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    Le vivant et le vcu, l'exprimentation et l'exprience, la catgorie et l'nergie

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    Le vivant et le vcu,

    l'exprimentation et

    l'exprience, la catgorie et

    l'nergie- Recherches - Vers un nouveau paradigme scientifique ? - Sur le concept de rythme - Nouvel article -

    Date de mise en ligne : lundi 14 fvrier 2011

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    Ce texte a dj paru dansLe Social et le Sensible, Paris, d. Tradre, 2005. Nous remercions Franois Laplantinede nous avoir autoris le reproduire ici.

    Nous nous proposons dans cet article d'esquisser une confrontation entre une pense de la vie et une pense dusocial. Une telle confrontation s'avre problmatique et dlicate. Assez souvent soit elle risque de tourner court

    parce que l'on estime qu'il y a une incompatibilit de paradigmes, soit l'inverse on croit pouvoir parvenir, mais demanire athorique ou insuffisamment thorique, une rconciliation pure et simple entre les deux horizons deconnaissance.

    Pour nous engager dans cette confrontation, il convient au pralable de s'entendre sur les mots et particulirementsur le mot vie, mot tout faire ainsi que le notait en 1978 Roland Barthes dans un de ses cours au Collgue deFrance [1]. Nous allons par souci de clart, procder un certain nombre de distinctions : la vie et le vivant, le vivantet le vcu, l'exprimentation et l'exprience, la catgorie et l'nergie.

    1.Les Grecs anciens n'avaient pas un seul terme mais deux pour dsigner la vie : zoet bios. Zosignifie le fait devivre commun tous les vivants : les vgtaux, les animaux, les hommes mais aussi les dieux. Bios, quant lui,s'attache dfinir les manires de vivre, les modes de vie, les formes de vie et notamment les formes de vie sociale.Zo(la vie) est une notion beaucoup plus unitaire et aussi beaucoup plus universelle que biosqui dsigne le vivant,mais travers le vivant, les vivants. Bios, me semble-t-il, davantage que zo, introduit du multiple et du divers dansl'ide de vie.

    2.Une seconde distinction est susceptible de nous aider et elle nous est fournie cette fois par la langue allemandequi diffrencie das lebenet das erleben. Das lebensignifie la vie, mais la vie sans conscience : les animaux vivent,mais ne pensent pas ce qu'ils vivent, du moins le suppose-t-on. Das erlebenest utilis, quant lui, pour dsigner levcu, c'est--dire selon l'expression de Dilthey la vie qui saisit la vie , qui est susceptible non seulement de lapenser mais de l'prouver par opposition l'entendement, lequel, selon l'auteur de l'Introduction l'tude dessciences humaines, n'coute pas la vie, se dtourne de l'nergie au profit de la catgorie.

    3.C'est cette dernire distinction qui va retenir maintenant, et beaucoup plus longuement, notre attention. Lapense de la catgorie - dans laquelle s'est forme l'anthropologie - diffrencie la vie vgtale, la vie animale et lavie humaine. Elle procde la dcomposition de rgnes et dans le rgne animal distingue les bipdes, lesquadrupdes, les oiseaux, les poissons et les reptiles, ce qui ne va pas, notons-le, sans poser la question desautruches qui depuis le dbut des systmes classificatoires europens, rpugnent toujours entrer dans l'une deces classes.

    Vie et catgorie

    Les mrites de la pense catgorielle ne sont pas dmontrer. Elle nous permet de nous reprer et de nous orienterdans l'tude du vivant. Mais nanmoins elle ne parvient rendre compte que de la vie organique au sens dfini parBichat dans ses Recherches physiologiques sur la vie et la mort(1800). Plus on se dplace vers ce qui n'est pas (oupas exclusivement) organique, vers la vie psychologique et la vie sociale, plus les frontires sont mobiles ou end'autres termes vivantes.

    Afin de comprendre le sens et les limites de la pense de la catgorie lorsqu'elle se trouve confronte l'nergie dela vie, il convient de revenir au premier trait de logique d'Aristote, L'Organon, dans lequel ce dernier dfinit ce qu'est

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    une catgorie. Nous nous trouvons en prsence d'un dispositif de dtermination, de distinction et de rpartition detout ce qui existe en classes spares dotes de ce que le philosophe grec appelle des attributs purs . Lacatgorie, en fait le processus de catgorisation, est un processus la fois logique, ontologique et linguistique quiconsiste dire quelque chose propos de quelque chose ou de quelqu'un en lui attribuant des proprits. C'est unprocessus qui est minemment tributaire de la langue (en l'occurrence de la langue grecque). Il nous renseigneautant sur la langue de celui qui procde ces oprations qu'aux objets qu'il cherche dsigner. Et, travers lalangue, il est tributaire de la mtaphysique grecque de l'tre dans sa permanence c'est--dire de la logique de

    l'identit et du tiers-exclu.

    C'est ainsi que la premire de toutes les catgories dfinies par Aristote est celle d'essence (ousia), excluant a prioriune quelconque mutation, un vnement, un accident ou ne serait-ce qu'un incident pouvant venir la perturber. Cettecatgorie premire et pour ainsi dire fondatrice des neuf autres fait l'objet d'un traitement approfondi et mmerapprofondi ensuite dans la Mtaphysique(qui signifie au sens strict aprs la physique). La neuvime et la diximeet dernire catgorie en revanche - appeles respectivement l'agiret le ptiret pour lesquelles se posencessairement la question de ce qui vit, c'est--dire croit, mrt, dprit - n'ont pas aux yeux de l'auteur deL'Organonla mme lgitimit.

    Aristote postule que, contrairement une approche intuitive, une approche discursive (dianoia), caractristique de lascience, connat et pense par repos et arrt (Physique, VIII, 3). Cette notion aristotlicienne de stabilisation du mouvement et par consquent du vivant est au coeur de la Physiquepuis du trait De anima. L'auteur (et, partirde lui, une grande partie de la pense mdivale tant arabe que latine) tablit une liaison ncessaire entre laconnaissance exacte de la science (pistm) et le fait d'arrter ou de s'arrter (stnai). travers les catgories quisont ce que les philosophes scolastiques appellent des universaux , la vie est saisie, ainsi que l'crit Aristote, aurepos . La question qui dans ces conditions ne manque pas de se poser est celle de la lgitimit du rapport entre ladmarche et la particularit de son objet. Une connaissance prcise et rigoureuse peut-elle fixer son objet dans descatgories lorsque cet objet (le vivant) n'a lui-mme rien de fixe, mais est volution, transformation, variation ?

