Le vrai visage d'Alexandre? Une tombe royale et ses...

44
Le Courrier*1 Unesco Une fenêtre ouverte sur le monde *m fc t : Le vrai visage d'Alexandre? une tombe royale et ses secrets

Transcript of Le vrai visage d'Alexandre? Une tombe royale et ses...

Page 1: Le vrai visage d'Alexandre? Une tombe royale et ses …unesdoc.unesco.org/images/0004/000445/044515fo.pdfAnglais Hindi Ourdou Espagnol Tamoul Catalan Russe Persan Malaysien Allemand

LeCourrier*1 Unesco Une fenêtre

ouverte sur le monde

*m fc

t :

Le vrai visage d'Alexandre?une tombe royale et ses secrets

Page 2: Le vrai visage d'Alexandre? Une tombe royale et ses …unesdoc.unesco.org/images/0004/000445/044515fo.pdfAnglais Hindi Ourdou Espagnol Tamoul Catalan Russe Persan Malaysien Allemand

TRESORS

DE L'ART

MONDIAL

Nouvelle-

Zélande

Photo Vahry Photography Ltd. © Auckland Institute and Museum, Nouvelle-Zélande

Un chef maori et sa descendance

Cette statue monumentale représente le chef Pukaki enlaçant ses deux enfants. Taillée dans un arbregéant, elle occupait la partie supérieure de la porte donnant accès à un village fortifié de la

tribu Arawa, dans la région centre-est de l'île du Nord (Nouvelle-Zélande). Ce chef d'oeuvre de l'artmaori est conservé au Musée d'Auckland.

Page 3: Le vrai visage d'Alexandre? Une tombe royale et ses …unesdoc.unesco.org/images/0004/000445/044515fo.pdfAnglais Hindi Ourdou Espagnol Tamoul Catalan Russe Persan Malaysien Allemand

LeCourrier^e * unesc°

JUIN 1979 32« ANNEE

PUBLIÉ EN 20 LANGUES

Français Italien Turc

Anglais Hindi Ourdou

Espagnol Tamoul Catalan

Russe Persan MalaysienAllemand Hébreu Coréen

Arabe Néerlandais Kiswahili

Japonais Portugais

Mensuel publié par l'UNESCOOrganisation des Nations Uniespour l'Éducation,la Science et la Culture

Ventes et distributions :

Unesco, place de Fontenoy, 75700 Paris

Belgique : Jean de Lannoy,202, avenue du Roi, Bruxelles 6

ABONNEMENT 1 an : 35 francs français ; deuxans : 58 francs français. Payement par chèquebancaire, mandat postal, CCP Paris 12598-48,à l'ordre de : Librairie de l'Unesco, Place de

Fontenoy - 75700 Paris.

Reliure pour une année : 24 francs.

Les articles et photos non copyright peuvent être reproduits àcondition d'être accompagnés du nom de l'auteur et de lamention « Reproduits du Courrier de l'Unesco », en préci¬sant la date du numéro. Trois justificatifs devront être envoyésà la direction du Courrier. Les photos non copyright serontfournies aux publications qui en feront la demande. Lesmanuscrits non sollicités par la Rédaction ne sont renvoyésque s'ils sont accompagnes d'un coupon-réponse internatio¬nal. Les articles paraissant dans le Courrier de l'Unescoexpriment l'opinion de leurs auteurs et non pas nécessaire¬ment celle de l'Unesco ou de la Rédaction. Les titres des arti¬

cles et les légendes des photos sont de la rédaction.

Bureau de la Rédaction :

Unesco, place de Fontenoy, 75700 Paris, France

Rédacteur en chef :

Jean Gaudin

Rédacteur en chef adjoint :Olga Rodel

Secrétaire de rédaction : Gillian Whitcomb

Rédacteurs :

Edition française :Edition anglaise : Howard Brabyn (Paris)Edition espagnole : Francisco Fernandez-Santos (Paris)Edition russe : Victor Goliachkov (Paris)

Edition allemande : Werner Merkli (Berne)

Edition arabe : Abdel Moneim El Sawi (Le Caire)

Edition japonaise : Kazuo Akao (Tokyo)Edition italienne : Maria Remiddi (Rome)

Edition hindie : H.L. Sharma (Delhi)

Edition tamoule : M. Mohammed Mustafa (Madras)

Edition hébraïque : Alexander Broïdo (Tel-Aviv)Edition persane : Fereydoun Ardalan (Téhéran)Edition néerlandaise : Paul Morren (Anvers)

Edition portugaise : Benedicto Silva (Rio de Janeiro)Edition turque : Mefra Arkin (Istanbul)Edition ourdoue : Hakim Mohammed Said (Karachi)

Edition catalane : Cristian Rahola (Barcelone)

Edition malaisienne : Azizah Hamzah (Kuala Lumpur)Edition coréenne : Lim Moon-Young (Séoul)Edition Kiswahili : Peter Mwombela (Dar-es-Salaam)

Rédacteurs adjoints :

Edition française : Djamel BenstaaliEdition anglaise : Roy Malkin

Edition espagnole : Jorge Enrique Adoum

Documentation : Christiane Boucher

Illustration : Ariane BaileyMaquettes : Robert Jacquemin

Toute la correspondance concernant la Rédactiondoit être adressée au Rédacteur en Chef.

pages

LA RENAISSANCE DE SUKHOTHAI

Avec l'aide de l'Unesco, la Thaïlande restaure la splendeurd'une ancienne cité bouddhique

par M. C. Subhadradis Diskul

12 MONDE DU PARTAGE OU PARTAGE DU MONDE ?

Un nouveau concept juridique international :

le droit de l'humanité sur les ressources de la planète

par Mohammed Bedjaoui

18 Découvert en Macédoine

LE TOMBEAU PRESUME DE PHILIPPE II,PERE D'ALEXANDRE LE GRAND

par Manolis Andronicos

21-24 QUATRE PAGES COULEURS

32 LE MYSTERE D'ELCHE

Une représentation sacrée vieille de 700 ans

par Juan Carlos Langlois

35 JANUSZ KORCZAK

Le combat d'une vie pour les enfants déshérités

par Stanislas Tomkiewicz et Béatrice Maffioli

38 HOMMAGE A MARGARET MEAD

par Claude Lévi-Strauss

42 LATITUDES ET LONGITUDES

2 TRESORS DE L'ART MONDIAL

NOUVELLE-ZELANDE : Un chef maori et sa descendance

Notre couverture

Photo © Spyros Tsavdaroglou, Athènes

\%.

La tête en ivoire reproduite sur notrecouverture est-elle un portrait d'Alexandre leGrand 7 La tombe d'où elle provient,récemment découverte, avec d'autres

sépultures royales, à Vergina, au nord de laGrèce, pourrait bien être celle de Philippe IIde Macédoine, son père. Selon le professeurManolis Andronicos, il s'agirait en effet del'ancienne nécropole des rois de Macédoine.Le patrimoine culturel de l'humanité, qui necesse de s'accroître, doit être sauvegardé : encoopération avec l'Unesco, le gouvernementde la Thaïlande restaure actuellement les

statues et les temples bouddhiques deSukhothai. L'historien Subhadradis Diskul

décrit, dans ce numéro, la splendeur de cettecapitale d'un ancien royaume thai. Mais notrepatrimoine culturel ne se limite pas auxvieilles pierres et aux objets façonnés parl'homme. Représenté chaque année depuisprès de sept siècles, le Mystère d'Elche est unbel exemple d'une tradition maintenue avecferveur. Le cinéma vient de fixer pour lapostérité ce spectacle à la fois sacré etpopulaire.

Page 4: Le vrai visage d'Alexandre? Une tombe royale et ses …unesdoc.unesco.org/images/0004/000445/044515fo.pdfAnglais Hindi Ourdou Espagnol Tamoul Catalan Russe Persan Malaysien Allemand

La renaissance

de SukhothaiAvec l'aide de l'Unesco,

la Thaïlande restaure la splendeurd'une ancienne cité bouddhique

par M.C. Subhadradis Diskul

LES ruines de Sukhothai, capitale d'unancien royaume thai, se trouvent aunord de l'actuelle Thaïlande, à cinq

cents kilomètres environ de Bangkok.

Le "Royaume de Sukhothai" a durédeux cents ans à peine. Mais cette brièvetérelative est sans commune mesure avec

l'influence immense qu'a exercée l'écoleartistique de Sukhothai, tant sur l'art thaiultérieur dont elle est jugée la forme laplus sublime que sur l'art des pays voi¬sins, notamment le Laos. Si bien qu'il estlégitime de considérer que Sukhothai, ber¬ceau de la civilisation thai, appartient aupatrimoine de l'humanité non moins qu'à laThaïlande.

Vers la fin du 15e siècle, la ville de Sukho¬thai (au sens littéral : "l'aube du bonheur")

connut un abandon presque complet. Denombreux monuments, néanmoins, ontsurvécu qui témoignent, malgré les ravagesinfligés par le temps et les vandales, de sonpassé glorieux.

Les ruines se dressent devant une impo¬sante chaîne de montagnes qu'on décou¬vre à l'ouest, tandis qu'à l'est le pays estplat. L'approvisionnement en eau de la villeancienne est assuré par deux canaux pro¬venant du nord-est et du sud-ouest. La ville

moderne, fondée en 1786 par le roi RamaIer, s'étend à douze kilomètres de là, sur lefleuve Rom.

La fondation du royaume de Sukhothairemonte sans doute au milieu du 13e siècle,après que les souverains khmers eurent étéchassés. Selon les recherches les plusrécentes, on pense que neuf rois régnèrentsuccessivement à Sukhothai, de 1240 à1438 environ.

M.C. SUBHADRADIS DISKUL, historien etarchéologue thaïlandais, a étudié les Beaux-Artsà l'Université de Chulalongkorn de Bangkokavant d'approfondir ses recherches sur l'archéo¬logie et l'art orientaux à Paris et à Londres. Il estactuellement professeur dans son pays, à l'Uni¬versité de Silpakorn. On lui doit de nombreuses

études sur l'histoire de l'art et l'archéologie de laThaïlande et des pays voisins.

Le plus célèbre est probablement RamKhamhaeng le Grand, troisième souverainde la dynastie. Sous son règne, le royaumeatteignit sa plus grande extension géogra¬phique. C'est lui qui créa l'alphabet thai, en1293. De nombreuses légendes le représen¬tent, sous le nom de Pra Ruang, comme unhéros doté de pouvoirs magiques considé¬rables.

Son successeur, le roi Leothai, perdit,semble-t-il, une vaste portion du territoirequ'il avait reçu en héritage.

Le petit-fils de Ram Kamhaeng, Lithai,qui régna de 1347 à 1368 environ, réunifiade nouveau le royaume sans toutefois luigarantir les limites antérieures. Adepte zélédu bouddhisme Theravada (issu de la secte

Shri Lanka), il est le premier souverain thaià avoir vécu comme un moine pendant unepartie de sa vie.

Il combattit le puissant royaumed'Ayudhya qui s'était implanté au suddepuis 1350. Si l'on en croit une pierre gra¬vée, il fut contraint de quitter Sukhothai etde s'installer à Pisnulok, ville importantesituée dans la région orientale du royaume.

Depuis lors, bien qu'il y eût trois autresdescendants de la dynastie régnante, la citéde Sukhothai perdit sa prééminence auprofit de Pisnulok, ou Kampaengpet, auSud. Le dernier héritier du trône s'éteigniten 1438, date à laquelle le royaume futannexé à l'empire d'Ayuthya.

Une stèle gravée fournit de précieux ren¬seignements sur l'administration, d'unebienveillance paternelle, mise en place parle roi Ram Khamhaeng :

"Du temps du roi Ram Khamhaeng,bienheureuse est la cité de Sukhothai :

l'eau regorge de poissons, le riz abondedans les champs. Aucun droit n'est prélevésur ceux qui empruntent les routes pourconduire leurs boeufs au marché, ou vendre

les chevaux sur lesquels ils sont montés.Libre à tous de faire le commerce des élé¬

phants. Libre à tous de faire le commercedes chevaux. Libre à tous de faire le com- i

merce de l'or et de l'argent. Qu'un homme f

£ - .

a.

2 ' -" ' : I «!:- \ .--- ~_

Page 5: Le vrai visage d'Alexandre? Une tombe royale et ses …unesdoc.unesco.org/images/0004/000445/044515fo.pdfAnglais Hindi Ourdou Espagnol Tamoul Catalan Russe Persan Malaysien Allemand

En se révoltant contre leurs souverains Khmers et en proclamant le premier royaume indépendant thai deSukhothai au 13e siècle, les deux chefs thai. Pha Muang et Bang Khang Thao, ne jetèrent passeulement les fondations de la Thaïlande actuelle, ils ouvrirent aussi la voie à l'épanouissement de l'artsculptural et architectural thai, dont l'influence se prolongea bien après que le royaume qu'ils avaientfondé fut tombé dans l'oubli. Les images de Bouddha créées par les sculpteurs thai constituent l'apportle plus original de la période de Sukhothai. Elles offraient une conception nouvelle, surnaturelle, plusidéalisée de l'Etre Supérieur. Ces statues étaient fondues dans le bronze ou façonnées en stuc autourd'un noyau de latérite, une roche décomposée de couleur rougeâtre. Ci-dessus, d'une sérénité toujoursimposante malgré les ravages provoqués par le temps, ces images de Bouddha en latérite stuquéegardent les ruines du temple Wat Pra Kaew à Kamphaeng Phet, à une cinquantaine de kilomètres ausud-est de Sukhothai.

Page 6: Le vrai visage d'Alexandre? Une tombe royale et ses …unesdoc.unesco.org/images/0004/000445/044515fo.pdfAnglais Hindi Ourdou Espagnol Tamoul Catalan Russe Persan Malaysien Allemand

Situé à War Sri Chum au

nord-ouest de Sukhothai,

ce majestueux Bouddha,assis les jambes croisées,mesure plus de 11 mètresde large d'un genou àl'autre. Le sanctuaire quil'abrite est entouré d'un

fossé et ses murs ont 3

mètres d'épaisseur et15 mètres de haut.

Photo Palrot Chlrapong©Comité culturelde la Commission nationale

de Thaïlande pour l'Unesco

du peuple ou un seigneur vienne à disparaî¬tre, et la demeure familiale, ses vêtements,ses éléphants, sa famille entière, ses réser¬ves de riz, ses serviteurs et ses plantationsde noix d'arec et de bétel reviendront inté¬

gralement à ses enfants. Quand un diffé¬rend surgit parmi les gens du peuple, lesnobles ou les princes du sang, le Roiordonne une enquête loyale et tranche desa haute autorité, sans prendre le parti duvoleur, sans témoigner non plus d'indul¬gence envers le simulateur. Car ¡I n'éprouveaucune convoitise pour le riz appartenant àson prochain. La richesse d'autrui ne luiinspire aucune jalousie. Celui qui vient à sarencontre à dos d'éléphant trouve auprèsde lui aide et assistance. Si le visiteur vient

à manquer d'éléphants ou de chevaux,d'hommes ou de femmes, d'or ou d'argent,il comble ses désirs. Ni la mort, ni de mau¬

vais traitements ne sont infligés aux enne¬mis faits prisonniers. A la porte de sonpalais une cloche est suspendue. Quicon¬que ayant une requête à présenter au Roi,d'ordre temporel ou spirituel, n'a qu'àl'actionner. Le roi Ram Khamhaeng entendl'appel de celui qui le sollicite, l'interrogealors, et lui prête une oreille juste et atten¬tive."

En ce qui concerne la religion boud¬dhiste, il est écrit :

"Prodigue et pieux est le peuple de Suk¬hothai. Le roi Ram Khamhaeng, père deslois qui régissent la cité, ainsi que les prin¬ces et princesses, les gens de haut lignageet du peuple, tous se dévouent à la religionbouddhiste; chacun d'entre eux a grandrespect pour le jeûne rituel, et le Kathin(remise de la robe monastique) qui le pro¬longe un mois durant. Le nombre des pré¬sents du Kathin s'élève chaque année àdeux millions : ils comportent de grandesquantités de cauris, de noix d'arec, 'defleurs, de coussins et d'oreillers. A l'occa¬sion de la présentation des offrandes, lepeuple entier accomplit un pèlerinagejusqu'au lointain monastère d'Aranyik, enpleine forêt. Sur le chemin du retour, ilforme un cortège en entonnant des chantsau son du luth et d'autres instruments.

Chacun est libre de participer à la liessepopulaire par ses cris de joie et ses rires.Des quatre portes de Sukhothai, la fouleafflue pour voir le Roi allumer cierges etflambeaux. Et la ville entière se met alors à

crépiter de clameurs d'allégresse".

L'ancienne cité de Sukhothai offre la

forme d'un rectangle de 1400 m de lon¬gueur sur une largeur de 1810 m, cerné detrois remparts d'argile qui séparent desdouves de 20 m de large, chaque murailles'ouvrant aux quatre points cardinaux partrois portails flanqués de bastions en demi-cercle dont il ne subsiste que les vestiges.

A l'intérieur s'étalent les ruines de 16

temples bouddhiques, de 4 sanctuaires hin¬dous, ainsi que deux monastères bouddhi¬ques (Wat) toujours occupés, et 4 grandsbassins. Les constructions récentes com¬

prennent notamment une statue du roi

Ram Khamhaeng, le Musée national et ledépartement des Beaux-Arts. Hors lesmurs, 70 monuments, dont une partie seu¬lement a été restaurée, évoquent égale¬ment la grandeur du royaume déchu.

Parmi les édifices les plus représentatifs, kil faut citer en premier lieu celui qui occupe f

Page 7: Le vrai visage d'Alexandre? Une tombe royale et ses …unesdoc.unesco.org/images/0004/000445/044515fo.pdfAnglais Hindi Ourdou Espagnol Tamoul Catalan Russe Persan Malaysien Allemand

A gauche, une inscription gravée sur la pierre appartenant â la vieilleville de Sukhothai et datant de l'époque de Ram Khamhaeng, l'undes plus grands rois de Sukhothai, qui régna durant la dernièrepartie du 13ème siècle. "A l'époque de mon père", est-il écrit, "j'aiservi mon père, j'ai servi ma mère... Lorsque je conquérais une ville,capturais des éléphants, des hommes ou des femmes, et acquéraisde l'argent ou de l'or, j'offrais le tout à mon père. A la mort de monpère, mon frère aîné prit la succession. J'ai servi mon frère toutcomme j'avais servi mon père. Mon frère mourut et j'obtins tout leroyaume pour moi-même".

Ci-dessous, une vue d'une partie de la vieille ville de Sukhothai, àquelque 500 kilomètres au nord de Bangkok. Au centre, le chedi(monument rond et massif couronné d'une haute flèche) de Wat SraSri. La vieille cité a été classée parc historique. Les travaux depréservation et la restauration de ces monuments d'une valeur

inestimable ont été entrepris sous l'égide du gouvernement de laThaïlande en coopération avec l'Unesco.

Photos Alexis Vorontzoff, Unesco

Page 8: Le vrai visage d'Alexandre? Une tombe royale et ses …unesdoc.unesco.org/images/0004/000445/044515fo.pdfAnglais Hindi Ourdou Espagnol Tamoul Catalan Russe Persan Malaysien Allemand

Cette image impressionnante enstuc de Pra Attharot haute de 12,5mètres, montre le Bouddha

debout à Wat Sapan Hin,contemplant Sukhothai dusommet d'une colline située à

l'ouest de la ville dans une, régionconnue sous le nom d'Aranyik. Lamain droite est levée dans un

geste qui chasse la crainte.

le ciur de la cité, le Wat Mahathat, garnien son centre d'un stupa en forme de bou¬ton de lotus (sanctuaire fortifié renfermant

les reliques du Bouddha). Il est probablequ'il était jadis prolongé au nord-est par lePalais Royal, mais les bâtiments, construitsen bois, ont disparu.

Avec ses trois tours majestueuses, leWat Si Sawai, au Sud, était à l'origine unesépulture hindoue, avant d'être transforméen monastère bouddhique.

Le Nord est occupé par deux construc¬tions remarquables : le Wat Trakuan, dotéd'un chedi rond (dôme fortifié reposant surune base carrée et surmonté d'une flèche,également prévu pour abriter les reliquesdu Bouddha), bâti sur le modèle de ShriLanka. Et le San Ta Pha Daeng, temple hin¬dou de latérite, sans doute édifié par lesKhmers au début du 12e siècle.

Au sud de Sukhothai, le Wat Chetuponrenferme quatre images en plâtre du Boud¬dha dans les différentes positions rituelles :marchant, debout, assis et couché.

A quelques kilomètres au nord de la villese dresse le Wat Pra Pai Luang, un impo¬sant monument pourvu de trois prang(tours inspirées des temples khmers),datant de la fin du 12e siècle et du début du

139 siècle, mais dont un seul est conservé.Il devait jadis occuper le centre de la cité,avant la fondation sur les lieux de la capi¬tale thai. Sur la face orientale de ce Wat

subsistent de nombreux vestiges bouddhi¬ques de la période de Sukhothai.

