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LEAD Journal du droit de l’environnement et du développement VOLUME 2/2 ELABORATION D’UNE RÉGLEMENTATION DE BIOSÉCURITÉ PAR CERTAINS PAYS EN DÉVELOPPEMENT: EXPÉRIENCES DANS LA MISE EN OEUVRE DU PROTOCOLE DE CARTAGENA EN AFRIQUE DE L’OUEST Christine Frison & Thomas Joie

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LEADJournal du droit del’environnement et

du développement

VOLUME

2/2

ELABORATION D’UNE RÉGLEMENTATION DE BIOSÉCURITÉ PAR CERTAINSPAYS EN DÉVELOPPEMENT: EXPÉRIENCES DANS LA MISE EN OEUVRE DU

PROTOCOLE DE CARTAGENA EN AFRIQUE DE L’OUEST

Christine Frison & Thomas Joie

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LEAD Journal (Journal du droit de l’environnement et du développement)est une publication académique éditée à New Delhi et Londres et gérée conjointement par la Faculté de droit de la

School of Oriental and African Studies (SOAS) - Université de Londreset le Centre de recherche en droit international de l’environnement (IELRC).

LEAD est publié à www.lead-journal.orgISSN 1746-5893

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ELABORATION D’UNE RÉGLEMENTATION DE BIOSÉCURITÉPAR CERTAINS PAYS EN DÉVELOPPEMENT: EXPÉRIENCES

DANS LA MISE EN OEUVRE DU PROTOCOLE DECARTAGENA EN AFRIQUE DE L’OUEST

Christine Frison & Thomas Joie*

Christine Frison, Membre chercheur au Centre de Droit International du Développement Durable (CDIDD), 83,Rue maison du bois, 1370 Mélin, Belgique, Email:[email protected]; Thomas Joie, Doctorant en DroitInternational Public (Université Paris V), 1663 Rue des Allobroges, 74140 Saint Cergues, France, Email:[email protected]

Published under a Creative Commons Attribution-NonCommercial-NoDerivs 2.0 License

* Christine Frison et Thomas Joie ont acquis leur expérience en matière de biosécurité au travers d’un travail de recherche approfondisur le Protocole de Cartagena ainsi que dans la participation à une équipe internationale d’experts indépendants sur le droitinternational de la biodiversité et de la biosécurité au sein du CDIDD. L’équipe de biosécurité du CDIDD est composée du Prof.Jorge Cabrera (Costa Rica), Mme Marie-Claire Cordonier-Segger, Directrice du CDIDD, Dr. Sylvestre Manga Tidiane (Sénégal),Kathryn Garfoth (Canada), Thomas Joie (Burkina Faso) et Christine Frison (Belgique). Ils ont procédé à la révision de plus de 12cadres nationaux de biosécurité pour les pays d’Afrique francophone et vérifié leur compatibilité avec le Protocole de Cartagenasur la biosécurité. Des recommandations et suggestions sur ces cadres nationaux ont été adressées à ces pays afin d’en assurer laconformité avec le Protocole de Cartagena, et une assistance directe leur a été fournie lors d’ateliers nationaux de validation descadres de biosécurité. L’équipe de biosécurité du CDIDD est actuellement en train d’écrire et de compiler un ouvrage sur le sujet.Enfin, les représentants du CDIDD ont participé à différentes Conférences des Parties de la Convention sur la Diversité Biologiqueet Conférences des Parties siégeant en tant que Réunion des Parties au Protocole de Cartagena, notamment à celle de Montréal (30mai-3 juin 2005) et à celle de Curitiba (Brésil) du 13 au 17 mars 2006.

Cet article peut être cité comme suit:‘Elaboration d’une réglementation de biosécurité par certains pays en développement:expériences dans la mise en oeuvre du Protocole de Cartagena en Afrique de l’Ouest’,

2/2 Journal du droit de l’environnement et du développement (2006), p. 164,disponible à http://www.lead-journal.org/content/06164.pdf

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TABLE DES MATIÈRES

Introduction 166

I. La conception de mécanismes nouveaux de biosécurité 168A. Perspectives de réformes structurelles: mise en place ou adaptation

d’organismes nationaux pour veiller à l’application du Protocole. 168B. Perspectives de réformes légales: création ou modification d’un

cadre réglementaire national 171

II. Les différents éléments de la procédure décisionnelle dans les pays étudiés 171A. Les différents types de procédures dans les pays analysés 172

1. Une procédure commune mais au champ d’application différent:l’accord préalable en connaissance de cause 172

2. Des procédures différentes selon le type d’OGM ou de sonutilisation envisagée 174

B. Evaluation et gestion des risques 1751. Evaluation des risques 1752. Gestion des risques 176

C. La mise en œuvre du principe de précaution 177

III. La participation du public 179A. Sensibilisation du public 179B. La consultation du public lors du processus décisionnel 180

IV. Autres questions pertinentes dans le contextedes pays d’Afrique de l’Ouest étudiés 181A. Considérations socio-économiques 181B. Responsabilité et réparation 182

Conclusion 182

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INTRODUCTION

La mise en application des traités internationaux qu’ilsratifient présente souvent un défi majeur pour les paysen développement. Ces pays, notamment les moinsavancés d’entre eux, doivent faire face à des contraintesnombreuses susceptibles de compromettre la mise enœuvre effective et efficace de leurs obligationsinternationales. Les difficultés auxquelles ils sontconfrontés apparaissent d’autant plus importantes dansles domaines nouveaux tels que la biotechnologiemoderne et la biosécurité.

Le développement récent de la biotechnologie modernea conduit les États à tenir compte de ses avantages etinconvénients au travers d’instruments juridiquesnationaux et internationaux. D’une part, les découvertesrecèlent des espoirs extraordinaires d’exploitation auprofit du bien-être de l’humanité et présentent unechance toute particulière pour les pays endéveloppement. D’autre part, elles sont égalementsources d’inquiétudes particulièrement vives. En effet,la technologie biologique comporte des risquespotentiels non seulement pour la préservation de ladiversité biologique mais encore pour la santé humaineet animale. Une crainte manifeste s’exprime sur le plansocio-économique dans la mesure où les biotechnologiessont développées par de puissantes sociétésmultinationales et constituent une menace potentiellepour l’avenir des structures agricoles traditionnelles.

C’est ainsi que la Convention sur la diversité biologique(CDB) de 1992 reflète les préoccupations liées à labiotechnologie qu’elle définit comme: ‘toute applicationtechnologique qui utilise des systèmes biologiques, desorganismes vivants, ou des dérivés de ceux-ci, pourréaliser ou modifier des produits ou des procédés à usagespécifique’.1 Cette définition englobe non seulement labiotechnologie traditionnelle mais encore labiotechnologie moderne.2 La CDB insiste sur la nécessitépour les États Parties d’assurer la maîtrise des risquespour la conservation de la diversité biologique ainsi que

la préservation de la santé humaine.3 C’est ce que l’onnomme biosécurité ou sécurité biologique.4

Par la suite et en vertu de l’article 19(3) de la CDB, lesParties ont mis en place un groupe de travail ad hoc surla biosécurité chargé de proposer un projet de protocole.Ses travaux ont abouti à l’adoption le 29 janvier 2000 àMontréal du Protocole de Cartagena sur la préventiondes risques biotechnologiques relatif à la CDB (ci-après‘le Protocole’ ou ‘PC’).5 L’objectif du Protocole est de

[c]ontribuer à assurer un degré adéquat deprotection pour le transfert, la manipulationet l’utilisation sans danger des organismesvivants modifiés résultant de la biotechnologiemoderne qui peuvent avoir des effetsdéfavorables sur la conservation et l’utilisationdurable de la diversité biologique, compte tenuégalement des risques pour la santé humaine,en mettant plus précisément l’accent sur lesmouvements transfrontières.6

Pour ce faire, le Protocole prévoit une collaborationétroite des États Parties et un mécanisme de soutienfinancier et technique en faveur des pays endéveloppement dans la mise en œuvre des dispositions.7

Participant au mécanisme de financement de la CDB, leFonds pour l’environnement mondial (FEM) estégalement chargé de ce rôle dans le cadre du Protocole.Après l’adoption du Protocole, le Conseil du FEM lorsde sa réunion de novembre 2000, a approuvé unestratégie initiale visant à aider les pays à se préparer àl’entrée en vigueur du Protocole. Le Programme desNations Unies pour l’environnement (PNUE) a étéchargé de la mise en œuvre de l’assistance techniqueaux pays en développement. Cette assistance techniques’est traduite par la création d’un projet sur la biosécuritédont la phase 1 s’articule principalement autour de

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1 Article 2, Convention sur la diversité biologique (CDB), Riode Janeiro, 5 juin 1992. La Convention est entrée en vigueurle 29 décembre 1993 [ci-après CDB].

2 Protocole de Cartagena sur la prévention des risquesbiotechnologiques relatifs à la CDB, Montréal, 29 janvier2000 [ci-après Protocole de Cartagena].

3 Article 8(g), CDB, note 1 ci-dessus.4 Secrétariat de la Convention sur la diversité biologique,

Protocole de Cartagena sur la prévention des risquesbiotechnologiques relatif à la Convention sur la diversitébiologique: texte et annexes (Montréal: Secrétariat de laCDB, 2000), p.1, disponible au http://www.biodiv.org/doc/legal/cartagena-protocol-fr.pdf.

5 Le Protocole est entré en vigueur le 11 septembre 2003.6 Article 1, Protocole de Cartagena, note 2 ci-dessus.7 Id. article 22(2).

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l’établissement de cadres nationaux de biosécurité(CNB),8 prélude à l’adoption de mesures nationales debiosécurité.

