le traitement de la question de l'avortement au niveau international

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IEP de Toulouse Mémoire de recherche présenté par Marion Velle Parcours action internationale et gestion de crise Directrice du mémoire : Wanda Mastor LE TRAITEMENT DE LA QUESTION DE L’AVORTEMENT AU NIVEAU INTERNATIONAL Année scolaire 2011-2012

Transcript of le traitement de la question de l'avortement au niveau international

IEP de Toulouse

Mémoire de recherche présenté par Marion Velle

Parcours action internationale et gestion de crise

Directrice du mémoire : Wanda Mastor

LE TRAITEMENT DE LA QUESTION

DE L’AVORTEMENT AU NIVEAU

INTERNATIONAL

Année scolaire 2011-2012

IEP de Toulouse

Mémoire de recherche présenté par Marion Velle

Parcours action internationale et gestion de crise

Directrice du mémoire : Wanda Mastor

LE TRAITEMENT DE LA QUESTION

DE L’AVORTEMENT AU NIVEAU

INTERNATIONAL

Année scolaire 2011-2012

Avertissement : L’IEP de Toulouse n’entend donner aucune approbation, ni

improbation dans les mémoires de recherche. Ces opinions doivent être

considérées comme propres à leur auteur(e).

Sommaire :

Première partie : l’internationalisation du débat sur l’avortement ........................................... 16

Chapitre 1 : un débat ancien et houleux ............................................................................... 17

Chapitre 2 : la construction de l’avortement pratiqué dans de mauvaises conditions de

sécurité comme enjeu de santé publique au sein de la communauté internationale ............. 29

Deuxième partie : la difficulté voire l’impossibilité de gérer la question au niveau

international .............................................................................................................................. 38

Chapitre 1 : la recherche du consensus ................................................................................. 38

Chapitre 2 : du refus de se prononcer aux timides prises de position .................................. 46

1

L’Espagne a récemment relancé un débat que l’on ne croyait plus d’actualité dans ce

pays. En effet, le ministre de la Justice, Alberto Ruiz-Gallardon, a annoncé qu’il souhaitait

faire passer à la rentrée prochaine une nouvelle loi qui interdirait l’interruption volontaire de

grossesse en cas de malformation du fœtus. La loi actuelle, votée en 2010 à l’initiative du

gouvernement socialiste, autorise toutes les femmes à se faire avorter jusqu’à 14 semaines de

grossesse1. Ces différents changements législatifs en un laps de temps aussi court montrent la

dimension polémique du sujet et surtout le caractère éminemment actuel du débat sur la

question. Si l’on croyait la pratique de l’avortement définitivement entrée dans les mœurs en

Espagne, ce projet de loi démontre le contraire. Ainsi, nous pouvons légitimement nous

interroger sur le réel statut de cette pratique. Beaucoup d’Etats l’autorisent, sous différentes

conditions, mais peut-on pour autant en déduire que la tendance mondiale est à la

libéralisation des lois sur le sujet ? C’est la question que nous nous poserons tout au long de

notre réflexion, notamment au-travers du regard des institutions internationales qui sont

supposées représenter une « opinion publique mondiale » grâce aux échanges qu’elles rendent

possibles entre les différents Etats.

La notion d’avortement est souvent abordée dans les textes internationaux mais pas

toujours définie. L’Organisation Mondiale de la Santé (nommée OMS dans la suite de ce

mémoire) a tenté d’en donner une définition, qui se doit cependant de rester assez générale

pour recouvrir des conceptions diverses suivant les pays, les cultures, les croyances. Dans un

rapport de 1971 d’un groupe de travail réuni par le bureau régional de l’Europe de l’OMS2, on

peut lire l’explication suivante : « le terme d’ « avortement » désigne, dans le présent rapport,

la fin de la grossesse intervenue avant que le fœtus ne soit viable ». Cette conception

n’apporte pour l’instant pas de précision sur les raisons de la fin de la grossesse. Le rapport

reprend par la suite une définition arrêtée par l’OMS en 1970 et différenciant l’avortement

provoqué de l’avortement spontané : « l’avortement provoqué est celui qui résulte de

manœuvres délibérées entreprises dans le but d’interrompre la grossesse ; tous les autres

avortements sont considérés comme spontanés ». Le rapport s’attache ensuite à bien

différencier la notion d’ « avortement provoqué » et celles d’ « avortement légal » ou bien

1 LE POINT.FR, Société, « Espagne : polémique autour d'une loi interdisant l'IVG en cas de malformations », 27

juillet 2012,

http://www.lepoint.fr/societe/espagne-polemique-autour-d-une-loi-interdisant-l-ivg-en-cas-de-malformations-27-

07-2012-1490333_23.php 2 GROUPE DE TRAVAIL REUNI PAR LE BUREAU REGIONAL DE L’EUROPE DE L’ORGANISATION

MONDIALE DE LA SANTE, L’avortement provoqué en tant que problème de santé public, Helsinki, 19-23

Avril 1971, Copenhague : Bureau régional de l’Europe Organisation Mondiale de la Santé, 1973, 64 pages

2

d’ « avortement illégal ». Le rapport indique en effet que « les avortements provoqués

peuvent être légaux ou illégaux selon la législation du pays concerné ». Plusieurs remarques

doivent être faites à ce stade. Tout d’abord il faut souligner le fait que l’OMS n’apporte

aucune indication d’ordre moral sur la légalité ou pas de l’avortement provoqué. Elle s’en

remet pour cet aspect aux législations des différents Etats. L’OMS n’introduit pas non plus de

notion de délai légal. Elle considère qu’il est de la compétence des Etats qui ne pénalisent pas

l’avortement provoqué d’en fixer les conditions.

Il est important de souligner le fait que l’OMS différencie l’avortement provoqué de

l’avortement spontané. Cette dichotomie permet de mettre en avant le fait que dans la

conception admise par l’OMS, l’avortement n’est pas nécessairement le fruit d’une action

volontaire. La terminologie d’ « avortement » ne revêt donc pas la même signification que

celle d’ « Interruption Volontaire de Grossesse » qui renvoie automatiquement à un acte

délibéré. Dans les textes internationaux, le terme favorisé est celui d’ « avortement »,

finalement plus flou. Nous reprendrons cette terminologie dans ce mémoire afin d’utiliser le

même vocabulaire que les textes internationaux sur lesquels nous baserons notre étude. Nous

apporterons lorsque ce sera nécessaire des précisions concernant la portée exacte des termes

employés.

Les Nations Unies définissent certains droits en matière de procréation dans le rapport

de la quatrième conférence mondiale sur les femmes3 qui s’est tenue à Beijing en septembre

1995. Les Nations Unies définissent dans ce rapport la notion de santé en matière de

procréation :

« La santé en matière de procréation est un état de bien-être total, tant physique que mental et

social, pour tout ce qui concerne l’appareil génital, ses fonctions et son fonctionnement et non

pas seulement l’absence de maladies ou d’infirmités. Elle suppose le droit de mener une vie

sexuelle satisfaisante en toute sécurité, et la liberté et la possibilité de décider si et quand on

veut avoir des enfants. Cela implique qu’hommes et femmes ont le droit d’être informés sur

les méthodes sûres, efficaces, abordables et acceptables de planification familiale et d’utiliser

celle qui leur convient ou toute autre méthode de régulation des naissances qui ne soit pas

illégale. »

3 NATIONS UNIES, Rapport de la quatrième conférence mondiale sur les femmes, Beijing, 4-15 Septembre

1995, New York : Nations Unies, 1996, 245 pages

3

Les droits en matière de procréation sont également explicitement définis dans le même

texte :

« Ces droits reposent sur la reconnaissance du droit fondamental de tous les couples et de

toutes les personnes de décider librement et de façon responsable du nombre de leurs enfants

et de l’espacement des naissances et d’être informés des moyens de le faire, ainsi que du droit

au meilleur état possible de santé en matière de sexualité et de procréation. »

Il faut souligner plusieurs éléments dans ce texte. Tout d’abord les Nations Unies

reconnaissent des droits en matière de procréation. Ces droits impliquent de pouvoir décider

librement du nombre d’enfants que l’on désire. Cet aspect renvoie à la contraception qui est

alors reconnue comme un droit. Cependant il est également fait référence dans le texte à toute

« méthode de régulation des naissances qui ne soit pas illégale ». Cette phrase permet de

souligner le rôle prépondérant laissé aux Etats dans la définition des méthodes légales ou non

de planification familiale. Ainsi les Nations Unies énoncent des principes généraux mais

refusent de se prononcer sur la légalité ou pas des méthodes employées.

Enfin, afin d’éviter toute confusion, les Nations Unies affirment, dans l’article 8.25 du

rapport de la Conférence internationale sur la population et le développement4 qui a eu lieu au

Caire en Septembre 1994 que « l’avortement ne devrait, en aucun cas, être promu en tant que

méthode de planification familiale ». Ainsi si les Nations Unies reconnaissent clairement la

contraception et la planification familiale comme des droits en matière de procréation,

l’avortement par contre n’en fait pas partie.

La terminologie utilisée dans la suite de ce mémoire étant définie, il est important de

présenter les instances internationales que nous retiendrons afin de traiter notre sujet. Nous

nous référerons à l’Organisation des Nations Unies (nommée ONU dans la suite de ce

mémoire). En effet, cette dernière réunissant 193 Etats, nous pouvons considérer qu’elle est

productrice non seulement de normes internationales mais également d’une forme d’opinion

publique internationale. En effet, elle met à l’agenda certaines problématiques et définit les

types de solutions qui peuvent y être apportés. Ainsi, quand on cherche à connaître l’opinion

internationale concernant un point particulier, il est intéressant d’observer le traitement qui en

est fait au sein de l’ONU.

4 NATIONS UNIES, Rapport de la Conférence internationale sur la population et le développement, Le Caire,

5-13 Septembre 1994, New York : Nations Unies, 1995, 200 pages

4

Le sujet de l’avortement est souvent abordé sous l’angle de la santé, même s’il existe

de nombreuses autres approches. L’OMS est « l’autorité directrice et coordinatrice, dans le

domaine de la santé, des travaux ayant un caractère international au sein du système des

Nations Unies5 ». L’OMS s’intéresse donc au sujet de l’avortement notamment au-travers de

son influence sur la santé des femmes au niveau mondial. Nous nous intéresserons donc aux

travaux de l’OMS avec plusieurs objectifs. Tout d'abord l’OMS dispose d’informations

fiables sur l’impact des avortements et de leurs conséquences sur la santé publique mondiale.

Ces documents permettent donc d’évaluer la situation actuelle. Mais nous verrons également

comment les travaux de l’OMS peuvent mettre à l’agenda certaines thématiques, en

l’occurrence la mortalité maternelle due à des avortements pratiqués dans de mauvaises

conditions de sécurité. Il est donc important de prendre en considération cette instance dans le

traitement de notre sujet.

Nous prendrons également en compte la jurisprudence existante concernant la

thématique de l’avortement. Nous étudierons la Cour européenne des Droits de l’Homme.

Nous observerons comment certaines affaires concernant l’avortement ont été amenées devant

sa juridiction et quel a été son positionnement.

Nous nous intéresserons également au cas de la Cour Pénale Internationale et verrons si elle

s’est prononcée sur cette question.

Le choix de ces différentes instances s’explique de plusieurs manières. Tout d’abord il est

important de prendre en considération le traitement global de notre sujet. A cette fin, il est

nécessaire de se baser sur des organismes ayant une représentation mondiale conséquente.

L’ONU en est naturellement le meilleur exemple. Nous nous intéresserons non seulement à ce

qui est dit au sein de ces instances mais également à ce qui est volontairement tu. En effet,

pour avoir une bonne vision du traitement de notre sujet au niveau international, il est

également important d’étudier les absences de positionnement délibérées.

Nous avons également choisi de nous intéresser à la jurisprudence puisqu’elle traduit de

manière concrète le traitement d’un sujet. En effet les affaires concernant l’avortement

mettent à l’agenda certaines thématiques et il est intéressant de voir comment la jurisprudence

peut se positionner dessus. Dans ce cas-là aussi nous étudierons aussi l’absence de traitement

de certains sujets qui peut être tout aussi révélatrice.

5 ORGANISATION MONDIALE DE LA SANTE, A propos de l’OMS, 2012,

http://www.who.int/about/fr/

5

Il est intéressant, dans un premier temps, de retracer un rapide historique de la notion

d’avortement. Il existe assez peu de documents relatifs à cette question, puisque la limitation

des naissances et surtout les moyens qui y sont associés sont des problématiques récentes. En

France, ce n’est qu’à partir de la fin du XVIIIe siècle que commencent à se diffuser des

méthodes de limitation des naissances. Dans les autres pays d’Europe, ce sera un siècle plus

tard. Etienne Van de Walle, un démographe décédé en 2006, a étudié trois textes abordant la

question de l’avortement à différentes périodes de l’Histoire6. Il s’intéresse tout d’abord à

Gynécologie, écrit par Soranos d’Ephese au deuxième siècle après Jésus Christ. Cet ouvrage

représente un exposé médical particulièrement détaillé et documenté sur la prévention des

naissances à la période de l’antiquité. Soranos d’Ephese y aborde notamment le thème de

l’avortement. Il détaille alors des méthodes visant à expulser l’embryon au début de la

grossesse. Il se montre sceptique quant aux techniques couramment utilisées à l’époque

impliquant de la magie ou des amulettes. Il se déclare également relativement opposé aux

procédés chimiques violents qui à son sens pourraient menacer la vie de la femme. Il fait

référence à des méthodes plus « naturelles » telles que les sauts, les mouvements brusques, les

secousses des chariots. A la même époque, il existe des mélanges désignés sous l’appellation

de « simples ». Il s’agit globalement de produits végétaux auxquels sont prêtées des propriétés

contraceptives. L’efficacité de ces produits n’a jamais vraiment pu être confirmée

empiriquement. Le deuxième ouvrage que retient Etienne Van de Walle est L’Ecole des filles,

un ouvrage libertin de 1655. Il y est fait allusion à des « remèdes » dont la provenance et la

composition ne sont pas explicitées. Ils semblent destinés à rendre possible un avortement en

cas d’urgence. Enfin, Etienne Van de Walle évoque la littérature américaine du milieu du

XIXe siècle. Il prend l’exemple particulier de l’ouvrage de Frederick Hollick, un Marriage

Guide publié en 1850. Frederick Hollick y présente la méthode de l’injection par seringue

d’un liquide ayant pour but de tuer les spermatozoïdes. Cette méthode avait déjà été évoquée

en 1832 par Charles Knowlton, un médecin de la Nouvelle-Angleterre. Cette technique sera la

pratique la plus répandue aux Etats-Unis au moins jusqu’aux années 1950. Il existe d’ailleurs

en 1920 des centaines de produits à vocation spermicide. Frederick Hollick se déclare

cependant contre le recours à l’avortement. Il rejoint en cela la quasi-totalité des auteurs de

cette époque. Il cite cependant certaines techniques, comme l’usage de l’ergot de seigle.

Malgré les lois prohibitives en vigueur à cette période, le recours à l’avortement existe

6 VAN DE WALLE Etienne, « Comment prévenait-on les naissances avant la contraception moderne »,

Population et sociétés – Bulletin mensuel d’information de l’Institut national d’études démographiques, n° 418

de décembre 2005

6

puisque de nombreux avorteurs et avorteuses sont en exercice. Il est cependant difficile d’en

mesurer l’importance réelle puisqu’aucun chiffre officiel n’était édité et que la pratique se

retranchait dans l’illégalité. Les études démographiques historiques ont pu montrer que la

régulation des naissances s’est développée en même temps que le progrès technique. L’on sait

aujourd’hui que déjà en 1650, le nombre d’enfants par femme au sein de la noblesse de la

cour française se limitait à deux. Au début du XXe siècle, ce nombre correspond à l’ensemble

de la population française. Ainsi la limitation du nombre d’enfants par foyer n’est pas

uniquement une préoccupation de notre temps. A toutes les époques, les Hommes ont cherché

à maîtriser la natalité en agissant sur le processus de la conception, à différentes étapes de ce

dernier.

Aujourd’hui, le thème de l’avortement reste hautement polémique. Il n’existe pas de

consensus mondial sur le sujet. Pour rendre compte des dissensions actuelles, nous allons tout

d’abord donner quelques exemples de législations. Le but est d’illustrer, de manière non

exhaustive, les disparités qui perdurent dans le traitement de cette thématique. Au sein de

l’Union Européenne, tout d’abord, les situations sont variées7. Certains Etats pratiquent des

législations prohibitives. Malte est le seul Etat à interdire totalement l’avortement. En Irlande,

la question de l’autorisation de l’avortement a été posée par référendum en 1993. Le NON l’a

emporté à 67%. L’avortement est autorisé exclusivement dans le cas où la vie de la mère

serait mise en danger par la poursuite de la grossesse. Les Irlandais ont cependant accepté lors

de ce référendum la possibilité de pratiquer un avortement à l’étranger sans être poursuivi. Un

référendum sur le même sujet a été pratiqué au Portugal en 2007, donnant un résultat

contraire. Les Portugais se sont prononcés à 59,3% en faveur de la légalisation de

l’avortement. Par la suite, le Parlement a adopté le 8 mars 2007 un projet de loi autorisant la

pratique de l’avortement jusqu’à la dixième semaine de grossesse. La précédente législation

portugaise était l’une des plus strictes et prohibitives de l’Union Européenne.

Il est intéressant de citer le cas de la Pologne. En 1956, l’avortement avait été autorisé et

pouvait se pratiquer sans frais dans les hôpitaux publics. Cependant, à partir de 1993, après la

chute du régime communiste, l’influence accrue de l’église catholique a mené à restreindre

drastiquement l’accès à l’avortement. Depuis 1997, une loi très restrictive est en vigueur.

L’avortement n’est admis que pour des raisons de viol, d’inceste ou d’anomalie du fœtus.

Cependant la plupart des pays européens pratiquent des législations plus libérales. En

7 TOUTE L’EUROPE, Comparatif : le droit à l’avortement dans les états membres,

http://www.touteleurope.eu/fr/actions/social/sante-publique/presentation/comparatif-le-droit-a-l-avortement.html

7

Allemagne, par exemple, la loi interdit toujours l’avortement. Dans les faits par contre, sa

pratique n’est plus condamnable depuis une loi de 1995 dans un délai de 12 semaines de

grossesse. Le délai de 12 semaines est d’ailleurs celui qui est le plus pratiqué dans les Etats

autorisant l’avortement. Ainsi la France s’aligne sur ce délai. L’avortement y est dépénalisé

depuis la loi de 1975, le délai a été étendu de 10 à 12 semaines par une loi de 2001. Il n’y a

cependant pas de réelle harmonisation des délais au sein de l’Union Européenne. Ainsi, en

Suède, le délai légal est de 18 semaines, tandis qu’en Slovénie, il n’est que de 10 semaines.

Il est important ici de parler du cas des Pays-Bas, dont la législation se distingue des autres.

La loi de 1981 autorise l’IVG. L’article important relatif à ce sujet est l’article 82 du code

pénal. En effet, ce dernier qualifie d’infanticide le fait de tuer un fœtus viable. Le terme

« viable » est particulièrement important, il convient de le définir clairement. La viabilité est

la capacité du fœtus à survivre dans un univers qui n’est plus celui de l’utérus. Ainsi le seuil

de viabilité correspond au délai légal pour avorter aux Pays-Bas. Il est généralement estimé à

vingt-quatre semaines. Cependant, il est très difficile de dater précisément le début de la

grossesse. Le délai est donc classiquement ramené à vingt ou vingt-deux semaines à partir du

premier jour des dernières menstruations.

Ainsi, si les législations diffèrent, la tendance majoritaire en Europe est à la légalisation de

l’avortement. Il est donc important de s’intéresser aux autres continents afin de se faire une

idée globale de la situation. Nous nous arrêterons tout d’abord sur l’Amérique. Nous ferons le

choix de traiter distinctement l’Amérique du Nord et l’Amérique du Sud, les législations étant

très différentes entre les deux parties du continent et relativement homogènes au sein de

chacune d’elles. En Amérique du Sud, tout d’abord, l’avortement est condamné par la plupart

des législations8. Cependant, si très peu de pays autorisent l’avortement à la demande de la

femme, plusieurs législations de la région le permettent pour certaines causes particulières

comme sauver la vie de la femme ou plus marginalement en cas de grossesse suite à un viol.

Les seuls pays à autoriser sans restriction l’avortement durant le premier trimestre de la

grossesse sont Cuba, la Guyane et la ville de Mexico depuis 2007 (contrairement au reste du

pays). Porto Rico autorise l’avortement jusqu’à la limite de viabilité du fœtus. A l’opposé, la

législation du Chili n’autorise l’avortement sous aucunes conditions, pas même pour sauver la

vie de la femme. En dehors des cas précédemment cités, les pays sud-américains autorisent

l’avortement dans certaines situations et sous certaines conditions (pas à la simple demande

8 CENTRE POPULATION ET DEVELOPPEMENT, L’avortement en Amérique latine et dans les Caraïbes,

2007,

http://www.ceped.org/cdrom/avortement_ameriquelatine_2007/fr/chapitre1/page2.html

8

de la femme). Ainsi en Amérique latine la tendance globale est à l’interdiction de

l’avortement pour raisons sociales. La plupart des Etats le permettent cependant pour raisons

médicales.