Dans cette zone, on a récemment

exhumé 49 fours à céramique qui servaientà la fabrication d'objets vernissés, compa¬rables à ceux de Sisatchanalai, la citéjumelle de Sukhothai, au Nord. Mais cette

8

Page 9: Le vrai visage d'Alexandre? Une tombe royale et ses …unesdoc.unesco.org/images/0004/000445/044515fo.pdfAnglais Hindi Ourdou Espagnol Tamoul Catalan Russe Persan Malaysien Allemand

célèbre production, largement exportée enson temps, cessa vers le milieu du 15° siè¬

cle, à l'époque des guerres entre les royau¬mes d'Ayudhya et de Chiengmai, àl'extrême nord de la Thaïlande. A moins

que ce ne soit au milieu du 16e, lors desconflits opposant Burma et la Thaïlande,comme le laissent supposer les épaves denavires marchands découvertes au large dela côte orientale du pays.

Toujours en dehors de la ville, on trouveau nord-ouest un autre monastère boud¬

dhique, le Wat Si Chum, occupé par ungigantesque Bouddha en stuc, assis sousun mondop (construction carrée au toiteffilé) érigé ultérieurement et dont la dou¬ble paroi est creusée d'une galerie permet¬tant d'accéder au sommet de l'édifice.

Parmi les nombreux vestiges de cloîtresqui festonnent les collines d'Aranyik, à

l'ouest de la ville, il faut mentionner le Wat

Sapan Hin. L'effigie de Pra Attharot, unBouddha en stuc de plus de 12 m de haut,couronne une colline de 200 m de hauteur,à proximité d'un barrage et de son vastebassin de retenue.

Dans la partie orientale, le Wat TrapangTong Lang recèle un magnifique bas-relieffigurant le Bouddha descendant des deuxde Travatimsa après avoir prêché sa doc¬trine à sa défunte mère.

Le professeur italien Silpa Bhirasri, qui aconsacré sa vie entière à l'étude de l'art

thai, a rendu à celui-ci un très bel hommageen commentant en ces termes une admira¬

ble statue de Sukhothai représentant leBouddha après son Illumination, le corpscomplètement détendu : "Tous les traits

du visage, écrit-il, exhalent la sérénité, tan- 1dis qu'un léger sourire reflète une plénitude I

La base du chedi de Wat

Mahathat. Une procession dedisciples bouddhistes en stuc estreprésentée en adoration sousdeux images de Bouddha.

Photo Pairot Chiraponq © Comité culturel de la Commission nationale de Thaïlande pour l'Unesco

Page 10: Le vrai visage d'Alexandre? Une tombe royale et ses …unesdoc.unesco.org/images/0004/000445/044515fo.pdfAnglais Hindi Ourdou Espagnol Tamoul Catalan Russe Persan Malaysien Allemand

ment. Le cou évasé à sa base, rattache

avec élégance les épaules à la tête en bou¬ton de lotus. Le moindre détail, comme lecontour délicat du lobe des oreilles incurvé

vers l'extérieur, exalte l'harmonie del'ensemble. Quant aux mains, elle parais¬sent plus divines qu'humaines, tant leurmodelé est délicat".

Le gouvernement thai a décidé de classerla ville de Sukhothai et ses environs comme

site historique. Chaque édifice sera rendu àsa beauté originelle et l'on redonnera vie àcette cité conformément aux anciennes

descriptions afin de recréer les .festivitésqu'elle a connues du temps de sa gloire. Laterre sera fertilisée, l'irrigation assurée, etl'on réintroduira les plantes dont parlent lestextes. La population actuelle et celle desvillages avoisinants tireront sans nul douteprofit de ce renouveau qui améliorera aussibien leurs activités que leur environnement.Le tourisme, bien sûr, sera encouragé.

Pour accomplir cet ensemble de réalisa¬tions, le gouvernement thai a établi un bud¬get s'élevant à 11.000.000 de dollars. Aussirequiert-il des contributions extérieuressous forme de fonds ou d'équipements.Pour sa part, l'Unesco a accepté d'inscrirece plan à son programme, si bien que lesassistances étrangères en faveur du projetpeuvent également parvenir à la Thaïlandepar son intermédiaire.

En fait, l'entreprise de restauration estd'ores et déjà commencée. De nombreuxjeunes professeurs venant de diverses uni

versités thaïlandaises ont été appelés surles lieux en vue de mener des recherches

sur la topographie, l'urbanisme, le systèmed'irrigation, etc.. Des archéologues conti¬nuent de fouiller le site pour essayer dedégager d'autres vestiges de monumentsou d'habitations. Anthropologues et eth¬nologues travaillent en collaboration étroiteavec les habitants afin d'étudier les tradi¬

tions orales, les contes populaires, ainsique les objets usuels et le mode de vie engénéral. Par ailleurs on a déjà organisé, ens'inspirant des anciennes descriptions,deux festivals en l'honneur de la cité. Des

ouvrages illustrés, consacrés à Sukhothai,ont paru en thai et dans plusieurs languesétrangères, de façon à susciter un peu par¬tout l'intérêt pour ce projet. Il ne reste plusqu'à former l'espoir que ce vaste pro¬gramme, placé sous les auspices del'Unesco, puisse être mené à bien avec desmoyens à la mesure de son ambition.

M.C.Subhadradis Diskul

y intérieure". Après son Illumination, leBouddha atteignit en effet le Nirvana et,pour exprimer cette transfiguration, les thaiconçurent une forme presque éthérée, con¬férant ainsi à chacune des positions de l'Elucet aspect evanescent qui rend le bronzeimmatériel, en une parfaite harmonie entrel'idéal spirituel et la réalisation pratique. Carle devoir assigné à l'artiste est bien de pui¬ser son inspiration dans l'essence même dela doctrine, et non de créer un portraitphysique de Maître.

En dépit de leur spiritualité et de leursformes hautement stylisées, ces statuestémoignent d'une science raffinée dumodelé. Les anciens sculpteurs de Sukho¬thai avaient à résoudre ce dilemme, entrel'esprit et la matière, qu'imposa à leur art lebouddhisme. Serait-il présomptueux derépondre qu'ils y sont parvenus avec untalent incomparable ? Ces statues nouscommuniquent vraiment le pouvoir de maî¬triser nos passions et le sourire qui leséclaire nous enseigne la bienheureuse féli¬cité qu'inspire la domination de nos ins¬tincts".

Au sujet du célèbre Bouddha"marchant", une innovation majeure del'Ecole de Sukhothai dans l'art de représen¬ter le Bouddha, le professeur Silpa Bhirasriécrit :

"Cette statue est un chef-d' uni¬

que. En l'observant attentivement, onéprouve l'impression qu'elle s'avance dou¬cement, comme si le Maître se présentaitpour annoncer la doctrine, aidé d'un gestesuave des doigts symbolisant la "Roue dela Loi". L'ondulation du corps entier,rythmée par le mouvement du bras, est desplus gracieuses dans son léger déhanche-

10

Page 11: Le vrai visage d'Alexandre? Une tombe royale et ses …unesdoc.unesco.org/images/0004/000445/044515fo.pdfAnglais Hindi Ourdou Espagnol Tamoul Catalan Russe Persan Malaysien Allemand

Les sculpteurs de l'école de Sukhothai n'ont passeulement donné une nouvelle forme spirituelle àleurs représentations de Bouddha, ils furentaussi les premiers à introduire dans la statuairel'image du Bouddha marchant dont les pas font"se niveler le sol et naître le lotus." Bouddha

était représenté dans ses quatre attitudes :couché, assis, debout et marchant. Le typecaractéristique du Bouddha de Sukhothai porteune chevelure en boucles qui s'avance en pointesur le milieu du front, et un ushnisha, sorte deprotubérance crânienne surmontée d'un hautornement flammé, ou rasmi, symbolisant lespouvoirs et la gloire de Bouddha. Photos : enhaut à gauche. Bouddha marchant, sur unmondop ou pavillon carré, à Wat Chetupon ;chacun des trois autres côtés présente unBouddha dans une attitude différente. En haut à

droite, le Bouddha marchant, actuellement

conservé au Musée national de Bangkok,exprime la spiritualité sereine et méditative queles sculpteurs de Sukhothai ont voulutransmettre en recourant à une stylisationdélibérée des traits du visage et du corps. En basà gauche, des reliefs muraux d'un mondop à WatTrapang Tong Lang le plus bel exemple, peut-être, de l'art du stuc propre à Sukhothaimontrent le Bouddha descendant du Ciel

Tavatimsa (trente-trois dieux) avec, à ses côtés,Indra, Brahma et d'autres dieux. En bas à droite,un bronze de Chieng Mai, haut de 47 cm,actuellement conservé au Musée national de

Bangkok, représente Bouddha imprimantl'empreinte de son pied sur le sol après sadescente du paradis des trente-trois dieux.

Page 12: Le vrai visage d'Alexandre? Une tombe royale et ses …unesdoc.unesco.org/images/0004/000445/044515fo.pdfAnglais Hindi Ourdou Espagnol Tamoul Catalan Russe Persan Malaysien Allemand

Monde du partageou partage

du monde ?Un nouveau concept juridique international :

le droit de l'humanité

sur les ressources de la planète

par Mohammed Bedjaoui

et permanente sur toutes ses richesses et

de réglementer les activités des firmestransnationales et les investissements

étrangers, de ne subir aucune discrimina¬tion commerciale dans le cadre de la coo¬

pération internationale, de former toutesassociations de producteurs avec d'autresEtats, de participer au progrès technique etd'en bénéficier, se réfracte en une multi¬tude de facettes qui renvoient puissam¬ment l'image avant tout de la souveraineté

TOUT le droit international moderne

semble bâti autour du problème cen¬tral du sort à réserver aux ressources

de la planète, dans une vive compétitionentre le principe de la souveraineté de l'Etatet celui du patrimoine commun de l'huma¬nité.

Les travaux sur la codification du droit de

la mer ont révélé le prix qu'il a fallu payerpour que le concept de patrimoine com¬mun de l'humanité obtienne droit de cité.

Etendue à 200 milles par la Conférence surle droit de la mer (1976) et par des législa¬tions nationales, la zone économique ainsifixée attribue à 35 Etats le tiers de la surface

des océans, soustrayant ainsi de vastesaires à l'application du principe du patri¬moine commun de l'humanité. En outre,

celui-ci est aménagé de telle sorte que laliberté de l'Etat, du moins celle de l'Etattechnologiquement et financièrement puis¬sant, y trouve de substantielles occasions

de prospérer. (Voir "A qui appartientl'océan ?" Le Courrier de ¡'Unesco, janvier1977).

De même, quand on lit la Charte desdroits et des devoirs économiques desEtats, adoptée par l'Assemblée généraledes Nations Unies le 12 décembre 1974, ons'aperçoit qu'elle cristallise des contradic¬tions diverses. La glorification de la souve¬raineté y est manifeste. Elle y est surtoutjugée bienvenue pour les Etats pauvresdont on privilégie ainsi l'émergence à ladignité internationale et au respect de leursdroits. Le droit souverain de choisir son

système économique, politique, social etculturel, d'exercer une souveraineté entière

MOHAMMED BEDJAOUI, Ambassadeur dela République Algérienne Démocratique etPopulaire en France, ancien ministre, est délé¬gué permanent auprès de /'Unesco. Il est aussimembre de la Commission du droit international

des Nations Unies et associé de l'Institut de droit

international. L 'article publié dans ce numéro duCourrier est tiré de son livre Pour un nouvel

ordre économique international, premierouvrage de la collection de l'Unesco : "Nou¬veaux défis au droit international".

12

Page 13: Le vrai visage d'Alexandre? Une tombe royale et ses …unesdoc.unesco.org/images/0004/000445/044515fo.pdfAnglais Hindi Ourdou Espagnol Tamoul Catalan Russe Persan Malaysien Allemand

économique retrouvée des pays en déve¬loppement. Nulle part, certes, ce droit sou¬verain, exprimé en ces termes, n'estréservé à l'exercice des seuls Etats du Tjers

monde. Mais l'on sait que les pays richesont toujours détenu le pouvoir et la puis¬sance non seulement chez eux, maisencore chez les autres et qu'en raison de cefait historique, la reconnaissance de cedroit souverain n'était pas rappelée etrenouvelée solennellement à leur intention.

mais bien pour les autres Etats, moinsdéveloppés, qui en étaient jusqu'ici frus¬trés.

La Charte semble en même tempsesquisser une théorie de la "responsabilité"ou des "responsabilités" imposées auxEtats en contrepartie de ce droit souverain.En particulier, on y a affirmé le devoir derespecter les intérêts légitimes des autresEtats dans l'exploitation des ressourcesnaturelles communes, ce qui vise bien lesobjets possibles, actuels ou futurs, del'application du concept de patrimoinecommun de l'humanité. Et le devoir de con¬

tribuer au développement du commercemondial et de favoriser le progrès non seu¬lement de leurs propres peuples, mais desautres aussi, suggère une théorie de la

"solidarité" fondée sur d'éventuels déve¬

loppements du concept de patrimoinecommun.

Ainsi les deux tendances qui se dessinentet coexistent actuellement en marquant deleur empreinte le droit en formation possè¬dent toutes les apparences de l'irréductibi¬lité. L'une se ramène à la revendication de

la souveraineté permanente de tous lesEtats sur leurs ressources et richesses natu¬

relles. Cela lui vaut de la part de certainsjuristes une indignité excessive. Qualifiéed'"ivresse de souveraineté" par les uns, oude souveraineté la plus "rétrograde" par lesautres, cette revendication n'est pas per¬çue par tous dans sa perspective historiquecomme moteur de grand changement pourun monde plus juste.

L'autre tendance se réfère en même

temps à la "sécurité économiquecollective" et au concept de patrimoinecommun de l'humanité. Chez les uns, ellese trouve affirmée vigoureusement commeune revendication destinée à faire pièce à lapremière tendance. Pour cette raison, elleparaît suspecte aux Etats du Tiers monde. Ilest tout à fait clair, en effet, que certainscourants actuels de pensée occidentauxdécouvrent bien tardivement les vertus de

la sécurité économique collective, qu'ilsfont valoir plus pour maintenir leur accèsaux ressources vitales ou importantes duTiers monde décidé à en revendiquer lasouveraineté pleine et entière, que pourassurer progressivement ce nouvel ordreéconomique et juridique plus juste.

Il faut bien observer, en premier lieu, quesi l'on assigne comme objectif de "respon¬sabiliser" les Etats du Tiers monde, dans lecadre de leur juridiction nationale pour lagestion de leurs ressources naturelles dufait qu'elles seraient nécessaires au monde,une condition essentielle et préalable estprécisément de reconnaître la légitimité deleur revendication pour un contrôle effectifde ces ressources. Il est évident que l'orga¬nisation de l'interdépendance et de la soli¬darité mondiales, sur des bases à la foiséquitables et rationnelles, présupposel'indépendance et la souveraineté économi¬ques des pays en développement ainsi quela préparation de tous les Etats aux respon¬sabilités individuelles et collectives qu'ilsdoivent assumer dans la communauté

internationale au bénéfice de tous.

Il conviendrait de noter, en second lieu,que si les Etats du Tiers monde sont parfai¬tement fondés à exprimer quelque suspi¬cion à l'égard de la "mise en commun uni¬latérale" de leurs' seules ressources, par"récupération" d'un concept novateur, iln'en reste pas moins qu'ils demeurent atta¬chés à la notion de "souveraineté économi¬

que collective" ou de "patrimoine commun

de l'humanité", loyalement appliquée à |tout et pour tous. I

Sphère 6, globe en bronze du sculpteur italien Amoldo Pomodoro.

Photo Dick Wolters © Musée Boymans van Beuningen, Rotterdam

13

Page 14: Le vrai visage d'Alexandre? Une tombe royale et ses …unesdoc.unesco.org/images/0004/000445/044515fo.pdfAnglais Hindi Ourdou Espagnol Tamoul Catalan Russe Persan Malaysien Allemand

Dans un monde réduit aux

dimensions d'un "village planétaire"il n'est plus possible d'envisager dessolutions isolées aux problèmes queposent la protection del'environnement et l'exploitation desressources naturelles. La planète estdevenue désormais un microcosme,

comme le suggère cettereprésentation de la création dumonde dans le fameux triptyque deJérôme Bosch, Le jardin des délices.

Photo © Mas, Barcelone. Musée du Prado, Madrid

. Les bassins de l'Amazonie et du Congo,qui constituent les plus grands réservoirsd'oxygène, pourraient représenter, dit-on,le type même de patrimoine commun del'humanité. A ce titre, et parce que l'oxy¬gène est absolument nécessaire à la vie dela planète tout entière, les Etats responsa¬bles de ces bassins devraient être compta¬bles, devant l'ensemble de la communautéinternationale, de leur gestion de cetterichesse vitale.

Une telle conception n'a rien de scanda¬leux en soi. Mais encore faut-il qu'elle sesitue dans le cadre d'une mise en commun,solidaire et purgée de tout égoïsme natio¬nal, de l'ensemble des ressources et riches¬ses de la planète. Or, dans les comporte¬ments manifestes ou implicites des nations,tout se passe comme si seul le Tiers mondedevait assumer les obligations découlant del'application du concept de patrimoinecommun de l'humanité, tandis que lesEtats industrialisés seuls seraient crédités

des droits et des avantages correspon¬dants. Une espèce de division internatio¬nale du travail, qui perpétuerait et aggrave¬rait même les phénomènes de domination,obligerait par exemple le Brésil et lé Congoà préserver l'oxygène pour que les puissan¬ces industrialisées puissent le brûler à dis¬crétion. Ainsi, il n'est pas fait état de l'obli

gation pour les pays riches de veiller à nepas détruire la mince couche d'atmosphèreterrestre par l'usage immodéré du moteur àexplosion dans toutes ses applicationsséculaires et anarchiques.

La notion de "patrimoine commun del'humanité" ne peut donc être affectéed'un coefficient significatif de crédibilitéque dans la mesure où elle répartit claire¬ment les droits et les devoirs des Etats en

toute équité, ou en fonction d'une inégalitécompensatrice pour les Etats en développe¬ment. Si le pétrole est un patrimoine com¬mun de l'humanité, il devrait l'être partoutoù il se trouve et pas en fonction de sa loca¬lisation géographique. Le pétrole améri¬cain, britannique, norvégien ou soviétiquedevrait tout autant que celui du Moyen-Orient appartenir à tous. Et, bien avant lepétrole, il faudrait déclarer patrimoine com¬mun de l'humanité les denrées agro¬alimentaires dont le grenier mondial restede loin le continent nord-américain et dont

ses exploitants seraient comptables devantla communauté internationale et singulière¬ment devant les multitudes affamées

d'Asie et d'Afrique.

Faute de quoi, comme l'écrit un auteur,"au lieu de faciliter l'avènement d'un

système nouveau et équitable de relations.

C'est l'image d'un monde travaillantdans la paix et l'harmonie qu'aévoquée le peintre flamand QuentinMetsys (v. 1466-1530) dans cettesphère d'une pendule où sont figurésles travaux agricoles et domestiques.

Photo © Musée communal de Louvain, Belgique

14

Page 15: Le vrai visage d'Alexandre? Une tombe royale et ses …unesdoc.unesco.org/images/0004/000445/044515fo.pdfAnglais Hindi Ourdou Espagnol Tamoul Catalan Russe Persan Malaysien Allemand

ce concept, surtout s'il est promu prématu¬rément, pourrait bien établir un fondementpour le retour de nouvelles relations dedépendance entre, d'une part, les forts quidésireraient rester dans une position prédo¬minante et continuer à exercer les préroga¬tives de la force et, d'autre part, les faiblesqui continueraient à désirer vainement uneégalité effective de chance qui continueraità leur échapper".

Mais, en vérité, les deux tendancesobservées ci-dessus, exprimées d'une partdans la souveraineté de l'Etat sur les riches¬

ses naturelles, d'autre part dans la sécuritééconomique collective et le patrimoinecommun de l'humanité, n'ont que les appa¬rences de l'irréductibilité. Par-delà leur

opposition et par leur action dialectiqueréciproque, elles concourent ensemble àl'évolution du droit international vers des

formes plus élaborées de bien-être collectif,et notamment à la création d'un nouveau

droit, celui de l'humanité tout entière.

Si l'on a la témérité de soulever une par¬tie du voile qui nous cache l'avenir del'homme sur terre, tel que l'ont tissé lesdivinités antiques, des Moirai d'Hésiodeaux trois Parques romaines, on s'aperçoitque le destin de l'homme est sans doute àun tournant et que le droit internationalsemble à la veille de mutations profondes.

