Le Transsibérien, d'Annie Bécouarn

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Le Transsibérien .. Et voilà, nous sommes partis. La musique ronronnante du train nous berce. Avant que je ne m’endorme, une image dans la nuit : le dôme doré, brillamment éclairé, d’un monastère de la Sainte Russie. Au matin nous sommes dans la steppe : forêts de bouleaux immenses et dans les clairières, des isbas de guingois. Un panier au bras Une babouchka chemine Parmi les bouleaux Dans le train la vie s’organise : petit déjeuner dans le compartiment : le samovar fournit l’eau chaude pour le thé ou le café, chacun apporte sa contribution, pain noir confiture, biscuits. Dans le couloir beaucoup d’animation. Les commerçants mongols passent et repassent transportant des ballots, des paquets informes. À l’approche des arrêts, les mouvements s’accélèrent, comme dans un film muet. « Laissez passer, laissez passer » (C’est du moins ce que doivent dire, en russe, leurs cris pressés). Il s’agit d’être le premier sur le quai pour proposer ses marchandises. Tissus colorés Aux fenêtres des wagons Les clients s’empressent Les jours se suivent, le paysage ne change pas. À peine quelques collines au passage de l’Oural mais partout la plaine, la blancheur des bouleaux, les isbas parfois peintes de vert ou de bleu au milieu de leurs jardins clos de bois. Le long de la voie Épilobes et grandes berces Fleurs de Sibérie Nijni-Novgorod, Perm, Omsk, Krasnoïarsk, Irkoutsk, l’Irtyche, l’Ob, l’Iénisséi, le Baïkal. Autant de noms qui m’ont fait rêver depuis qu’à 12 ans j’ai lu Michel Strogoff. Maintenant, j’aperçois du train ces lieux mythiques ; Sans tous les problèmes du héros de Jules Verne, nous avons traversé l’Ob à Novossibirk et l’Iénisséi à Krasnoïarsk et nous voici aux abords du Baïkal. Il est deux heures, à l’heure de Moscou, mais ici le jour se lève. Le soleil éclaire d’abord les montagnes qui bordent le lac et celui-ci apparaît soudain, échappée bleue parmi les arbres. Dans un trou de verdure Les vagues du Baïkal Brillant au soleil Oulan-Oudé : le train bifurque vers le Sud. La frontière mongole est passée dans la nuit et au réveil le soleil se lève sur les collines vertes de Mongolie, quadrillées d’enclos. Des cavaliers guident des troupeaux de chevaux, des vaches broutent tranquillement.

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Haïbun "Le Transsibérien" d'Annie Bécouarn

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Le Transsibérien .♦.

Et voilà, nous sommes partis. La musique ronronnante du train nous berce. Avant que je ne m’endorme, une image dans la nuit : le dôme doré, brillamment éclairé, d’un monastère de la Sainte Russie. Au matin nous sommes dans la steppe : forêts de bouleaux immenses et dans les clairières, des isbas de guingois.

Un panier au bras Une babouchka chemine Parmi les bouleaux

Dans le train la vie s’organise : petit déjeuner dans le compartiment : le samovar fournit l’eau chaude pour le thé ou le café, chacun apporte sa contribution, pain noir confiture, biscuits.

Dans le couloir beaucoup d’animation. Les commerçants mongols passent et repassent transportant des ballots, des paquets informes. À l’approche des arrêts, les mouvements s’accélèrent, comme dans un film muet. « Laissez passer, laissez passer » (C’est du moins ce que doivent dire, en russe, leurs cris pressés). Il s’agit d’être le premier sur le quai pour proposer ses marchandises.

Tissus colorés Aux fenêtres des wagons Les clients s’empressent

Les jours se suivent, le paysage ne change pas. À peine quelques collines au passage de l’Oural mais partout la plaine, la blancheur des bouleaux, les isbas parfois peintes de vert ou de bleu au milieu de leurs jardins clos de bois.

Le long de la voie Épilobes et grandes berces Fleurs de Sibérie

Nijni-Novgorod, Perm, Omsk, Krasnoïarsk, Irkoutsk, l’Irtyche, l’Ob, l’Iénisséi, le Baïkal. Autant de noms qui m’ont fait rêver depuis qu’à 12 ans j’ai lu Michel Strogoff. Maintenant, j’aperçois du train ces lieux mythiques ; Sans tous les problèmes du héros de Jules Verne, nous avons traversé l’Ob à Novossibirk et l’Iénisséi à Krasnoïarsk et nous voici aux abords du Baïkal. Il est deux heures, à l’heure de Moscou, mais ici le jour se lève. Le soleil éclaire d’abord les montagnes qui bordent le lac et celui-ci apparaît soudain, échappée bleue parmi les arbres.

Dans un trou de verdure Les vagues du Baïkal Brillant au soleil

Oulan-Oudé : le train bifurque vers le Sud. La frontière mongole est passée dans la nuit et au réveil le soleil se lève sur les collines vertes de Mongolie, quadrillées d’enclos. Des cavaliers guident des troupeaux de chevaux, des vaches broutent tranquillement.

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Au petit matin Les taches blanches des yourtes Sur la plaine immense

Après les vertes steppes, les dunes du désert. De pauvres villages grisâtres au bord de la voie et de loin en loin, des chameaux, les fameux chameaux de Bactriane.

Collines pierreuses Nuages de poussière au loin Le désert de Gobi

La Mongolie est bientôt traversée et nous voici en Chine dans une atmosphère très différente. Après l’aridité figée du désert, une impression d’énergie se dégage de toutes ces petites villes entourées d’usines et de grands immeubles. On traverse des collines boisées et on aperçoit par endroits des morceaux de la Grande Muraille. Terminus Pékin : nous débarquons dans la chaleur et la cohue. Pékin, ville animée, ville contradictoire.

Dans le flot des voitures Un vélo-pousse incongru Transporte un jardin

Pékin est devenue une ville moderne mais elle a gardé des traces de l’antique culture chinoise et les noms de ses monuments, Temple du Ciel, Chemin de l’Esprit, nous parlent d’un monde aux antipodes de la société matérialiste.

Blanches statues Sous l’ombre verte des saules Le Chemin de l’Esprit

Annie Bécouarn