    Or, l'univers-langage de la catgorie en tant qu'il procde une stabilisation du vivant et a fortioridu vcu apparatrfractaire cette question. Fini, dfini et dfinitif, il rpartit tout ce qui existe dans des particularits physiques,biologiques, psychologiques, mais aussi chromatiques, musicales, indpassables. Pour dire les choses autrement, letemps, le tempo, la tension du rythme qui commence avec la respiration, cette pulsation de la vie humaine etanimale, ne sont pas envisageables dans la pense catgorielle et classificatoire qui est celle du signe, seulementdu signe. Pour cette pense, il existe seulement un ensemble de traits caractristiques d'une classe, d'une famille,d'un genre, d'une espce, jamais des processus de retrait. On ne peut concevoir et d'abord percevoir ce qui seforme, se dforme, se transforme entre l'apparatre et le disparatre, la prsence et l'absence, l'opacit et latransparence, l'obscurit et la lumire, le solide et le liquide, le contract et le dilat, l'impassible et le cruel, l'agir et leptir, le gnie et l'idiotie, la dmence et le coma.

    Ce quoi la pense de la catgorie rpugne, c'est ce qui s'labore dans les passages, les transitions, lesmouvements d'oscillation instables et phmres. Elle opte d'une manire drastique pour la fixation du temps, dumouvement et du multiple et elle s'oppose, ce faisant, la tension de l'entre et de l'entre-deux. Pourtant ce dernierexiste. Entre la prsence et l'absence, il y a la mlancolie et sa flexion lusitanienne qui a pour nom saudade. Entrel'obscurit et la lumire, il y a le clair-obscur. Entre le rtract et le dploy, il y a le mouvement de la dtente. Entrela veille et le rve, il y a la rverie. Entre l'attendu et l'imprvu, il y a le pressenti. Entre la confiance et la mfiance, ily a le lger soupon. Entre la certitude de ce qui est nomm et dsign (la dfinition) et le renoncement parler, il ya ce qui peut tre suggr (Mallarm) ou montr (Wittgenstein). Entre la vie et la mort, il y a du spectral : desfantmes ou, comme ont dit Hati, des zombis, des revenants ainsi que des survivants.

    Si toute une partie de la culture grecque relaye partir du XVIIe sicle par le cartsianisme (avec notammentl'invention par Descartes du corps-machine devenu l'homme-machine de La Mettrie en 1748) constitue

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    notre avis un obstacle pistmologique la comprhension du vivant dans sa temporalit, un grand nombred'auteurs appartenant pourtant la mme aire de civilisation sont susceptibles de nous venir en aide. Deux d'entreeux vont particulirement retenir notre attention : Spinoza et Rousseau, vritables prcurseurs d'une anthropologiede la vieet du vivant, deux termes impliquant pour eux un troisime terme et mme un quatrime : le vital- partirduquel va se poser la question du rapport de ce qui vit ce qui vaut, c'est--dire la question des valeurs- et dusocial.

    Mais avant d'examiner l'apport, pour nous considrable, de la rflexion de Spinoza et de Rousseau dansl'laboration de cette anthropologie, il convient de rappeler que ce ne sont pas seulement les modernes qui ontouvert une perspective dynamique dans la pense philosophique et scientifique.

    Le caractre rythmique du vivant

    Le mrite de plusieurs philosophes que l'on appelle prsocratiques qui, bien avant Aristote (384-322 av. J.C.),portrent une extrme attention la vie des phnomnes naturels, a t d'introduire la notion de rythmicit dans laconnaissance de l'univers. Le rythme (rhuthmos), tel qu'il a t notamment apprhend par Hraclite (n vers 500av. J.C.) puis combattu par Platon (429-347 av. J.C.), c'est la forme (morph) en tant qu'elle est transforme par letemps c'est--dire le travail du mouvement ininterrompu. Pour le philosophe ionien, il n'y a rien de stable, touts'coule ( panta rhei , du verbe rho, partir duquel s'est form le terme rythme, signifiant couler). Vivre, c'estdevenir ou plutt revenir, car l'lment premier, le feu, se transforme en air, qui lui-mme devient lment humideavant de faire retour au feu. Le rythme dans sa phosphorescence mais aussi sa fluidit et sa plasticit engagent laquestion du rapport au sensible (aistsis) c'est--dire ce qui chappe en partie l'intelligibilit (nosis) de la raison.

    Tels sont les termes de l'un des dbats majeurs qui traversent la pense grecque antique, dans laquelle s'opposentla conception ionienne et hraclitenne qui est celle du changement (mtabol) et la conception attique etplatonicienne qui vise, pour comprendre ce dernier, le stabiliser dans une forme cette fois suprasensible qui est del'ordrede la raison (logos). Dans ce dbat, plusieurs philosophes prsocratiques, loin d'pouser la conceptionparmnidienne de l'tre qui a toujours exist et existera toujours de la mme manire [2], introduisent une doubledistinction : a) celle du rythme (rhuthmos) et du schma (skhma), b) celle du mouvement comme kinsiset dumouvement comme mtabol.

    a)Dmocrite (n vers 458 av. J.C) oppose le rythmeet le schma. Alors que le schma selon lui est le rsultatd'une opration mentale visant fixer la trajectoire des atomes, les soustraire leur mouvement dans uneconfiguration arrte, le rythme est un processus. La premire forme des figures, mais le second est susceptible deles transformer.

    b)Les prsocratiques disposaient de deux termes pour dsigner le mouvement : kinsiset mtabol. Ils utilisaientkinsispour dfinir le trajet ou la trajectoire se situant entre deux extrmits de l'espace et taient conscients de nerendre compte ainsi que d'une partie de l'exprience du temps et de la vie. Kinsisest un simple dplacementmoteur qui ne modifie pas profondment celui qui effectue un parcours. Ainsi pouvons-nous arriver (presque)identique ce que l'on tait d'un point un autre. La transformation (mtabol), c'est autre chose. Elle n'est plusassignable un lieu. C'est un processus au travers duquel tout ce qui vit devient autre que ce qu'il tait.

    La difficult cre par Platon, philosophe du sujet envisag en particulier dans son mouvement d'ascension vers le

    monde des Ides suprasensibles c'est--dire de conversion vers le haut et non plus penseur prsocratiquedu bas (par exemple des vibrations gologiques et des fluctuations marines), vient du prsuppos qui conduit dvaloriser ce qui vit et par consquent se transforme (mtabol). L'auteur du Phdonn'envisage que le mouvement

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    (kinsis). Et il n'envisage ce dernier qu' partir de l'ordre (taxis) de mme qu'il ne conoit la forme (morph) qu'partir de sa mise en forme par l'essence (ousia). La forme, dans son aptitude se transformer, se trouve ainsiessentialise. Il accepte bien l'existence du rythme mais seulement dans la mesure o il se soumet prcisment lamesure (mtron). la mobilit hraclitenne, le philosophe athnien oppose la stabilit de ce qui ne peut treenvisag que comme dtermination et dlimitation, et, par l mme, il ouvre la voie la recherche de rcurrences,de rgularits, de priodicits et de lois. Procdant la stabilisation de la rythmicit au sens ionien, il lui substitue lamesure du mouvement (mtron kinseos), sa rsorption dans un ordre mtrique ainsi que la dtermination de justes

    proportions (rhusmos) qui doivent organiser aussi bien l'quilibre de l'ordre psychique que de l'ordre de la cit. Ainsile rythme du vivant devient-il passif. Il est objectiv et analys dans le cadre de formes fixes (skhma) et il estfinalement ni, car tout, estime Platon, est loin d'tre en mouvement. Au-dessus du mouvement et du vivant, il y a laraison (logos) qui est un autre nom pour dsigner l'tre. C'est ce logoset lui seul que revient l'aptitude de dire letout, en rendre compte, avoir raison.

