on recense aujourd’hui en France plus d’une dizaine de

milliers de notaires en charge d’établir des « actes authentiques »85 (ou actes notariés), dont la valeur est incontestable, et concerne principalement les transferts de propriétés86. L’authenticité de ces actes passe par quatre principes : une date certaine, une force probante, une conservation garantie et une force exécutoire. Or ces actes coûtent très chers pour les clients finaux et peuvent être presque intégralement reproduits par une blockchain :

- La date certaine est validée par le principe même de la blockchain : un bloc ne peut être techniquement modifié ou supprimé, a posteriori, une fois inscrit dans la chaîne.

- Une force probante : stipule que les faits constatés sont incontestables, réside dans la technologie même de la blockchain également.

- La conservation garantie : consiste en un archivage public du transfert immobilier. Elle peut être remplacée par une copie cryptée et partagée publiquement au sein la blockchain et conservée dans les serveurs et disques durs des milliers d’ordinateurs connectés.

- La force exécutoire : justifie que l’acte à valeur de jugement, dépend du ressort du Conseil d’Etat et demeure donc impossible à intégrer dans une blockchain.

Par ailleurs, l’Etat pourrait s’appuyer sur la blockchain afin de mettre en place des processus de

traçabilité des produits et d’informer le consommateur final de connaître l’origine et des modalités de productions. Les récents scandales alimentaires (affaire de la vache folle en 1996 ou encore le scandale des lasagnes à la viande de cheval plus récemment) ont mis en évidence les

limites de nos procédures de contrôle actuelles. Ici ThingChain apporterait une solution

84 Livre Blanc « comprendre la blockchain » en Creative Commons, uchange.co

85 Définition d’un acte authentique notarial 86 Représentent 49% du chiffre d’affaires (CA : 6,2 milliards d’euros)

45

révolutionnaire. Cette start-up souhaite garantir l’authenticité et le parcours de production de chaque produit tout au long de la chaîne logistique. Pour ce faire, chaque produit serait associé à un identifiant unique, inscrit dans la blockchain, contenant des informations spécifiques telles que la provenance, la quantité, la date de production. Toutes ces données peuvent être mises à jour à

tout moment, mais ne peuvent être supprimées ou effacées du registre. Toujours dans un souci de préserver l’authenticité de biens, dans une plus large mesure, on note également l’existence de

Blockverify. Grâce à la technologie blockchain, cette plateforme reconnait les produits contrefaits, volés ou frauduleux dans des secteurs multiples (la mode, l’électronique, la joaillerie) grâce à un tag unique sur chaque produit. Grâce à ce tag, autrement dit l’identité inhérente à chaque produit, la plateforme obtient des informations diverses comme la provenance, les certificats de propriété et d’authenticité, les lieux de stockages. Elle peut donc facilement déceler le vrai du faux et lutter activement contre la contrefaçon.

c. Les smart contracts

Une des révolutions majeures apportée par la blockchain est celle des smart contracts que nous

avons évoqués précédemment en parlant d’Ethereum. Un smart contract se résumé à un

programme au sein de la blockchain conçu pour exécuter les termes d’un contrat de manière

automatique lorsque les conditions sont réunies. Ces conditions peuvent être une date fixée à l’avance ou l’avènement d’un événement spécifique. La transaction est alors déclenchée et exécutée dans le système. Par exemple, il peut s’agir du paiement automatique d’un colis au moment de la livraison, ou du versement de la somme remportée par le vainqueur lors d’un pari sportif une fois le match terminé88. Pour résumer un smart contract permet de soumettre une opération à des conditions préalablement définies. L’ensemble du processus de la transaction est automatisée et numérisé par le système. Les smart contracts trouvent leur application dans de

nombreux domaines : l’assurance, la santé, etc.

Dans un tout autre registre, les smart contracts pourraient être banalisés aux tâches

quotidiennes pour faciliter la vie des citoyens. L’objectif est simple : raccourcir les délais de transactions et ainsi limiter le temps dédié aux contraintes quotidiennes. On pourrait ainsi imaginer d’étendre un système de paiement automatique à l’ensemble des services du quotidien. Par exemple, l’automobiliste qui remplit son réservoir d’essence paierait instantanément et électroniquement son plein en fonction du carburant utilisé, sans passer par le pompiste. Il gagne ainsi du temps sur son trajet et s’évite les désagréments liés (garer la voiture, faire la queue au guichet, etc.).

Pour finir, on peut également imaginer des smart contracts dans un domaine bien plus

ambitieux : celui de la santé. Nous avions étudié précédemment l’exemple d’Aude, qui fait une chute à vélo et se retrouve aux urgences. Nous avions observé que, grâce à un identifiant médical enregistré sur une blockchain, l’ensemble du personnel soignant pouvait avoir accès aux

informations médicales de la patiente.

Prenons, cette fois-ci l’exemple de Sophie90 . Depuis sa naissance, Sophie est atteinte d’une maladie orpheline très rare et est dans l’attente de recevoir un traitement pour la guérir. Sophie décide de rendre public son profil médical sur le réseau dans le but de partager son expérience avec d’autres malades et trouver ainsi quelques solutions voire même un peu de réconfort. Une fois ses données partagées sur la banque publique, elle va trouver un groupe de malades concernés par la même maladie. Elle va s’empresser de rejoindre le groupe. Elle apprend alors qu’une campagne de crowdfunding (financement participatif public) est actuellement en cours dans le but d’accélérer le développement du traitement de sa maladie. Elle décide donc d’y contribuer. Grâce aux smart contracts de la blockchain, elle est assurée que son argent n’est

88 http://equationdelaconfiance.fr/decryptage/mais-quoi-servent-les-smart-contracts

90 La Blockchain et la santé, en 2015 par l’équipe Blockchain France

46

reversé au développeur que lorsque le traitement est disponible pour elle (condition sine qua none à sa contribution). De plus, le développeur assure sa rémunération in fine et va donc mettre tous les efforts nécessaires à la découverte d’un traitement curatif.

En attendant les résultats de ce projet de recherche, Sophie continue de se soigner grâce à des médicaments qu’elle prend quotidiennement pour ralentir la maladie. Puisque toutes ces informations médicales (numéro de sécurité sociale, mutuelle, etc.) sont enregistrées sur la blockchain, elle n’a pas a remplir des formulaires de remboursement lors de sa visite hebdomadaire chez le médecin ou lors de son passage en caisse à la pharmacie.

2. LES ENJEUX DE LA BLOCKCHAIN SUR L’ECONOMIE COLLABORATIVE

A. LES IMPACTS DE LA BLOCKCHAIN SUR L’ECONOMIE

COLLABORATIVE

Force est de constater que l’on retrouve à travers l’économie collaborative les prémices de la

blockchain. En effet, la blockchain devrait, à terme, complètement transformer notre manière d’échanger. Elle semble fournir une alternative crédible aux infrastructures actuelles (banques, assurances, cabinets de notariat) puisqu’elle assure un degré de confiance certain alliant à la fois un système de référence, à la pointe de la technologie, et des garanties objectives.

L’économie collaborative fonctionne à travers un mode de production décentralisé (le plus

souvent via une plateforme), sans intermédiaire ou supervision hiérarchique. On comprend ainsi

que la blockchain est parfaitement adaptée à ce modèle. En effet, la décentralisation est au cœur de la technologie blockchain. Ainsi, il semblerait que la blockchain offre tous les outils dont l’économie collaborative a besoin : logiciel open-source, protection des données, gestion sécurisée de droits et licences, etc. Il s’agit d’autonomiser au maximum les individus à travers les outils informatiques, afin de les rendre capables de réaliser des transactions sans l’aide d’une institution centrale.

Le principe même de la blockchain est de remplacer les « tiers de confiance » par des logiciels informatiques distribués, ainsi les domaines d’applications sont presque illimités : le transport (avec La’Zooz par exemple), la santé, le divertissement, et bien d’autres. La blockchain, explique Benjamin Tincq, cofondateur de OuiShare99, « s ‘inscrit dans une mutation profonde de nos sociétés qui cherchent à transformer nos systèmes organisationnels (…) et rompre avec les logiques pyramidales et l’hyper centralisation de la valeur ». On retrouve dans la blockchain une

logique de collaboration puisque les utilisateurs participent conjointement au développement du système et le système les rémunère pour leur travail. Ainsi la blockchain semble satisfaire les notions de réciprocité, communauté et financement participatif, chères à l’économie collaborative.

On constate donc que la blockchain est amenée à jouer un rôle décisif dans l’économie collaborative : dans son rapport au travail, par ses apports techniques, par sa vision collaborative,

etc. Pour commencer, la blockchain propose une nouvelle forme d’organisation distribuée : elle permet ainsi de libérer les travailleurs indépendants de la tutelle des grands opérateurs mondiaux (à l’image des chauffeurs de Uber par exemple) et donc des conditions de travail sous-jacentes

99 OuiShare est une ONG fondée en janvier 2012 à Paris, qui se présente comme « une communauté, un accélérateur

d'idées et de projets dédié à l’émergence de la société collaborative: une société basée sur des principes d’ouverture, de

collaboration, de confiance et de partage de la valeur ». Source : Wikipedia

47

(comme la tarification imposée). C’est ce que propose Arcade City avec son application mobile complètement désintermédiée où chacun est en mesure de proposer ses propres prix et conditions.

Deuxièmement, la blockchain repose sur une technologie numérique spécifique qui pourrait être grandement utile à l’économie collaborative :

- Elle permet d’effectuer des transactions complètement sécurisées sans avoir recours à

un « tiers de confiance » (banques, assurances, ou toute autre institution légitime)100 Actuellement, ce sont les plateformes telles que Uber, Airbnb, BlaBlaCar qui jouent le rôle de tiers de confiance mais on peut imaginer qu’à terme, la blockchain permettrait de contourner ces plateformes et de les remplacer par un modèle exclusivement collaboratif (où la communauté deviendrait le titulaire de la confiance du réseau).

- Il est également possible d’exécuter de manière autonome, automatique et immédiate des

« smart contracts »101 : règlements de livraisons, transferts de fonds à l’international, etc.

B. LES INITIATIVES DEJA EXISTANTES

Au paroxysme de la désintermédiation, on retrouve des start-ups comme La’Zooz, Arcade

City ou Juno, qui bouleversent les modèles actuels de l’économie collaborative par l’utilisation de la blockchain. Leur point commun est simple : proposer un service de VTC complètement décentralisé, sans rendre des comptes à une plateforme de gestion centralisée (comme Uber par exemple).

On peut schématiser ce concept de la façon suivante :

Source : http://www.latribune.fr/technos-medias/internet/la-blockchain-libere-les-entraves-de-l-economie-

collaborative-569959.html

Note : OpenBazaar est un projet libre (logiciel open source) de développement d’un protocole pour permettre des transactions au sein de places de marché entièrement décentralisées, elle utilise notamment le bitcoin.

En ce sens, l’émergence de la blockchain viendrait bouleverser le rôle des plateformes

numériques actuelles. Aujourd’hui, nous sommes complètement dépendants des plateformes centralisées telles que Amazon et eBay, ce sont elles qui imposent leur politique et la manière d’acheter. Dans le futur, nous pouvons imaginer une démocratisation de la technologie de la blockchain et donc un transfert de la richesse directement vers les acteurs du système, c’est-à-dire les utilisateurs eux-mêmes.

100 Blockchain : un outil révolutionnaire pour l’économie collaborative ?, par Olivier Haertig en 2016 101 Le « smart contract » (ou « contrat intelligent ») : il s’agit d’un transfert de valeurs automatisé fondé sur des

conditions mutuellement convenues.

48

a. Le transport

Ce processus est déjà en marche : c’est l’exemple de La’Zooz. La’Zooz propose un modèle

disruptif d’interaction entre les particuliers dans le secteur du transport :

- BlaBlaCar: si vous réalisez une course avec BlaBlaCar, le chauffeur perçoit une rémunération pour le trajet réalisé, la plateforme BlaBlaCar perçoit également une commission sur chaque trajet.

- La’Zooz : cette start-up israélienne propose vers un degré supérieur de décentralisation, Elle propose une application de covoiturage basée sur la blockchain, où la plateforme est complétement autogérée. Les fondateurs ou investisseurs ne détiennent pas la plateforme, ce sont les utilisateurs finaux les propriétaires.

Dans la même dynamique, et toujours dans le domaine du transport on retrouve Arcade

City. Son fondateur, Christopher David, un ancien chauffeur de Uber constate que les plateformes de l’économie collaboratives actuelles, telles que Uber ou Lyft, considèrent les chauffeurs comme des pions ou de simples numéros managés à distance dans des bureaux de la Silicon Valley102. Afin de retrouver une management plus humain et de redistribuer le pouvoir

aux chauffeurs, il se lance dans la création d’une plateforme, basée sur la blockchain, où les chauffeurs et les clients peuvent être mis en relation sans recourir à un intermédiaire : c’est la naissance d’Arcade City. Cette plateforme ouverte fonctionne selon le principe suivant : tout comme Uber, il s’agit d’une application mobile recensant les chauffeurs à proximité et les clients sont libres de choisir le chauffeur souhaité pour réaliser leur course (en fonction du profil des chauffeurs, de la géolocalisation de la voiture, etc.).

Toutefois, à la grande différence de Uber, où les chauffeurs sont rémunérés selon un prix fixé

par l’entreprise (qui, au passage, s’octroie une lourde commission) ; chez Arcade City les chauffeurs sont libres de fixer leurs propres tarifs et d’indiquer le mode de paiement souhaité. A titre informatif, deux modes sont acceptés :

- Pair à pair : le chauffeur peut accepter n’importe quel mode de paiement (cash, carte de crédit, PayPal, Bitcoin, etc.).

- Gamification (ou ludique) : les clients qui paient à travers l’application reçoivent des avantages et des bonus en fonction de leurs trajets.

Arcade City réalise son chiffre d’affaire via une commission sur les paiements réalisés via l’application à hauteur de 10% (moins que Uber et Lyft, respectivement à 20 et 25%)103.

Autre particularité de cette plateforme, elle intègre la blockchain de l’Ethereum. L’objectif est de faire de l’application l’une des premières entreprises « mainstream » de l’Ethereum. Un choix réfléchi du CEO qui retrouve sa propre vision dans le système de l’Ethereum (que nous étudierons plus en détails par la suite). A terme (à horizon 2020), Arcade City a l’ambition de construire une plateforme 100% détenue et gérée par ses utilisateurs (avec un désengagement progressif de l’équipe fondatrice) à travers la mise en place d’un système de récompenses pour rémunérer les utilisateurs en charge de faire croitre le réseau104.

b. L’assurance Si l’on a jusqu’à présent traité le domaine du transport, on observe également un tel

phénomène (celui de la désintermédiation) dans le secteur de l’assurance105. Nous trouvons déjà dans l’économie collaborative des assurances peer-to-peer (P2P). Il s’agit de Inspeer.me en France, Friendsurance en Allemagne ou Heyguevara au Royaume-Uni. Ces entreprises proposent des plateformes d’assurance entre utilisateurs, sans intermédiaire. Pour autant, il existe

102 La blockchain à l'assaut de l'économie collaborative ?, par Régis Chatellier en 2016

103 Arcade City: Decentralized, Blockchain-Based Answer to Uber, par Joel Valenzuela en 2016

104 Arcade City, le Uber-killer de la blockchain ?, en 2016 par l’équipe Blockchain France 105 Blockchain et Assurances, en 2016 par l’équipe Blockchain France

49

toujours bel et bien une plateforme centralisatrice des contrats et responsable de la gestion de l’activité.

Avec la blockchain il est possible d’aller plus loin grâce au smart contract. Ces logiciels peuvent rapidement et partialement déterminer si les conditions du contrat sont remplies et agir

en conséquence. Ces contrats intelligents permettent aux assurances et à leurs clients de s’affranchir des phases déclaratives longues et redondantes (formulaire, réclamation, vérification puis mise en place de l’indemnisation). La technologie offre ainsi un confort supplémentaire aux assurés et assureurs dans leurs démarches et permet de réduire les coûts structurels inhérents. Le

meilleur exemple dans ce domaine est celui de l’assurance dite indicielle, indexée ou paramétrique106 (liée à un indice ou paramètre spécifique). Il existe aujourd’hui une assurance permettant de protéger le revenu des particuliers en fonction de conditions météorologiques : elle permet de maintenir un revenu constant à l’assuré indépendamment des aléas climatiques.

