L'Ecole primaire, 01 mai 1928

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47 me Année ... No 8 1er Mai 1928 Vtmalve ORll\lfJJl DE LA 50eiêté d i .... rfJ C ..... , L'ECOLE PRIMAIRE paraît 14 fois pendant le cours scolaire Abonnement annuel: Fr. 4.50 Les abonnements se règlent par chèque postal I1c 56 Sion, ou à ce défaut contre remboursement. Tout ce qui concerne la publication doit être adressé directement à M. LOUIS DELALOYE, Secrétaire au Dé· partement de l'Instruction publique à Sion. Les annonces sont reçues exclusivement par PUBLICITAS, Société Anonyme Suisse de Publicité, Sion Rue de Lausanne 4 - Téléphone 2.36 C,) ________ ____ ..... ..... . ft _ ___________

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No 8 1er Mai 1928

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FORMITROL La formaldéhyde est un puissant désinfectant qui,

à l'usage externe, est employé sur une large échelle.

Il y a vingt ans, lorsqu'on expérimenta la valeur des

produits bactéricides, comme médication interne, la

formaldéhyde s'est révélée le plus approprié de tous.

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des doses tout à fait minimes de formaldéhyde empê­

chaient le développement des microbes pathogènes,

par exemple de la diphtérie, de la scarlatine, du ty­

phus, etc. C'est à la suite de ces essais que les pas­

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tient 0,01 gr de formaldéhyde.

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enfants, vos pastilles de Formitrol. Je ne manquerai pas de recommander chaudement cette préparation. »

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4:7me Année No 8 30 Avril 1928

Organe de la Société V'alaisanne d'éducation . - -

SOlVIMAIRE : Expérience d'un Instituteur. - Un .peu d'histoire péda-gogique. - La Conférence de Vex. - Chronique de l'Union. -Langue française. - Histoire naturelle. - La question du Sport. Variétés. - NOS PAGES. - La question sociale: Le Salaire.

Expérience d'un Instituteur

D 'une très longue lettre écrite par un ancien instituteur et publiée, voici quelques années déjà, par un grand journal poli­tique, à l'occasion d'une enquête faite par ce journal sur l'édu­cation et l'enseignelnent, nous extrayons les passages où l'auteur de la lettre parle de ses rapports avec les parents des élèves et de l'importance qu 'il attachait à l 'éducation sociale et profession­nelle de~ enfants confiés à ses soins.

1. Rapports aùec les parents: « Dans les postes que j'ai occu­pés, je me suis soigneusement gardé de ·laisser échapper aucune critique contre Inon prédécesseur, évitant ainsi ùe me faire des ennemis des an1is qu 'il avait laissés. Le jour de 1110n entrée en fonctions, je commençais même, la prière dite, par faire son éloge, après quoi j'expliquais aux élèves ce que j 'attendais d 'eux, ce que je voulais faire pour eux et leur disais que j'allais leur faire passer un examen pour me renseigner sur leur degré d'instruction et ne pas leur faire perdre de temps en les occupant de choses qu 'ils sa­vaient déjà.

Je notais ,- sur un carnet, en chiffres de 0 à 20 la valeur de leurs réponses dans les différentes parties du programme, et .le les observais attentivement, pendant les premières semaines , pour connaître leur caractère, leurs habitudes , leurs qualités et l.eurs défauts.

Dès que je me jugeais s'uffisamment éclairé, .le commençais ma visite aux faluilles. L'examen me servait d'entrée en matière. Je leur en rendais compte, les priant de veiller à faire étudier les leçons et à faire faire les devoirs que j'avais donnés, s'ils en étaient Cal)ables , d'envoyer les enfants à l'école régulièrement et ·à l'heure. Je leur signalais ensuite le .principal défaut que j'avais remarqué Un seul, pour ne pas les décourager, je leur en montrais le danger et leur indiquais la manière de le corriger, les assurant que je lès y aiderais; .le m'informais ensuite de la conduite de l'enfant à la maison et .le partais. On 111'avait accueilli par un mouvement de

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surprise; au départ on me remerciait chaudement, .les pauvr~s surtout, que j entendis plusieurs fois dire derrière I?0l à leur, O!­sins: « Il n'est pas fier, le nouveau maître; il VIent nous VOH comme si nous éti0l1S riches. ,)

.1 e renouvelais mes visites, chaque fois que je le jugeais utile. J estime donc que le maître doit voir les familles et ne pas atten­dre que les parents. viennent chez lui , ce qu'ils ne f?nt le plus sou­vent que contrariés par les racontars plus ou 1110111S m.ensongers de leurs enfants.

Quand les parents se plaignaient eux-mêmes de leurs enfallt~, je les mettais en garde contre le découra~emen.t et les assuraIs qu 'avec les plus difficiles lnême, <?n 1ïnis~alt touJo:u~ par arriver à de bons résultats quand on s[n mt youlon' et perseyerer.

Je dois ajouter que, dans ces ,isites , je ne. tolél~ais jamais qu on me parlât d 'autres écoliers et encore mOIns. d autres p~­rents , et que .le n 'acceptais absolument rie~1 , coml"?e .le . n' ~cceptms pas de dîner dans les falnilles dont les enlants frequentalent mon école. On se récriait hien un peu, mais on ~n 'approuYa , et mon autorité s'en accrut singulièrement,

2. Education sociale et professionnelle. « Disons ce que nous faisions sous ce rapport.

« Le samedi soir, n~us y consacrions la dernière demi-heure. Après avoir parlé du travail et de la con?uit~ de la semaine, félicitant les uns, encourageant les autres a mIeux faire la se­maine suivante, et leur montrant, par des exemples ù leur portée, combien ils compromettaient leur avenir, puisque, s'ils ne se cor­rigeaient pas, je ne pourrais m'occuper de leur placem~nt, ,.l'in­sistais sur la nécessité d'une bonne tenue, je leur enseIgnaIS la manière de se présenter chez les muis , chez les parents, et plus tard , devant les patrons, directeurs ou contremaîtres pour sol­liciter un emploi. Je parlais de la manière de se comporter dans leur famille, avec leurs camarades, avec leurs futurs compagnons de travail ou de bureau , des qualités d'un bon employé, d'un bon ouvrier des défauts à corriger; je les mettais en garde contre les liais~ns' dangereuses, les bouffons, les buveurs , les débauchés; je leur recommandais d'être polis avec tous, obligeants pour tous , de respecter le bien d 'autrui, de ne pas commettre de dégrada­tions, etc. Je terminais, à part les fautes graves, par la levée des pensums encourus. Dès qu'il avaient atteint un certain âge, je tâ ­chais de savoir ce qu'ils comptaient faire à leur sortie de l'école' j'en causais avec les parents en particulier, leur indiquant la car­~'ière qui me paraissait convenir le mieux à leur fils. 5:i l'enfant ou la famille tenait à son choix, ou si l'on suivait mon avis, j'expli­quais à l'enfant ou aux parents comment il devait s'y préparer et qt,el cours public il devait suivre.

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J 'ai la satisfaction de constater que la plupart de ceux qui on t suivi mes conseils sont arrivés à une position aisée, plu sieurs ù la fortune . »

X., instituteur en retraite .

Un peu d'histoire pédagogique Saint Jean-Baptiste de la Salle ne fut pas seulement le législateur

j'un Institut célèbre et nombreux, H faut dire qu'il fut aussi l'initia­teur de bonnes méthodes pédagogiques et qu'il est aujourd'hui , quoi qu'on en dise, le vrai législateur de ] 'enseignement primaire. Une ra­pide histoire des méthodes d'enseignement nous en convaincra.

Si nous fai sons abstraction des règles accessoires pour nous en tenir au fond et à l'essentiel des systèmes, on peut distinguer trois modes d 'enseignement: le mode individuel, où le maître enseigne chaque enfant séparément; le mode simultané, où le maître enseign e à la fois un grand nombre d'enfants; le mode mutuel, où le maître ne fait que diriger une classe clans laqu elle les enfants s 'instruisent mutuellement.

Le mode simultané est le plus naturel et le plus ancien . Il est adopté pour toutes les réunions publiques, religieuses ou profanes. Il a toujours été suivi dans les universités et même dans les coll èges ,\IIais il n'est entré que tardivement et difficilement dans les école!:> primaires.