A ce jour, plus de 120 pays participent au projetbiosécurité du PNUE-FEM et parmi eux, 56 ont terminéle développement de leur cadre national de biosécurité,c’est-à-dire de la Phase 1 du projet PNUE-FEM.9 Onest donc en présence d’un processus en cours, puisquela phase deux de mise en œuvre des CNB n’a pas encoredébuté dans les pays d’Afrique de l’Ouest. C’estpourquoi il n’est pas question, dans le présent article, dedégager des conclusions prématurées en matière de miseen place de mesures de biosécurité.

Ce projet, dont l’objectif fondamental est de préparerles pays à l’entrée en vigueur du Protocole de Cartagena,est d’une envergure sans précédent. Les pays participantsen ont tirés beaucoup de satisfaction. Il a notammentservi de catalyseur, dans la plupart des pays endéveloppement, à l’appréhension effective des questionsrelevant de la biosécurité. Partant, il a permis à nombrede ces États d’embrasser largement ces questions dansleur CNB sans se limiter aux domaines visés par leProtocole.10 Le projet PNUE-FEM a également permisle développement de capacités nécessaires à unepolitique de biosécurité effective et efficace dansl’ensemble des pays participants. Ce développement decapacités est apparu primordial en raison des carencesconsidérables dans de nombreux pays. Cette assistances’est concrétisée non seulement dans l’allocation decrédits mais encore dans la formation des responsablesnationaux aux questions clés de biosécurité au coursd’ateliers. Aussi, un aspect essentiel du projet réside dansla mise à disposition des pays de ‘boîtes à outils’ quidétaillent les exigences internationales et les moyens des’y conformer au niveau interne. Néanmoins, le projet

connaît des limites qui sont principalement imputablesà l’ampleur des lacunes observées dans beaucoup depays. En particulier, les formations dispensées et le tempsaccordé à la réalisation des CNB se sont avérésinsuffisants. Les déficits en terme de personnelcompétent, de capacités de recherche, de matériel sontégalement de nature à compromettre la mise en placede mécanismes de biosécurité satisfaisants.

Le présent article a donc pour objectif d’analyser lesperspectives de réformes en matière de développementde la biotechnologie et de la biosécurité dans certainspays ouest-africains ayant terminé la phase d’élaborationde leur CNB. Cette approche se justifie dans la mesureoù le Protocole et le projet PNUE-FEM encouragentfortement une coopération de type régional ou sous-régional. En outre, tous les pays étudiés sont membresd’une même organisation d’intégration, la CommunautéEconomique des États de l’Afrique de l’Ouest(CEDEAO). Les pays visés sont la Côte d’Ivoire, leBurkina Faso, le Ghana, la Guinée, le Niger, le Togo, leSénégal, le Mali et le Bénin.

Le projet PNUE-FEM incite donc les États à opérerdes réformes dans le domaine de la protection del’environnement, de l’agriculture, de la santé ainsi quedes habitudes socio-économiques. La nécessité de cesréformes est patente dans le cadre ouest-africain. Ellesse divisent en plusieurs catégories qui font l’objet denotre article.

Cette étude aborde dans un premier temps la conceptionde mécanismes nouveaux de biosécurité. Il s’agit des’interroger sur les mécanismes que les pays étudiésenvisagent de mettre en place pour répondre auxexigences de sécurité biologique et à leurs orientationspolitiques en matière de biotechnologies. Ceci passe parl’élaboration de mécanismes institutionnels et de cadresréglementaires propres au domaine des biotechnologiespour combler les lacunes ou les vides juridiques dansces pays. Deuxièmement, il traite des différents élémentsde la procédure décisionnelle concernant les activitésbiotechnologiques. Bien que les pays étudiés en aientmodifié la portée, la contribution du Protocole deCartagena est substantielle dans ce domaine. Deuxprocédures ont été élaborées dans le Protocole: celle del’accord préalable en connaissance de cause et laprocédure applicable aux organismes vivants modifiés(OVM) destinés à l’alimentation humaine ou animale,ou à être transformés. Le Protocole a aussi créé les

Biosécurité - Afrique de l’ouest

8 PNUE/FEM, Renforcement des capacités pour la mise enœuvre du Protocole de Cartagena sur la Prévention desrisques biotechnologiques (PNUE, mars 2002), p. 15,disponible à http://www.unep.ch/biosafety/development/devdocuments/capbdgbrochFR.pdf.

9 Chiffres relevés le 8 janvier 2006. La liste des pays participantsau Projet PNUE FEM de développement des cadresnationaux de biosécurité est disponible à http://www.unep.ch/biosafety/parcountrieslist.htm. La liste despays ayant terminé cette première phase est disponible àhttp://www.unep.ch/biosafety/news.htm.

10 Les pays en développement ont également pris en compteles dispositions de la CDB, notamment de son article 8(g)précité, lors de l’élaboration de leur CNB.

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modalités de l’évaluation et de la gestion des risques etaffirmé implicitement le principe de précaution.Troisièmement, il est question de la participation dupublic. Les exigences en la matière ont été fortementreproduites dans ces pays avec des mécanismes desensibilisation, d’éducation et de consultation du publicrelativement élaborés dans la plupart. Enfin, l’articletraite de deux autres questions pertinentes liées à labiosécurité dans le contexte des pays d’Afrique del’Ouest étudiés. D’une part, les considérations socio-économiques ont largement été prises en compte dansles CNB mais avec des niveaux de normativité différents.D’autre part, la question de la responsabilité et de laréparation n’a pas fait l’objet d’une grande attention pourle moment, mis à part au Mali.

1LA CONCEPTION DE MÉCANISMESNOUVEAUX DE BIOSÉCURITÉ

La nécessité d’établir une politique nationale debiosécurité s’est manifestée dans le contexte du rapidedéveloppement des biotechnologies. L’enjeu estessentiel, surtout pour les pays en développement et enparticulier dans les pays étudiés. Bien souvent il estapparu que les questions liées à la biosécurité n’étaientpas prioritaires dans ces États, préoccupés par desquestions plus immédiates. Certains n’avaient pas mêmeréalisé l’importance du Protocole de Cartagena en lesignant.11 Cependant, la mise en place des CNB a étépour eux l’occasion de prendre la mesure des enjeuxqui sous-tendent les activités biotechnologiques. Ils ontainsi pu mesurer l’étendue de leurs carences en matièrede biosécurité et, partant, développer des politiquesnationales pour appréhender ces questions. Il s’agit pourles États de mettre en place une constructioninstitutionnelle et juridique afin d’assurer la gestion desbiotechnologies. Cela consiste d’abord à définir lesgrandes orientations de sa politique en matière debiotechnologies selon ses intérêts et préoccupations.

Ensuite, chaque État doit élaborer une armatureréglementaire afin d’éviter tout vide juridique. Celle-cipasse par une réforme des institutions nationales pourcréer des organismes responsables de la biosécurité.Cette réforme structurelle doit également s’accompagnerd’une réforme réglementaire visant à l’adoption denouvelles mesures applicables aux biotechnologies.Toutes ces réformes ont pour finalité d’arriver à unemeilleure gestion des activités liées aux biotechnologieset de limiter ainsi les risques potentiels surl’environnement, la santé ou l’agriculture.

A. Perspectives de réformesstructurelles: mise en place ouadaptation d’organismes nationauxpour veiller à l’application duProtocole.

Le Protocole est à l’origine de la mise en place denouveaux organismes nationaux chargés de sonapplication. Dans son article 2(1), celui-ci prévoit queles Parties doivent prendre les mesures juridiques,administratives et autres nécessaires et appropriées pours’acquitter de leurs obligations au titre du Protocole. Ladésignation des autorités compétentes fait partie desobligations imposées aux Parties. C’est ainsi qu’il estprévu que ‘chaque Partie désigne un correspondantnational chargé d’assurer en son nom la liaison avec leSecrétariat. Chaque Partie désigne également une ouplusieurs autorités nationales compétentes chargées des’acquitter des fonctions administratives qu’appelle leProtocole et autorisées à agir en son nom dansl’exécution de ces fonctions’.12

Dans l’ensemble des pays étudiés, il est nécessaire demettre en place de nouveaux organismes nationauxchargés de la biosécurité compte tenu de la nouveautéde la matière. Le CNB du Burkina Faso résume bien ceconstat:

Dans la pratique, les groupes d’acteurs qui onten charge la mise en œuvre des politiques etstratégies n’ont jusque là pas fonctionné dansun cadre national formel, consacré auxquestions liées à la sécurité en biotechnologie.Dans ce contexte, une des tâches à accomplir

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11 Voir UNEP/GEF, Building Biosafety Capacity inDeveloping Countries: Experiences of the UNEP-GEFProject on Development of National Biosafety Frameworks(UNEP/GEF, 2005), p. 8. 12 Article 19(1), Protocole de Cartagena, note 2 ci-dessus.