Prenons l’exemple de l’assurance agricole, il existe des contrats visant à protéger les agriculteurs contre la météorologie capricieuse qui peut mettre en danger ou même ruiner leur récolte. Dans le cas d’un smart contract entre l’assurance et l’agriculture visant à indemniser l’agriculture en cas

de sècheresse pendant plus de 30 jours, le logiciel du smart contract ira puiser ses données pluviométriques sur un site fiable, comme le service météorologique national, et si 30 jours consécutifs sans pluie sont enregistrés alors il versera directement l’indemnité prévue sans avoir besoin d’un tiers pour validation ou même de la revendication de l’assuré lui-même. Le smart contract apporte ainsi une solution révolutionnaire. Reposant sur une base de données externes complètement fiable, le smart contract déclenche de manière automatique et autonome l’indemnisation, sans intermédiaire (l’intervention d’un expert n’est alors plus nécessaire). En allant plus loin, on pourrait imaginer que des agriculteurs se mettent en commun au sein d’une blockchain privée et cotisent de manière coopérative pour se protéger eux-mêmes des aléas climatiques, évitant ainsi tous frais prélevés par une compagnie d’assurance intermédiaire et se prémunissant des risques de leur choix via des smart contracts intégrés.

Toujours dans le domaine de l’assurance, on peut imaginer des smart contracts qui indemnisent

automatiquement les passagers dont l’avion ou le train est en retard. Les passagers assurés n’ont plus besoin de faire la moindre déclaration et l’entreprise n’a plus a traiter les différentes demandes. La blockchain est garante de la confiance et de la sécurité du processus. Les systèmes automatisés via des smart contracts semblent redéfinir la vision de la compagnie d’assurance de demain.

On peut également imaginer un système d’assurance presque autonome et autorégulé, c’est ce

qu’on appelle les DAO (organisations décentralisées autonomes). Ces entités permettent de créer des groupes d’assurés qui s’autogèrent : chaque assuré verse une prime. L’ensemble des primes récoltées vont constituer le capital disponible pour payer les indemnisations. Au cours de l’année, chaque demande d’indemnisation peut être soumise au vote collectif du groupe, et ainsi être validée ou non par l’ensemble des assurés. Le capital non utilisé aux indemnisations est ensuite redistribué de manière automatique et équitable entre tous les assurés du groupe à la fin de

l’année.

c. Financement participatif

Le crowdfunding connaît un véritable essor en France depuis quelques années, c’est pas moins de 152 millions d’euros qui ont été collectés en 2014 autour de plus de 20,000 projets, via des plateformes multiples (KissKissBankBank, MyMajorCompany dans le domaine musical ou Sponsorise.Me dans le secteur sportif). Plusieurs plateformes de prêts entre particuliers va la technologie blockchain ont vu le jour, comme Bitbond qui permet des prêts en Bitcoin. L’intérêt ?

106 Métiers : l'assurance indicielle, une solution prometteuse, par Jérôme Speroni en 2015

50

Pas besoin d’intermédiaire de confiance puisque la transaction est réalisée via la Blockchain et l’utilisation de smart contracts assure que les engagements attendus en contrepartie soient tenus. Qui dit pas d’intermédiaire dit pas de frais de mise en relation (souvent élevés pour de jeunes start-up désirant se financer, entre 5% et 7% sur les plateformes les plus connues). Ainsi, « ces

actifs digitalisés par l’intermédiaire de la blockchain deviennent facilement transférables à un tiers, de manière sécurisée et à un coût négligeable »109.

Peu à peu, une nouvelle forme financement alternatif est apparue : le crowdequity. Il s’agit d’échanger des actions contre du financement. Cette nouveauté connaît un vrai succès, le leader européen dans le domaine, Crowdcube a notamment rassemblé plus de 126 millions de livres

contre des parts dans différentes start-ups110. Avec la blockchain, un nouveau concept émerge : la

crypto-equity. Il s’agit non plus seulement de financer « gracieusement » mais d’acheter les droits d’artistes, ou de sportifs avec une crypto-monnaie. Alors qu’actuellement, on peut spéculer sur le succès futur d’une entreprise cotée en achetant des actions sur les marchés financiers. On pourrait penser parier sur le succès futur d’artistes ou sportifs en investissant dans sa réussite. C’est le projet de l’entreprise JetCoin : le JetCoin est une crypto-monnaie dédiée à l’investissement dans des artistes ou sportifs.

d. Energie

Dans nos sociétés industrialisées, on assiste à l’accroissement de la production autonome d’énergie par les particuliers. Ils vont eux-mêmes chercher à s’équiper en panneaux solaires ou énergie éolienne. Le surplus d’énergie produit peut être revendu à EDF, qui ensuite va la mettre à disposition sur le marché de l’électricité. Le prix d’achat par EDF est fixé et varie en fonction du type de production, du volume et de la période111.

La blockchain apporterait un renouveau à l’autoproduction d’énergie, c’est le défi de SolarCoin. SolarCoin est une monnaie numérique chargée de rémunérer les producteurs d’énergie en fonction de leur installation et de la quantité d’électricité produite, elle actuellement présente dans 17 pays à travers le monde. Sa valeur est définie par la production d’un MWh d’énergie verte. L’ambition de SolarCoin est de devenir la monnaie virtuelle de référence dans l’achat d’électricité entre particuliers, sans intermédiaire. Ainsi un producteur mieux exposé au soleil en hiver pourra revendre son électricité à un autre utilisateur moins bien loti et vice-versa lors des changements de période et modifications météorologiques.

Ainsi, SolarCoin propose une vraie révolution dans le marché de l’électricité : le prix selon la loi de l’offre et la demande, et non plus selon EDF (et l’Etat français actionnaire).

e. Cloud

Le fonctionnement même du Cloud computing repose sur les principes de l’économie

collaborative : partager des ressources pour mieux les utiliser. Ainsi, entreprises et particuliers louent ou proposent à la location des espaces de stockage. Ici encore, la blockchain tente d’uberiser d’uber. Le principal frein du Cloud est son caractère centralisé : prix parfois élevé, efficacité contestée et sécurité avec des failles. La jeune start-up Storj permet « aux utilisateurs de stocker des données de manière sécurisée et décentralisée »112. Les particuliers peuvent louer une partie de l’espace disponible sur leur disque contre rémunération et d’autres utilisateurs vont stocker leurs fichiers sur cet espace alloué. La différence avec le cloud « traditionnel » ? Les

109 "La Blockchain Va Révolutionner Le Crowdfunding (Déjà !) –...". 2015.Crowdlending.Fr. 110 http://financeparticipative.org/barometres/ annee-2014/

111 http://www.les-energies-renouvelables. eu/9702prix-de-revente-de-lelectricitenouveau-tarif-edf.html

112. "Storj : Quand Blockchain Révolutionne La Data ». Le-Coin-Coin.fr

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fichiers sont cryptés et divisés puis stockés sur plusieurs ordinateurs afin d’augmenter la sécurité, le propriétaire est alors le seul à pouvoir accéder au fichier. Ainsi, il est beaucoup moins cher de stocker ses fichiers sur Storj : 10 à 100 fois moins chers que les prestataires actuels40 ; et plus rapide et plus sûr.

C. QUEL DEVENIR POUR LA BLOCKCHAIN ?

A l’heure actuelle, nombreuses sont les institutions (banques, assurances, cabinets de notariat) qui redoutent le développement de la blockchain et l’intrusion dans leurs secteurs d’activités. Force est de constater, que la blockchain est amenée à révolutionner ces métiers, puisqu’ils présentent tous une caractéristique commune : ils jouent le rôle d’intermédiaires, ou d’autorités centralisatrices.

Or, les principes intrinsèques de la blockchain (une organisation distribuée et un enregistrement

contrôlé de chaque transaction) conduisent légitimement à penser que l’existence d’un intermédiaire est à présent obsolète et serait amené à disparaître.

Toutefois, au lieu de percevoir l’arrivée de la blockchain d’un mauvais œil, différents acteurs de l’économie (banques, assurances, multinationales, Etats, secteur public) devraient, au contraire, s’approprier cette technologie et adapter leurs systèmes actuels en conséquence puisque les apports sont considérables.

Trois défis majeurs pour la blockchain :

Le défi du passage à l’échelle : On est certain que la blockchain présente une innovation

disruptive qui va littéralement bouleverser nos manières de travailler, nos systèmes

économiques (voire politiques) et nos modes de vies, à terme. Pour autant, à l’heure actuelle, on ne peut pas parler d’un bouleversement immédiat. Le poids de la blockchain et de ses applications reste encore trop limité. A titre d’exemple on constate que le bitcoin est capable de traiter environ 7 transactions toute les secondes, alors qu’un système comme Visa peut gérer jusqu’à 20,000 transactions par seconde. L’efficacité et la rapidité du bitcoin sont donc rapidement concurrencées par les modes de fonctionnement actuels. La blockchain va devoir prouver sa « scalabilité » afin de pouvoir réellement s’imposer comme la technologie transactionnelle du futur. Cependant, nombreux sont les développeurs qui travaillent sur l’amélioration de cette monnaie virtuelle notamment à travers la création de side chains (des chaines qui fonctionnent en parallèle de la chaîne principale, afin de maximiser le volume de transactions traitées).

Une technologie complexe : un des critères qui définit le succès d’une technologie est sa capacité à être comprise et utilisée facilement par le plus grand nombre de consommateurs. Cependant, la blockchain, malgré la grande notoriété qu’elle a récemment acquise, est réellement connue et comprise par une minorité de consommateurs, les plus férus de nouvelles technologies. Les mécanismes qu’elle implique sont relativement complexes, même pour des personnes baignant dans l’univers tech : cryptographie, réseau décentralisé, etc. Une fois dépassée la barrière de la compréhension du fonctionnement par le futur utilisateur, il faut maintenant installer un logiciel qui permet d’échanger sur le réseau, un logiciel souvent peut ergnonomique et peu « user friendly » qui peut en décourager plus d’un. Autant de barrières à l’entrée qui peuvent décourager les consommateurs les moins geek.

La régulation : la blockchain et ses applications ne sont pas ignorées des pouvoirs publics, bien au contraire : il est possible de payer en Bitcoin, les politiques, notamment

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français, essaient tant bien que mal d’intégrer ces nouvelles logiques dans l’économie.113 Il faudra cependant donner une véritable valeur juridique aux applications comme les smart contracts afin de pouvoir exploiter pleinement le potentiel de la blockchain, et bien sûr envisager le cas de figure ou les actions réalisées par les smart contracts seraient

contestées : versement de dividendes d’actionnaires, d’indemnité d’assurance, etc. Cette approche doit être menée conjointement entre les pouvoirs publics et les acteurs des secteurs concernés par de tels changements.

Ainsi pour s’imposer comme un véritable modèle disruptif crédible au sein de nos sociétés, la blockchain doit encore relever plusieurs challenges comme la vitesse de résolution, l’acceptation d’une nouvelle forme de gouvernance par les Etats et les populations, la légitimité de certaines applications (les formes de commerce illégal développées par le bitcoin), etc.

Pour l’heure la blockchain représente une véritable innovation disruptive pour nos sociétés actuelles : si, aujourd’hui, la plateforme digitale Uber connaît un succès énorme, on peut vraisemblablement penser qu’il sera vite remplacé par les La’Zooz ou Arcade City dans un futur proche. La blockchain propose d’aller une étape plus loin dans l’économie collaborative en

proposant une technologie complètement désintermédiée (sans recours à un tiers de confiance).

Source : Venture Radar

http://www.finyear.com/La-blockchain-une-technologie-avec-un-potentiel-immense-Partie-1_a34432.html

113

"Macron Adopte La Blockchain". 2016. Bitcoin.Fr

53

III. DES PROBLEMATIQUES FONDATRICES ENTRE PERSPECTIVES ET DANGERS POTENTIELS

Nous avons abordé le blockchain et ses diverses applications, des plus connues comme les crypto-monnaies aux plus porteuses d’espoir comme les possibilités de votes en ligne inviolables. Les applications nombreuses et profondes de cette technologie nous amènent, ainsi que les divers auteurs que nous avons lu, à nous poser la question d’une possible révolution. Si la révolution blockchain existe-t-elle, quelles sont les différentes problématiques qu’elle pose ? Quels impacts potentiels des différentes applications, et quels dangers également ? Nous tâchons dans cette partie finale d’observer les problématiques fondatrices de la blockchain comme transcendance de l’économie collaborative à travers différentes prises de vues. En nous penchant tout d’abord sur la différentiation soit sectorielle, soit géopolitique, des conséquences de la blockchain, nous nous proposons d’aborder par la suite des questions plus fondamentales dont les dangers qui se posent et les défis sociopolitiques qui resteraient à relever.

1. UNE FORCE DE FRAPPE DE LA BLOCKCHAIN DIFFERENCIEE

A. UNE DIFFERENTIATION SECTORIELLE

a. Le cœur du changement : les services financiers

De nos jours, la blockchain est souvent perçue comme une alternative au système

bancaire actuel (et risque à terme de supprimer une partie des activités des banques et des

entreprises). En effet, dans sa définition pure et dure, la blockchain est une technologie capable de

gérer des transactions entre individus sans avoir recours à un intermédiaire ou autorité centrale

(pour contrôler, valider et enregistrer les échanges). En ce sens, les banques, dont le rôle est de

régir les transactions financières, ne seraient plus obligatoires à terme. Et c’est donc tout le

système bancaire qui semble ébranler et remis en question. Toutefois, la blockchain ne doit pas

être uniquement perçue comme une menace pour les acteurs de l’économie. En effet, ce risque

peut vite devenir une vraie opportunité à exploiter.

Nous savons que la blockchain promet d’ores et déjà des économies substantielles116 pour les

acteurs des services financiers avec une réduction directe des coûts back-office (paiements à

l’international, mise en conformité et négociation des titres financiers) comprises entre 15 et 20

milliards de dollars d’ici 2022, selon le rapport de la banque Santander117.

La technologie blockchain permet en outre une réduction des délais de traitement des

transactions : avec la suppression des intermédiaires, le délai passera de 3 à 4 jours à 15 secondes

selon les analyses faites par UBS118. En effet, à l’heure actuelle, pour réaliser une transaction

financière, prenons par exemple l’achat d’une action, les banques doivent passer par des

chambres de compensation et de clearing à l’image d’Eurostream ou Clearstream. Ces

organismes assurent le bon déroulement de la transaction (c’est-à-dire que l’acheteur reçoit bien

son action et que le vendeur récupère son argent en échange). Ces systèmes sont centralisés,

117 http://santanderinnoventures.com/fintech2/

118 Les grands principes de la blockchain et son impact dans l’industrie financière, par David Daoud pour FinYear.com

54

complexes et très longs ; la blockchain permettrait d’effectuer la même tâche en quelques minutes

plutôt que quelques jours.

On constate également que la blockchain offre une plus grande sécurité lors des transferts

d’argent (identification numérique pour effectuer des virements et actions immédiates lors de vol

ou perte de cartes de crédit par exemple). En effet, toutes les transactions sont basées sur des

calculs mathématiques et ne requièrent pas le travail d’une tierce personne (dite de confiance)

susceptible de faire des erreurs.

Les bénéfices sont donc nombreux et susceptibles de modifier profondément le rôle des

banques dans nos sociétés, pour autant cette technologie n’est qu’à son stade embryonnaire et

l’on constate déjà de nouveaux défis auxquels il faudra faire face. Pour commencer, on observe

des limites technologiques liées à la capacité de traitements des transactions : aujourd’hui la

blockchain du bitcoin est capable de gérer 7 transactions par seconde, alors qu’une entreprise

comme Visa peut en moyenne traiter 2,000 transactions (jusqu’à 47,000 en période de pointe) et

Paypal gère 10 millions de paiements quotidien soit environ 115 transactions toutes les secondes.

A ces limites technologiques, s’ajoutent des limites davantage politiques : celle de la régulation

des activités et des dangers liés à l’utilisation de monnaies dites virtuelles (à l’image du bitcoin). Ces crypto-monnaies offrent un degré d’anonymat très élevé (presque totale) : il est donc quasi impossible de tracer l’origine et la destination des fonds. Dès lors ils peuvent être utilisés dans le cadre d’un financement terroriste, de blanchiment d’argent, d’exil fiscal ou toute autre activité illégale. En effet, le concept du « Know Your Client » est fondamental dans tous les services financiers, et c’est un des chantiers majeurs sur lequel travaillent actuellement les acteurs de la Fintech en partenariat avec les banques. Il est tout bonnement indispensable de réunir toutes les informations relatives à l’identité de chaque client afin d’éviter les problèmes de fraudes, blanchiment d’argent, usurpation d’identités, etc. Comme l’explique Philippe Denis, CDO de BNP Paribas Securities Services, « Sans KYC sur la blockchain, il sera compliqué d’y réaliser des échanges et transactions ».119

Pour finir, si la blockchain semble être une source d’économie pour les institutions financières, il

n’en demeure pas moins qu’elle dépend d’un coût invisible, le coût énergétique lié à

l’accroissement exponentiel de son registre de transactions. A titre illustratif, on sait que la

blockchain du bitcoin consomme environ 600 MW d’énergie, soit 20% de la capacité de la

centrale nucléaire d’EDF du projet Hinkley Point (3,200 MW)120. Au sens large, si l’on rescense

l’ensemble des établissements, matériels informatiques et électricité nécessaires au

fonctionnement de la blockchain c’est un coût de 400 millions d’euros annuel qui pèse sur cette

technologie. Néanmoins, des solutions alternatives peuvent contrecarrer ce problème comme le

recours au cloud ou sharding, ce qui signifie le stockage d’une partie limitée du registre et non la

totalité.