Lorsqu'on invoque le principe du "patri¬moine commun" comme appartenant àl'humanité tout entière prise dans sadimension aussi bien spatiale que tempo¬relle, on entend nécessairement par là que"les générations actuelles sont comptablesde ce patrimoine vis-à-vis des générationsfutures". Dans cette perspective, pour lapremière fois l'homme peut penser sa fina¬lité non plus seulement en tant qu'individu,mais en tant qu'espèce.

La notion de patrimoine commun de I

15

Page 16: Le vrai visage d'Alexandre? Une tombe royale et ses …unesdoc.unesco.org/images/0004/000445/044515fo.pdfAnglais Hindi Ourdou Espagnol Tamoul Catalan Russe Persan Malaysien Allemand

, l'humanité a déjà été proposée au sujet desbiens culturels. Il importe de se rendrecompte qu'une généralisation progressivede ce concept revêt un caractère propre¬ment révolutionnaire, engendrant unemétamorphose complète du droit interna¬tional, qui correspond à des mutations pro¬fondes dans le mode d'existence et la qua¬lité de la vie de tous les hommes.

Reconnaissons le caractère utopique,aujourd'hui, d'une telle élaboration "sau¬vage" du droit. L'application généralisée dela notion de patrimoine commun del'humanité, partout où elle peut l'être endroit international, relève encore de touteévidence, au stade actuel de l'évolution denotre humanité, de la "science-fiction" dudroit. L'application de ce concept pourraitnéanmoins s'étendre un jour à tous lesdomaines du "droit international de la

terre, de l'eau et du ciel", ce qui serait déjàune prodigieuse révolution. Le nouveaudroit international pourrait, grâce à ce con¬cept, dépasser la matière inerte ou lefabriqué (l'Etat lui-même est une "cons¬truction" qui n'a rien de physique) pourrégir directement la matière vivante, le peu¬ple et surtout l'homme qui doit être le pre¬mier destinataire de la norme juridiqueinternationale.

Tout est encore à faire sur le plan norma¬tif et institutionnel pour valoriser le conceptde patrimoine commun de l'humanité. Degrands problèmes, totalement nouveaux,se poseront en ce cas aux organisationsinternationales et aux Etats. Deux de ces

problèmes, et non des moindres, sontconstitués d'un côté par les droits del'homme et de l'autre par la sauvegarde del'environnement, domaines qui devraientrelever au premier chef du concept de patri¬moine commun de l'humanité. A quoiservirait-il, en effet, d'exploiter au bénéficede l'homme les prodigieuses richesses desfonds marins, dans le cadre du nouveau"droit de l'humanité", si cet homme estmenacé dans sa dignité ou dans son inté¬grité et si son environnement est ruiné aupoint de compromettre sa vie ?

A l'occasion du deux centième anniver¬

saire de la Déclaration d'indépendance desEtats-Unis par les représentants des treizecolonies anglaises d'Amérique du Nord,une Déclaration universelle des droits des

peuples a été adoptée à Alger le 4 juillet1976 sous l'égide de la Fondation LelioBasso. L'article 17 de cette déclaration

consacre "le droit de tout peuple à l'utilisa¬tion du patrimoine commun de l'humanité,tel que la haute mer, les fonds des mers,l'espace extra-atmosphérique". Ce texteouvre, lui aussi, la voie audacieuse de lagénéralisation progressive du principe dupatrimoine commun. Mais pour conférer sapleine signification au concept de patri¬moine commun de l'humanité, il importeque la norme juridique ait pour finalitéessentielle le service de l'homme, car letout premier patrimoine commun del'humanité est d'abord et de toute évidence

l'homme lui-même.

Ainsi commence-t-on à prendre partoutde plus en plus conscience du fait que dansnotre monde les problèmes imposent unevision globale. Il en est ainsi, assurément,dans le domaine écologique. Comme l'aécrit un diplomate américain, "l'écologie denotre planète échappe à tout compartimen¬tage national", et c'est logiquement qu'il a

proposé la création d'une "Haute autoritéinternationale de l'environnement". Face

aux dangers des "marées noires" et de lapollution des mers, des voix se sont élevéesà Genève, lors de la septième session (avril-mai 1978) de la IIIe Conférence sur le droit

de la mer, pour que celle-ci établissecomme règle fondamentale du droit inter¬national l'obligation de protéger le milieumarin, faisant réellement du nouvel ordrejuridique régissant les océans un corpuscapable de sauvegarder les intérêts de tousles Etats et de tous les peuples, y comprisen matière de protection de l'environne¬ment, par application du concept novateurde patrimoine commun de l'humanité, quirend les générations actuelles comptablesdevant les générations futures de l'environ¬nement de notre planète.

En conclusion, la notion de patrimoinecommun de l'humanité paraît être fonda¬mentale pour l'élaboration d'un nouvelordre économique et juridique internatio¬nal. Mais la science et la technologie, con¬verties en instruments capables d'apporterdes solutions rationnelles aux problèmeséconomiques lancinants de l'humanitéentière, ne peuvent indéfiniment être con

fisquées par leur mise au service, une foisencore, d'un type de développement qui neprofiterait qu'à une minorité. L'irrationalitéfoncière du type de développement imposéaux hommes tout au long de l'histoire nepeut se perpétuer, ou plus exactement serenouveler comme un défi et comme une

négation du progrès technologique, scien¬tifique et humain.

Si les nouvelles formes d'énergie, si lesnouvelles ressources humaines deviennent

elles aussi l'apanage d'une minorité de peu¬ples et de classes sociales, nous attireronsalors sur nous l'apocalypse atomique. La"récupération" ou le "gauchissement" duconcept de patrimoine commun de l'huma¬nité serait la pire et la plus précaire dessolutions pour l'avenir de notre monde.

Quant à la "sécurité économique collec¬tive", elle sera un tout ou ne sera pas. Elledevra concerner tous les Etats et toutes

leurs ressources. C'est à cette condition,dont la réalisation paraît pour l'heure bienlointaine, que les initiatives qu'elle pourraitinspirer seront crédibles et qu'on substi¬tuera réellement, et bénéfiquement, lemonde du partage au partage du monde.

Mohammed Bedjaoui

16

Page 17: Le vrai visage d'Alexandre? Une tombe royale et ses …unesdoc.unesco.org/images/0004/000445/044515fo.pdfAnglais Hindi Ourdou Espagnol Tamoul Catalan Russe Persan Malaysien Allemand

Désarmement, écologie,exploitation des ressourcesnaturelles : autant de

domaines où les intérêts

des peuples sont liés. Si leshommes ont de plus enplus conscience de cettesolidarité nécessaire et de

leur égalité (que semblesuggérer, â gauche, cetétonnant relief d'une croix

irlandaise du 9e siècle où

sont figurés les douzeapôtres), les collectivitéshumaines ne renoncent en

rien â leur identité propre.Et c'est sa variété qui fait larichesse du patrimoineculturel et naturel de

l'humanité. A droite et de

haut en bas, fragment detissu copte (Ethiopie)représentant le Nil, avecdes hommes, des oiseaux,

des poissons et d'autresanimaux ; le petit templed'Abou Simbel (Egypte) ;une vue aérienne de

champs cultivés etd'habitations

caractéristiques d'unerégion du Mali.

17

Page 18: Le vrai visage d'Alexandre? Une tombe royale et ses …unesdoc.unesco.org/images/0004/000445/044515fo.pdfAnglais Hindi Ourdou Espagnol Tamoul Catalan Russe Persan Malaysien Allemand

Découvert en Macédoine

Le tombeau présumé de Philippe IIpère d'Alexandre le Grand

par Manolis Andronicos

VERGINA, un petit village de la Macédoine grecque, à douzekilomètres au sud-est de Véria, est le site d'une des décou¬vertes archéologiques les plus spectaculaires de ces der¬

nières années. A proximité se trouve un autre village, plus grand,Palatitsia, dont le nom « les petits palais » doit son origineaux* ruines hellénistiques, nombreuses dans les environs. L'archéo¬logue français Léon Heuzey fut le premier à repérer ces vestiges en1855. Les fouilles qu'il entreprit à cet endroit furent poursuivies en1938 par K.A. Rhomaios, de l'Université de Salonique, et ache¬vées, entre 1958 et 1975, par G. Bakalakis, de la même université,et l'auteur du présent article. On mit au jour dans cette zone deuxtombes macédoniennes et il parut probable qu'on en découvriraitd'autres dans son voisinage immédiat.

Ma longue familiarité avec le site de Vergina a commencé en1937 lorsque j'ai participé aux fouilles menées par mon maître Rho¬maios avec lequel j'ai travaillé jusqu'en 1940. En 1949, devenumembre du service archéologique grec, j'eus la chance d'obtenir àVéria un poste me conférant la responsabilité de Vergina.

J'explorai d'abord la « Megali toumba » ou Grand tumulus(1 10 m de diamètre pour une hauteur de 12,50 m) qui dominait unevaste nécropole constituée de tumuli plus petits. Ma première ten¬tative fut infructueuse, mais j'acquis du moins la certitude que saconstruction remontait à l'époque hellénistique et que cette emi¬nence abritait une grande tombe macédonienne.

Au cours des années suivantes, j'étudiai les tumuli voisins : ilsdataient pour la plupart du premier âge de fer (1000-700 av. J.-C),mais avaient continué d'être utilisés jusqu'au premier siècle aprèsJ.-C, à la fin de l'époque hellénistique. Les tombes découvertesremontaient à la période la plus ancienne (1000-700 av. J.-C.) et serévélèrent riches en poteries, en bijoux de bronze et en armes defer.

En 1962 et 1963, je tentai à nouveau de percer le secret du Grandtumulus. Après avoir creusé jusqu'à 11,50 m de profondeur sansfaire la moindre trouvaille, j'eus la conviction que le tombeaudevait en réalité se trouver sous la butte, dans le sol vierge. Le rem¬blai livra plusieurs fragments de stèles funéraires dont une portaitune peinture d'une très belle facture; la stèle la plus anciennedatait du début du IIIe siècle avant J.-C.

Ce n'est qu'en 1976 après une longue interruption due à lafouille du palais menée avec mon collègue Georges Bakalakisqueje me remis à l'ouvrage. Je savais qu'une seule saison ne suffi¬rait pas pour atteindre la profondeur de 12,50 m et pour entamer lavéritable recherche de la tombe. La chance, d'un autre côté, mesourit : l'état de dévastation dans lequel nous était apparue lanécropole, lors des fouilles de 1976, venait à l'appui de l'identifica¬tion proposée par Nicholas Hammond, de l'université deBristol de Vergina avec l'ancienne ville d'Aigai où étaient enter¬rés les rois de Macédoine.

On pouvait donc établir un lien entre les vestiges livrés par leremblai du Grand tumulus et le pillage des tombes royales auquelse livrèrent les mercenaires gaulois laissés en garnison à Aigai en274-273 avant J.-C. par Pyrrhus, le roi d'Epire qui envahit la Macé¬doine, battit le roi Antigone Gonatas, et s'empara de nombreusesvilles. Si cette hypothèse se vérifiait, il faudrait en conclure logi¬quement que le Grand tumulus fut érigé par Antigone Gonatas

(320-239 av. J.-C), qui reprit Aigai dès l'année suivante, afin derecouvrir les tombes pillées et protéger à l'avenir son propre torn-,beau d'un pareil vandalisme.

Plein d'espoir, je repris les fouilles le 30 août 1977 avec mesassistantes Stella Drougou et Chrysoula Paliadeli. Après avoir tra¬vaillé pendant trente-cinq jours et retiré 18 000 mètres cubes deterre, nous atteignîmes le sol vierge au centre du tertre. Le résultatnous causa une très vive déception : aucune trace ni de construc¬tion ni d'activité humaine.

Mais pendant les derniers jours de la saison 1977, alors que nouspréparions une rampe d'accès en vue des travaux à effectuer en1978, je remarquai un tumulus plus ancien et plus petit, dissimulédans le périmètre sud-ouest du Grand tumulus. En creusant dansce tertre, nous rencontrâmes un curieux pan de mur dont le som¬met et l'un des côtés étaient enduits de chaux. Quelques jours plustard, un autre ouvrage en pierre apparut près d'un mur massif ethabilement bâti. Le jour suivant, nous dégageâmes, entre ces deuxmurs, le toit d'une tombe rectangulaire qui avait été ouverte autre¬fois et semblait avoir été pillée.

La découverte de trois édifices, côte à côte, confirma bientôtnos espoirs. Deux d'entre eux étaient souterrains, le troisième,construit à la surface, avait subi une destruction complète : seulesses fondations subsistaient. Mais près de celles-ci étaient disposésun grand nombre de blocs de marbre, magnifiquement travaillés etayant appartenu à la superstructure du monument.,La destructiongauloise datant de 274-273 av. J.-C, n'apparaissait plus désormaiscomme une simple spéculation, mais se voyait corroborée par nos idécouvertes. " I

MANOLIS ANDRONICOS, professeur d'archéologie classique à l'univer¬sité de Thessalonique, a fait paraître de nombreuses études sur l'archéolo¬gie grecque et l'histoire de l'art. Il a notamment consacré des ouvrages àl'Acropole, à Delphes et à Olympie.

18

Page 19: Le vrai visage d'Alexandre? Une tombe royale et ses …unesdoc.unesco.org/images/0004/000445/044515fo.pdfAnglais Hindi Ourdou Espagnol Tamoul Catalan Russe Persan Malaysien Allemand

I ».

Les deux minuscules tâtes en ivoire (2 cm de haut), d'une force

d'expression étonnante, que l'on voit ci-dessus, sont peut-être lesportraits les plus authentiques du père et de la mère d'Alexandre leGrand. Elles gisaient â même le sol dans la chambre principale de lagrande tombe (n° 3 du plan p. 20). Leur présence, avec celle d'autresobjets non moins extraordinaires, renforce l'hypothèse du professeurAndronicos: ce tombeau serait celui de Philippe II de Macédoine (v.382-336 avant J.-C). Le sculpteur le grand Léocharès lui-même? asu rendre la personnalité impérieuse et jusqu'au regard borgne du roi deMacédoine (en haut à droite). Entre ce visage de femme (en haut àgauche) et les traits célèbres d'Alexandre (voir les portraits p. 27), laressemblance est saisissante: même bouche, même port de tête, mêmeregard éclairé. Peut-être est-ce Olympias, la mère d'Alexandre, qui futrépudiée par Philippe. Le Silène barbu et chevelu, ci-contre, orne unpichet en argent trouvé dans la chambre de la grande tombe. Sur ledétail d'un vase en argent provenant également de la tombe qu'on voitsur la page de gauche, on reconnaît Héraclès, ancêtre légendaired'Alexandre du côté paternel: trente-huit générations, selon Plutarque,séparaient Alexandre d'Héraclès...

19

Page 20: Le vrai visage d'Alexandre? Une tombe royale et ses …unesdoc.unesco.org/images/0004/000445/044515fo.pdfAnglais Hindi Ourdou Espagnol Tamoul Catalan Russe Persan Malaysien Allemand

Rendue à la lumière après plus de 2000ans, cette fresque (large de 5,50 m ethaute de 1,20 m) domine la façademonumentale de la grande tombe (n° 2du plan). Malgré son mauvais état deconservation, on reconnaît une scène

de chasse au sanglier et au lion, traitéede façon magistrale. Cavaliers,hommes à pied et animaux évoluentdans un paysage hivernal indiqué parplusieurs arbres dépouillés. C'est untémoignage exceptionnel de ce que futla peinture grecque du IVa siècle avantJ.-C.

Ce plan de la grande tombe donne uneidée précise de la première sépultureroyale macédonienne qui nous soitparvenue intacte. On y voitl'emplacement de certaines trouvaillesfaites par le professeur Andronicosdans ce qui fut peut-être la dernièredemeure de Philippe de Macédoine, lepère d'Alexandre: (1) porte d'entréemonumentale (2) fresque représentantla chasse au sanglier et au lion, photop. 20 (3) chambre principale (4) 1ersarcophage et grand coffret funérairecontenant peut-être les ossements dePhilippe de Macédoine, photo p. 21(5) couvercle du bouclier et vases en

bronze (6) porte mitoyenne (7) passagedégagé dans le mur par lesarchéologues pour accéder dansl'antichambre (8) antichambre (9) 2'

sarcophage et coffret funéraire pluspetit (10) goryte en or et paire decnémides d'inégale longueur, photop. 21.

PAGE COULEUR

Ces objets d'un luxe impressionnantsont autant de pièces â convictiond'une importance historique: ils ontété découverts dans ce que

l'archéologue grec Manolis Andronicospense être la tombe de Philippe deMacédoine. Ceux qu'on voit sur laphoto du bas de la page ont ététrouvés tels quels dans l'antichambre,auprès de la porte mitoyenne (n° 10 duplan). D'une exécution splendide, legoryte en or (étui à flèches et à arc) n'apu appartenir, selon toutevraisemblance, qu'à un roi. Son décorreprésente très certainement la prisede la ville de Troie. Une paire decnémides dorées (jambières de métal)était posée à côté. La gauche est pluscourte de 3,5 cm que la droite: indicetroublant quand on sait que Philippeétait boiteux. En haut, placé àl'intérieur du sarcophage de lachambre principale (n° 4 du plan), cefabuleux coffret funéraire en or massif

(larnax) pèse près de 11 kg. Sur lecouvercle on reconnaît l'emblème de la

Macédoine: un soleil rayonnant. Lesossements contenus dans ce larnax

pourraient être ceux du roi Philippe lui-même.

Photos © Spyros Tsavdaroglou, Athènes

Page 21: Le vrai visage d'Alexandre? Une tombe royale et ses …unesdoc.unesco.org/images/0004/000445/044515fo.pdfAnglais Hindi Ourdou Espagnol Tamoul Catalan Russe Persan Malaysien Allemand
Page 22: Le vrai visage d'Alexandre? Une tombe royale et ses …unesdoc.unesco.org/images/0004/000445/044515fo.pdfAnglais Hindi Ourdou Espagnol Tamoul Catalan Russe Persan Malaysien Allemand
Page 23: Le vrai visage d'Alexandre? Une tombe royale et ses …unesdoc.unesco.org/images/0004/000445/044515fo.pdfAnglais Hindi Ourdou Espagnol Tamoul Catalan Russe Persan Malaysien Allemand

/"\

-

13 CVVxV

^^b> *^>^B t^R^V ^9h

^^^^BK ^1* .^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^1

^n\x^?j

^^^H

^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^B ^^^^^^^^B ^^^^^1

¡L ^H& ^^^^^^^^^^^^fl

Page 24: Le vrai visage d'Alexandre? Une tombe royale et ses …unesdoc.unesco.org/images/0004/000445/044515fo.pdfAnglais Hindi Ourdou Espagnol Tamoul Catalan Russe Persan Malaysien Allemand

1

~/$È

*

fi

^',H!'»

LïtÀ-iJÎ

Page 25: Le vrai visage d'Alexandre? Une tombe royale et ses …unesdoc.unesco.org/images/0004/000445/044515fo.pdfAnglais Hindi Ourdou Espagnol Tamoul Catalan Russe Persan Malaysien Allemand

PAGES EN COULEUR

Pages centrales

Vieux de 700 ans, le mystère d'Elche a gardéjusqu'à nos jours toute sa vitalité populaire et samagnificence plastique (voir l'article de la page32). A gauche, une des scènes fondamentales duMystère. Les principaux acteurs de lareprésentation sacrée sont rassemblés à l'intérieurde la basilique. Dans la partie inférieure, lesApôtres et les habitants de Josaphat contemplentla Vierge qui, après sa dormition, est enlevée auciel corps et âme et couronnée Reine des Cieux.La Vierge est guidée dans son ascension par deuxanges qui chantent en s'accompagnant d'uneguitare et d'une harpe. Dans la partie supérieure,le Saint Père (Dieu) entouré par les anges duCouronnement. Tous les personnages sont deshabitants d'Elche ; la Vierge, représentée ici aprèssa mort, apparaît sous la forme d'une statue. Enhaut à droite, un détail de la scène précédenteavec la Vierge et les anges qui accompagnentcelle-ci dans sa montée au ciel. En bas, la Viergeencore en vie, représentée, suivant la tradition, parun enfant d'Elche, Manolito.

Photos James Wedge © Folger Shakespeare Library, Washington, D C.