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est de convenir des dispositionsinstitutionnelles à prendre en matière desécurité en biotechnologie, qui désignentclairement les structures compétentes dans ledomaine, notamment pour ce qui concerne laréception et le traitement des demandesd’autorisation d’importer les OGM ainsi quele processus à suivre pour la prise de décision.13

Les cadres nationaux ont largement pris la mesure del’importance d’une bonne coordination entre lesorganismes, de leur cohérence. La structure retenue parun pays dépend de l’existence préalable d’organismesayant un rôle équivalent dans d’autres domaines (telsque la santé, l’agriculture ou l’environnement) et desressources disponibles pour assurer la régulation de labiosécurité.14 L’une des difficultés lors de la mise enplace des structures nationales a été de déterminerquelles autorités allaient avoir le rôle d’autoritésresponsables de la biosécurité. En effet, la sécuritébiologique est un domaine transversal pouvant impliquerplusieurs organismes gouvernementaux.15 Il était doncnécessaire de ‘clarifier les missions et responsabilités dechaque structure (…)’.16

Au Mali, par exemple, les institutions suivantes sontchargées de veiller à l’application du Protocole:

• le Ministère chargé de l’environnement remplit lafonction d’Autorité nationale compétente (ANC).Il est chargé de définir les grandes lignes de lapolitique nationale en matière de biosécurité et dela délivrance des autorisations pour les activités liées

aux biotechnologies, sur la base desrecommandations du Comité national de biosécurité;

• le Secrétariat technique permanent du cadreinstitutionnel de la gestion des questionsenvironnementales assure le rôle de Secrétariat del’ANC, de Correspondant national du protocole etde Point de contact des notifications;

• le Comité national de biosécurité et debiotechnologies, composé de membres de différentsdépartements ministériels, de la société civile, desacteurs privés et des organisations socio-professionnelles, est chargé d’examiner les demandesd’autorisation pour l’importation, l’expérimentationou l’exportation des biotechnologies et de fournirdes recommandations à l’ANC sur la base destravaux des différentes Commissions spécialisées;

• les Commissions spécialisées conduisent les étudeset les recherches dans leur domaine de compétenceet fournissent des rapports au Comité national debiosécurité. Trois Commissions sont prévues dansce cadre: la Commission d’évaluation et de gestiondes risques, la Commission participation du publicet la Commission juridique et de réglementation;

• le Comité public de biosécurité est chargé de veillerà la transparence des décisions et d’exercer une bio-surveillance/bio-vigilance;

• le mécanisme de participation du public est unconcept regroupant un ensemble de programmeset de mesures politiques afin de veiller à la diffusionet à la transparence des informations ainsi qu’àl’appropriation par le public des questions liées auxbiotechnologies.

Les mêmes fonctions se retrouvent dans l’ensemble desCNB des pays étudiés. Le Protocole ainsi que leProgramme PNUE-FEM ont fortement contribué à ceconstat. Cependant, il existe des différences notablesselon les pays quant aux structures institutionnelles.Aucune forme structurelle n’a été imposée aux États.Ils sont donc libres dans la répartition de ces fonctionsentre les différents organismes; ceci afin de permettreune adaptation optimale aux particularités politiques,institutionnelles et culturelles nationales. Par conséquent,un seul organisme peut remplir plusieurs des fonctionsmentionnées ci-dessus.

Biosécurité - Afrique de l’ouest

13 CNB du Burkina Faso, p. 39, disponible à http://www.unep.ch/biosafety/Countryreports/BFNBFrep.pdf.

14 Voir UNEP-GEF, Projet PNUE-FEM sur le développementde cadres nationaux de biosécurité, Module de la boîte àoutils pour la PHASE 3, Partie (ii): Systèmes administratifsde traitements des demandes, p. 6, disponible à http://www.unep.ch/biosafety/development/devdocuments/ToolkitBSF3iiFR.pdf.

15 CNB du Burkina Faso, note 14 ci-dessus, p. 21. Dans unpays comme le Burkina Faso, on dénombre septDépartements Ministériels concernés dont notamment leMinistère de l’Agriculture, de l’Hydraulique et des RessourcesHalieutiques, le Ministère de l’Environnement et du Cadrede Vie, le Ministère des Ressources Animales, le Ministèredu Commerce, de la Promotion de l’Entreprise et del’Artisanat et le Ministère de la Santé.

16 CNB de la Guinée, p. 50, disponible à http://www.unep.ch/biosafety/development/Countryreports/GNNBFrep.pdf.

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• ses décisions finales concernant l’importation oula libération d’organismes vivants modifiés;

• les OGM exemptés de la procédure d’accordpréalable en connaissance de cause;

• les renseignements relatifs aux cas de mouvementstransfrontières illicites;

• les rapports sur la mise en œuvre des obligationsau titre du Protocole, élaborés pour la Conférencedes Parties siégeant en tant que réunion des Partiesau Protocole; etc.19

Ce centre, par sa facilité d’accès, permet une plus grandetransparence dans le cadre de la mise en œuvre duProtocole et, partant, il assure une meilleure participationdu public. Il permet également aux opérateurséconomiques de bénéficier d’une base de données utilespour leurs activités. Enfin, du point de vue des pays endéveloppement qui souffrent de carences importantesen matière de capacités d’expertise scientifique, le centrepeut se révéler être d’une grande utilité dans la prise dedécisions. Pour ce faire, il faudrait que les informationsqui y sont publiées soient plus complètes. Par exemple,il serait profitable que les pays en développementpuissent disposer, à la place des simples résumés, desévaluations complètes de risques. Dès lors, ils pourraienteffectivement se baser sur des études publiées par lespays développés pour prendre leur décision concernanttelle ou telle activité liée aux biotechnologies envisagée.Bien entendu, tous ces espoirs reposent sur la seulecondition que les Parties jouent effectivement le jeu etque le centre remplisse efficacement son rôle. Pour lemoment, quelques informations sont disponibles aucentre d’échange mais il est encore loin de remplirl’ensemble des fonctions que lui a attribué le Protocoledu fait de sa mise en place progressive dans chacun despays Parties au Protocole.20

Par exemple, dans le CNB du Sénégal, seuls sont prévusune Autorité nationale de biosécurité et un Comiténational de biosécurité, concentrant ainsi à eux deuxl’ensemble des fonctions.17 A l’inverse, le projet du Togoprévoit sept organismes nationaux pour répondre auxexigences du Protocole.18

Chacun des cas de figure présente des avantages et desinconvénients qui, a priori, ne permettent pas de seprononcer pour l’une ou l’autre. Avec un mécanismedécentralisé de prise de décision, on peut craindre unecoordination moindre, des délais plus longs ou encoreune absence de définition claire des fonctions et desprérogatives. Au contraire, un tel mécanisme peuts’avérer très respectueux du dialogue et multiplier lesniveaux de contrôle. En revanche, un mécanismeconcentré peut apparaître plus efficace et apporter unecertaine clarté dans la répartition des prérogatives, mêmesi d’un autre côté les décisions prises peuvent semblermoins participatives.

Au plan international, le Protocole a mis en place unmécanisme commun d’échange d’informations appeléCentre d’échange sur la prévention des risquesbiotechnologiques. Celui-ci apparaît comme un outilessentiel dans la mise en œuvre des dispositions duProtocole. Les autorités nationales compétentes doiventcommuniquer au Centre plusieurs types d’informationsen vertu de l’article 20(3). Le Togo, conformément àcette disposition, a prévu de communiquer notamment:

• toutes les lois, réglementations et directivesnationales en vigueur visant l’application duProtocole, ainsi que les informations requises parles Parties dans le cadre de la procédure d’accordpréalable en connaissance de cause;

• tout accord ou arrangement bilatéral, régional oumultilatéral;

• un résumé des évaluations des risques ou des étudesenvironnementales relatives aux organismes vivantsmodifiés (OVM) effectuées conformément auxdispositions du Protocole;

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17 CNB du Sénégal, p. 8, disponible à http://www.unep.ch/biosafety/development/Countryreports/SNNBFrep.pdf.

18 CNB du Togo, pp.72-82. Disponible sur http://www.unep.ch/biosafety/development/Countryreports/TGNBFrepFR.pdf.

19 CNB Togo, note 18 ci-dessus, pp. 74-75.20 Un projet visant à répondre aux besoins urgents des pays

en matière d’accès et de participation au Centre d’échangea été mis en place par le PNUE-FEM en mars 2004. Ils’intitule Renforcement des capacités pour uneparticipation efficace des Parties au Centre d’échange surla prévention des risques biotechnologiques. Lesrenseignements sur ce projet sont disponibles surhttp://www.unep.ch/biosafety/BCH.htm.

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B. Perspectives de réformeslégales: création ou modificationd’un cadre réglementaire national

Dans l’ensemble, les pays analysés ne disposent pas decadre réglementaire spécifique aux biotechnologies etrépondant aux obligations du Protocole. Le CNB duBurkina Faso admet cette carence:

S’il est vrai qu’il existe au niveau nationalplusieurs textes législatifs et réglementairesconsacrés à la gestion des ressources naturelleset à la santé humaine et animale, et qui peuventêtre appliqués indirectement à la sécurité enbiotechnologie, il est aussi vrai que notre paysne dispose pas encore d’un cadre nationalspécifique pour la sécurité en biotechnologie,conforme au Protocole.21

Le développement des CNB a été l’occasion pour euxde concevoir de tels cadres. Le premier travail, pour cesÉtats, a été de faire l’inventaire de l’ensemble des mesuresnationales dans le domaine des biotechnologies oususceptibles de leur être appliquées. Cette première phasea permis aux pays d’avoir un aperçu de l’état de leurlégislation et de leurs infrastructures par rapport auxobligations du Protocole mais également par rapport àleurs besoins en matière de protection del’environnement, de l’agriculture, de la santé. Sur la basede ces études, le groupe chargé du développement duCNB décide de la meilleure façon d’aménager le systèmejuridique national. Dans ce cadre, plusieurs options seprésentent selon l’état de la législation nationale et desintérêts nationaux. Un pays peut décider soit d’élaborerune réglementation entièrement nouvelle, soit d’adapterla législation existante. Les pays qui constituent l’objetde notre étude ont généralement opté pour la premièresolution. Plusieurs raisons expliquent ce choix:l’opportunité que constitue pour eux le soutien financieret technique dans le cadre du Programme PNUE-FEM,l’absence de prise en compte des risques liés auxbiotechnologies ou encore l’inapplication desréglementations en vigueur dans des domaines connexes.Le CNB du Sénégal le reconnaît explicitement en disposant:

Compte tenu des nombreuses lacunesobservées (méconnaissance et non application

des lois et règlements en vigueur, inadaptationpar rapport aux provisions du Protocole deCartagena, absence de prise en compte durisque lié au caractère génétiquement modifié,etc.), il est apparu non seulement nécessaire,mais encore urgent d’élaborer un cadre quiréglemente de manière spécifique les OGMau Sénégal tout en étant cohérent avec lesengagements sur le plan interne (national) etexterne (international).22

Néanmoins, ces pays sont conscients de la nécessité deprendre en compte et d’adapter les législations nationalesexistantes qui peuvent avoir un lien avec l’importationou l’exportation d’OGM. C’est pourquoi ils ont précisédans leur CNB que certaines mesuresenvironnementales, agricoles ou commerciales existantespourraient être applicables après leur adaptation.