Jusqu 'à l 'arrivée ele sain t Jean-Baptiste de la Salle, le mode indi­viduel avait dominé dans l'enseignement primaire. Le maître restait à son bureau, et les enfants venaient un à un près de lui , pour s'exer­cer à la lecture, montrer leur page d 'écriture ou faire corriger leurs ca.lculs . Un tel système entraînait les plus graves inconvénients. Il était incompatible avec des classes nombreuses. Peut-être faut-il at­tribuer à cette cause le peu de zèle qu 'on mit sous l 'ancien régime à fréquenter les écoles. Les progrès, d 'ailleurs, ne pouvaient être que bien lents; car chaque enfant n 'avait, à chaque classe, qu'un temps très court de travail utile. Les classes étaient forcément sans vie, sans émulation, fastidieuses pour les écoliers. Malgré ces cléfauts, l e mode individuel a été très tenace; il a résisté longtemps au mode si­multané et au mode mutuel. Chose étonnante, en 1834, il r égnait en­core en France dans 18,814 écoles, tandis que le mode smultané était suivi dans 24,310 éeoles et le mode mutuel dans près de 2000.

Au XVIIe siècle, la création des écoles charitables rendit plus clif­ficile l'application du mode individuel: de nombreux enfants, en effet, s entassaient dans les classes qui n'avaient qu'un seul maître. L 'en­seignement resta individuel en devenant mutuel. Les élèves furent disposés par bancs; chaque banc avait un officier ou moniteur, et le . moniteur prenait un à un les enfants de son propre groupe pour les faü'e lire ou les fa ire réciter. C'était ajouter les inconvéni ents de

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l 'enseignen'lent mutuel à ceux de l' enseignement individuel. \ussi 11e faut-il pas s 'étonner du désordre qui régnait dans de telle écoles et du peu de profit que les écoliers en retiraient.

L'esprit éminemment pratique de saint J.-B. de la Salle n e put entrer dans cette routine; aussi introduisit-il le mode simultané, sans exclure entièrement le mode mutuel. Comme il ne donnait jamais moins de deux Frères en chaque localité, les écoliers étaient d'abord partagés en deux classes suivant leur âge et leur petit savoir.

Dans chaque classe, il établissait trois sections: la première pour les plus avancés, la deuxième pour les élèves moyens, la troisième pour les plus faibles. Grâce à cette répartition, chaque groupe se com­posait d'écoliers dont la force était à peu près la même; les écoliers de même section pouvaient donc suivre une même lecture, apprendre une même leçon , faire un même devoir. Ainsi dans une classe de GO à 80 élèves, vingt enfants de même force pouvaient recevoir à la fois la leçon du maître. Ils avaient l'avantage d'être directement enseignés pal' l e maître; cette participation à une m êm e leçon mettait parmi eux de la vi e et de l'émulabon, chaque enfant devant trouver la ré­ponse qu 'un autre ne trouvait pas. Ils n'avaient pas rennui d 'attendre que leur tour vînt d'être appelés près du maître. Aucun moment n 'était perdu; car, 101'sC[ue ]e maître passait à une autre section, la première s 'occupait à un travail silendeux que le maître apprécie­rait et sanctionnerait bientôt. Par ce système, les enfants, toujours en haleine, aimaient leur école, les progrès étaient rapides.

Ce mode simultané, si pratique et si fécond , ina uguré par le' Frères, se répandit peu a u XVIIlme siècle; peu connu des autr es maîtres, il resta l 'apanage presque exclusif des Frères. Lorsque après la Révolution, l 'Etat créa l'instruction publique, il était naturel d 'in­troduire dans les écoles une méthode dont cent années d'expérience avaient démontré la valeur. Il n'en fut rien: l'Etat combattit à la fois le mode individuel et le mode simultané, en favorisant r enseignement mutuel.

Dans le mode mutuel, les écoliers sont instruits par leurs cama­rades plus avancés, sous le regard et la direction d'un m aître. L 'école mutuelle était fort grande ; on en a vu à P aris qui avaient cinquante mètres de long et vingt-cinq de large. Près de l entrée de cette grande salle, capable de contenir jusqu'à mille écoliers, se trouvait une estrade élevée avec un bureau: c'était la place de l'instituteur. De grandes ta­bles parallèles de douze à quinze mètres de longueur, séparées par un passage libre pour la circulation, remplissaient le milieu de la salle. Le long des murs étaient pendus des tableaux noirs, sur lesqliels pouvaient s 'accrocher, au besoin, des tableaux imprimés sur carton; un demi-cercle de fer s'étalait devant chaque tableau. Les écoliel's travaillaient tantôt à leur table, tantôt à leur tableau; le maître, par des signaux, dirigeait tous les mouvements. Chaque groupe était présidé par un écolier appelé moniteur. Le moniteur était le vrai maître enseignant. L'enseignement oral, donné à chaque cercle, était

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simultané. L'instituteur veillait à tout, soit du haut cl son est rad e, soit en allant de cercle en cercle ou de table en tabl e.

Ce mode avait ses avantages et ses inconvénients. Le plus sérieux avantage de l'école mutuelle était qu'un seul ins­

tituteur pouvait diri'ger, sans que les écoliers en souffrissent notable­ment, un e classe très nombreuse. L es. différences d 'âge et de force n'éta ient pas un e gên e, puisqu'il y avait autant de cercles que de degrés de fOl' ce. A une époque où l'E'tat voulait que tous les enfants fréquen­tassellt l 'école et où il m a nquait c:r' maîtres, cet avantage était fort appréciable. Ce fut certa inement le pl'incipai motif qui inclina le gouvernement à exercer une n ;' ( ssion en f8 veur des écoles mutuelles. Les chauds partisans du systèm e alléguaient en sa faveur des raisons qui n e manquaient pas de poési e. « C'était une idée ingénieuse et une inspiration vraiment chrétienne que de chercher dans les enfants des auxiliaires pour instruire les enfants. On se plaisait à les voir se par­tager le pain de la science, et s'évangéliser, pour ainsi dire, les uns les autres. On se flattait ainsi de les acoutumer à obéir, en les exerçant à commander. On espérait même leur inculquer le sentim ent. de l 'é­quité, en les habituant à se rendre ent.re eux la .iustice. A cert.ains ,iours, dans des circ'Ünstances graves, la. classe était érigée en tribunal ; le coupable était traduit dev a nt les moniteurs. La cause était instruite, plaidée, jugée en due forme, et les journaux d 'éducation s'emparaient du jugement pour le proposer à l 'admiration publique.

Les critiques et les oppositions ne manquèrent pas aux écoles mutuelles. Les routiniers du mode individuel les rejetèrent comme un e nouveauté gênante; les Frères exaltèrent le mode simultané. La politique s en mêla; comme le mode mutuel était prôné par le parti libéra l, il fut rejeté par le parti contraire. Si les reproches qu 'on lui a tressait n'étaient pa.s tous sérieux, plusieurs étaient fondés . Puisque le mode simultané avait une supériorité incontestable, pourquoi re­courir à une mét.hode inférieure, moins efficace? Pourquoi éloigner l' enfant de l'instituteur et ne le mettre en contact direct qu 'avec des enfants de son âge, qui n 'ont guère plus de savoir ou de vertu que lui?

Peu à peu les passions s 'apaisèrent, et le calme permit de vo]r de quel côté étaient les plus grands avantages. Le mode simultané triompha; les instituteurs se multiplièrent et l'Etat se trouva en m(sure de donner plusieurs maîtres dans chaque école. En prenant plus immédiatemento contact avec leurs écoliers, les maîtres consta­tèr ent qu'ils réalisaient des progrès plus rapides. Après qu 'une évolu­tion lente eut aboli l'enseignement individuel et modéré le système mutuel, des règlements ont officiellement consacré pour les écoles publiques le mode simultané. C'est ainsi qu'au moment où les fils de saint J.-B. de la Salle étaient évincés des écoles officielles, leurs mé­t hodes s 'y établissaient d 'une faGon définitive. Il est donc vrai de dire que le fondateur des Frères règne pa.r sa pédagogie sur tout l'ei1seignement primaire franGais.

(Extrait de l'Rist. de St J.-B. de la Salle, par J . Guibert ). Librairie Rue Cassette, 15.

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Conférence d'Instituteurs à Vex 1)

Le 7 mars écoulé, les instituteurs· du district d 'Hérens se réu­nissaient dans Je chef -lieu pour leur conférence.

Après une messe de Requiem en l'honneur de nos chers mem­bres disparus , M. l'Inspecteur Pitteloud ouvrit la séance à la ma1-'ion d'école, décorée pour la circonstance.

