Le Vilain

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  • 8/9/2019 Le Vilain

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    Le vilain Albert Dupontel

    Pour sa quatrime ralisation, Albert Dupontel reste dans la veine d Enferms Dehors , celle de la comdie cartoonesque/humaniste. Alors bien entendu le film met KOun rgiment de petits Nicolas avec une main dans le dos (on nen doutait pas en mmetemps), mais on sera en droit de prfrer les efforts prcdents de Dupontel, qui faisaientmoins de concessions la biensance.

    Le bon Dieu a frapp Maniette dinvincibilit. Cest la faute de son fils, bien plusmchant quelle le croit : il est en cavale depuis une vingtaine dannes, ce qui constitue lasuite logique dune carrire dans la dlinquance et la vilnie lance ds son ge tendre. Il serfugie justement chez elle, traqu par des complices. Cest l quelle dcouvre le pot aux roseset se lance dans une lutte homrique avec son rejeton pour le racheter de ses fautes vis--visdes gens du quartier dont il a jadis dtruit les vies. Le vilain survivra-t-il la police, sonmdecin, au promoteur vreux qui veut raser le quartier et la terrible rancune de Pnlope, savieille tortue supplicie ?

    Pour ce qui est de ses participations aux films des autres, Dupontel fait penser BustaRhymes dans le hip hop : un type avec un talent monstrueux, qui connat son travail sur le boutdes doigts, mais qui fait des featurings avec un peu nimporte qui. En revanche, sur ses projets

    personnels il a une constance qui fait peu de cas des effets de mode. Quoi quil arrive, mmeen passant le cap du jai quarante berges, jaimerais faire des films que mes mmes puissentregarder (ce qui rendait parfois Enferms Dehors frustrant), lhomme se fend toujours derfrences un certain esprit trash des annes 80, avec laspect "fuck it all" de lpoque o ilsortait de la misre en faisant les Sales Histoires avec Vuillermoz. Les meilleurs moments etides du Vilain sont dans cette veine : antique trafic de neo-codion, arnaque au fauteuil roulant

    (l cest carrment toute une sale histoire qui se retrouve dans la squence), piges la TexAvery, tags gravs sur la tortue et courses-poursuites la mise en scne joliment dynamique.

    Le - petit - bmol, cest que parmi ces squences rjouissantes comme une annonce de prison ferme pour Pasqua (les 80s, le trash, tout a), on jurerait quune partie du mtrage a temballe par une seconde quipe, et que cette seconde quipe officiait avant a sur des courts-mtrages de fin de cursus FEMIS. Il faut quand mme faire un petit effort, lors de louverturedu film, pour ne pas trop se rembrunir, et attendre larrive de Dupontel lcran et la raTout y est : gnrique de photos kitsch sur lit de papier peint trop dcal de mm, lumire quiembaume le studio vingt lieues la ronde, plans extrieurs de mouvements dappareils lafois ostentatoires et cadrs un peu platement, jusqu une voix off assez envahissante quon

    entend heureusement assez peu par la suite (mais qui reste redondante). Entre a et laspectgentillet de certains dialogues ou situations, on se prend de loin en loin regretter le chatMomo et les kenavo les bouseux de jadis.

    Attention, cet aspect "sucrerie grolandaise" est nettement moins omniprsent que dans Enferms Dehors o le discours social, au demeurant de trs bon aloi, devenait irritant forcedtre assn. De plus, lhumanisme affich du Dupontel cinaste est sincre et raisonn, l osouvent ce nest quune pose assez snob (le premier qui cite trois chantres du thtre bien misayant fait un peu de beurre sur Canal +, jy offre un bretzel). Enfin, une comdie franaise quinest ni sinistre, ni lnifiante, ni stupide, cest un tour de force. Car le film est drle, trs mme.Bien crit (les pripties sont plus imbriques et moins gratuites quon pourrait le penser

    premire vue), bien jou (a fait plaisir de voir Catherine Frot dans un rle un peu inhabituel,a change de limpression de pilotage automatique quil lui est dj arriv de donner) et peu

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    manichen (bon, y a quand mme du mchant promoteur irrmissible), Le Vilain estabsolument rjouissant les quatre cinquimes du temps, peupl de conneries magnifiques quonse raconte comme des crtins en sortant de la salle (vous allez adorer le mdecin et la poubelle chats) et de personnages que leur auteur aime vraiment. La gentillesse dunetelle nest pascon-con, la mchancet de tel autre nest pas systmatique, et le traitement des uns et desautres chappe un moralisme de bazar pour faire voluer lhistoire dans la direction quellerclame, et avec une vraie ambition visuelle la plupart du temps : quand on mentionne TexAvery, cest tout fait justifi, et la direction artistique est dune rare finesse. Au final, la seulevritable dception vient dune retenue encore trop manifeste dans la frocit, mme si de ce

    point de vue il y a eu de gros progrs depuis le dernier. Au prochain film, il laura trouv ledosage entre ses lans Amlie-Poulinesques et sa veine "historique" de dcapitateur doiseauxhirsute. Vivement. Ah, et Bignolas est un con. Envoies-y pas dire, Albert !*

    *Voir ce titre le "clash" lors dune interview o le passe-plats dclarait firementnavoir pas vu le film dont il tait cens parler.

    FL