Enfin, le cadre réglementaire peut être contenu dansdivers instruments normatifs selon les pays et leursintérêts. Ces instruments peuvent prendre la forme d’uneloi, d’un règlement, d’un décret ou encore d’une directive.Il est fréquent que la forme législative (accompagnéeou non d’un décret) soit retenue notamment parce qu’ellepermet un large débat sur les orientations du pays dansle domaine des biotechnologies. Néanmoins, il ne fautporter une attention démesurée à la dénomination del’instrument juridique dont le niveau de normativité peutvarier d’un pays à l’autre. L’essentiel réside dans safonctionnalité, sa faisabilité et sa pérennité. Sonadaptabilité est également importante dans la mesureou la biotechnologie est en évolution permanente.

2LES DIFFÉRENTS ÉLÉMENTS DE LAPROCÉDURE DÉCISIONNELLEDANS LES PAYS ÉTUDIÉS

De façon liminaire, il convient de souligner l’importanced’établir des procédures réalistes et techniquementapplicables pour chacun des pays. Le Protocole prévoitdes procédures de prise de décisions souples que les

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21 CNB du Burkina Faso, note 14 ci-dessus, p. 16. 22 CNB du Sénégal, note 17 ci-dessus, p. 7.

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États adaptent et intègrent dans leur CNB. Il leurappartient de mettre en place une procéduredécisionnelle adaptée à leurs capacités financières,techniques et à leurs besoins, tout en étant conforme auminimum requis par le Protocole.

A. Les dif férents types deprocédures dans les pays analysés

Avant d’exposer les différentes procédures adoptées parces pays, il est important de noter que le Protocole neréglemente pas les mouvements transfrontières de tousles organismes vivants modifiés. Il existe divers cas oùles procédures qu’il met en place ne s’appliquent pas.C’est le cas pour:

• les OVM autres que ceux résultant de labiotechnologie moderne et susceptibles d’avoir deseffets défavorables sur la conservation et l’utilisationdurable de la biodiversité, compte tenu des risquespour la santé humaine;

• les produits pharmaceutiques destinés à l’hommerelevant d’autres accords;

• les organismes vivants modifiés en transit oudestinés à un usage en milieu confiné;

• les mouvements transfrontières autres que lepremier d’un même OVM;

Néanmoins, rappelons également que le Protocolen’interdit pas aux Parties de prendre des mesures plusrigoureuses, à condition que celles-ci soient compatiblesavec l’objectif et les dispositions du Protocole et qu’ellesrespectent le droit international. Dans l’ensemble, leProtocole prévoit trois procédures administrativesdistinctes selon le type d’OVM et selon l’utilisationenvisagée pour cet OVM. Cependant, les positions despays sont partagées sur les procédures. Il se dégage deuxtendances distinctes: certains pays établissent desprocédures semblables à celles préconisées par leProtocole alors que d’autres ont choisi de soumettretous les OGM à une même procédure. Dès lors, onrecense d’une part une procédure commune à l’ensembledes États étudiés mais au champ d’applicationdifférent selon les pays; et d’autre part, des procéduresdistinctes selon le type d’OGM ou de son utilisationenvisagée.

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1. Une procédure commune mais au champd’application différent: l ’accordpréalable en connaissance de cause

La procédure principale établie par le Protocole est sansdoute celle de l’accord préalable en connaissance decause.23 Elle donne la possibilité à l’État d’importationd’accepter ou de refuser l’entrée d’un OVM sur sonterritoire; cette décision se basant sur une procédure denotification et d’évaluation des risques conforme auProtocole. Cette procédure s’applique ‘avant le premiermouvement transfrontière intentionnel d’organismesvivants modifiés destinés à être introduitsintentionnellement dans l’environnement de la Partieimportatrice’.24

Le CNB du Mali reproduit assez fidèlement les exigencesdu Protocole. Avant tout mouvement transfrontière, lepays exportateur (ou l’exportateur) doit notifier par écritson intention à l’Autorité nationale compétente. Unmécanisme de participation du public et de prise encompte de son avis est prévu dés la réception de lanotification par l’ANC. Cette notification doit contenirun minimum d’informations précises permettantnotamment d’identifier exactement l’OGM et sescaractéristiques. Chaque État doit veiller à ce qu’il y aitresponsabilité juridique quant à l’exactitude desinformations fournies. C’est ainsi que dans le cas duMali, ‘les informations fausses, les déclarationsmensongères et toutes autres manœuvres frauduleusesen vue d’obtenir une autorisation (…)’ constituent desinfractions en matière de biosécurité.25 On notecependant que certains pays n’ont pas encore prévu cetteresponsabilité juridique dans leur cadre national debiosécurité. A son tour, l’ANC adresse à l’auteur unaccusé de réception dans les 90 jours selon certainesmodalités. Par la suite, et après une procédured’évaluation des risques sur laquelle nous reviendrons,l’ANC fait connaître soit son accord pour le mouvementtransfrontière, assorti ou non de conditions, soit sonrefus ou encore son besoin de renseignements ou dedélais supplémentaires pour se prononcer. Le notifiantdoit fournir à l’ANC la preuve qu’il a les moyens de

23 Articles 7 à 10 et l’Annexe I, Protocole de Cartagena, note 2ci-dessus.

24 Article 7(1), Protocole de Cartagena, note 2 ci-dessus.25 CNB du Mali, p. 49, disponible à http://www.unep.ch/

b i o s a f e t y / d e v e l o p m e n t / C o u n t r y r e p o r t s /MLNBFrepFR.pdf.

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remplir ses obligations sous peine de voir sa demandeaccueillie par une fin de non recevoir.

Selon le Protocole, la décision finale peut faire l’objetsoit d’un réexamen par l’État importateur soit d’unedemande de révision par l’État exportateur (ou lenotifiant) dans deux cas:

• lorsqu’il y a un changement de circonstances denature à influer sur les résultats de l’évaluation derisques qui ont fondé la décision;

• lorsque des renseignements scientifiques outechniques supplémentaires sont disponibles.26

Or les dispositions du CNB malien sur ce pointapparaissent plus restrictives dans la mesure où il nesemble pas accorder au notifiant le droit à une révisionen sa faveur. En effet, il prévoit la possibilité pour l’ANCde retirer l’autorisation ou de la soumettre à desconditions supplémentaires en cas d’identification d’unrisque jusque-là inconnu pour la santé humaine, ladiversité biologique ou l’environnement. L’ambiguïtéréside dans la disposition suivante: ‘Si le notifiant aconnaissance de nouveaux éléments d’informationspertinents, il doit en informer l’Autorité NationaleCompétente dans les plus brefs délais’.27 Cettedisposition ne laisse pas présumer de l’existence d’undroit accordé au notifiant de faire réviser la décision ensa faveur mais plutôt d’une obligation de transparencereposant sur ses épaules.

Le Mali, comme le permet le Protocole, a mis en placeune procédure simplifiée lorsque, de l’avis de l’ANC, ‘iln’y a pas de risques significatifs pour la santé humaine,la diversité biologique ou l’environnement’.28 Cetteprocédure permet à la Partie importatrice de déclarerau Centre d’échange, les cas où le mouvementtransfrontière peut avoir lieu au même moment que lanotification ou encore les importations d’OVM exemptésde l’accord préalable en connaissance de cause. Cetteprocédure simplifiée n’a pas été retenue par d’autres pays,comme la Côte d’Ivoire.

Globalement, le déroulement procédural est de natureà favoriser une prise de décision éclairée et respectueusedes objectifs de protection du Protocole en matièred’environnement, d’agriculture et de santé. Cependantun sérieux bémol doit être apporté à ce constat. En effet,le champ d’application de cette procédure est tellementrestreint que l’on se trouve en réalité devant un régimed’exception. En pratique, ‘la procédure de l’accordpréalable en connaissance de cause s’appliqueprincipalement aux semences et aux micro-organismes,qui constituent seulement une faible part des produitsgénétiquement modifiés’.29

C’est pourquoi, dans le cas de la Côte d’Ivoire, on assisteà une extension du champ d’application de l’accordpréalable en connaissance de cause. Son CNB, aprèsavoir rappelé le champ d’application de la procédure dansle cadre du Protocole, stipule que:

Il y est par conséquent exclut:

• toute importation ultérieure portant sur lemême OVM: la loi nationale doit préciser quel’accord préalable en connaissance de cause estexigé pour le même type d’OVM enprovenance d’une Partie exportatrice autre quela première;

• tout OVM qui n’est pas destiné à l’introductionintentionnelle dans l’environnement de laPartie exportatrice: le protocole ne prévoit pasexpressément de mesures pour les cas oùl’OVM déclaré comme n’étant pas destiné àêtre introduit dans l’environnement, peut êtredétourné de son utilisation initiale et seretrouver dans l’environnement. La loinationale doit prévoir des mesures deprotection de l’environnement pour ce cas defigure.30

Cette procédure, selon les pays, a également été étendueà d’autres domaines tels que les OGM produitslocalement.