En termes chaleureux, Nf. le Président de Vex souhaita la J:ienvenue, tout heureux qu ïl est de r.ecevoir les éducateurs de la .leunesse .

Ce fut ensuite M. le professeur Sermoud qui nous entretint pendant plus d 'une heure sur les méfaits de l'alcoolisme en Suisse au point de vue de l'hygiène et de ra morale. Par des graphiques et des statistiques, il nous fit voir le fléau qui s'est abattu sur notre pays depuis quelques années. Pour lutter efficacement contre ce danger national , il faut, nous dit-il, modifier le Régime des Alcools et prendre des mesures préventives dès l 'école. Le confé­rencier fut très applaudi.

A la discussion qui suivit sur les moyens de combattre l ahus des boissons distillées par l'école, M. l'instituteur Moix, appuyé par M. l'abbé Clerc, déclarèrent que dans certaines communes , les cours complémentaires, dits de « perfectionnement » étaient de véritables foyers de propagande alcoolique et émirent le vœu que les communes surveillassent de plus près la vente de l'alcool aux. jeunes gens de ces cours. M. le Directeur de l'Ecole normale pria tous les éducateurs de travailler surtout à la formation de la ,"0-

lonté chez l enfant.

Après l épuisement des ob.iets à l 'ordre du .iour le banquet et la partie récréative comnlencèrent. On n 'etH pu trOli' el' meilleur major de table en la personne de IVI. l 'instituteur Alph. Pittelouc1. Prirent tour à tour la parole M . Je Conseiller d'Etat '~alpen . M. l'Inspecteur scolaire, M. Sern"loud, M. le Préfet de Sion, M. le Curé-doven Rouiller , M. l'abbé Clerc, etc., etc.

Après une après-midi des mieux réussies, chacun dut songer au retour. MM, Bourdin (Hérémence), Favre (Vex.) et s::l\·ioz (Ayent) furent appelés au comité de district de l 'Union. Ensuite, cha~un regagna ses pénates emportant de Vex un agréahle sou­venu.

Prochaine assemblée régionale: Ayent 1930. Qu on se le dise r

(1) Une erreur de transmission a retardé l'insertion de ce compte rendu. Nous prions son auteur de bien vouloir nous excuser.

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Chronique de l'Union

Devoirs corporatifs

La corporation est une association de gens exerçant la Inême profession. Combattue et supprimée par la Ré, olution française comme susceptible d 'entra, el' les droits et libertés de l'individu, elle tend aujourd'hui à rejouer un rôle prépondérant dans la so­ciété.

Les progrès rapides de notre civilisation, ainsi que les dé~ couvertes sensationnelles du XIXe siècle et du début du XXe, tout en m.ultipliant les différentes branches de l 'activité humaine, ont fait souffler sur le monde un vent de matérialisme et d é­goïsme. Et l'individu, emporté dans le tourbillon des affaàres, subjugué par la soif de l 'or et les préoccupations m.atérielles s'est départi de l'esprit de sociabilité pour tendre vers la satisfaction de ses désirs et de ses besoins au détriment de ceux de ses sem­hlables. Mais ces maù.ies d'oppression de l 'hol11.m.e par l'homn"le, ces lTl.anifestations répétées du droit du plus fort ont ressu~cité chez les faibles l 'idée de la corporation. Les premières associations rompant l 'équilibre dans la société en ont appelé d'autres; et hientôt dans toutes les branches de l 'activité hlunaine des COl'pO­rations agissant en vertu du principe « l'union fait la force » ont été fondées. Et nous ne pouvons que nous féliciter de cet état de choses. Nous croyons pouvoir affirmer qu'en général, l'idéal d 'une association est plus élevé et plus noble que celui de l'individu. La corporation sauvegarde les droits du faible et de l ignorant, améliore le sort des travailleurs , tend à développer la production; tout en l'épurant, suggère des réformes heureuses ù entreprendre pour le bien du pays, développe l'esprit de sacrifice et d'abnégation au sein des travailleurs , encourage et soutient le talent, l 'initiative et l 'effort personnel. D'autre part, chaque corps de métier, chaque profession libérale trouve dans l'asso­ciation des avantages particuliers des plus appréciables. Le corps enseignant ne peut les méconnaître. Nous ne les rappellerons point ici à nos lecteurs. Ils sont la cause de la fondation de l'Union et nous ne désespérons point d'en bénéficier un jour et d'en faire bénéficier le pays tout entier, ainsi que cette jeunesse qui nous est si chère.

Mais, pour qu 'une association professionnelle comme la nôtre puisse rendre son plein et être une force utile au pays, il faut que les n"lembres qui la composent ne soient point des corps inertes et inopérants.

Adhérents à l 'Union , des devoirs nous incombent. Et ces de­voirs sont d'ordre divers. Leur accomplissement consciencieux. sera le gage assuré. des réformes à réaliser pour le bien de

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l'école et fera notre force pour le présent et l'avenir. Tout d 'abord . qu~ les Iua~tres d'école sachent se faire agréer auprès de la popu~ lahon, qu'Ils se créent un milieu favorable, qu'ils s'en aillent au devant de la conquête des esprits et des cœurs et ainsi on ne saura rien leur refuser. Mais pour conquérir l'esti~le de nos sem­blables, il y a lieu peut-être d'introduire certaines réformes dans nos habitudes. Nous rappelons tout d abord l'usage modéré de l'alcool. On ne pardonne pas facilement au maître un écart dans ce domaine. Il témoigne d'ailleurs d 'une faiblesse de caractère propre à en.le,ver tou~e confiance. Il en est de même en ce qui regarde les frequentahons douteuses. D'autre part, surveillons no­h:e ~angag~; n~ laissons. r~en sortir d~ notre bouche qui ne soit dIcte par 1 esprIt de chante et du devoll'. Les calomnies, les Iuédi­san.ces, les insinuations même les plus légères sur le compte d'au­tnll font avant tout du tort à leur auteur et peu, ent lui susciter bien des difficultés. D'autre part, joignons à une conduite irré'­prochable l'affabilité et la modestie. TravaiI10ns à démolir cette ~ccusation de pédantisme qui si longtemps a chargé la réputa­hon du maître d'école. Accol11plissol1s consciencieusement notre tâch~ e.t ? 'ayons ave~ les autorités que des rapports empreints de cordIahte et de confIance. Tous ces moyens aplaniront bien des obstacles et les avantages retirés rejailliront sur l'ensemble du corps enseignant.

Mais si le Iuaître d'école doit faire preuve de qualités mo­l:ales, il ne peut se départir d'une formation intellectuelle pro­londe et constamment développée. Elle lui permettra d'ailleurs de s'intéresser avec compétence aux besoins de nos populations campagnardes, de remphr a, ec honneur les tâches à lui confiées Sa parde sera écoutée, ses avis et conseils recherchés et ainsi so~ influence ira en grandissant. Et que ceux que la nature a doués pour la musique ou le chant ne ressemblent point au serviteur de l'Evangile enfoui~seur des talents du Maître. Qu'ils apportent ré­solument leur concours dans toutes les manifestations musicales et théâtrales, qu'ils en soient les promoteurs et les fervents sou­tiens. Nous avons appris par là combien il est aisé ensuite de se fair~ écouter, de créer autour de soi une atmosphère sympathique et nche de promesses.

.. " ! :'~ous venons donc. de p,oser ic~ les premiers devoirs corpo-1 <,llf.,. Que chacun y ~lllJe d un petIt examen de conscience. S'il y a matière à réforme, qlt"elle s'opère sans hésitation et surtout ;~ns retard; il. le faut pour l'exisLence même de notre a~socia­~lOn ? pO~ll' le bIen de l'Ecole et du pays. Les temps sont difficiles. te Lrav311 abondant et notre voie hérissée de difficultés.

M.

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Cartes de membres

Nous rappelons à tous nos collègues de l'Union du Personnel enseignant que les cartes de membres, donnant en même temps droit à un escompte spécial auprès de certains commerçants, sont en ce moment en dépôt chez les secrétaires des assemblées ,de district où on peut les réclamer. D'autre part, les cotisations an­nuelles sont à cette heure en recouvrenlent. Elles peuvent être versées sans frais à notre compte de chèques II c 906 Sion, Union du Personnel enséignant valaisan. (Cnmmllniqué du Sccl'étnrint.)

Langue française

Analyse littéraire d'une fable Les animaux malades de la Peste

Pnllf le texte) se l'Cpnr/fl' ri un fClblier de Ln Fonfninc (VII) 1).