    On voit travers ce dbat qu'une tendance de la philosophie grecque ancienne nous fournit un certain nombred'instruments pour penser le vivant dans son processus rythmique, alors qu'une autre tendance s'y opposersolument comme la philosophie inspire jusqu' nos jours par le platonisme qui entretient une comprhensionarythmique du monde. Si un grand nombre de philosophes prsocratiques (ceux en particulier, tel Dmocrite, que

    l'on qualifie d'atomistes) ont surtout pens l'eurythmie, c'est--dire le bon rythme (conception qui sera reprise au XXesicle dans la thosophie de Rudolf Steiner), et n'ont gure envisag qu'il puisse y avoir du conflit, de la discordanceet de la dissonance, il n'empche que ce qu'ils apportent la construction d'une thorie du vivant est dcisif. C'est lapense du rythme en tant que pense de ce qui se forme, se dforme, se transforme et appelle par consquent unmode de connaissance qui est celui du devenir. Dans ce mode de connaissance, les mouvements de flexion, decourbure, de tournure (trop) sont plus pertinents que l'arrt sur une position (thsis) affirmative ou ngative et afortiorila rfrence un fondement dont la Grce antique a t trs souvent crdite.

    De la catgorialit la modalit. La vie commeintensit : Spinoza

    Avec Spinoza, nous entrons dans un tout autre horizon de connaissance - celui du rationalisme classique - et nousallons voir comment la question de la vie et du vivant va tre radicalement ractive. Rappelons d'abord que Spinoza(1632-1677) n'est pas moins rationaliste que Descartes. Il est mme, en disciple (infidle) de Descartes, unrationaliste intransigeant qui construit sa pense partir d'enchanements logiques (concatenatio), mais il laboreune pense de la vie insparable du langage. Alors que la pense cartsienne qui est aujourd'hui encore dominanteet est ds l'origine une pense conqurante, procde la sparation de l'me et du corps, du concept et de l'affect,dcoupe des catgories qui auront notamment pour effet la constitution de champs disciplinaires et sousdisciplinaires, Spinoza en plein sicle classique labore une pense de la continuit dans laquelle l'affectioninaugure une pense de la continuit o l'affection, la rflexion, le langage, la thorie de la connaissance, l'thique etle politique ne peuvent plus tre envisags comme des champs distincts. Pour comprendre ce que peut apportercette pense aux questions dans lesquelles nous nous dbattons aujourd'hui dans la constitution si difficile d'uneanthropologie de la vie et du vivant et notamment d'une anthropologie du corps et des motions, il convient donc del'examiner en tant que pense critique du cartsianisme ou du moins du cartsianisme orthodoxe.

    La force et la richesse de ce dernier sont d'avoir libr la connaissance de l'occultisme. Mais son revers est d'avoircre deux univers trangers l'un l'autre : le corps incapable de penser, l'esprit (que Descartes appelle l' me )incapable de sentir. Ce qui caractrise le premier est qu'il est exclusivement de l' tendu , de la spatialit, de lamasse (redevable d'une opration de mesure) alors que l'esprit, lui, est purement intellectuel mais aussi spirituel, car,ne l'oublions pas, dans le cartsianisme, c'est Dieu qui soutient la totalit de l'difice.

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    C'est cette pistmologie de la puret, que l'on peut aussi qualifier d'pistmologie de la disjonction (d'un corpspassif sans rapport la pense et d'une pense active mais immatrielle et ne se mlangeant pas l'affectivit), quicre l'impossibilit ou du moins la difficult qui est encore souvent la ntre aujourd'hui de percevoir une continuitentre les diffrentes dimensions du vivant : la vie organique (rduite chez Descartes une mcanique), la viepsychologique, la vie en socit.

    Spinoza, le premier, combat, mais en utilisant la dmarche du rationalisme, cette conception dualiste, intellectualisteet idaliste (au sens philosophique prcis du terme) de l'tre humain. Ce dernier est pour lui ce qu'il appelle conatus,c'est--dire dsir, mouvement, nergie, engageant la totalit de l'intelligence et de la sensibilit. Le conatusmet enaction tous les efforts, impulsions, apptits et volitions [3]. Il est l' effort pour lequel chaque chose s'efforce depersvrer dans son tre (op. cit., p. 143). L'auteur de l'thiquecritique, ce faisant, non seulement la sparation del'esprit et du corps (et par consquent l'ide d'une interaction entre deux instances initialement spares), mais aussila division de l'tre humain en facults distinctes (l'entendement (intellectus), la sensibilit, l'imagination, la mmoire).Il estime que la vie ne peut tre apprhende en termes de catgorialit, mais d'intensit et de modalit. Aux facults de la philosophie de Descartes, il oppose ce qu'il appelle dans l'thiquedes modes (op. cit., p. 143) etdans le Trait politiquedes manires d'tre [4]. Toute la troisime partie de l'thique(intitule De l'origine et de lanature des affections) est consacre l'tude de ce que nous nommons depuis Darwin [5] la vie des motions.

    Or, le propre de ces dernires est qu'elles sont susceptibles de se transformer. La joie est la transformation libre etvolontaire du ptir en agir, de la passion en raison. Elles accrot le dsir alors que la tristesse le diminue.

    Tout dans la rflexion de Spinoza sur le vivant est affaire non pas tant de modles que de modalits, de modulationset de fluctuations entre des termes, qui ne sont jamais postuls comme des donnes originelles, ainsi qu'entredes temps, c'est--dire des verbes. Ce que nous comprenons en le lisant, c'est l'importance de la notion de passageet de transition pour apprhender le vivant dont la caractristique est la germination, la maturation, le vieillissement,le dclin, la mort. Ainsi qu'il l'crit dans le Trait politique(op. cit., p. 124), l'entendement humain, naturellementport l'abstraction, prend pour des proprits immuables ce qui n'est que manire d'tre passagre .