Page de gauche

Photo en haut â gauche. Religion dominante del'époque de Sukhothai, le bouddhisme coexistaavec le brahmanisme. C'est ainsi que l'école deSukhothai produisit une série de statuesbrahmaniques en bronze remarquables par laprécision du détail et par leur beauté. La photomontre le buste d'une statue en bronze de

Sukhothai (hauteur totale : 155 cm) datant du

14ème siècle, qui représente Uma, la femme deCiva, le dieu brahmanique.Photo en haut à droite. Les sculpteurs deSukhothai avaient coutume de figurer le Bouddhaassis, les jambes croisées, la main gauchereposant ouverte dans le giron, la main droiteplacée sur le genou droit, les doigts dirigés vers lebas. Cette attitude s'appelle la "victoire sur Mara"ou "prise de la terre à témoin". Elle représente unépisode important de la vie du Bouddha : celui oùMara, le Malin, le tentateur qui règne sur ledomaine des désirs, s'efforça de le soumettre etde l'empêcher d'atteindre l'illumination. Impassibledevant l'armée des démons. Bouddha resta assis

en méditation jusqu'à ce que s'enfuient, vaincus,Mara et ses légions; de la main, il toucha le solpour prier la déesse de la terre d'être témoin de savictoire sur le mal. Photo du bas. Cette statue

couchée en bronze doré du Mahâparinirvâna(Bouddha ayant atteint le nirvana suprême) datedu 14ème siècle ou du 15ème siècle et fut

transférée du Wat Pra Luang de Sukhothai, àBangkok, au début du 19ème siècle. Le socle, lesstatues des deux disciples et la peinture du fondreprésentant les fidèles assemblés pour écouter lesdernières paroles du Bouddha datent tous du19ème siècle.

Photo Hans Hinz © La Sculpture en Thaïlande.

par Jean Boisselier et Jean-Michel Beurdeley, éd. Office du Livre, Fribourg

Photos Alexis Vorontzoff, Unesco

( Les dimensions intérieures de la « petite » tombe étaient de3,50 m sur 2,09 à 3 m. Manifestement on l'avait pillée de fond encomble : il ne restait presque rien. Ce qu'elle contenait était sûre¬ment précieux : sans doute des bijoux et des ustensiles en or, enargent et en bronze. Qu'il s'agît là d'une tombe d'un luxe peu com¬mun se devinait aux trois fresques d'une qualité parfaite quiornaient le haut des murs. Sur le long mur septentrional figuraitune composition exceptionnelle : l'enlèvement de Persephone parPluton. C'est la première fresque du IVe siècle qu'on ait découverteen Grèce. L'assurance et l'aisance de la facture, l'inspiration dudessin et les nuances de la palette, la puissance d'expression etl'habileté de ta perspective indiquent l'oeuvre d'un très grand maî¬tre. Je ne pense pas être trop loin de la vérité en l'attribuant à Niko-machos, le célèbre artiste grec du milieu du IVe siècle avant J.-C,qui peignit ce sujet rare et était renommé autant pour la perfectionque la rapidité de son travail. Les fresques des deux autres mursreprésentent des figures de femmes à la silhouette ravissante, maisaux couleurs moins raffinées.

Lorsque nous avons commencé à dégager le mur voisin, nousavons trouvé un amas de tessons, de cendres et d'os carbonisés depetits animaux. Les poteries auxquelles appartenaient ces tessons.ont été fabriquées vers 340-330 avant J.-C. et sont certainementantérieures à 320 avant J.-C. Observation particulièrement intéres¬sante, la maçonnerie du mur conduisait à la même conclusion.

A mesure que nous creusions, une façade insolite apparut : unecorniche peinte d'un magnifique décor de palmettes la surmontait.Au-dessous, au lieu des triglyphes et des métopes de style doriqueque nous nous attendions à voir, nous rencontrâmes une surfaceplane qui semblait peinte elle aussi. La première figure surgit bien¬tôt : un jeune homme debout tenant une lance, à côté d'un che¬vreuil et d'un cavalier. La scène entière, large de 5,50 m et hautede 1,20 m est un témoignage, unique en son genre, de ce que futla peinture grecque, perdue pour nous jusqu'à ce jour, et dont ondevinait seulement la beauté d'après les copies et les imitations del'époque romaine qu'on trouve à Pompéi, Herculanum et Bosco-reale.

Le motif principal est une chasse au sanglier et au lion (n° 2 duplan p. 20). Trois cavaliers et sept hommes à pied armés de lances,entourés de chiens et de bêtes sauvages, avancent dans un pay¬sage hivernal marqué par trois arbres dépouillés. Le traitement despersonnages, la perspective inattendue, la sûreté de la composi¬tion, la qualité et la variété des couleurs en font un véritablechef-d'�uvre. Je l'attribuerais volontiers à l'artiste qui peignit lafresque originale de la bataille d'Issos, modèle dont était inspirée lacélèbre mosaïque de Pompéi. Cette peinture murale unique due au« peintre de Vergina » nous permet d'apprécier pour la premièrefois le haut degré de perfection atteint par la peinture grecque àl'une des plus grandes époques de son histoire. Ce fut la premièredécouverte majeure.

La poursuite des fouilles mit au jour l'entablement de l'édifice,les métopes et les triglyphes ainsi que l'architrave, les chapiteauxdes colonnes et les pilastres d'angle. Ils avaient tous conservé lescouleurs d'origine. Notre attention se fixa bien entendu sur lemilieu de la façade où devait se trouver la porte. Nous rendantcompte qu'il était impossible d'achever le dégagement de celle-ciau cours de cette saison, nous décidâmes d'enlever la terre qui enobstruait la partie supérieure pour pouvoir regarder et, si possible,pénétrer dans la sépulture. Ce plan reposait sur l'hypothèse qu'elleavait été pillée et donc que la porte, une fois brisée, était tombée àl'intérieur. Mais quand nous atteignîmes le linteau, une surprisemerveilleuse nous attendait : la porte était intacte, ce qui laissaitsupposer que le tombeau avait échappé au pillage I Je n'avaisjamais espéré une telle chance (n° 1 du plan p. 20). Vergina nenous livrait-elle pas l'une des plus grandes tombes macédionien-nes, la plus ancienne à ma connaissance, dont la façade était ornéed'une fresque incomparable, et la seule jusqu'à ce jour qui nousparvienne inviolée ? Dès lors, notre émotion devint encore plusintense.

Il s'agissait maintenant de trouver le moyen de pénétrer dans latombe sans passer par la porte, pour l'heure inaccessible et, desurcroît, ouvrable seulement de l'intérieur. Derrière la façade, nousn'avions dégagé qu'une petite partie du toit, mais nous nous étionsrendu compte que le tombeau, à l'instar de toutes les tombesmacédoniennes connues, était voûté. Il ne restait donc qu'un seulmoyen d'y accéder : enlever la clef de voûte, procéder, autrementdit, à la façon des anciens pilleurs de tombe ! ,

Quand la terre, qui avait six mètres d'épaisseur à cet endroit, fut I

25

Page 26: Le vrai visage d'Alexandre? Une tombe royale et ses …unesdoc.unesco.org/images/0004/000445/044515fo.pdfAnglais Hindi Ourdou Espagnol Tamoul Catalan Russe Persan Malaysien Allemand

Photo © Spyros Tsavdaroglou, Athènes

Jusqu'à la découverte destombes de Vergina, lesfresques grecques du IV*siècle avant J.-C. n'étaient

connues que par lesdescriptions antiques oudes copies romaines,comme à Pompéi. D'oùl'intérêt unique de cettepeinture on en voit ici undétail représentantl'enlèvement de

Persephone par Pluton.Cette scène, au

mouvement dramatique etd'un érotisme plein degrâce, orne le murseptentrional de la petitetombe qui n'avait paséchappé aux pilleurs.

y enlevée, une situation imprévue se présenta. Sur l'arrière du toitapparut une construction en briques crues qui s'était écroulée sousle poids du remblai. Dans cet amoncellement, nous trouvâmesdeux épées en fer, une pointe de sarissa (longue lance utilisée parles guerriers macédoniens) et plusieurs fragments de harnais en ferportant des traces de combustion. Ils avaient sans doute été placésdans le bûcher funéraire puis au sommet de la tombe, ce qui rap¬pelle la scène célèbre des funérailles de Patrocle, décrite parHomère, au cours desquelles Achille fit brûler quatre chevaux enmême temps que le corps de son ami défunt.

Le 8 novembre 1977, la clef de voûte fut enfin ôtée. Pour regar¬der à travers l'ouverture, je m'aidai d'abord d'une lampe électrique.La chambre, carrée, mesurait 4,46 m sur 4,46 m, et une autreporte de marbre la séparait de l'antichambre (nos 3-6-8 du plan p.20). L'enduit des murs, qu'on se serait attendu à trouver décoré defresques, était de très mauvaise qualité, comme si l'exécution enavait été hâtive. La chambre, toutefois, renfermait deux groupesd'objets : dans un coin gisaient des vases et des armes en bronze,dans un autre, des vases en argent. Le sol était jonché de maté¬riaux décomposés parmi lesquels étaient répandues des feuillesd'or. Juste sous l'ouverture, je pus distinguer le couvercle rectan¬gulaire d'un sarcophage en marbre (n° 4 du plan p. 20). Le specta¬cle était saisissant ! A l'aide d'une échelle, nous descendîmes dansla chambre, située à 5,30 m de profondeur. Pour la première foisdepuis qu'on l'avait enterré, ce fabuleux trésor d'objets funérairess'offrait au regard.

Il est impossible d'énumérer toutes nos découvertes. Le groupede vases et d'armes en bronze comprenait deux trépieds, troisgrands vases et d'autres plus petits, un nombre important desarissa et de pointes de javelots en fer, et deux cnémides. Unetrouvaille étonnante : l'un des vases recelait une éponge qui avaitconservé par miracle toute sa souplesse. Les vases en argent del'autre groupe, exceptionnels par leur qualité, offraient des formeset une décoration d'une exécution et d'une sensibilité sans égales.Ils portaient presque tous à la base de leurs anses de petites têtesen relief qui représentaient entre autres Héraclès, Silène et Pan

trésor inestimable pour l'étude de la toreutique grecque (l'art desculpter sur métal).

Parmi d'autres pièces également exceptionnelles, un grand objetde forme circulaire, semblable à un bouclier, surplombait le groupeen bronze (n° 5 du plan p. 20). Mais en le déplaçant nous comprî¬mes, à l'absence de poignée et d'autres détails caractéristiques,que ce ne pouvait être un bouclier non plus qu'un récipient telqu'un chaudron.

Derrière gisaient des bandes en or et en argent, un disque et lesfragments de deux statuettes en ivoire. Ces pièces appartenaientau bouclier véritable qui devait avoir à l'origine une armature debois et de cuir avec des ornements d'or et d'ivoire, et des poignées

dotées de figures en relief et en argent doré d'une grande beauté.Le vaste couvercle de bronze servait sans doute à protéger un

objet aussi précieux et raffiné. Ce bouclier, inutilisable dans uncombat, était vraisemblablement une arme d'apparat.

A côté, nous trouvâmes le casque en fer du défunt, avec soncimier caractéristique et la figure d'Athéna sculptée sur le devant.C'est le premier casque macédonien qu'on ait découvert.

Non loin de là reposait la cuirasse, le dos tourné vers le haut. Lesplaques de fer qui la constituaient étaient revêtues de cuir et detissu. Trois bandes d'or en décoraient les deux côtés et les bords.

Le plastron portait six têtes de lion en or et le bas comprenait plusd'une cinquantaine de lambrequins dorés. L'emplacement d'uneplaque en or rectangulaire où était sculptée la figure d'Athéna étaitdifficile à déterminer.

26

Page 27: Le vrai visage d'Alexandre? Une tombe royale et ses …unesdoc.unesco.org/images/0004/000445/044515fo.pdfAnglais Hindi Ourdou Espagnol Tamoul Catalan Russe Persan Malaysien Allemand

Dans le périmètre situé entre la cuirasse et le casque, on trouvaune épée. Le fourreau, en bois et aux extrémités arrondies en¡voire, avait plusieurs attaches dorées et portait un décor de pal-mettes d'or.

Ces armes, par leur caractère exceptionnel, leur exécution mer¬veilleuse et le luxe de leur décoration, prouvaient que le mort étaitun très grand personnage. Nous trouvâmes un autre objet, en or eten argent, également unique : un cylindre circulaire, orné de losan¬ges, dont les deux extrémités s'enfoncent dans un petit tuyaudécoré d'un motif en relief imitant le nceuf d'un ruban et les bouts

d'un lien. Selon toute vraisemblance, il s'agit là d'un diadèmepareil à ceux que l'on voit sur les portraits de plusieurs souverainsde l'époque hellénistique : Attale III de Pergame, Antiochos III deSyrie, Antigone Gonatas de Macédoine. Alexandre le Grand lui-même fut représenté portant un diadème identique, notammentsur les portraits figurant au Prieuré Rossie, en Angleterre et aumusée des Beaux-arts de Boston. Cette interprétation nous con¬duit inévitablement à conclure que le défunt était un roi. La date detous les objets que nous avons trouvés se situe entre 350 et, aumaximum, 325 avant J.-C. Or il n'y eut qu'un roi de Macédoine de359 à 336 avant J.-C. : Philippe II, qui n'est pas seulement connupour avoir été le père d'Alexandre le Grand, mais aussi pour avoiraffermi le royaume macédonien et établi son hégémonie sur laGrèce en 338 avant J.-C.

Alexandre, qui succéda à Philippe en 336 avant J.-C. et régnajusqu'en 323 avant J.-C, mourut et fut enterré hors de Macé¬doine. Nous sommes donc pratiquement forcés d'en arriver à cetteconclusion stupéfiante : si le mort est un roi, il ne peut s'agir quede Philippe I

Conformément au rituel funéraire qui se pratiquait alors, uneurne placée dans le sarcophage de marbre aurait dû contenir lesossements calcinés du défunt. Nous nous attendions à trouver une

amphore richement décorée, dorée peut-être. Mais quand nousretirâmes le couvercle du sarcophage, nous fîmes une découverteinouïe : un coffret en or (ou « larnax »), long de 40 cm environ,large de 33,5 cm, haut de 17 cm (sans les pieds) et pesant (avec lesossements) 10,8 kg. Il était décoré de palmettes, de rosaces et deguillochis, et, sur le couvercle, d'une étoile. Sur les ossements cal¬cinés (dans un état de propreté rare) qu'il y avait à l'intérieur étaitposée une couronne en or de glands et de feuilles de chêne.

Sur certains os et dans le fond du coffret, on distinguait unecouleur bleu-violet. Les spécialistes certifient qu'elle provenait dutissu de pourpre dans lequel on avait enveloppe les ossements, cequi rappelle la description, dans Homère, de l'ensevelissement dePatrocle, Hector et Achille, les héros les plus importants de laguerre de Troie.

Nous pensions que cette découverte marquait le couronnementde ces fouilles remarquables. Mais ces pierres nous réservaientencore d'autres surprises : des trouvailles inespérées vinrentencore renforcer la thèse selon laquelle ce tombeau avait un rap¬port étroit avec Philippe. Devant le sarcophage de marbre gisaientsur le sol des restes de matériaux qui provenaient, je suppose, d'unlit ou d'un meuble de bois décoré de figurines humaines en ¡voire eten or. Nous avions laissé sur place les têtes, les mains et les jambesen ¡voire en attendant que les spécialistes viennent les enlever.

Un jour que j'examinais l'intérieur de la tombe, je m'aperçusavec stupeur que l'une de ces têtes était un excellent portrait dePhilippe, qui laissait transparaître, sous les traits de l'homme mûr,un peu las, dont l'eil blessé avait été habilement suggéré parl'artiste, la forte personnalité du roi de Macédoine. Je ramassai unedeuxième tête sans en croire mes yeux ! Je regardai de nouveauattentivement : non, je ne me trompais pas, c'était bien Alexan-

SUITE PAGE 30

Visages d'Alexandre"A moi la terre; toi, Zeus, contente-toi de

l'Olympe." Ce mot prêté à Alexandre parune épigramme antique estadmirablement illustré par certainsportraits que nous connaissons de lui,comme cet Alexandre à la lance du Musée

du Louvre, statuette en bronze inspirée deLysippe, d'un héroïsme rayonnant (ci-contre). Insigne de royauté, ce diadème enor et en argent (en haut à gauche) futdécouvert dans la chambre principale de lagrande tombe (n° 3 du plan p. 20). Il estorné de losanges et d'un motif en reliefimitant le n d'un ruban. Fait capital :

sa ressemblance avec ceux que l'on voitsur les portraits de certains souverains del'époque hellénistique et notamment sur latête de l'Alexandre du Musée des Beaux-

Arts de Boston, au centre. Bien

qu'Alexandre, selon Plutarque, ait ordonnéque le seul Lysippe fît ses statues, il existeplusieurs effigies, plus ou moinsidéalisées, du conquérant. Le buste deBoston reproduit les traits notés par latradition littéraire: tête penchée surl'épaule gauche, regard lumineux tournévers le ciel. Le grand Léocharès estl'auteur d'un portrait d'Alexandre jeune,conservé au Musée de l'Acropoled'Athènes, remarquable par l'intensité etl'intelligence de l'expression, la sensualitéfrémissante de la bouche et la chevelure

léonine, à l'extrême gauche. Mais aucunde ces portraits n'égale le réalismebouleversant du visage présuméd'Alexandre, découvert à Vergina etreproduit sur notre couverture.

Photo © Courtesy Museum of Fine Arts, Boston

27

Page 28: Le vrai visage d'Alexandre? Une tombe royale et ses …unesdoc.unesco.org/images/0004/000445/044515fo.pdfAnglais Hindi Ourdou Espagnol Tamoul Catalan Russe Persan Malaysien Allemand

Photo © Bibliothèque Nationale, Pans

La légende d'AlexandreEn Orient comme en Occident, la renommée d'Alexandre a pris dès samort des proportions inouïes. Sans cesser d'incarner le type duconquérant suprême, le vainqueur de la Grèce et de l'Asie est devenuun héros quasi mythique capable d'accomplir toutes sortes d'exploitsmiraculeux et un modèle paré de toutes les vertus. D'où une floraisonsans précédent d'images et de récits. La vie d'Alexandre inspira, dès leIIe siècle après J.C., un romancier grec, le pseudo-Callisthène. Traduiten latin au IV" siècle, son récit des aventures légendaires d'Alexandrefut repris en France par plusieurs poètes au XIa et au XII* siècle. Pourcélébrer Alexandre certains choisirent le vers de 12 syllabes qui, pourcette raison, reçut le nom d'"Alexandrin." Autre marque de cette gloirelégendaire: Alexandre est l'un des quatre rois des jeux de cartes. Lechoix iconographique présenté ici illustre cette dimension fabuleuse dupersonnage. Sur cette miniature (photo 2) de La Vraie Ystoire dou bonRoi Alexandre du XIV« siècle, l'intrépide Alexandre, enfermé dans untonneau de verre, se fait couler au fond de la mer. Au-dessus de lui

passe une baleine aux fanons fantaisistes, dans un décor de poissons etd'hommes marins. Cette prouesse s'inscrit dans une vision déjàfaustienne du conquérant conçu comme un héros du savoir n'eut-ilpas le philosophe Aristote pour maître? Aussi bien pour explorer le cielAlexandre n'hésite pas â s'envoler dans une nacelle tirée par deuxgriffons "hideux et gigantesques", sous le regard ébloui et un peuinquiet de ses soldats (photo 1). (Photo 3) Fils modèle, le futur maître dumonde figuré ici sur un manuscrit byzantin du Moyen Age conduitsa mère Olympias devant son père Philippe II de Macédoine dansl'espoir d'une réconciliation entre les deux époux. Raccommodementd'autant plus improbable qu'Olympias, selon les historiens, fut sansdoute l'instigatrice du meurtre de Philippe... (Photo 4) Devenu chevalierd'une chanson de geste du X* siècle, Alexandre apprend des arbres dusoleil et de la lune, qui savent parler, sa mort prochaine (manuscritfrançais du XVa siècle).

28

Photo © Bibliothèque Royale Albert-1", Bruxelles

Page 29: Le vrai visage d'Alexandre? Une tombe royale et ses …unesdoc.unesco.org/images/0004/000445/044515fo.pdfAnglais Hindi Ourdou Espagnol Tamoul Catalan Russe Persan Malaysien Allemand

Malgré les précautions qu'il prit pour échapper à son destin, Alexandre mourut, peut-être empoisonné,dans sa trente-troisième année. Son cercueil repose ici sur un socle comme c'était la coutume pour lesempereurs de Chine. Cette admirable miniature persane du X' siècle, tirée du Châhnâmeh de Firdûsfdonne à la mort du héros tout son caractère tragique. Au premier plan, les pleureuses se tordent lesmains de douleur. Derrière le cercueil se tient Aristote, l'ancien précepteur d'Alexandre. Image de ladétresse maternelle et figure centrale de la scène, Olympias est prostrée sur le cercueil de son fils.Attitude pathétique qu'accentue encore le drapé mouvementé de sa robe. . n n

Page 30: Le vrai visage d'Alexandre? Une tombe royale et ses …unesdoc.unesco.org/images/0004/000445/044515fo.pdfAnglais Hindi Ourdou Espagnol Tamoul Catalan Russe Persan Malaysien Allemand

4fjUfl

SUITE DE LA PAGE 27

dre ! Et je tenais le meilleur portrait qu'on ait de lui : le cou tendu etpenché, les yeux vifs levés vers le ciel, le regard plein de feu, exac¬tement tel que l'a décrit Plutarque. Tout près, un troisième portraitressemblait à celui d'Alexandre, mais il s'agissait d'une femme. J'aiestimé ensuite qu'il représentait Olympias, la mère d'Alexandre.Plus loin j'en vis encore deux, l'un masculin et l'autre féminin, dontje ne pus identifier les visages énergiques. Je me souvins des sta¬tues de sa famille que Philippe commanda au grand sculpteur Léo-charès après la bataille de Chéronée (338 av. J.-C.) pour les consa¬crer à Olympie. Cette victoire établit l'hégémonie de la Macédoinesur la Grèce entière. Les statues représentaient Philippe, sesparents, Alexandre, qui avait combattu aux côtés de son père àChéronée, et Olympias.