1. Les Clnill1C1UX chez La Fontaine. - Chez le fabuliste, l'ani­mal masque l'homme: par exemple, le lion représente le roi, le renard figure le courtisan, le chat personnifie l'hypocrite malfai­sant, le loup incarne la force brutale, le singe est le baladin, le charlatan, l'amuseur de la société dont l'âne est l'esclave. Préci­sons, pour servir de schéma à une étude d 'ensemble, le caractère de ces quelques personnages types.

Le lion ) roi des animaux, convaincu de sa supériorité, écrase ses congénères de son dédain. Maître de tout ,' j1 juge ses sujets largement récompensés par l'honneur de le servir; s'il offre de se dévouer pour eux, son offre est pleine de réticences calculées. On le subit. Il a pourtant des qualités: généreux, habile dans l'art de gouverner, il garde. dans le malheur, une dignité qui en impose et le rend sympathique.

Le l'enCIreZ est le flatteur souple et cauteleux. Orateur insi­nuant et perfide, flatteur délicat mais intéressé, preste à éluder les dif'lïcultés, cruel dans la ,engeance, il n'a rien d 'attirant.

Le chClt moins encore: il sait contrefaire la douceur et la sainteté, mais malheur à qui se fie à lui: égoïste fieffé, aucun « 'traité » n'a jamais pu « le forcer à la reconnaissance i) .

A force de nléchanceté, le IOllp) lui, paraît odieux: lâche et cruel, ingrat et parjure, maladroit en plus et sottement crédule, il ne parvient q~l 'une seule fois il nous apitoyer: c'est quand J'écri­vain nous le présente « n'ayant plus que les os et la peau ».

Le singe est grimacier, 'bavard et vaniteux; farceur de bas étage, il lui arrive de subir le sort de tous les cabotins, les huées de la plèbe. .

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Quant à l 'âne, c'est le personnage sacrifié, la victime. S'il a pu se faire, un in$tant illusion sur son mérite, Martin-Bâton l'a remis durerrlent à sa place. La conséquence? Il est devnu insensihle aux maux d'autrui, indifférent à tous les régimes ou plutôt tellement aigri qu'il osera proclamer: « Notre , ennemi c"est notre maître ». C'est le pauvre de tous les temps. ,

~( On pourrait multiplier ces caractères. Les rats et les gre­nouilles nous représenteraient le peuple étourdi et présonlptueux ,

, tes démocraties turbulentes et t'aihles , faciles à tromper, plus fa ­ciles à vaincre; l'ours serait le seigneur rustre, l'ami maladroit; la fourmi, la ménagère active et parcimonieuse ; la mouche devien­drait le type des importants et des fats de tous les régimes; et ';eclI1not lapin , jouant parmi Je serpolet et la rosée, ' les oreilles dressées, le regard vif, mais un peu niais, passant la patte sur sa moustache naissante, allant partout à l'étourdie, nous rappellerait l'écolier délivré du collèg~ et partant joyeusement en vacances ». (P . Caruel.)

2. Localisation, - Cette fable est la première du deuxième Recueil publié par La Fontaine. (Livres VII à XI) . Le fabuliste y paraît dans la plénHude de son génie , « C'est là, dit Sainte-Beuve, que se trouve en complet la fable telle qu'il l'a inventée. Il avait évidemment fini par y voir surtout un cadre commode à pensées, à sentiments, à causeries ». S'affranchissant de toute entrave, il mêle toutes les couleurs, tous les tons et tous les genres: élégies, idylles, épîtres, contes, anecdotes rêveries, « fantaisie qui rappelle tour à tour la grâce d'Anacréon, l'atticisme de Térence, la mélan­colie de Virgile, la finesse d'Horace, la sincérité de Montaigne, l'esprit gaulois de Villon et de Marot ».

Ce recueil offre avec le premier des différences notables: les développenlents sont plus longs, les circonstances mieux spéci­fiées; les sujets sont plus variés, plus dramatiques et aussi plus sérieux. A peine çà et là une fable médiocre, comnle la Tête et la queue du serpent.

3. Préciser le sens des lTIOtS et des expressions suivantes: Peste : maladie fébrile épidémique, contagieuse, qui cause une

grande mortalité . Terreur : si la peur est purement intellectuelle, c'est la cl'ainte

qui a pour objet un danger probable, ou l'appl'éhension dont l'ob­jet est un danger possible. Si la crainte se double d 'une émotion, elle devient l'inquiétude (in-quietus : non tranquiHe) . Si l'âme est simplem.ent troublée; l'alal'me (all'arme: aux armes, italien) si l'inquiétude est grave et excitée par ce qu'on apprend (et non par ce qu 'on ressent); - ou c'est simplement la peul' (pavor, pavere, pallere : pâlir) émotion purement subjective instinctive indélibé-rée, dépendant du tempérament. " ,

En fin une grande peur s'appelle l'épouvante si elle boule­verse l'esprit et pousse à la fuite; l'effI'oi si elle fait frissonner,

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glace, inll110bilise; la fl'ayeur , si le mouvemenl d'effroi est pas ­sager; la terl'eul' (terrere : faire trembler) si l' effroi ahat, déo,)u ­rage, enlève toute possibilté de défense.

Achéron: dans la lnythologie, fleuve des enfers ou séjour des morts . Le Styx, autre neuve, en faisait sept fois le tour. La b?r­que de Caron, nocher des enfers, transportait les âmes dune rn e à l'autre. Il y avait aussi le Léthé ou t'teu, e de l'ouhli; le CO,cyle dont les eaux fangeuses entouraient le Tw'tal' e (l'onel des en( ers) et le P hlégéton qui coulait non des eaux mais des l'lanllnes.

La douce et l' innocente proie: la répétition de l'artjcle 11 'a d 'autre raison d 'ê lre qüe l'euphonie, le désir d 'éviter l' hialus , douce et innocente.

Pariant: par conséquent. Infortune: adversité. Traits du céleste courl'OUX : coups de la juslice divine, de la

colère divine, , De pareils dévoû111ents : allusion aux tro,is DécilLs Mus qui se

dévouèrent pour assurer la victoire aux armées r omaines: le pre­mier à Vénéris, 340 av . J.-C . Son fils à Sentinum, 295 av. J. -C . Son petit-fils à Ausculum en 279 av. J .-C.

Glouton: qui mange beaucoup et avec avidité. Force moutons: un grand nombre de moutons . Dévoûrai pour dévouerai: c'est une règle d 'élision en fran ­

çais que l'e muet précédé d 'une voyelle dans le corps d 'un mot, se supprÏlne et se remplace par l'accent circonflexe (dévoûrai, prîrai, remercîment) .

ScrujJule : inquiétude de conscience.

Délicatesse: raffinement, pureté d 'âlne, horreur des fautes.

Souvenance: le souvenir est momentané, accidentel, fugitif; la souvenance est durable, toujours présente en quelqu e sorte. Il y a la même différence de sens entre: repent}r e.t. repent~nc~, espoir et espérance, concours et concurrence, deplmsll' et deplaI­sance, oubli et oubliance (Inot qui a cessé d 'être usité) .

Criel' haro: s'élever avec indignation contre . Haro: clameur dont on se servait autrefois pour arrêter quelqu ''un et procéder sur le champ en justice.

Clerc : instruit dans les lois. Harangue: discours devant une assemblée. Dévol.ler: immoler aux cieux COllIne victime expiatoire., Le

'nom dévoûment (pour dévouement) ex prime la mêl~le nuance et se dit spécialelnent de la consécration aux dieux infernaux. Il tient son sens très fort du latin clevovere: vouer entièrement, consa­crer sans réserve par Ull vœu, d'où, immoler en sacrifice expia-toire,

Page 8: L'Ecole primaire, 01 mai 1928

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FOI'fClit: crime est l'expression commune; faute e,t forf~it ~n.t rapport au degré: fCll.lte désigne quelqL~e ch.ose de legel:; f?l/azi un crüne énorme; péché désigne une vwlatIOn de la 101 dIvme; délit, une violation des lois civiles.

4. Tl'Clcer le plan de cette fable.

Intl'odl.lction: La peste désole la gent animale. Le lion - roi des animaux - tient conseil pour parer au

désastre. Nœl.ld: Harangue du lion.

Pour apaiser le Ciel, le plus coupable doit se sacrifier. Lui-même a des méfaits à se reprocher, notamment un

hOlncide. Plaidoyer du renard.