    Spinoza, contre la thologie, pose les bases d'une anthropologie, et c'est pour la premire fois une anthropologieresitue dans la vie au sens biologique du terme ainsi que dans la vie du langage et qui a des implications thiqueset politiques. C'est une anthropologie qui se dploie dans un plan d'immanence pour laquelle il n'y a plusd'arrire-monde, de principe antrieur, extrieur ou suprieur [6] ce que l'auteur de l'thiqueappelle la natureDanscette nature, l'homme n'est dot, contrairement au cartsianisme (les animaux-machines ) puis au kantisme (les animaux-pommes de terre ), d'aucune prminence. Il n'occupe aucune position anthropocentrique. Il est unepartie de la nature (op. cit., 1966, p. 16) avec les vivants que l'on dit privs de raison (op. cit., 1965, p. 193).

    Si cette anthropologie accorde une prminence, c'est l'activit et non la chosit. Avec Spinoza nousabandonnons une pense mcaniste de la chose, de la substance et nous nous engageons dans une pensersolument moderne dans laquelle le sujet est indissociablement individuel et collectif, affection et rflexion, acte depenser et de sentir. Cette solidarit de ce que l'on ne peut pas appeler des catgories ou des instances ne va pasnanmoins sans conflits, Spinoza en sait lui-mme quelque chose dans la situation marginale de marrane qui tait lasienne aux Pays-Bas au XVIIe sicle.

    Dans la construction d'une anthropologie de la vie et du vivant, Spinoza, on le voit, est susceptible de nous fournirdes lments de rflexion extrmement prcieux. Il n'empche qu'aujourd'hui encore bien des gards noussommes rests cartsiens, nous ne sommes pas devenus spinozistes, terme longtemps tenu pour une insulte pour

    dsigner les athes.

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    Repenser le social par l'intermdiaire du vgtal :Jean-Jacques Rousseau

    Avec Jean-Jacques Rousseau (1712-1778), nous franchissons un pas de plus dans l'laboration de cetteanthropologie et ce pas est, nous allons le voir, dcisif. Rousseau, plus encore que Spinoza, cherche rintgrer lavie et le vivant dans le social. Et, pensant le social partir du vivant, il est aussi le premier auteur qui a nonseulement annonc l'ethnologie (distincte de l'anthropologie philosophique) mais a commenc la constituer [7].

    La rvolution rousseauiste, qui tait dj en germe chez Spinoza, consiste ne plus tudier le socialindpendamment du vivant et a fortioricontre le vivant. Pour analyser la socit, mais aussi pour la rformer voir larvolutionner, il convient, estime Rousseau, de cesser de sparer la culture et la nature et notamment l'humanit etl'animalit. Dans une pistmologie pr-rousseauiste, en dehors de Spinoza, ds que la notion de nature est pose,elle est oppose la culture. Pour Jean-Jacques Rousseau au contraire, qui se proclame la fois homme de lanature et citoyen de Genve , nous ne sommes pas des tres dominant la nature et susceptibles parconsquent de discours sur la nature. Nous sommes dans la nature. La nature est en nous.

    Pour l'auteur du Discours sur l'origine et les fondements de l'ingalit parmi les hommes, la civilisation police duXVIIIe sicle et en particulier celle qui exalte l'art qui n'est en fait qu'artifice [8] consiste dans une ngation de lanature. Au faitde cette ngation, il oppose le droitde la ngation de la ngation du social comme anti-nature.

    Ce que Jean-Jacques Rousseau appelle l' tat de nature - qui est pour lui une exprience vcue- ne peut treretrouv ni spculativement, ni prhistoriquement, ni spirituellement (car il rfute toute rvlation et s'en tient cequ'il appelle une religion naturelle ). Cet tat de nature peut nanmoins tre reconnu puis recueilli dans lesmotions, les sensations, les sentiments et plus prcisment l'exprience de la solitude dans la forten laissants'exprimer ce qui nous lie au vivant et en particulier au vgtal.

    C'est tout particulirement dans les Rveries du promeneur solitaireque l'crivain effectue cette exprience.Rousseau a soixante-quatre ans. Il renonce son projet initial d'une connaissance complte de lui-mme et semontre plus rserv que dans les Confessions. Il abandonne galement sa tendance la dilatation extrme de sapersonnalit dans la nature. C'est un texte plus discret, plus concis, plus prcis aussi, que les Confessions, un textedans lequel les ides, dlaissant paperasses et bouquinerie [9], sont devenues sensations. Ce qui proccuped'abord Rousseau dans cet ouvrage, c'est l'infiniment petit du rgne vgtal, ce qu'il appelle la petitesse (op. cit.,p. 117) des parties constitutives des plantes. l'instar d'un botaniste allemand qui a fait un livre sur un zeste decitron (p. 82-83), il entreprend d'crire sur chaque gramen des prs, sur chaque mousse des bois, sur chaquelichen qui tapisse les roches (p. 83). Il part dans la fort une loupe la main , ne voulant pas laisser un poild'herbe, pas un atome vgtal qui ne ft amplement dcrit (p. 83).

    Ce travail de collecte qui lui permet de faire, de dfaire et de refaire jour aprs jour son herbier en commenanttoujours par le mouron, le cerfeuil, la bourrache et le svegon (p. 106) exige une extrme attention : d'une part la particularit de chaque espce, mais surtout la continuit du vivant ainsi que du vcu. Ces derniers sont faits de degrs imperceptibles entre lesquels je ne pourrais marquer le point de sparation (p. 90). Tout, critencore Rousseau, est dans un flux continuel sur terre : rien n'y garde une forme constante et arrte, et nosaffections qui s'attachent aux choses extrieures passent et changent ncessairement comme elles. Toujours enavant ou en arrire de nous, elles rappellent le pass qui n'est plus ou prviennent l'avenir qui souvent ne doit pastre ; il n'y a rien de solide quoi le coeur se puisse attacher (p. 87).

    Ce qu'il y a d'extrmement original dans l'entreprise rousseauiste est qu'elle consiste rexaminer le social par lamdiation de la botanique. Autrement dit le projet qui vise rintgrer l' nergie [10]du vivant dans le social enproposant un nouveau contrat (Le Contrat social), Jean-Jacques Rousseau le construit en allant non pas vers l'

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    glisemais vers la fort. Pour dire les choses autrement, c'est en se dtournant de la socit qu'il cherche transformer la socit.

    Vitalit et socialit

    Chaque poque peut tre caractrise par une tendance dominante, un courant de pense crdit d'une plus grandelgitimit, qui n'exclut pas nanmoins l'existence de contre-courants. La Grce classique pose la question de l'tre(ou de la substance), le Moyen Age la question de Dieu, la Renaissance celle de la nature et le XIXe sicle esttravers par deux proccupations majeures : le social (avec Balzac, Saint-Simon, Auguste Comte), mais aussi la vie(avec le romantisme).