En Amérique du Nord, la législation est plus libérale9. L’avortement y est légal, cependant

une trentaine d’Etats des Etats-Unis prévoient des restrictions à cette loi.

En ce qui concerne l’Asie, les situations sont diverses. En Chine l’avortement est légal sur

simple demande10

. En Inde, il est autorisé pour sauver la vie de la femme, pour préserver sa

santé physique ou mentale, en cas de viol ou pour des motifs sociaux ou économiques. Au

Japon, les conditions sont les mêmes, à l’exception de la préservation de la santé mentale, qui

n’est pas considérée comme un motif pertinent. En revanche, en Indonésie, l’avortement est

strictement interdit, sauf pour sauver la vie de la femme. Les situations sont donc très

diversifiées.

En Afrique, les législations sont dans l’ensemble plutôt restrictives. Seule l’Afrique du Sud

autorise l’avortement sur demande de la femme. De nombreux Etats interdisent l’avortement

quelles que soient les circonstances, sauf quand il s’agit de sauver la vie de la femme. C’est

le cas de l’Angola et de la République Démocratique du Congo. D’autres Etats, comme

l’Ethiopie et l’Algérie autorisent l’avortement pour sauver la vie de la femme ou préserver sa

santé. Enfin, certains Etats, comme le Soudan, autorise l’avortement pour sauver la vie de la

femme et en cas de viol. Ainsi les situations sont diverses mais tendent à apporter des

restrictions autres que celle du délai à la pratique de l’avortement.

Les législations sur l’avortement sont donc extrêmement variées. Il est possible de dégager

des tendances par continent mais il n’existe aucune réelle homogénéité. La question se pose

donc de savoir si ce sujet bénéficie d’un traitement au niveau global et si les différentes

législations tendent à s’unifier.

Il est difficile de se faire une idée de la situation au niveau mondial. En effet, il est par

exemple impossible de chiffrer exactement le nombre d’avortements clandestins. De

nombreuses problématiques sont intimement liées à celle de l’avortement. La question se pose

de la relation entre le nombre d’avortements dans un pays et la législation en vigueur. Nous

verrons dans la suite de notre démonstration, que la relation n’est pas forcément évidente. Une

autre relation souvent établie est celle de la diffusion de la contraception avec le nombre

9 REKACEWITZ Philippe, «Le droit à l’avortement dans le monde », Le Monde diplomatique, 20 mars 2006,

http://www.monde-diplomatique.fr/cartes/avortement 10

UNITED NATIONS, Abortion policies : a global review,

http://www.un.org/esa/population/publications/abortion/profiles.htm

9

d’avortements. Deux thèses antagonistes sont défendues : certains prétendent que la hausse de

la contraception va de paire avec la hausse du recours à l’avortement, tandis que d’autres

affirment au contraire qu’une diffusion plus importante de la contraception réduit

considérablement le recours à l’avortement. Nous étudierons plus précisément ce débat dans

la suite de notre démonstration à travers l’exemple notamment des Pays-Bas, où la législation

concernant le délai d’avortement est l’une des plus souples au monde.

Quoi qu’il en soit, le thème de l’avortement reste hautement polémique et pose le

débat sur plusieurs plans. Tout d’abord des questions éthiques sont soulevées, au nom de

différents principes. Ces principes sont ceux qui régissent la bioéthique. Le terme

« bioéthique » est apparu dans les années 1960 et est généralement attribué à Van Rensselaer

Potter, un biochimiste américain de l’université du Wisconsin. L’innovation qu’il a apportée

est le fait d’associer le préfixe « bio », relatif à la science des systèmes vivants, au terme

« éthique » relatif à la connaissance des systèmes de valeurs humaines. Plusieurs notions en

découlent. Ainsi, le principe de non-malfaisance peut être utilisé pour faire prévaloir l’intérêt

de l’embryon sur celui de la femme11

. Le principe de non-malfaisance implique une

obligation de non-préjudice. Il existe également en bioéthique un principe de bienfaisance. Il

s’agit de « l’obligation éthique de faire et d’optimiser le bien » d’après Rebecca Cook,

Bernard Dickens et Mahmoud Fathalla. Par ailleurs, certains estiment que le principe du

respect des personnes implique le respect du libre choix de la femme. Enfin il est important

d’étudier ici le principe de justice. Plusieurs acceptions existent de cette notion. Tout d’abord

il faut parler de la justice punitive. Elle définit la manière dont est puni l’auteur d’un

préjudice. Il existe également la justice compensatoire qui fait en sorte que les personnes qui

ont porté atteinte aux intérêts d’autres personnes soient obligées de leur apporter le

dédommagement estimé comme juste. Cependant en bioéthique, le principe de justice le plus

important est celui de justice distributive. Ce dernier vise l’équité et, au nom de cette notion,

doit veiller à ce que les droits de chacun soient respectés. Cela implique que les cas

semblables doivent être traités identiquement et que les cas différents doivent être traités en

tenant compte de leurs disparités. Si l’on applique cette logique au sujet de l’avortement, la

question à se poser est alors la suivante : est-ce que le fait d’obliger une femme à accorder

contre sa volonté la priorité à un enfant qui n’est pas encore né peut représenter un type de

discrimination fondée sur le sexe de la personne discriminée ? Il est également intéressant de

citer ici la théorie du « double effet » : la poursuite d’un but légitime est permise même si une

11

COOK Rebecca, DICKENS Bernard, FATHALLA Mahmoud, Santé de la reproduction et droits humains,

Intégrer la médecine, l’éthique et le droit, Paris : Masson, 2005, 557 pages

10

conséquence mineure à priori interdite est inévitable. Suivant cette théorie, une intervention

pratiquée pour sauver la vie de la femme et qui entraîne une interruption de la grossesse sans

que celle-ci ne constitue le but de l’opération, ne saurait être considérée comme un

avortement. Ainsi, certains hôpitaux peuvent refuser de pratiquer des avortements et malgré

tout soigner des femmes enceintes atteintes d’une maladie telle le cancer du col de l’utérus

dans le but de sauver leur vie. Le traitement entraîne la mort du fœtus sans qu’il ne s’agisse de

son objectif. Le débat se pose donc sur le plan éthique et moral et plusieurs principes

impliquant des conséquences potentiellement contradictoires peuvent être invoqués.

Le débat porte également sur le plan médical naturellement, puisque l’avortement

nécessite une intervention. La principale question qui se pose alors est celle de la

détermination par la science du commencement de la vie. A ce sujet, plusieurs théories

antagonistes existent. Nous avons déjà cité la législation concernant l’avortement aux Pays-

Bas. L’article 82 du code pénal indique que l’action de tuer un fœtus viable est un infanticide.

Ainsi, cette législation considère que la vie commence avec la viabilité. A l’inverse, l’Eglise

catholique considère que la vie commence dès la conception. « L'avortement provoqué est le

meurtre délibéré et direct, quelle que soit la façon dont il est effectué, d'un être humain dans la

phase initiale de son existence, située entre la conception et la naissance » a déclaré le Pape

Jean-Paul II12

. En droit français, le commencement de la vie n’est pas clairement défini. La loi

n° 75-17 du 17 janvier 1975 relative à l'interruption volontaire de la grossesse indique dans

son article premier que « La loi garantit le respect de tout être humain dès le commencement

de la vie. Il ne saurait être porté atteinte à ce principe qu'en cas de nécessité et selon les

conditions définies par la présente loi ». Puis l’article 2 de cette même loi stipule la

disposition suivante : « Est suspendue pendant une période de cinq ans à compter de la

promulgation de la présente loi, l'application des dispositions des quatre premiers alinéas de

l'article 317 du Code pénal lorsque l'interruption volontaire de la grossesse est pratiquée avant

la fin de la dixième semaine par un médecin dans un établissement d'hospitalisation public ou

un établissement d'hospitalisation privé satisfaisant aux dispositions de l'article L 176 du Code

de la santé publique. » L’article 317 du code pénal de 1810 est celui faisant référence à

l’avortement comme étant une pratique interdite. Ainsi la loi de 1975 ne définit pas clairement

le délai de 10 semaines comme correspondant au commencement de la vie. Cette question qui

se pose en premier lieu sur le plan médical devient un sujet de vifs débats. Il s’agit donc au

12

CONFERENCE DES EVEQUES DE FRANCE, Respecter la vie humaine et ses commencements, 11 octobre

2000,

http://www.eglise.catholique.fr/conference-des-eveques-de-france/textes-et-declarations/respecter-la-vie-

humaine-en-ses-commencements.html

11

final plus d’une polémique se positionnant sur le plan des opinions et des croyances que sur le

plan scientifique.

La thématique intéresse également les législateurs. Nous l’avons déjà constaté

précédemment, le droit régissant l’avortement varie considérablement d’un pays à l’autre. Il

est cependant existant partout, tous les Etats ayant estimé nécessaire de légiférer sur le sujet. Il

s’agit d’une pratique très encadrée, même dans les pays où la législation autorise

l’avortement. Il est intéressant de définir clairement ce qu’est un « avortement illégal13

».

L’avortement illégal vise à « interrompre ou à tenter d’interrompre une grossesse

contrairement aux prescriptions de la loi » nous indiquent Rebecca Cook, Bernard Dickens et

Mahmoud Fathalla. Il faut distinguer « l’avortement illégal » de « l’avortement pratiqué dans

de mauvaises conditions de sécurité ». Ce dernier est « une intervention visant à interrompre

une grossesse non désirée effectuée soit par des personnes qui ne possèdent pas les

compétences nécessaires, soit dans un contexte où les conditions sanitaires minimales

n’existent pas, ou les deux14

». L’avortement illégal et l’avortement pratiqué dans de

mauvaises conditions de sécurité se rejoignent souvent puisque dans les pays où l’intervention

n’est pas autorisée, il n’existe pas de structure adaptée, le personnel n’est pas formé, peu de

moyens sont alloués. Cependant il ne s’agit pas d’une règle générale. Dans certains pays,

notamment en Amérique latine, des médecins pratiquent des avortements sécurisés dans des

cliniques privées, à des coûts élevés. A l’opposé, dans certains Etats où les législations se sont

libéralisées, les moyens manquent pour faire face à la demande et les conditions de sécurité ne

sont pas toujours respectées. C’est le cas en Inde par exemple. Ainsi l’avortement représente

un enjeu légal important. Cependant la législation n’est pas la seule clé de lecture du

problème puisqu’elle n’est pas forcément suivie par les moyens nécessaires à sa mise en

œuvre et à son respect.

Il est également important d’aborder dans notre argumentation la thématique des droits

humains, qui est souvent reprise dans les débats concernant l’avortement. Le droit le plus

souvent invoqué par les opposants à l’avortement est celui du droit à la vie. Il est affirmé dans

l’article 2 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés

fondamentales. Cet article stipule que « le droit de toute personne à la vie est protégé par la

loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d’une

13

COOK Rebecca, DICKENS Bernard, FATHALLA Mahmoud, Santé de la reproduction et droits humains,

Intégrer la médecine, l’éthique et le droit, Paris : Masson, 2005, 557 pages 14

ONU, Population et développement, i. Programme d’action adopté lors de la conférence internationale sur la

population et le développement, Le Caire 5-13 Septembre 1994, New York : Nations Unies, Département de

l’information économique et sociale et de l’analyse politique, 1994

12

sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la

loi15

. ». Ainsi, toute la question est de savoir si cet article s’applique également à l’embryon.

La Cour européenne des Droits de l’Homme s’est jugé incompétente pour trancher sur cette

question dans un arrêt du 5 Septembre 2002 concernant l’Affaire Boso contre Italie16

. Elle

refuse alors d’analyser si l’article 2 s’applique au fœtus. Ainsi le débat sur l’application du

droit à la vie au fœtus reste plus houleux que jamais.

Dans le Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale17

entré en vigueur le 1er

Juillet 2002,

est abordée la thématique de la grossesse forcée. A l’article 7 concernant les crimes contre

l’Humanité, est défini la notion de grossesse forcée comme suit : « par « grossesse forcée »,

on entend la détention illégale d’une femme mise enceinte de force, dans l’intention de

modifier la composition ethnique d’une population ou de commettre d’autres violations

graves du droit international. Cette définition ne peut en aucune manière s’interpréter comme

ayant une incidence sur les lois nationales relatives à la grossesse ». Ainsi, d’après ce texte,

l’interdiction faite à une femme d’avorter ne peut en aucun cas être considérée comme une

grossesse forcée. La Cour Pénale Internationale ne se prononce d’ailleurs pas sur la

thématique de l’avortement, bien qu’elle considère la grossesse forcée comme un crime contre

l’humanité.

L’ONU s’est positionnée différemment sur cette question, utilisant également le concept de

« grossesse forcée ». Ce dernier sert alors à décrire la façon dont les femmes considèrent le

refus de leur fournir des services d’avortement en cas de viol. L’ONU, au travers du Haut-

Commissariat aux Droits de l’Homme, considère que de telles mesures s’apparentent à un

traitement inhumain et dégradant18

. Ainsi, la question de l’avortement est posée en termes de

droits humains.

Les problématiques soulevées par l’avortement se posent donc sur des plans variés : le

droit, la loi, l’éthique, la religion, la science. Il s’agit en effet aujourd’hui d’un thème global

par la diversité des secteurs qu’il implique mais également par sa présence dans le monde

entier. Il est intéressant de nous pencher sur quelques chiffres relatifs à la pratique de

15

CONSEIL DE L’EUROPE, Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés

Fondamentales, Rome, 4 novembre 1950, 65 pages 16

COUR EUROPEENNE DES DROITS DE L’HOMME, Arrêt du 5 septembre 2002, req. n° 50490/99, Affaire

Boso contre Italie 17

STATUT DE ROME DE LA COUR PENALE INTERNATIONALE, 17 juillet 1998, amendé par les procès-

verbaux en date des 10 novembre 1998, 12 juillet 1999, 30 novembre 1999, 8 mai 2000, 17 janvier 2001 et 16

janvier 2002, entré en vigueur le 1er juillet 2002 18

ONU, HAUT-COMMISSARIAT AUX DROITS DE L’HOMME, Observations finales sur le rapport du

Pérou, New York : Nations Unies, 1995

13

l’avortement dans les différents pays, afin de vraiment cerner les implications de notre sujet.

L’OMS a cherché à chiffrer la pratique de l’avortement19

. Ainsi, elle estime à 45 millions le

nombre de grossesses non désirées interrompues chaque année dans le monde. Parmi elles, il

y aurait 19 millions d’interruptions à risque. De plus, 40% des avortements pratiqués dans de

mauvaises conditions de sécurité seraient réalisés chez des femmes jeunes, c’est-à-dire âgées

de 15 à 24 ans. D’après les estimations de l’OMS, 68 000 femmes meurent chaque année des

suites d’un avortement pratiqué dans de mauvaises conditions de sécurité, ce qui représente

13% de tous les décès liés à la grossesse.

Rebecca Cook, Bernard Dickens et Mahmoud Fathalla expriment également des chiffres

concernant les législations sur l’avortement au niveau mondial20

. Depuis 1985, 19 pays ont

libéralisé leur loi sur l’avortement. Aujourd’hui, 61% des habitants de la planète vivent dans

un pays qui permet l’avortement pour un éventail de motifs ou quel que soit le motif. 25%

vivent dans un pays où l’avortement est interdit de manière générale. Cependant, comme nous

l’avons vu précédemment, même dans les pays où la loi est très restrictive, l’avortement est

généralement permis pour sauver la vie de la femme. A côté de cela, dans les pays où la

législation est plus libérale, l’accès à l’avortement est parfois limité de fait : prix, restrictions

concernant le type d’établissement pouvant pratiquer cette intervention, obligation d’obtenir

l’autorisation d’une tierce partie.

Ainsi, les chiffres présentés par l’OMS construisent l’avortement pratiqué dans de

mauvaises conditions de sécurité comme un réel problème de santé publique. Le fait que

l’OMS et par là l’ONU se soient saisies de la question indique une mise à l’agenda de la

thématique au niveau international. Cependant, si le thème est discuté dans les sphères

internationales, en existe-t-il un réel traitement à cette échelle ? En effet, si le sujet intéresse,

il reste polémique dans nombre d’Etats et les positions sont tellement diversifiées que le

consensus nécessaire à une prise de position semble difficile à trouver. Le propos de notre

argumentation sera donc d’analyser le traitement de l’avortement au niveau international. La

mortalité due aux avortements pratiqués dans de mauvaises conditions de sécurité fait de notre

sujet un problème international. Cependant, nous nous demanderons s’il est réellement

19

ORGANISATION MONDIALE DE LA SANTE, Stratégie pour accélérer les progrès en santé génésique en

vue de la réalisation des objectifs et cibles de développement internationaux, Département Santé et Recherche

génésiques incluant le programme spécial PNUD/FNUAP/OMS/Banque mondiale de Recherche de

Développement et de Formation à la Recherche en Reproduction humaine, Genève, 2004 20

COOK Rebecca, DICKENS Bernard, FATHALLA Mahmoud, Santé de la reproduction et droits humains,

Intégrer la médecine, l’éthique et le droit, Paris : Masson, 2005, 557 pages

14

possible et souhaitable pour la communauté internationale de se positionner sur un sujet aussi

polémique.

Afin de traiter notre sujet de la manière la plus juste et la plus pertinente possible, nous

baserons notre réflexion sur plusieurs supports. Nous avons déjà évoqué dans cette

introduction les différentes instances internationales que nous prendrons en compte au cours

de notre argumentation. Nous analyserons donc leur positionnement sur le sujet de

l’avortement au-travers des documents officiels qu’elles produisent, par exemple les rapports,

déclarations et programmes d’action rédigés suite au grandes Conférences de l’ONU. Nous

nous baserons également sur les sites internet de ces institutions qui nous expliqueront leurs

capacités d’action et leurs réels pouvoirs. Il est en effet particulièrement important de prendre

en compte dans notre analyse le pouvoir d’influence voire de coercition que peuvent exercer

les instances que nous étudierons. En effet, elles ne se valent pas toutes en termes de moyens

d’action.

Nous étudierons également certains textes plus techniques, ceux de l’OMS par exemple. En

effet, la thématique de l’avortement a tout d’abord été abordée sous l’angle médical. Il est

donc très instructif d’étudier les textes de l’OMS pour réellement cerner la manière dont est

perçu le sujet de l’avortement au niveau international.

Cependant nous ne nous bornerons pas à étudier les textes officiels et nous nous intéresserons

également à l’analyse qui peut être faite par différents experts de la situation de l’avortement

au niveau mondial. Nous verrons donc des réflexions qui ont pu être menées par des auteurs,

des journalistes, des représentants religieux, des ONG, voire des délégations étatiques. L’idée

sera de diversifier nos sources, de multiplier les points de vue afin de nous faire une idée

globale de la situation. Nous essaierons de ne négliger aucun acteur et de prendre en compte

les différentes opinions sur le sujet qui sont extrêmement diverses et opposées.

Nous n’oublierons pas de rattacher notre sujet à l’actualité en étudiant également des articles

de journaux qui nous permettent de rendre compte des évolutions récentes de la situation.

Notre objectif sera, dans notre méthodologie de recherche, de prendre en compte non

seulement les positions officielles qui sont tenues par les instances internationales mais

également de tenter de comprendre les mécanismes et les tendances sous-jacents.

A cette fin, nous multiplierons les supports d’étude, en étant naturellement vigilants quant à

leur fiabilité. Cela nous permettra de traiter notre sujet de la manière la plus complète et la

plus objective possible. L’une des principales difficultés que nous devrons contourner est la

réticence des instances internationales à se prononcer sur le sujet de l’avortement. En effet

15

nous verrons qu’elles adoptent souvent des positions très neutres. Afin de contourner ces

obstacles nous mettrons tout d’abord en lumière les positionnements sous-jacents qui peuvent

être déduits des textes officiels. Nous nous intéresserons également à d’autres sources,

d’autres instances, souvent moins exposées, qui se permettent alors d’adopter des positions

plus tranchées sur notre sujet. L’étude de l’ensemble de ces sources nous permettra de

dégager de grandes tendances, à l’œuvre au niveau mondial.

Afin de comprendre et d’analyser les dynamiques de prise de décision à l’œuvre

concernant le sujet de l’avortement, nous verrons dans une première partie la manière dont le

débat s’est internationalisé. Nous avons en effet déjà constaté au cours de cette introduction

que les Etats prenaient tous position sur le sujet. Le propos de cette partie sera donc de

montrer comment cette thématique a pu se retrouver sur la scène internationale et surtout

pourquoi il est devenu nécessaire de la traiter à ce niveau. Puis dans une seconde partie, nous

nous pencherons sur les difficultés générées par l’internationalisation d’un sujet aussi

polémique. En effet nous nous intéresserons à l’articulation entre les rôles respectifs des Etats

et de la communauté internationale. Nous étudierons les éléments qui impulsent ou empêchent

les décisions au niveau global. Enfin, nous tenterons de dégager les grandes dynamiques qui

sont à l’œuvre aujourd’hui, et les prises de position (ou non prises de position) qui en

résultent.

16

Première partie : l’internationalisation du débat sur l’avortement

Nous avons déjà pu voir en introduction que chaque Etat dispose de sa propre

législation concernant l’avortement, exprimant alors une culture particulière. En effet, ce sont

d’abord les Etats qui se sont saisis de cette question et qui ont cherché à la réglementer.