Les fautes du lion sont loin d 'être des crimes. Le berger lui-même méritait son sort: le tuer était justice. '

Confession de l'âne. Les circonstances lui ont fait commettre un inoffensif

larcin. . Son humble aveu déchaîne les colères intéressées.

Réquisitoire du loup. Le baudet l est la cause du mal: qu'il soit immolé!

Dénouement: Condamnation de l'âne. l\lol'alité: Les jugements de cour, légers aux puissants, sont

mortels aux petits.

5. Pl'écisel' le bl.lt du fClbl.lliste .

Dans la société qu'il observe, l'absolutisme royal donne lieu ù d'étranges abus. A-t-il voulu faire le procès de son siècle, ou sim­plement la satire de l'humanité de tous les temps? Un historien a écrit: « Ce n 'est assurément point avec un sourire qu'on accueil­lit au Louvre les Animaux malades de la peste. Il y avait là des allusions transparentes. Ce lion majestueux, autoritaire, qui s 'ac­cuse de peccadilles et escamote ses gros péchés , ressemble étran­gement au monarque. Des renards élégants, les Saint-Aignan, les Guiche, les Dangeau, lui tournent la tête par leurs adulations em­pressées ou excusent par leurs discours habiles ses folies. Et, quand il aura mis, vers 1709, la France en péril, c'est le baudet innocent, c'est-à-dire le peuple, qui paiera! » (Levrault, La Fable). Nous avons peine à prêter cette intention satirique à La Fontaine, cour­tisan et parasite: le recueil ne serait pas dédié à Mme de Mon­tespan; d'ailleurs, la bonhomie de l'auteur cadre mal avec pareille préméditation. Quoi qu'il en soit, son but est bien de fClil'e le pl'ocès à l'in.fl.lstice des gl'ands et de lel.ll's fIClttel'ies. · Le siècle de Louis XIV n'est pas le seul à en fournir des exemples.

6. Comment les fClits l'épondent-ils clU but?

1

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Pour amener l'injustice cru exige l 'affabulation, il faut le ju­genlent d'un délit; .iugement où le puissant coupabl~ l ' el~lportera sur le misérable innocent. Très ingénieusement, le fabulIste sup­pose un fléau universel qui exige une victime expiatoire. Que le plus coupable périsse: voilà qui est dans l'ordre. Chacun donc va se confesser et l'assemblée jugera. Le lion, qui a proposé l'expédient, s'accuse le premier; ma~s ~n sent si bien, dans l'a~ldi­toire, qu'il serait de mauvais ton d'InSIster, que le renard se feI?d d'un plaidoyer justificatif de s.on seigneur: excellent moyen d 'aIl­leurs pour escamoter ses propres méfaits. D'autres et d'autres s'accusent. Vient l'âne. Il a commis une peccadille: dans cet aveu loyal, pas un seul nlot qui ne soit propre à atténuer ses tort~; n'importe, c'est lui qui doit mourir; le loup le prouve en un réqUI­sitoire où, à défaut de raisons , s 'accumulent les gros mots. Et c est le baudet qui meurt. La conclusion va de soi: les jugements. de cour favorisent les puissants. On peut se demander pourquOI le réquisitoire du loup a été omis: pour précipiter le dénouement sans doute.

( A .suivre.)

Histoire naturelle

Que durera le lac Léman?

Combien de temps durera le lac Léman? C'est une question posée par un lecteur qui se doute bien que, rien n 'étant durable ici-bas, les lacs passeront comme les montagnes , écrivent les Dé­bClts. Peut-on se faire une idée approximative de cette vitesse? Forel s 'y est efforcé dans sa belle Inonographie du Léman. Pour base de son calcul, il prélevait des échantillons de l'eau du Rhône ù. diverses époques de l 'année, et prenait le poids et le volume des sables et poussières charriées par le fleuve, de la montagne dans le lac. Et il arrivait à ce résultat que, par Je Rhône et ses affluents, le lac reçoit 2,800,000 lllètres cubes de matériaux par an. Le volume du lac étant de 89 millions de mètres cubes, celui-ci devrait être comblé en 32,000 ans par les matériaux qui y sont abandonnés. Mais ce chiffre doit être doublé. Car il n'est pas à prévoir que le Rhône tarira le jour où il atli'a comblé le lac Léman. Il continuera à couler et s'occupera, ce faisant, à remblayer sa ,allée en anlOl1t du lac, ce qui fait qu 'il passerait à Bouveret, à 150 mètres au-dessus de son niveau actuel , et, à Nyon, à 50 mè­tres, pour rester à son ni, eau actuel à Genè, e. Ce remblayage représente un volume égal à celui du lac: il faut donc compter le double, 64,000 années environ , si le transport d'alluvions reste le même qu'actuellement.

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Mais voici qu e, dans un iivre récent intitulé Les Lacs (li. Dain), M. H. \\T. Collet, le distingué professeur de géologie de. Genève, qui étudie depuis longtemps l'hydrologie et connaît mIeux que personne COlnment se fo rment les lacs et quel est leur destin, et qui a étudié spécialement le lac Lém.an , arrive à des conclusions différentes, parce qu 'il dispose d 'observations plus pxactes sur le transport des alluvions par le Rhône. En réalité, Je Léman recevrait 4,200,000 nlètres cuhes d 'alluvion par an. A ce compte, il serait comblé en 21,000 ans , et, en 42,000 ans, la situa ­lion que Forei juge nécessaire serait étahlie. Donc, dans un temps variant entre 32 et (j4 mille ans, le Léman n existera plus. El sans cloute, en raison de l'usure des montagnes, le Hh(me sera , ù cette époque, bien assagi. Cette usure, toutefois , n e se fait pas très vite. M. Collet, qui a examiné le problème, arrive à cette conclusion que J'ablation est d 'un mètre en 1700 ans, sur le versant nord des Alpes.

C'est dire, chers lecteurs de J'Ecnle, que nos arrière-petits-ne­veux ne risquent pas encore d 'être privés du « bleu Léman »' e t des « Alpes neigeuses » ...

La question du Sport

Les sports sont-ils utiles ou dangereux?

Les mères ne voient jamais sans inquiétude leurs enfants, quand ils arrivent à l'âge de l'adolescence, prendre le goût du sport et s'y adonner passionnément.

Dans ce cas, le plus souvent la sollicitude des mères n 'est pas en défaut, leurs craintes sont justifiées et, cela tout simple­me?t p,arce que leurs fils ne se livrent pas à la pratique des sports , malS d un sport.

En. tenant conlpte de cette loi physiologique d'après laquelle la fonchon développe l'organe que l'on met en activité, l'on arrive ~ cette conclusion que les exercices physiques ont une action plas­~lque sur les muscles, les os et les articulations qu'ils mettent en .leu.

Cette action sera donc nuisible ou salutaire selon que les exercices actionneront les groupes musculaires d 'une façon défec­tueuse et irrégulière ou d'une façon hannonieuse et symétrique

On peut classer les exercices physique en deux catégories principales: ceux qui résultent d'un travail utile, d 'un métier ma­nuel, d'une occupation rurale ou agricole et ceux qui comprennent

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les sports proprement dits et les exercices de gymnastique avec ou sans appareils .

En général, les prem}ers déforment plutôt le corps: l'homme qui bèche la terre ne tarde pas à prendre une attitude courbée; l'enfant qui porte souvent sont jeune frère sur son bras, ne tarde pas à avoir une hanche plus haute que l'autre et les jambes arquées.

. Les exercices de la seconde catégorie comprennent également , C' t pes qui sont défavorables : l'équitation donne à la longue

..; altitude spéciale qui est loin d'être gracieuse. Tous les sports vio ,ents donnent des résultats du même genre. Les champions de la bicyclette et de la course à pied ont un aspect extérieur qui est loin d 'être encourageant et, chez eux, la sante elle aussi peut s'al­térer, beaucoup meurent jeunes et tuburculeux.

La natation et la marche à pied sont des types d'exercices éminemnlent salutaires à la santé comme au développement phy­sique harmonieux; j'ai dit « la marche » et non pas la course.

Le tennis pratiqué modérément n 'est pas mauvais non plus. La gymnastique sans appareils est toujours salutaire, à con­

dition qu'on ne pratique pas d'exercices violents et qu 'on ne pousse pas l'entraînement jusqu'à l'abus.