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26 Article 12, Protocole de Cartagena, note 2 ci-dessus.27 CNB Mali, note 25 ci-dessus, p. 42.28 CNB du Mali, note 25 ci-dessus, p. 41et article 13(1)a et b,

Protocole de Cartagena, note 2 ci-dessus.

29 Voir E. Ricci, Biosafety Regulation – The Cartagena Protocol(Genève: RIBios et IUED, Les Cahiers du RIBios n°3, 2004),p. 22 (notre traduction).

30 CNB de la Côte d’Ivoire, p. 22, disponible à http://www.unep.ch/biosafety/development/Countryreports/CINBFrep.pdf.

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2. Des procédures différentes selon le typed’OGM ou de son utilisation envisagée

Malgré l’insistance de nombreux pays en développementpour les soumettre à la procédure d’accord préalable enconnaissance de cause, le Protocole a laissé une grandelatitude d’action aux États Parties en ce qui concerneles OVM destinés à l’alimentation humaine ou animale,ou à être transformés.31 Sous la seule condition qu’ellesoit conforme à l’objectif du Protocole, un pays peutprendre toute décision concernant les OVM en question.Les États en développement ou les économies entransition ne disposant pas de réglementation sur cesOVM peuvent déclarer au Centre d’échange que leurdécision sera prise à la suite d’une évaluation des risqueset dans un délai inférieur à 270 jours. Enfin, une aidetechnique, financière et en développement des capacitésest prévue pour ces pays s’agissant des OVM directementdestinés à l’alimentation humaine ou animale, ou à êtretransformés.

Par exemple, pour le Mali il en résulte principalementune obligation de notification particulière,conformément au Protocole: ‘La décision définitive priseconcernant l’utilisation d’un OVM pour l’alimentationhumaine ou animale ou la transformation sur le territoirenational, y compris la mise sur le marché, estcommuniquée au Centre d’Echange dans les 15 jourssuivant la décision avec les informations de l’annexe IIdu Protocole’.32

Certains États, à l’instar du Protocole, traitentséparément les OVM directement destinés àl’alimentation humaine ou animale, ou à latransformation. C’est le cas de la Guinée dont le CNBprévoit que ‘[l]a législation nationale reposeraessentiellement sur l’application de la procédure d’accordpréalable en connaissance de cause (…) La législationdevra comporter également, une procédure particulièrepour le cas des organismes vivants modifiés destinés àêtre utilisés directement dans l’alimentation humaine ouanimale, ou à être transformés (…)’.33

Le Mali a adopté la même position que son voisin ouest-africain en établissant une procédure distincte pour cetype d’OVM:

Toute personne souhaitant importer unorganisme génétiquement modifié ou unproduit d’organisme génétiquement modifiédirectement destiné à l’alimentation humaineou animale ou à la transformation, devrasoumettre à l’Autorité Nationale Compétenteune demande par écrit comprenant uneréférence à l’information sur le matériau quise trouve au Centre d’échanges.34

Le Togo prévoit aussi que ‘les premières importationsde ces OGM seront soumises à une évaluation desrisques et à une autorisation préalable différente del’APCC’.35 Dans le cas de la Guinée, du Mali et du Togola procédure de décision n’est ni plus ni moins qu’uneorientation pour le moment.

En revanche, d’autres pays comme la Côte d’Ivoire,soumettent ces OGM à la procédure d’accord préalableen connaissance de cause: ‘Toute utilisation d’OGM enCôte d’Ivoire, quelles qu’en soient les raisons, doivent(sic) faire l’objet d’une autorisation préalable donnée enconnaissance de cause [APCC] par le gouvernementaprès avis de CNBIOS. Aucun OGM n’est parconséquent exempt de la procédure d’APCC’.36

Enfin, le caractère sous-développé du Protocole enmatière d’OVM en transit ou destinés à être utilisés enmilieu confiné est à l’origine de la disparité desprocédures selon les pays. En effet, il ne met pas enplace une procédure mais procède par renvoi auxlégislations nationales. La seule règle précisée par leProtocole est que les mouvements transfrontières detels OVM doivent se faire conformément aux normesde la Partie importatrice.37 Les États doivent eux-mêmesadopter des mesures nationales de protection concernantl’utilisation d’OGM en milieu confiné ou en transit.

On assiste alors à l’établissement de règles disparatesqui, selon les pays, mettent en place des mécanismesd’autorisation rigoureux ou requièrent une simplenotification. Ainsi que nous l’avons évoqué, certainsCNB soumettent ces OGM à la procédure de l’accordpréalable en connaissance de cause. Alors que d’autresimposent des formalités d’autorisation plus souples.

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31 Article 11, Protocole de Cartagena, note 2 ci-dessus.32 CNB du Mali, note 25 ci-dessus, p. 42.33 CNB de la Guinée, note 16 ci-dessus, p. 35.

34 CNB du Mali, note 25 ci-dessus, p. 40.35 CNB du Togo, note 18 ci-dessus, p. 66.36 CNB de la Côte d’Ivoire, note 30 ci-dessus, p. 27.37 Article 6(1) et (2), Protocole de Cartagena, note 2 ci-dessus.

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OGM qui doit faire l’objet d’une évaluation de risques.Effectivement, une évaluation de risques est requise pourtout premier mouvement transfrontière d’OGM, mêmes’il s’agit d’une importation ultérieure d’un même OGMen provenance d’une Partie exportatrice autre que lapremière.

L’évaluation des risques doit avoir lieu avant toute prisede décision et ‘selon des méthodes scientifiqueséprouvées, conformément à l’annexe III et en tenantcompte des méthodes d’évaluation des risquesreconnues’.41

En substance, la procédure d’évaluation, décrite dansl’annexe III du Protocole, repose sur plusieurs étapes:

• l’identification d’un risque potentiel d’effetdéfavorable sur la diversité biologique ou la santéhumaine;

• l’évaluation de la probabilité que ces effetsdéfavorables surviennent compte tenu descaractéristiques de l’OVM et de son milieu récepteurpotentiel probable;

• l’évaluation des conséquences qu’auraient ces effetsdéfavorables s’ils survenaient;

• et enfin, une estimation du risque globale sur labase de l’évaluation de la probabilité de survenancedes effets défavorables identifiés et de leursconséquences.

Mais les pays ouest-africains ont étendu la nature desrisques concernés en y ajoutant les considérationsd’ordre socio-économiques, culturelles ou éthiques. Parexemple, le Mali prévoit notamment la prise en comptedes menaces pesant sur les valeurs sociales, culturelles,éthiques et religieuses des communautés lors del’évaluation des risques.42

Le coût de l’évaluation peut être à la charge de l’auteurde la notification si la Partie importatrice l’exige. Dansl’ensemble, les CNB étudiés prévoient que le notifiantsupporte la charge financière de cette évaluation:‘L’autorité Nationale Compétente fait supporter au

C’est le cas du CNB du Ghana qui exige une simpleautorisation écrite de l’autorité nationale compétentepour les OGM destinés à un usage confiné.38 De même,une autorisation écrite de l’Autorité nationale est requisepour les OGM en transit et le notifiant doit s’assurerque ceux-ci sont emballés de façon appropriée ettransportés conformément aux réglementations etstandards internationaux.39

En définitive, certains pays ouest-africains n’établissentpas de réglementation différente selon le type d’OGMou selon l’utilisation envisagée. Ces positions reflètentune certaine réserve vis-à-vis des OGM en lessoumettant sans distinction à une procédure relativementlourde.

B. Evaluation et gestion desrisques

1. Evaluation des risques

Au cours de la procédure d’autorisation d’un mouvementtransfrontière d’OVM, une évaluation des risques doitêtre réalisée. Ainsi que nous l’avons évoqué, cetteévaluation n’est requise que dans le cas d’un premiermouvement transfrontière intentionnel d’OVM destinésà être introduits intentionnellement dansl’environnement.

Cependant, l’ensemble des pays étudiés a étendu lechamp d’application de la procédure d’évaluation desrisques. En premier lieu, les OVM destinés à uneintroduction intentionnelle dans l’environnement ne sontpas les seuls visés. C’est ainsi que le CNB du Mali prévoitque ‘aucune décision d’importation, d’utilisationconfinée, de dissémination ou de mise sur le marchéd’un [OGM] ou d’un produit dérivé [d’OGM] ne peutêtre prise par l’Autorité Nationale Compétente sansévaluation préalable des risques pour la santé humaine,la diversité biologique et l’environnement, notammentses conséquences socio-économiques et culturelles’.40

En second lieu, dans le cas de la Côte d’Ivoire, ce n’estpas seulement le premier mouvement transfrontière d’un

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38 CNB du Ghana, p. 41, disponible à http://www.unep.ch/biosafety/development/countryreports/GHNBFrep.pdf.

39 Id. p. 42.40 CNB du Mali, note 25 ci-dessus, p. 43.

41 Article 15, Protocole de Cartagena, note 2 ci-dessus.42 CNB du Mali, note 25 ci-dessus, p. 61.

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notifiant tous les frais liés à l’établissement du rapportd’évaluation des risques ou à l’évaluation des risques’.43

Cette disposition renverse la charge de la preuve parrapport aux règles habituelles en matière de commerceinternational. Celle-ci peut être considérée comme unedérogation aux règles de l’OMC, notamment de l’Accordsur l’application des mesures sanitaires et phytosanitaires.Dans cet Accord, il revient à l’État importateur dejustifier sur une base scientifique les mesures deprotection qu’il adopte et, par conséquent,d’entreprendre les évaluations de risques, à sa charge.Mais étant donné l’incertitude qui entoure lesbiotechnologies modernes et le peu de moyens dontdisposent les pays ouest-africains, cette disposition estessentielle pour remplir leurs objectifs de sécuritébiologique.