    La pense du XXe sicle peut tre caractrise en France par deux grandes lignes de force : l'une va de Durkheim Bourdieu, l'autre de Bergson Deleuze en passant par Foucault. Manifestement en France dans les sciencessociales, c'est la tendance durkheimienne qui parat au XXe sicle avoir triomph. Mais c'est aussi, depuis lesannes 1970, le durkheimisme (dans son principe d'objectivit par objectivation) ainsi que le structuralisme (dans sathorie formaliste des systmes d'opposition et de relation entre des invariants) qui se trouve remis en question.Durkheim, comme Lvi-Strauss - mais aussi comme Sartre dans la Critique de la raison dialectique- sont deslogiciens. Les questions qu'ils se posent et les instruments mthodologiques qu'ils construisent n'ont nullement pourbut de penser la vie et le vivant dans ses modulations, c'est--dire ses processus de gense, de germination, dematuration, de transformations de ce qui progressivement (et non structurellement ou catgoriellement) dcline, sefane, se fltrit et disparat. Pour dire les choses autrement, une anthropologie de la vie peut difficilement tre menedans les cadres d'une dmarche qui tend rduire le mouvement, qui est changement graduel et souvent presqueimperceptible, dans l'ordre de la structure ou de la culture et n'accorde pratiquement aucune attention au corps etaux motions.

    C'est donc, en grande partie, l'extrieur de la tendance dominante de l'anthropologie sociale et culturelle qu'ilconvient de rechercher les jalons nous permettant de construire une anthropologie du vivant : d'une part dans undialogue avec les sciences biologiques (en prenant garde aux drives de la sociobiologie), d'autre part dans unepense souvent qualifie de vitalisme qui, de Schopenhauer Foucault et Deleuze, est jalonne notamment par larflexion de Nietzsche, ainsi qu'une partie de l'exprience du mouvement surraliste. Au tournant du XIXe et du XXesicle trois dcouvertes - qui sont rigoureusement contemporaines - contribuent introduire la vie dans la pense :l'invention du cinma, la psychanalyse et la philosophie de Bergson.

    Le cinma procde d'une transformation technique : l'invention en 1985 d'une machine semblable une machine coudre permettant d'entraner la pellicule, ce que ne pouvait raliser l'appareil d'Edison, le kinscope qui nepermettait que de visionner des images.

    La dcouverte de la psychanalyse [11] s'effectue partir de la notion de pulsion (trieb) que Freud appelle pulsionde vie laquelle viendra s'opposer dans l'laboration thorique de la nouvelle mthode d'investigation del'inconscient la pulsion de mort . Faisant clater la fiction d'un sujet homogne, transparent et identique lui-mme dans le temps, Freud distingue trois instances (le moi, le a et le surmoi) ainsi que trois niveauxd'interprtation (topique, conomique et nergique). Et il montre que la vie psychique n'est pas rductible unsystme de relation entre des ples prexistants. Pour lui, il existe une flexibilit de la vie relationnelle. Cettedernire est mallable, modelable, ductile et apte de multiples mtamorphoses.

    Bergson (1859-1941), ds sa thse de doctorat [12], se propose d'tudier les rapports entre ce qu'il appelle lathorie de la connaissance et la thorie de la vie (op. cit., p. 492) dont il estime qu'elles sont insparables .

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    Le vivant et le vcu, l'exprimentation et l'exprience, la catgorie et l'nergie

    Connatre le vivant consiste pour lui saisir des intensits, des mouvements d'oscillation entre la contraction et ladilatation, la rapidit extrme et la plus grande lenteur en jeu dans les processus de gense, de maturation maisaussi de vieillissement. Or ces mouvements sont absolument indivisibles (op. cit., p. 75). Il convient dans l'attention la vie (p. 312) de ne plus apprhender le temps ou plus prcisment le devenir - que Bergson appellela dure - de la mme manire que nous concevons l'espace, lequel est juxtaposition d'lments mais non pasgraduation. Il faut pour cela, crit Bergson, renoncer la confusion de la dure avec l'tendue, de la successionavec la simultanit (p. 9). Estimant dans L'volution cratrice(1907) que notre logique est surtout une logique

    des solides , il en vient distinguer ce qu'il appelle les concepts solides (qu'il compare des vtements deconfection) et des concepts fluides (qu'il compare des vtements sur mesure). Et il suggre, d'une manire quipourrait tre rtroactivement qualifie de bastidienne, que les concepts solides ne conviennent pas l'tude detoutes les situations et de toutes les socits.

    Les ides dveloppes par Bergson (et aussi par Proust qui commence crire le premier volume d' la recherchedu temps perduen 1908) sont extrmement loignes des recherches effectues la mme poque dans le champdes sciences sociales. Il y a nanmoins un sociologue qui le premier introduit la notion de vie sociale , c'est GeorgSimmel (1858-1918) mais c'est un sociologue qui se rclame explicitement de Bergson. Dans la perspective de l'lan vital bergsonien, Simmel distingue les catgories du vivantet le dynamisme du vcu. Ce que l'auteur des

    tudes sur les formes de la socialisationappelle la fluidit de la vie ou encore l'exprience concrte du vcu met en question la sparation kantienne (kantienne, durkheimienne puis gurvitchienne) des contenus matriels etdes cadres formels de la connaissance, lesquels sont tenus pour intemporels, immuables et rsolument universels.Avec la vie, estime Simmel, ces formes sont susceptibles de se fluidifier, de se dformer et de se transformer.

    La vie du terrain. Des faits sociaux au faire social

    labore (comme la sociologie) dans une pense de la catgorie, l'anthropologie prouve une trs grande rticence

    adopter une pense de l'nergie dans laquelle elle voit une drive irrationaliste possible. C'est nanmoins par lamdiation du vcu et plus prcisment de l'exprience vcuesur le terrain que tout anthropologue se trouveconfront au dynamisme du vivant. Sans doute beaucoup plus que la sociologie (du moins l'poque de saformation dans la triple matrice weberienne, durkheimienne et marxiste), elle est amene non pas exactement opposer, mais distinguer l'exprimentation(telle qu'elle est issue de la dmarche biologique de Claude Bernard) etl'exprience(proprement ethnographique). Pour dire les choses autrement, l'exprience ethnographique est bien uneforme d'exprimentation, mais c'est une exprimentation in vivoet non pas in vitro.

    C'est notamment cette exprience concrte et chaque fois singulire (exprience, du latin experiri, qui la mmeracine que periculum, terme signifiant pril, danger) qui conduit l'ethnographe (plus que l'ethnologue et a fortiori

    l'anthropologue), partir de la vie du terrain et des vnementspouvant s'y produire, s'interroger sur le vivant.Dans cette exprience qui est celle d'une interaction en mouvement dont Georges Devereux a montr le premier en1951 [13] qu' travers le jeu du transfert et du contre-transfert elle transformait autant l'observateur que l'observ, lesfaits sociaux ne peuvent plus tre considrs de manire durkheimienne comme des choses , mais comme desprocessus. Je n'ai personnellement jamais rencontr sur le terrain ce que l'on continue d'appeler des phnomnessociaux ou des faits-sociaux , mais du faire social, du social ou plus prcisment des bribes de social en trainde se faire et de se dfaire. Il y a de l'agir et donc de l'nergie dans le faire social de mme que dans celui quil'tudie, de l'nergie, terme de la mme famille que chirurgie, allergie, dmiurgie, ... qui signifie vitalit, vigueur, forceen action.