Quant à la gymnastique avec appareils , il convient de distin­guer l'usage des appareils avec lesquels on ne peut faire que des mouvements actifs, de ceux qui font exécuter des mouvements actifs et des nlouvements passifs . Comme type d'appareils obli­geant à faire ces deux sortes de mouvements, on peut citer les cOl:des en caoutchouc avec des poignées que l'on tire et qui vous attIrent tour à tour. Les premiers appareils sont en général utiles et salutaires, les autres ont presque toujours plus d 'inconvénients que d'avantages.

Pour résluner, tant, que les exercices physiques sont une ré­création, une distraction passagère, ils sont bienfaisants surtout qua~d. ils deviennent du sport. et qu 'ils ont seulement p~ur ohjet le desIr de gagner des champIOnnats.

M. DESCHAMPS .

Comment les hommes de cœur jugent les jeunes gens qui ont peur de l'effort:

C'est un frelon, ce jeune homme de vingt ans, vigoureux et plein de force, qui ne compte' que sur l'argent qu 'il tire de sa famill e, et se fait entretenir par elle.

Page 10: L'Ecole primaire, 01 mai 1928

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C'est un frelon, ee jeune homme de vingt-cinq à trente ans qui n e cherche dans le m ariage qu 'une dot, c est-à -clire un 'mo yen com­mode de se fair e entl'etenir p a r sa femme.

C'est un fr elon, ce jeun e homme qui , déda ignan t les profess ions indépendantes, consid èr e seulem ent comme honorables les carri èr es administra tiv es qui dispensent d e l 'effort. et de l'initiéltiv e, cn,r il sn fa it, entret enir pa r le budget public.

C'est un frelon , ce bourgeois, cet ouvri er qui, en présence (l es diffi ­cultés de la vie modern e, n e sait qu e se r etourner ver s la coll ectivité, commune ou Etat, pour lui réclamer a ide et protection, a.fin , lui aussi, d e se faire entret enir pa r le budget.

C'est un fr E;llon, ee prolétaire qui , exploitan t la bêtise humaine, fait d e la popularité en promettant ce qu 'on veut, a fin de se fa.ire entr0-t enir par cette m êm e coll ectivité qu il dupe et qu 'il l'uine.

E. DE MOLINS.

@./~ Nos Pages ~"-~ 10 -~ COURRIER DES INSTITUTRICES ~

============================ SOMMAIRE: Retra ite des Institut ri ces. - Assemblée gén érnle.

Dédsions. - Placem ent. - Mise au point.

Retraite des Institutrices

Jeudi matin , 12 avril, s~ clôturait solennellement ft l'Ecol e normale des filles , à Sion, la retraite des, institutrices .

Cette retraite, à laquelle participaient plus de 80 institutrices venues de 'toutes les parties du Valais romand, fu t prêch ée a \'ec infiniment de succès par IVf. le Rd abbé Pilloud .

Toute notre reconnaissance à l'éminent prédicateur e t nos hien sincères reluerciements aux Rdes S: œurs de l'Ecole normal e toujours si bonnes, si accueillantes et si dévouées 1

Assemblée générale des Institutrices du Valais Romand

Jeudi, 12 avril, la S. 1. V. R . tenait à l'Ecole normale de Sion sa troisième assemblée générale. Ce fut ,une helle manifestation , offrant le réconfortant spectacle d ' une société florissante et ani-mée du meilleur esprit. 1 1

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Plus de 120 institutrices éta~ent présentes et les objets figu ­:rant à l'ordre du jour furent discutés avec heaucoup de sens pra ­tique.

Nous assistons ensuite à l'intéressante conférence du Dr Re-J pond. Son exposé: « L 'Hygiène nl.entale » - sujet d 'une impor ­

tance capitale surtout dans l'époque d'activité fiévreuse où nOlis vivons - a captivé toute notre attention. L 'éminent psycholo­gue nous a- démontré comment une éducation mal cOluprise, dé­fectueuse, imprinl.e chez l'enfant des réflexes de toute nature qui , ·en é, oluant, auront une répercussion fâcheuse sur la mentalité et l 'organisme de l'individu. L 'orateur fut très applaudi et nous retirons de sa conférence d'une si profonde psychologie, les plus utiles leçons.

Puis, autorités religieuses et civiles, suivies des institutrices, se rendent à la salle à manger, où, dans un gracieux décor de verdure et de fleurs, un excellent dîner nous est servi.

Au cours du banquet, de distingués orateurs nous tinrent sous le charme de leur éloquence. Citons M. Dr Mangisch, tou­jours vibrant d 'enthousiasme pour la société qu'il patronne, M. Je député Thomas, président de la S. V. E ., qui ne nous ménage 'pas sa sympathie, puis M. le conseiller d'Etat vValpen, chef du Département de l'Instruction publique qui, pour la première fois , honore notre assemblée de sa présence. Ses paroles bien senties nous révèlent à la fois l'homme aux convictions profondes aux conceptions pratiques et le magistrat soucieux de se montrer à la hauteur de sa tâche difficile. Son but est de voir fleurir dans la jeunesse de nos écoles ces vertus simples, solides et sincères qui constituent la base de la valeur morale d 'un peuple. Mais , pour l'atteindre, il compte sur la collaboration indispensable du personnel enseignant auquel il voue un intérêt particulier. Puis. notre dévoué Chef termine son discours par une gerbe de ... pro­l.l.l.esses.

Enfin, M. le Rd abbé Pilloud , notre prédicateur de la Re­traite, dans une vibrante allocution , magnifie notre tâche et nOllS exhorte à la Vie haute.

Des applaudissements enthousiastes soulignent tour ù tour tant de belles paroles; puis le chant « Le Valais » exécuté en chœur avec toute la flamme féminine du patriotisme, termine la partie récréative, de la journée.

Nous assistons encore à la conférence de M. Sermoud, du Département fédéral des Finances, sur les « Ravages de l'alcool ».

'~on exposé clair, suggestif et concret nous captive et nous émeut.

Devant le tableau tangible des misères morales et matérielles qui ont pour source l'alcoolisme, nous sentons toute la nécessité de prendre une part active à la croisade qui se dessine pour en­:rayer l'extension de ce fléau.

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L 'heure du départ sonne! Des poignées de lllain par-ci- des au-revoir par-là, et les groupes 'se dispersent. Plus d 'une institu­trice se retourne, regarde une fois encore le cher berceau fleuri et toujours hospitalier de l 'Ecole norm.ale, puis, vaillan1ment, s'en vu où son devoir l'appelle. A.

Décisions de P Assemblée

1. Liberté pleine et entière d 'adhérer au Mouveillent Cl1l'é­tien-Social est laissée à tout membre.

2. Si les inscription~ sont suffisantes, un cours ménClger sera demandé. Ce cours aurait lieu en septembre et les intéres­sées sont priées de sJinscrire cLUànt le 10 111Cli auprès de Mlle Ru­bense Rey, institutrice à Saxon.

3. Des démarches seront tentées auprès du Département pour que, en cas de maladie, le traitemen t soit payé au complet pen­dan t 3 Inois .

4. Toute institutrice s'inscrivant à notre Bureau de Place­lnent versera ùne finance de 1 fr., puis effectuera un versement de 5 fI'. à l 'obtention d 'une place.

5. Un crédit -:- à fixer par le comité - est voté en faveur: Cl) de la création d'une caisse d'entr 'aide; b) de la construction du Petit Séminaire; c) de la Rédactrice de « Nos Pages ». H. Les comptes lus par Mlle Carraux, présidente qui as -

sume encore les fonctions de caissière - sont approuvés.

Placement

L es Institutrices qui désirent se placer p endant les vacances sont pri ées de se faire inscrire auprès de Mlle CARRAUX, Institutrice à Monthey; .iusqu 'au 10 mai 1928.

Nous recevons de Mlle la Pl'ésiclente cle notre Société le com­muniqué suivant,'

Mise au point

Les délégués du personnel enseignant au Congrès chrétien­social à Monthey, ont proposé aux syndicats des divers cantons de former une corporation du personnel enseignant catholique de la Suisse romande.

Cette corporation aura son organe qui paraîtra depuis octo-· bre 1928, nous pourrons toutes nous le procurer puisque le prix. d 'abonnement sera minime.

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Nous aurons ainsi le temps de nous renseigner et à la pro -­chaine assemblée générale accepter ou refuser de faire partie de cette corporation en pleine connaissal1:ce de cause.

Contraireillent à ce qui a été dit à l 'assemblée du 12 avril " il n 'y aura aucune cotisation à payer.

M. CARRAUX.

La question sociale

Le Salaire XII.