Cependant le sujet est tellement sensible qu’il intéresse également des puissances non

étatiques mais dont l’influence n’est pas négligeable. Ainsi, les églises se sont positionnées

sur cette question. De nombreuses ONG se sont également impliquées dans le débat. Le sujet

a donc été l’objet de polémiques au sein des Etats depuis des décennies. Cependant

aujourd’hui, et sous notamment l’influence de l’OMS, le débat s’est exporté au sein des

instances internationales.

Le propos de cette première partie sera donc tout d’abord de remettre l’avortement

dans son contexte premier, c’est-à-dire le cadre étatique. A cette fin, nous ferons le choix de

concentrer notre attention sur deux Etats en particulier, dont les législations sont

particulièrement intéressantes à observer. Nous étudierons le cas du Chili, dont la législation

concernant l’avortement est l’une des plus restrictives au monde. Et nous nous pencherons sur

le cas des Pays-Bas, qui disposent d’une des législations les plus souples sur ce thème. Nous

ferons le choix de ces deux exemples pour plusieurs raisons. Tout d’abord, ils incarnent les

grandes dissensions qui peuvent exister sur le sujet de l’avortement. Il est intéressant d’étudier

des positions extrêmes afin de comprendre la dimension polémique de notre sujet. Ces deux

exemples nous permettront également d’observer différentes manières de gérer cette

thématique au sein des Etats.

Nous nous intéresserons également dans cette partie à la force des acteurs non étatiques. Nous

choisirons là aussi deux puissances emblématiques. Nous accorderons une attention

particulière à la position de l’Eglise catholique, fermement opposée à l’avortement, comme

nous avons pu le voir avec la citation de Jean-Paul II dans notre introduction. Nous prêterons

également attention au rôle des ONG dans le débat, à la manière dont elles se sont emparées

de ce sujet et aux actions qu’elles peuvent mener pour influencer les débats. Nous prendrons

alors l’exemple de l’emblématique ONG Amnesty International.

L’étude de ces différents acteurs nous permettra de comprendre l’essence du débat au

niveau national. C’est également à partir de cette étude que nous pourrons comprendre

pourquoi il a été nécessaire d’internationaliser cette problématique. Nous verrons donc dans la

suite de cette première partie la manière dont le sujet est apparu comme une thématique de

17

santé publique sur la scène internationale, notamment du fait de la mortalité résultant des

avortements pratiqués dans de mauvaises conditions de sécurité. Nous observerons la genèse

de ce débat sur la scène mondiale et verrons la manière dont la communauté internationale a

choisi de traiter ce thème.

Chapitre 1 : un débat ancien et houleux

Le débat sur l’avortement est tout d’abord né au sein des Etats. Si nous étudierons ce

thème à travers le prisme des différentes législations, il se pose tout d’abord sur le plan moral.

Cet aspect du sujet explique alors la présence forte d’acteurs non étatiques tels que les

puissances religieuses ou les ONG. Nous nous intéresserons donc tout d’abord à la diversité

des positions des Etats sur cette problématique, notamment à travers les exemples du Chili et

des Pays-Bas. Puis nous observerons de plus près les acteurs non étatiques, et plus

particulièrement l’Eglise catholique et l’ONG mondialement présente, Amnesty International.

Section 1 : diversité des points de vue des Etats

Comme nous l’avons précédemment expliqué, nous choisirons deux exemples

significatifs dans cette partie pour illustrer la diversité des législations qui peuvent exister sur

l’avortement. Nous nous intéresserons en premier lieu à la situation du Chili. Nous verrons les

racines historiques et culturelles des lois en vigueur et nous observerons le contexte social

actuel. Notre but sera donc de contextualiser et de comprendre la législation actuelle relative à

l’avortement.

Actuellement, le Chili est l’un des rares pays au monde dans lequel il n’existe aucune

exception légale en faveur de l’avortement. Cela signifie que l’avortement est interdit même

dans le cadre thérapeutique et surtout même pour sauver la vie de la femme21

. L’avortement

est qualifié par le Code Pénal (version du 14 Janvier 2004) de « crimes et délits contre l’ordre

familial, contre la morale publique et contre l’intégrité sexuelle ». Le Code Pénal, dans les

articles 342 à 345, punit de 3 à 5 ans de prison les femmes qui avortent et de 541 jours à 3

21

UNITED NATIONS, Abortion policies : a global review,

http://www.un.org/esa/population/publications/abortion/profiles.htm

18

ans de prison le prestataire du service d’avortement22

. De plus, obligation est faite au

personnel de santé de dénoncer le crime possible aux autorités.

Il est pourtant intéressant de revenir un peu en arrière, à l’année 1931 exactement. En

effet, entre 1931 et 1989, l’avortement thérapeutique était autorisé au Chili23

. De plus, le pays

a été historiquement précurseur en matière de régulation des naissances en devenant en 1964

le premier pays d’Amérique latine (à l’exception de Cuba) à lancer un programme de

planification familiale24

. Cependant la possibilité de recours à l’avortement thérapeutique a

été abrogée par la loi 18.826 du 15 septembre 1989. En effet le régime militaire a criminalisé

cette pratique avant le retour des civils au pouvoir (le premier tour des élections a eu lieu en

décembre 1989). Le but était alors de bloquer toute réforme qui se voudrait trop progressiste.

Par la suite plusieurs projets de loi ont été présentés concernant l’avortement, qu’il s’agisse

d’alourdir les peines existantes ou de libéraliser la législation. Au début de la transition vers la

démocratie, trois projets de loi visaient à alourdir les peines pour les femmes qui recourent à

l’avortement et ainsi que pour les personnes qui le pratiquent. Ces projets de loi ont été

déposés par les partis de droite, deux par l’UDI (Union Démocrate Indépendante), un parti

conservateur, et le troisième par le RN (Rénovation Nationale), d’obédience plus libérale. Ces

deux partis forment l’alliance pour le Chili. Un seul projet de loi favorable au rétablissement

de l’avortement thérapeutique a été déposé en 1991 par les parlementaires de la Concertation,

l’Union des partis de gauche. Puis en 2002, une motion a été déposée par des députés de

droite, visant à faire de l’avortement un « délit contre les personnes », ce qui sous-entendrait

une augmentation des peines. La même année, a été déposé un projet de loi visant à rétablir

l’avortement thérapeutique. Il s’agissait d’une proposition très restrictive mais qui a ramené le

sujet de l’avortement sur la scène publique. Cependant aucun des projets de loi, qu’il soit

restrictif ou plus libéral, n’est passé.

En 2006, suite à l’élection de Michelle Bachelet, membre de la Concertation,

l’avortement a fait l’objet de nouvelles propositions de loi. Ainsi une proposition de loi

suggérait la dépénalisation de l’avortement. Un deuxième projet de loi a ensuite été déposé,

visant à permettre l’avortement dans le cadre thérapeutique, en cas de viol ou de malformation

fœtale importante. Au même moment quatre députés (deux issus de la Concertation, deux de

22

CENTRE POPULATION ET DEVELOPPEMENT, L’avortement en Amérique latine et dans les Caraïbes,

« Caractéristiques spécifiques de l’avortement dans certains pays de la région », 2007,

http://www.ceped.org/cdrom/avortement_ameriquelatine_2007/fr/chapitre1/page3.html 23

MARQUES-PEREIRA Bérengère, « Le Chili : une démocratie de qualité pour les femmes ? », Politique et

Sociétés, vol. 24, n° 2-3, 2005, pages 147 à 169 24

SERVICE INTERNATIONAL DE RECHERCHES D’EDUCATION ET D’ACTION SOCIALE ASBL, « La

politique d’avortement au chili : morale vs santé publique », Analyse et Etudes Société, mars 2009

19

l’opposition) ont proposé un nouveau projet visant à punir toute personne qui serait amenée à

blesser le fœtus de manière intentionnelle. Ils ont également suggéré de construire trois

monuments en l’honneur des « victimes non nées de l’avortement ». Si aucun des projets de

loi n’a été adopté, la réouverture des débats sur ce sujet a conduit le gouvernement à se

prononcer publiquement sur le fait que le changement du statut de l’avortement ne faisait pas

partie de son programme. Cette question a donc été éradiquée de l’agenda politique au Chili.

De plus, depuis le 11 Mars 2010, le président du Chili est Sebastián Piñera, membre du parti

de la Rénovation Nationale, historiquement opposé à l’avortement, comme nous l’avons vu

précédemment.

Ainsi, si le sujet de l’avortement a pu être au centre de certaines polémiques, il n’est

pas vraiment à l’agenda politique aujourd’hui, malgré l’existence d’une législation parmi les

plus restrictives au monde. Afin d’expliquer cette situation, il est intéressant de se pencher sur

les différentes forces en présence. En effet, plusieurs facteurs peuvent expliquer les réticences

du Chili face à toute forme d’avortement. Il faut en effet rappeler le lourd passé totalitaire du

Chili, qui est d’ailleurs à l’origine de la législation actuelle. Ainsi aujourd’hui, et d’autant plus

depuis l’élection de l’actuel président, le poids de la droite et notamment de la droite

conservatrice, opposée à l’avortement sous toutes ses formes, est très fort dans la vie

politique. De plus, le système de coalition qui domine au sein des institutions politiques incite

au compromis et a donc naturellement tendance à éloigner les sujets trop polémiques qui

pourraient créer des dissensions.

Un autre facteur explicatif de cette législation est le poids de l’Eglise catholique

comme acteur social. Nous avons déjà décrit la position de l’Eglise catholique au sujet de

l’avortement dans notre introduction. Au Chili en particulier, elle a été un acteur

particulièrement influent dans la protection des droits humains durant la dictature et a joué un

rôle de médiateur entre les militaires et les forces démocratiques durant la transition. Ainsi,

son influence est solidement ancrée dans la société chilienne et il est alors difficile de remettre

en question sa doctrine. Au moment de la transition démocratique, l’Eglise a cherché des

alliés politiques pour relayer sa doctrine et préserver ses intérêts. Son rôle d’opposition sous le

régime militaire lui a permis d’obtenir une grande légitimité et de ce fait d’occuper une place

politique privilégiée lors de la transition. L’Eglise a donc obtenu une influence

particulièrement importante sur la droite chilienne, mais également sur une partie de la

gauche, grâce à l’argument de la protection des droits humains. De nombreuses organisations

ont été mises en place pour relayer son pouvoir. Ainsi, des mouvements comme l’ « Opus

Dei » ou les « légionnaires du Christ » ont un très fort poids social, disposant même de leurs

20

propres universités. Il est d’ailleurs intéressant de rappeler que le Pape Jean-Paul II avait fait

de l’Amérique latine l’une de ses priorités.

Les médias également jouent un rôle important dans la problématique de l’avortement

au Chili. Ils sont en effet majoritairement détenus par des personnes de droite voire des

conservateurs. Ainsi, dans les débats concernant l’avortement, la plupart des journaux se

contentent de relayer les explications de la droite sans accorder une grande place aux critiques

émises par la gauche.

Malgré cette législation extrêmement stricte, on dénombre au Chili entre 120 000 et

175 000 avortements par an, soit un avortement pour trois naissances vivantes. Le Chili

représente le taux d’avortement le plus élevé d’Amérique latine. De plus, la pratique étant

illégale, ces chiffres peuvent être sous-estimés. Depuis les années 90, on constate cependant

une diminution de cette pratique, probablement due à une plus grande utilisation des moyens

de contraception.

Ainsi le cas du Chili est particulièrement significatif. D’une part il permet d’étudier les

tenants et les aboutissants d’une législation extrêmement restrictive. En l’occurrence, celle-ci

est le fruit de plusieurs influences combinées, et notamment celle de l’Eglise catholique,

fermement opposée à l’avortement. Le Chili constitue également un exemple intéressant dans

le sens où il s’agit de l’un des seuls pays au monde à avoir durci sa législation concernant

l’avortement. Nous avons en effet déjà vu que la tendance générale était plutôt à la

libéralisation. Enfin l’intérêt de cet exemple est également de souligner le fait que malgré

plusieurs propositions de loi visant à durcir ou à assouplir la législation concernant

l’avortement, le débat n’a jamais réellement eu lieu tant le sujet est sensible.

Ainsi nous avons eu l’opportunité d’étudier et de comprendre une législation

particulièrement restrictive sur l’avortement. Nous avons pu voir quelles étaient les

puissances qui influençaient le processus législatif au sein d’un pays. Il est maintenant

intéressant d’étudier le même type de phénomène dans un pays où au contraire les lois

concernant l’avortement sont très libérales. Nous choisirons donc de faire un focus sur le cas

des Pays-Bas.

Tout d’abord il est important de donner quelques précisions concernant la législation

en vigueur aux Pays-Bas25

. L’article 296 du Code Pénal considère l’interruption volontaire de

25

ASSOCIATION NATIONALE DES CENTRES D’INTERRUPTION DE GROSSESSE ET DE

CONTRACEPTION, L’interruption volontaire de grossesse – Pays-Bas, http://www.ancic.asso.fr/textes/ressources/ivg_loi_paysbas.html

21

grossesse comme une action répréhensible. Une loi ultérieure, datant du 1er

Mai 1981 et entrée

en vigueur le 1er

Novembre 1984, indique les circonstances dans lesquelles cet acte ne

constitue pas une infraction. La première condition est celle de pratiquer cette intervention

dans un établissement disposant d’un agrément. Les établissements qui pratiquent les

avortements après treize semaines de grossesse doivent répondre à des conditions

supplémentaires comme par exemple la présence de deux médecins pendant l’intervention. En

ce qui concerne le délai durant lequel il est légal de pratiquer un avortement, la loi de 1981

rappelle, dans son introduction, le droit à la protection dont dispose tout être humain à naître.

Comme nous l’avons vu précédemment, l’article 82 du Code Pénal assimile à un infanticide le

fait de tuer un fœtus viable. La limite généralement admise est donc de vingt-quatre semaines

et, étant donnée la difficulté à dater précisément le début de la grossesse, elle est généralement

arrêtée à vingt ou vingt-deux semaines à partir du premier jour des menstruations. Ce délai

s’applique dans tous les cas.

Traditionnellement, les Pays-Bas n’étaient pas favorables aux mesures de planification

familiale, ces dernières étant perçues comme contraires aux objectifs du mariage26

. Ainsi, les

moyens de contraception n’y ont réellement été disponibles qu’à partir de 1969 même si la

pilule a été introduite en 1964. C’est à partir de 1965 que des services de planification

familiale ont commencé à être proposés dans le cadre des soins de santé. Enfin, depuis 1984,

les femmes peuvent avoir gratuitement recours à l’avortement grâce au système d’assurance

santé sponsorisé par le gouvernement. Les femmes étrangères peuvent avoir recours à

l’avortement en Hollande – ce qui est souvent le cas en raison des délais légaux plus longs-

mais elles sont par contre tenues de payer.

En 1990, le taux d’avortement aux Pays-Bas était de 5,2 pour 1000 femmes âgées de

15 à 44 ans. En 2006, il était de 7,4 pour 100027

, ce qui reste l’un des taux les plus bas du

monde. Ce faible taux d’avortement est en partie attribué à la politique de diffusion de la

contraception très importante aux Pays-Bas28

.

Ainsi, les Pays-Bas illustrent presque l’extrême inverse par rapport au Chili. En effet,

non seulement l’avortement y est légal, mais le délai autorisé est l’un des plus longs du

monde. De plus, le nombre d’avortements y est particulièrement bas tandis que celui du Chili

est le plus haut d’Amérique latine. Il ne s’agit cependant que d’exemples qui ne peuvent

26

UNITED NATIONS, Abortion policies : a global review,

http://www.un.org/esa/population/publications/abortion/profiles.htm 27

HAUT CONSEIL DE LA POPULATION ET DE LA FAMILLE, Pour une meilleure prévention de l’IVG

chez les mineures, rapport présenté par Israël NISAND et Laurent TOULEMON, décembre 2006, 26 pages 28

HENRY SHEARS Kathleen, « Recul des IVG quand la contraception progresse », Network en français, vol.

21, n°4, 2002

22

naturellement pas être érigés en règle générale. Notre propos ici est de montrer la diversité des

législations adoptées par les Etats concernant la problématique de l’avortement. Ainsi nous

avons étudié une législation très libérale et une législation très restrictive. Ces deux exemples

nous ont également permis de montrer les différentes influences qui peuvent être à l’œuvre au

sein des Etats : les partis politiques, l’Eglise. Ces deux exemples mettent en lumières des

problématiques qui intéressent le droit international. Ainsi, nous pouvons nous demander

comment la communauté internationale pourrait se positionner sur un sujet suscitant de telles

divergences entre les Etats. Nous nous appliquerons à étudier cette question tout au long de

notre argumentation.

Cependant, il est important d’accorder tout d’abord une place aux puissances non-

étatiques qui jouent un rôle prépondérant dans le débat et les décisions politiques concernant

l’avortement. Nous nous intéresserons donc dans notre point suivant à ces différentes

instances et à leur poids respectif.

Section 2 : force des acteurs non étatiques

Ainsi, comme nous avons pu le constater précédemment, les Etats se positionnent au

niveau législatif concernant le sujet de l’avortement. Cependant, si la décision finale leur

appartient, elle peut être le fruit d’influences multiples. Le propos de cette partie sera de

constater que des puissances non-étatiques disposent d’un pouvoir considérable sur les débats.

L’épineux sujet de l’avortement passionne des instances diverses au pouvoir plus ou moins

important. Tout d’abord, les religions se sont intéressées au thème de l’avortement, abordant

le sujet sous l’angle de la morale. Les Eglises et les différentes entités qui peuvent leur être

rattachées (comme l’Opus Dei au Chili par exemple) sont donc des acteurs non négligeables

qui peuvent même parfois dicter des décisions politiques.

Certaines ONG s’intéressent également au sujet. Certaines militent pour le droit à

l’avortement, d’autres au contraire défendent la thèse du droit à la vie du fœtus. Suivant leur

taille, leur reconnaissance, leur réseau d’influence, l’action de ces organisations peut avoir un

impact plus ou moins important sur les décisions politiques.

Il n’est pas possible de dresser ici une liste exhaustive des acteurs non-étatiques impliqués

dans le débat concernant l’avortement. Notre propos n’est d’ailleurs pas d’en établir un

panorama complet. Notre but ici sera de démontrer comment ces puissances peuvent peser

dans les choix législatifs effectués. A cette fin, il est intéressant d’étudier ce phénomène au

23

travers d’exemples particulièrement significatifs. Ainsi, pour illustrer l’impact des religions,

nous étudierons le cas du catholicisme, dont la thèse concernant l’avortement a été citée

précédemment. Nous ferons le choix d’étudier cette religion en particulier tout d’abord

naturellement en raison de ses prises de position particulièrement affirmées contre

l’avortement. Il s’agit en effet de l’un des acteurs les plus impliqués dans le débat. Il s’agit

également d’une puissance extrêmement étendue au niveau mondial. Ainsi, en 2010, le

nombre de catholiques dans le monde s’élevait à 1,196 milliards29

, notamment grâce à la

progression de cette religion en Afrique et en Asie. En Amérique latine, les catholiques

représentent 28,34% de la population. En Europe le pourcentage de catholiques s’élève à

23,83. En Afrique, on compte 15,55 % de personnes appartenant à cette religion. Enfin, en

Asie du sud-ouest, on dénombre 10,87 % de catholiques. Au niveau mondial, la proportion de

catholiques baptisés est de 17,5 %. Ainsi, ces chiffres mettent en évidence le poids de l’Eglise

catholique à l’échelle mondiale. A ce titre, il semble pertinent d’utiliser cet exemple pour

montrer l’influence d’une religion dans un débat de société, à savoir le débat sur l’avortement.

Nous choisirons également d’illustrer l’impact de l’action des ONG au travers d’un

exemple particulier. Nous avons donc choisi d’étudier le cas d’Amnesty International, là aussi

pour ses prises de position affirmées dans le débat sur l’avortement. Il s’agit également d’une

organisation très influente et reconnue au niveau mondial. Créée en 1961, Amnesty

International rassemble aujourd’hui plus de 3 millions de membres et sympathisants et

compte des structures dans 72 pays30

. L’organisation a reçu le Prix Nobel de la paix en 1977.

Il s’agit donc d’une ONG dont la légitimité est particulièrement établie. Il nous semble donc

tout à fait indiqué de la citer à titre d’exemple du pouvoir d’influence des ONG dans le débat

concernant l’avortement.

Tout d’abord, nous nous intéresserons donc au cas de l’Eglise catholique. Comme

nous l’avons précédemment évoqué, cette dernière s’oppose formellement à la pratique de

l’avortement. Le document de référence en la matière est l’ « instruction donum vitae31

» ou

« instruction sur le respect de la vie humaine naissante et la dignité de la procréation ». Il

s’agit d’un texte datant du 22 février 1987, issu de la Congrégation pour la doctrine de la foi.