Il est fort probable qu'en même temps le roi commanda diversmeubles décorés des images de sa famille. Dans ce cas, ces por¬traits miniatures pourraient être l' de Léocharès lui-même oudu moins venir de son atelier. Leur qualité exceptionnelle est le faitd'un grand maître. Nous avons là, sans conteste, les meilleurs por¬traits, et les plus authentiques, de Philippe et d'Alexandre. Lesdonnées archéologiques recueillies jusqu'ici conduisent à l'hypo¬thèse que la tombe était bien celle du roi Philippe. J'insiste sur lefait que ce n'est pas une conclusion, mais seulement une hypo¬thèse que devra venir confirmer une preuve épigraphique.

Comme toutes les grandes tombes macédoniennes, celle-cicomprenait une chambre et une antichambre séparées par uneporte de marbre à deux vantaux. L'ouverture de ce lourd portail

Ancienne province de l'Inde,Gandhára marque l'extrêmelimite atteinte par les arméesd'Alexandre dans leur marche

vers l'Orient. Au 2e siècle avant

J.-C. le pays tomba sous ladomination des royaumes indo¬grecs. L'art "gréco-bouddhique"auquel le nom de Gandhára estassocié est un exemple uniquede fusion entre les thèmes

hellénistiques, romains, syrienset persans. La majesté de ceBouddha aux traits apolliniensn'est pas sans évoquer le rôleunificateur du plus sageconquérant qu'ait connul'histoire du monde... (détail de

la tête du Boddhisatva de

Shabbhaz-garhi, Musée Guimet,Paris).

scellé n'étant pas tâche facile, au lieu de le forcer, nous enlevâmesun bloc du mur mitoyen pour pénétrer dans l'antichambre (n° 7 duplan p. 20). Nous avions espéré que les murs ou la voûte seraientdécorés de fresques, mais nous ne comptions pas trouver d'autresobjets. Nous fûmes une nouvelle fois frappés de stupeur. Toutd'abord l'enduit des murs, quoique dépourvu de représentations,était d'une extrême qualité, blanc dans la partie inférieure et d'unrouge pompéien dans la partie supérieure. La présence, d'autrepart, d'un second sarcophage en marbre, un peu plus grand et deformat plus oblong que celui de la chambre, était totalement inat¬tendue. Le couvercle était jonché de débris organiques décompo¬sés ressemblant à des fleurs ou des épis de blé, qui se révélèrent àl'examen microscopique être des plumes de grands oiseaux. Nousen trouvâmes d'autres sur le sol mêlées à une grande quantité desubstances organiques provenant probablement de meubles enbois et de vêtements. Les étoffes avaient sans doute été accro¬

chées aux clous que nous découvrîmes tout en haut des murs. Lesfeuilles d'or fin, les débris de verre et d'ivoire qui recouvraient unegrande partie du sol indiquent que le mobilier était doré et dé*coréavec un art raffiné. Une couronne en or de feuilles et de fleurs de

myrte était posée sur le sol à côté du sarcophage.

Dans l'espace compris entre les chambranles de la porte et leportail de marbre, nous aperçûmes de nombreux alabastres. Maisla découverte la plus impressionnante fut celle d'un carquois en orou goryte, identique à ceux que l'on a trouvés dans les tombes desrois scythes en Russie méridionale. Le décor en relief représente

30

Page 31: Le vrai visage d'Alexandre? Une tombe royale et ses …unesdoc.unesco.org/images/0004/000445/044515fo.pdfAnglais Hindi Ourdou Espagnol Tamoul Catalan Russe Persan Malaysien Allemand

probablement la mise à sac de la ville de Troie. Derrière cette pla¬que en or, nous découvrîmes des flèches dont les tiges de boisétaient encore en partie très bien conservées. Une quatrième pairede cnémides dorées était posée à côté du carquois. (n° 10 du planp. 20) La gauche était plus courte de 3,5 cm que la droite; nousnous sommes alors souvenu que Philippe était boiteux...

Le sarcophage de l'antichambre nous réservait une dernière sur¬prise. Quand nous retirâmes le lourd couvercle, nous aperçûmesun second coffret en or, légèrement plus petit et plus simplementdécoré que ne l'était celui de la chambre principale, mais qui por¬tait la même étoile caractéristique sur le dessus (n° 9 du plan p.20). Les ossements calcinés qu'il contenait avaient été enveloppésdans une étoffe de pourpre tissée d'or dont le bord était décoréd'un motif en forme de vagues, et le centre de, feuilles de vigne, defleurs et de branches. A côté des ossements avait été placé, ouplus exactement glissé, un diadème très élégant de fleurs et derameaux, appartenant selon toute vraisemblance à une femme.

L'abondance des découvertes, le luxe des objets et, par-dessustout, leur qualité, confirmaient que nous avions bien affaire à unetombe royale. Si le tombeau de la chambre était celui de Philippe, ilfallait savoir à qui revenait la sépulture de l'antichambre. On pou¬vait supposer, d'après l'élégant diadème et la couronne de myrte,qu'il s'agissait d'une femme : peut-être était-ce Cléopâtre, la der¬nière épouse de Philippe, dont on ne sait au juste si elle fut exécu¬tée par les Olympiens ou contrainte au suicide. Mais cette explica¬tion pose plusieurs problèmes, le plus sérieux étant l'absence debijoux féminins. Nous devons attendre la suite des recherches pourarriver à une conclusion définitive.

Tels furent les premiers résultats des fouilles menées en 1977.Mais leur reprise, l'été dernier (1978), entraîna une autre décou¬verte de taille. Le 5 août, nous rencontrâmes, un peu au nord de lagrande tombe, la façade d'un tombeau macédonien que nousouvrîmes le 22 du même mois.

Cette nouvelle sépulture (tombe III), plus petite mais d'unearchitecture identique, comprend une chambre et une anticham¬bre. La façade porte une frise analogue, mais, à la différence de laprécédente, la fresque a été intégralement détruite, car on l'avaitpeinte sur un support organique (un panneau en bois ?) et non passur le stuc.

Dans la chambre, l'un des deux vantaux internes de la porte demarbre gisait brisé sur le sol. A la place du sarcophage se dressait

une « table » creusée, dans sa partie supérieure, d'une cavité danslaquelle était placée une hydrie en argent contenant les ossementscalcinés du mort. Sur l'épaule de ce vase était posée une couronneen or de feuilles et de fruits de chêne. Le sol était presque entière¬ment recouvert de débris organiques pareils à ceux préalablementidentifiés (un lit en bois, des morceaux de cuir, des ivoires, etc).

Dans un coin se trouvaient de nombreux vases en argent, d'untravail magnifique, dans un autre, deux gros vases en bronzeargenté, et, tout près, un grand luminaire en métal argenté, dont lalampe d'argile était tombée à terre. De l'autre côté, on apercevaitune paire de cnémides, deux couronnes en bronze doré, quelquesfragments du décor d'ivoire d'un lit en bois, ainsi qu'un certainnombre d'objets non reconnaissables.

Sur le sol de l'antichambre, on découvrit les restes d'un vête¬ment de cuir orné d'or et, de l'autre côté, parmi d'autres débrisorganiques, un strigile et la partie inférieure d'une lance dorée.Enfin, une frise étroite et continue représentant une course dechars, pare les murs de l'antichambre. Même si cette peinture,purement décorative, n'est aucunement comparable aux fresquesdes deux autres tombes, sa qualité et son état de conservationsont excellents.

A partir des fragments des sculptures en ¡voire qui décoraient lelit, les techniciens ont pu reconstituer jusqu'alors un groupe d'untravail exquis, où l'on reconnaît Pan et un couple dionysiaque :Dionysos et Ariane peut-être ou bien d'autres personnages d'un« thiasos » (cortège de Dionysos ou d'une autre divinité dansl'antiquité grecque).

Le défunt était sûrement très jeune, mais je suis certain qu'ilappartenait aussi à la famille royale. J'ai le sentiment que cettenouvelle sépulture doit être antérieure à la grande tombe, mais jene peux l'assurer avant d'étudier les objets.

Après cette nouvelle trouvaille, il est probable, à mon sens, quenous nous trouvons dans la zone de la nécropole royale et il y a defortes chances pour que nous rencontrions encore une tombe aucours des prochaines fouilles. Cette découverte revêt une impor¬tance considérable. Les objets exhumés jusqu'à présent consti¬tuent un matériel d'étude extraordinairement précieux pour l'his¬toire de l'art du IVe siècle avant J.-C, en particulier pour la pein¬ture grecque, quasiment inconnue jusqu'à ce jour.

Manolis Andronicos

r*"Xf* - LT1- . - / IM

Darius III Codoman, roi des Perses de335 à 330 avant J.-C, mourut

poignardé à Hécatompylos juste avantl'arrivée d'Alexandre. Sur cette

ravissante miniature persane tirée duChâhnâmeh (vers 1442), on voit Darius,qui vient d'expirer, soutenu parAlexandre. Celui-ci le fit ensevelir avec

les honneurs dus à un roi et se

proclama son successeur en épousantsa fille Stateira.

31

Page 32: Le vrai visage d'Alexandre? Une tombe royale et ses …unesdoc.unesco.org/images/0004/000445/044515fo.pdfAnglais Hindi Ourdou Espagnol Tamoul Catalan Russe Persan Malaysien Allemand

Une scène du début du Mystère d'Elche : les Apôtres et les anges pénètrent en processiondans la Basilique de Sainte Marie. Le Mystère a été filmé pour la première fois dans sonintégralité et avec un maximum d'authenticité par un groupe de techniciens dirigés parMichael Dodds et la journaliste et cinéaste Gudie Lawaetz, qui fut à l'origine de cetteentreprise. Pour le tournage de ce film réalisé en partie grâce au concours du Fondsinternational pour la promotion de la culture, créé par l'Unesco, on a utilisé les techniques lesplus modernes afin de conserver pour l'avenir ce spectacle séculaire et insolite, probablementl'une des dernières survivances des grandes représentations sacrées si nombreuses dansl'Europe médiévale chrétienne.

Le Mystère d'ElcheUne représentation sacrée vieille de 700 ans

par Juan Carlos Langlois

LA profusion d'édifices romans etgothiques érigés par le christianisme

[ en Europe tout au long du. MoyenAge constitue une part importante du patri¬moine culturel de l'humanité. Les édifices

religieux sont partie intégrante du paysage

JUAN, CARLOS LANGLOIS, de nationalitéargentine, auteur d'études littéraires et artisti¬ques parues dans son pays, s'est spécialisé dansles activités concernant la coopération interna¬tionale pour le développement. Représentant enEurope de la Banque inter-américaine pour ledéveloppement, il a participé à l'ouverture demarchés financiers au bénéfice de l'Amériquelatine. Il occupe actuellement à l'Unesco le postede Secrétaire exécutif du Fonds International

pour la Promotion de la Culture. Peintre, ¡la éga¬lement participé à de nombreuses expositions.

physique et spirituel de l'Europe, lessauvegarder et les restaurer représentedonc une des préoccupations légitimes desgouvernements et des communautés decette région.

S'il est relativement facile de restaurer la

pierre, comment pourrait-on en revanche,restituer l'atmosphère humaine et reli¬gieuse de ces époques ? De plus, commenty parvenir sans tomber dans des reconstitu¬tions théâtrales ou cinématographiques quine peuvent que refléter de façon trèsapproximative les sentiments authentiquesdes populations médiévales pour lesquellesl'église était au centre de toute vie collec¬tive ?

La réponse se trouve peut-être à Elche,une ville de la province d'Alicante, en Espa

gne. En effet, depuis le 14e siècle, on ycélèbre la fête de l'Assomption en donnantles 14 et 15 août une représentation del'unique mystère médiéval qui, en vertud'une dispense spéciale du pape UrbainVIII, ait échappé à l'interdiction prononcéepar le Concile de Trente d'organiser desreprésentations dramatiques à l'intérieurdes églises.

Cette survivance, unique en Europe, estle fait d'une population qui, durant sept siè¬cles, a su conserver l'esprit et la forme du"Misteri d'Elx" dans une atmosphère deferveur et d'adhésion qui reproduit defaçon naturelle l'ambiance des représenta¬tions religieuses du Moyen Age.

Entre le 12e et le 16" siècles, la mise enscène des drames et des mystères religieux

32

Page 33: Le vrai visage d'Alexandre? Une tombe royale et ses …unesdoc.unesco.org/images/0004/000445/044515fo.pdfAnglais Hindi Ourdou Espagnol Tamoul Catalan Russe Persan Malaysien Allemand

à l'intérieur des églises a connu une faveuret une participation extraordinaires enFrance, en Angleterre et en Espagne. Lesspectacles, regroupant des centainesd'acteurs, duraient plusieurs jours et néces¬sitaient la mise en place de décors et d'unemachinerie d'une grande complexité.

Parmi les textes qui subsistent, certainscomptent plus de 30.000 vers. Ces dramesmédiévaux, dont on peut dire qu'ils sontissus des mystères grecs et romains, sontsans aucun doute précurseurs du théâtre etde la musique de l'époque de la Renais¬sance en Europe.

Mais l'on sait aussi que rien n'est pluschangeant en Occident que les arts duspectacle. Que reste-t-il de ces mobilisa¬

tions ferventes autour des mystères médié¬vaux hormis certains écrits, des annota¬tions musicales et, depuis le siècle dernier,quelques représentations qui ne sont, pourla plupart, que de pieuses reconstitutions ?

D'où l'importance exceptionnelle querevêt le Mystère de Elche, et la nécessité defixer, grâce aux nouvelles techniquesaudio-visuelles, les caractéristiques decette représentation du Mystère del'Assomption, le seul à avoir survécu prati¬quement intact aux vicissitudes de l'histoireet à l'évolution des coutumes religieuses enEurope.

Pour mesurer toute l'importance duMystère de Elche et comprendre les diver¬ses raisons de son origine et de sa survie,

les mystères du "mystère" il fauttout d'abord replacer la ville dans son con¬texte géographique. Située à 24 km d'Ali-cante, près de la côte Méditerranéenne,Elche fut fondée sous l'empire romain.Occupée par les arabes du temps des Wisi-goths, elle connut sous Adberrahmane IIIun essor considérable ayec la constructionde divers édifices et fortifications, l'installa¬

tion d'un système d'irrigation qui a permisla création de l'oasis la plus importante dusud-est espagnol et d'une palmeraie de 600hectares, la plus grande d'Europe. L'archi¬tecture arabe et musulmane, les palmiers etla limpidité du ciel, ont créé en ce lieu unpaysage assez semblable à celui des origi

nes du christianisme, justifiant ainsi le nomde "Jérusalem espagnole" que l'on donnesouvent à cette ville. Toutefois il faut égale¬ment signaler que Elche n'est pas une loca¬lité perdue dans un endroit inaccessible,mais une importante agglomération indus¬trielle et agricole de 160.000 habitants,située à 12 kms d'un aéroport internationaltrès actif. Le développement rapide de laville durant les dernières décennies, la con¬solidation de son infrastructure industrielle

et l'affluence croissante des touristes n'en

ont pas pour autant altéré la représentationdu Mystère. Quel est donc le secret decette survivance exceptionnelle à une épo¬que où la croissance des villes, le dévelop¬pement du tourisme et des moyens decommunications de masse pervertissent,quand ils ne les font pas purement et sim¬plement disparaître, tant de spectaclespopulaires traditionnels partout à travers lemonde ?

Une des réponses réside sûrement dansles liens complexes que la population deElche a su entretenir avec "son" Mystèretout au long des siècles. Tout comme auMoyen Age, la représentation est encorede nos jours prise en charge par la popula¬tion : les "acteurs" qui incarnent et perfec¬tionnent année après année les personna¬ges du drame les apôtres, les anges, lepeuple sont ouvriers, artisans, techni¬ciens. S'ils participent à l'activité du mondecontemporain, ils se sentent néanmoins lesdépositaires d'une tradition exceptionnelle,héritée directement de leurs aînés. Suivant

la coutume du Moyen Age, les rôles fémi¬nins sont confiés à des enfants et à des

adolescents : la Vierge Marie, par exemple,est actuellement interprétée par Manolito,un garçon de 11 ans.

A une époque où les spectacles ont ten¬dance à se spécialiser selon l'âge du public,il est à la fois étonnant et réconfortant de

constater qu'à Elche toutes les générationsparticipent à la représentation, unies dansune même ferveur. Peut-être est-ce là l'un

des facteurs essentiels qui assurent latransmission du Mystère à travers les siè¬cles.

Cette représentation comprend deuxparties : la "Vespra" et la "Festa". La pre¬mière commence avec l'entrée de la Viergedans l'église et se termine au moment de samort, ou dormition, au milieu des apôtres.Quatre anges descendent alors du ciel, puisremontent vers la coupole de l'église enemportant une image de Marie, symbole deson âme. La deuxième recrée l'enterrement

solennel de la Vierge ainsi que son couron¬nement dans une apothéose finale, aumilieu des applaudissements du public, desaccords de l'orgue, du tintement des clo¬ches, de l'explosion des pétards et des crisde joie de la foule.

L'écrivain catalan Eugenio d'Ors, qui aassisté pour la première fois à la représenta¬tion du Mystère en 1934 rapporte que de savie d'amateur du théâtre il n'avait ressenti

une émotion aussi profonde : "Rien ici nesépare la scène du public, le drame des offi¬ces religieux, le ciel et la terre, l'anecdotedomestique de la crise surnaturelle.L'abside s'est transformée en nef, l'autel en

alcôve. Temple et rue ne font plus qu'un...Le plain-chant se convertit en polyphonie,la polyphonie en air d'opéra. Des pointsd'orgues fleurissent le récitatif. La psalmo¬die ne se distingue pas du chant, ni le chantde la prière, ni la prière du cri, ni le cri dusanglot. On applaudit dans l'église et onprie dans la rue".

Ailleurs, pour montrer que cet "opéra",le plus ancien du monde, présente unesynthèse de différents. genres artistiquesd'une portée plus vaste encore que celledes représentations des *uvres de RichardWagner à Bayreuth, il ajoute : "Mêmedans les processions de la Semaine Sainteà Seville on n'atteint pas l'ivresse cosmiqueet l'extase féminine que provoque leMystère de Elche : la plongée dansl'inconscient qu'un spectacle si singulierapporte comme révélation profonde del'essence même du théâtre".

D'un point de vue artistique, on peut eneffet considérer ce Mystère comme l'undes précédents les plus importants del'opéra et du théâtre de la Renaissance. Le vtexte poétique qui est récité en valencien, f

Aparté de deux saintesfemmes : Marie, mère de

Jacques le mineur et, à gauche,Marie Salomé, mère de saint

Jean, assises à côté de deux

anges sur l'estrade qui sert descène pour la représentation decertains épisodes du Mystère.

Page 34: Le vrai visage d'Alexandre? Une tombe royale et ses …unesdoc.unesco.org/images/0004/000445/044515fo.pdfAnglais Hindi Ourdou Espagnol Tamoul Catalan Russe Persan Malaysien Allemand

Manolito, le garçon d'Elche, âgé de onze ans, qui interprète le rôle de la Vierge, apparaîtdans le cadre simple de son foyer entouré de son père et de son grand-père. Ceux-ciparticipent aussi activement depuis de nombreuses années à la représentation duMystère. La photo montre bien cet enracinement populaire du Mystère qui mobilisechaque année des centaines de familles de la ville. Le fait de confier un rôle féminin à ungarçon ne se limitait pas aux représentations sacrées médiévales : on retrouve cette

pratique dans le théâtre classique de certains pays, notamment en Angleterre à l'époquede Shakespeare.

Le Fonds international

pour la promotion de la cultureLe Fonds international pour la promotion de la culture, créé par l'Unesco, s'estfixé pour objectif de promouvoir les valeurs culturelles, la création artistique et lacoopération culturelle régionale et internationale.

Le Fonds est géré par un Conseil d'administration de quinze membres, nommés âtitre personnel par le Directeur général de l'Unesco.