Rappel sur l’état des lieux

Face à ces limites, les banques et assurances ont bel et bien compris que leur futur

dépendant de leur intégration de la blockchain. Sans surprise, il semblerait que l’industrie

financière soit l’industrie la plus touchée par la technologie blockchain. De nombreuses initiatives

se développent petit à petit, comme nous l’avons mentionné précédemment avec différentes

grandes banques Barclays, Goldman Sachs, BNP Paribas ou encore le projet R3 CEV visant le

développement des applications blockchain auprès de plus d’une vingtaine de banques (cf II. C.

Les profonds impacts de la blockchain > a. Le transfert).

119 Banques : comment la blockchain va révolutionner la connaissance client, par Aude Fredouelle en 2016 120 Promesses et limites de la technologie "blockchain", nouvel Eldorado de la finance, par l’AFP en 2016

55

L’objectif est de s’approprier cette technologie afin de l’adapter à leur organisation et de

supprimer les éventuelles limites technologiques et éthiques sous-jacentes. Le plus courant semble

le recours à des blockchain dites privées (ou semi-privées). Pour rappel il s’agit d’une blockchain

dont l’enregistrement et la validation des transactions sont limités à un acteur unique (ou un

nombre limité d’acteurs). A contrario, les blockchain publiques (comme celle du bitcoin) sont

libres d’accès pour n’importe quel utilisateur, chacun peut envoyer, lire et valider des

transactions. Le modèle de blockchain privée semble donc le format le mieux adapté aux

institutions financières : elles peuvent contrôler leurs systèmes tout en bénficiant des avantages

liés à la blockchain (confidentialité, sécurité, coûts réduits, rapidité, simplification des processus,

etc.). De plus les blockchain privées ont l’avantage d’être plus économes en consommation

d’énergie puisque le nombre d’acteurs certifiés est limité, et réduit ainsi le coût énergétique

important mentionné précédemment.

Le meilleur exemple industriel est celui de la société Orange : elle a investi dans la start-up

Chain121 afin de faciliter le transfert, le stockage et la gestion des actifs financiers de manière

instantanée et sécurisée. Le projet R3 CEV regroupant 42 banques de grande renommée depuis

2016 (Bulge Brackets entre autres) envisage également l’utilisation de type privé.

Goldman Sachs semble également l’une des entreprises les plus investie sur le sujet. La banque a

décidé de lancer sa propre crypto-monnaie dès 2014 nommée SETLCoin122. Le rôle de cette

monnaie virtuelle est de rendre plus facile et rapide les règlements des opérations de courtages. Il

faut plusieurs jours pour que l’achat ou la vente de titres financiers soient effectifs (bien que les

ordinateurs réalisent ces opérations en des centièmes de secondes). Or, le temps que le vendeur

réceptionne son argent, l’acheteur peut très bien avoir fait faillite. Le SETLCoin garantirait une

exécution presque instantanée des transactions. Dans la même dynamique, Citi Bank a créée sa

propre monnaie le Citicoin.

Récemment, quatre grandes banques, UBS, Deutsche Bank, BNY Mellon et santander ont

également annoncé le lancement à horizon 2018 de leur nouveau projet denommé « Utility

Settlement Coin » (USC). L’USC est une monnaie virtuelle basée sur la technologie blockchain

et à destination des marchés financiers (dans le cadre d’échange de titres notamment). Chaque

devise comme l’euro ou le dollar serait convertible en USC.

Ainsi, les projets relatifs à la blockchain sont nombreux et non sans ambition. La plupart des

acteurs des services financiers ont bien compris l’enjeu de maitriser cette technologie puisque c’est

de leur futur dont il est question et intrinsèquement de tout l’écosystème financier et bancaire.

Quel devenir pour les institutions financières ?

La blockchain a clairement le potentiel de bouleverser l’ensemble du monde financier : les

métiers seront transformés, les relations entre acteurs vont être modifiés, le rôle même des

banques et assurances sera redéfini… La lutte est ainsi ouverte et ce sera au premier qui

maitrisera et intégrera au mieux cette technologie dans ces systèmes actuels pour diffuser ses

découvertes à l’ensemble du secteur. Les nombreux exemples étudiés précédemment en sont des

exemples probants. Tout l’enjeu réside dans la mise en place de standards, utilisables et valides

pour l’ensemble des services financiers.

Et certains acteurs l’ont bien compris comme en témoigne la création de nombreux consortium à

l’image de R3 CEV qui teste de nombreuses applications de la blockchain. Toutefois, le

fonctionnement en consortium est lent puisque les intérêts sont diverses et variés. En parallèle

chaque banque travaille donc sur une appropriation plus personnelle de cette technologie à son

121 https://chain.com/ 122 Goldman Sachs veut lancer sa propre monnaie virtuelle, concurrente du Bitcoin, par l’AFP en 2015

56

échelle : c’est notamment le cas de BNP Paribas, cette banque est présente dans R3 CEV mais

lance simultanément des « proofs of concepts » sur de multiples applications. L’idée est de

proposer la version la plus aboutie de la blockchain privée (avec ou sans crypto-monnaie) afin

d’inviter d’autres acteurs du secteur à accéder à ce nouveau système contre une facturation.

Toutefois, on peut difficilement penser qu’un acteur unique prenne la main sur les autres, puisque

la tentation de créer un produit similaire concurrent est toujours très forte, explique Adrien

Lafuma, consultant chez Labo Blockchain123. Ce sont donc les consortiums qui vont prendre le

dessus à terme selon les spécialistes, pour créer les futures blockchains de références pour

l’ensemble des services financiers.

Si le futur des institutions financières semble indéniablement dépendre de leur appropriation de la

technologie blockchain, de nombreuses questions demeurent encore sans réponse et c’est avec

grand intérêt qu’il faudra se pencher dessus dans l’avenir : est-il possible d’utiliser la blockchain

en ignorant le bitcoin ? A quoi ressembleront les nouveaux services financiers ?

b. Les autres secteurs sujets au bouleversement : l’Internet des Objets

Force est de constater que la toute première utilisation de la blockchain a été le paiement,

ou plus généralement la réalisation de transactions entre différents individus. C’est ainsi que le

secteur financier (banques principalement) s’est empressé de s’intéresser au sujet, puisque

l’échange monétaire constitue une grosse partie de leur cœur de métier (transferts d’argents,

paiements, achat et vente de titres financiers, etc.). En effet, les avantages liés à la blockchain

pour les institutions financières sont multiples (comme nous l’avons évoqué précédemment) :

réduction des coûts de paiement, des délais de transactions, sécurité renforcée… A terme, on peut

donc vraisemblablement penser que la blockchain va complètement renverser les structures

traditionnelles du secteur financier, à commencer par le fonctionnement des banques.

Pour l’heure, les spécialistes semblent porter une attention toute particulière au rôle de la

blockchain dans le développement de l’Internet des Objets (Internet Of Things). En effet, le

réseau de l’IoT (Internet of Things) est le plus à même d’être penser comme décentralisé où

l’ensemble des transactions se réalisent de manière totalement anonymes, sans recours à un tiers

de confiance et entièrement sécurisée. C’est ici toute la révolution qu’apporterait la blockchain. A

l’heure actuelle, l’IoT est vu comme des plateformes centralisées de stockage et d’échange,

accessibles par tous ; à terme, ces plateformes seront distribuées via la technologie blockchain.

Source : http://www.finyear.com/La-blockchain-une-technologie-avec-un-potentiel-immense-Partie-1_a34432.html

123 La bataille secrète des banques pour mettre la main sur la blockchain, par Aude Fredouelle en 2016

57

C’est notamment l’objet de l’étude menée par Dirk Volland, Kay Noyen, Dominic Wörner et

Elgar Fleisch intitulée « When money learns to fly ». Ces différents chercheurs placent la

blockchain au cœur de leur analyse : il s’agit de la technologie permettant de faire

fonctionnement le business model « Sensing as a Service ». De nos jours, l’Internet des Objet

comprend des millions d’appareils capables de capter, sentir, détecter, communiquer, calculer

voire agir. Des milliards et des milliards de données sortent de ces différents appareils, et viennent

à changer notre approche traditionnelle de la gestion des informations. Au cœur de l’architecture

de l’IoT on trouve donc, à très grande échelle, des réseaux de capteurs (sensor networks) qui

gèrent, traitent, stockent, enregistrent, archivent toutes les données captées. Derrière cet ensemble

de capteurs, on trouve donc l’idée de « Sensing as a Service ».

Prenons un exemple concret pour expliquer ce concept124. Meyssane décide d’acheter un nouveau

réfrigérateur pour son appartement. Une fois l’appareil en sa possession, elle le branche

directement à une prise électrique dans son studio. Le frigo identifie de manière automatique le

wifi du logement et demande à Meyssane l’autorisation d’être connecté via Internet, elle accepte.

Dès lors, elle a accès à totues les données de son réfrégirateur sur l’écran d’affichage de l’objet :

température, capteurs de la porte, congélateur, etc. Elle se voit proposer de publier les données de

son frigo via Internet à destination de différentes entreprises en échange d’une rémunération

financière ou d’offres spéciales. Les données publiées, Meyssane reçoit rapidement un email

intéressée d’une entreprise de fabrication de glaces artisanales. En échange de ses données,

Meyssane se voit offrir une réduction de 10% chez ce glacier sur chaque produit acheté ou alors

une redevance mensuelle de 3euros / mois.

Ce scénario explique ce que signifie le concept de « Sensing as a Service » pour le cas d’un

particulier, toutefois des cas similaires peuvent être généralisées aux entreprises ou services

publiques, dès lors qu’il y a la présence d’émetteur de données et de receveurs, en d’autres termes,

il suffit de capteurs. En ce sens, le « Sensing as a Service » offre une relation « gagnant-gagnant » :

l’émetteur de données (ici Meyssane) n’est plus le seul bénéficiaire ; d’autres acteurs tirent profit

du partage de données.

Ainsi, on peut envisager le partage de données dans différents domaines125 : les applications de

running comme Runtastic, Runkeeper ou encore Nike+ pourraient utiliser les données des

prévisions météorologiques pour renseigner en temps réel les parcours les moins pollués (qualité

de l’air) pour les coureurs. Et c’est ici que la blockchain vient jouer un rôle : elle pourrait fournir

un système de paiement pour acheter des données de manière complètement anonyme,

sécurisée, décentralisée et à coût réduit.

Dans un futur proche, c’est donc le secteur de l’IoT qui semblerait le plus rapidement touché par

la technologie blockchain puisqu’elle traite quotidiennement des milliards de transactions et

d’échanges de données. A terme, tous les secteurs d’activités se trouveraient concernés, que ce

soit en B2C (domotique, traqueurs d’activité entre autres) ou en B2B (capteurs de surveillance des

voitures, avions, etc.). La conséquence directe de l’émergence de cette « Blockchain of Things »

sera la démocratisation des smarts contracts, programmes permettant l’exécution automatique et

autonome d’un contrat lorsque certaines conditions prédéfinies sont validées.

124 Sensing as a Service and Big Data, par Arkady Zaslavsky, Charith Perera, et Dimitrios Georgakopoulos

125 http://www.finyear.com/La-blockchain-une-technologie-avec-un-potentiel-immense-Partie-1_a34432.html

58

B. UNE DIFFERENTIATION GEOPOLITIQUE

a. Quelques pays développés pionniers dans l’adoption de la blockchain

Le rapport Fintech 2020 « Reprendre l’initiative » offre une vision intéressante du

devenir de la blockchain selon les Etats et les régions126. L’idée est d’abord d’établir un état des

lieux des premières initiatives mises en place par les pays puis d’envisager des scénarios futurs.

Sans surprise dans le domaine de la tech, les Etats-Unis semblent avoir une longueur d’avance

sur le sujet. C’est notamment l’entreprise IBM qui assure l’avant-garde dans ce domaine : en

2015, IBM a commencé à réfléchir sur la mise en place d’un système de paiement reposant sur la

technologie blockchain (à l’image du bitcoin). Le projet, en étroite collaboration avec la FED,

consisterait à mettre en circulation une monnaie adossée au dollar dont l’infrastructure serait plus

économique (coûts de transaction réduits) et efficiente : « It's the same money, just not a dollar bill

with a serial number on it, but a token that sits on this blockchain » (IBM/Reuters) ». Il s’agirait donc, non

pas d’une crypto-monnaie nouvelle mais simplement de « token » (jetons), moyen d’échange sur

le réseau blockchain.

Le Royaume-Uni par ailleurs s’impose comme le challenger dans le domaine : la Banque

Centrale d’Angleterre étudie notamment les avantages liés à un système bancaire basé sur les

crypto-monnaies127.

Finalement, c’est la Grèce128, en outsider, qui semble s’interroger également sur la mise en

application de la blockchain pour financer sa propre économie et ainsi se détacher de la tutelle de

la BCE. Cette idée émergea du ministre des finances Yanis Varoufakis en 2014 pour en finir avec

la politique monétaire jugée trop autoritaire et austère de la BCE. Le ministre s’était posé la

question d’un nouveau système, semblable à celui du bitcoin, qui garantirait des liquidités

conséquentes à la Grèce, une transparence totale des échanges et surtout une totale indépendance

vis-à-vis des marchés financiers et des organes européens de contrôle (FMI, Commission

Européenne, BCE, etc.).

Suite à ces quelques exemples, on constate que certains Etats ont d’ores et déjà amorcé leur

mutation vers un système monétaire et bancaire blockchainisé. Bien que les mesures soient

encore au stade embryonnaire, on constate que certains pays développés ont pris le leadership

comme les Etats-Unis, tandis que d’autres, à l’image de la France, reste encore hors-jeu.

b. Des applications évidentes dans les pays en développement

Si les premières initiatives sont bel et bien réelles dans les pays développés, en particulier

en Amérique du Nord et Europe ; c’est dans les pays en voie de développement que la blockchain

pourrait transformer les sociétés. En effet, la technologie blockchain a trois usages principaux, qui

seraient pleinement exploitables pour ces pays : le transfert d’actifs, l’enregistrement ou

l’authentification des transactions et les smart contracts. Or chacune de ces applications

pourraient être révolutionnée par la blockchain dans les pays en cours de développement.

Selon l’ONG Overseas Development Institute, la diaspora africaine perdrait plus de deux

milliards d’euros par an du fait des commissions prélevées sur chaque transfert d’argent (allant

même jusqu’à 12% de commission pour l’Afrique subsaharienne, le taux le plus élevé du monde

126 file:///Users/augeoriane/Downloads/rapport_fintech_2020_reprendre_linitiative_23oct15.pdf 127 One Bank Research Agenda, publié en février 2015 128 http://www.finyear.com/La-blockchain-une-technologie-avec-un-potentiel-immense-Partie-1_a34432.html

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et deux fois supérieur à la moyenne mondiale). Ici la blockchain offrirait une solution beaucoup

plus économique (des frais de transaction nuls ou minimes à hauteur de quelques centimes) et

rapide (quelques minutes contre plusieurs jours).