29

LE MONDE.FR, International, « Le catholicisme progresse en Afrique et en Asie, recule en Europe », 10

mars 2012,

http://www.lemonde.fr/international/article/2012/03/10/le-catholicisme-progresse-en-afrique-et-en-asie-recule-

en-europe_1656058_3210.html 30

AMNESTY INTERNATIONAL FRANCE, Qui sommes-nous ?, « Amnesty International »,

http://www.amnesty.fr/Qui-sommes-nous 31

CONGREGATION POUR LA DOCTRINE DE LA FOI, Instruction sur le respect de la vie humaine

naissante et la dignité de la procréation, Rome, siège de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, 22 février

1987, 25 pages

24

La Congrégation pour la Doctrine de la Foi a été fondée par Paul III (le Pape de l’époque) le

21 juillet 1542, pour défendre l'Église des hérésies. La définition qui en est donnée dans

l’article 48 de la Constitution apostolique sur la Curie romaine promulguée par le Saint-Père

en 1988 est la suivante : « la tâche propre de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi est de

promouvoir et de protéger la doctrine et les mœurs conformes à la foi dans tout le monde

catholique : tout ce qui, de quelque manière, concerne ce domaine relève donc de sa

compétence ». La Congrégation est constituée de 23 membres, qui sont des cardinaux,

archevêques et évêques provenant de 17 nations diverses32

. L’instruction donum vitae a pour

but de présenter le point de vue de l’Eglise catholique sur « la conformité avec les principes

de la morale catholique des techniques biomédicales permettant d'intervenir dans la phase

initiale de la vie de l'être humain et dans les processus mêmes de la procréation ». Le texte

rappelle par la suite que « l'inviolabilité du droit à la vie de l'être humain innocent depuis le

moment de la conception jusqu'à la mort est un signe et une exigence de l'inviolabilité même

de la personne, à laquelle le Créateur a fait le don de la vie ». Par la suite il est également

affirmé que « l'être humain doit être respecté — comme une personne — dès le premier

instant de son existence ». En ce qui concerne le sujet de l’avortement, il est évoqué en ces

termes « la vie, une fois conçue, doit être protégée avec le plus grand soin, l'avortement,

comme l'infanticide, sont des crimes abominables ». La formulation est empruntée au Concile

Vatican II. Le point de vue de l’Eglise catholique est donc exprimé particulièrement

explicitement dans ce texte : la vie humaine commence dès la conception et l’avortement est

assimilé à un infanticide. L’instruction donum vitae reprend en cela une déclaration sur

l’avortement provoqué émise par la Congrégation pour la Doctrine de la foi en 1974. Cette

dernière formule l’opinion de l’Eglise de la manière suivante : « en réalité, le respect de la vie

humaine s’impose dès que commence le processus de la génération. Dès que l’ovule est

fécondé, se trouve inaugurée une vie qui n’est celle ni du père ni de la mère, mais d’un nouvel

être humain qui se développe pour lui-même. Il ne sera jamais rendu humain s’il ne l’est pas

dès lors33

». Cette déclaration sur l’avortement est relativement sans surprise quant au

positionnement de l’Eglise. Nous pouvons cependant relever certains éléments particuliers

concernant les législations sur l’avortement et notamment les peines qui peuvent être

encourues dans les pays où cette pratique n’est pas légale. La Congrégation pour la Doctrine

de la Foi rappelle alors que l’avortement est assimilé pour l’Eglise à un homicide : « il n’y a

32 PAUL VI, Motu proprio "Integrae servandae" sur la réorganisation de la Sacrée Congrégation pour la

Doctrine de la Foi, Cité du Vatican, 7 décembre 1965 33

CONGREGATION POUR LA DOCTRINE DE LA FOI, Déclaration Questio de Abortu sur l’avortement

provoqué, Rome, siège de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, 28 juin 1974

25

pas de pays dont la législation n’interdise et ne punisse l’homicide. Beaucoup en outre avaient

précisé cette interdiction et ces peines dans le cas spécial de l’avortement provoqué ». La

Congrégation pour la Doctrine de la Foi commente notamment dans ce texte la capacité des

législations à punir l’avortement. L’Eglise prend note du fait que beaucoup de législations

renoncent à punir cet acte, alors même qu’elles le reconnaissent comme répréhensible. Sur ce

point la Confédération fait la remarque suivante : « beaucoup prendront pour une autorisation

ce qui n’est peut-être que le renoncement à punir. Bien plus, dans le cas présent, ce

renoncement même paraît inclure à tout le moins que la législation ne considère plus

l’avortement comme un crime contre la vie humaine, puisque l’homicide reste toujours

gravement puni ». Ainsi l’Eglise, qui considère l’avortement comme un homicide regrette

l’absence de sanction. Cependant, dans la suite du texte, l’on retrouve la remarque suivante :

« la loi humaine peut renoncer à punir, mais elle ne peut déclarer innocent ce qui serait

contraire au droit naturel, car cette opposition suffit à faire qu’une loi ne soit pas une loi ».

Ainsi l’Eglise admet que les législations peuvent éventuellement renoncer à punir

l’avortement. Cependant d’après elle, elles se doivent de continuer à l’interdire, en vertu de ce

qu’elle considère comme le droit naturel. La Confédération pour la Doctrine de la Foi expose

également les pistes qu’elle souhaite privilégier pour éviter le recours à l’avortement. Ainsi

elle se prononce en faveur d’une réorganisation de la société qui passerait par une

augmentation des aides aux familles et aux mères célibataires, des allocations assurées aux

enfants. Elle prône la mise en place d’un statut pour les enfants naturels et une « organisation

raisonnable de l’adoption ».

Nous avons déjà exposé précédemment l’emprise du catholicisme au niveau mondial.

Ainsi cette doctrine rencontre plus ou moins d’échos selon les pays. Beaucoup d’Etats de

culture catholique ont pourtant libéralisé leurs législations : c’est le cas de la France ou du

Portugal par exemple. Cependant certains Etats respectent la doctrine de l’Eglise à la lettre,

c’est le cas du Chili, comme nous l’avons précédemment montré. Ainsi l’influence de

l’Eglise, même si elle a régressé dans de nombreux pays, reste bien réelle et peut impacter les

législations concernant l’avortement.

Au niveau de la communauté internationale, l’Eglise catholique cherche également à

faire valoir ses idées. Ainsi, elle a déployé un activisme anti-avortement durant plusieurs

conférence des Nations Unies, notamment en 1983 lors de la Conférence de Vienne sur les

Droits de l’Homme, en 1994 lors de la Conférence du Caire sur la population et le

développement et en 1995 lors de la Conférence de Beijing sur les droits des femmes. Son

26

statut d’observateur permanent au sein de l’ONU permet au Vatican de faire un travail de

lobbying et de faire valoir ses idées lors des grandes conférences internationales34

.

Ainsi les Eglises et en l’occurrence l’Eglise catholique sont des acteurs extrêmement

impliqués dans le débat concernant l’avortement. Si leur parole n’a pas la même portée au

sein de tous les Etats, leur influence reste considérable et explique en partie certaines

législations comme celle du Chili. Quoi qu’il en soit, l’Eglise catholique reste un acteur

majeur du débat, développant toute une doctrine sur le thème de l’avortement. Il est donc

important de ne pas négliger l’influence de ce type de puissances non-étatiques.

Nous nous intéresserons également dans cette partie à l’influence d’autres acteurs non-

étatiques, à savoir les ONG. Comme nous l’avons précédemment indiqué, nous illustrerons

notre propos par un exemple significatif, à savoir, l’ONG Amnesty International. L’ONG a

été fortement critiquée par l’Eglise catholique pour ses prises de position concernant

l’avortement. En 2007, le Vatican a appelé les catholiques à suspendre leurs dons à Amnesty

International pour condamner les déclarations de cette dernière au sujet de l’avortement35

.

Amnesty International a édité le 14 Juin 2007 un communiqué visant à clarifier ses positions.

L’ONG précise qu’elle ne promeut pas « l’avortement en tant que droit universel ;

l’organisation n’approuve ni ne réprouve l’avortement ». Elle souhaite seulement défendre

« le droit des femmes à l’intégrité physique et mentale lorsqu’elles sont exposées à des

violations graves de leurs droits fondamentaux ». Concernant son positionnement sur le sujet

de l’avortement, Amnesty International met en avant trois points : elle soutient la

dépénalisation de l’avortement (l’absence de sanction pour les femmes qui y ont recours

même si la pratique reste considérée comme illégale), elle réclame la possibilité pour les

femmes de bénéficier de soins médicaux suite à un avortement pratiqué dans de mauvaises

conditions de sécurité, et enfin elle défend la possibilité pour les femmes d’avorter en

respectant un délai maximum raisonnable si leur santé (avortement thérapeutique) ou leurs

droits humains (avortement suite à un viol ou un inceste) sont en danger36

. Il est intéressant de

préciser ici les droits humains dont il est question. L’ONG considère qu’empêcher une femme

enceinte à la suite d’un viol d’avorter constitue un traitement inhumain et dégradant. Ainsi

34

MARQUES-PEREIRA Bérengère, « Le Chili : une démocratie de qualité pour les femmes ? », Politique et

Sociétés, vol. 24, n° 2-3, 2005, pages 147 à 169 35

L’EXPRESS.FR, Eglise, « Avortement : Amnesty non grata au Vatican », 13 juin 2007

http://www.lexpress.fr/actualite/monde/avortement-amnesty-i-non-grata-i-au-vatican_464923.html 36

AMNESTY INTERNATIONAL, S’informer, « Amnesty International défend la possibilité d’avorter pour les

femmes en danger », 14 juin 2007

http://www.amnesty.be/doc/s-informer/actualites-2/article/amnesty-international-defend-la

27

l’organisation se positionne de manière claire sur certains points : l’autorisation de

l’avortement thérapeutique, de l’avortement à la suite d’un viol, la prise en charge des

complications d’un avortement effectué dans de mauvaises conditions, la dépénalisation de

l’avortement (et non pas la légalisation. L’avortement reste donc illégal mais il n’est plus

puni). Amnesty International ne prône par contre pas le droit à l’avortement en soi. Ainsi elle

ne milite pas pour la possibilité d’obtenir un avortement sur demande mais pour l’autorisation

d’y avoir recours en cas de violation des droits humains ou de mise en danger de la vie de la

mère.

La position de l’ONG n’est cependant pas toujours très claire. Elle a récemment mis le

problème de la mortalité maternelle au centre de ses priorités. Dans l’article dédié à ce sujet

sur le site de l’organisation on peut retrouver des expressions telles que « droit à

l’avortement » ou plus explicitement « l’impossibilité de subir un avortement en toute légalité

et en toute sécurité cause des grossesses non souhaitées37

”. Ainsi il est difficile de réellement

cerner les nuances de la position de l’ONG sur le sujet. Il est clair qu’elle est favorable à

l’avortement thérapeutique et à l’avortement suite à un viol. Pour l’avortement à la simple

demande de la femme, l’organisation est plus prudente. Cette modération peut également

s’expliquer par la nécessité pour l’ONG de toucher un large public par ses actions. Amnesty

International est en effet financée par des dons de particuliers. Sur des sujets aussi polémiques

que l’avortement, elle peut difficilement émettre un jugement moral, au risque de choquer une

partie de son public et de ses donateurs.

L’ONG a fermement pris position sur certaines situations concrètes relatives à

l’avortement. Ainsi elle a condamnée l’interdiction absolue de l’avortement au Nicaragua.

Dans ce pays, le Code Pénal a été révisé et prévoit aujourd’hui des peines d’emprisonnement

pour les femmes qui demandent et subissent une interruption de grossesse ainsi que pour les

professionnels de santé qui leur prodiguent les soins réclamés. Amnesty International milite

activement contre cette loi, exigeant plusieurs changements : l’abrogation de la loi et la

possibilité d’avorter suite à un viol ou en cas de danger pour la mère38

. Au niveau de la

communauté internationale, l’ONG dispose également d’un pouvoir d’influence. Elle a en

effet un statut consultatif auprès des Nations Unies, de l’UNESCO (Organisation des Nations

Unies pour l’Education, la Science et la Culture), du Conseil de l’Europe. Elle a un statut

37

AMNESTY INTERNATIONAL, AI en action, « Mortalité maternelle : une femme meurt chaque minute »,

http://www.amnesty.fr/AI-en-action/Lutter-contre-la-pauvrete/Mortalite-maternelle/Presentation 38

AMNESTY INTERNATIONAL, « L’interdiction totale de l’avortement au Nicaragua prive les femmes de

soins médicaux vitaux », 27 juillet 2009,

http://www.amnesty.org/fr/news-and-updates/report/shocking-abortion-ban-denies-life-saving-treatment-girls-

and-women-nicara

28

d’observateur auprès de l’Organisation de l’Unité africaine et travaille en partenariat avec la

Commission des Droits de l’Homme de l’Organisation des Etats Américains. Cette

reconnaissance au niveau mondial lui confère donc une certaine influence et elle peut ainsi

exercer une activité de lobbying auprès des instances internationales. Ainsi les ONG sont

également des acteurs non négligeables dans le débat sur l’avortement. Elles peuvent en effet

militer pour ou contre son autorisation et certaines ONG de grande envergure peuvent

réellement avoir un poids sur la scène internationale. Si elles ne disposent pas d’un pouvoir

normatif, elles peuvent cependant dénoncer certaines situations en les rendant publiques. De

cette manière elles peuvent s’attirer des soutiens importants et par là, influencer la politique

des Etats ainsi incriminés aux yeux du monde entier.

Ainsi certaines puissances non-étatiques, si elles ne disposent pas du pouvoir d’édicter

les lois, peuvent en revanche influencer les acteurs décisionnaires, à savoir les Etats.

Nous avons vu dans cette partie que les Etats étaient les premiers acteurs du débat sur

l’avortement, sur le plan normatif. En effet, eux seuls ont le pouvoir de légiférer sur le sujet.

De cette manière, les législations concernant l’avortement sont extrêmement diverses.

D’autres acteurs, non-étatiques, jouent également de leur influence pour obtenir des lois

favorables à leurs idéaux : c’est le cas des Eglises et des ONG par exemple. Cependant,

depuis quelques années, ces différentes puissances ne sont plus les seules à s’intéresser à la

problématique de l’avortement. En effet, petit à petit, et notamment à cause de l’importante

mortalité maternelle due à des avortements pratiqués dans de mauvaises conditions de

sécurité, la communauté internationale a également commencé à s’intéresser à la question.

L’objet de notre partie suivante sera donc d’étudier l’émergence de la thématique de

l’avortement en tant qu’enjeu international.

29

Chapitre 2 : la construction de l’avortement pratiqué dans de mauvaises

conditions de sécurité comme enjeu de santé publique au sein de la

communauté internationale

La problématique de l’avortement a surtout été prise en charge au niveau mondial par

l’OMS. C’est en effet cette organisation qui a souligné la nécessité d’une prise de position de

la société internationale sur le sujet. Il n’est pas anodin que l’OMS ait été l’organisation la

plus indiquée pour gérer en premier lieu cette thématique. En effet, la construction de

l’avortement comme sujet d’intérêt pour la communauté internationale s’est principalement

faite sous l’angle de la santé. Les avortements pratiqués dans de mauvaises conditions de

sécurité et leurs conséquences dramatiques ont poussé les instances internationales à se saisir

de la question. Nous verrons donc tout d’abord la manière dont le débat a émergé sur la scène

internationale. Nous constaterons que les enjeux de santé publique sont privilégiés, tandis que

les considérations morales sont écartées. Il s’agira alors de concentrer notre attention sur

l’action de l’OMS qui gère les problématiques relatives à la santé au niveau des Nations

Unies. Puis nous verrons comment ce sujet a progressivement gagné l’ONU dans son

ensemble et a été abordé lors de sommets mondiaux. Nous nous intéresserons alors à l’angle

d’approche privilégié au sein de la communauté internationale.

Section 1 : les avortements pratiqués dans de mauvaises conditions de

sécurité comme problème de santé publique

La thématique de l’avortement a tout d’abord attiré l’attention mondiale lorsqu’elle est

devenue un enjeu de santé publique. La communauté internationale s’est alors intéressée, au-

travers de l’OMS, aux avortements pratiqués dans de mauvaises conditions de sécurité et à la

mortalité maternelle qui en résulte. L’ampleur de cette mortalité a commencé à poser le

problème en termes de santé publique. L’attention est alors focalisée sur les avortements

effectués dans de mauvaises conditions de sécurité. Il s’agit alors d’une problématique

médicale, qui ne se discute donc ni sur le plan moral ni sur le plan législatif. Nous étudierons

tout d’abord dans cette partie l’angle de compréhension privilégié par l’OMS relativement à la

thématique de l’avortement.

30

Il est intéressant de faire un point avant toute chose, sur les Objectifs du Millénaire

pour le Développement (OMD) adoptés lors du Sommet du Millénaire qui s’est déroulé au

Siège des Nations Unies à New York du 6 au 8 septembre 2000. Le but poursuivi par les

OMD est d’éradiquer la pauvreté sous toutes ses formes d’ici 2015. A cette fin, a été mise en

place en 2002 la Campagne du Millénaire des Nations Unies qui fait intervenir et agir en

partenariat différentes agences des Nations Unies, les citoyens, les organisations de la société

civile et les collectivités locales39

. Les objectifs sont au nombre de huit, nous nous

focaliserons ici sur l’objectif numéro cinq : améliorer la santé maternelle. Deux cibles ont été

clairement identifiées : la réduction de trois quart entre 1990 et 2015 du taux de mortalité

maternelle et l’accès de tous à la médecine procréative d’ici 2015. Entre 1990 et 2008, sur

l’ensemble des pays en développement, le taux de mortalité maternelle a baissé de 34%,

passant de 440 décès maternels pour 100 000 naissances vivantes à 29040

. La cible fixée par

l’OMS n’est cependant pas encore atteinte. L’objectif 5 s’accompagne d’une fiche explicative

sur laquelle l’on peut lire la phrase suivante : « La plupart des décès maternels sont évitables.

Plus de 80 pour cent sont dus à des hémorragies, des infections, un avortement pratiqué dans

de mauvaises conditions, un travail dystocique ou des troubles hypertensifs41

». Ainsi, les

avortements pratiqués dans de mauvaises conditions sont identifiés par l’OMS comme l’une

des principales causes de mortalité maternelle. Il est important de rappeler ici le nombre,

estimé par l’OMS, de décès liés à des avortements pratiqués dans de mauvaises conditions de

sécurité. D’après l’organisation 68 000 femmes par an décèderaient de ce fait.

Ainsi l’ONU a fait de la réduction de la mortalité maternelle l’une de ses priorités dans

la lutte contre la pauvreté. Les avortements pratiqués dans de mauvaises conditions sont l’un

des éléments mis en cause pour expliquer l’importance de cette mortalité. C’est donc tout

d’abord sous cette forme que la problématique de l’avortement s’est présentée aux yeux de la

communauté internationale. L’aspect médicalement préoccupant de l’avortement pratiqué

dans de mauvaises conditions de sécurité a incité l’ONU, notamment au-travers de l’OMS, à

l’identifier comme un problème à résoudre au niveau mondial. A partir de là, il s’agit d’un

problème de santé publique, indépendamment des considérations morales qui l’entourent.

39

PORTAIL DU SYSTEME DE L’ONU SUR LES OBJECTIFS DU MILLENAIRE POUR LE

DEVELOPPEMENT, Contexte,

http://www.un.org/fr/millenniumgoals/bkgd.shtml 40

PORTAIL DU SYSTEME DE L’ONU SUR LES OBJECTIFS DU MILLENAIRE POUR LE

DEVELOPPEMENT, Objectif 5 : améliorer la santé maternelle,

http://www.un.org/fr/millenniumgoals/maternal.shtml 41

SOMMET DE NATIONS UNIES, Objectif 5, Améliorer la santé maternelle, Fiche d’information, New York :

réunion plénière de haut niveau de l’Assemblée générale, 20-22 septembre 2010, 3 pages

31

L’OMS évoque plusieurs pistes pour tenter de prendre en charge le problème et définit

une stratégie à adopter. Les mots exacts employés sont les suivants : « En tant que cause

évitable de mortalité et de morbidité maternelles, l’avortement pratiqué dans de mauvaises

conditions de sécurité doit être pris en compte dans le cadre de l’objectif du Millénaire pour le

développement visant l’amélioration de la santé maternelle et d’autres objectifs et cibles

internationaux de développement42

». Ainsi l’avortement pratiqué dans de mauvaises

conditions de sécurité est clairement défini comme un frein au développement et un obstacle à

la bonne santé maternelle. L’OMS dégage plusieurs mesures d’urgence qui doivent être

prises. Elle appelle notamment au renforcement des services de planification familiale et à

l’accessibilité des services. Ce dernier point est cependant pondéré et doit être compris « dans

la mesure autorisée par la loi ». L’OMS explique également les prérequis nécessaires à une

interruption de grossesse dans de bonnes conditions de sécurité. Ainsi elle considère qu’il est

indispensable de former les dispensateurs de services aux techniques actuelles et de leur

donner accès aux médicaments et aux fournitures nécessaires. Cependant elle reprend là aussi

la formule « dans la mesure autorisée par la loi ». Elle fait donc référence aux législations

interdisant l’avortement, estimant que ces dernières s’appliquent en priorité sur les directives

de l’OMS. Ainsi les conseils dispensés par l’organisation pour effectuer un avortement dans

de bonnes conditions ne s’appliquent qu’aux Etats qui autorisent cette pratique. Par contre

l’OMS est formelle sur la prise en charge des conséquences d’un avortement raté. Quelle que

soit la législation en vigueur dans le pays en question, les femmes qui souffrent de

complications suite à un avortement pratiqué dans de mauvaises conditions de sécurité

doivent pouvoir bénéficier d’un traitement rapide et humain.

De plus, l’OMS produit de nombreux textes techniques visant à donner des indications

sur la marche à suivre pour effectuer un avortement dans de bonnes conditions ou bien pour

prendre en charge les suite d’un avortement raté. Elle a notamment édité un guide pratique

pour la planification familiale après avortement43

. Ce guide remarque prudemment que toute

modification législative du statut de l’avortement ne peut être décidée qu’à l’échelle nationale.