    Au point o nous sommes parvenus, trois sries de difficults se prsentent nanmoins nous qu'il convientmaintenant d'expliciter.

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    1.La premire que nous n'avons fait qu'voquer concerne les notions mme d'nergie ou d'lan vital, notions quiappellent tre en permanence questionnes car elles font partie des mots et des expressions surveiller ainsique le dit Roland Barthes. Le fait que le sensible ait t et soit encore considr comme un rsidu pouvant treramen l'ordre de l'intelligible ne conduit pas inluctablement troquer la pense pour la sensation, refluer demanire tout aussi transcendante vers les mythologies de l'ineffable, de l'indicible, du mystre de la vie. Or, la crise(la crise, l'essoufflement, l'usure) du paradigme formaliste (smiologie, structuralisme, ...) a ouvert le champ unirrationalisme qui n'a qu'une trs faible potentialit critique.

    Nous nous trouvons ici en prsence d'un contre-modle (pouvant mme prendre, comme ce fut le cas au cours desannes 1970-1980, la consistance d'une contre-culture) qui entend revaloriser le mouvement de la vie, le flux, leflottement, la fluctuation sans fin. Ce contre-modle anti-rationaliste prconise l'osmose dans la perception d'ununivers sans couture, sans frontire, sans limite. Il revendique, avec une certaine tendance de la phnomnologie,un rapport immdiat au rel. la pense (cartsienne, kantienne, durkheimienne) de la discontinuit, il oppose, maisde manire souvent ractive, l'apologie de la continuit gnralise entre l'homme, la nature et la culture.

    Ce qui doit tre mis en question, c'est l'intuitionnisme bergsonien postulant des donnes immdiates de laconscience et conduisant l'abandon d'une dmarche discursive ayant recours des mdiations. Mais c'est plusencore une certaine fascination contemporaine provoque par le mouvement, ce que Peter Sloterdijk dans sonouvrage La mobilisation infinieappelle l' utopie cintique [14]. Une telle fascination pour une pure mobilit sansfond et sans fin, sans distance critique aussi pour l'analyser, peut conduire une rgression : la toute puissanceintra-utrine, au retour au non verbal, bref une position d'avant le langage (ou au-del du langage comme chezSaint Jean de la Croix). Dans la recherche d'une intelligibilit suprieure (qui se qualifie elle-mme d' holistique) non plus par le concept mais par l'affect, non plus par la catgorie mais par l'nergie, on assiste aujourd'hui uneasiatisation de la pense (mais qui n'est souvent que dsir occidentalisant d'un Orient disparu), on se tourne parexemple du ct des rives du Gange, port par un reflux vers un tat pr-adamique, l o il n'y aurait plus desparation et notamment la sparation entre les langues. travers le dsir parfois btifiant mais presque toujoursanhistoricisant de rintgration du cosmique dans l'exprience individuelle pouvant aller jusqu'au fantasme du

    corps cosmique dot d'un statut transcendant, ce n'est nullement le corps qui est revaloris, mais encore ettoujours le pur esprit.

    C'est en grande partie l'anthropocentrisme et le logocentrisme d'un certain rationalisme qui provoque la ractionexacerbe de sa ngation. Ce mouvement de balancier entre Charybde et Scylla peut aussi tre observ dans untout autre contexte, dans un vritable horizon de pense critique cette fois dans laquelle aucune transcendance n'estappele la rescousse. Il trouve deux de ses formulations dans les positions rivales qui ont t un certain momentde leurs rflexions celles de Claude Lvi-Strauss et de Roland Barthes. Lvi-Strauss : Le meilleur des ordres vautmieux que le dsordre . Barthes : L'incohrence me parat prfrable l'ordre qui dforme .

    Si une anthropologie du vivantattentive l'exprience du vcun'est pas rductible la logique du concept ou de lacatgorie, elle ne saurait se construire dans la rhabilitation non problmatise de l'affect ou de l'nergie. Or, c'estcette problmatisation qui fait singulirement dfaut dans ce retour du refoul au travers duquel on croit revaloriser levcu, l'motion, le corps, ... en procdant, contre les modles de fixit, l'loge de la fluctuation et de la turbulencegnralise. Cette attitude est illusoire : elle nourrit, dans une rhtorique confuse pour laquelle il n'y a plus de conflitset donc plus d'histoire, l'illusion de sortir (de la raison, de l'histoire) pour goter une fracheur printanireimmdiate dans une relation simple au monde et la nature dans laquelle on pourrait se fondre.

    Il y a tout lieu de se mfier de cette simplicit et de cette simplification du vivant (lequel est aussi combat, lutte pourla vie) comme il y a tout lieu de se mfier de la spontanit et des comportements qualifis de naturels qui nesont souvent qu'habitude et conformisme. Ce n'est pas d'un infra-langage visant en dpassant les limites et lesfrontires (mme si celles-ci ont t rigidifies) nous rconcilier avec nous-mmes dont l'anthropologiecontemporaine a besoin pour penser la vie et le sensible, mais d'une plus grande exigence de rigueur et de prcision

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    qui ne peut faire l'conomie du langage, lequel est articulation et mdiation.

    2.La seconde difficult laquelle se trouve confronte une tude anthropologique du vivant vient de la tension quiexiste au coeur mme de notre discipline entre deux paradigmes diffrents. L'anthropologie est-elle avec la biologieet la zoologie une science de la nature, ainsi que le conoivent Radcliffe-Brown et Lvi-Strauss [15], ou est-elle, avecl'histoire et la sociologie, une science de la culture ou, comme l'on dit plus frquemment, une science humaine,expression qui apparat pour la premire fois au XVIIe sicle sous la plume de Malebranche ?

    Il ne fait aucun doute que la dmarche dans laquelle sont engags les chercheurs en anthropologie sociale etculturelle se forme dans une matrice pistmologique qui est celle des savoirs naturalistes hritiers de Jussieu, deTournefort et de Cuvier. Lorsqu'en 1787, aux savoirs zoologiques, botaniques et minralogiques, Chavannespropose d'ajouter une nouvelle discipline qu'il appelle l'ethnologie, celle-ci est bien conue comme la sciencenaturelle des coutumes humaines. C'est beaucoup plus tard, avec la rflexion sur la double question du sens et desvaleurs telle qu'elle commence a tre pose par Dilthey et Rickert la fin du XIXe sicle, mais surtout par MaxWeber en 1919 dans son ouvrage Le Savant et le Politique, que se creuse une vritable fracture entre l'objectivit dusavoir et la subjectivit des valeurs. On ralise alors qu'une conception physicaliste du vivant issue du modle dessciences de la nature risque de conduire une naturalisation du social et de l'individu.