Un des enjeux de la pauvreté est également la corruption souvent induite par un manque de

fiabilité dans les bases données. Le plus gros problème semble celui la propriété, la plupart des terres ne sont pas enregistrées dans des bases de données officielles, voire n’ont pas d’adresse précise. C’est notamment le cas en Afrique où 90% des terrains ruraux ne sont pas enregistrés dans un cadastre. L’absence de données est un frein au développement économique de certaines régions : impossibilité de recevoir un colis et donc d’utiliser le e-commerce, emprunts et investissements agricoles difficiles, etc. Pour lutter contre ce fléau, la star-up Bitland propose l’enregistrement des actes fonciers sur la blockchain au Ghana. Une initiative similaire nous vient du Gouvernement du Honduras, un pays qui a longtemps souffert de fraudes aux titres de propriétés. Suite à la redistribution des terres paysannes aux élites dans les années 1990 ; on constate que 60% du territoire n’est pas répertorié par le Gouvernement. Les bureaucrates pouvaient ainsi facilement pénétrer la base de données du pays recensant l’ensemble des titres fonciers et s’attribuer des biens immobiliers dans des localisations idylliques, en modifiant le

cadastre. Cet Etat souhaite donc, en collaboration avec Factom, une entreprise texane spécialisée dans les applications de la blockchain, mettre au point un cadastre numérique à échelle nationale afin d’assurer la protection des contrats en cours, les droits miniers et les hypothèques de chaque individus ; et ainsi réduire grandement la corruption129.

c. Des inégalités d’accès par la régionalisation d’Internet

Mais les pays en développement sont-ils égaux face aux possibilités que la blockchain offre ? Rien

n’est moins sûr. Internet est un pré-requis indéniable pour permettre la révolution blockchain que nous abordons. Elle est jusqu’à présent le terrain de jeux des grands acteurs de l’économie collaborative, elle est l’espace où sont nés les premiers vecteurs de désintermédiation et elle est

indispensable à la technologie blockchain. Derrière cette vision probablement un peu trop utopiste d’un monde 2.0 plat et unifié se cache des réalités diverses selon les régions du monde. L’Internet auquel on peut accéder en France n’est pas le même que celui sur lequel on navigue en Chine : censure des principaux sites occidentaux comme Google ou Facebook pour ne citer que les plus connus, mais des usages différents également : la navigation sur mobile est la règle, la part de l’échange social via le chat est largement plus important en temps de navigation que celui des internautes français par exemple. Au cours de ses dix premières années d’existence, Internet est principalement un phénomène occidental, c’est à dire là même où on l’a inventé. Les internautes des pays occidentaux représentent plus de 75% de la population en ligne (Etats-Unis, Allemagne, France, Grande-Bretagne, Japon, Suisse, Finlande, Norvège, Suède, etc), qui est seulement de 2 millions en 1990. Cependant, on voit assez rapidement apparaître les pays émergents essayer de tirer leur épingle du jeu : le Brésil se connecte dès 1995, l’Inde en 1998 ou encore la Chine en 1997. La rivalité

Etats-Unis / Chine est ici assez évocatrice : jusqu’à l’entrée de la Chine, les Etats-Unis représentent la première puissance en terme d’internautes. Mais dès 1997, les Etats-Unis ne vont faire que perdre peu à peu du terrain au profit de l’empire du Milieu qui représente maintenant la première population d’internaute dans le monde : aujourd’hui les Chinois représentent 21,97% des internautes mondiaux, les Américain 9,58% et les Indiens 8,33%130. Il intéressant de remarquer que les similarités d’émergence sur le plan géopolitique et économique de certains pays se calquent presque sur les dates d’entrée sur le World Wide Web et de prise de masse dans la population d’internaute mondiale sur le graphique ci-dessus :

129 http://lebuzzdubiz.fr/2015/11/26/la-blockchain-et-ses-domaines-dapplication-insoupconnes/ 130 Hostingfacts.com « Internet stats & facts for 2016 »

60

- BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine) : Le Brésil, l’Inde et la Chine rentrent tous trois entre 1995 et 1998 dans l’échiquier puis voient leur nombre d’internautes croitre particulièrement à partir des années 2000, c’est à dire au moment où les puissances « traditionnelles » comme les Etats-Unis ou le Japon, eux, reculent.

- Les Tigres asiatiques (Thaïlande, Malaisie, Indonésie, Philippines, Vietnam) : La Thaïlande, les Philippines et le Vietnam se connectent entre 2000 et 2004. Après que les 4 dragons asiatiques (Taïwan, Corée du Sud, Hong-Kong et Singapour) aient dégagé la voie pour eux.

Mais bien évidemment, derrière les statistiques d’un pays se cachent des réalités territoriales diverses, d’autant plus dans les pays en voie de développement. Le cas de l’Inde est particulièrement révélateur : la plus grande démocratie du monde conjugue des inégalités territoriales très fortes et un goût pour l’informatique qui n’est plus à démontrer quand on sait tous les centres d’appels pour la comptabilité ou le dépannage informatique que le pays compte. Quand on regarde plus en détail la répartition de sa population connectée à Internet

on comprend les enjeux auxquels les gouvernements et les entreprises privées font face :

131 60% de la population urbaine est connectée à Internet alors que seulement 14% des citoyens Indiens vivant en zone rurale ont un accès à Internet (accès mobile compris). Ces chiffres sont d’autant plus importants quand on imagine à quel point un accès à Internet pourrait révolutionner la vie de ces personnes : accès au savoir, échanges avec des proches ayant émigrés, financement participatif… Etant données les disparités existantes d’accès à Internet, nous nous proposons de parler d’envisager les différences qui séparent certaines populations à travers le monde et d’essayer de comprendre les conséquences que cela implique pour les futures révolutions technologiques comme la Blockchain ou bien pour l’économie collaborative. Ces différences représentent-elles des freins à l’expansion de ces modèles qui conquièrent peu à peu de nouveaux marchés ou bien pourrait-on les envisager comme un formidable terreau d’idées pour aller encore plus loin dans cette mode de consommation innovant ? Si les entreprises de l’économie collaborative peuvent dans une certaine mesure adapter leurs modes de fonctionnement aux spécificités locales, qu’en est-il de la Blockchain ?

Pour essayer de répondre à ces questions, nous avons choisi de nous intéresser de manière plus

précise à deux pays très différents et tous les deux en contact avec la blockchain sur des plans très

131 IMRB I-Cube 2015, All India Estimates, October 2015, Census 2011

61

divers. Nous traiterons dans un premier temps le cas du Ghana afin d’étudier les tenants et

aboutissants de l’adoption de la blockchain dans son application foncière dans un pays en

développement. Par la suite nous nous intéresserons au cas de la Chine, pays très en avance dans

l’adoption de la blockchain et du bitcoin.

d. Etude de cas : le Ghana. Malgré que le Ghana est un des premiers pays d’Afrique à avoir été connecté à Internet, le pays reste encore peu connecté au World Wide Web : en 2015 moins de 20% de sa population avait accès à Internet. Cependant, derrière ce chiffre plutôt atone se cache une réalité bien plus optimiste. Le Ghana fut un des premiers pays du continent Africain à libéraliser et privatiser le secteur des télécommunications (privatisation de Ghana Telecom dès 1996 132). Ces mesures impulsées par le gouvernement ont servi de véritable terreau de croissance et de concurrence dans ce secteur : pas moins de six fournisseurs se partagent le marché du mobile, de l’Internet et des ligne-fixes. Les maigres 15% de pénétration de marché laissent à penser l’énorme marché que

représente le Ghana dans le domaine de la communication et de l’Internet mobile133. Etant donné la demande croissante pour les services mobiles et internet, de nombreux investissements en infrastructures sont réalisés. D’abord par le gouvernement Ghanéen notamment grâce au projet « Eastern and Western Corridor fibre project » qui vise à installer près de 700 kilomètres de fibre afin de mieux connecter l’ensemble du pays afin de « faciliter l’accès aux services gouvernementaux pour les citoyens »134, favoriser le développement de services et produits d’entreprises privées mais aussi aider les entrepreneurs locaux comme l’a annoncé le ministre des communication Ghanéen Haruna Iddrisu. Mais les acteurs privés prennent bien évidemment également part à cette modernisation (ou même création) des réseaux du pays, notamment Google avec son « Link Project » lancé en 2013 en Ouganda puis étendu en 2015 au Ghana. Le but est de construire des lignes de fibre optique afin d’aider les fournisseurs d’accès à Internet et les opérateurs mobiles à avoir un meilleur réseau. Mais pas seulement. Google bien sûr cherche également à servir ses intérêt économiques propres : 90% de ses revenus proviennent de la publicité en ligne, or quand on sait que seulement 10,7%135 de la population africaine a accès à Internet, on comprend vite le potentiel du marché pour le moteur de recherche de Mountain View. Cette amélioration de la connexion Internet pave la voie pour de futures technologies comme le Blockchain. Car si les infrastructures se font désirer, les potentielles applications de la Blockchain sont, elles, d’ores et déjà bien visibles. Prenons l’exemple de la propriété foncière : 90% des zones rurales du Ghana ne sont listées dans aucun cadastre. Ce manque de traçabilité et de sécurité de la propriété entraine de nombreuses répercutions :

- Pour les citoyens : Il est parfois impossible de revendiquer sa propriété sur la maison dans laquelle on habite depuis des générations car aucun cadastre fiable n’existe. De même, comment investir dans un projet immobilier quand on ne peut être sûr que la personne qui nous vend le terrain en est bien le propriétaire ? Enfin, comment commander en ligne et se faire livrer à domicile si l’on n’a pas une adresse officielle ?

- Pour l’Etat : Sans acte de propriété, l’Etat ne peut pas collecter de taxes. En outre, l’Etat doit gérer les nombreux litiges concernant la propriété des terres. Et pour finir, ce flou juridique de la propriété foncière donne lieu à beaucoup de corruption.

C’est pourquoi l’ONG Bitland, d’origine Ghanéenne, a développé conjointement avec des experts de la technologie Ghanéen, Américain et Danois un cadastre utilisant la technologie Blockchain136.

132 Ghana - Telecoms Infrastructure, Operators, Regulations - Statistics and Analyses –Budde.com.au Mai 2016

133 2015 Ghana - Telecoms, Mobile and Broadband – Budde.com.au Mars 2015

134 Eastern Corridor Fibre Optic Broadband Backbone project commences – Ghananewsagency.org 29/09/2012

135 Google Expands Project Link from Uganda to Ghana - Atlantablackstar.com 4 Octobre 2015

136 Bitland redessine la carte de l’Afrique grâce à la blockchain – Bitlandglobal.com 18 Février 2016

62

Bitland propose de réaliser les actions suivantes afin de vérifier la propriété foncière 137 et l’enregistrer dans la Blockchain: Vérifier le titre foncier auprès de la Commission Foncière du Ghana

Confirmer la validité du titre de propriété en parlant aux voisins proches Enregistrer les coordonnées GPS de la propriété Enregistrer les données collectées dans la Blockchain Délivrer un certificat papier prouvant l’acte de propriété

Cette procédure est réalisée en parallèle avec celle de la Commission Foncière au moment de l’acquisition d’une terre et le certificat de propriété digital délivré par Bitland fait office de preuve supplémentaire (et infalsifiable) afin de prévenir tout litige futur.

Capture d’écran du site Callbrock.net/bitland/map4/ où l’on peut voir les 20 premières maisons enregistrée dans le cadastre virtuel. Cette initiative n’en n’est qu’à ses débuts138 :

- Elle a été présentée à 28 communautés pour le moment mais vise à s’étendre à toute l’Afrique

- Dans un deuxième temps Bitland aimerait ensuite déployer les smart contracts Cependant, avant d’aller plus loin, Bitland doit encore faire face à beaucoup de scepticisme et de corruption au niveau local quant à la mise en place à grande échelle de cette solution. De plus, Bitland doit également digitaliser les actuels titres de propriété papiers, mais ces derniers sont souvent dépassés ou manquants.

Ainsi, on comprend que le gouvernement Ghanéen n’est pas la force motrice à l’origine des applications nationales de la Blockchain. Il y reste associé bien évidemment, comme dans le projet Bitland par exemple, mais ne prend pas les devants comme peut le faire le gouvernement Chinois comme nous l’avons vu précédemment. Les raisons sont probablement plurielles :

- Manque d’expertise : la technologie Blockchain reste complexe et parfois effrayante pour des acteurs étatiques peu à l’aise avec le digital et qui ne se sont pas encore renseignés sur les mécanismes en jeu. Par ailleurs, le « terreau » de citoyens impliqués dans de telles révolutions technologiques influe beaucoup sur la propension du gouvernement à s’intéresser à ces problématiques.

137 http://bitlandglobal.com/

138 Bitland Blockchain Initiative Seeks To Create Reliable Land Titles In Africa – Cryptocoinsnews.com 7 juillet 2016

63

- Manque de moyens : on imagine facilement que le gouvernement Ghanéen n’a pas les mêmes moyens que le gouvernement Chinois, quand ce dernier organise à domicile une semaine de la Blockchain avec les grands experts internationaux du sujet.

- Manque de temps à allouer : la Blockchain, malgré toutes les bénéfices qu’elle pourrait amener au pays dans le futur, reste un projet à long terme où beaucoup de choses restent à faire. On comprend que son poids puisse être réduit face à certains problèmes concrets et urgents que l’Etat d’un pays en développement se doit de gérer.

e. Etude de cas : la Chine, le cas d’école de l’Internet autoritaire. La Chine est désormais le premier pays en termes d’internautes, ils sont presque 700 millions139. Un chiffre d’autant plus impressionnant quand on sait que le taux de pénétration est seulement de 49% pour 1,4 milliard d’âmes. De plus, quand on sait que 72%140 de ces internautes vivent en ville, on ne peut qu’imaginer la masse de potentiels internautes qu’il reste à connecter dans les zones plus rurales de la Chine. Le gouvernement a très tôt compris le rôle majeur qu’Internet allait jouer dans l’économie mondiale. En effet, la République Populaire de Chine se connecte au World Wide Web dès 1997. Mais elle réalise aussi rapidement que cette ouverture au monde ne se conjugue pas bien avec sa politique autoritaire et le contrôle de ses citoyens. Dès 1998, le projet Golden Shield est lancé : 30 000141 cyber agents employés par le gouvernement sont mobilisés à plein temps afin de repérer et censurer tout propos qui pourrait être offensif envers les autorités Chinoises. Ainsi, à l’heure actuelle, les trois premiers sites en termes de visites dans le monde Google, Facebook et Youtube ne sont pas accessibles en Chine. Cette censure représente une véritable aubaine pour les copycats locaux comme Baidu (équivalent chinois de Google), QQ (équivalent chinois de Facebook) ou Taobao (plateforme de e-commerce similaire à eBay ou Amazon). C’est donc pourquoi les géants occidentaux des réseaux sociaux peinent à tailler leur part du gâteau dans ce marché au potentiel énorme :

142 (Tous les acteurs du graphiques mis à part Google+, Facebook et Twitter sont des entreprises chinoises)

De même, la suprématie du moteur de recherche américain est ici totalement bouleversée :

139 Digital Yearbook 2016 par wearesocial 140 CIW China Internet Insight 2015

141 25 Shocking Facts About Chinese Censorship - OnlineCollege.org 142 Digital, Social & Media in China in 2015 par wearesocial

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Les Chinois, au-delà de leur masse critique dans la population digitale, représentent un cas très intéressant quant à l’utilisation d’internet :

- Le e-commerce est un sport national : « Dans d’autres pays le e-commerce est une façon de faire des achats, en Chine c’est un mode de vie » Jack Maa, fondateur de Alibaba. Le e-commerce en Chine a représenté 630 milliards de dollars en 2015, soit 80% de plus que le marché Américain143.

- Ce sont des internautes hyper-connectés : les Chinois passent 44% de leur temps de loisir

en ligne alors que les Français n’en passent que 28%144. Ces caractéristiques rendent le marché chinois d’autant plus intéressant pour les champions de l’économie collaborative : une masse d’utilisateurs déjà éduqués à l’achat en ligne. Cependant, même les grands noms de la sharing economy (avec une puissance financière et un lobby donc conséquents) peinent à conquérir le marché chinois:

- Uber tente depuis deux ans de conquérir le marché des VTC dans les mégalopoles Chinoises congestionnées. Sans succès puisque son concurrent Didi Chuxing remporte haut la main le duel (400 villes desservies contre 50 pour Uber) et finit par acquérir Uber China en aout 2016145.

- Airbnb a bien évidemment aussi voulu tailler sa part du gâteau dans le marché locatif chinois mais il se heurte à l’entreprise chinoise Tujia qui l’a rejoint sur le modèle de location d’appartement C2C.

Alors qu’en est-il de la Blockchain ? Contrairement à ce que l’on pourrait penser (à cause des potentielles libertés qu’elle pourrait apporter aux e-citoyens chinois) la technologie Blockchain suscite un réel intérêt en Chine, tant de la part des internautes que de celles des autorités. -

Tout d’abord avec le Bitcoin. A l’heure actuelle, l’empire du Milieu a pris un tel poids dans la monnaie virtuelle que certains parlent d’une véritable « emprise de la Chine sur le cours du Bitcoin »146. En effet, en 2012, les principales monnaies qui s’échangeaient contre des Bitcoin étaient à 91% du dollar, 5,2% de l’euro et pour seulement 1% du yuan. Mais en 2015, le dollar a

chuté à 22%, l’euro stagne à 6,5% alors que le yuan explose pour atteindre 75% de la part des

143 « How savvy, social shoppers are transforming Chinese e-commerce » Avril 2016 – McKinsey 144 « Chinese rule in time spent online » Ericsson Business Review 145 L'économie du partage en Chine (4/4) : Taxi-VTC : Didi évince Uber et accélère l'ubérisation – La Tribune 22/08/2016 146 L’emprise de la Chine sur le cours du Bitcoin – Les Echos 14/10/2015

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échanges de monnaie contre Bitcoin147. De plus, trois plateformes chinoises totalisent plus de 70%148 de part de marché sur l’échange de Bitcoin au niveau mondial : BTCChina, OKCoin et Huobi. Pourquoi un tel intérêt pour le Bitcoin ? Plusieurs théories existent149 :

- valeur refuge pour mettre de l’argent de côté comme peut l’être le dollar ou l’or en Chine, le Bitcoin ayant cependant un volatilité plus importante face à la baisse du Yuan qui a atteint son plus bas historique en 5 ans face au dollar150.