Par contre, la mortalité suite à un avortement raté est qualifiée de « problème de santé

publique prioritaire ». Le texte ajoute que « quelles que soient leurs [les directeurs de

programmes de planification familiale] convictions personnelles en ce qui concerne

42

ORGANISATION MONDIALE DE LA SANTE, Stratégie pour accélérer les progrès en santé génésique en

vue de la réalisation des objectifs et cibles de développement internationaux, Genève : Organisation Mondiale de

la santé, Département santé et recherches génésiques, 2004, 36 pages 43

ORGANISATION MONDIALE DE LA SANTE, DIVISION DE LA SANTE REPRODUCTIVE,

Planification familiale après avortement : guide pratique à l’intention des responsables de programmes,

Genève : Organisation Mondiale de la Santé, division de la santé reproductive, 1997, 102 pages

32

l'avortement, ils doivent modifier les politiques quand elles constituent un obstacle à la

prestation de services de planification familiale post-abortum, attribuer des ressources

humaines et financières aux programmes, et obtenir le soutien des pouvoirs publics et des

hauts responsables ».

Ainsi l’OMS a progressivement pris en compte la thématique de l’avortement du fait

de la mortalité résultant des avortements pratiqués dans de mauvaises conditions de sécurité.

Le sujet a pris une telle ampleur que l’objectif numéro cinq des OMD lui est partiellement

consacré. L’OMS se préoccupe donc du problème médical représenté par la mortalité

maternelle et ne prend pas en compte de considérations morales dans ses directives. Elle est

très ferme sur deux points. Tout d’abord elle refuse de se prononcer sur la validité des

législations relatives à l’avortement. Elle considère qu’il est du domaine des Etats d’autoriser

ou d’interdire la pratique de l’avortement. Cependant elle insiste sur un autre élément : même

une législation prohibitive ne peut pas empêcher la prise en charge des conséquences d’un

avortement effectué dans de mauvaises conditions de sécurité. Ainsi, une femme qui aurait

avorté clandestinement dans un pays ou cette pratique est illégale, doit avoir le droit de

bénéficier de soins si sa santé est en danger, quelle que soit la loi en vigueur.

L’OMS se concentre très clairement sur l’aspect médical et technique du problème.

Elle édite d’ailleurs de nombreux textes destinés aux professionnels afin de leur indiquer la

marche à suivre pour pratiquer un avortement dans de bonnes conditions ou pour prendre en

charge les conséquences d’un avortement raté. Ainsi, au niveau international, c’est la

mortalité due à des avortements pratiqués dans de mauvaises conditions de sécurité qui attire

l’attention sur cette thématique. Il ne s’agit pas alors de se prononcer sur la pratique de

l’avortement en elle-même ni d’inciter les Etats à l’autoriser ou à l’interdire. L’OMS se

concentre uniquement sur les avortements ratés et leurs conséquences désastreuses pour

prodiguer ses conseils aux différents Etats.

Même si l’angle de compréhension est plutôt restreint, l’avortement apparait alors

comme une problématique digne d’intérêt au niveau international. Nous verrons donc dans la

partie suivante que des instances de plus en plus larges ont également commencé à se pencher

sur la question.

33

Section 2 : extension du débat à la communauté internationale

Le sujet de l’avortement n’est pas resté du domaine seul de l’OMS. En effet, la

communauté internationale a débattu de cette question lors de grandes conférences

internationales. Nous avons précédemment montré que c’est tout d’abord l’aspect santé qui a

préoccupé les organisations internationales et les a incité à mettre à l’agenda la lutte contre la

mortalité maternelle. Dans cette optique, c’est notamment l’OMS qui a joué un rôle

déterminant. Le propos de cette partie sera de montrer comment des instances internationales

qui ne sont pas spécialisées dans le secteur de la santé ont pu également aborder le sujet de

l’avortement lors de leurs conférences. Nous nous intéresserons donc à leur angle d’approche

et étudierons leur positionnement.

Lors de plusieurs conférences de l’Assemblée générale des Nations Unies, la question

de l’avortement, ou tout du moins de la reproduction et des droits qui y sont associés, a été

évoquée. Nous pouvons notamment citer les conférences sur les droits des femmes et celles

sur la population et le développement.

En 1968, a lieu la Conférence de Téhéran sur les droits de la personne. Il s’agit du

premier forum international à convenir que les parents ont le droit fondamental de déterminer

librement le nombre de leurs enfants ainsi que l’espacement de leur naissance44

. Il faut

cependant se garder d’interpréter trop largement cette affirmation. Les Nations Unies font

alors référence à l’accès à la contraception, dont l’avortement ne fait pas partie.

En 1974 a lieu la Conférence de Bucarest sur la population et le développement. Cette

conférence a affirmé que la planification familiale était un droit de tous les individus et de

tous les couples. Il est cependant intéressant de préciser que l’angle de compréhension

privilégié lors de cette conférence n’est pas le droit de femmes. L’utilisation du vocabulaire

« individus » et « couples » montre d’ailleurs que le débat ne se place pas sur le plan du droit

des femmes. D’ailleurs le plan d’action mondial sur la population de 1974 ne fait référence

aux femmes qu’une seule fois. Là encore il faut préciser que la planification familiale renvoie

à la contraception mais pas à l’avortement.

L’année suivante, en 1975, a lieu à Mexico la première Conférence mondiale sur les

femmes. Il a alors été reconnu que le droit à la planification familiale est un prérequis

nécessaire à l’égalité des sexes.

44

UNFPA, Etat de la population mondiale 2004, « Introduction »,

http://www.unfpa.org/swp/2004/francais/ch1/page5.htm

34

En 1984, s’est également tenue à Mexico la Conférence internationale sur la

population. Cette conférence a mis en lumière les larges besoins de planification familiale non

comblés parmi les couples qui souhaitent limiter le nombre de leurs enfants ou espacer leur

naissance mais ne peuvent pas avoir accès à la contraception. La conférence a également pris

note du fait que ces besoins allaient très probablement s’accroître rapidement dans les dix ans

à venir, du fait de l’augmentation du nombre de couples en âge de procréer.

En 1994, s’est tenue au Caire la Conférence sur la population et le développement.

L’ONU aborde alors clairement plusieurs questions relatives à la reproduction, dont

l’avortement. Cette conférence a adopté un programme d’action45

sur 20 ans dont le chapitre 7

est entièrement et exclusivement consacré aux droits et à la santé en matière de reproduction.

Les Nations Unies réitèrent de manière claire leur position quant à l’accès à la contraception.

Ainsi dans le chapitre 2 du plan d’action, le principe 8 définit les droits humains en matière de

reproduction. Il est clairement stipulé que « tout individu a le droit fondamental de décider

librement et en toute responsabilité du nombre de ses enfants et de l’espacement de leur

naissance, et de disposer de l’information, de l’éducation et des moyens voulus en la

matière ». Ainsi la possibilité de décider de son nombre d’enfants et de l’espacement de leur

naissance est reconnue comme un droit fondamental. L’accès à la planification familiale est

donc reconnu comme un droit humain. La nouveauté de ce texte est que l’ONU consacre un

paragraphe entier, l’article 8.25 du plan d’action, à la question de l’avortement. La position

exprimée est alors la suivante : « l’avortement ne devrait, en aucun cas, être promu en tant que

méthode de planification familiale ». L’ONU insiste donc sur la différence qui doit être faite

entre avortement et planification familiale. Par contre, « tous les gouvernements et les

organisations intergouvernementales et non gouvernementales intéressées sont vivement

invités à renforcer leur engagement en faveur de la santé de la femme, à traiter les

conséquences des avortements pratiqués dans de mauvaises conditions de sécurité en tant que

problème majeur de santé publique ». Ainsi, l’ONU réaffirme le devoir des Etats, en-dehors

de considérations légales ou morales, de prendre en charge les conséquences d’un avortement

raté. L’ONU estime en effet qu’il s’agit d’un problème de santé publique. Ainsi les questions

soulevées par l’OMS sont reprises au niveau de la Conférence des Nations Unies. L’ONU

prend également le parti de traiter la problématique médicale de l’avortement : la mortalité

maternelle suite à un avortement raté est un problème de santé publique auquel les Etats se

45

NATIONS UNIES, Rapport de la Conférence internationale sur la population et le développement, Le Caire,

5-13 septembre 1994, New York : Nations Unies, 1995, 200 pages

35

doivent de remédier. Par contre, l’ONU se défend de promouvoir la pratique de l’avortement.

Il ne s’agit pas d’indications d’ordre moral mais médical.

Enfin, la dernière conférence internationale fondamentale en matière de droits

reproductifs est la Conférence pour les droits des femmes qui s’est tenue à Beijing en 1995.

Elle a donné lieu à deux documents : la déclaration de Beijing et la plate-forme d’action de

Beijing46

. Dans la déclaration de Beijing, le dix-septième point stipule que « la reconnaissance

et la réaffirmation expresses du droit de toutes les femmes à la maîtrise de tous les aspects de

leur santé, en particulier leur fécondité, sont un élément essentiel du renforcement de leur

pouvoir d'action ». Ainsi l’accent est mis sur la maîtrise de la fécondité en tant que droit des

femmes. Dans la même déclaration, les Etats s’engagent, dans le point trente, à « améliorer la

santé en matière de sexualité et de procréation ainsi que l'éducation des femmes ». Comme

nous l’avons vu précédemment, l’amélioration de la santé en matière de sexualité et de

procréation passe notamment par la réduction des avortements pratiqués dans de mauvaises

conditions de sécurité. Cette déclaration insiste donc sur les droits des femmes en matière

reproductive mais reste relativement évasive. Elle réunit les acquis des conférences

précédentes dans le domaine. La plate-forme d’action de Beijing exprime de façon plus claire

les mesures à prendre pour atteindre les objectifs énoncés dans la déclaration. Il n’y a pas de

chapitre à proprement parler consacré aux droits reproductifs des femmes. Cet aspect est

abordé dans le chapitre IV sur les objectifs stratégiques et les mesures à prendre, plus

exactement au sein du point C relatif aux femmes et à la santé. Le paragraphe 94 donne une

définition de ce que se doit d’être la santé en matière de procréation. Elle est définie comme

suit : « la santé en matière de procréation est un état de bien-être total, tant physique que

mental et social, pour tout ce qui concerne l’appareil génital, ses fonctions et son

fonctionnement et non pas seulement l’absence de maladies ou d’infirmités ». Cette définition

est importante puisqu’elle n’insiste pas seulement sur l’aspect médical de la santé en matière

de procréation. En effet, elle considère qu’il s’agit également d’un état psychologique de bien-

être. La santé en matière de procréation ne s’évalue donc pas seulement par rapport à

l’absence de maladie physique. Elle inclut également un aspect mental et social. Ces deux

éléments sont explicités dans la suite du paragraphe : « elle suppose le droit de mener une vie

sexuelle satisfaisante en toute sécurité, et la liberté et la possibilité de décider si et quand on

veut avoir des enfants. Cela implique qu’hommes et femmes ont le droit d’être informés sur

les méthodes sûres, efficaces, abordables et acceptables de planification familiale et d’utiliser

46

NATIONS UNIES, Déclaration et programme d’action de Beijing, La quatrième conférence mondiale sur les

femmes, Beijing, 4-15 septembre 1995, 141 pages

36

celle qui leur convient ou toute autre méthode de régulation des naissances qui ne soit pas

illégale ». Ainsi la santé du point de vue mental et social implique la possibilité de décider

d’avoir ou non des enfants et, dans cette optique, d’avoir accès à des moyens de

contraception. Le droit à la planification familiale est reconnu comme un droit en matière de

santé. Il faut cependant noter la mention « qui ne soit pas illégale » qui rappelle la prudence

des Nations Unies, notamment par rapport au sujet de l’avortement. Ainsi la santé en matière

de reproduction ne peut être interprétée comme une incitation à modifier les lois en vigueur

dans les Etats.

La problématique de l’avortement est d’ailleurs explicitement abordée dans ce texte.

Ainsi le paragraphe 97 est en partie consacré à cette pratique. Il rappelle que les avortements

faits dans de mauvaises conditions sont un danger pour la santé des femmes et qu’il s’agit

d’un réel problème de santé publique. Les Nations Unies expliquent également comment

prévenir ce type de problème, notamment au-travers d’un accès plus facile à des services de

santé, à la planification familiale (la contraception) et à des soins obstétriques en cas

d’urgence. L’ONU insiste également sur la droit des individus à être informés concernant les

méthodes de planification familiale et de régulation des naissances mais toujours « qui ne soit

pas illégale ».

Dans la suite du texte, au niveau des mesures à prendre, le paragraphe 106) j) stipule la chose

suivante : les Etats doivent aujourd’hui « prendre conscience du fait que les séquelles des

avortements pratiqués dans de mauvaises conditions posent un problème majeur de santé

publique, et remédier à cette situation ».

Ainsi la plate-forme d’action de Beijing fait une synthèse des conférences qui l’ont

précédée. Elle formalise les droits des femmes en matière de reproduction. La planification

fait partie de ces droits. Elle rappelle le problème de santé publique représenté par les

avortements effectués dans de mauvaises conditions de sécurité et la nécessité pour les Etats

d’y remédier. L’ONU reste cependant prudente en ajoutant à chaque fois qu’il est question de

méthodes de régulation des naissances, la mention « qui ne soit pas illégale ».

Ainsi nous avons vu que le sujet de la planification familiale et même de l’avortement

a été central dans de nombreuses conférences des Nations Unies. Cela montre la prise de

conscience qui a eu lieu au niveau international quant aux conséquences des avortements

pratiqués dans de mauvaises conditions de sécurité. Ce phénomène est aujourd’hui considéré

comme une thématique de santé publique et à ce titre, les Nations Unies appellent les Etats à y

remédier. La position de l’ONU est cependant délicate. L’organisation a pour objet de

37

défendre les droits humains et ne peut donc pas rester muette sur une problématique de santé

publique, internationalement reconnue comme telle. Cependant il ne faut pas oublier que

l’ONU est composée d’Etats et doit donc exprimer une position qui soit consensuelle entre

ces différents acteurs. Le sujet de l’avortement est très polémique, nous l’avons déjà démontré

précédemment. L’ONU ne peut donc pas exprimer d’opinion tranchée sur cette question. Sa

position doit donc se résumer de la manière suivante : il est nécessaire de prendre en charge

les conséquences des avortements ratés, quelle que soit la législation en vigueur. Cependant

les Etats conservent une totale liberté de manœuvre quant à la définition de méthodes de

contraception ou d’interruption de grossesse qui soient légales. L’ONU insiste sur le fait que

l’accès à la planification familiale est un droit. En revanche elle ne définit jamais précisément

quelles sont les mesures de planification familiale qu’il faut prendre.

Ainsi le problème de santé posé par les avortements ratés a poussé l’ONU à se

prononcer sur la question au sein de plusieurs de ses assemblées. Cependant l’organisation ne

donne que des indications très générales et se garde d’entrer dans les détails sur lesquels les

différents Etats ne pourraient pas tomber d’accord.

Nous avons donc montré dans cette partie à quel point le sujet de l’avortement pouvait

être sensible. Il implique des acteurs diversifiés : en premier lieu les Etats, puisqu’eux seuls

ont le pouvoir d’élaborer des lois sur la question, mais également des puissances non-

étatiques à l’influence indéniable telles que les Eglises ou les ONG. La communauté

internationale s’est intéressée plus tard à cette question, quand les conséquences des

avortements pratiqués dans de mauvaises conditions de sécurité ont été reconnues comme un

problème de santé publique. Le sujet a donc été mis à l’agenda des Nations Unies mais les

opinions divergentes ne se sont pas estompées pour autant. Ainsi l’ONU s’est prononcée sur

quelques grandes lignes mais a toujours conservé une certaine prudence dans les formulations

employées et s’est surtout concentrée sur l’aspect médical du problème qui est difficilement

contestable.

Nous avons donc montré la manière dont une thématique nationale a pu émerger sur la

scène mondiale au-travers du prisme de la santé publique. Dans la partie suivante, nous

mettrons l’accent sur la manière dont est géré ce sujet au niveau international. Nous verrons

les grandes lignes de consensus mais également les divergences qui semblent insurmontables.

Cependant nous tenterons également d’identifier les évolutions qui sont à l’œuvre. Nous nous

interrogerons sur les grandes tendances mondiales relatives à la question de l’avortement.

38

Deuxième partie : la difficulté voire l’impossibilité de gérer la question au

niveau international

Nous nous sommes attachés, dans notre première partie, à montrer le processus qui a

mené à l’internationalisation du sujet de l’avortement. Cependant, les instances

internationales restent composées d’Etats, qui peuvent avoir, comme nous l’avons vu

précédemment, des positions opposées. Le propos de cette partie sera donc d’étudier la

manière dont la question peut être gérée alors même qu’il n’existe aucun consensus entre les

pays. La communauté internationale n’a eu d’autre choix que de mettre à l’ordre du jour de

plusieurs de ses conférences la thématique des avortements pratiqués dans de mauvaises

conditions de sécurité. En effet, la problématique de santé publique posée par ce phénomène

ne pouvait être ignorée et son ampleur était telle qu’elle nécessitait une prise en charge au

niveau international. Nous observerons donc les obstacles que peut rencontrer la communauté

internationale pour se prononcer sur cette question. Nous verrons comment elle gère ce

problème et les points de consensus qui ont pu être dégagés. Nous constaterons que bien

souvent, les instances internationales confient aux Etats le soin de décider des mesures à

adopter au niveau national. Enfin nous tenterons d’identifier les évolutions qui sont à l’œuvre

et les modifications qu’elles peuvent engendrer.

Chapitre 1 : la recherche du consensus

L’ONU est l’organisation qui représente le plus grands nombres d’Etats, de cultures

très différentes. Elle est donc l’instance où la difficulté de trouver un consensus est la plus

importante. Le sujet de l’avortement en présente une illustration assez parlante. Afin de

pouvoir prendre une quelconque décision, il est nécessaire d’arriver à dégager certaines idées

qui mettront l’ensemble des Etats d’accord. La tâche n’est pas aisée. Nous verrons donc tout

d’abord les points sur lesquels l’ONU réussit à s’accorder en ce qui concerne l’avortement.

Nous constaterons qu’ils sont peu nombreux. Puis nous étudierons, dans une deuxième partie,

la volonté affichée de laisser aux Etats une marge de manœuvre considérable voire absolue

pour la définition de leurs législations.

39

Section 1 : des positions consensuelles

Les Nations Unies prennent position sur certains points concernant l’avortement. Les

dispositions adoptées sont celles qui remportent l’adhésion d’une majorité des Etats. Sur un

sujet aussi polémique que celui de l’avortement, il s’agit donc des points les plus neutres.

Nous avons déjà évoqué précédemment l’article 8.25 de la conférence sur la population et le

développement qui a eu lieu au Caire en 1994. Il formule la position adoptée par l’ONU vis-à-

vis de l’avortement. Il est intéressant de rappeler ici l’ensemble de ce principe, qui est

fondamental pour notre sujet :

« L’avortement ne devrait, en aucun cas, être promu en tant que méthode de

planification familiale. Tous les gouvernements et les organisations intergouvernementales et

non gouvernementales intéressées sont vivement invités à renforcer leur engagement en

faveur de la santé de la femme, à traiter les conséquences des avortements pratiqués dans de

mauvaises conditions de sécurité en tant que problème majeur de santé publique et à réduire le

recours à l’avortement en étendant et en améliorant les services de planification familiale. La

plus haute priorité doit toujours être accordée à la prévention des grossesses non désirées et

tout devrait être fait pour éliminer la nécessité de recourir à l’avortement. Les femmes qui ont

des grossesses non désirées devraient avoir facilement accès à une information fiable et à des

conseils empreints de compréhension. Toute mesure ou toute modification relatives à

l’avortement au sein du système de santé ne peuvent être arrêtées qu’à l’échelon national ou

local conformément aux procédures législatives nationales. Dans les cas où il n’est pas

interdit par la loi, l’avortement devrait être pratiqué dans de bonnes conditions de sécurité.

Dans tous les cas, les femmes devraient avoir accès à des services de qualité pour remédier

aux complications découlant d’un avortement. Après un avortement, des services de conseil,

d’éducation et de planification familiale devraient être offerts rapidement, ce qui contribuera

également à éviter des avortements répétés47

».

Cet article résume donc l’ensemble de la position des Nations Unies sur la thématique

de l’avortement. Tout d’abord il affirme clairement que la planification familiale et

l’avortement sont deux choses distinctes. De cette manière, l’ONU peut s’exprimer en faveur

47

NATIONS UNIES, Rapport de la Conférence internationale sur la population et le développement, Le Caire,

5-13 septembre 1994, New York : Nations Unies, 1995, 200 pages

40

de la planification familiale sans se prononcer sur le sujet de l’avortement. Puis l’article

rappelle qu’il est du devoir des Etats de prendre en charge les conséquences des avortements

pratiqués dans de mauvaises conditions de sécurité. La formule reste cependant très peu

contraignante puisque les gouvernements « sont invités » à prendre les mesures nécessaires.