Les ressources initiales du Fonds ont été fournies par plusieurs pays membres del'Unesco (Arabie Saoudite, Chili, Côte d'Ivoire, Egypte, Inde, Indonésie, Iran,Nigeria, Sénégal, Venezuela et Yougoslavie) ainsi que par diverses institutionspubliques, des fondations et des personnes privées.

Le Fonds, qui a entrepris ses premières activités opérationnelles en avril 1977, aapprouvé jusqu'à présent une assistance financière de plus d'un million de dollarspour aider â la réalisation, dans toutes les grandes régions du monde, de projetsde promotion culturelle.

Il faut citer, parmi ceux-ci, la création, avec le concours de Maurice Béjart, duCentre "Mudra-Afrique" à Dakar ; une étude pour l'établissement, en Colombie,d'une entreprise chargée de la production et la distribution de biens et de servicesculturels ; la création d'une Ecole interculturelle de Musique à Venise ; laproduction d'un matériel d'enseignement du "design" adapté aifx valeursculturelles traditionnelles pour le National Institute of Design (Inde) ; la créationd'un Centre de formation et de production pour la télévision culturelle auVenezuela ; un programme d'enregistrement de la musique arabe, etc.

dialecte de la langue catalane, a probable¬ment son origine dans la littérature destroubadours provençaux. Modifiées aprèsl'expulsion des juifs d'Espagne en 1492, lesparoles et la musique, qui conservent touteleur vigueur d'antan, furent arrêtées défini¬tivement en 1639. Elles sont représentati¬ves des "consuetas" qui ont continué àêtre mises en scène dans toute la Catalo¬

gne longtemps encore après le Moyen Age.

Afin de conserver pour la postérité lespectacle unique qu'est le Mystère deElche, on prit la décision, il y a quelquesannées, de le filmer intégralement et avecla plus grande fidélité possible. Ce projet aété réalisé l'année dernière grâce au con¬cours du Fonds de l'Unesco pour la promo¬tion de la culture et de divers organismes etfondations publics et privés. Le tournage,effectué en août 1978, représente une véri¬table prouesse technique. En effet, dans lesouci de restituer à l'enregistrement toutel'authenticité du spectacle, il ne fut pro¬cédé à aucun essai. Les mouvements des

acteurs et des fidèles au total plus de3.000 personnes ont été filmés le plusnaturellement possible.

Cet effort a permis de créer le premierenregistrement sonore et visuel d'unmystère médiéval (près de 3 heures de pri¬ses de vues) et un film de 1 10 minutes pré¬senté pour la première fois à Washingtonen avril dernier et acheté par différentsréseaux nationaux de télévision.

L'aide du Fonds de l'Unesco est destinée

à permettre la poursuite des recherches surl'origine de cette représentation et les rai¬sons de sa survivance, ainsi que l'étude deses influences en dehors de l'Espagne,puisque l'existence de représentations reli¬gieuses populaires en Amérique latine, parexemple, découle probablement de cer¬tains mystères médiévaux espagnols.

Mais peut-il y avoir une réponse à tousles mystères dU Mystère ? Entreprised'autant plus difficile que l'une des défini¬tions du mot "mystère" est précisément :"chose inaccessible à la raison qui doit êtreconsidérée. comme article de foi".

Face à un nécessaire développementscientifique et technologique, dont le butet les conséquences ont cessé d'être priscomme "articles de foi", le respect del'identité culturelle, le désir des communau¬tés et des individus de recouvrer, sauvegar¬der et promouvoir leurs racines, sont deve¬nus heureusement des préoccupationsprioritaires. Dans ce contexte, le "Mystèrede Elche" apparaît, à la fin de ce siècle,comme l'acte de fidélité nécessaire et salu¬

taire d'une communauté envers un passéculturel qui favorise la construction d'unfutur solidaire.

Juan Carlos Langlois

34

Page 35: Le vrai visage d'Alexandre? Une tombe royale et ses …unesdoc.unesco.org/images/0004/000445/044515fo.pdfAnglais Hindi Ourdou Espagnol Tamoul Catalan Russe Persan Malaysien Allemand

On doit à Janusz Korczak (1878-1942), pédagogue, médecinet écrivain polonais, de nombreuses innovations dans ledomaine de l'éducation des enfants. Il a trouvé la mort au

camp de concentration de Treblinka avec les orphelinsauxquels il avait consacré l'essentiel de sa vie. Korczakprofessait que tout enfant, comme tel et comme individu, adroit au respect. Sur la photo de gauche, prise en 1907 dansune colonie de vacances pour les enfants pauvres deVarsovie, Korczak écoute attentivement un enfant qui faitune lecture à voix haute.

JanuszKorczak

Le combat d'une vie

pour les enfants déshérités

par Stanislas Tomkiewiczet Béatrice Maffioli

EDUCATEUR aux idées novatrices,

psychiatre d'enfants avant la lettre,écrivain confirmé, Janusz Korczak a

lutté toute sa vie avec passion pour défen¬dre non pas l'enfance, idée abstraite, maisles enfants opprimés, pauvres et déshéri¬tés.

Si l'homme et son ouvre sont célèbres

depuis longtemps en Pologne, en Israël, enUnion Soviétique et en Allemagne, ils sontencore peu connus dans les pays de langueanglaise et ignorés dans le monde franco¬phone, faute de traductions. L'Unesco adécidé de célébrer en 1979 le centième

anniversaire de sa naissance et a publié la

STANISLAS TOMKIEWICZ, médecin, pédia¬tre et psychiatre, s'estparticulièrement consacréaux enfants déficients profonds. Survivant del'insurrection du ghetto de Varsovie, où il est néen 1925, puis déporté au camp de concentrationde Bergen-Belsen, il vit en France depuis 1945.Responsable de la section de Psychopathologieà l'université Paris VIII (Vincennesl, il est direc¬

teur scientifique du Groupe de recherchesd'hygiène mentale de l'enfance et de l'adoles¬cence inadaptées à l'I.N.S.E.R.M., Paris (Insti¬tut national de la santé et de la recherche médi¬

cale).

BEATRICE MAFFIOLI, historienne française,née en 1947, est spécialisée dans l'étude du fas¬cisme. Elle a travaillé en tant que sociologue enAfrique. Exerçant actuellement à l'Institut natio¬nal de la santé et de la recherche médicale, elle

est aussi membre actif de l'Association française"Les Amis du Docteur Janusz Korczak".

même année dans la collection des

duvres représentatives une édition fran¬çaise de Le Droit de l'enfant au respect,suivi de Quand je redeviendrai petit et deJournal du ghetto.

Korczak, (de son vrai nom HenrykGoldszmit), est né à Varsovie, placée alorssous l'occupation de la Russie tsariste. Safamille faisait partie de la couche dite« assimilée » de la communauté juive : elleétait patriote, amoureuse et imbue de lalangue et de la culture polonaise, pratiquaitpeu la religion, mais ne reniait pas sonjudaïsme. Elle était acquise aux idées libéra¬les et réformistes de « l'intelligentsia » del'époque, rêvant de l'indépendance de laPologne et d'une société où la misère seraitmoins criante.

Petit-fils de médecin et fils d'un avocat

notoire, Henryk connaît une enfance déga¬gée de tout souci matériel. Mais son pèremeurt quand il a 17 ans, après un longinternement dans un hôpital psychiatrique,d'une maladie dont aujourd'hui encore ilest difficile de donner un diagnostic précis.Korczak fait alors l'apprentissage de la pau¬vreté et devient l'unique soutien de sa mèreet de sa saur.

Sa double appartenance judéo-polonaise, son enfance riche suivie d'unejeunesse pauvre, sa crainte de la folie héré¬ditaire, ces trois faits semblent avoir

façonné la personnalité si subtile de cethomme, ami de tous les enfants et d'aborddes orphelins.

Grâce aux leçons particulières qu'ildonne, il réussit à passer son baccalauréat,puis à mener des études de médecine. Aucours de ces années, il lie amitié avec lesjeunes dans les rues les plus populaires deVarsovie. Dès 1900, il participée l'organisa¬tion des premières colonies de vacancespour les enfants du monde ouvrier : idéerévolutionaire pour l'époque. Après s'êtrespécialisé dans les hôpitaux de Berlin et deParis, il devient rapidement un pédiatrerenommé, doté d'une clientèle aisée.Cependant il consacre de plus en plus deson temps à l'hôpital, à ses écrits, aux pro¬blèmes d'éducation et aux enfants malheu¬

reux.

En 1905, jeune diplômé, il prend part,comme médecin militaire des troupes rus¬ses, à la guerre russo-japonaise où il décou¬vre les premiers soviets de soldats. Aucours d'assemblées où l'on discute de la

libération de l'homme et de l'ouvrier, ilprend la parole à son tour et plaide ... lalibération de l'enfant, sans laquelle celle del'humanité serait vidée de son sens.

En 1910, il remplit à plusieurs reprises lesfonctions d'éducateur dans des colonies de

vacances. Cette expérience lui permetd'écrire deux brefs romans lus aussi bien

par les enfants que par les adultes : Joski,Moski i Srule et Joski, Jaski i Franki sur les

vacances des enfants pauvres. Il y décritavec finesse et humour leur comportement

et les impressions éprouvées par la plupart |en découvrant la campagne et la vie com- 1

35

Page 36: Le vrai visage d'Alexandre? Une tombe royale et ses …unesdoc.unesco.org/images/0004/000445/044515fo.pdfAnglais Hindi Ourdou Espagnol Tamoul Catalan Russe Persan Malaysien Allemand

munautaire pour la première fois, dans uncadre résolument anti-hiérarchique et non-répressif.

Peu de temps après, il atteint le but quiorientait sa vie : il fait construire un orpheli¬nat selon ses idées architecturales et péda¬gogiques et en devient directeur, médecin,éducateur en chef. Désormais son exis¬

tence sera liée, jusqu'à sa mort tragique, àcette « Maison des Orphelins ». Il seracependant contraint de la quitter pendantquatre ans lors de la guerre de 1914-1918.Après 1920, il n'accomplira plus que de trèsbrefs voyages dont deux en Palestine en1934 et 1936.

Par crainte de la folie héréditaire, il ne semariera pas : ses seuls enfants seront ceuxdes autres, son seul amour l'enfance, lapauvreté et son orphelinat.

De 1922 à 1936 il assure la codirection

pédagogique et médicale d'un orphelinatpour çnfants catholiques : « Notre Mai¬son ». Il donne des cours à l'Université de

Varsovie et parle chaque semaine à la radiopolonaise (1934-1938) sous le pseudonymede « Vieux Docteur ». Tout d'abord, il réa¬lise une émission destinée aux enfants où il

raconte des histoires. Dans une autre émis¬

sion il donne « des conseils » aux parentset défend les droits des enfants. Les textes

de ces causeries très populaires ont été édi¬tés en polonais sous le titre de PédagogieDrolatique. Korczak, dès cette époque,mettait beaucoup d'espoir dans ce qu'onnomme aujourd'hui l'audiovisuel en tantque moyen d'éducation populaire; il peuten être considéré comme l'un des pion¬niers.

Mais la montée du nazisme en Allema¬

gne dégrade la situation des Juifs en Polo¬gne; profondément affecté, Korczak serapproche alors du judaïsme, et même d'uncertain mysticisme.

C'est à la radio qu'en septembre 1939 ilparticipe à la défense héroïque et désespé¬rée de Varsovie qui sera en partie détruitepar les Nazis. Dès le début de l'occupationet jusqu'au bout Korczak refusera, malgréles coups et un emprisonnement, de porterl'Etoile jaune.

En octobre 1940, l'orphelinat doit démé¬nager dans le ghetto qui vient d'être créé.La mortalité devient impressionnante, sur¬tout chez les enfants qui meurent par dizai¬nes chaque jour dans les rues. Bien quemisérables et affamés, les orphelins deKorczak vivent dans un îlot où régnent unepaix et une sécurité relatives. Grâce à lapersonnalité de Korczak et à ses démarchesincessantes, ils gardent jusqu'à la fin leminimum vital de ressources alimentaires,d'hygiène et surtout de conditions affecti¬ves.

En 1942, quinze jours avant l'extermina¬tion finale, Korczak, dans l'espoir de fami¬liariser les enfants avec l'idée de la mort,leur fait jouer une pièce de théâtre deRabindranath Tagore : La Poste. On lui aproposé à plusieurs reprises la vie sauve àcondition qu'il quitte le ghetto, son orpheli¬nat et ses enfants : il a toujours refusé.Mettant ses actes en parfaite harmonieavec ses paroles, il accompagne, le 5 août1942, les 200 orphelins dans leur derniervoyage, vers les chambres à gaz de Tre-blinka.

La personnalité de Korczak est aussiriche que complexe. Avant tout il fut écri¬vain. Dès qu'il en avait le temps, entre deuxenfants à consoler, entre deux cours, ilécrivait; il le faisait encore quelques joursavant sa mort. Il a laissé des romans, desarticles scientifiques, des études, des con¬tes, des pamphlets, des pièces de théâtre.Il s'adressait à un vaste public : enfants,parents, médecins, éducateurs.

Très diffusés et appréciés en leur temps,la plupart de ses livres pour enfants ontgardé toute leur actualité. Si quelquespages semblent avoir un peu vieillies, il suf¬fit de regarder certains enfants de travail¬leurs immigrés pour que ses descriptionsde la misère des enfants de familles ouvriè¬

res juives et catholiques en Pologne, sousl'occupation tsariste et entre les deux guer¬res, reprennent force et vérité : maints pas¬sages émeuvent ou font rire. Korczak sait

La Faillite du Petit Jack (1924) décrit le

royaume des affaires où pénètre un garçonqui veut remplacer les circuits commer¬ciaux basés sur le profit par les coopérati¬ves.

Jojo-le-Sorcier est une véritable féerie oùle fantastique se mêle à la finesse psycholo¬gique.

Malgré leur humour, ces livres sont fon¬cièrement tristes : Korczak montre que lerêve de toute-puissance, s'il reste un rêve,ne peut que s'effondrer sous les coups dela réalité.

La dernière nouvelle, écrite en 1938, UnGarçon obstiné, relate, sous une forme àpeine romancée, la vie de Louis Pasteur.

Parmi les activités littéraires de Korczak,la création et la rédaction de la célèbre

« Petite Revue » eut un rôle capital. Laconception de ce journal reste encoreaujourd'hui profondément révolutionnaire.

toucher les points sensibles de la vie imagi¬naire des enfants, de leurs désirs et de leurscraintes.

Un an après la publication de ses deuxbrefs ouvrages sur les colonies de vacan¬ces, paraît La Gloire, premier roman quisoit destiné tout particulièrement auxenfants : il exprime le rêve de toute-puissance, le désir de devenir célèbre etl'impossibilité de le satisfaire à cet âge.

Dans le Roi Mathias Ier ce rêve enfin

s'accomplit : Korczak raconte la grandeuret l'échec final d'un roi-enfant qui chercheà organiser un monde de justice et de paixpour les enfants comme pour les adultes.La satire des puissants de ce monde,l'explication pleine de drôlerie des mécanis¬mes du pouvoir, l'idée du monde à l'enversoù les enfants travaillent et les adultes vont

à l'école sont les points forts de ce romantraduit en 22 langues.

C'est le premier hebdomadaire écrit entiè¬rement par les enfants et les adolescents.

La « Petite Revue », avec ses 2000 cor¬respondants âgés de 6 à 18 ans, racontaiteffectivement tout ce qui se passait chezles petits écoliers de Pologne. Elle donnaittoute l'importance qu'ils méritaient auxmenus faits de la vie quotidienne desenfants, aux injustices et aux rayons desoleil, aux larmes et aux amusements, àtout ce que les grandes personnes considè¬rent comme des vétilles parce que, à la dif¬férence d'un Korczak, ils en ont oubliél'importance.

« Je voudrais », dit un jour Korczak,« que mon journal pour enfants soitimprimé sur du papier cigarette, comme onimprimait sur du papier cigarette toute la lit¬térature interdite sous la Russie tsariste ou

dans la Pologne l'entre-deux-guerres. .

J'aimerais que ce journal dise des choses f

36

Page 37: Le vrai visage d'Alexandre? Une tombe royale et ses …unesdoc.unesco.org/images/0004/000445/044515fo.pdfAnglais Hindi Ourdou Espagnol Tamoul Catalan Russe Persan Malaysien Allemand

Korczak commença â s'occuperd'enfants alors qu'il était encorejeune étudiant en médecine. En1900. il fut de ceux quiorganisèrent les premièrescolonies de vacances pour enfantspauvres. En 1913 s'ouvrait grâce àlui, au 92 rue Krochmalna, à

Varsovie, un orphelinat pour lesenfants juifs. En 1922, il assumaen outre la co-direction et la

surveillance médicale du Nas Dom

(Notre Maison), un orphelinatpour enfants catholiques. En hautâ droite, des enfants de

l'orphelinat du Nas Dom àVarsovie et, en bas à droite, d'une

colonie de vacances â Bielany. Laphotographie du centre montredes enfants de l'orphelinat juiflors de leurs dernières vacances à

Goclaweck, en 1940 ; dès le mois

d'octobre, cet orphelinat étaittransféré dans le ghetto deVarsovie. A gauche JanuszKorczak en 1938. Au moment où

le flot du nazisme a déjàsubmergé l'Autriche, le regardinquiet de Korczak exprimel'angoisse d'un homme quis'interroge sans doute déjà sur ceque l'avenir réserve aux enfantsdont il a la charge..

37

Page 38: Le vrai visage d'Alexandre? Une tombe royale et ses …unesdoc.unesco.org/images/0004/000445/044515fo.pdfAnglais Hindi Ourdou Espagnol Tamoul Catalan Russe Persan Malaysien Allemand

f que les adultes ne connaîtront pas parcequ'ils auront peur de le lire. »

La « Petite Revue » s'est tue lors de

l'invasion nazie en 1939.

Korczak n'a jamais écrit de traités, demanuels ennuyeux, de livres théoriquescoupés de la réalité. Non par incapacitéintellectuelle, mais par manque de motiva¬tions. Le sort particulier de chaque pupillelui tenait autant à crur que des généralisa¬tions arbitraires ou abusives.

Il est arrivé à fondre et à exprimer sonexpérience et ses idées théoriques dansune forme poétique. Il suffit pour s'en con¬vaincre de lire quelques pages de Commentaimer un enfant écrit pendant la GrandeGuerre, dans une infirmerie au front. Ses

livres sont souvent constitués d'aphoris-mes, de pensées, d'anecdotes apparem¬ment sans liens entre eux. En les relisant,on finit par en apercevoir la charpente etpar découvrir, derrière ce désordre superfi¬ciel et cette liberté formelle, un systèmecohérent fondé sur la protection, l'amour etle respect de l'enfant, cet enfant qui est lesujet quasi-unique de son ruvre écrite,comme il fut sa raison d'être.

La classification de son destinée

aux adultes, en publications littéraires,sociales, scientifiques est rendue très diffi¬cile par ce refus du style pédant et du jar¬gon professionnel, au profit de l'humour etde la tendresse. Il faut mentionner :

Le journal du ghetto : témoignage bou¬leversant d'un sage désabusé sur unmonde qui s'effondre dans la cruautéet dans l'horreur.

Le droit de l'enfantau respect : véritableproclamation des droits de l'enfant;manifeste contre l'amour étouffant au

nom de l'amour qui permet l'indépen¬dance. Il y dénonce également l'oppres¬sion dont les enfants un tiers de

l'humanité sont victimes et envisagedes moyens pour y mettre fin.Comment aimer un enfant : la somme

de ses idées pédagogiques. Si la pre¬mière partie concernant le nourrissonest à présent quelque peu dépassée,celles qui abordent l'internat et l'école,sont encore « d'avant-garde » en cettefin du 20e siècle.

Janusz Korczak n'a jamais abandonnécomplètement sa fonction de médecin. Il

garda un peu de pratique pédiatrique cou¬rante, mais se spécialisa dans l'étude et lessolutions des problèmes relationnels fami¬liaux et scolaires où il refusait tout étique¬tage et toute nosographie abusive. On peutle considérer comme un précurseur del'anti-psychiatrie bien que, comme la quasi-totalité des médecins du début du siècle, ilfût positiviste, matérialiste, scientiste.Ainsi, il était à la fois partisan des théorieshéréditaristes, voire de l'eugénique, et con¬fiant dans le perfectionnement de l'enfantpar l'amour et la pédagogie.

Ce paradoxe apparaît aujourd'huicomme une contradiction tragiquelorsqu'on connaît les abus auxquels l'eugé¬nique et les théories héréditaristes du com¬portement ont donné lieu en Allemagnenazie. Mais il ne faut pas oublier que Korc¬zak a vécu avant le nazisme, à une époque

SAMORZAD w SZKOLE.

Maly Przeglad

TS

Wnfceui » r-tei ut»

.Mite« r»nsu»ai

P1SM0 »MCI I KtMZlEZ!