- moyen d’échapper au contrôle de capitaux imposé par le gouvernement chinois (possible de convertir de yuan en devise étrangère pour maximum 50 000$/personne/an)

Mais au-delà d’un potentiel pouvoir sur le cours de la crypto-monnaie, les chinois possèdent également un poids énorme dans le fonctionnement même du Bitcoin : le minage. Loin des grandes mégalopoles chinoises, dans la région du Changcheng dans le Nord-Est du pays, six gigantesques « fermes » minent pour une récompense journalière entre 20 et 25 Bitcoin par site151,

soit plus de 75 000$ par jour. On estime aujourd’hui que la Chine possède 70% de la puissance

de minage dans le monde :

18 Pourquoi une telle puissance de calcul ?

- Un coût de l’électricité bas152, ce qui permet aux mineurs chinois d’être toujours efficaces

- Des excédents de charbon21, qu’il est plus rentable de brûler sur place puis d’utiliser leur énergie pour le minage plutôt que de les déplacer :

21

- Le résultat de la démographie ? La Chine reste le pays avec le plus d’internautes au monde, cela peut en partie expliquer que sa puissance de calcul soit plus forte que cela de la Suède qui est le deuxième pays en termes de minage22.

Par ailleurs, la surpuissance de calcul chinoise soulève des inquiétudes quand à la neutralité de la crypto-monnaie. En effet, qu’en est-il des 51% qui garantissent l’inviolabilité ?

147 Digital Currencies: Principles, Trends, Opportunities, and Risks – Bundesbank Study Septembre 2015 148 Chinese bitcoin exchange market continues to grow: BTCChina, OKCoin, Huobi – coinfox.com 01/05/2015 149 Le yuan chinois fait-­il monter le cours du bitcoin ? 12/07/2016 150 Quand les investisseurs chinois font flamber le Bitcoin – BFMBussines 31/05/2016 151 Petite visite d’une mine de Bitcoin en Chine – Documentaire vidéo sur korben.info

152 Bitcoin Mining in China – Hobbymining.com

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Face à ce réel engouement de la population chinoise pour la crypto-monnaie, qu’en est-il du gouvernement ? Les particuliers ont le droit de posséder et échanger du Bitcoin. En revanche, les institutions financières comme les banques (qui sont possédées par l’Etat) et les sociétés de

paiement (comme Alipay) n’ont, elles, pas le droit de gérer des transactions en Bitcoin, ni d’en donner le prix. La raison officielle de cette interdiction est que le Bitcoin pourrait interférer avec la politique monétaire du pays : c’est une forme de fuite du système monétaire qui pourrait être utilisé pour du blanchiment d’argent153.

Concernant Ethereum, là aussi l’intérêt s’éveille chez en Chine. Tout d’abord au niveau des mineurs : certaines mines de Bitcoin ont notamment changé de « camp » pour aller miner Ethereum a vu de son récent succès. Les entreprises ne sont pas en reste et investissent déjà dans la technologie : un des plus grands constructeur automobile chinois, Wanxiang Group, se positionne comme l’acteur privé de référence dans ce domaine puisqu’il a déjà investi 500 000$ (par l’achat de 414 000 Ether) en Septembre 2015 afin de promouvoir cette technologie pour les services financiers du groupe mais également dans toute la Chine. Le groupe projette de constituer un fond d’investissement de 50 millions de dollars dédié à la Blockchain154.

La Blockchain fait l’actualité économique chinoise puisque du 19 au 24 Septembre à Shanghai a eu lieu la deuxième édition de la semaine Internationale de la Blockchain sponsorisée par le Wanxiang Blockchain Labs155 (le fameux fond d’investissement du groupe du même nom). Plus de 40 intervenants sont confirmés, ceux-ci travaillent aussi bien dans les grands groupes « généralistes » (Microsoft, E&Y, UBS…) comme dans des entreprises focalisées principalement sur la technologie blockchain (Ethereum, OpenBazaar, Zcahs…). Cette semaine regroupe :

- DevCon2, une conférence pour les développeurs ;

- DemoDay, la rencontre entre les startups et les investisseurs avec de nombreuses démonstrations de projets en live ;

- Global Blockchain Summit, deux jours de discussion sur les actuels et futurs usages économiques, business et sociaux de la Blockchain.

Cependant, le volume d’échange de Yuan contre Ether reste modeste (2,5%) et les trois grandes

plateformes d’échanges de Bitcoin (BTCChina, OKCoin et Huobi) n’ont pas encore n’ont pas encore intégré l’Ether. A l’occasion de cet événement, le gouvernement chinois a créé un groupe de travail stratégique pour accélérer l’adoption de la Blockchain en Chine156. Il regroupe :

- le gouvernement Chinois ;

- ChinaLedger : coalition qui vise à promouvoir l’utilisation de la technologie Blockchain en accord avec les spécificités de la régulation Chinoise ;

- Le Shenzen Consurtium : consortium formé par une trentaine d’entreprises de la finance Chinoise afin d’explorer les applications possibles dans le domaine financier.

Le gouvernement Chinois a mis du temps à s’impliquer réellement dans le domaine des crypto-monnaies et de la technologie Blockchain. La Banque Centrale Chinoise qui avait une position

plutôt hostile sur le sujet des crypto-monnaies travaille maintenant sur un projet de crypto-monnaie possédée par l’Etat afin de limiter les dérives sous-jacente à l’utilisation de ces monnaies (blanchiment d’argent, fuite des capitaux, fraude fiscale). De plus, un projet de loi est en cours pour clarifier la propriété de la monnaie virtuelle. Suite à la plainte d’un gamer chinois s’étant fait

dérober l’équivalent de 10 000 Yuans en monnaie virtuelle, le Tribunal Intermédiaire Populaire de Pékin a trouvé que les biens virtuels avaient une base légale et qu’ils devraient être traités comme de la propriété privée157. Une future loi serait une avancée remarquable pour la Chine, qui s’établirait alors comme un des pays leader dans le domaine de la propriété virtuelle, là où les Etats-Unis par exemple restent en retard.

153 China Bans Financial Companies From Bitcoin Transactions – Bloomberg 5/12/2013 154 Chinese Auto Giant Wanxiang Plans $50 Million Blockchain Fund – Coindesk.com 29/09/2015 155 Ethereum DevCon2 combined with Shanghai Blockchain Summit in September – Ibtimes.co.uk 5/04/2016 156 Strategic Alliance Formed to Speed Up Adoption of Blockchain Technology in China – Bitcoinmagazine.com 22/06/2016 157 The China effect and Ethereum – Ethnews.com 9/07/2016

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On comprend donc que le gouvernement Chinois à décidé de s’inscrire pleinement dans l’évolution de la Blockchain plutôt que de refuser cette innovation technologique, probablement pour deux raisons principales :

- Bénéficier de son futur bénéfice économique : la Chine est à l’heure actuelle le premier géant mondial du e-commerce et il serait dangereux pour elle de passer à côté d’une potentielle révolution technologique et économique affectant Internet dans les 10 prochaines années ;

- Mieux contrôler ses usages pour les internautes chinois : plutôt que d’ignorer la Blockchain, le gouvernement chinois préfère la connaître en profondeur afin de bien comprendre les possibles dangers qu’elle peut représenter vis à vis de son contrôle de l’Internet chinois.

2. LE REVERS DE LA MEDAILLE : ANALYSE DES CRITIQUES SUR L’INSECURITE ET L’ILLEGALITE GENEREES PAR LA TECHNOLOGIE

A. ANONYMAT ET PSEUDONYMAT158

a. Mythe et réalité

Un des lieux communs qui circule dans les mentalités à propos de l’utilisation du bitcoin et par

extension de la technologie blockchain est celui de l’anonymat des transactions. Sans

intermédiaire, il n’y aurait pas de possibilité d’identifier les auteurs des transactions et par

conséquent règnerait une certaine impunité dans l’utilisation des crypto-monnaies en particulier.

Mais est-ce la réalité ? On définit l’anonymat comme l’état de quelqu’un ou quelque chose

d’anonyme, c’est-à-dire qui n’est pas connu ou dont on ne connait pas l’identité. Mais à cette

critique de l’anonymat comme fait accompli dans l’univers du bitcoin, Antoine Yéredzian, ami et

fondateur de l’entreprise Blockchain France, nous répond en riant que selon lui, rien n’est moins

anonyme que la blockchain du bitcoin. En effet, nous avons vu que l’ensemble des transactions

est publié de manière quasi instantanée dans un registre public et consultable par tous. Ainsi

chaque transaction est publique et traçable, mais jusqu’à quel point ? Chaque détenteur et

utilisateur de bitcoin est identifié dans le registre par une suite de caractères qui lui est propre : il

convient ainsi alors de parler de pseudonymat plutôt que d’anonymat.

Certains sites permettant aux utilisateurs de se créer un portefeuille et un identifiant bitcoin

demandent des preuves de l’identité de la personne, ainsi en cas d’enquête criminelle il serait

facile de remonter à la source et de découvrir l’identité cachée derrière un pseudonyme159. Preuve

en est l’arrestation du fondateur de Silk Road, Ross William Ulbricht, par le FBI en 2013.

Certaines start-ups comme Blockchain Inspector se spécialisent dans la traque d’utilisateurs

frauduleux de bitcoins pour le compte de tiers.

Ainsi les crypto-monnaies existantes, de par la traçabilité de l’intégralité des transactions, restent

bien moins anonymes que l’utilisation de cash par exemple. Par ailleurs, dès lors qu’un utilisateur

souhaite changer ses bitcoins en monnaie fiduciaire, des justificatifs lui sont demandés

158 Source applicable à l’ensemble de la partie; This machine kills secrets: How WikiLeakers, Cypherpunks, and Hacktivists

Aim to Free the World's Information, 2012, Andy Greenberg

159 http://fr.newsbtc.com/le-mythe-de-lanonymat-du-bitcoin/

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notamment pour de grosses sommes. Le film Dope réalisé par Rick Famuyiwa en 2015160, montre

intelligemment comment un des personnages, riche en bitcoins par la vente de drogue, sera

immédiatement traçable par la police dès lors qu’il essaye de changer ses bitcoins en dollars.

Mais à plus petite échelle, est-il possible d’opérer en bitcoins sous le radar des autorités ? Y-a-t’il

un semblant d’anonymat possible dans la sphère blockchain ? Un outil puissant existe bel et bien

pour garantir l’anonymat sur la toile, et même s’il n’est pas directement applicable à l’utilisation

de grandes quantités de bitcoins, il peut tout de même permettre à des utilisateurs lamba d’opérer

en tout anonymat. Le site bitcoin.org recommande même à ses utilisateurs de l’utiliser161 : il s’agit

du logiciel Tor, qui a notamment permis à la puissante machine de Wikileaks de se mettre en

marche.

b. Tor, le logiciel garant de l’anonymat

Internet est connu comme un lieu où tout est traçable notamment à cause de la fameuse adresse

IP. Cette adresse procure à qui l’obtient notre location et notre identité de par notre fournisseur

d’accès à internet. Mais comme l’explique Andy Greenberg dans son livre This machine kills

secrets, “the Internet is neither fundamentally private nor fundamentally public, anonymous or onymous” :

ainsi il dépend de l’utilisation de chacun d’utiliser de manière anonyme ou non les outils que sont

Internet et plus particulièrement la blockchain et les crypto-monnaies. Le logiciel fondateur qui

donne ce choix aux utilisateurs expérimentés s’appelle Tor. Tor est un logiciel qui a été créé dans

les années 1990 par des mathématiciens de DARPA, une agence du département de défense

américain (Defense Advanced Research Projects Agency), la même agence à l’origine d’Internet. Le

logiciel se dédie à cacher cette adresse IP de tout espion indésirable en noyant dans une masse

d’information celle de l’identité de l’émetteur d’un message.

Le but est de cacher de manière 100% sûre l’auteur d’un message et par extension d’une

transaction. Tor, qui s’écrit également TOR, est un acronyme qui signifie « the Onion Router »,

faisant référence à une image d’un oignon que l’on pèle afin de retrouver l’information précieuse

en son cœur qui serait ici l’identité de l’émetteur du message. Tor est un logiciel qui procure à ses

utilisateurs une succession de couches pour cacher leur adresse IP. A l’origine, le message est

d’abord transmis à un premier intermédiaire qui le décrypte avec une clef et découvre une adresse

qui lui demande de rediriger le message vers un second intermédiaire. Ce processus est répété

plusieurs fois, jusqu’à ce que le message arrive chez l’interlocuteur final qui lui a la clef pour

décrypter le message original.

160 Film Dope réalisé en 2015 par Rick Famuyiwa 161 Recommandations du site bitcoin.org sur la préservation de la vie privée, site visité le 29/10/2016

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Ainsi, le relais A reçoit le premier le message et le décrypte avec sa clef A. Il lit alors « envoyer au relais B ». Le relais B à sont tour décrypte le paquet reçu du relais A et va lire « envoyer au relais C », et le relais C enfin va recevoir ce message et le transférer au destinataire final162. Ainsi en supposant que ces relais sont nombreux d’une part, traitent de nombreux messages en même

temps d’autre part et que l’ordre des relais change constamment, on obtient un système qui permet de noyer l’identité de l’émetteur d’un message dans une masse d’informations cryptées par des clefs différentes les unes des autres. Tor se base sur le principe cryptographique du Mix Network qui a précédemment été mis en évidence par David Chaum en 1981. Le Mix Network est un réseau où un message est transmis à un premier remailer, c’est-à-dire un intermédiaire, qui peut l’ouvrir grâce à une clef publique. Une fois le message ouvert, le remailer découvre une instruction de retransmission à un second remailer

qui pourra à son tour l’ouvrir mais avec une clef privée. L’image choisie par Andy Greenberg dans son livre This machine kills secrets pour décrire l’idée de Mix Network est celle d’une personne entrant dans un cinéma en même temps qu’une foule de personnes et en ressortant vêtue de nouveaux vêtements et accessoires. Cette même personne rentrerait ensuite dans un autre théâtre et se rechangerait de nouveau. Cette image des cinémas et théâtres à la place des

remailers fait sens et performance lorsque le nombre de personnes ou de messages entrants et

sortants ainsi que le nombre de remailers ou lieux de transferts sont élevés. Même artificiellement,

il est possible de créer des messages parallèles pour noyer son message original dans une foule d’autres messages. Ainsi Tor reprendrait cette idée de Mix Network en la rendant propre à l’utilisation sur internet, utilisant des routeurs comme cinémas ou théâtres et une succession de clefs de cryptage et de décryptage comme accessoires et vêtements. Tor a également une autre capacité qui est celle du Hidden Service, ou service caché. S’adressant

aux plus expérimentés, cette fonctionnalité de Tor permet de cacher la location d’un site Internet. Ainsi les utilisateurs peuvent trouver le site uniquement s’ils utilisent eux-même Tor, et ils ne peuvent pas savoir où le site est physiquement hébergé. Ainsi on retrouve dans le logiciel Tor l’idée de société collaborative, ou chaque utilisateur place sa confiance dans la technologie et est ensuite libre de toute contrainte. Ajouté au blockchain et aux crypto-monnaies, Tor devient un

outil puissant d’anonymat. Cela signifie-t-il pour autant que c’est une mauvaise chose ? Evidemment Tor est un outil qui permet à des criminels de se cacher, mais il permet également aux espions de nos gouvernements développés de mener à bien leurs missions, aux rebelles contre les états totalitaires de communiquer sans danger et enfin aux enquêteurs d’entrer eux-mêmes de manière indétectable sur les sites illégaux. Etudions plus précisément les tenants et aboutissants de l’anonymat et du pseudonymat et les impacts qu’ils pourraient avoir sur une potentielle démocratisation des systèmes blockchains.

c. Dérives ou nouvel ordre mondial ?

Avant Tor, des expériences de remailers essayant de créer un certain anonymat sur Internet ont été

conduites, notamment via Penet, un système mis en place par un suédois appelé Johan Helsingius au début des années 1990. Agissant comme remailer pour rendre anonymes les

activités de ses utilisateurs, Helsingius a finalement dû procurer l’ensemble de ses données aux autorités suédoises lors d’une enquête ce qui a profondément remis en question la possibilité même d’un anonymat à l’abri de toute portée des autorités policières.