Enfin, l’ensemble des pays étudiés opère également uneclassification des OVM selon leur niveau de risque pourla biodiversité et la santé humaine et animale.44 Enthéorie, cette évaluation des risques est de nature àfavoriser un cadre de biosécurité satisfaisant. Cependant,la faible capacité scientifique des pays en développementdans le domaine des biotechnologies pourraitcompromettre son efficacité. Beaucoup d’entre eux, àl’image du Niger, reconnaissent qu’ils ne disposent paspour le moment des outils ni des compétencesnécessaires pour assurer de telles évaluations.45 C’estune des raisons pouvant expliquer le retard pris parcertains pays dans l’adoption d’une réglementationnationale à la suite de leur cadre national de biosécurité.

2. Gestion des risques

La gestion des risques dans le cadre du protocole estconçue comme passant par la prévention. C’est ainsique l’article 16(2) stipule que ‘[d]es mesures fondées surl’évaluation des risques sont imposées dans la mesurenécessaire pour prévenir les effets défavorables del’organisme vivant modifié sur la conservation etl’utilisation durable de la diversité biologique, y comprisles risques pour la santé humaine, sur le territoire de laPartie importatrice’.

Dans cette perspective, le CNB de la Côte d’Ivoire opèreune distinction pertinente des implications de la gestiondes risques selon le caractère de ces derniers. Dès lors,il envisage des régimes de gestion différents selon quele risque est calculable – un dommage connu doncprévisible – ou inestimable a priori – un dommageinconnu donc imprévisible.46 Dans le premier cas, lagestion du risque passe par la prévention.47 Celle-ciimpose des solutions techniques issues d’une expertisescientifique non controversée. La gestion de ces risquesest à la charge des utilisateurs qui encourent dessanctions allant jusqu’au retrait de l’autorisation données’ils manquent à leurs obligations. Dans le second cas,les mesures de gestion relèvent du principe de précautionet reposent sur ‘l’éventualité des dommages, sur leurscausalités et/ou sur les facteurs qui en contrôlent lesfréquences’.48 L’incertitude pesant sur le risque et ledommage ne constitue pas un obstacle à l’adoption demesures préventives. Elle autorise, au contraire, quesoient prises des mesures visant à la réduction dedommages supposés mais non démontrés, ou dedommages avérés mais aux causes incertaines.49 Laresponsabilité de la gestion de ce type de risque estcollective. Elle doit reposer sur l’ensemble de la sociétécar l’activité génératrice potentielle du risque n’estacceptable que si elle est utile à l’ensemble de lacommunauté. Par conséquent, la décision finale doit êtrepolitique: ‘Concernant les risques inestimables a priori(…), la prise de décision ne peut se faire que lors d’unConseil des Ministres, car seul, le gouvernement peutdisposer d’éléments autres que les rapports scientifiquespour statuer sur l’acceptabilité d’un tel OGM’.50

Le CNB du Mali illustre le type de mesures que peuventprendre les États pour assurer une gestion des risques:

• développer des stratégies pour contenir les risques;

• prendre des mesures d’atténuation des effetsnégatifs provoqués par les OVM;

• soumettre tout OVM à une période d’observationcorrespondant à son cycle de vie ou à sa périodede génération;

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43 CNB du Mali, note 25 ci-dessus, p. 27.44 Par exemple, CNB du Togo, note 18 ci-dessus, p. 86.45 CNB du Niger, p. 33, disponible à http://www.unep.ch/

biosafety/development/Countryreports/NENBFrep.pdf.

46 CNB de la Côte d’Ivoire, note 30 ci-dessus, pp. 31-32.47 Id. p. 31.48 Id. p. 31.49 Id. p. 32.50 Id. p. 28.

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• interdire l’importation, l’utilisation confinée, ladissémination ou la mise sur le marché de tout OVMprésentant un risque inacceptable pour la santéhumaine, la diversité biologique, l’environnement,les conditions socio-économiques et culturelles;

• arrêter toute utilisation d’OVM en violation de laréglementation nationale;

• arrêter toute utilisation d’OVM constituant unemenace pour la santé humaine, la diversitébiologique et l’environnement;

• exiger le renforcement des mesures prises pouréviter ou limiter les risques;

• se substituer à une personne défaillante et à ses frais,dans la gestion d’un risque;

• prendre des mesures d’urgence en cas de dangerimminent sérieux pour la santé humaine ou animale,la biodiversité, l’environnement, les conditionssocio-économiques et culturelles ou l’ordre public;

· exiger au notifiant la production d’un rapport desuivi de la mise en œuvre d’une mesured’atténuation ou de suppression des risquesidentifiés.51

La gestion des risques concerne également lesmouvements transfrontières non intentionnels d’OVM.Les États doivent prendre les mesures nécessaires pouréviter de tels mouvements, y compris lors du processusd’évaluation des risques. Les CNB prévoient de tellesdispositions avec la mise en place de mécanismesd’urgence d’information du public et de protection dela santé, de la biodiversité et de l’environnement.52

Enfin, une coopération entre États et avec lesorganisations internationales est prévue dans leProtocole. Cette collaboration se déroule en deux temps.Avant la survenance d’un dommage, les États coopèrentdans l’identification et le traitement des OVM recélantpotentiellement des effets défavorables sur la biodiversitéou la santé humaine.53 Après la réalisation d’undommage, les États prévoient également une

coopération afin de parvenir à une gestion efficace decelui-ci.54 Dans cet objectif, l’ANC malienne, doitinformer les organisations gouvernementales et non-gouvernementales des pays susceptibles d’être touchésainsi que le Centre d’échanges sur la biosécurité.55

C. La mise en œuvre du principede précaution

Le principe de précaution n’apparaît pas de manièreexplicite dans le Protocole de Cartagena, en raison de laméfiance de certains États à son égard. Cependant,certaines dispositions ne laissent subsister aucun doutequant à son affirmation implicite. En premier lieu,l’article 10(6) concernant la procédure de décision ausujet des OVM destinés à une introduction intentionnelledans l’environnement stipule que:

[l]’absence de certitude scientifique due àl’insuffisance des informations etconnaissances scientifiques pertinentesconcernant l’étendue des effets défavorablespotentiels d’un organisme vivant modifié surla conservation et l’utilisation durable de ladiversité biologique dans la Partie importatrice,compte tenu également des risques pour lasanté humaine, n’empêche pas cette Partie deprendre comme il convient une décisionconcernant l’importation de l’organisme vivantmodifié en question […], pour éviter ouréduire au minimum ces effets défavorablespotentiels.

La même règle a été adoptée, mutatis mutandis, concernantles OVM destinés à être utilisés directement pourl’alimentation humaine ou animale ou à êtretransformés.56 Cette approche de précaution a étéreprise dans l’annexe III du Protocole de Cartagena.57

On est en présence d’une innovation juridiqueimportante en matière de protection de l’environnement.En effet, il s’agit du premier instrument de droitinternational à adopter des règles de précaution préciseset contraignantes, contrairement au Principe 15 de la

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51 CNB du Mali, note 25 ci-dessus, pp. 43-44.52 Id. p. 28.53 Article 16(5), Protocole de Cartagena, note 2 ci-dessus.

54 Notamment en application de l’article 17 du Protocole.55 CNB du Mali, note 25 ci-dessus, p. 29.56 Article 11(8), Protocole de Cartagena, note 2 ci-dessus.57 Paragraphe 4 de l’Annexe III, Protocole de Cartagena, note

2 ci-dessus.

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Déclaration de Rio qui relève de la soft law,58 c’est-à-diredu droit non contraignant.

Le CNB du Mali, propose une application stricte duprincipe de précaution.59 Il prévoit que: ‘[a]ucuneautorisation ne pourra être accordée si la preuve n’estpas établie que l’organisme génétiquement modifié oule produit dérivé d’organisme génétiquement modifiéest sans risque pour la santé humaine, la diversitébiologique ou l’environnement’.60 De plus, ‘[e]n casd’éventualité de dommages graves ou irréversibles,l’application du principe de précaution doit être larègle’.61 En revanche, certains CNB abordent de manièreplus souple le principe de précaution. Parmi eux, certainsparaissent laconiques ou réservés.62

Sur ce point, il existe un risque non négligeable deconfrontation entre le Protocole de Cartagena (et parconséquent des mesures nationales de sa mise en oeuvre)et les règles de l’OMC.63 Dans le cadre de l’OMC,l’Accord sur l’application des mesures sanitaires etphytosanitaires dispose:

Dans les cas où les preuves scientifiquespertinentes seront insuffisantes, un Membrepourra provisoirement adopter des mesuressanitaires et phytosanitaires sur la base desrenseignements pertinents disponibles, ycompris ceux qui émanent des organisationsinternationales compétentes ainsi que ceux quidécoulent des mesures sanitaires ouphytosanitaires appliquées par d’autres

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Membres. Dans de telles circonstances, lesMembres s’efforceront d’obtenir lesrenseignements additionnels nécessaires pourprocéder à une évaluation plus objective durisque et examineront en conséquence lamesure sanitaire ou phytosanitaire dans undélai raisonnable.64

Cet Accord a une portée plus large que celle duProtocole qui est spécifique aux OVM. Cependant, onvoit poindre les difficultés, d’autant plus que lesdifférends commerciaux sont tranchés par l’Organe derèglement des différends de l’OMC (ORD). On constatenotamment que le caractère provisoire des mesures,l’obligation pour l’État importateur de rechercher desrenseignements additionnels ainsi que l’examen de lamesure dans un délai raisonnable ne sont prévus ni dansle Protocole ni dans les pays concernés. A l’inverse de laconception restrictive du principe de précaution adoptéepar l’OMC, le Protocole établit une approche élargie duprincipe. Ainsi que nous l’avons déjà évoqué, leProtocole et les dispositions nationales renversent lacharge de la preuve et, partant, la font peser sur l’Étatexportateur. C’est une différence fondamentale dansl’application des mesures de précaution. Plusieursprécédents devant l’OMC, dont l’affaire du bœuf auxhormones,65 laissent présager l’adoption de laconception restrictive du principe de précaution en casde différend portant sur les OVM.66 Par ailleurs, l’affaireCE-Biotech dont est saisi l’ORD est en mesure de clarifierincessamment les rapports entre les règles de l’OMC etcelles du Protocole.67

Cette approche de précaution dans le Protocole soulèveune autre question essentielle sur la notion de ce qui estscientifique. En effet, peut-on prendre en considération

58 Voir Principe 15 de la Déclaration de Rio sur l’environnementet le développement, Rio de Janeiro, 14 juin 1992. Disponiblesur http://www.un.org/french/events/rio92/rio-fp.htm.