Les Nations Unies insistent cependant sur le fait qu’il s’agit d’un problème de santé publique

et qu’à ce titre il est indispensable de le prendre en charge. L’ONU se prononce également en

faveur d’une réduction du recours à l’avortement, notamment par l’amélioration des services

de planification familiale. Ainsi l’ONU met l’accent sur les différentes possibilités qui

permettent de réduire le nombre d’avortements. L’organisation ne se prononce donc pas

directement sur la pratique elle-même. Enfin, il est à nouveau rappelé que seuls les Etats ont

le pouvoir de décider de modifier leur législation concernant l’avortement. Les Nations Unies

souhaitent montrer par cette formule qu’ils laissent le pouvoir de décision aux Etats et ne

cherchent pas à leur imposer un quelconque changement dans leur législation. L’ONU fait

donc preuve d’une grande prudence dans sa manière de traiter le sujet de l’avortement.

Dans certains textes, l’OMS évoque des législations nationales qu’elle considère

comme entravant le progrès dans le domaine de la santé de la reproduction. Ainsi, dans un

document exposant sa stratégie pour accélérer les progrès en santé génésique, l’OMS exprime

le point de vue suivant au paragraphe 32 : « dans certains pays, la législation, la politique et la

réglementation peuvent bloquer l’accès aux services (en interdisant par exemple la

contraception aux personnes non mariées), restreindre inutilement le rôle du personnel de

santé (en interdisant par exemple aux sages-femmes d’effectuer des actes salvateurs tels que

le retrait du placenta), empêcher d’assurer certains services (comme l’octroi sans ordonnance

d’une contraception d’urgence) ou limiter l’importation de certains médicaments et

technologies essentiels. La levée de telles barrières faciliterait grandement l’accès aux

services48

». Ainsi l’OMS remet en question certaines législations qui d’après elle empêchent

l’accès aux services de santé. Cependant, l’OMS ne se prononce pas quant aux législations

concernant l’avortement.

Il est d’ailleurs possible de voir, au-travers de certaines formulations, que les

dispositions prises ont fait l’objet de nombreux débats. Ainsi, dans le paragraphe 7.3 du

48 ORGANISATION MONDIALE DE LA SANTE, Stratégie pour accélérer les progrès en santé génésique en

vue de la réalisation des objectifs et cibles de développement internationaux, Département Santé et Recherche

génésiques incluant le programme spécial PNUD/FNUAP/OMS/Banque mondiale de Recherche de

Développement et de Formation à la Recherche en Reproduction humaine, Genève, 2004

41

Rapport de la Conférence du Caire, on trouve la formule suivante : « les droits en matière de

procréation correspondent à certains droits de l’homme déjà reconnus dans des législations

nationales, des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et d’autres

documents pertinents des Nations Unies qui sont le fruit d’un consensus49

». Le paragraphe

insiste sur la notion de consensus concernant les droits en matière de procréation. L’utilisation

de cette formulation souligne l’importance de cette démarche. Les Nations Unies fonctionnent

donc sur ce sujet par consensus, ce qui est difficile étant donné les spécificités des différents

Etats. Malgré cette volonté, la virulence des débats transparait dans certains textes. Le corps

du texte des rapports des conférences exprime généralement l’entente finale qui a été dégagée.

Cependant, les notes de bas de page peuvent donner des indications intéressantes quant au

déroulement des débats. Ainsi, la note de bas de page de la page 2 des résolutions adoptées

par la Conférence du Caire fait la mention suivante : « la langue officielle du programme

d’action est l’anglais, à l’exception du paragraphe 8.25, qui a été négocié dans toutes les

langues de l’ONU50

». Pour mémoire, le paragraphe 8.25 est celui qui exprime la position de

l’ONU sur l’avortement. Le fait que ce paragraphe ait été négocié dans toutes les langues

montre l’importance capitale qu’il revêt pour les différents Etats. Ainsi chaque Etat a tenu à

ce que la formulation de ce paragraphe soit tout à fait claire dans sa propre langue pour éviter

toute dérive. L’aspect polémique et sensible du sujet de l’avortement est donc tout à fait

visible au-travers de cette note de bas de page. La grande implication des Etats dans les débats

sur le sujet transparait également.

Cependant l’implication des Etats n’est pas la seule à être mentionnée dans ce

document. Le chapitre VII est consacré aux droits et à la santé en matière de reproduction. Le

titre est cependant accompagné d’un astérisque qui renvoie à la note de bas de page suivante :

« le Saint-Siège a émis une réserve sur l’ensemble de ce chapitre51

». Nous avons déjà

précédemment expliqué que le Vatican dispose d’un statut d’observateur permanent aux

Nations Unies. Ainsi l’Eglise catholique s’implique également dans les débats au niveau de

l’ONU. D’ailleurs, il est plusieurs fois fait référence dans le document au rôle des croyances

et des religions. Ainsi, dans le paragraphe 1.15 issu du chapitre premier, il est possible de lire

la remarque suivante : « La mise en œuvre du présent programme nécessitera de définir les

bases d’action communes, en respectant pleinement les différentes valeurs religieuses et

49

NATIONS UNIES, Rapport de la Conférence internationale sur la population et le développement, Le Caire,

5-13 septembre 1994, New York : Nations Unies, 1995, 200 pages 50 NATIONS UNIES, Rapport de la Conférence internationale sur la population et le développement, Le Caire,

5-13 septembre 1994, New York : Nations Unies, 1995, 200 pages 51

Idem

42

éthiques et les diverses traditions culturelles52

». Ainsi le texte reconnait la prégnance des

valeurs religieuses ou culturelles dans le débat. C’est donc dans le respect de ces valeurs que

sont édictés les textes internationaux. Leur formulation nécessite donc une grande prudence

puisque les notions d’éthique et de morale peuvent être très différentes d’une religion à

l’autre, d’une culture à l’autre.

Cependant cette modération concerne principalement les passages relatifs à l’avortement. En

effet, dans l’article 7.21 issu du chapitre VII, on peut lire la phrase suivante dans la partie

consacrée aux mesures à prendre : « tous les responsables politiques et les dirigeants

communautaires sont instamment priés de promouvoir et de défendre publiquement et avec

constance et fermeté la fourniture et l’utilisation de services de planification familiale et de

santé en matière de reproduction53

». Ainsi l’ONU considère que le fait de favoriser l’accès à

la planification familiale ne peut ni être soumis à des croyances religieuses ni à des traditions.

Améliorer cet accès est un principe affirmé et compte comme une mesure à prendre.

Ainsi, si la planification familiale fait consensus et que les mesures à prendre incitent

vivement à favoriser son accès, le cas de l’avortement est bien différent. Si l’ONU se

prononce explicitement sur le cas de la contraception, sa position sur l’avortement reste plus

neutre et floue. Le point qui fait réellement consensus et de ce fait est clairement exprimé est

celui de la prise en charge médicale des avortements pratiqués dans de mauvaises conditions

de sécurité. En effet, l’ONU considère qu’il s’agit d’un problème de santé publique. Sa

résolution ne saurait donc être soumise aux croyances religieuses ou traditionnelles.

Le second point qui fait clairement consensus est le fait de laisser à l’appréciation des Etats

les décisions législatives concernant l’avortement. Nous nous intéresserons plus

particulièrement à ce point dans la partie suivante.

52

NATIONS UNIES, Rapport de la Conférence internationale sur la population et le développement, Le Caire,

5-13 septembre 1994, New York : Nations Unies, 1995, 200 pages 53

Idem

43

Section 2 : la volonté de laisser la question à l’appréciation des Etats

Une caractéristique commune à tous les textes internationaux concernant l’avortement,

qu’ils émanent de l’ONU ou de l’OMS, est qu’ils font constamment référence au rôle majeur

joué par les Etats dans le débat et la prise de décision finale.

Ainsi, tout au long du Rapport de la Conférence internationale sur la population et le

développement qui a eu lieu au Caire en 1994, on trouve des références aux législations

nationales. Pour citer un exemple, dans l’article 7.2 du chapitre VII, on trouve la phrase

suivante : « hommes et femmes ont le droit d’être informés et d’utiliser la méthode de

planification familiale de leur choix, ainsi que d’autres méthodes de leur choix de régulation

des naissances qui ne soient pas contraires à la loi ». L’article 8.25, comme nous l’avons déjà

remarqué, indique que « toute mesure ou toute modification relatives à l'avortement au sein

du système de santé ne peuvent être arrêtées qu'à l'échelon national ou local conformément

aux procédures législatives ».

On retrouve ce type de formulation dans la déclaration et le programme d’action de la

Conférence de Beijing sur les femmes qui a eu lieu en 1995. Une bonne illustration est

l’article 94, issu de l’objectif stratégique B.6 qui vise à promouvoir un processus d’éducation

et de formation permanentes à l’intention des filles et des femmes, dans la partie C consacrée

aux femmes et à la santé. La formule alors consacrée est « méthode de régulation des

naissances qui ne soit pas illégale ». Ainsi la prééminence des législations nationales est

constamment affirmée et réaffirmée dans les textes internationaux. Les Etats disposent du

pouvoir de décision quant aux législations relatives à l’avortement en vigueur sur leur

territoire.

Les Etats se chargent d’ailleurs souvent de rappeler leur suprématie en la matière.

Ainsi, un exemple intéressant à étudier est celui des Etats-Unis lors de la 49e session de la

« Commission de la condition de la femme » qui a eu lieu en 2005 et correspond également à

Beijing + 10. Le but de la session était d’évaluer, avec un recul de 10 ans, la plate-forme

d’action mise en place lors de la conférence de Beijing. Un organe important dans la

protection des droits des femmes au niveau international est la CSW ou « Commission on the

Status of Women » ou encore en français « Commission de la condition de la femme ». Il

s’agit d’un organe de l’ECOSOC, le Conseil Economique et Social des Nations Unies,

l’organe principal de coordination des activités économiques et sociales de l’ONU. Ce dernier

44

poursuit les objectifs suivants : « promouvoir une élévation du niveau de vie, le plein emploi

et le progrès économique et social ; trouver des solutions aux problèmes économiques,

sociaux et sanitaires internationaux ; faciliter la coopération internationale dans les domaines

de la culture et de l’éducation ; favoriser le respect effectif des droits de l’homme et des

libertés fondamentales54

». Dans ce cadre, la CSW est chargée des politiques relatives aux

droits des femmes. Ses activités recouvrent notamment l’évaluation des progrès effectués

dans le domaine de l’égalité des sexes ainsi que l’impulsion de politiques visant à promouvoir

la similarité des droits entre hommes et femmes et l’émancipation de ces dernières dans le

monde entier55

. Lors de la 49e session de la « Commission de la condition de la femme », le

Bureau de la CSW a soumis, dans le but d’obtenir leur approbation, un projet de déclaration

politique aux représentants des différents Etats. Les principaux points abordés étaient les

suivants : renouveler les engagements pris durant la Conférence de Beijing, la nécessité de

respecter la Conventions sur l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, la

nécessité d’insérer une réflexion sur l’égalité des sexes dans l’évaluation de la déclaration du

Millénaire. Les Etats-Unis ont alors déposé un amendement qui a fait grand bruit. Ils

souhaitaient en effet ajouter à la déclaration une mention concernant les documents précités,

précisant qu’ « ils ne créent pas de nouveaux Droits de l’Homme internationaux, et qu’ils ne

comprennent pas le droit à l’avortement56

». Seul le Vatican a soutenu les Etats-Unis dans leur

démarche et la déclaration a finalement été adoptée sans l’amendement. Cependant plusieurs

Etats ont fait par la suite des déclarations réaffirmant le fait que la déclaration de Beijing n’a

pas de pouvoir contraignant et ne crée pas de nouveau droit. Si aucun Etat à part le Vatican ne

soutient les Etats-Unis dans la mention relative à l’avortement, plusieurs pays dont l’Islande,

le Panama, le Mexique et le Nicaragua déclarent également lors de la 49e session de la

« Commission de la condition de la Femme » que les documents ne créent pas de nouveau

droit57

.

Cet exemple est intéressant puisque même si l’amendement n’a finalement pas été

adopté, le fait qu’il ait été proposé montre la volonté des Etats de garder la main mise sur les

54

LA FRANCE A L’ONU, LA REPRESENTATION PERMANENTE DE LA FRANCE AUPRES DES

NATIONS UNIES A NEW YORK, Le Conseil Economique et Social (ECOSOC),

http://www.franceonu.org/la-france-a-l-onu/l-organisation-des-nations-unies/le-systeme-des-nations-

unies/article/le-conseil-economique-et-social 55

U.N. WOMEN, UNITED NATIONS ENTITY FOR GENDER EQUALITY AND THE EMPOWERMENT

OF WOMEN, Commission on the Status of Women,

http://www.un.org/womenwatch/daw/csw/ 56

DELEGATION DE LA BELGIQUE A LA 49e CSW, « BEIJING + 10 » Rapport de la 49

e session de la

« Commission de la condition de la femme », New York, 28 février-11 mars 2005 57

DELEGATION DE LA BELGIQUE A LA 49e CSW, « BEIJING + 10 » Rapport de la 49

e session de la

« Commission de la condition de la femme », New York, 28 février-11 mars 2005

45

législations nationales relatives à l’avortement. Ainsi les textes internationaux tels que la

déclaration de Beijing ne peuvent créer de nouveaux droits qui s’imposeraient au niveau des

pays.

Nous pouvons donc cerner ici une double dynamique. Au niveau des instances

internationales tout d’abord (qui sont composées d’Etats, il ne faut pas l’oublier), il y a une

volonté constante de renvoyer les thématiques de législation relative à l’avortement à

l’appréciation des Etats. Ainsi, tous les textes qui abordent le sujet nuancent leur propos par

des expressions du type « conformément aux procédures législatives » ou « qui ne soit pas

illégale ». Ensuite, au niveau des Etats eux-mêmes, certains expriment clairement lors des

réunions internationales leur volonté de rester maîtres des règles nationales concernant

l’avortement. La réaction des Etats Unis lors de la 49e session de la « Commission de la

condition de la femme » incarne cette dynamique.

Ainsi il y a au niveau international un réel consensus quant au fait que les textes issus

des grandes conférences mondiales ne sauraient avoir le pouvoir de modifier les lois internes

aux Etats concernant l’avortement. Le sujet touche en effet à la culture, à l’éthique même des

pays et est donc déterminé, en dernier lieu, à l’échelon national. La communauté

internationale ne se prononce donc que sur les points faisant consensus ; ils sont peu

nombreux dans le domaine de l’avortement. Nous pouvons en identifier deux : le fait de

prendre en charge les conséquences d’un avortement raté et le fait de laisser aux Etats le

pouvoir de déterminer librement leur législation quant à l’avortement.

Dans la partie suivante nous chercherons à identifier les grandes tendances qui

pourraient déterminer la position de la communauté internationale sur notre sujet dans

l’avenir. En effet, certaines décisions, certains textes, même s’ils n’ont pas de valeur

contraignante, laissent entrevoir des évolutions.

46

Chapitre 2 : du refus de se prononcer aux timides prises de position

Nous nous sommes concentré jusqu’ici sur des instances internationales qui, comme

nous l’avons démontré précédemment n’ont pas et ne veulent pas avoir de pouvoir coercitif. Il

est temps de nous interroger sur les institutions pouvant prendre des décisions qui s’imposent

aux personnes concernées. C’est le cas de la Cour européenne des Droits de l’Homme dont les

décisions s’imposent aux Etats. Cependant nous accorderons également un grand intérêt à

certaines instances qui ne disposent pas d’un pouvoir coercitif mais ont une capacité

d’influence très importante. Nous étudierons donc certaines résolutions qui ont pu être prises

par le Conseil de l’Europe, le Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU ou encore le

Parlement Européen. Si ces résolutions n’ont pas de pouvoir contraignant, ces institutions

conservent un grand pouvoir d’influence et peuvent donc amener les comportements voire les

législations à changer. De plus, nous pouvons déceler de grandes tendances au-travers de ces

institutions qui peuvent se prononcer plus facilement sur le sujet de l’avortement puisqu’il ne

s’agit que d’un avis consultatif.

Le propos de cette partie sera donc de tenter d’étudier les évolutions des positions des

instances internationales concernant la thématique de l’avortement. Nous observerons ces

évolutions de deux manières. Tout d’abord nous verrons comment les instances coercitives

peuvent se prononcer sur le sujet, sachant que leur décision doit être suivie alors même que

tous les Etats ne partagent pas la même opinion sur le sujet de l’avortement. Ensuite nous

étudierons plus en détails les positions des instances non coercitives, plus libres dans leur

discours puisque ne liant pas le destinataire. Nous nous interrogerons alors sur les grandes

directions que semble prendre la communauté internationale sur le sujet de l’avortement.

Section 1 : difficulté voire refus de se prononcer

Dans un premier temps, nous étudierons donc plus en détails le cas de la Cour

européenne des Droits de l’Homme, qui a été saisie à plusieurs reprises sur des questions

relatives à l’avortement. Tout d’abord il est intéressant de rappeler brièvement les principales

composantes de la Cour européenne des Droits de l’Homme. Elle a siégé pour la première fois

en 1959. Elle peut se prononcer sur des requêtes individuelles ou étatiques qui dénonceraient

des violations des droits civils et politiques protégés par la Conventions européenne des

Droits de l’Homme (ou Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés

fondamentales). Ses arrêts sont obligatoires pour les Etats concernés. Elle siège à Strasbourg

47

et a pour but de faire respecter les Droits de l’Homme dans les Etats membres du Conseil de

l’Europe, au nombre de 47, ayant ratifié la Convention européenne des Droits de l’Homme58

.

La Convention européenne des Droits de l’Homme a été élaborée au sein du Conseil de

l’Europe. Elle a été ouverte à la signature à Rome le 4 novembre 1950 puis est définitivement

entrée en vigueur en septembre 1953.

Nous nous intéresserons également dans cette partie à certains arrêts pris par la

Commission européenne des Droits de l’Homme. La Convention européenne des Droits de

l’Homme consacre deux éléments distincts : en premier lieu des droits et des libertés, mais

également un mécanisme ayant pour fonction de garantir le respect par les Etats de ces

dispositions. A l’origine, trois institutions étaient responsables de ce contrôle : la Commission

européenne des Droits de l’Homme, la Cour européenne des Droits de l’Homme et le Comité

des ministres du Conseil de l’Europe (composé des ministres des Affaires étrangères des Etats

membres ou, le cas échéant, de leurs représentants). Le Protocole n° 11 adopté en 1994 et

entré en vigueur le 1er

novembre 1998 a totalement modifié le système de contrôle des droits.

La Commission a alors disparu tandis qu’une nouvelle Cour siégeant à plein temps a été

instituée. La nouveauté de cette Cour est que les requérants individuels peuvent lui soumettre

leur cause sans passer par un quelconque intermédiaire. En outre, il a été décidé que le

pouvoir décisionnel du Comité des ministres dans le traitement des requêtes était supprimé59

.

Ainsi, dans cette partie, nous ferons également référence à certains arrêts de la Commission

européenne des Droits de l’Homme dans le cadre d’affaires qui ont eu lieu avant 1998.

Il est intéressant de prendre en compte la Cour européenne des Droits de l’Homme

dans le traitement de notre sujet, d’une part, nous l’avons déjà expliqué, parce qu’elle a été

amenée à plusieurs reprises à se prononcer sur des affaires relatives à l’avortement. De plus,

comme nous l’avons vu, elle se charge de faire respecter les droits établis par la Convention

européenne des Droits de l’Homme. Il est intéressant de rappeler ici l’article 2 de cette

convention, que nous avons déjà évoqué dans notre introduction. Pour mémoire, le texte de

cet article est le suivant : « le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne

peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d’une sentence capitale

58

COUR EUROPENNE DES DROITS DE L’HOMME, La cour en bref, Conseil de l’Europe 59

FRANCE DIPLOMATIE, Cour européenne des droits de l’Homme, présentation, 7 Janvier 2011,

http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/enjeux-internationaux/justice-internationale/contentieux-international/cour-

europeenne-des-droits-de-l/

48

prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi60

. » La grande

question posée par cet article est celle de son application à l’embryon. Les interprétations

divergent à ce propos. Nous verrons comment la Cour européenne des Droits de l’Homme et

la Commission européenne des Droits de l’Homme se positionnent sur le sujet.

Le premier arrêt particulièrement significatif que nous pouvons citer est l’affaire

Bruggeman et Scheuten contre République Fédérale d’Allemagne qui a été traitée par la

Commission61

. Il faut tout d’abord présenter un article de la Convention européenne des

Droits de l’Homme particulièrement significatif dans cette affaire. Il s’agit de l’article 8,

relatif à la protection de la vie privée. Son texte exact est le suivant :

« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et

de sa correspondance.

2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour

autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une

société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être

économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la

protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui62

».

Cet article vise donc à protéger la vie privée des citoyens des ingérences de l’Etat. Dans

l’affaire en question, plusieurs femmes remettaient en question, en vertu de l’article 8, la

décision de la Cour constitutionnelle allemande visant à limiter le recours à l’avortement.

Dans cette décision, la Commission a fait la remarque suivante : « l’on ne saurait dire que la

grossesse relève uniquement du domaine de la vie privée. Lorsqu’une femme est enceinte, sa

vie privée devient étroitement associée au fœtus qui se développe » (p. 138, § 59). Cependant

la Commission est restée très prudente dans ses conclusions. Elle a en effet estimé qu’il

n’était pas nécessaire « d’examiner, à ce propos, si l’enfant à naître doit être considéré comme

une « vie » au sens de l’article 2 de la Convention, ou s’il doit être considéré comme une

entité qui puisse, sur le plan de l’article 8 par. 2, justifier une ingérence pour la protection

d’autrui » (p. 138, § 60). La Commission a finalement conclu à une absence de violation de

60

CONSEIL DE L’EUROPE, Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés

Fondamentales, Rome, 4 Novembre 1950, 65 pages 61

LEPAGE Corinne, Présidente de CAP21, Droits des femmes et constitution européenne 62

CONSEIL DE L’EUROPE, Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés

Fondamentales, Rome, 4 Novembre 1950, 65 pages

49

l’article 2. Ainsi la Commission reste plutôt floue dans son interprétation, refusant de qualifier

l’embryon, que ce soit au regard de l’article 2 ou de l’article 8. Elle refuse cependant

d’admettre la violation de l’article 2 dans ce cas de figure.