Ttgodniowr Ootttek bcipMtnr do W. 37» QTM) JMucjo Priejli»»".

CZTERY LATA MAtEGO PRZEGLADU.Ulmly do Maligo Ppi»gl«du.

ZAPROSZEHt DO KM

^â: ï^w ..««-» spmroztatt sekretarM.f£. f^rd

où ces notions avaient valeur de dogmedans toute la médecine et la psychologieoccidentales. Il a fallu que Hitler les poussejusqu'à leurs ultimes conséquences pourque les hommes de science comprennent lerôle important de l'environnement biologi¬que, affectif, culturel, politique et socialdans le développement de l'enfant.

Pourtant ce ne sera ni en tant qu'écri¬vain, ni comme médecin que Korczakentrera dans l'histoire de la penséehumaine, mais bien comme éducateur.

Grâce à son orphelinat, il peut mettre enpratique ses idées. A la place de la disci¬pline traditionnelle où le pouvoir est dévoluà l'adulte et l'obéissance à l'enfant, il créeun Parlement élu, un organe d'autogestionélu, un quotidien mural et un journal rédi¬gés uniquement par les enfants. Le Tribu¬nal, également élu et composé d'enfants,était peut-être l'organe le plus original de laMaison : il jugeait les différends, lesméfaits et aussi les bonnes actions commis

par les pensionnaires ou les membres del'équipe éducative, le directeur y compris !Il fonctionnait selon un code bien particu¬lier, heureux mélange d'humour, de finesseet de bonté. Les punitions qu'il infligeaitétaient purement symboliques : ce Tribunalétait une école de pardon...

Korczak a toujours voulu que les enfantsqui lui étaient confiés deviennent avanttout des êtres humains. Plus encore, il nevoulait pas qu'on considérât chaque enfantcomme un adulte en miniature ou en puis¬sance, mais comme un être en soi.

Par ses propos autant que par ses actes,il proclamait le droit des orphelins au bon¬heur. Cette idée était novatrice avant la

guerre. Même aujourd'hui il semble qu'elledemeure encore plus subversive qu'elle nele paraît de prime abord. En effet, rendreles enfants heureux dans le cadre d'une ins¬

titution reste une tâche particulièrementardue en pratique : il ne suffit pas d'avoirun projet pédagogique, fût-il le meilleur dumonde. Korczak disait que les enfantsdeviennent ce que font d'eux les institu¬tions.

On ne saurait conclure cette évocation

de la figure de Korczak sans citer ce proposqui illustre ce qu'il pensait de la prétendueimmaturité de l'enfant : « On dit que lesenfants sont immatures eh bien, c'estjoli l'immaturité ! Un vieillard de 70 ans ditqu'un homme de 40 ans est immature, lesgens des pays riches disent que les payspauvres sont immatures, les bourgeoisdisent que les ouvriers sont immaturesqu'est-ce qu'ils vont devenir sans nous ?De la même manière nous disons quel'enfant est immature, et ce n'est pas vrai,c'est une forme d'oppression de l'enfant. »

Stanislas Tomkiewicz et Béatrice Maffioli

En 1926, Korczak fonda Ma/y Przeglad (La Petite Revue) quifut peut-être le premier journal de grande diffusion écrit,publié et produit entièrement par des enfants. Maly Przegladavait un réseau de 2000 jeunes correspondants dans toute laPologne. Sa publication se poursuivit jusqu'à l'invasion nazieen 1939. En première page du numéro 279 de MalyPrzeglad, un graphique recense les articles envoyés par sesjeunes correspondants (les périodes de pointe correspondentaux vacances) ainsi qu'un rapport sur l'année scolaire 1929-1930. Une page intérieure contient, sous le titre,SAMORZAD w SZKOLE, un article sur l'auto-gestion dansles écoles.

38

Page 39: Le vrai visage d'Alexandre? Une tombe royale et ses …unesdoc.unesco.org/images/0004/000445/044515fo.pdfAnglais Hindi Ourdou Espagnol Tamoul Catalan Russe Persan Malaysien Allemand

Photo Robert Levin © Rapho, Pans

Margaret Mead en 1966. En décembre 1971, la célèbreanthropologue américaine fut la première à recevoir le prixKalinga de l'Unesco pour la vulgarisation scientifique.

Hommageà Margaret

Meadpar Claude Lévi-Strauss

ATTEINTE d'un cancer, MargaretMead était entrée à l'hôpital le4 octobre 1978, et elle y est morte

le 15 novembre, le jour même où se réunis¬sait la soixante-dix-septième assembléegénérale de l'American AnthropologicalAssociation. Un mois plus tard, elle-mêmeallait avoir soixante-dix-sept ans. Il y a quel¬que chose de symbolique dans cette répéti¬tion des mêmes chiffres, tant MargaretMead, pendant toute sa vie, fut intimementliée, je dirais presque identifiée à l'anthro¬pologie américaine.

Elle était née le 16 décembre 1901 à Phila¬

delphie. Mais ses attaches tenaient incon¬testablement au Middle West. Si je ne metrompe, deux trisaïeuls, ses arrière-arrièregrands-pères, avaient fondé la petite villede Winchester, dans l'Ohio. Sa grand-mèreétait institutrice, son père professeur descience économique, sa mère sociologue,avec une thèse sur YAdaptation des immi¬grants italiens.

Elle a raconté elle-même que, pendanttoute son enfance, ses parents ne déména¬geaient pas moins de quatre fois par an,allant d'université en université, puisquenous savons qu'aux Etats-Unis, la carrièreuniversitaire est largement ambulante. Etc'est peut-être grâce à ce contraste entreun double enracinement très profond et cedéracinement chronique qu'elle a pu con¬server les tranquilles certitudes qui l'ontanimée pendant toute sa carrière, et acqué¬rir ses incroyables facultés d'adaptation.

Après des études obscures au début,dans de petites universités provinciales, elleest entrée à Barnard College (ColumbiaUniversity) et s'est placée sous la direction

CLAUDE LEVI-STRAUSS, anthropologue etphilosophe français de réputation mondiale, estprofesseur au Collège de France depuis 1959. Haété élu à l'Académie française en 1973. Profes¬seur à l'université de Sao Paulo de 1934 à 1938, il

organisa et dirigea plusieurs missions ethnogra¬phiques dans le Mato Grosso et en Amazonie. Ilenseigna pendant la deuxième guerre mondiale àla « New School for Social Research » de New

York. Parmi ses nombreux travaux et ouvrages,il convient de citer : Tristes Tropiques (1955),Anthropologie structurale (1958), La penséesauvage (1962). L'Unesco a publié en 1952 sonlivre Race et histoire. Cet article reprend letexte d'une allocution prononcée au CNRS, àParis, et paru dans MSH Informations, bulletinde la Maison des Sciences de l'Homme.

prestigieuse de Boas, et de celle qui étaitalors son assistante, Ruth Benedict. Onsait quelle vénération Margaret Mead a gar¬dée pour ces deux savants. Elle a passé sonBachelor of Arts en 1923, son Master en1924, son Ph. D. en 1929. Titre qu'ellen'avait pas encore au moment de ses pre¬mières missions, à Samoa en 1925, puis àManus, dans les îles de l'Amirauté, en1928-1929. Autour de 1930, elle devait aussitravailler dans diverses tribus des Etats-

Unis, en 1931-1933 en Nouvelle-Guinéeavec son deuxième mari Reo Fortune, en1936-1938 à Bali et de nouveau en

Nouvelle-Guinée avec son troisième mari,Gregory Bateson.

Là-dessus, la guerre survint. D'où, chezMargaret Mead, je ne dirais pas un change¬ment complet d'orientation car elle n'ajamais oublié sa vocation première mais,en tout cas, une orientation superficielle¬ment différente, puisqu'elle s'est lancéependant dix ans dans des études de carac¬tère national, conduites aux Etats-Unismême, par interviews auprès de minoritéset d'individus immigrés. La profession nel'a pas suivie avec enthousiasme; je mesouviens d'une discussion assez vive quieut lieu à New York, au siège de la Wenner-Gren Foundation en juin 1952, lors dugrand colloque qui réunissait à peu prèsquatre-vingt de nos collègues et s'intitulaitL'Anthropologie actuelle. On avait repro¬ché à Margaret Mead de s'être convertie àl'anthropologie appliquée. Non sansvigueur, elle définit ce qu'elle entendaitelle-même par anthropologie appliquée :non pas, disait-elle, une anthropologie quiait des applications pratiques, mais uneanthropologie entreprise moins par désirdésintéressé d'apprendre et de savoir quesous l'empire de la nécessité. Et elle ajou¬tait : « si quelqu'un voulait bien me garantirque tout, dans le monde, resterait agréableet confortable et qu'on n'aurait besoin defaire aucune recherche de ce type pendantles vingt-cinq prochaines années, je ne tou¬cherais pas au caractère national pour lesprochaines vingt-cinq années car j'estimequ'il est plus important de retourner enNouvelle-Guinée. » Et elle concluait :

« Presque tous ceux, parmi nous, qui ontconsacré leur temps à ces études depuisdix ans, auraient mieux fait de s'occuperd'autre chose ».

Elle ne prêchait donc pas pour une nou¬velle anthropologie, pour un changementcomplet de nos objectifs et de nos métho¬des. Mais c'était une femme animée d'un

grand sens civique, d'un profond sens reli¬gieux aussi, car elle s'était convertie trèsjeune et bien que ses parents ne fussentpas pratiquants. Le sentiment qu'elle sedevait à ses contemporains, à son pays, àla communauté internationale, l'a engagéesur la voie qu'elle a suivie pendant laseconde moitié de sa vie : une prédicationinlassable à travers les Etats-Unis et à tra¬

vers le monde, par des émissions de radio,des conférences d'universités, des articles,

et des livres. Il explique aussi sa lutte fémi¬niste, d'ailleurs assez différente d'inspira¬tion de toutes celles qu'on a pu connaîtreaux Etats-Unis et ailleurs. Il ne s'agissait enaucune façon, pour elle, d'essayer d'impo¬ser une nouvelle norme qui remplaceraitdes normes différentes, mais plutôt de con¬tribuer à la formation d'un ordre social où il

serait possible à toutes les différences des'exprimer. A cet égard, elle est restéefidèle à la conclusion de son premier livre.Adolescence à Samoa, publié en 1928 ily a plus de cinquante ans paru en fran¬çais dans M et sexualité en Océanie,Paris, Pion, 1963, en disant son espoir quel'étude des sociétés dont les normes diffè¬

rent des nôtres permettra de s'élever, je tra¬duis, « à ce haut degré de choix individuelet de tolérance universelle à quoi peut seuleprétendre une culture hétérogène. Samoane reconnaît qu'un genre de vie, etl'impose à ses enfants. Pourquoi nousautres, qui avons appris à connaître lesgenres de vie multiples, ne saurions-nouspas laisser nos enfants libres de choisirentre tous ? »

C'était donc une leçon de tolérance et deliberté qu'elle essayait de donner à ses con¬temporains. Son féminisme, comme toutesles autres orientations qu'elle a prises, atoujours été sans dogmatisme.

Compte tenu de l'importance de sonduvre, les honneurs lui sont venus relative¬ment tard. Elle a reçu la médaille d'or duViking Fund en 1957, et c'est en 1975 seule¬ment qu'elle a été élue membre de la Natio¬nal Academy of Sciences of the U.S.A.Mais ses toutes dernières années ont été

l'occasion d'hommages mémorables. En i1976, pour son soixante-quinzième anniver- 1

39

Page 40: Le vrai visage d'Alexandre? Une tombe royale et ses …unesdoc.unesco.org/images/0004/000445/044515fo.pdfAnglais Hindi Ourdou Espagnol Tamoul Catalan Russe Persan Malaysien Allemand

y saire, l'American Museum of Natural His¬tory a créé le « Margaret Mead Fund for theAdvancement of Anthropology » qui est,en quelque sorte, une institution destinée àaider l'anthropologie américaine à traverserla mauvaise passe dans laquelle la crisemondiale l'a poussée en même temps qued'autres. Et en 1977, aussi à l'American

Museum of Natural History, un festival defilms d'une durée de cinq jours fut organiséen son honneur et avec sa participation.

Ce que je voudrais dire surtout, c'est queMargaret Mead a été une très grande eth¬nologue. Elle est connue d'un immensepublic par des livres qui, à certains égards,peuvent être considérés comme des ouvra¬ges de vulgarisation, Adolescence à Samoaou Une éducation en Nouvelle-Guinée,mais il ne faut pas oublier que chacun deces livres se double d'un traité technique :Social organization of Manua (l'Organisa¬tion sociale de Manus) pour le premier.Kinship in the Admiralty Islands (le systèmede parenté dans les îles de l'Amirauté) pourle second.

Il se trouve que cette année, pour moncours du Collège de France, j'ai eu à mereplonger dans ces traités, euvres d'unetrès jeune anthropologue puisqu'elle avaitautour de vingt-cinq ou vingt-huit ans lorsde ses premières enquêtes sur le terrain.J'ai été stupéfait de constater à quel pointelle avait aperçu, de la façon la plus préciseet la plus aiguë, une quantité de problèmesque nos collègues, spécialistes deNouvelle-Guinée, pensaient avoir décou¬verts, disons autour de 1950, et sur lesquelsils continuent de discuter; qu'il s'agisse dela place très spéciale réservée aux cousinscroisés, résultant de systèmes de parentécomplexes qui font d'eux, à la fois, desconsanguins et des alliés, et par consé¬quent, la charnière de toute la structuresociale, et dont Margaret Mead remarquaitdéjà qu'elle était « le nlud crucial » detout le système; qu'il s'agisse aussi du pas¬sage de la parenté à l'échange comme basede la structure sociale, et que, pour attein¬dre à ce résultat, ces sociétés aient dû éli¬

miner « les liens exclusifs de consangui¬nité »; qu'il s'agisse enfin de la façon dontces sociétés parviennent à s'émanciper dela parenté grâce à des formules telles quel'adoption, et le financement des mariagespar des entrepreneurs qu'on a depuis appe¬lés des big men (« les hommes forts ») :Margaret Mead avait parfaitement vu etexprimé cette tendance « à faire de laforme de parenté le point de départ d'uneactivité extra-parentale. »

Je me souviens qu'il y a quelquesannées, ayant dû me pencher à nouveausur les documents qu'elle avait rapportésdu Sepik et plus particulièrement des Mun-dugomar, et essayé de les schématiserdans des diagrammes dont je craignais unpeu qu'ils ne forcent la réalité, je lui avaisenvoyé mon texte et ces diagrammes.Quelques semaines plus tard, elle m'écrivitqu'après avoir consulté ses anciennesnotes, elle s'apercevait qu'elle était parve¬nue à des schémas identiques; ce dont jene veux tirer aucun avantage. Je cite seule¬ment cette anecdote comme la preuve qu'àaucun moment, et même dans cette

période de sa vie où on la croyait entière¬ment absorbée par l'action sociale et politi¬que, elle ne s'est détachée de la Nouvelle-Guinée, ni de l'anthropologie théorique àlaquelle, d'ailleurs, elle revenait périodique¬ment.

Son apport le plus original fut certaine¬ment de ne pas se satisfaire d'une étudedes coutumes, des croyances et des insti¬tutions menée par- le dehors. Elle a voulucomprendre comment les individus viventleur culture par le dedans, comment ilsl'apprennent dès l'instant de leur naissanceet au cours de leur petite enfance; com¬ment, aussi, ils réagissent à cette culture,soit qu'ils l'adoptent en conformistes, soitqu'ils se rebellent ou tentent de ruser avecelle. Or et c'est le double aspect que jesignalais au début en innovant de lasorte, Margaret Mead reprenait et faisaitfructifier une partie de l'enseignement deBoas, qui, déjà, avait prêté beaucoupd'attention aux témoignages individuels.C'est d'ailleurs Boas qui elle l'araconté orienta Margaret Mead vers laPolynésie, en lui assignant pour premierobjet d'étude les adolescentes et la manièredont celles-ci réussissaient, avec plus oumoins de succès, à s'insérer dans leurgroupe.

On fera également honneur à MargaretMead de sa conception très haute del'anthropologie. Pour elle, ce n'était pasune discipline particulière travaillant en

parallélisme avec d'autres, mais la seulediscipline capable d'opérer une synthèse detoutes les recherches sur l'homme : « Le

rôle de l'anthropologie, disait-elle, estd'essayer de combler le fossé entre deshumanités qui n'ont jamais su que l'hommeest un animal, des sciences naturelles quiveulent ignorer que l'homme a une cons¬cience, et des sciences sociales qui se bor¬nent à démarquer une physique périmée ».Elle reprochait au sociologue de s'en remet¬tre au psychologue, lequel s'en remet aubiologiste... Seule l'anthropologie travailleà une multiplicité de niveaux.

Elle a dit, paraît-il, en 1977 : « Mon corpsne vivra pas aussi longtemps que je l'avaispensé ». Elle ressentait donc les approchesde la fin.

Quand, après son premier séjour, ellequitta ce village de Père, dans les Iles del'Amirauté, où elle devait retourner plu¬sieurs fois par la suite, les indigènes s'écriè¬rent en pleurant : « Tu es comme unevieille tortue qui prend la mer et qui nereviendra jamais ». Et il est de fait que, surle tard, Margaret Mead ressemblait un peuà une vieille tortue. Mais une tortue, dirais-

je, à la manière de Lewis Carroll, qui pou¬vait être, tantôt sentencieuse et autoritaire,tantôt aussi, comme je l'ai vu encore il y adeux ans à Uppsala, faire, malgré son âgeet malgré ses infirmités, la plus gracieuserévérence au jeune roi de Suède devantlequel elle s'inclinait.

Nous nous sommes quittés à l'aéroportde Stockholm au moment où elle retournait

aux Etats-Unis, moi en France. Ses derniè¬

res paroles furent pour me dire qu'à peinearrivée, elle comptait repartir pour laNouvelle-Guinée. C'est sans doute là

qu'elle aurait souhaité terminer sa vie. Maismême si sa fin ne fut pas celle qu'appelaitsa destinée, nous savons que l' deMargaret Mead demeurera à la fois commeune grande de chercheur sur le ter¬rain, et une qui, mieux qu'aucuneautre, a conféré à l'anthropologie un pleindroit de cité dans le monde d'aujourd'hui.

Claude Lévi-Strauss

"Dans le monde entier une nouvelle époque s'efforce denaître, une époque où les enfants pourront grandir au seind'une famille et où tous les adolescents auront le temps dedevenir des individus capables de répondre aux exigencesd'une vie pleinement adulte". Margaret Mead voyait dans lafamille la cellule fondamentale de l'existence humaine dans

toute société. Dans ces études photographiques, soncollaborateur de longue date Ken Heyman a sumagistralement capter la force de ces liens de parenté àl'intérieur de la famille. En Heyman, Margaret Mead ne voyaitpas seulement un photographe, mais un anthropologue â partentière qui, disait-elle : "faisait le point, au sens proprecomme au sens figuré du terme, sur les êtres et leurs actes.Derrière le geste surpris s'esquisse toujours la complexité desréalités sociales et politiques." >" ' iê

40

Page 41: Le vrai visage d'Alexandre? Une tombe royale et ses …unesdoc.unesco.org/images/0004/000445/044515fo.pdfAnglais Hindi Ourdou Espagnol Tamoul Catalan Russe Persan Malaysien Allemand
Page 42: Le vrai visage d'Alexandre? Une tombe royale et ses …unesdoc.unesco.org/images/0004/000445/044515fo.pdfAnglais Hindi Ourdou Espagnol Tamoul Catalan Russe Persan Malaysien Allemand

atitudes

et longitudesLe Programme d'Entraide del'Unesco et l'Année interna¬

tionale de l'enfant

Le Programme d'entraide de l'Unesco quiprête assistance à des projets de développementcommunautaire grâce aux dons faits par des per¬sonnes, des groupes ou des institutions adécidé, à l'occasion de l'Année internationale del'enfant, d'accorder en 1979 une attention parti¬culière aux six projets suivants : l'éducation pré¬scolaire, les problèmes des enfants handicapés,l'éducation relative à l'environnement, enfin lapromotion du livre et des services de bibliothè¬que pour enfants.*

"Les dons chèques ou virements bancaires sont éga¬lement acceptés et la correspondance en vue d'obte¬nir des renseignements complémentaires sont à adres¬ser au Programme d'entraide, OPI, Unesco, 7 place deFontenoy, 75700 Paris.