59 Voir également Union Africaine, African Model Law on Safetyin Biotechnology, Lusaka, Zambia, 2001. Disponible surh t t p : / / w w w . a f r i c a b i o . c o m / p o l i c i e s /MODEL%20LAW%20ON%20BIOSAFETY_ff.htm.

60 CNB du Mali, note 25 ci-dessus, article 25 de l’Avant-projetde loi relative à la sécurité en biotechnologie en Républiquedu Mali, p. 42.

61 Id. article 26.62 Par exemple, au Ghana, il n’est question que d’une ‘approche

de précaution’. CNB du Ghana, note 38 ci-dessus, p. 15.63 Ceci malgré la volonté des rédacteurs du Protocole d’éviter

une telle confrontation. A cet effet et à titre d’exemple, lepréambule stipule que le ‘ Protocole ne sera pas interprétécomme impliquant une modification des droits et obligationsd’une Partie en vertu d’autres accords internationaux envigueur ’.

64 Article 5(7), Accord sur les mesures sanitaires etphytosanitaires de l’OMC, disponible à http://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/15-sps.pdf.

65 Voir les différents rapports de l’Organe d’Appel et degroupes spéciaux dans l’affaire Communautés européennes-Mesures concernant les viandes et les produits carnés(hormones). Disponibles sur http://www.wto.org/french/tratop_f/dispu_f/cases_f/ds26_f.htm.

66 E. Ricci, note 29 ci-dessus, p. 43 et K. Garforth et al.,Biosafety Scoping Study (Montréal: CISDL, 2005), pp. 9-10.

67 Voir Affaire Communautés européennes – Mesures affectantl’approbation et la commercialisation des produitsbiotechnologiques. Disponible sur http://www.wto.org/french/tratop_f/dispu_f/cases_f/ds291_f.htm.

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les sciences humaines dans la décision finaled’autorisation ou de refus d’importation d’OGM? LesOGM peuvent avoir des effets défavorables sur lespopulations locales, c’est-à-dire sur leur organisationsociale, leur culture et leurs habitudes. Apparemment,dans le cadre du Protocole ou des CNB analysés, lanotion de ce qui est scientifique s’étend aussi auxsciences humaines dans la mesure ou les questions socio-économiques sont prises en compte lors de l’évaluationdes risques comme nous le verrons par la suite.

3LA PARTICIPATION DU PUBLIC

A. Sensibilisation du public

Le Protocole, souligne l’importance de la sensibilisationet de la participation du public aux activités liées auxOVM. Il y est prévu que les États Parties ‘encouragentet facilitent la sensibilisation, l’éducation et laparticipation du public concernant le transfert, lamanipulation et l’utilisation sans danger (…)’ des OVMdans un objectif de protection de la biodiversité et de lasanté humaine.68 Les Parties doivent également veillerà ce que le public dispose des informations relatives auxOVM qui peuvent faire l’objet d’une importation. Laplace accordée à la sensibilisation et la participation dupublic dans les CNB étudiés révèle l’importance de laquestion pour ces pays. Le domaine des biotechnologiesfaisant l’objet de vives confrontations à travers le monde,ces pays ne sont pas épargnés. C’est pourquoi ils tiennentà montrer qu’ils prennent en compte les inquiétudes dupublic au travers de processus participatifs souvent trèsélaborés. C’est ainsi que pour la Guinée:

Les enquêtes réalisées au cours desconsultations ont permis de faire le constatsuivant:

• très peu de personnes ont la notiond’OVM;

• la majorité des personnes rencontrées ontvaguement entendu parler des OVM maisne connaissent pas les enjeux liés à leurutilisation;

• Dès lors, on comprend bien la nécessitéde passer l’information au niveau detoutes les couches sociales pour que leterme OVM soit connu par tous lesGuinéens, car la société civile a un rôleimportant à jouer, notamment pour ladiffusion de l’information et lasensibilisation du public. L’acceptationpar le public des biotechnologies dépenddirectement de son niveau deconnaissance du problème, c’estpourquoi, il est important qu’il soit aucourant de tout et que rien ne lui soitcaché.69

Selon le CNB du Niger, ‘[l]’information constitue unélément de base indispensable à tout processusparticipatif, elle doit être disponible et facilementaccessible à tous. L’accès à l’information est unecondition sine qua non de la participation du public et unmoyen de tirer parti des avantages et d’éviter les risquesdes biotechnologies modernes’.70

Le PNUE/FEM, dans le cadre du projet dedéveloppement des structures nationales de biosécurité,explique que:

Le degré de participation indique commentune société fonctionne, et peut prendreplusieurs formes, selon le contexte culturel etpolitique de la société en question (…). Ledegré et le type de participation dépend (sic)des systèmes politiques et culturels d’un paysdonné, du niveau de gouvernance (locale ounationale), du type de décisions à prendre, etde l’authenticité de l’engagement à respecteret à apprécier les contributions de toutes lesparties prenantes. Les processus departicipation ont également besoin de temps.La participation, de par sa nature, est unphénomène politique puisqu’elle dépend du

Biosécurité - Afrique de l’ouest

68 Article 23(1)a, Protocole de Cartagena, note 2 ci-dessus.69 CNB de la Guinée, note 16 ci-dessus, pp. 45-46.70 CNB du Niger, note 45 ci-dessus, p. 44.

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degré de contrôle que les groupes et lesindividus ont sur des questions qui affectentleur vie.71

Toujours selon ce document, il existerait cinq formesde participation, qui sont: la responsabilisation, laconsultation, la participation interactive, la participationfonctionnelle et la participation passive.72

L’obligation de sensibilisation du public requiert uneadaptation aux spécificités socio-culturelles locales. Dansce sens, les CNB des pays ouest-africains prévoient, au-delà des moyens traditionnels d’information et desensibilisation, des moyens de participation directs telsque les ateliers de formation, les pièces de théâtre, deschants, des réunions de petits comités, l’intervention desautorités coutumières ou religieuses. Le Sénégal souligneque la sensibilisation et l’éducation du public passentégalement par l’intégration des questions liées auxbiotechnologies dans les programmes scolaires.

B. La consultation du public lorsdu processus décisionnel

La disposition centrale de la participation du public estl’obligation pour les pays de consulter la population lorsde la procédure de décision et de la tenir informée deson issue.73 L’ensemble des États a pris en compte cetterègle mais il en est résulté des mécanismes departicipation différents selon les pays. La consultationdu public reflète bien souvent la culture du pays ets’inspire des méthodes de consultation en vigueurconcernant d’autres questions de société.

Le point essentiel du mécanisme réside dans l’efficacitéde la communication qui doit atteindre les populationsdirectement concernées et leur donner l’opportunitéd’exprimer leurs points de vue. Cette question estd’autant plus délicate dans les pays en développementoù les moyens de communication sont réduits. Il y a unrisque non négligeable que des portions de populations

n’aient pas accès aux informations d’une manière oud’une autre. C’est pourquoi il apparaît essentiel que laconsultation du public soit adaptée aux spécificitéslocales.

Dans le cas du Mali, il est prévu un mécanisme departicipation effective du public tout au long de laprocédure de décision. On peut citer notammentquelques dispositions à titre d’illustration: l’ANC ‘devra,à la réception de la notification (…), rendre publiquesles informations pertinentes et avertir les ministèresconcernés’.74 Ou encore, ‘le public pourra donner sonavis par écrit dans un délai qui sera spécifié par l’AutoritéNationale Compétente. Toute personne qui récuse l’avisde l’Autorité Nationale Compétente peut solliciter unecontre expertise en prenant en charge les frais yafférents’.75 Il est également prévu que l’ANC ‘peutdécider d’organiser une consultation publiqueconcernant un projet d’importation, d’utilisationconfinée, de dissémination ou de mise sur le marché d’unorganisme génétiquement modifié ou d’un produitdérivé d’organisme génétiquement modifié.’76

‘L’Autorité Nationale Compétente doit, lors de l’examenou du réexamen de sa décision, tenir compte desopinions et des préoccupations du public, notammentles demandes de contre expertise le cas échéant’.77

A l’inverse, le Burkina n’a pas mis en place un systèmede consultation du public élaboré dans son CNB. Il yest simplement prévu que la prise de décision est laisséeà la discrétion des organes compétents, ‘avec la prise encompte des avis et observation du public, notammentles acteurs et les utilisateurs.’78 En substance, il ne prévoitla participation du public au processus décisionnel qu’aumoment de l’examen du rapport sur l’évaluation desrisques, ceci sans préciser les modalités de cetteparticipation.79

L’exigence de participation et de consultation du publicpose le problème de la préservation de la confidentialitéde certaines informations inhérente à l’activitééconomique. Dans ce sens, il est prévu que ‘l’AutoritéNationale Compétente ne divulgue à des tiers aucune

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71 PNUE/FEM, Trousse à outils – Phase 2 – Consultation etAnalyse, p. 5. Disponible sur http://www.unep.ch/b i o s a f e t y / d e v e l o p m e n t / d e v d o c u m e n t s /ToolkitBSF2FR.pdf.