Une autre affaire particulièrement significative est la décision de la Commission

n°8416/79 datant du 13 Mai 1980 intitulée X. contre Royaume-Uni. La Commission a alors

estimé que le terme « toute personne » employé dans plusieurs articles de la Convention ne

pouvait être appliqué avant la naissance. Elle a également remarqué que la vie du fœtus est

liée à celle de la femme et de ce fait ne peut pas être considérée isolément. Elle a justifié ce

point de vue de la manière suivante : si la portée de l’article 2 s’étend au fœtus et que sa

protection est absolue, cela signifierait que l’avortement ne peut être pratiqué même si la

poursuite de la grossesse mettait en péril la vie de la femme enceinte. La vie du fœtus serait

alors considérée comme prioritaire sur celle de la mère. La Commission explique également

qu’elle retient cette solution puisqu’en 1950, lors de la signature de la Convention européenne

des Droits de l’Homme, la quasi-totalité des parties contractantes autorisait l’avortement s’il

était absolument nécessaire pour sauver la vie de la mère. Ainsi la Commission refuse de

reconnaitre une application absolue de l’article 2 au fœtus63

.

Enfin, la dernière affaire significative est l’affaire H. contre Norvège qui correspond à

une décision de la Commission du 19 mai 1992. La Commission a alors estimé « n’avoir pas à

décider du point de savoir si le fœtus peut bénéficier d’une certaine protection au regard de la

première phrase de l’article 2 ». La nouveauté de cette décision est que la Commission

affirme que dans un domaine aussi délicat et polémique, les Etats doivent jouir d’un certain

pouvoir discrétionnaire64

. Ainsi cette affaire rappelle non seulement la prudence de la

Commission quant à l’interprétation de l’article 2 mais également la suprématie des Etats dans

le domaine de l’avortement.

La Cour européenne des Droits de l’Homme a elle aussi été par la suite confrontée à

des affaires relatives au recours à l’avortement. Nous pouvons notamment citer l’arrêt Open

Door and Dublin Well Woman qui a été rendu le 29 octobre 1992. Le Gouvernement irlandais

mettait alors en avant la protection de la vie de l’enfant non encore né pour justifier sa

législation interdisant la diffusion d’informations concernant les avortements pratiqués à

l’étranger. La Cour n’a pas jugé pertinent, dans cette affaire, de se prononcer sur le fait que la

Convention garantit le droit à l’avortement ou bien si le droit à la vie qu’elle protège est

63

LEPAGE Corinne, Présidente de CAP21, Droits des femmes et constitution européenne 64

Idem

50

applicable au fœtus65

. Ainsi la cour refuse de se prononcer sur cette question et préfère la

renvoyer à l’appréciation des Etats.

Dans l’affaire Vo contre France, qui date du 8 juillet 2004, la Cour a jugé que dans ce

cas en particulier, l’avortement ménageait un juste équilibre entre l’intérêt de la femme

enceinte et la nécessité d’assurer une protection pour le fœtus. Dans ces circonstances, elle a

refusé de reconnaitre une violation de l’article 266

.

Le dernier arrêt de la Cour européenne des Droits de l’Homme est l’arrêt A. B. et C.

contre Irlande datant du 16 novembre 2010. Comme nous l’avons expliqué dans notre

introduction, l’Irlande pratique une législation extrêmement restrictive en ce qui concerne

l’avortement. Cette pratique est autorisée uniquement si la vie de la mère est en danger. Dans

cet arrêt, la Cour condamne l’Irlande pour l’imprécision de sa législation sur l’avortement

mais lui reconnait le droit de pratiquer librement une législation très restrictive. Elle refuse

une fois encore de se prononcer sur le droit à l’avortement ou le droit à la vie au regard de

l’article 2 de la convention67

.

L’attitude de la Cour et de la Commission européenne des Droits de l’Homme illustre

la difficulté d’aborder le sujet de l’avortement au niveau international. En effet, le point

brulant du débat est le fait de déterminer si l’embryon peut être considéré comme une vie et à

partir de quel moment. Justement sur cette question-là les deux instances refusent

catégoriquement de se prononcer. Elles contournent la question en se bornant à se prononcer

sur des points périphériques et renvoient à l’appréciation des Etats la résolution de ce

problème. Les instances internationales se retrouvent donc confrontées à bien des difficultés

quand elles doivent se positionner sur des sujets aussi délicats et polémiques. De plus, le fait

que ces deux instances disposent d’un pouvoir coercitif entrave dans une certaine mesure leur

liberté de parole. En effet, leurs décisions étant destinées à s’appliquer aux Etats, elles se

doivent donc de respecter les divergences d’opinions qui peuvent exister entre les différents

pays signataires de la Convention européenne des Droits de l’Homme. Cette dernière protège

le droit à la vie mais reste très floue sur la portée de celui-ci (ce qui semble naturel puisqu’elle

a été élaborée par des Etats qui en ont des conceptions très différentes). La Cour et la

Commission se retrouvent donc dans une position délicate quand elles doivent appliquer cette

65

LEPAGE Corinne, Présidente de CAP21, Droits des femmes et constitution européenne 66

Idem 67

LE MONDE.FR, Europe, « Avortement : la Cour européenne des droits de l'homme condamne l'Irlande », 16

décembre 2010,

http://www.lemonde.fr/europe/article/2010/12/16/avortement-la-cour-europeenne-des-droits-de-l-homme-

condamne-l-irlande_1454389_3214.html

51

convention. Elles refusent donc volontairement de se prononcer sur la portée de l’article 2

concernant le sujet de l’avortement.

Certaines institutions, ne disposant pas d’un pouvoir contraignant peuvent donc plus

facilement émettre des recommandations. Nous nous pencherons sur le cas de ces institutions

dans la partie suivante.

Section 2 : timides prises de position

Nous avons jusque-là pu constater la grande prudence des institutions internationales

par rapport au sujet de l’avortement. L’illustration la plus parlante est le cas des instances qui

disposent d’un pouvoir contraignant comme la Cour européenne des Droits de l’Homme par

exemple. La question que nous sommes donc amenés à nous poser est de savoir si la

communauté internationale est réellement aussi neutre sur la question que ce qu’elle veut bien

montrer. A cette fin nous étudierons certaines prises de position, marginales et dépourvues de

pouvoir coercitif, mais peut-être révélatrices d’une pensée plus globale.

Tout d’abord, nous allons nous intéresser au Conseil de l’Europe, et plus

particulièrement à la résolution 1607 datant de 2008 prise par l’Assemblée parlementaire. Il

est intéressant avant toute chose de présenter un peu plus en détails l’Assemblée

parlementaire du Conseil de l’Europe. Elle se compose de délégations de parlementaires issus

des 47 Etats membres. Il s’agit d’un organe de dialogue, d’échange et de diplomatie

parlementaire. L’Assemblée peut s’exprimer de différentes manières : elle peut émettre des

recommandations qui sont adressées au Comité des ministres, des résolutions par lesquelles

elle exprime un vœu ou des avis sur demande du Comité des ministres. Elle exerce également

une « magistrature d’influence » en donnant des avis sur la bonne application des valeurs et

principes du Conseil de l’Europe ou bien sur le respect des Droits de l’Homme68

. Ainsi il ne

s’agit pas d’un organe disposant d’un pouvoir coercitif. Ses avis, recommandations ou

résolutions ne peuvent qu’au mieux influencer les autres organes et en aucun cas contraindre

les Etats. Cependant, son pouvoir d’influence est indéniable et les avis exprimés sont le reflet

du dialogue entre les différentes délégations.

La résolution 1607 a pour titre « accès à un avortement sans risque et légal en

Europe ». L’assemblée se déclare préoccupée par le fait que dans de nombreuses régions, la

68

ASSEMBLEE NATIONALE, L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe,

http://www.assemblee-nationale.fr/international/conseil-europe/presentation.asp

52

possibilité d’avorter sans risque et à un coût abordable soit restreinte. L’Assemblée fait

remarquer le caractère profondément discriminatoire de pareilles mesures. Puis elle se fait

plus affirmative : « l’Assemblée considère que l’avortement ne doit pas être interdit dans les

délais de gestation raisonnables ». Ainsi, l’Assemblée se prononce clairement en faveur de la

légalisation de l’avortement dans un certain délai. La formulation « délai raisonnable » reste

cependant floue et peut beaucoup varier d’un Etat à l’autre. L’Assemblée poursuit en

constatant que « la légalité de l’avortement n’a pas d’effet sur le besoin de la femme de

recourir à l’avortement, mais seulement sur l’accès pour celle-ci à un avortement sans

risque ». L’Assemblée va ensuite plus loin en affirmant « le droit de tout être humain, en

particulier des femmes, au respect de son intégrité physique et à la libre disposition de son

corps. Dans ce contexte, le choix ultime d’avoir recours ou non à un avortement devrait

revenir à la femme, qui devrait disposer des moyens d’exercer ce droit de manière effective ».

L’Assemblée utilise explicitement le terme « droit » pour parler de l’avortement. Son point de

vue est donc sans équivoque, elle considère l’avortement comme un droit et en ce sens

condamne les législations qui l’interdisent. Par la suite l’Assemblée invite les Etats membres

à dépénaliser l’avortement en deça d’un certain délai et à lever les restrictions qui sont

susceptibles d’entraver l’accès à l’avortement en toute sécurité. Le terme « invite » rappelle

que cette résolution n’a pas de pouvoir contraignant69

.

Cependant, même s’il n’est pas coercitif, ce texte a le mérite d’avoir été adopté au sein

d’une institution représentant 47 Etats. Ainsi, il est révélateur qu’un texte aussi affirmatif ait

pu recueillir l’adhésion de la majorité des Etats membres. L’on peut y voir une tendance

plutôt favorable à la dépénalisation de l’avortement. Il est cependant important d’apporter

certaines nuances. Tout d’abord, les pays membres du Conseil de l’Europe sont

principalement européens, même si le Canada, le Mexique ou encore le Maroc sont

observateurs au sein de l’Assemblée parlementaire. Ainsi, il ne s’agit pas d’une tendance

mondiale, mais tout au plus d’une tendance européenne. Et même dans le cadre du Conseil de

l’Europe, comme nous l’avons précédemment vu, les organes disposant d’un pouvoir coercitif

refusent de suivre cette tendance. Cependant ce texte a tout de même le mérite de montrer que

les débats entre tous les membres au sein d’un organe de discussion ont mené à se prononcer

favorablement en ce qui concerne la dépénalisation de l’avortement. Nous pouvons donc en

déduire qu’en Europe tout du moins, la majorité des Etats y est favorable. Il ne faut pas non

plus négliger le pouvoir d’influence de l’Assemblée parlementaire qui peut peser sur les

69

ASSEMBLEE PARLEMENTAIRE DU CONSEIL DE L’EUROPE, Résolution 1607, Accès à un avortement

sans risque et légal en Europe, 16 avril 2008

53

décisions prises au sein des organes coercitifs ou sur les politiques des Etats. Enfin,

l’Assemblé parlementaire, au-travers du conseil de l’Europe, a pour but de protéger les Droits

de l’Homme. Il est donc particulièrement fort symboliquement qu’elle reconnaisse l’accès à

l’avortement comme un droit.

Au niveau de l’Union Européenne, qui elle n’implique que des Etats européens, le

sujet de l’avortement a également pu être abordé. En effet, le Parlement européen a pris le 3

juillet 2002 une résolution en ce sens : résolution du Parlement européen sur la santé et les

droits sexuels et génésiques (2001/2128(INI))70

. Cette résolution n’a pas de pouvoir

contraignant cependant elle exprime le point de vue du Parlement européen sur l’avortement.

Ce dernier explique alors qu’il « recommande, pour protéger la santé et les droits génésiques

des femmes, que l'avortement soit légalisé, sûr et accessible à tous ». Cette résolution a été

votée à 280 voix contre 24071

, ce qui montre que le sujet divise particulièrement. Ainsi, au

niveau de l’Union Européenne, la tendance majoritaire, même s’il s’agit d’une faible majorité

est à la légalisation de l’avortement.

Nous avons déjà consacré une partie de notre réflexion au positionnement de l’ONU

par rapport à l’avortement. Ses décisions sont en effet particulièrement significatives puisqu’il

s’agit de l’organisation regroupant le plus grand nombre d’Etats. Nous avons constaté que

l’assemblée générale de l’ONU se borne souvent à renvoyer la question de l’avortement à

l’appréciation des Etats et à souligner la nécessité de prendre en charge les conséquences d’un

avortement effectué dans de mauvaises conditions de sécurité. Nous allons cependant étudier

dans cette partie certains textes édictés par des institutions appartenant à l’ONU et nous

analyserons également certaines remarques présentes dans des rapports émanant de

l’Assemblée générale. Nous verrons alors que transparaissent certaines prises de position,

même si elles n’ont jamais de valeur contraignante. Notre première remarque portera sur le

programme d’action pris à la suite de la Conférence de Beijing sur les femmes en 1995. Dans

la partie « objectifs stratégiques et mesures à prendre », au sein de l’objectif stratégique C.1

intitulé « Élargir l’accès des femmes tout au long de leur vie à des soins de santé, à

l’information et à des services connexes adaptés, abordables et de bonne qualité », le

paragraphe 8.25 du programme d’action de la Conférence sur la population et le

70

PARLEMENT EUROPEEN, Résolution du Parlement européen sur la santé et les droits sexuels et génésiques

(2001/2128(INI)), 3 juillet 2002 71

AVORTEMENT-INTERRUPTION DE GROSSESSE : POUR LE DROIT AU LIBRE CHOIX, Le Parlement

européen et le Conseil de l'Europe demandent la légalisation de l'avortement,

http://www.svss-uspda.ch/fr/facts/parl_ue.htm

54

développement est cité. Pour mémoire, il s’agit du paragraphe relatif à l’avortement. Juste

après cette citation, la mesure suivante est proposée : « envisager de réviser les lois qui

prévoient des sanctions contre les femmes en cas d’avortement illégal72

». La première

remarque à faire est que d’une part le texte ne peut pas avoir de valeur contraignante, comme

les Etats-Unis ont tenu à le souligner dans leur proposition d’amendement que nous avons

étudiée précédemment. De plus, la formulation se veut particulièrement peu impérative avec

l’utilisation du verbe « envisager ». Il ne s’agit donc pas d’une directive mais plutôt d’un

souhait. Cependant, il est tout de même intéressant que cette phrase ait été indiquée dans le

programme d’action de la Conférence. En effet, cela aurait tendance à indiquer que la

majorité des Etats serait favorable à une dépénalisation de l’avortement. Auquel cas

l’avortement resterait illégal mais les femmes qui y ont recours ne seraient pas poursuivies.

Cette remarque montre que globalement, les Etats membres de l’ONU sont plutôt

défavorables aux sanctions prises à l’égard des femmes qui avortent. Ainsi, les législations qui

prévoient des sanctions ne sont pas directement condamnées mais l’Assemblée générale

estime qu’elles pourraient être assouplies. Il est important de souligner cette phrase

puisqu’elle met en lumière une certaine tendance d’opinion au sein de l’ONU.

D’autres instances de l’ONU, moins connues et représentatives ont également pu

prendre position sur le sujet de l’avortement et notamment sur les législations très restrictives.

Nous prendrons l’exemple du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Droits de

l’Homme (HCDH) et de sa prise de position quant à la législation concernant l’avortement au

Nicaragua. Tout d’abord, concernant le HCDH, il s’agit du bureau des Nations Unies chargé

de promouvoir les Droits de l’Homme. Il fait tout un travail de recherche, d’identification des

problèmes, de proposition de solutions dans ce domaine. Il fournit une assistance technique

aux gouvernements en ce qui concerne l’administration de la justice ainsi que dans les

réformes de la législation et du processus électoral. Le but de l’organisme est d’assister les

Etats dans l’application sur leur territoire des normes internationales des Droits de

l’Homme73

. En dehors du HCDH le système des Nations Unies pour la promotion et la

protection des Droits de l’Homme comporte deux types d’organismes : les organes de la

Charte des Nations Unies (le Conseil des Droits de l’Homme), et les organes créés d’après les

traités internationaux des Droits de l’Homme. Ces organes sont assistés dans leurs activités

72

NATIONS UNIES, Déclaration et programme d’action de Beijing, La quatrième conférence mondiale sur les

femmes, Beijing, 4-15 septembre 1995, 141 pages 73

NATIONS UNIES, DROIT DE L’HOMME, HAUT-COMMISSARIAT AUX DROITS DE L’HOMME, Nos

activités,

http://www.ohchr.org/FR/AboutUs/Pages/WhatWeDo.aspx

55

par le HCDH. Il existe 9 organes créés au nom des traités internationaux, dont le Comité

contre la Torture, le Comité pour l'élimination de la discrimination envers les femmes, le

Comité des Droits de l'Homme et le Comité des droits économiques, sociaux et culturels74

. Le

HCDH mène donc des études dans les différents pays afin de faire un état des lieux de la

situation des Droits de l’Homme. En ce qui concerne le sujet de l’avortement, la situation au

Nicaragua a été étudiée avec attention. Plusieurs organes créés au nom des traités ont

considéré que la situation est problématique. Pour résumer rapidement la situation, le Code

pénal révisé, entré en vigueur au Nicaragua en juillet 2008, prévoit des peines

d’emprisonnement pour les femmes qui solliciteraient un avortement ainsi que pour les

professionnels de santé qui accèderaient à leur requête. L’interdiction de l’avortement

s’applique également lorsque la vie de la femme est en péril ou lorsque la grossesse est le

résultat d’un viol ou d’un inceste75

. Le Comité contre la torture fait la remarque suivante :

« L'incrimination de l'avortement - y compris l'avortement thérapeutique - par la Constitution

nicaraguayenne a été relevée par plusieurs experts comme étant contraire aux Droits de

l'Homme et aux dispositions de plusieurs traités et conventions auxquels le Nicaragua est

partie76

». D’autres Comités rejoignent ce point de vue : le Comité pour l’élimination de la

discrimination à l’égard des femmes, les Comité des Droits de l’Homme et le Comité des

droits économiques, sociaux et culturels. Ainsi, plusieurs institutions de l’ONU condamnent

la politique du Nicaragua. Ces instances n’ont pas de pouvoir coercitif. Il s’agit d’organes de

surveillance qui peuvent également aider les Etats dans la mise en œuvre de politiques

œuvrant au respect des Droits de l’Homme. Cependant, il est significatif que plusieurs

organes dédiés à la protection des Droits de l’Homme condamnent une législation très

prohibitive quant à l’avortement. Les aspects de cette législation qui sont mis en cause sont

l’interdiction de l’avortement thérapeutique et l’interdiction de l’avortement suite à un viol ou

un inceste. Dans le dernier cas, il peut s’agir d’un traitement inhumain ou dégradant, d’où

l’implication du Comité contre la torture. Ainsi, la prise de position de ces différentes

instances chargées du respect des Droits de l’Homme au sein de l’ONU montre une tendance

globale au sein de cette organisation. En effet, tous les organes semblent s’accorder sur la

74

NATIONS UNIES, DROIT DE L’HOMME, HAUT-COMMISSARIAT AUX DROITS DE L’HOMME, Les

organes chargés des Droits de l’Homme,

http://www.ohchr.org/FR/HRBodies/Pages/HumanRightsBodies.aspx 75

AMNESTY INTERNATIONAL, S’informer, « L’ONU doit condamner l’interdiction de l’avortement au

Nicaragua », 4 février 2010,

http://www.amnestyinternational.be/doc/s-informer/actualites-2/article/l-onu-doit-condamner-l 76

NATIONS UNIES, DROIT DE L’HOMME, HAUT-COMMISSARIAT AUX DROITS DE L’HOMME, Le

Comité contre la torture entame l’examen du rapport du Nicaragua, 30 avril 2009

http://www.ohchr.org/FR/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=8821&LangID=F

56

nécessité d’autoriser l’avortement, au moins dans certaines situations, comme dans un but

thérapeutique par exemple. Le fait que des organes de l’ONU adoptent une position aussi

claire montre donc une tendance de fond qui ne peut émerger au niveau de l’Assemblée

générale qui est beaucoup plus exposée médiatiquement et surtout beaucoup plus influente.

En effet, ces questions ne sauraient obtenir le consensus, elles provoqueraient donc de

violents débats au sein de l’Assemblée. Cependant, d’autres organes peuvent avoir plus de

latitude dans leur discours puisqu’ils ont un rôle d’observateur et de conseiller. Ils sont

particulièrement intéressants pour notre sujet puisqu’ils nous permettent de mettre en lumière

certains courants d’opinion majoritaires au niveau de l’ONU mais qui ne peuvent cependant

pas s’exprimer pleinement en Assemblée générale puisque celle-ci doit respecter la voix de

tous ses membres.