LE SALAIRE, FRUIT DU TRAVAIL

Quand votre père bêche son jardin, plante, arrose, il travaille. _ Dans quel but? Pour récolter des pommes de terre ou des petits pois , qui serviront à la nourriture de la famille . Le r ésultat, le fruit de son travai l, lui sert directement. Il n 'en es t pas de même du travail d'un mineur p a r exemple: le fruit de son travail , à lui , c'est du charbon , du Ininerai de fer qui ne p eu t lui servir clirecte­Jnent. Cependant il travaille pour gagner sa vie. Il faut en effet que son travail le fasse vivre, lui et sa famille. Au ssi le patron qui l'emploie lui donne-t-il pour prix de son activité une rémunération qu'on appelle salaire. Ce salaire est le fruit du travail du mineur.

Le salaire est la part cle rouvl'ier sm' le prodHit dH trClvClil. - Comment va-t-on établir et fixer ce salaire?

Prenons un autre exemple, une fabrique d e chaussures, (le papi er , de m achines, comme vous voudrez. L 'ouvrier qui y est employétr8-vaille dans une usine qu'un patron a bàtie, avec des outils et des machines que le patron a achetés, sur du cuir, de rade]', du fer qu 'il a fournis: pendarit que l'ouvriel' trava ille dans l'usin e, c'est le patron qui a la charge et le souci de gérer l 'affaire, de trouver des Rcheteurs, des ressources, de diriger la fabrication, etc_

Finalement, l'objet qui est fabriqué résulte, comme vous je voyez, non pas seulement du travail n1atériel de l'ouvrier qui l'exécute, mais aussi de la collaboration du patron qui fait mar­cher l'usine avec son propre travail et son argent: sans lui , il n 'y aurait même pas d'usine et, par suite , rien de fahriqué. Donc, et l'ouvrier , pour la force et l'adresse qu 'il a fournies, et le patron pour la direction qu'il donne et l'argent dont il fait l'a vance, auront un droit l'un et 1 autre sur le produit de 'leur travail com­mun, de leur collaboration. La part cle rouvrier sera rétribllée petr le salaire , soit journalier, soit hebdomadaire, soit mensuel.

Le salClire est le paiement immécliat du trClvClil cle rouvrier. L 'ouvrier a en effet généralelnent besoin tou t de suite de perce-

Il 1

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- 244 -

-, oir' le fruit de son travail. Voulez-vous qu'il a ttende que ce qu'il a fabriqué soit vendu, payé par l'acheteur, pour que lui-même soit alors payé et alors seulement? Ce serait trop long, et de plus il lui faudrait courir tous les risques de la vente. Et puis, tant que l'usine marcherait et serait prospère, tout irait bien; mais en cas de mauvaises affaires, de mévente, de gros accidents, il per­drait tout et serait sur la paille. Alors que fait-on? Par un accord avec le patron - c'est le contrat de travail - l'ouvrier s'engage à accepter, en retour du produit de son tra, ail, une certaine somme .fixe, le salail'e, qu' il tOllchel'Cl régulièrement, iInlnédiatement, que le produit soit achevé ou non, soit vendu ou non, que le patron fasse des bénéfices ou au contraire subisse des pertes.

Poun u que le salaire soit calculé selon les règles de la jus­tice, cette façon de recevoir le fruit de son travail comporte pour l'ouvrier un avantage fort appr'éciable : il est à l 'abri des pertes et n 'a pas le souci et les charges, souvent très lourdes, d'une direc­tion qui suppose généralement des qualités et une formation spé­ciales.

De son côté, un e fois les salaires payés, le patron reste seul propriétaire des produits du travail. Il les vend, les échange comme il l'entend. S'il touche les bénéfices de l'entreprise, il doit aussi en supporter les pertes; il doit l11.ettre de côté, sur ces bénéfices, des sommes assez fortes pour servir de réserves en cas de pertes , pour renouveler son l11.atériel, ses n1achines, pour pa yer ses assu­rances , etc ...

Diverses espèces de salaires. - Il y a plusieurs manières de rétribuer le travailleur: en espèces (c'est-à-dire avec de l'argent) , ou en natUl'e (c'est-à-dire en donnant nourriture, logement, chauf­fage, part dans les récoltes, etc ... ), Parfois on combine ces deux sortes de rétributions: par exemple, un domestique reçoit des gages et est nourri , logé, blanchi, chauffé, éclairé aux. frais de son maître.

C'est affaire de préférence, de convention ou d 'usages ; ce qui importe, c'est que le salail'e soit conforme cl toutes les exigences ·de la .iustice.

FIXATION DU JUSTE SALAIRE

5: uffit-il que le patron et l 'ouvrier tombent d 'accord sur le n10ntant du salaire pour conclure (!ue ce salaire est juste? Non­pas nécessairement. Car on a souvent constaté que la fixation du 'salaire se faisait non pas d'après les seules règles de la justice, mais d'après un ensemble de circonstances , favorables tantôt aux -patrons, tantôt aux ouvriers.

J e suppose, pal' exemple, qu'à un celtl1in moment il y ait plus ·d 'ouvriers qu'il n'en faut pour le travail; résultat: les salaires baissent et peuveüt tomber si bas qu'ils deviennent. insuffisan ts pour assure l' la vie du tra.vailler. Ou bien, au contraire, il n'y H, pas assez d'ouvriers

245 -

pOUl' le travail à faire; résultat: le salaire in.onte et dans des propol'- ­tions telles que les objets fabriqués atteignent un prix anormal, dont le consommateur souffre injustement; c'est un e des causes de la vie chère. Ce passage de la hausse à la baisse et inversement s'appelle le jeu de l'offre et de la demande. Quand la main-d 'œuvre est rare on dit que l'offre dépasse la demande: il y a a lors plus d'offre de travail provenant des patrons que de demande de travail provenant des ouvriers.

Les conditions du .iuste salail'e. - « Que le patron e t l'ouvrier a dit Léon XIII, fassent donc tant et de telles conventions qu'il leur plaira, qu 'ils tombent d'accord notamment sur le chiffre du sa­laire. Au-dessus de leur propre volonté, il esl une loi de justice naturelle plus élevée et plus an cienne, à savoir que le salaire n e doit pas être insuffisant à faire subsister l ouvrier sobre et hon­nête. » Le pape Léon XIII donne ici une vraie règle d 'or pour juger ce qui est absolument r equi s afin qu 'un salaire puisse être appelé juste.

l. A vant tout, il faut que le salaire soit vital, c est-à-dire: assure à l'ouvrier « sobre et honnête » les moyens d 'existen ce (nourriture, logeluent, repos du dimanche et même l'épargne rai ­sonnable en prévision de la maladie et de la vieillesse).

Quand 1 ~ coùt de la vie a ugmente, le sala ire, pOUl' rester vi ta l, doit augmenter. Il est vrai qu 'il ne faut pas ici se fair e illusion. La S0111111e que l'on touche en sala ir e peut être représentée clans ce cas, pal' un plus gra.nd nombre de francs; en réalité, le salaire n 'augmente pas, puisqu'il ne permet pas cl 'acneter plus üe choses qu 'avant : tel qui gagnait einq francs avant la guerre recevait davantage, relative­ment, que celui qui en gagn e quinze actuellement. Les m énagères le savent bien.

2. II y a lieu de considérer aussi dans la fixation du salaire, la valeur différente des travaux relativelnent les uns aux autres et en conséquence de payer le travail délicat, difficile, plus cher CJue celui du luanœuvre. Il est évident qu'un travail qui suppose un long apprentissage ou de longu es études , ayant coùté cher , qui exige de l 'habileté, de l application et de l'intelligence, m érite d'être plus payé qu'une besogne pouvant être faite par le premier venu sans aucune préparation. Le travail d'une institutrice, d 'un ébéniste , d'un ajusteur-luécanicien, a plus de valeur que celui d'une couturière ou d'un maçon, à plus forte raison d 'un hOlume de peine ou d'une femme de ménage.

Voilà ce qu'en stricte ,;ustice un patron est tenu de considérer lorsqu 'il fixe la rémunération d'un travail.

L 'organisation professionnelle et le .iuste salah'e. - Même­s'il le voulait, il n'est pas toujours possible à un patron de donner ' davantage: il faut bien qu'il tienne compte, bon gré, mal gré, de la concurrence des pays étrangers ou de ses compatriotes. Il est

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donc généralern.ent obligé de faire pour les salaires ce qu'il. faIt pour tous ses autres frais: les abaisser autant que c'est possIhle, pour diminuer ses prix de revient. Et c'est une nouvelle raison de souhaiter que les professions soient organisées comme nous l'avons expliqué. De la sorte, cette concurrence acharnée des in­dustries dans chaque pays et entre nations sera maintenue dans des limites raisonnables. Il y a eu des progrès sensibles déjà faits sur ce point: le salaire en a profité immédiatement.