Mais l’existence de Tor a enfanté un premier succès via Wikileaks, le site de fuites de documents confidentiels de Julian Assange. En effet bien que ce soit le département de défense américain qui ait créé Tor à l’origine, le logiciel a très rapidement été repris par la sphère des Cypherpunks et popularisé dans le monde des hacktivistes. Il est ce qui a permis à Wikileaks d’obtenir son succès tant escompté de par l’anonymat de ses sources. D’autres sites de fuites de documents existaient mais aucun ne garantissait l’anonymat complet et infaillible de leurs sources. Nous connaissons

162 Tor et le routage en oignon, Open Classrooms, article source pour le schéma et des explications sous-jacentes

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Bradley Manning comme à l’origine de la fuite des documents de la NSA auprès de Wikileaks mais cet ex-employé de l’armée américaine s’est fait arrêter car il avait confessé ses crimes à une autre personne qui l’a ensuite dénoncé aux autorités. Sans le témoignage de ce dernier, Adrian Lamo, on peut imaginer que Bradley Manning n’aurait pas été arrêté car il utilisait Tor pour

extraire et envoyer des fichiers confidentiels à Assange, qu’Assange lui-même ne souhaitait pas connaître son identité et que personne au sein de son organisation ne s’était rendu compte de l’extraction des fichiers. Bradley Manning a laissé échapper des secrets d’Etat montrant des fautes de l’armée américaine tenues secrètes pendant les guerres du Golfe et du Vietnam, des manifestes présentant des stratégies loin d’être pacifistes et des preuves de comportements illégaux. Il convient de se demander si libérer ces informations, et plus particulièrement le fait d’avoir la possibilité de libérer ces informations au monde entier sans être pourchassé et puni par les autorités, est un

danger et une trahison du plus haut niveau ou bien un pas vers un monde plus transparent. Deux écoles s’affrontent dans le monde fermé des Cypherpunks comme le dépeint Andy Greenberg lorsqu’il décrit les personnalités des acteurs de ce monde successivement dans son livre. D’un côté, nous avons des optimistes qui considèrent la cryptographie comme un moyen de

désintermédiation afin de se libérer de régimes autoritaires et injustes. D’un autre côté, nous avons des profils plus anarchistes, qui considèrent la vie privée comme un droit fondamental et qui rejettent l’omniscience d’un gouvernement qui a ses intérêts propres et distincts de ceux du peuple qu’il gouverne. Il est certain que la sphère digitale, et en particulier les logiciels comme Tor et les crypto-monnaies autonomes comme le bitcoin peuvent créer un terreau qui favorise des dérives illégales, en particulier l’accès à des marchandises ou des pratiques comme de la drogue ou de la pornographie infantile sur des sites tels que Silk Road. Mais ces mêmes outils sont également ceux qui servent d’armes aux autorités comme le FBI afin de traquer les criminels. Andy Greenberg cite dans son livre Roger Dingledine, le directeur de Tor, qui dit : “When I’m speaking to a law enforcement crowd and someone complains that Tor is used for crime, I find an agent who uses Tor

for fighting crime every day, and I try to get those two to talk to each other ”.

Ainsi il convient d’éviter de tomber dans le piège de diabolisation de la technologie car la technologie reste neutre et il s’agit de ce que l’on en fait qui est important. Wikileaks, par exemple, est vu par certains comme une trahison sans précédent du gouvernement américain, et par d’autres comme un fantastique mouvement de liberté qui remet en question l’ordre établi en levant le voile sur des pratiques illégales institutionnalisées. La technologie jusqu’à présent sert surtout aux structures établies, qu’elles soient gouvernementales ou entrepreneuriales, à récolter des informations sur les citoyens afin de pouvoir mieux cerner leurs comportements et leurs attentes, que ce soit dans un souci marketing ou de sécurité. Mais n’est-ce pas une bonne chose que les rapports de force puissent s’inverser un peu en faveur de l’utilisateur lambda grâce à des technologies désintermédiantes ? Nous faisons ainsi face à un certain paradoxe : d’un côté, un discours de grande transparence

rattaché au bitcoin et à la blockchain de par le système-même de registre public, et d’un autre côté un outil parallèle recommandé par le site bitcoin.org qui, combiné au système, est garant d’anonymat et qui a par ailleurs donné naissance au dernier grand scandale politique de notre temps à travers Wikileaks.

B. LES FAILLES DU SYSTEME

Outre le débat plutôt politique de la légitimité et la souhaitabilité du bitcoin et de la blockchain dans un monde toujours plus collaboratif, une question plus pratique de faisabilité se pose lorsque nous nous intéressons de plus près à l’historique des failles techniques du système.

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a. Crash de la blockchain bitcoin : le piratage163

La blockchain du bitcoin a connu sa première véritable crise seulement quatre années

après sa création (2009). Au premier abord, le bitcoin s’est surtout fait connaître par ses problèmes liés à la réputation : le recours à cette monnaie virtuelle sur le site Silk Road, aussi renommée le eBay de la drogue en est le meilleur exemple164. Ce site a été rapidement clôturé en 2013 dans le but de rassurer les investisseurs et la crédibilité en cette monnaie. Par la suite, le Bitcoin a connu ses secousses les plus périlleuses suite à la fermeture de la plateforme d’échange japonaise Mt.Gox en 2014. L’entreprise avait été sujette à une attaque informatique dont la perte s’élève à 750,000 BTC soit 406 millions de dollars entrainant la faillite totale de la société. Le devenir de cet argent n’a jamais été retracé. A propos de la nature de la faille, elle sera à l’origine de problèmes de malléabilité de transactions (la possibilité de modifier une transaction sans la casser pour autant)165 mais cette hypothèse reste controversée par les spécialistes. Pour autant, les problèmes de piratage sont encore loin d’être révolus, et les cas se succèdent. En

janvier 2015, près de 19,000 BTC ont été volé sur la plateforme Bitstamp entrainant la suspension de leur service. En juin 2016, un fonds d’investissement The DAO a été victime d’un vol informatique de plus de 50 millions de dollars en Ether. Le dernier cas en date est celui de la plateforme d’échange de bitcoins, Bitfinex, basée Hong Kong qui a été victime d’un piratage de ses systèmes informatiques dont la perte s’élève à 120,000 BTC soit 65 millions de dollars en aout 2016. Si les exemples de piratages sont nombreux, il demeure très difficile de déterminer la nature de ceux-ci. Pour beaucoup, le problème vient du stockage dit « à chaud » des données. En effet, beaucoup de plateformes proposent des transferts de monnaies en temps réel, ce qui implique de stocker une part des devises sur des serveurs Internet, beaucoup plus exposés à des attaques pirates. Nombreuses sont les failles qui existent donc au sein de la blockchain du bitcoin, et les pirateurs les ont bien cernés comme le témoignent les exemples précédemment cités. Ainsi, chaque utilisateur doit être particulièrement attentif à la protection de ses données : sa clef privée de chiffrage. Si un pirate parvient à trouver le numéro secret en s’introduisant au sein de l’ordinateur d’un usager, il peut dépenser l’intégralité de ses bitcoins. Pour autant, ce risque relève uniquement de l’attention que chacun porte à ses données personnelles et ne peut être complètement attribué au réseau bitcoin en lui même.

b. Les faiblesses du protocole : pourquoi le bitcoin est-il « foutu » ?

Si le piratage semble être le risque le plus important, on trouve d’autres également des failles techniques et politiques relatives au système comme le souligne avec pertinence Mike

Hearn, un ancien développeur de chez Google qui a décidé de se consacrer à plein temps sur l’étude du bitcoin166. Il dresse un portrait particulièrement pessimiste de l’avenir de cette crypto-monnaie. Il a sans tarder passer des paroles aux actes en revendant l’intégralité de ses bitcoins. Pour lui, le « bitcoin a échoué (…). Les fondamentaux sont brisés et, quelle que soit l’évolution du prix à court terme, la tendance à long terme sera probablement à la baisse ». Il préfère dédier

163 https://bitcoin.fr/histoire/ 164 En effet, puisque le Bitcoin demeure une monnaie quasiment anonyme, elle peut facilement être utilisée pour l’achat de

drogues, l’engagement de tueur à gages ou la falsification de documents. 165 Concrètement, une personne peut retirer ses bitcoins via une plateforme d’échange, modifier le hashage avant de

l’inscrire dans la blockchain, puis appeler le service d’émission de bitcoins sous prétexte qu’elle n’a pas reçu le montant BTC

exigé.

166 Bitcoin est-il foutu ? par l’auteur au pseudonyme H16, 2016

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son temps au service de la blockchain dans les services financiers au sein du groupe de banques R3CEV.167

Pour Mike Hearn, le bitcoin fait face à certains problèmes techniques auxquels le protocole de la

blockchain (sur lequel il repose) ne pourrait résoudre. Et quand bien même, des solutions avancées se présenteraient, le protocole ne serait pas en mesure de les intégrer pour des motifs politiques. La chute du bitcoin reposerait essentiellement sur la chute de la communauté de ses utilisateurs. Il l’explique pour trois raisons.

Ensuite, le problème technique majeur est celui relatif à la taille du réseau : « blockchain is full ».

L’ensemble des transactions du bitcoin sont regroupés dans différents blocs dont la taille ne peut, à l’heure actuelle, excéder 1 Mégaoctet. En ce sens, cette limite réduit ainsi de manière intrinsèque le nombre de transactions capables d’être traitées par le réseau. La taille moyenne des blocs est d’environ 600-700 Ko, et la blockchain du bitcoin n’est pas en mesure de gérer des capacités supérieures. Si l’on souhaite dépasser cette limite, il faudra à terme augmenter la taille des blocs, en dépit de quoi le réseau risque de souffrir d’instabilité et d’insécurité dans la gestion de ses transactions.

En effet, l’inventeur du Bitcoin Saroshi Nakamoto avait défini une limite maximale du nombre de transactions susceptibles d’être inscrites toutes les dix minutes afin de limiter le travail des mineurs. Mais aujourd’hui, le temps de confirmation d’une transaction devient beaucoup trop long car elles sont mises en attente, il faut parfois attendre jusqu’à plusieurs heures. C’est d’ailleurs ce que proposa Mike Hearn avec sa nouvelle version du protocole bitcoin : Bitcoin XT dont l’objectif est d’augmenter la taille des blocs de 8 Mo, qui doublerait tous les deux ans. Toutefois les acteurs du réseau n’ont pas été capables de choisir entre le logiciel initial Bitcoin Core et le nouveau Bitcoin XT définir un logiciel de référence de manière consensuelle : deux écoles s’affrontent, ceux qui souhaitent limiter la taille des blocs pour augmenter le nombre de transactions ; et ceux qui pensent que l’augmentation de la taille des blocs est nécessaire pour augmenter le débit des transactions.

Mais alors, pourquoi ne pas augmenter de manière unanime la taille des blocs ? Le système se

trouve aux mains d’une minorité de personnes basées en Chine. En effet, deux groupes de mineurs chinois contrôlent déjà plus de 50% de la puissance de calcul. Or, les mineurs ne permettent pas à la blockchain de grossir et ce pour plusieurs raisons :

- Ces deux pool de mineurs chinois sont à l’origine du logiciel Bitcoin Core, ils refusent donc de passer à un produit concurrent.

- Ils souhaitent limiter au maximum les ébats relatifs aux changements techniques du bitcoin afin de limiter les agitations médiatiques pessimistes pouvant mettre à mal la confiance dans le bitcoin et donc intrinsèquement déprécier sa valeur sur les marchés financiers.

- Mais la véritable raison, est que le gouvernement chinois est tellement obsédé par le contrôle d’Internet que l’échange de données transfrontaliers et dans le monde entier

fonctionne à peine. Ainsi, les mineurs chinois préfèrent une version standard du logiciel bitcoin car elle nécessite beaucoup moins de puissance de calcul et de capacité pour leurs ordinateurs.

Finalement, ces mineurs chinois semblent passer le plus clair de leur temps à limiter la progression et la démocratisation du bitcoin afin de garantir une rémunération certaine liée à leur activité de minage, sans se préoccuper des bienfaits et des avantages de cette monnaie virtuelle pour les sociétés.

Difficile de dire quelle version du protocole finira par prendre le dessus sur une autre, mais le pouvoir est désormais dans les mains de la communauté, qui, de bonne volonté et clairement

167 The resolution of the Bitcoin experiment, par Mike Hearn, 2016

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informée, pourra à terme faire le meilleur choix dans les différentes technologies proposées. Si Mike Hearn dresse un avenir plus que pessimiste du bitcoin, c’est qu’il s’inquiète des experts à sa tête, un petit groupe de moins de dix personnes, dissimulé derrière le « Great Firewall ». Il dénote même une cinglante ironie de trouver à la tête de la blockchain, soi-disant transparente et

désintermédiée, on trouve un gouvernement oppressif. Toutefois, tout n’est pas perdu, il demeure des personnes talentueuses, ayant soif d’énergie et d’innovation, prête à s’investir et engager leur génie au service du bitcoin.

Force est de constater que le triomphe du bitcoin réside presque intégralement sur la confiance attribuée au système. Or, le bitcoin repose sur un travail de minage, lui même intrinsèque à la résolution de calculs complexes. Une fois le calcul résolu, chaque mineur va être rémunéré en bitcoin en fonction de sa participation à la résolution. Par ailleurs, c’est dans ce rôle même de mineurs que nous percevons des failles éventuelles : deux chercheurs de l’université de Cornell, Emin Gun Sire, professeur et Ittay Eyal, docteur en informatique présentent les failles d’un tel système dans leur article Majority is not Enough : Bitcoin

Mining is Vulnerable.168 En effet, les mineurs ont de plus en plus tendance à se regrouper en

« pool », ou coopérative dans un objectif de rentabilité. L’objectif final de l’activité de minage est de trouver le bon bloc, le tout avant les autres. C’est pourquoi, il semble plus rentable de mettre sa puissance au profit d’un groupe, pour augmenter sa probabilité de résoudre l’équation et de récupérer la rémunération promise. La rémunération des différentes parties prenantes du pool se fait au prorata de la puissance mise à disposition par chaque mineur (plus des frais de commission récupéré par le pool pour son travail de gestion). Sur ce sujet, les chercheurs et professeurs à Cornell soupçonnent ces pools de mineurs de récupérer plus de Bitcoins que nécessaires, c’est ce qu’ils dénoncent à travers le concept de « selfish mining », qui consiste à créer une rupture (ou fork) dans la blockchain et donc dans la liste de toutes les transactions inscrites. En ce sens, un pool de mineurs pourrait miner un ensemble de transactions dans le plus grand des secrets sans que leur travail soit perceptible par le reste des utilisateurs. De ce fait, les mineurs hors du pool en question pourraient continuer à dépenser du temps et de la puissance de calcul pour résoudre l’équation du bloc d’origine alors que le pool initial percevrait une rémunération et continuerait d’avancer sur la résolution de nouveau blocs. Et ce problème de selfish mining peut prendre des proportions démesurées si le pool vient à se gonfler de mineurs égoïstes sans scrupule, poussés par leur soif de rémunération et non d’innovation technologique. Les travaux de recherche de Emin Gun sire et Ittay Eyal ont démontré qu’avec moins de 10% de la puissance de calcul totale, un pool de mineurs pouvait mettre à mal tout le système. Ainsi la dépendance très importante envers la Chine qui concentre une grande partie de la puissance de minage n’est également pas sans encourager certains détracteurs du bitcoin169.

3. LA REMISE EN QUESTION DES POUVOIRS PUBLICS

De par l’idéologie qu’ils soutiennent, le système blockchain et les crypto-monnaies remettent en

question l’autorité des pouvoirs publics tels que nous les connaissons en prônant une certaine

désintermédiation. Afin d’envisager une adoption à long-terme de cette technologie et de ses

applications, nous nous proposons d’étudier dans un premier temps les relations de la blockchain

et du bitcoin avec les autorités policières et avec les autorités régulatrices financières.

168 Bitcoin, la monnaie virtuelle mise en danger par une faille dans son protocole, écrit en 2013 par Pierre Fontaine 169 The resolution of the Bitcoin experiment, par Mike Hearn, 2016

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A. L’ETAT POLICIER ET SECURITAIRE

a. Une idéologie anti-régalienne

Nous avons pu voir en mentionnant les grands noms de l’histoire de la cryptographie menant

jusqu’à la naissance du bitcoin que les idéologies sont multiples dans la sphère des Cypherpunks

mais qu’une partie non négligeable des esprits tend vers une idéologie anti-régalienne, c’est-à-dire

opposée au rôle de l’Etat comme imposant des règles contraignantes à ses citoyens.