    Nous ne pouvons dans le cadre de cet article que poser les termes d'un dbat autrement plus complexe que sasimplification binaire : d'un ct la nature, de l'autre la culture ; d'un ct la vie organique, de l'autre celle de l'esprit(mind), de l'intelligence ou de la conscience. Aujourd'hui la confrontation entre les sciences du vivant et les sciencesde l'homme et de la socit se trouve ractive par la question de l'eugnisme, du clonage et des manipulationsgntiques. Elle appelle une rflexion thique ou plus prcisment biothique qui est une rflexion non seulementsur les faits mais sur le droit. Or, cette rflexion fait apparatre des antagonismes entre la science conue de manireinstrumentale et le droit (de la personne mais aussi des animaux et de leur environnement). Dans une optiqueanthropologique attentive au patrimoine (culturel, animal, vgtal), ce n'est videmment pas le vivant qu'il convientde changer, mais la dmarche qui vise le connatre et, pour le connatre, le respecter et le dfendre.

    3.Enfin, une partie des difficults thoriques auxquelles nous nous sommes confronts ne me semble passeulement pistmologique mais syntaxique. Elles viennent notamment des constructions le plus souvent nongrondives [16] de la langue qui tendent la stabilisation du langage. D'o la ncessit de distinguer deux formesd'nergie. La vitalit de la recherche sur le terrain vient du fait qu'elle n'est pas seulement ergon(produit constitu,rsultat de la recherche aboutissant une oeuvre ) mais energeiac'est--dire activit en train de se raliser avecdes interlocuteurs et qui n'est proprement parler jamais acheve.

    Dans la vie du terrain, nous ne sommes pas confronts des objets mais des sujets avec lesquels peuvent se

    produire (ou non, car toute recherche est susceptible de tourner court) des vnements. Nous n'avons jamais affaire de l'tre en gnral , mais des manires d'tre, ce que les premiers ethnologues appelaient des coutumes. Leprocessus de la dvitalisation (notamment par dchromatisation et insonorisation) commence quant lui travers ceque Wittgenstein appelle les mauvais tours qu'est susceptible de nous jouer le langage. C'est un processus desubstantialisation et de rification qui se produit lorsque des substantifs ou des attributs ne sont plus entrans pardes verbes. Seul le verbe, en effet, animant un rcit (en l'occurrence ce que l'on a appel rcit ethnologique) paraten mesure de remettre en mouvement des concepts qui ne seraient pas aussi des affects. Norbert Elias nous endonne un exemple propos du vent et du fleuve. Il est prfrable, nous dit-il, d'utiliser le verbe soufflerque le motventqui fixe et chosifie ; le verbe coulerque le substantif fleuve. Nous n'avons, on le voit, aucun accs direct la vie en gnral , mais seulement travers des modalits singulires pour l'observer, des mthodes diversifies pourl'analyser et des manires de parler et d'en parler. Parmi ces manires, il y a les discours scientifiques, mais ils nesont nullement exclusifs notre avis de la littrature dans son exigence de trs grande prcision qui consiste fairevivre le langage.

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    *

    Anthropologie structurale et anthropologie modale

    Dans la confrontation que nous venons d'esquisser entre un mode de connaissance qui privilgie l'nergie et unmode de connaissance qui privilgie la catgorie, il y a, nous nous en sommes aperu, des positions irrconciliableset j'estime personnellement que dans la construction d'une anthropologie du vivant il convient plutt de revivifier lesantithses que de trouver des synthses ou, pire encore, d'accepter des compromis qui feraient l'conomie de laquestion de l'thique ainsi que de la ngativit qui est le propre de l'acte de penser.

    Ce que je propose d'appeler une anthropologie modaleest trs loign d'une anthropologie structurale. C'est unedmarche permettant d'apprhender les modesde vie, d'action et de connaissance, les maniresd'tre et plusprcisment encore les modulationsdes comportements, y compris les plus apparemment anodins, dans ladimension du temps ou plutt de la dure. Alors qu'une logique structurale est une logique combinatoire de lacomposition ou de l'assemblage prsupposant la discontinuit de signes invariants susceptibles de se disposer et dese redisposer dans un ensemble fini, une approche modale est beaucoup plus attentive aux processus de transitionet de transformation rythmique. Ce qui l'intresse est moins la nature des relations des lments la totalit que laquestion de la tonalit et de l'intensit c'est--dire des graduations oscillant entre l'acclration et le ralentissement,le corps en mouvement et le corps au repos, la contraction et la dtente.

    Une approche structurale du vivant ne rend compte que d'une infime partie de la vie. Elle considre surtout celle-cisous l'angle de l'espace (les systmes de relation d'opposition ou de correspondance entre des classes, des genreset des espces vivantes), plus difficilement sous l'angle du temps (qui est alors divis entre l'enfance, l'adolescence,l'age adulte, la vieillesse ou encore le printemps, l't, l'automne, l'hiver) mais jamais dans la texture de la dure (ausens latin de duratioqui n'est pas quivalent tempus). Alors que le temps est susceptible d'tre constitu , organis , compos , l'instar de la langue, en lments discontinus, la dure, l'instar de la vie du langage,avance, revient en arrire, dit mais aussi se contredit, bref volue par mouvements continus et discontinus.

    Or la singularit d'un tre vivant, lequel ne peut tre spar de son rapport un environnement dans des situationschaque fois diffrentes ne peut tre dcomposable en la somme de ses parties (ce qui serait de l'anatomisme) ou deses fonctions (physiologisme). Il ne peut pas tre davantage rductible, en ce qui concerne les tres humains, uneculture donne (culturalisme) ni mme aux relations formelles entretenues avec une totalit dans laquelle il se situe(structuralisme). Cette singularit n'est pas seulement structurale mais modale et historique. Elle ne concerne pasdes tats ( un moment donn d'un systme arrt) encore moins des substantialits, mais des intensits ; nonpas de l'tre (ft-ce dans son acception cintique du verbe espagnol et portugais estar), mais des manires d'tre.Autrement dit la singularit d'un tre vivant, ce sont les manires qui sont les siennes d'tre affect - au sens deSpinoza - et de ragir ce qui l'affecte dans la dure, laquelle est le contraire de l'ternit. Une anthropologiemodale qui est une anthropologie des modes, des modifications et des modulations implique un mode deconnaissance susceptible de rendre compte du caractre ductile et flexible du vivant, par exemple de la capacitqu'a le corps s'tirer ou se rtracter.