72 Selon le PNUE/FEM, note 71 ci-dessus, il existe cinq modesde participation, responsabilisation, consultation, interactive,fonctionnelle et passive.

73 Article 23(2), Protocole de Cartagena, note 2 ci-dessus.

74 CNB du Mali, note 25 ci-dessus, p. 23.75 Id.76 Id.77 Id. p. 24.78 CNB du Burkina, note 14 ci-dessus, p. 30.79 Id. p. 31.

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information à caractère confidentiel si le notifiantdemande la confidentialité par écrit’.80 Il apparaît d’officeque certaines informations ne peuvent être tenues pourconfidentielles. Ce sont par exemple les informationsrelatives à la description de l’OGM, son lieu d’utilisationenvisagé, ses risques potentiels, ou encore lescoordonnées du notifiant. De plus, des informationsconfidentielles peuvent être divulguées dans l’intérêtgénéral après en avoir avisé le notifiant.

4AUTRES QUESTIONS PERTINENTESDANS LE CONTEXTE DES PAYSD’AFRIQUE DE L’OUEST ÉTUDIÉS

Les pays analysés ont accordé davantage d’importanceà certaines matières traitées par le Protocole qu’àd’autres. Par exemple, les réglementations liées à lamanipulation, le transport, l’emballage et l’identificationn’ont fait l’objet que d’un traitement succinct. Le CNBdu Mali, par exemple, prévoit simplement que ‘[t]outorganisme génétiquement modifié ou produit dérivéd’organisme génétiquement modifié sera clairementidentifié et étiqueté en tant que tel. L’identification doitmentionner spécifiquement ses traits et caractéristiquespropres suffisamment en détail pour assurer satraçabilité’.81 Cette disposition relève de la simpleorientation. D’autres CNB ne mentionnent pasl’obligation d’emballage, d’identification et d’étiquetage.Par conséquent, il apparaît que les pays attendent lesrésultats du processus d’élaboration des normes avantde mettre en place leurs mesures nationales en la matière.

A. Considérat ions socio-économiques

Le Protocole prévoit également la possibilité pour lesParties de prendre en compte des considérations socio-économiques, en particulier au regard de la valeur de labiodiversité pour les communautés autochtones.82 Cettedisposition vise à contrer le risque que des semences

génétiquement modifiées remplacent les semencestraditionnelles et affectent l’environnement local, laculture ou le savoir traditionnel.83 Cependant elle soulèved’épineuses questions.84 Quels genres de considérationssocio-économiques peuvent être prises en compte? Lesrègles du commerce international permettent-elles cetteprise en compte? Les États analysés ont différemmenttenu compte des considérations socio-économiques.

Par exemple, le CNB du Mali prévoit une prise encompte effective et contraignante des considérationssocio-économiques dans la procédure de décision. Sonprojet de loi dispose à son article 27:

L’Autorité Nationale Compétente ne peutdélivrer une autorisation que si elle s’assureque l’importation, l’utilisation confinée, ladissémination ou la mise sur le marché del’organisme génétiquement modifié ou d’unproduit dérivé d’organisme génétiquementmodifié: (…)

• ne nuit pas à l’environnement socio-économique; et

• répond aux valeurs éthiques et auxpréoccupations des communautés et nemenace pas les connaissances ettechnologies des communautés.85

D’autres CNB, à l’image de celui du Bénin, sont encoreplus explicites dans la définition des considérationssocio-économiques.86 Cependant, rien ne laisseprésumer du caractère contraignant de leur prise encompte dans les mesures nationales à venir.87

La difficulté majeure est de savoir dans quelle mesureles règles du commerce international vont tolérer la priseen compte de ces considérations socio-économiques. Al’OMC, elles pourraient être considérées comme desobstacles à la liberté du commerce et traitées commetels.

Biosécurité - Afrique de l’ouest

80 CNB du Mali, note 25 ci-dessus, p. 29.81 Id. p. 29.82 Article 26, Protocole de Cartagena, note 2 ci-dessus.

83 Voir E. Ricci, note 29 ci-dessus, p. 33.84 Voir K. Garforth et al., note 65 ci-dessus, pp. 13-14.85 CNB du Mali, note 25 ci-dessus, p. 42.86 CNB du Bénin, p. 24.87 Id.

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B. Responsabilité et réparation

Le Protocole aborde de manière très succincte lesquestions de la responsabilité et de la réparation. Celui-ci prévoit simplement que les Parties engagent ‘unprocessus visant à élaborer des règles et procéduresinternationales appropriées en matière de responsabilitéet de réparation pour les dommages résultant demouvements transfrontières d’organismes vivantsmodifiés (…)’.88 L’élaboration de telles règles doits’inspirer des travaux en cours en droit international etles Parties doivent s’efforcer d’achever les négociationsdans les quatre ans. Le Protocole ne se saisit que de laresponsabilité internationale des États et des personnesdans le domaine des biotechnologies. Cette approcheest en parfaite adéquation avec son objectif qui vise lesmouvements transfrontières d’OVM. Par conséquent,il appartient aux États d’élaborer leurs propres règlesinternes dans ce domaine.

Chaque pays doit par conséquent adopter un régime deresponsabilité qui convienne à ses besoins et orientationsen matière de protection de l’environnement, del’agriculture, de la santé et des habitudes socio-économiques.

Les questions de responsabilité et de réparation fontl’objet d’un traitement inégal dans les CNB. Le CNB duMali s’est fortement inspiré de la Loi modèle de l’UnionAfricaine et a mis en place un système de responsabilitéavancé. A titre d’exemple, il stipule que ‘[t]oute personnequi importe, utilise en milieu confiné, dissémine ou metsur le marché un organisme génétiquement modifié ouun produit dérivé d’organisme génétiquement modifiéest tenue strictement responsable des dommages causéspar cet organisme génétiquement modifié ou ce produitd’organisme génétiquement modifié. Ces dommagesdoivent être entièrement réparés’.89 Par la suite, ce CNBentre dans les détails du régime de cette responsabilitéet de l’obligation de réparation. Une des règlesimportantes réside dans la capacité de toute personne,groupe, organisation privée ou publique d’ester en justicedans l’intérêt général ou pour préserver l’environnementou la diversité biologique. Le Niger a également élaboréune règle semblable. Le Mali étend également laresponsabilité et la réparation aux considérations socio-économiques. Avec un régime de responsabilité aussi

avancé, ce pays apparaît comme une exception dans lepaysage ouest-africain.

Quant aux autres États, ils n’ont pas jugé nécessaire decréer un régime de responsabilité spécifique auxbiotechnologies, à ce stade. Ils se sont contentés, pour laplupart, de donner les orientations pour un régime deresponsabilité et de réparation à venir. Le Togo, parexemple, base son régime de responsabilité et deréparation sur le principe pollueur-payeur.90 D’autresÉtats, comme le Niger, n’ont pas encore déterminé derégime de responsabilité et de réparation dans leur CNB.91

CONCLUSION

Lorsque l’on observe le processus de conception desCNB, on constate que la biosécurité n’a pas fait l’objetd’une prise en compte suffisante dans le cadre régional.Ce constat est encore plus amer dans la mesure oùcertains pays sont dans un processus d’intégration etd’harmonisation de leurs législations comme dans lecadre de CEDEAO. La mise en place des CNB auraitpu être l’occasion d’essayer d’adopter des positionscommunes dans le domaine des biotechnologies. En lieuet place, des pays voisins et membres de la mêmeorganisation d’intégration se retrouvent avec des CNBtrès variés, voire incompatibles.

En outre, il est nécessaire de garder à l’esprit que labiotechnologie est une matière qui évolue rapidement.Son dynamisme appelle par conséquent des règles elles-mêmes dynamiques, en phase avec les intérêts et lesbesoins des pays. C’est pourquoi les États doivent veillerà une évolution constante de leurs mesures nationalesdans un souci d’adaptation permanente aux progrès desbiotechnologies. Pour ce faire, il est essentiel que ces paysbâtissent, dès à présent, les fondations d’une structurede biosécurité fonctionnelles et solides afin d’être prêtsà faire face aux défis futurs. A cet égard, la seule mise enapplication du Protocole de Cartagena est insuffisantecar cela conduirait inévitablement à un embrassementpartiel des questions liées aux biotechnologies.

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88 Article 27, Protocole de Cartagena, note 2 ci-dessus.89 CNB du Mali, note 25 ci-dessus, p. 47.

90 CNB du Togo, note 18 ci-dessus, p. 69 prévoit que ‘[l]eresponsable de tout dommage sera tenu de réparer lespréjudices directs ou indirects induits par le ou les produitsen cause, sur la biodiversité, les tissus économiques et lesnormes culturelles’.

91 CNB du Niger, note 45 ci-dessus, p. 55 prévoit simplementun ‘projet de décret portant sur les réparations des dommagesnés de l’utilisation des OGM sur les biens des tiers’.

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LEAD Journal (Journal du droit de l’environnement et du développement)est une publication académique gérée conjointement par la Faculté de droit de la

School of Oriental and African Studies (SOAS) - Université de Londres http://www.soas.ac.uk/lawet le Centre de recherche en droit international de l’environnement (IELRC) http://www.ielrc.org

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