Les allocations familiales. - Depuis trois ou quatre ans, à l 'exemple et sur les conseil d'un industriel catholique de Gre­noble, un très grand nombre de patrons se sont entendus et grou­pés librement dans plusieurs grandes industries pour payer ù leurs ouvriers, en plus du salaire commun, ce que l'on appelle des « allocations familiales ». C'est une rétribution accordée en sup­plément à l'ouvrier père de famille ou à la veuve chargée d'en­fants, pour leur permettre d'élever leur enfants . Ces allocations sont payées dans chaque région par des. caisses appelées Caisses de compensation . L 'argent est fourni à ces caisses par tous les patrons de la r égion , à proportion du nombre exact de leurs ouvriers, quels qu'ils soient, célibataires ou non. Ainsi les pères de famine sont très justement rémunérés pour le sen ice qu'ils rendent à la nation et à l'industrie en lui donnant des travail1eurs.

CONCLUSION

Il est é, ident que la fixation du juste salaire respectan t :scrupuleusement les droits du travailleur , du patron et du con­somluateur, ne pourra se faire que par une entente intelligente et cordiale établie entre les ouvriers et les patrons , non pas seule­ment ,d'une usine , d'une ville, mais d 'une région entière, même de tout un pays. Ce sera le résultat de l'organisation de la Profes­sion, et c'est l'œuvre que doivent accomplir les Syndicats ouvriers et patronaux , unis pour Je bien de tous.

Œuvre professionnelle, par conséquent Œuvre des syndicats vraiment professionnels.

Œuvre de justice, de charité, de progrès , de paix , d 'ordre; par conséquent œuvre des syndicats à principes chrétiens .

LECTURE

ALLOCA TIONS FAMILIALES

Après une enquête faite à Grenoble chez huit des anciens ouvriers de la Maison J oya, mais de situation familiale différente, il fut nette­ment reconnu que si le célibataire et l'homme marié sans enfant pou­vaient équilibrer leur budget, par contre, l ouvrier charg:é de famille

,était d'autant plus gêné qu'il avait un plus grand nombre d 'enfants 'en bas âge.

Cette enquête permit, d'autre part, de constater que l'ouvrier céli­_'hataire change facilement d'atelier et de ville, tandis qu'au contraire,

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le p èr e de famille désire viv ement rester en place afin de pouvoir assurer par son ü'avail l 'existence de sa maisonnée.

Une des famill es visitées comprenait cinq personnes: le père, la mère, trois enfants de 12, 6 et 2 ans; on attendait le quatrième.

Le cahier ,de ménage, très bien tenu, faisait ressortir l'impossi­bilité matél~ielle de faire vivre la famHle avec- le seul sa laire du père. Cet ouvrier était cependant très assidu au travail; il faisait partie d 'une Société de Prévoyance, d 'Assurance et d e Retraite. rvlais on put se rendre compte, au cours de l'entretien, que, devant les charges de plus en plus lourdes qui lui incombaient, cet homme s 'aigrissait. Ii faisait r emarquer qu 'il donna.it tout son temps et tout son dévoue­m ent à son patron et que, cepenclant, il ne pouvait pas a rriver à payer intégralement ses fournisseurs. Il envisageait l'avenir avec appréhen­sion et, bi en (IU 'il soit d 'un tempérament paisible, il faisait entendl'e des plaintes mêlées de m enaces.

« Si, aprèS la guerre, disait-il, tous ceux à qui .i e clois exigent qu e je les paie, que devrai-.ie faire? Si le patron me refuse J'avance qui me sera nécessaire pour solder mes dettes, et si .i e suis poursuivi, trouverez-vous étonnant que .ie sois a igri au point de faire un mauvais coup? »

Le cas d e cette famille, où le p ère seul tl'èlVnHle, la m ère étant absorbée complètement par le ménage et les soins iL donner aux enfants en bas-âge, n 'est pas isolé.

C est de ces familles nombreu ses CJue les Industri els, et même ln Société doivent cependant se préoccuper, puisqu 'elles assurent l'avenir de l'industrie et l'avenir du pays.

L 'Industriel ayant intérêt, pour la continuité de son entreprise, à ce qu e ses ouvriers aient des enfants , qui viendront plus tard pren­dre à l'usine la place de leur père, il semble tout na turel que l'em­ployeur participe aux frai s occasionnés pal' les enfants cle ceux qu'il emploi e; c'est pour son in(lus tl'i e une forme d'assurance ou de pré­voyance.

Aus. i, dès le mois d 'octobre 1916, les \.llocations familiales furent réalisées a ux Etablissements Joya. Actuellement, ces a llocations repré­sentf'nt envü'on YI des frais de nourriture et d 'entretien des enfants en bas-âge; elles sont de :

150 francs comme prime à la naissance (le chaque enfant; 20 francs par mois pour le premier enfa nt; 25 francs par mois pour le deuxième enfant, 30 francs par mois pOUl' le troisième enfant et chacun des suivants , ,iusqu 'à l'âge de quatorze ans.

(Extrait d 'une conférence de M. ROMA I ET, directeur des Etablissements Joya à Grenoble, nov. 1921 .)

L 'EMPLOI RAISONNÉ DU SALAIRE Une fois le salaire acquis, il reste au chef de famille à en faire

le plus judicieux emploi, c'est-à-dire à. mesurer et à régler les dépenses de la famill e sur les recettes provenant de son travail et de celui

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des siens. Comparer ses dépenses et ses gains, et tracer d'après cela un programme sage d'existence, c'est ce qu 'on appel1e: établir _ un budget familial. Les dépenses, nécessitées par l'entretien de la vie. physique et l'exercice de la profession, se l'amènent à cinq chapitres ~

nourriture - logement - chauffage et éclairage - transport - habil­lement et blanchissage. Il faut y joindre les dépenses de prévoyance, c'est-à-dire les cotisations versées pour les assurances contre maladie accidents, pour la retraite, etc.; les dépenses pour distractions légiti­mes, éducation personnelle ou des enfants, lectures, aumônes, etc., et encore l'épargne pour le chômage ou les mauvais jours.

Dans beaucoup de villes, souvent à la suite de grèves, on a essayé de déterminer exacten1ent les dépenses journalières et annuelles des familles ouvrières, pour pouvoir établir d 'un commun accord ce que nous avons appelé plus haut le salaire vital, c'est-à-dire le gain indis­pensable à l'ouvrier pour vivre convenablement. Ces calculs ont en­core servi à fixer le montant des « allocations famiales» a joutées au s1'1 lai1'e du chef d e famille d'après le nombre de ses enfants.

RÉSUMÉ

1. Le travail , en général, est accompli en collaboration par . le patron et par l'ouvrier; l'un et l 'autre ont donc droit chacun à une part du produit du trayail. La part quJils prennent au tl'Cl­uaU est différente ,- leur rémunération l'est aussi.

2. Le patron touche les bénéfices et subit les pertes : ses ris­ques étant plus grands, il doit en être dédommagé par des gains plus considérables lui permettant de couvrir les pertes quapd elles se feront sentir. - LJouul'ier reçoit une certaine somme fixée d'avance par le contrat de travail et appelée salaire. Le payement

-du salaire étant fixe et im.médiat, l'ouvrier ne court aucun risque de ce côté.

3. Les salaires doivent être toujours fixés d 'une manière .1uste. Pour qu'ils le soient, ils doivent remplir ces deux condi­tions :

a) ne pas être insuffisants à faire subsister l'ouvrier sobre et honnête (y compris le telnps de repos dominical et l'épargne en prévision de la maladie et de la vieillesse);

b) être en rapport avec la valeur du travail, c'est-à-dire plus élevés pour un travail demandant un apprentissage ou de longues études, de l'adresse, que pour une besogne de simple manœuvre.

4. Il est à souhaiter qu'une meilleure organisation de la pro­fession permette d'attribuer à tous les ouvriers pères de falnille des allocations familiales) en sus du salaire habituel.

5. La fixation d'un juste salaire est rendue bien plus aisée par la discussion et l'accord entre syndicats ouvriers et patro­naux , se réglant sur l'intérêt de la profession, sans perdre de vue 1 intérêt général du pays.

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