En Malaisie

Depuis bientôt cinquante ans, la "St-NicholasSchool and Home for the Blind" (L'école et le

foyer Saint-Nicolas pour aveugles), situé àPenang, dispense un enseignement général etdes cours de rééducation à quelques-uns des20 000 enfants aveugles ou malvoyants du pays.Les activités sportives, et notamment le

cyclisme, permettent aux enfants de développerleur sens de l'orientation. Parmi les récents

diplômés de l'école, on compte le premierexpert-comptable aveugle de Malaisie et l'un despremiers alpinistes aveugles qui ait atteint lesommet de la plus haute montagne du Sud-Estasiatique, le Kinabalu (4 150 m). Les contribu¬tions au Programme d'entraide permettront àl'école d'étendre ses activités et de participer à lalutte contre les causes de la cécité (cataracte,

glaucome, etc) qui pourrait être évitée, selonl'Organisation Mondiale de la Santé, dans 70 à80 % des cas.

Au Pérou

Le Centre d'Education Spéciale de Chimbóte(dans le nord du Pérou), créé par la commu¬nauté locale en 1969, est actuellement, avec un

effectif de 500 élèves, le plus grand établisse¬ment du pays pour les enfants et les jeunes quel'on préfère appeler "spéciaux" plutôt que "han¬dicapés". Ils sont aveugles ou sourds, ont desdifficultés d'élocution ou d'apprentissage ousouffrent de diverses infirmités de la vue. Les

services du centre, fournis à titre gratuit, com¬prennent une éducation pré-scolaire dans lecadre du foyer, des cours d'enseignement géné¬ral et de rééducation, et une formation profes¬

sionnelle et manuelle. Grâce au Programmed'entraide, le Centre, qui assure également laformation des enseignants dans tous les domai¬nes de l'éducation spéciale, pourra promouvoirdes campagnes d'hygiène préventive, ainsi quele dépistage précoce de maladies telles que lapoliomyélite et la méningite, qui sont à l'originede tant d'infirmités.

Au Benin

Comme de nombreux pays du Tiers-Monde, laRépublique populaire du Benin, en Afrique del'Ouest, a un besoin urgent d'un système d'édu

cation qui, compte tenu des ressources limitéeset de l'économie essentiellement agricole dupays, prépare les enfants à vivre dans unesociété de plus en plus technologique sans lesaliéner par rapport à leurs origines et à leurs tra¬ditions. Les autorités nationales ont créé un

système de centres d'éducation préscolaire pourles enfants de 3 à 5 ans leur nombre est

d'environ 400 000, et ce chiffre devrait doubler àla fin du siècle. Ces enfants seront pris en chargepar des membres des communautés localesayant reçu au préalable une formation spéciale.Le Programme d'entraide de l'Unesco fournira àces centres du mobilier et des jouets, des appa¬reils sanitaires et des cuisinières, des vaccins etdes soins médicaux élémentaires.

Au Laos

Plus des trois quarts des adultes de la Républi¬que démocratique populaire lao, pays du sud-estasiatique, vivent de l'agriculture alors que les ter¬res arables constituent 4 % seulement du terri¬

toire. Afin d'améliorer les perspectives d'aveniret éliminer l'analphabétisme, le gouvernements'efforce de veiller à ce que tous les enfantsd'âge scolaire aillent à l'école (même si celle-cin'est souvent qu'une hutte de bambou couvertede chaume). Avec en moyenne 500 élèves danschaque école primaire, à raison de 40 élèves aumoins par classe, il existe une grave pénurie defournitures scolaires de toutes sortes : on man¬

que de papier, les cahiers sont souvent rempla¬cés par les feuilles blanches des journaux et desmagazines et le stylo à bille est un véritable luxe.Des contributions, même modestes, au pro¬gramme d'entraide pourraient améliorer rapide¬ment la situation : il suffirait de mille dollars pouréquiper convenablement pendant un an uneécole.

En EthiopieIl existe en Ethiopie quelque 600 000 enfants jeu¬nes et adultes totalement sourds ou mal¬

entendants, handicapés de naissance ou à lasuite d'un accident. Le pays compte très peud'école spéciales pour les sourds; deux seule¬ment sont dûment équipées pour dispenser unenseignement secondaire. Même s'ils ont lachance d'y achever leurs études primaires, lesélèves sourds sont rapidement découragéslorsqu'ils passent ensuite dans un établissementordinaire où il n'y a aucun moyen de les aider àpoursuivre leurs études. Les contributions auProgramme d'entraide rendront possible la miseen place d'un système de formation préscolairequi apprenne aux enfants sourds, dès l'âge leplus tendre, à communiquer du mieux qu'ils lepeuvent avec le monde environnant. La créationet l'équipement de telles écoles enfantines, ainsiqu'une école modèle, pourront à la fois éduquerles handicapés et fournir une formation en cours

d'emploi à une nouvelle génération d'ensei¬gnants.

Dans dix paysdu Tiers monde

A mesure que l'analphabétisme diminue, lademande de livres augmente. Mais beaucoupd'enfants et d'adultes qui ont appris à lire per¬dent leur acquis faute de lectures adéquates

répondant à leurs inquiétudes ou suscitant leurintérêt. En outre, les pays du Tiers monde ontbesoin de livres écrits non seulement dans les

langues internationales, mais aussi dans les lan¬gues vernaculares. La Fédération internationaledes associations de bibliothécaires, qui depuis1973 parraine conjointement avec le Programmed'entraide de l'Unesco le projet "Des livres pourtous les enfants", veille à ce que les jeunes puis¬sent obtenir des livres dont ils ont réellement

besoin. L'Année internationale de l'enfant est

l'occasion de redoubler d'efforts afin de doter

ces bibliothèques des livres appropriés. Dixpays, en 1979, bénéficient en particulier du Pro¬gramme d'entraide : Bangladesh, Brésil, Indo¬nésie, Jamaïque, Jordanie, Kenya, Liban, Nige¬ria, Pérou et Sénégal. Il est possible d'indiquer lenom du pays auquel on veut adresser sa contri¬bution.

Livres et périodiquesde l'Unesco

EN FRANCE : UN RESEAU

DE LIBRAIRES A VOTRE SERVICE

Les presses de l'Unesco viennent depasser un accord avec un certainnombre de libraires en France pourvous permettre d'y acheter (oucommander) nos publicationsactuellement en vente et qui vousintéressent.

Librairies-relais UNESCO

Voici une liste complète de ces librairies-relais Unesco, une liste définitive sera

publiée prochainement.

Aix-en-Provence : Librairie de Provence S.A. ;Librairie de l'Université Aix-les-Bains : Librai¬

rie Le Pierrot Lunaire Amiens : Librairie Poiré-

Choquet Bordeaux : Librairie MollatClermont-Ferrand : Librairie Les Volcans d'Au¬

vergne Dijon : Librairie de l'UniversitéGrenoble : Librairie Harel; Librairie Arthaud

Lille : Librairie Paul Callens Limoges : LibrairieBaradat Lyon : Librairie Camugli; LibrairieDecitre Marseille : Librairie Fuerl-Lamy;Librairie Lafitte; Librairie MaupetitMontpellier : Librairie Sauramps et CieMulhouse : FNAC Nancy : Librairie Didier;Librairie Michaux Nice : Librairie "A la

Sorbonne" Paris : Librairie Unesco; La Librai¬rie de la Documentation française; LibrairieGibert Jeune; La Librairie portugaise etbrésilienne; Pédagogie-information; Les Pressesuniversitaires de France; FNAC MontparnassePoitiers : Librairie de l'Université Reims :

Librairie Michaud Saint-Etienne : Librairie

Plaine Strasbourg : Librairie Berger-Levrault;Librairie Gutenberg; Librairie internationaleKléber; Librairie Oberlin; FNAC - DépartementLibrairie Toulouse : Librairie Edouard Privat

Tours : Librairie "La boîte à livres".

O

gx

42

Page 43: Le vrai visage d'Alexandre? Une tombe royale et ses …unesdoc.unesco.org/images/0004/000445/044515fo.pdfAnglais Hindi Ourdou Espagnol Tamoul Catalan Russe Persan Malaysien Allemand

Publications de l'Unescopublicationsrécentes Le nouveau catalogue 1977/79 est disponible

150 titres récents y sont présentés

1977-79 Collection "Actuel"

Le Courrier de l'Unesco

Education

Périodiques; Ouvrages de référence; Méthodes, recherche, innovations;Enseignement; Education permanente; Planification; Administration;Financement; Personnel.

ig aß3»m.Sciences

Périodiques; Ouvrages de référence; Politique scientifique; Recherche etenseignement; Sciences de la nature; Hydrologie; Océanographie; Cartes etatlas.

Sciences sociales

Périodiques; Ouvrages de référence; Recherche et enseignement; Droits del'homme; Problèmes raciaux et sociaux.

Culture

Périodiques; Politiques culturelles; Ouvrages de référence; Art et littérature;Etude des cultures.

Moyens d'information

Documentation, bibliothèques, archives

Publications officielles

(yrescoEnvoi gratuit sur demande à l'agent de vente de votre pays(liste ci-dessous).

Pour vous abonner ou vous réabonner

et commander d'autres publications de l'Unesco

Vous pouvez commander les publications del'Unesco chez tous les libraires ou en vous adres¬

sant directement à l'agent général (voir liste ci-dessous). Vous pouvez vous procurer, sur simpledemande, les noms des agents généraux nonInclus dans la liste. Les paiements des abonne¬ments peuvent être effectues auprès de chaqueagent de vente qui est à même de communiquerle montant du prix de l'abonnement en monnaielocale.

ALBANIE. N. Sh. Botimeve Nairn Frasheri, Tirana.

ALGÉRIE. Institut pédagogique national, 11, rue Ali Haddad,Alger, Société nationale d'édition et diffusion ISNED), 3 bdZirout Youcef, Alger. - RÉP. FED. D'ALLEMAGNE. UnescoKurier (Edition allemande seulement) : Colmantstrasse, 22, 5300

Bonn. Pour les cartes scientifiques seulement : Geo Center,Postfach 800830, 7000 Stuttgart 80. Autres publications : S.Karger GmbH, Karger Buchhandlung, Angerhofstr. 9, Postfach2, D-8034 Germering/Múnchen. - RÉP. DÉM. ALLEMANDE.Buchhaus Leipzig, Postfach, 140, Leipzig. InternationaleBuchhandlungen, en R.D.A. AUTRICHE. D' Franz Hain,Verlags-und Kommissionbuchhandlung, Industriehof Stadlau,D' Otto Neurath - Gasse, 1220 Vienne. - BELGIQUE. Ag. pourles publications de l'Unesco et pour l'édition française du"Courrier" : Jean de Lannoy, 202, Avenue du Roi, 1060Bruxelles, CCP 000-0070823-13. Edition néerlandaise seulement :N.V. Handelmaatschappij Keesmg, Keesinglaan 2-18,21000Deurne-Antwerpen. - RÉP. POP. DU BÉNIN. Librairienationale, B.P. 294. Porto Novo. BRÉSIL. Fundación GetúlioVargas, Editora-Divisao de Vendas, Caixa Postal 9.052-ZC-02,Praia de Botafogo, 188 Rio de Janeiro RJ - BULGARIE.Hemus, Kantora Literatura, bd Rousky 6, Sofia.CAMEROUN. Le secrétaire général de la Commission nationalede la République unie du Cameroun pour l'Unesco, B.P. N° 1600,Yaounde. - CANADA. Editions Renouf Limitée, 2182, rueSte. Catherine Ouest, Montréal, Que H3H IM7. - CHILI.Bibliocentro Ltda., Casilla 13731 Constitución n° 7, Santiago(21). - CHINE. China National Publications Import Corpo¬ration, West Europe Dept., P.O. Box 88, Pékin. - RÉP.POP. DU CONGO. Librairie populaire B.P. 577 Brazza¬ville. - COTE-D'IVOIRE. Centre d'édition et de diffusion

africaines. B.P. 4541. Abidjan-Plateau. - DANEMARK. EjnarMunksgaard Ltd., 6, Norregade, 1165 Copenhague K.EGYPTE (RÉP. ARABE D'). National Centre for Unesco

Publications, N° 1, Talaat Harb Street, Tahnr Square, Le Caire.- ESPAGNE. MUNDI-PRENSA Libros S.A., Castelló 37,Madrid 1. Ediciones Liber. Apartado 17, Ondárroa (Viscaya) ; Sr.A. González Donaire, Aptdo de Correos 341, La Coruna. LibreríaAl -Andalus, Roldana, 1 y 3, Sevilla 4 Librería CASTELLS,Ronda Universidad 13, Barcelona 7. ÉTATS-UNIS. Unipub.345, Park Avenue South, New York, N.Y. 10010. - FIN¬LANDE. Akateeminen Kiirjakauppa, Keskuskatu 1, 00100 Hel¬sinki. FRANCE. Librairie Unesco, 7, place de Fontenoy,75700 Paris. CCP. 12.598.48 - GRÈCE. Librairies Internationa¬

les. HAÏTI. Librairie A la Caravelle, 26, rue Roux, B.P. 111,Port-au-Prince. - HAUTE-VOLTA. Lib. Attle B.P. 64, Ouaga¬dougou. Librairie Catholique « Jeunesse d'Afrique ». Ouaga¬dougou. HONGRIE. Akadémiai Konyvesbolt, Véci U.22,Budapest V., A K.V. Konyvtárosok Boltja. Népkoztasasag utja16, Budapest VI. INDE. Orient Longman Ltd. : Kamani Marg.Ballard Estate. Bombay 400038 ; 17 Chittaranjan Avenue, Cal¬cutta 13 ; 36a Anna Salai, Mount Road, Madras 2. B-3/7 AsafAli Road, Nouvelle-Delhi 1, 80/1 Mahatma Gandhi Road,Bangalore-560001, 3-5-820 Hyderguda, Hyderabad-500001 .Publications Section, Ministry of Education and Social Welfare,511, C-Wmg, Shastri Bhavan, Nouvelle-Delhi-110001 ; OxfordBook and Stationery Co., 17 Park Street, Calcutta 700016 ; San¬dia House, Nouvelle-Delhi 110001. IRAN. Commission natio¬

nale iranienne pour l'Unesco, av. Iranchahr Chomali N° 300 ;B.P. 1533, Téhéran, Kharazmie Publishing and Distribution Co.28 Vessal Shirazi Si, Shahreza Avenue, P.O. Box 314/1486,Téhéran. IRLANDE. The Educational Co. of Ir. Ltd., Bally-mount Road Walkinstown, Dublin 12. ISRAËL. EmanuelBrown, formerly Blumstem's Bookstores : 35, Allenby Road et48, Nachlat Benjamin Street, Tel-Aviv ; 9 Shlomzion HamalkaStreet, Jérusalem. ITALIE. Lícosa (Librería CommissionariaSansoni, S.p.A.) via Lamarmora, 45, Casella Postale 552, 50121Florence. JAPON. Eastern Book Service Inc. C.P.O. Box

1728, Tokyo 100 92. - LIBAN. Librairies Antione, A. Naufal etFrères ; B.P. 656, Beyrouth. - LUXEMBOURG. Librairie PaulBrück, 22, Grande-Rue, Luxembourg.. MADAGASCAR.Toutes les publications : Commission nationale de la Rép. dém.de Madagascar pour l'Unesco, Ministère de l'Education natio¬nale, Tananarive. MALI. Librairie populaire du Mali, B.P. 28,Bamako. MAROC. Librairie « Aux belles images », 282, ave¬nue Mohammed-V, Rabat, CCP. 68-74. «Courrier de

l'Unesco » : pour les membres du corps enseignant : Commis¬sion nationale marocaine pour l'Unesco 19, rue Oqba, B.P. 420,Agdal. Rabat (CCP. 324-451. - MARTINIQUE. Librairie « AuBoul' Mich», 1, rue Pernnon, et 66, av. du Parquet, 972, Fort-de-France. MAURICE. Nalanda Co. Ltd., 30, BourbonStreet, Port-Louis. MEXIQUE. SABSA, Servicios a Bibliote¬cas, S A., Insurgentes Sur N" 1032-401, México 12.MONACO. British Library, 30, boulevard des Moulins, Monte-Carlo. MOZAMBIQUE. Instituto Nacional do livro e do

Disco (INLDI, Avenida 24 de Julho, 1921 r/c e 1» andar, Maputo.- NIGER. Librairie Mauclert, B.P. 868, Niamey. - NORVEGE.Toutes les publications : Johan Grundt Tanum (Booksellers),Karl Johans gate 41/43, Oslo 1. Pour le « Courrier» seulement :A. S. Narvesens Litteraturjeneste, Box 6125 Oslo 6.NOUVELLE-CALÉDONIE, Reprex S.A.R.L., B.P. 1572,Nouméa PARAGUAY. Agencia de diarios y revistas, Sra.Nelly de Garcia Astillero, Pte. Franco N° 580 Asunción.PAYS-BAS. «Unesco Koerier» (Edition néerlandaise

seulement) Systemen Keesmg, Ruysdaelstraat 71-75.Amsterdam-1007. Agent pour les autres éditions et toutes lespublications de l'Unesco : N.V. Martmus Nijhoff, LangeVoorhout 9. 's-Gravenhage POLOGNE. ORPAN-Import.Palac Kultury, 00-901 Varsovie, Ars-Polona-Ruch, Krakowskle-Przedmiescie N" 7, 00-068 Varsovie. - PORTUGAL. Dias &

Andrade Ltda. Livraria Portugal, rua do Carmo, 70, Lisbonne.ROUMANIE. ILEXIM. Romlibri, Str. Biserica Amzei N° 5-7,

P.0. 8. 134-135, Bucarest. Abonnements aux périodiques :Rompresfilatelia calea Vlctonei 29, Bucarest. ROYAUME-UNI. H. M. Stationery Office P.O. Box 569, Londres S.E.1 -SÉNÉGAL. La Maison du Livre, 13, av. Roume, B.P. 20-60,Dakar, Librairie Clairafnque, B.P. 2005, Dakar, Librairie « LeSénégal » B.P. 1954, Dakar. - SEYCHELLES. New ServiceLtd., Kmgsgate House, P.O. Box 131, Mané. - SUÈDE. Toutesles publications : A/B CE. Fritzes Kungl. Hovbokhandel,Regeringsgatan, 12, Box 16356, 103-27 Stockholm, 16. Pour le« Courrier » seulement : Svenska FN-Forbundet, Skolgrand 2,Box 150-50, S-10465 Stockholm-Postgiro 184692. - SUISSE.Toutes publications. Europa Verlag, 5, Ramistrasse, Zurich,CCP. 80-23383. Librairie Payot, 6, Rue Grenus, 1211, Genève11. CCP. : 12.236. - SYRIE.JJbralrie Sayegh Immeuble Diab,rue du Parlement, B.P. 704, Damas. - TCHECOSLOVAQUIE.S.N.T.L., Spalena 51, Prague 1 (Exposition permanente) ;Zahracmi Literatura, 11 Soukenicka, Prague 1. Pour la Slovaquie ~seulement : Alfa Verlag Publishers, Hurbanovo nam. 6, 893 31Bratislava. TOGO. Librairie Evangélique, B.P. 1164, Lomé,Librairie du Bon Pasteur, B.P. 1164, Lomé, Librairie Moderne,B.P. 777, Lomé. - TRINIDAD ET TOBAGO. Commission

Nationale pour l'Unesco, 18 Alexandra Street, St. Clair,Trinidad, W.l. TUNISIE. Société tunisienne de diffusion,5, avenue de Carthage, Tunis. TURQUIE. Librairie Hachette,469 Istiklal Caddesi, Beyoglu, Istambul. U.R.S.S.Mejdunarodnaya Kniga, Moscou, G-200 URUGUAY.Editorial Losada Uruguaya, S.A. Librería Losada, Maldonado,1092, Colonia 1340, Montevideo. - YOUGOSLAVIE.Jugoslovenska Knjiga, Trg Republike 5/8, P.O.B. 36, 11-001Belgrade. Drzavna Zalozba Slovenije, Titova C 25, P.O.B. 50, 61-000 Ljubljana. RÉP. DU ZAIRE. La librairie, Institut nationald'études politiques, B.P. 2307, Kinshasa. Commission nationalede la Rép. du Zaïre pour l'Unesco, Ministère de l'Educationnationale, Kinshasa.

Page 44: Le vrai visage d'Alexandre? Une tombe royale et ses …unesdoc.unesco.org/images/0004/000445/044515fo.pdfAnglais Hindi Ourdou Espagnol Tamoul Catalan Russe Persan Malaysien Allemand

Sukhothai :

Taube du bonheur'

Sukhothai. capitale d'un royaume thai fondé au 13'' siècle, a donné naissance áune Ecole artistique qui devait exercer une profonde influence sur la statuaire de:Thai comme l'atteste cette iuvre de la période plus tardive d Ayutriy.i(1350 1767) Avec son visage à l'ovale parfait, aux sourcils doucement arquésque prolonge l'arête du ne*, ce bouddha en bronze doré lhauteur totale 153 cm)

couronné d'un diadème orfèvre, est un bel exemple du style méditatif et souriantde Sukhothai (voir article page 4*

iTSl

*

>=¿5

<*

- ,