    Considrer l'existence sociale comme une existence modale suppose une interrogation sur les paradigmes danslesquels s'est constitue notre discipline. Marcel Mauss, mon avis, a eu l'intuition de cet horizon de connaissance -il parle mme d'une sorte de rvlation [17] - lorsqu'hospitalis New-York il prte une attention particulire ladmarche des infirmires amricaines. De retour Paris, ce sont ces modes de marches amricaines , diffusspar l'intermdiaire du cinma, qu'il observe galement chez les jeunes franaises. Plus largement, il y a lieu,estime Mauss, d'tudier tous les modes de dressage, d'imitation et tout particulirement ces faons fondamentalesque l'on peut appeler le mode de vie, le modus, le tonus, la matire, les manires , la faon (op. cit., p. 375).

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    La divergence de paradigmes dont il vient d'tre question tient la diffrence des approches pouvant coexister chezun mme auteur. Ainsi Aristote qui peut tre considr comme le fondateur de la pense catgorielle etclassificatoire europenne. Mais il insiste aussi par ailleurs (dans son trait De Anima) sur le caractre potentiel(etnon seulement catgoriel) de la vie. Le rel, estime-t-il, ne saurait se rduire de l'actuel car il est susceptible devirtuel : ce qui dans le vivant n'est pas encore, mais existe nanmoins, nous dit-il, en puissance . Enfin en discipleencore plus infidle de Platon, il accorde dans la Potiquela plus grande attention la plasticit du logos, auxflexions modales des verbes c'est--dire des temps ainsi qu'aux inflexions des adverbes.

    Un second exemple concerne Claude Lvi-Strauss. Il n'y a pas plus catgorielle et classificatoire que la dmarchede l'anthropologie structurale, il n'y a pas plus rebelle aux modulations du vivant que cette mthode soucieuse avanttout de comprendre les fluctuations du sensible partir de l'ordre immuable de l'intelligibilit. Et pourtant le fondateurdu structuralisme franais n'a jamais cess de se rclamer de Jean-Jacques Rousseau, et beaucoup plus,rappelons-le, du Rousseau des Confessionset des Rveries du promeneur solitaireque de l'auteur du Contrat social.

    Un grand nombre d'auteurs dont il a t question est susceptible aujourd'hui de nous aider pour introduire ourintroduire de la vie, de la temporalit, du mouvement et du multiple dans la pense et cheminer en dehors de ceque Roland Barthes appelle la grande opposition mythique du vcu (du vivant) et de l'intelligible [18]. Mais il nes'agit pas pour autant de retouraux prsocratiques (contre Platon), Spinoza (contre le cartsianisme orthodoxe), Freud (contre le pragmatisme thrapeutique qui est actuellement sur le point de triompher). Hraclite et Dmocritepar rapport Platon, Spinoza et Rousseau par rapport au positivisme du XIXe sicle, Freud par rapport auxthrapies comportementales actuelles ne sont pas en arrire, mais en avant.

    [1] R. Barthes, Le Neutre, Paris, Le Seuil, 2002, p. 79.

    [2] Ce modle deviendra au IVe sicle avant J.C. celui de l'idal d'ternit des statues de Phidias au Parthnon.

    [3] Spinoza, L'thique, Paris, Garnier-Flammarion, 1965, p. 197.

    [4] Spinoza, Trait politique, Paris, Garnier-Flammarion, 1966, p. 12.

    [5] C. Darwin, L'Expression des motions chez l'homme et les animaux, Paris, Payot-Rivages, 2001. C'est galement un ouvrage rsolument

    pionnier publi pour la premire fois en 1872. Il appelle tre lu avec l'article de Mauss sur Les techniques du corps (1934) repris dans

    Sociologie et anthropologie, Paris, PUF, 1960.

    [6] La tyrannie politique, la superstition, l'obissance aux dogmes religieux de la Synagogue ou de l'glise.

    [7] Ainsi que l'crit Lvi-Strauss propos de Rousseau : Cette ethnologie qui n'existait pas encore, il l'avait, un plein sicle avant qu'elle ne ft

    son apparition, conue, voulue, et annonce, la mettant d'emble son rang parmi les sciences naturelles et humaines dj constitues ,Anthropologie structurale deux, Paris, Plon, 1973, p. 45.

    [8] Cette critique de l'hypocrisie de la civilisation et en particulier de l'art et des bonnes manires est l'objet de ce que l'on a appel le premier

    Discoursde Rousseau publi en 1750 : le Discours sur les sciences et les arts, rdition Paris, Garnier-Flammarion, 1999.

    [9] J.-J. Rousseau, Les Rveries du promeneur solitaire, Paris, Le Livre de Poche, 1983, p. 82.

    [10] L'nergie est une notion que Jean-Jacques Rousseau utilise trs frquemment mais dans une acception qui n'est pas rigoureusement

    vitaliste.

    [11] Freud et Breuer publient Les tudes sur l'hystrieen 1895, l'anne de l'invention du cinma par les frres Lumire, puis Freud L'Interprtation

    des rvesen 1899.

    [12] Il s'agit de l'Essai sur les donnes immdiates de la consciencepubli en 1889 et repris dans la rdition des Ruvres, Paris, PUF, 1963,

    dition laquelle nous nous rfrons.

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    [13] G. Devereux, Reality and dream, New-York, 1951 qui ne sera traduit en franais qu'en 1982 (sous le titre de Psychothrapie d'un Indien des

    Plainesaux d. Godefroy) ; De l'angoisse la mthode dans les sciences du comportement, trad. frse, Paris, Aubier, 1994.

    [14] P. Sloterdijk, La Mobilisation infinie, Paris, Point-Seuil, 2003, p. 23.

    [15] Rappelons la phrase devenue clbre de Lvi-Strauss. S'exprimant dans des termes pratiquement identiques ceux de Freud propos de la

    psychanalyse, il estime que l'anthropologie entretient un rve secret : elle appartient aux sciences humaines, son nom le proclame assez ;

    mais, si elle se rsigne faire son purgatoire auprs des sciences sociales, c'est qu'elle ne dsespre pas de se rveiller parmi les sciences

    naturelles l'heure du jugement dernier , Anthropologie structurale deux, Paris, Le Seuil, 1973, p. 29.

    [16] Les formes grondives sont des formes verbales dsignant une action en train de se faire. Elles sont beaucoup plus utilises dans la langue

    anglaise que dans la langue franaise. Exemple : trying to say( essayant de dire ) qui revient comme un leitmotive dans le long monologue de

    Benjy, l'un des personnages du roman de Faulkner, Le Bruit et la Fureur. Ou encore le titre du film de Lars Van Trier, Breaking the wavesque l'on

    peut traduire littralement par En fendant les vagues .

    [17] M. Mauss, Sociologie et anthropologie, Paris, PUF, 1960, p. 368.

    [18] R. Barthes, Ruvres compltes, Tome III, Paris, Le Seuil, 2002, p. 30.