Une des figures emblématiques du mouvement des Cypherpunks représentant son côté le plus

anarchiste est celle de Jim Bell, auteur de l’essai Assassination Politics en 1997 qu’il a fait circuler

sur la mailing list des Cypherpunks. L’essai mêle théorie cryptographique et imagination pour

arriver à décrire un monde où il est possible de commanditer de manière anonyme des meurtres

de personnes choisies par un ensemble de parieurs. Dans son essai, on peut lire: “Consider how

history might have changed if we’d been able to ‘bump off’ Lenine, Staline, Hitler, Mussolini, Tojo, Kim Il

Sung, Ho Chi Minh, Ayatollah Khomeini, Saddam Hussein, Moammar Khadafi and various others”.

Belle considère ainsi que chaque homme politique doit être prêt à perdre sa vie à partir du

moment où il fâche un nombre assez important de personnes ayant des moyens suffisants. Cette

idée d’Assassination Politics a énervé plusieurs membres de la communauté des Cypherpunks qui

ont décidé de l’ignorer afin de ne pas être associé à Jim Bell. Déjà traqué par le FBI, Jim Bell a

fini par être incarcéré durant quatre ans une première fois puis une seconde fois pour harcèlement

d’agents du FBI et vandalisme.

D’autres membres des Cypherpunks passionés par la cryptographie ont également eu des démélés

avec la justice malgré une idéologie plus tempérée, notamment Zimmermann, créateur du

système PGP, Pretty Good Privacy, qui était un militant pour la liberté plutôt que contre l’Etat

américain. Andy Greenberg le décrit ainsi : “Zimmermann envisioned Chinese democracy protesters,

South American rebel groups, and radical American antinuclear activists e-mailing one another with

impunity, free from the watchful eye of snooping Big Brother”. En publiant en ligne son logiciel libre de

communication avec clefs publiques et privées, il s’attire les foudres des autorités qui considèrent

les technologies liées à la cryptographie comme sensibles et distribuables seulement à l’intérieur

des Etats Unis ou au Canada.

b. Une répression paradoxale

Le FBI a arrêté plusieurs personnes liées à la production de logiciels et/où d’essais

cryptographiques dans un souci de sécurité nationale durant les années 1990. Au moment de la

création du bitcoin et de sa popularisation, de nombreuses start-ups ont émergé afin de permettre

à la crypto-monnaie de croître et en 2014 une répression s’est abattue sur ces entreprises par les

autorités américaines notamment.

La start-up BitInstant par exemple créée par Charlie Shrem en 2011 était une plateforme qui

permettait à ses utilisateurs d’acheter et de vendre des bitcoins de façon très rapide, agissant

comme agence de crédit pour ralentir les délais de transaction et prélevant des frais à chaque

opération. Le trafic de la start-up a augmenté très rapidement jusqu’en 2014 où Charlie Shrem est

arrêté sous des charges de blanchiment d’argent pour avoir revendu des bitcoins à un revendeur

sur Silk Road170, mettant fin aux activités de la start-up et laissant son fondateur assigné à

170 The Rise and Rise of Bitcoin, 2014, film de Nicholas Mross, présente la montée du bitcoin depuis sa création jusqu’au

crackdown sur les start-ups américaines fin 2014

75

domicile puis emprisonné dans un second temps. Charlie Shrem, 26 ans, est sorti de prison il y a

quelques mois171.

En parallèle à cette répression, on constate néanmoins un certain engouement des états face au

développement de la technologie. Les régulateurs expriment tous un intérêt proportionnel à leur

méfiance, ce qui rend leur comportement à l’égard des crypto-monnaies souvent paradoxal. La

Financial Conduct Authority, l’organisme régulateur des marchés financiers en Grande Bretagne,

a annoncé un soutien au développement des start-ups bitcoin172. Dans un premier temps la FCA

déclare ne pas leur appliquer les régulations existantes pour les organisations financières

classiques concernant le blanchiment d’argent. Mais outre-Atlantique nous avons pu voir en 2014

une répression pour ces motifs-là justement.

Les condamnations et encouragements au niveau juridique de la technologie blockchain et des

crypto-monnaies tournent la plupart du temps autour du domaine financier, faisant appel à une

prise de position de la part des régulateurs financiers de l’économie actuelle. Qu’en est-il des

régulations existantes ? Comment pourraient-elles s’appliquer aux crypto-monnaies en

comparaison aux systèmes de paiement existants ?

B. LES REGULATEURS FINANCIERS

Dans cette partie, nous nous proposons d’étudier l’impact de la blockchain sur les services financiers dans la sphère réglementaire, et en particulier les possibilités et conséquences d’une généralisation des crypto-monnaies basées sur une blockchain.

a. Le parallèle entre Bitcoin et Paypal

La comparaison entre les deux systèmes Paypal et Bitcoin est particulièrement intéressante

dans le cadre de notre étude. Aux prémisses de l’économie désintermédiée, on retrouve PayPal : un service de transfert d’argent entre particuliers, mais aussi un service de paiement en ligne. Ainsi l’utilisateur de PayPal peut à la fois payer des achats sur des sites e-commerce, mais aussi envoyer et recevoir de l’argent.

Il nous semble intéressant de comparer ces deux systèmes selon différents critères : l’inscription, les modes d’utilisation, les frais, les risques.

Pour bénéficier de ces multiples services, il faut créer un compte PayPal. Ce compte requiert les informations suivantes : identité complète et coordonnées bancaires (numéro de carte bancaire valide, RIB).

Pour réaliser une transaction sur Paypal, le service se rémunère à travers la perception d’une

commission en fonction du type de transaction :

- Pour l’envoi d’argent entre particuliers : Paypal prélève 3,4% + 0,25 euros par transaction (les frais sont plus élevés en dehors de l’Espace Economique Européen)174.

- Pour la vente de biens : le vendeur doit payer une commission variable en fonction du montant et du volume des transactions (allant de 1,4% + 0,25 euro à 3,4% + 0,25 euros).

- L’achat et la réception d’argent sont gratuits par l’utilisateur PayPal.

Tous ces services sont systématiquement approuvés et validés par la société PayPal. Ainsi, un acheteur peut, à tout moment, bloquer un paiement. PayPal a donc un fort pouvoir de gestion sur

les transactions. Non seulement, la société se réserve également le droit d’intervenir et de

171 Charlie Shrem Is Home From Prison and Moving ‘Onward’, par Jamie Redman en 2016 172 FCA announces new regulatory initiative to help Bitcoin businesses, disponible sur le blog Coinsult.eu 174 Tous les tarifs de Paypal sont disponibles ici : https://www.paypal.com/fr/webapps/mpp/paypal-fees

76

bloquer des fonds dans certaines transactions, mais en plus elle connaît strictement toutes vos informations, y compris les plus confidentielles (identité, carte bancaire, email, adresse du domicile). PayPal est donc en mesure de tracer toutes les transactions réalisées à travers son service.

Si l’on se penche de plus près sur le Bitcoin désormais, on constate, sans surprise, que ce système est bien loin de l’archaïque PayPal datant de 1998.

Déjà, dans son fonctionnement, le bitcoin est une monnaie et non une plateforme de paiement en ligne. En ce sens, le bitcoin est un intermédiaire d’échange qui fonctionne un travers un logiciel spécifique. Certaines plateformes jouent le rôle de service, à l’instar de PayPal, et permettent ainsi aux boutiques de commercer en bitcoins. Les plus connues dans ce domaine sont mtgox.com, bitpay.com ou encore coinbase.com.

Pour commencer, le bitcoin est très concis dans son inscription : uniquement un portefeuille

électronique valide avec une adresse bitcoin et rien d’autres ! L’identité ou les coordonnées bancaires de l’utilisateur ne sont en aucun cas réclamées. Toutes les transactions réalisées sur

bitcoin sont entièrement gratuites (du moins, pour le moment) et définitives : il est impossible de revenir sur une transaction une fois réalisée (bloquer un achat ou annuler un paiement par exemple). Dernier point, mais non des moindres, le bitcoin permet d’assurer une certaine forme

d’anonymat (le pseudonymat) : on ne peut à priori pas relier une transaction bitcoin à son propriétaire, on connaît uniquement l’adresse bitcoin de l’émetteur et celle du destinataire, aucun lien ne peut être établi.

Qu’en est-il alors d’une régulation du bitcoin ? Est-elle possible et plus encore, est-elle désirable ? Le bitcoin peut-il avoir un réel avenir sans réel intermédiaire garant de sa valeur ? Comment imaginer une démocratisation du bitcoin ?

b. Les avantages et inconvénients du bitcoin

Après avoir comparé la blockchain du bitcoin avec le service de paiement en ligne Paypal, posons plus précisément les avantages et inconvénients du bitcoin en tant que monnaie d’échange afin d’étudier sa viabilité à long terme. Le bitcoin se distingue des monnaies couramment utilisées comme l’euro, le dollar ou les monnaies locales pour plusieurs raisons qui constituent sa force :

- Premièrement, c’est une monnaie dite « libertaire » qui repose sur un principe d’autogestion ou autorégulation. Elle n’est encadrée par aucune autorité, qui pourrait changer sa valeur ou la quantité mise en circulation. A la différence de nos monnaies traditionnelles, encadrées par des banques centrales qui peuvent émettre et détruire les monnaies, le bitcoin fonctionne grâce à un réseau d’utilisateurs qui fonctionnent à travers des milliers d’ordinateurs connectés à Internet en permanence.

- Deuxièmement, c’est une monnaie complètement indépendante puisqu’elle se base sur un logiciel utilisé en open-source par plusieurs centaines de milliers d’utilisateurs. Ainsi à la fois personne et l’ensemble des utilisateurs est l’administrateur et le gestionnaire de ce système.

- Pour autant, la force du bitcoin réside avant tout sur son principe d’anonymat ou du

moins pseudonymat : l’identité des utilisateurs n’est pas révélée ni nécessaire pour réaliser des échanges. Seules les transactions sont inscrites publiquement dans les différents blocs composant la blockchain en reliant des identifiants et des montants. On parle ainsi de pseudonymat plutôt que d’anonymat car chaque utilisateur est identifié par un pseudonyme unique, mais la question que nous nous poserons plus tard est de savoir si ce pseudonymat se transforme réellement en pur anonymat.

- Pour finir, le bitcoin assure la gratuité des transactions (99% des cas) puisqu’elles se font de particuliers à particuliers, sans passer par les banques, le coût d’utilisation reste donc

très faible.

77

Pour autant, il serait illusoire de penser que le bitcoin ne présente que des avantages. On peut lui reprocher plusieurs choses :

- Pour commencer, contrairement aux monnaies traditionnelles, il est plus compliqué de manier les bitcoins, il faut s’accoutumer avec les concepts de portefeuille électronique, adresse bitcoin et autres notions techniques.

- Ensuite, le bitcoin est encore peu démocratisé et popularisé : rares sont les commerces qui acceptent les achats en bitcoins !

- Troisièmement, le bitcoin a une valeur très volatile et on peut difficilement prédire les variations et la valorisation future d’un bitcoin. On constate notamment que les premiers utilisateurs ont disposé d’un avantage considérable sur les nouveaux : le cours du bitcoin a énormément augmenté depuis 2009 et on envisage difficilement une telle croissance dans les années à venir. Le bitcoin est trop volatile à l’heure actuelle pour servir de véritable moyen d’échange ; il reste une source importante de spéculation.

- Le bitcoin peut également représenter une aubaine pour des dérives illégales : mafias et

trafiquants en tout genre, ou encore évasion fiscale, puisque les transactions sont potentiellement anonymes.

- Pour finir, on peut remettre en question la gratuité du modèle à long terme : une fois le maximum de bitcoins atteint, les mineurs seront rémunérés par une commission sur

chaque transaction : le coût d’utilisation, aujourd’hui faible (quasi nul), peut, à terme, augmenter considérablement et donc engendrer des frais supplémentaires pour les utilisateurs.

Face à ces caractéristiques souvent intrinsèques du bitcoin, on peut se demander si l’existence de crypto-monnaies n’est pas incompatible avec une régulation.

c. La régulation du bitcoin aujourd’hui

Il est indéniable que les régulateurs financiers sont tous bel et bien conscients de l’importance

que revêt le bitcoin, tant en termes qu’opportunités que de menaces. Sur le site du Sénat

français175, on peut lire : « En dépit de risques clairement identifiés tenant à sa volatilité, à son anonymat

et à son absence de garantie légale, le bitcoin est porteur de multiples opportunités pour l'avenir, en tant que

moyen de paiement mais surtout en tant que technologie de validation décentralisée des informations. ».

Pour autant, tous ne prennent pas la même position quant à la manière d’aborder la question.

Certains pays sont plus de l’école expectative et attendent un développement plus prononcé de

manière vigilante avant de décider d’une quelconque régulation qui pourrait entraver le

développement des opportunités – c’est le cas de la Grande-Bretagne – d’autres pays les régulent

d’ores et déjà en leur appliquant les mêmes lois concernant le blanchiment d’argent que les

prestataires de services financiers classiques – ici nous avons la France et l’Australie.

Elle prône la nécessité d’une régulation et présente trois mesures qui ont été décrétées par le

ministre des finances de l’époque Michel Sapin :

- Une clarification du régime fiscal applicable aux échanges en bitcoins ;

- Une limitation de l’anonymat sous la forme d’une prise d’identité obligatoire du

bénéficiaire et du destinataire de fonds échangés ; et

- Un plafonnement des échanges.

A ces trois titres, les entreprises permettant des échanges de bitcoins seraient soumises à l’autorité

de l’ACPR, l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Régulation, au même titre que les autres

175 RAPPORT D'INFORMATION fait au nom de la commission des finances sur les enjeux liés au développement du

Bitcoin et des autres monnaies virtuelles, par MM. Philippe MARINI et François MARC, 2014

78

entreprises permettant des échanges financiers non virtuels. Cela signifie qu’elles doivent

respecter des règles de KYC, Know Your Customer, faisant barrage à un possible anonymat car les

identitités seraient requises afin que le business soit autorisé. Les entreprises seraient également

soumises à des contrôles réguliers de la part de l’ACPR qui vérifieraient le bon archivage des

données clients et des transactions. On peut imaginer que les transactions seraient très facile à

tracker de par le caractère public du registre bitcoin, mais en ce qui concerne les identités

disponibles là résiderait le challenge pour les régulateurs : pouvoir lever les avantages de la

crypto-monnaie sans accepter de la même manière les dérives posées par l’anonymat potentiel

qu’elle confère.

Au niveau géographique, la Commission française des Finances note que : « Les comparaisons

internationales réalisées par la direction générale du Trésor à la demande des rapporteurs montrent que la

France se situe à mi-chemin entre les pays qui ont adopté les règles les plus strictes - tels que la Chine, le Japon

ou la Russie - et les pays les plus ouverts - tels que les États-Unis, le Canada ou Israël. ». Les Etats-Unis

sont ici considérés comme un pays ouvert, ainsi malgré la répression des start-ups qui a pu

s’opérer il ne faut pas oublier que les Etats-Unis restent le terreau premier des cryptographeurs et

de la démocratisation des crypto-monnaies176. Nous pouvons également noter que par rapport à la

Grande-Bretagne, le régulateur français a pris position afin de considérer les entreprises traitant

de la monnaie virtuelle comme des prestataires de services de paiement (PSP) tandis que la FCA,

régulateur de notre voisin anglo-saxon, a déclaré ne pas souhaiter appliquer de régulation anti-

blanchiment d’argents aux entreprises liées aux crypto-monnaies sauf celles qui hébergent des

porte-feuilles de bitcoins177. La Chine en revanche de l’autre côté du spectre, refuse l’utilisation

des bitcoins à ses établissements financiers et autorise leur échange comme une marchandise. Le

gouvernement chinois tient comme d’habitude d’une main de fer cette avancée technologique

mais place néanmoins le pays comme un grand acteur de la démocratisation du bitcoin.

Ainsi la régulation s’applique d’une part aux entreprises qui agissent comme prestataires

de services financiers en utilisant des crypto-monnaies, mais nous ne pouvons imaginer une

démocratisation du système que si de nombreux services et marchandises sont achetables et

vendables contre une monnaie virtuelle. A cette fin, il est essentiel de régler d’abord les problèmes

politiques liés à la fiscalité. Déjà avec l’émergence d’un nouveau écosystème de l’économie

collaborative, les règles de fiscalité se sont montrées quelque peu obsolètes, puisque généralement

basées sur la présence physique dans un territoire d’un Etat, ce qui n’est plus possible dans une

société digitalisée. Ces règles deviennent d’autant plus désuètes avec la blockchain puisque

l’administration fiscale n’est pas en mesure d'assimiler les transactions réalisées en crypto-

monnaies. Seules les opérations courantes encadrées par les banques ou autres acteurs

traditionnels sont identifiables. Ainsi, les organismes de fiscalité dépendent uniquement du

civisme et de l’honnêteté des citoyens ou des entreprises dans la déclaration de leurs revenus. Et

c’est loin d’être le cas, en particulier en France...

En effet, selon le rapport Terrasse de 2014, seulement 9% des individus qui touchent un revenu

grâce à l’économie collaborative (chauffeur Uber, hôte Airbnb, etc.) déclarent ces montants au

fisc. Et parmi ceux-ci, ils sont 7% à en déclarer qu’une partie minime. C’est ainsi que Airbnb se

retrouve a payé seulement 70,000 euros d’impôts en France en 2015, pourtant le deuxième plus

gros marché mondial de la plateforme. C’est probablement Uber France qui fait le plus fort en

déclarant seulement 1,8 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2013, une fraction infime du

véritable revenu dégagé. L’entreprise a mis au point un montage financier implacable pour

échapper au fisc : boites aux lettres aux Bermudes, niche fiscale néerlandaise, etc.

176 The Rise and Rise of Bitcoin, 2014, film de Nicholas Mross, présente la montée du bitcoin depuis sa création jusqu’au

crackdown sur les start-ups américaines fin 2014 177 UK Treasury Won't Seek AML Rules for Bitcoin Wallet Providers, par Stan Higgins en 2016

79

La mise en place de systèmes financiers innovateurs via la blockchain semble prometteuse, dès

lors que les Etats seront en mesure de collecter la totalité de l’impôt (impôt sur le revenu et TVA

entre autres) de ces nouveaux organismes. La France semble prendre position sur le sujet dans

son rapport d’information de 2014 où la Commission déclare : « En matière de TVA, il convient

de distinguer la vente de biens et de services contre des bitcoins, et les échanges de bitcoins

contre des monnaies légales. Dans le premier cas, il semble que la TVA doive s'appliquer dans

les conditions de droit commun ; la taxe est alors calculée d'après la valeur en monnaie légale des

biens et services. Dans le cas des échanges de bitcoins eux-mêmes et des services liés, les

appréciations divergent entre les pays qui se sont exprimés sur le sujet - Allemagne, Royaume-

Uni, Singapour etc. Au niveau européen, la France prônera un non-assujettissement, compte

tenu des risques de fraude qui s'attachent au remboursement des créances de TVA sur les actifs

immatériels. ». Ainsi rien n’est encore décidé de manière ferme, des discussions devront avoir lieu

au niveau européen mais il semble que les pays développés dont la France ait respectivement

réfléchi sur le sujet et pris position sur quelques questions de régulation de manière isolées. Au

niveau fiscal, la Grande-Bretagne elle avait en place une taxation de 20% sur l’achat et la vente de

bitcoins, considérés comme des vouchers plutôt que comme une monnaie, mais l’autorité fiscale

Her Majesty’s Revenue and Customs semble être prête à rejoindre l’avis français sur la

question178.

La Commission française des Finances reconnait dans son rapport d’information sur les

monnaies virtuelles de 2014 que les crypto-monnaies posent, en plus de la question de la fiscalité,

la question du rôle des banques centrales au cœur de l’économie. En effet, une désintermédiation

signifierait des changements profonds en termes macroéconomiques. Que se passerait-il si les

banques centrales venaient à perdre en importance face à une montée éclair des crypto-

monnaies ?

d. Vers une obsolescence programmée des banques centrales ?

Etudions maintenant la situation, certes peu certaine mais pas des moins intéressantes, de

la démocratisation de la blockchain et de l’adoption des crypto-monnaies par la majorité des

particuliers, des entreprises et donc des Etats. Quelles seraient les conséquences d’un tel

scénario ? Force est de constater que la généralisation de l’usage des crypto-monnaies n’est pas

sans risque.

- Premièrement, il est nécessaire de mettre en place une déflation monétaire. En effet, le

bitcoin, par exemple a une quantité limitée, elle est donc rare et sa valeur va donc

augmenter en fonction du nombre mis en circulation. Ainsi, deux individus différents,

pour une même unité de monnaie, pourront acheter plus ou moins de biens et services (en

fonction de la valeur du bitcoin au moment X de l’achat). Il est donc indispensable

d’imposer une déflation.

- Deuxièmement, puisque les crypto-monnaie comme le bitcoin ont une quantité fixée et

donc rare, l’offre ne s’adapte pas à la demande (le schéma traditionnel de l’économie) et

la valeur de la monnaie est donc intrinsèquement plus spéculative et donc volatile

(variations cycliques ou structurelles liés à différents évènements tels que chocs politiques,

fêtes de fin d’année, soldes, etc.). Cette volatilité trop importante pourrait, à terme, avoir

des conséquences tumultueuses sur le système financier (en cas d’effondrement de la

valeur de la monnaie).

- Troisièmement, les crypto-monnaies menaceraient la bonne conduite des politiques

monétaires : actuellement, chaque organisme, à l’image des banques centrales, disposent

178 UK reviews Bitcoin tax as global regulators seek to cash in, par Vanessa Houlder et Jane Wild pour le Financial Times

en 2014

80

d’outils efficaces comme la fixation de taux directeurs pour permettre le bon

fonctionnement de l’économie. Avec la blockchain des crypto-monnaies, ces autorités

seraient directement court-circuitées, les mineurs percevraient ainsi les revenus des

banques centrales, soit plus de 1 milliards d’euros de perte pour la zone euro179.

En parallèle et de manière plus réaliste, on peut imaginer un scénario où les systèmes financiers

existants adoptent la blockchain soit de manière privée soit de manière publique, comme présenté

dans une interview du fondateur d’une FinTech par le Financial Times180 :

Finalement, on peut envisager de manière réaliste une désintermédiation modérée mais une

évolution des banques intégrant de plus en plus des technologies blockchain et des crypto-

monnaies. Mais ce process ne se fera pas simplement ni rapidement compte tenu des nombreux

gaps juridiques qu’il convient de combler afin que les start-ups n’aient pas peur d’être réprimé en

se lançant et afin qu’une démocratisation soit possible.

179 Que se passerait-il si l’on passait à côté du blockchain ? (partie 2), rapport FinYear 180 Bitcoin and blockchain: the future of money or just hype?, Financial Times interview in 2016

81

C. L’ALLIANCE DE L’ETAT A LA BLOCKCHAIN : LA CLEF DU

SUCCES ?

On constate que la technologie blockchain est souvent mise à mal par les pouvoirs publics ou

les régulateurs financiers, soucieux de préserver leur gouvernance et leur pouvoir sur nos sociétés

actuels. Pour autant, un tel comportement semblerait porter préjudice au fonctionnement même

de nos organisations. Chercheurs et professeurs se sont posés la question du devenir de la

blockchain compte tenu de l’état actuel de nos gouvernements. Leurs conclusions sont

sensiblement similaires : il faut réinventer une nouvelle forme d’organisation mieux adaptée à nos

sociétés actuelles en intégrant les innovations majeures de la blockchain

Primavera de Filippi, chercheuse à l’univeristé de Harvard et au CNRS s’intéresse

notamment aux problématiques juridiques de cette technologie aux nouvelles formes de

gouvernances induites.181

Elle explique que la technologie blockchain vient éliminer le besoin d’un tiers de confiance,

désormais les transactions sont complètements désintermédiées, on peut parler d’un protocole

« trustless ». L’intervention humaine ou le recours à un organisme, une autorité centrale n’est plus

nécessaire. Pour autant, l’être humain a besoin de confiance : lorsque je commande un Uber ou je

rentre dans un Airbnb, je souhaite savoir avec qui j’interagis, j’attribue une certaine confiance à

mon interlocuteur (chauffeur ou hôte). Or, plus on déplace le concept de confiance sur la

technologie elle-même, alors il devient de plus en plus vital de créer une nouvelle couche au

dessus de la blockhain pour réintroduire cette confiance entre individus. Il faut donc développer

un système opératif pour la sociabilisation, l’interaction des humains, cette nouvelle couche de

confiance recherchée.

Le devenir de la blockchain repose sur ces nouvelles formes d’organisations : pour faire

fonctionner correctement une technologie décentralisée, il faut que la gouvernance au-dessus soit

elle aussi complètement décentralisée. Concrètement, l’opérateur central fournit le service mais

coordonne également les contributions entre individus. Chaque individu est rémunéré selon un

principe méritocratique (un système de récompense en fonction de la valeur fournie au projet ou

à l’organisation). Les nouvelles formes d’organisations basées sur le blockchain éliminent les

intermédiaires et imposent un nouveau système de gouvernance.

Il s’agit non seulement d’éliminer la figure de l’intermédiaire mais aussi la figure de

l’administrateur. Ce sont des logiciels qui s’autogèrent et sont auto-suffisants (récupèrent les

ressources nécessaires à leur propre survie). Ces logiciels soulèvent deux problématiques

pertinentes sur le plan juridique : la responsabilité et la régulation. Que se passe t-il lorsque ces

organisations autonomes sont utilisés dans le cadre d’activités illicites ? Qui est

responsables (sachant qu’il n’y a pas d’administrateur !) ? On peut accuser les créateurs du logiciel

initial, bien que souvent, ils demeurent anonymes. Quand bien même on découvre l’identité des

créateurs, on peut difficilement stopper l’activité générée par ces DAO.

A l’heure actuelle, le code fait officiellement effet de loi, on peut créer des relations

contractuelles, on peut créer de nouveaux cadres juridiques. La question de la régulation des

comportements est de plus en plus complexe. Or, il est extrêmement difficile d’appliquer par

analogie les règles du droit commun des sociétés dans l’environnement numérique. Le droit

traditionnel a été conçu pour un environnement fondamentalement différent. Aujourd’hui nous

sommes au stade embryonnaire de l’exploitation de la technologie blockchain, il y a donc un vide

important à combler au sujet de l’encadrement juridique de cette technologie. On constate que le

blockchain n’est pas perçue comme une véritable révolution technologique mais elle est

181 Les problématiques juridiques de la blockchain, par Blockchain France en 2016

82

davantage comparée à des éléments standards : des actions, une monnaie, un logiciel, etc. L’idée

actuelle est de s’éloigner de la vision actuelle de la blockchain : il s’agit d’une technologie

complètement indépendante, qui existe dans un écosystème complexe. Il faut étudier les liens et

les interactions de la blockchain avec son écosystème (les entreprises, les individus, l’Etat) pour

mettre en place les lois et un cadre juridique favorables à tous et tirer profit de cette véritable

révolution technologique. La blockchain doit être vue non pas comme un énième modèle

disruptif que l’on va chercher à encadrer et restreindre mais comme un outil qui peut aider les

gouvernements et les hommes à construire ensemble les sociétés de demain : gouverner avec

une totale transparence, optimiser les entreprises et l’administration publique, développer une

société collaborative plus que compétitive. La blockchain peut servir comme une technologie

d’émancipation et de libération ; mais elle peut aussi être prise par les pouvoirs actuels pour

renforcer le cadre économique, social, politique actuel.

Dans une dynamique semblable, Yves Moreau, professeur à l’université de Leuven

(Belgique) s’interroge sur la place de l’Etat et du droit dans la blockchain182.

Ce professeur explique qu’il est nécessaire de faire une rétrospection du passé pour envisager le

futur de la blockchain. Au début, il y avait les normes dans la Préhistoire, puis on a eu la religion

pour structurer les comportements au Moyen-Age ou à la Renaissance puis vient le droit actuel,

celui lié aux organisations du travail, aux sociétés capitalistes. Mais alors comment va évoluer le

droit ? « Code is law » : le code informatique est le droit du futur, c’est le code qui va encadrer

les relations entre les individus. Pour autant, les normes et la religion ne disparaissent pas.

Finalement, quelle sera la nouvelle société après l’Etat Nation impliqué par ce changement de

droit ? Les structures ne sont plus adaptées au monde actuel. On peut envisager que des

technologies à l’image de la blockchain vont organiser les sociétés de demain : le revenu de base,

la création monétaire sont autant de sujets clefs. On a tendance a pensé qu’avec la blockchain on

peut se passer de l’Etat, c’est la fin des intermédiaires et l’apogée du rêve libertaire. Pour autant,

cette idéologie d’une société quasi anarchiste demeure peu souhaitable. Ce qu’il nous faut faire à

l’heure actuelle c’est de construire un équilibre des différentes forces en présence entre

technologie, Etat, sociétés : construire l’architecture d’un nouveau système.

La blockchain permet d’expérimenter différents modèles. Le meilleur exemple reste celui des

crypto-monnaies, on a des Bitcoins mais aussi des Altcoins (monnaies alternatives), Ether, etc.

L’idée est donc que les individus peuvent choisir le modèle qui lui convient au mieux.

L’expérimentation est au cœur de cette technologie et offre un large champ des possibles. En

conclusion, il faut optimiser la confiance, le bien commun à travers la blockchain. L’Etat a une

responsabilité vis-à-vis de la société, la blockchain également. La combinaison et l’alliance de

ces deux parties peuvent créer une nouvelle forme de gouvernance mieux adaptée et bénéfique

aux individus.

182 La place de l’Etat et du droit dans la blockchain, par Blockchain France en 2016

83

CONCLUSION

Selon Don Tapscott196, l’un des maîtres à penser en matière d’innovation technologique, « la

blockchain, cette technologie derrière les crypto-monnaies, pourrait révolutionner l’économie mondiale ». En effet, selon Don Tapscott, la blockchain offrirait une véritable protection de la vie privée et une plateforme de vérité et de confiance.

Dans les années 1990, les médias étaient centralisées : c’était une relation de un à plusieurs (one to many), les médias étaient contrôlés par des forces puissantes, magnats de la presse, et le monde entier se retrouvait dans la peau d’un destinataire passif. Les nouvelles formes de média

(le web entre autres) sont, de ce que l’on prétend, distribuées : c’est une relation de un à un, de plusieurs à plusieurs (one to one, de many to many). De nombreuses innovations digitales ont fait leur apparition, mais dont les avantages demeurent asymétriques. Par exemple, nous sommes parvenus à créer des bases de données énormes, rassemblant des informations de toute sorte, sur chaque individu ; pour autant, nous ne savons pas comment les garder et les protéger, nous mêmes. Ces données demeurent détenues par une poignée de puissantes entreprises et des

gouvernements, elles sont monétisées par les grands groupes ou utilisées pour surveiller les individus déviants par les Etats.

Alors, finalement, que ce passerait-il si une seconde génération d’Internet permettrait de

créer de la valeur, de manière totalement transparente et de pair à pair ? Actuellement, pour faire un virement d’argent, je dois passer par un intermédiaire (une banque pour prouver mon identité et mon solde bancaire). Que se passerait-il si je pouvais réaliser cette opération sans l’aide de cet intermédiaire ? Il y a quelques années, ce fut le projet d’un certain Satoshi Nakamoto : c’est la naissance du bitcoin, et donc intrinsèquement de la blockchain. La blockchain est la plus grande innovation de l’informatique depuis sa création selon Don, puisqu’il s’agit d’une base de données distribuée, établit grâce à la participation et la collaboration de ses différentes utilisateurs, et hautement sécurisée par des mécanismes de cryptographie.

La blockchain va complètement bouleverser er transformer nos modèles économiques. On observe actuellement huit tâches relatives à l’argent réalisées par l’industrie : elle le déplace, le stocke, le prête, l’échange, l’authentifie, le compte, etc. Chacune de ces tâches va être modifiée avec la blockchain, et chacun des secteurs de l’économie va être impacté à son échelle.

Forcément, cette révolution n’est pas sans risque. On peut rationnellement penser que la

blockchain va être une sorte de « job-killer » à terme, en replaçant les hommes par des plateformes. Pour autant, le plus gros problème demeure dans la gouvernance. La blockchain peut vite devenir une place de l’imprudence et du chaos si nous parvenons pas à trouver un moyen de diriger et gérer ensemble cette technologie. Le défi sera donc de créer des organisations capables d’autoréguler ce système. C’est ce que nous avons toujours fait avec Internet jusqu’à présent et cela semble fonctionner : l’Internet Engineering Task Force définit les règles à suivre pour le net, l’Internet Governance Forum créer les politiques numériques des gouvernements, le

W3C Consortium s’occupe d’identifier les normes pour le web, l’ICANN (Internet Cooperation for assigned Names and Numbers) délivre les noms de domaines, etc. Il y a toute une structure et des procédés précis pour gérer Internet. Si l’on parvient à définir une véritable organisation propre à la blockchain, nous pouvons entreprendre des choses formidables : mettre fin aux problèmes de propriétés immobilières et d’appartenance des terres dans les pays d’Amérique Latine, financer les projets les plus ambitieux des entrepreneurs, créer de la valeur pour chaque consommateur…

Comme le précise Don Tapscott « cela fait 35 ans que j’écris sur le digital et ses révolutions.

Je n’ai jusqu’à présent, jamais observé une technologie, qui pouvait apporter autant de potentiel à toute l’humanité ».

196 McKinsey: How Blockchains Could Change the World, par Don Tapscott en 2016; Dan Tapscott est aussi l’auteur de

Blockchain Revolution: How the Technology Behind Bitcoin is Changing Money, Business, and the World