Ainsi, au sein de nombreuses institutions internationales, c’est au niveau des instances

qui disposent de peu de pouvoir coercitif ou bien au niveau des textes dépourvus de valeur

contraignante que l’on peut déceler les prises de position les plus tranchées. C’est le cas pour

le Conseil de l’Europe, l’ONU ou bien l’Union européenne. Ces instances peuvent ainsi se

prononcer de manière plus libre puisque leur avis n’est qu’indicatif. Il est donc intéressant

d’observer ce type de positionnement afin de comprendre les logiques sous-jacentes qui

peuvent être à l’œuvre dans les institutions internationales. Ainsi, si les institutions les plus

représentatives et les plus puissantes restent extrêmement prudentes au sujet de l’avortement,

d’autres instances prennent clairement parti. Le propos n’est pas ici d’étendre ces

positionnements à l’ensemble des organisations internationales. Cependant, nous pouvons

déceler certaines tendances, notamment en faveur de la légalisation de l’avortement

thérapeutique ou de l’avortement suite à un viol ou un inceste. Il faut cependant nuancer cette

affirmation en rappelant que ces prises de position restent marginales au sein des institutions

internationales qui préfèrent la plupart du temps conserver leur neutralité sur le sujet de

l’avortement.

Ainsi, au cours de notre réflexion, nous avons pu suivre l’apparition sur la scène

internationale d’une problématique de santé publique, à savoir la mortalité due à des

avortements effectués dans de mauvaises conditions de sécurité. Nous avons donc pu

constater que par ce biais, le thème de l’avortement, initialement débattu et régulé à l’intérieur

des Etats est devenu un sujet abordé au niveau international.

57

Notre démarche nous a permis d’observer la manière dont la communauté internationale peut

se positionner sur une thématique qui implique des dimensions morales et éthiques très

importantes. Nous avons pu nous rendre compte des difficultés rencontrées lorsqu’il s’agit de

déterminer une position commune sur un sujet aussi polémique.

Notre travail nous permet de déterminer certaines grandes lignes directrices. Tout

d’abord, il est important de rappeler que certains points de consensus se dégagent très

clairement au niveau international : la nécessité de prendre en charge médicalement les

conséquences d’un avortement raté. Cependant pour les autres problématiques, par exemple la

question de la législation applicable à l’avortement, la communauté internationale se réfère

aux Etats. La première remarque que nous devons faire est donc que, malgré le fait qu’un

problème de santé publique ait été reconnu par tous, la communauté internationale dispose

d’un pouvoir très limité lorsqu’il s’agit d’influencer les législations étatiques, à fortiori

lorsque le thème abordé touche à la culture, aux croyances, à l’éthique. Les instances

internationales refusent d’ailleurs de s’attribuer ce pouvoir. L’ONU renvoie constamment aux

législations étatiques tandis que la Cour européenne des Droits de l’Homme refuse de se

prononcer sur la question du droit à la vie de l’embryon. Il y a donc de très grandes réticences

de part et d’autre quand il s’agit d’aborder un sujet aussi sensible que celui de l’avortement.

Les institutions internationales cherchent à ménager les opinions de tous leurs membres tandis

que les Etats refusent d’infléchir leurs législations. Ainsi la tendance majoritaire au niveau

international est à la prudence sauf lorsqu’il est question de prendre en charge une femme qui

souffrirait de complications suite à un avortement raté. Et encore lorsqu’il est question de la

manière d’éviter ce type de situation, la communauté internationale se contente de

promouvoir la contraception, sans établir de lien entre les législations et les avortements

effectués dans de mauvaises conditions.

Cependant notre recherche nous a également permis de creuser un peu plus la surface

de neutralité que veut montrer la communauté internationale lorsqu’il s’agit d’aborder le sujet

de l’avortement. Ainsi nous avons constaté que certaines situations extrêmes ont pu susciter

des réactions de réprobation de la part d’organismes de l’ONU. Cependant plusieurs

remarques doivent être faites. Tout d’abord, les Etats n’ont aucune obligation de suivre l’avis

de ces instances. Malgré tout, la pression internationale, l’émulsion médiatique que crée une

telle situation peut parfois inciter l’Etat à modifier sa position. En outre, les avis un peu plus

tranchés qui peuvent apparaître à l’échelon international ne sont jamais exprimés dans les

instances les plus importantes, comme par exemple l’Assemblée générale de l’ONU. Sur le

sujet de l’avortement en particulier, plusieurs instances comme le Parlement européen, ou

58

l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe se sont clairement exprimées en faveur

d’une dépénalisation de la pratique. Cependant ces tendances sont principalement

européennes et les remarques émises n’ont aucun pouvoir contraignant. Il ne faut malgré tout

pas négliger le pouvoir d’influence que peuvent exercer de telles institutions.

Ainsi, notre recherche nous aura permis de mettre en lumière certaines tendances sous-

jacentes qui ne peuvent faire l’objet de décisions coercitives ou de déclarations de grande

ampleur. Néanmoins, si ce type d’avis existe et a pu être exprimé au sein d’instances

internationales, il reflète nécessairement un courant d’opinion présent dans ces dernières.

Pour conclure, nous pouvons remarquer que le sujet de l’avortement touche bien trop

profondément aux conceptions nationales pour que la décision soit totalement exportée au

niveau international. Par contre la communauté internationale peut jouer dans ce domaine un

rôle de médiateur et exercer son pouvoir d’influence. Elle se doit cependant d’être subtile et

prudente puisque les opinions des Etats qui la composent sont divergentes.

Ainsi, s’il existe aujourd’hui de grandes tendances qui se répandent de plus en plus largement

dans le monde (de nombreux Etats ont libéralisé leurs législations), le pouvoir de légiférer

dans ce domaine reste de l’apanage exclusif des Etats. Les organisations internationales

peuvent donner certaines directions mais se doivent de garder une neutralité de façade à

propos d’un sujet aussi émotionnellement connoté. Ainsi, si les organisations internationales

disposent du pouvoir d’influencer, seuls les Etats disposent du pouvoir de légiférer.

59

Annexes :

• Annexe 1 : NATIONS UNIES, Rapport de la Conférence internationale sur la population et

le développement, Le Caire, 5-13 septembre 1994, New York : Nations Unies, 1995 (Extrait)

• Annexe 2 : ASSEMBLEE PARLEMENTAIRE DU CONSEIL DE L’EUROPE, Résolution

1607, Accès à un avortement sans risque et légal en Europe, 16 avril 2008

• Annexe 3 : PARLEMENT EUROPEEN, Résolution du Parlement européen sur la santé et

les droits sexuels et génésiques (2001/2128(INI)), 3 juillet 2002

• Annexe 4 : CONGREGATION POUR LA DOCTRINE DE LA FOI, Déclaration Questio

de Abortu sur l’avortement provoqué, Rome, siège de la Congrégation pour la Doctrine de la

Foi, 28 juin 1974

• Annexe 5 : AMNESTY INTERNATIONAL, S’informer, « L’ONU doit condamner

l’interdiction de l’avortement au Nicaragua », 4 février 2010,

http://www.amnestyinternational.be/doc/s-informer/actualites-2/article/l-onu-doit-condamner-

l

• Annexe 6 : REKACEWITZ Philippe, «Le droit à l’avortement dans le monde », Le Monde

diplomatique, 20 Mars 2006,

http://www.monde-diplomatique.fr/cartes/avortement

60

Annexe 1 : NATIONS UNIES, Rapport de la Conférence internationale sur la

population et le développement, Le Caire, 5-13 septembre 1994, New York : Nations

Unies, 1995

Extrait : Programme d’action de la Conférence internationale sur la population et le

développement ; Chapitre VIII : SANTÉ, MORBIDITÉ ET MORTALITÉ ; C. Santé maternelle

et maternité sans risque ; paragraphes 8.19 à 8.27

C. Santé maternelle et maternité sans risque

Principes d’action

8.19 Dans de nombreuses régions du monde en développement, les complications liées à la

grossesse et à l’accouchement sont parmi les principales causes de mortalité des femmes en

âge de procréer. À l’échelon mondial, on estime qu’un demi-million de femmes environ

meurent chaque année des suites d’une grossesse ou d’un accouchement, dont 99 % dans les

pays en développement. Les taux de mortalité maternelle sont très différents dans les régions

développées et dans les régions en développement : en 1988, ils allaient de plus de 700 pour

100 000 naissances vivantes dans les pays les moins avancés, à environ 26 pour 100 000

naissances vivantes dans les régions développées. Des taux pouvant atteindre 1 000 décès

maternels pour 100 000 naissances vivantes, ou même plus encore, ont été signalés dans

plusieurs régions rurales d’Afrique, où les femmes qui ont de nombreuses grossesses sont

donc exposées durant leur période de procréation à un fort risque de décès. Selon l’OMS, le

risque de décès lié à une grossesse ou à un accouchement est de 1 pour 20 dans certains pays

en développement, contre 1 pour 10 000 dans certains pays développés. L’âge de la première

et de la dernière grossesse, l’intervalle entre les naissances, le nombre total de grossesses et

l’environnement socioculturel et économique des intéressées ont tous des conséquences sur le

taux de morbidité et de mortalité maternelles. Actuellement, 90 % environ des pays du monde

— comptant pour 96 % de la population mondiale — autorisent légalement l’avortement dans

des conditions qui varient pour sauver la vie de la mère. Toutefois, une assez forte proportion

des interruptions de grossesse est provoquée par les intéressées elles-mêmes ou pratiquée dans

de mauvaises conditions, si bien que, dans de nombreux cas, ces interruptions provoquent la

mort ou entraînent des lésions permanentes. Les décès maternels ont des conséquences très

graves au sein de la famille, étant donné le rôle crucial que joue la mère pour la santé et le

61

bien-être de ses enfants. Le décès de la mère accroît considérablement le risque de décès des

enfants en bas âge, surtout si la famille n’est pas à même de trouver une solution de

remplacement. En s’attachant davantage à répondre aux besoins des adolescentes et des

jeunes femmes en matière de santé de reproduction, il serait possible de prévenir la plupart

des cas de morbidité et de mortalité maternelles en empêchant les grossesses non désirées et,

partant, les avortements pratiqués dans de mauvaises conditions. La maternité sans risque a

été acceptée dans bien des pays en tant que stratégie en vue de réduire la morbidité et la

mortalité maternelles.

Objectifs

8.20 Il s’agit de :

a) Promouvoir la santé maternelle et la maternité sans risque; de faire baisser rapidement la

morbidité et la mortalité maternelles et de réduire les différences constatées entre pays

développés et pays en développement, ainsi qu’à l’intérieur même des pays. Dans le souci

d’améliorer la santé et le bien-être des femmes, de réduire considérablement le nombre des

décès et accidents dus à des avortements pratiqués dans de mauvaises conditions.

b) Améliorer la condition des femmes sur le plan de la santé et de la nutrition, en particulier

des femmes enceintes ou allaitantes.

Mesures à prendre

8.21 Les pays devraient s’efforcer de faire baisser considérablement la mortalité maternelle

d’ici à 2015 : il faudrait que les taux de mortalité maternelle observés en 1990 diminuent de

moitié d’ici à l’an 2000 et à nouveau de moitié d’ici à 2015. La réalisation de ces objectifs

sera différente selon les pays, compte tenu du taux qu’ils avaient en 1990. Ceux qui avaient

des taux intermédiaires devraient s’efforcer de les ramener d’ici à 2005 à moins de 100 pour

100 000 naissances vivantes et d’ici à 2015 à moins de 60 pour 100 000 naissances vivantes.

Ceux où le taux était le plus élevé devraient s’efforcer de le ramener d’ici à 2005 à moins de

125 pour 100 000 naissances vivantes et d’ici à 2015 à moins de 75 pour 100 000 naissances

vivantes. Toutefois, tous les pays devraient ramener les taux de morbidité et de mortalité

maternelles à des niveaux où ils ne constituent plus un problème de santé publique. Les

disparités entre les taux de mortalité maternelle à l’intérieur des pays, entre les régions, les

groupes socio-économiques et les groupes ethniques devraient être réduites.

62

8.22 Tous les pays, avec l’appui de tous les éléments de la communauté internationale,

doivent développer les services de santé maternelle fournis dans le contexte des soins de santé

primaires. Ces services, fondés sur la notion de choix averti, doivent comprendre une

éducation sur la maternité sans risque, des soins prénatals précis et efficaces, des programmes

de nutrition maternelle, une assistance au moment de l’accouchement qui évite un recours

excessif aux césariennes et permette de traiter les complications obstétriques; des systèmes

d’orientation en cas de complications au cours de la grossesse, de l’accouchement ou de

l’avortement; des soins postnatals et des services de planification familiale. Pour chaque

accouchement, il faudrait la présence de personnes qualifiées, de préférence des infirmières et

des sages-femmes, mais au minimum des accoucheuses qualifiées. Il faudrait identifier les

causes fondamentales de la morbidité et de la mortalité maternelles et s’attacher à mettre au

point des stratégies pour y remédier, ainsi que de bons systèmes d’évaluation et de contrôle

permettant de mesurer les progrès accomplis en matière de réduction de la mortalité et de la

morbidité maternelles et de renforcer l’efficacité des programmes en cours. Il faudrait

élaborer des programmes et des services d’éducation de façon que le soutien des hommes soit

acquis à la notion de santé maternelle et de maternité sans risque.

8.23 Tous les pays, en particulier les pays en développement, devraient, avec l’appui de la

communauté internationale, s’efforcer de réduire davantage la mortalité maternelle en prenant

des mesures pour éviter les grossesses et les accouchements à haut risque (en particulier chez

les adolescentes et les femmes qui ont des grossesses tardives) ou pour les détecter et prendre

les mesures nécessaires.

8.24 Tous les pays devraient élaborer et mettre en place des programmes spéciaux permettant

de répondre aux besoins nutritionnels des femmes en âge de procréer, en particulier des

femmes qui sont enceintes ou qui allaitent, et devraient porter une attention particulière à la

prévention et au traitement de l’anémie nutritionnelle et des carences en iode. Ils devraient, en

priorité, s’attacher à améliorer la nutrition et la santé des jeunes femmes grâce à une éducation

et une formation dispensées dans le cadre des programmes de santé maternelle et de maternité

sans risque. Il faudrait fournir aux adolescents — garçons et filles — des informations, un

enseignement et des conseils, pour les inciter à ne pas fonder une famille trop jeunes, à

s’abstenir de rapports sexuels trop précoces et à repousser la première grossesse.

8.25 L’avortement ne devrait, en aucun cas, être promu en tant que méthode de planification

familiale. Tous les gouvernements et les organisations intergouvernementales et non

63

gouvernementales intéressées sont vivement invités à renforcer leur engagement en faveur de

la santé de la femme, à traiter les conséquences des avortements pratiqués dans de mauvaises

conditions de sécurité en tant que problème majeur de santé publique et à réduire le recours à

l’avortement en étendant et en améliorant les services de planification familiale. La plus haute

priorité doit toujours être accordée à la prévention des grossesses non désirées et tout devrait

être fait pour éliminer la nécessité de recourir à l’avortement. Les femmes qui ont des

grossesses non désirées devraient avoir facilement accès à une information fiable et à des

conseils empreints de compréhension. Toute mesure ou toute modification relatives à

l’avortement au sein du système de santé ne peuvent être arrêtées qu’à l’échelon national ou

local conformément aux procédures législatives nationales. Dans les cas où il n’est pas

interdit par la loi, l’avortement devrait être pratiqué dans de bonnes conditions de sécurité.

Dans tous les cas, les femmes devraient avoir accès à des services de qualité pour remédier

aux complications découlant d’un avortement. Après un avortement, des services de conseil,

d’éducation et de planification familiale devraient être offerts rapidement, ce qui contribuera

également à éviter des avortements répétés.

8.26 Les programmes visant à réduire la morbidité et la mortalité maternelles devraient

comprendre des activités d’information et des services de santé en matière de reproduction, y

compris des services de planification familiale. Pour réduire les grossesses à haut risque, les

programmes de santé maternelle et de maternité sans risque devraient comprendre des

conseils et des informations en matière de planification familiale.

8.27 Il est urgent que tous les pays s’efforcent de faire modifier les comportements sexuels à

haut risque et définissent des stratégies pour faire en sorte que les hommes assument leur part

de responsabilité dans la santé en matière de sexualité et de procréation, y compris la

planification familiale, et en ce qui concerne les mesures à prendre pour éviter et contrôler les

maladies sexuellement transmissibles, la contamination par le VIH et le sida.

64

Annexe 2 : ASSEMBLEE PARLEMENTAIRE DU CONSEIL DE L’EUROPE,

Résolution 1607, Accès à un avortement sans risque et légal en Europe, 16 avril

2008

Résolution 1607 (2008)

Accès à un avortement sans risque et légal en Europe

1. L’Assemblée parlementaire réaffirme que l’avortement ne peut en aucun cas être considéré

comme un moyen de planification familiale. L’avortement doit être évité, autant que possible.

Tous les moyens compatibles avec les droits des femmes doivent être mis en œuvre pour

réduire le nombre de grossesses non désirées et d’avortements.

2. Dans la plupart des Etats membres du Conseil de l’Europe, la loi autorise l’avortement pour

sauver la vie de la mère enceinte. Dans la majorité des pays d’Europe, l’avortement est

autorisé pour des raisons diverses, notamment la préservation de la santé physique et mentale

de la mère, mais aussi dans les situations de viol ou d’inceste, en cas d’anomalie fœtale ou

pour des motifs économiques et sociaux, et, dans certains pays, sur simple demande.

L’Assemblée est néanmoins préoccupée par le fait que, dans beaucoup de ces pays, de

nombreuses conditions sont imposées et restreignent l’accès effectif à des services

d’avortement sans risque, abordables, acceptables et adaptés. Ces restrictions produisent des

effets discriminatoires, puisque les femmes qui sont bien informées et qui ont les moyens

financiers appropriés peuvent souvent avoir plus facilement recours à l’avortement légal et

sans risque.

3. L’Assemblée note également que, dans les Etats membres où l’avortement est autorisé pour

diverses raisons, les conditions garantissant aux femmes l’accès effectif à ce droit ne sont pas

toujours réunies: le manque de structures de soins de proximité, le manque de médecins qui

acceptent de pratiquer l’avortement, les consultations médicales obligatoires répétées, les

délais de réflexion et les délais d’attente pour obtenir un avortement sont autant d’obstacles

qui peuvent rendre l’accès à des services d’avortement sans risque, abordables, acceptables et

adaptés plus difficile, voire impossible dans les faits.

4. L’Assemblée considère que l’avortement ne doit pas être interdit dans les délais de

gestation raisonnables. Interdire l’avortement n’aboutit pas à réduire le nombre

d’avortements: cela mène surtout à des avortements clandestins, plus traumatisants, et

65

contribue à l’augmentation de la mortalité maternelle et/ou au développement du «tourisme de

l’avortement», qui est coûteux, reporte le moment de l’avortement et engendre des inégalités

sociales. La légalité de l’avortement n’a pas d’effet sur le besoin de la femme de recourir à

l’avortement, mais seulement sur l’accès pour celle-ci à un avortement sans risque.

5. Dans le même temps, tout prouve que des politiques et des stratégies appropriées

concernant les droits et la santé en matière de sexualité et de procréation, y compris une

éducation sexuelle et relationnelle obligatoire pour les jeunes, adaptée à leur âge et à leur

sexe, auraient pour conséquence un moindre recours à l’avortement. Cette éducation devrait

inclure l’estime de soi, la pratique de relations saines, la liberté de différer l’activité sexuelle,

la résistance à la pression des camarades, des conseils sur la contraception et la prise en

compte des conséquences et des responsabilités.

6. L’Assemblée affirme le droit de tout être humain, en particulier des femmes, au respect de

son intégrité physique et à la libre disposition de son corps. Dans ce contexte, le choix ultime

d’avoir recours ou non à un avortement devrait revenir à la femme, qui devrait disposer des

moyens d’exercer ce droit de manière effective.

7. L’Assemblée invite les Etats membres du Conseil de l’Europe:

7.1. à dépénaliser l’avortement dans les délais de gestation raisonnables si ce n’est déjà fait;

7.2. à garantir l’exercice effectif du droit des femmes à l’accès à un avortement sans risque et

légal;

7.3. à respecter la liberté du choix de la femme et à offrir les conditions d’un choix libre et

éclairé, sans promouvoir particulièrement l’avortement;

7.4. à lever les restrictions qui entravent, en fait ou en droit, l’accès à un avortement sans

risque, et notamment à prendre les mesures nécessaires pour créer les conditions sanitaires,

médicales et psychologiques appropriées, et pour assurer une prise en charge financière

adéquate;

7.5. à adopter, concernant les droits et la santé en matière de sexualité et de procréation, des

politiques et des stratégies appropriées fondées sur des faits, pour garantir la poursuite des

améliorations et de l’expansion d’un type d’éducation et d’information sur la sexualité et les

relations interpersonnelles dans lequel les jugements n’entrent pas en ligne de compte, ainsi

que des services de contraception, grâce à une augmentation des investissements à partir des

66

budgets nationaux visant à améliorer les régimes de santé, les fournitures pour la santé

reproductive et l’information;

7.6. à assurer l’accès des femmes et des hommes à une contraception – et à des conseils en

matière de contraception – de coût raisonnable, adaptée et choisie;

7.7. à instituer une éducation sexuelle et relationnelle obligatoire des jeunes, adaptée à leur

âge et à leur sexe (entre autres, à l’école), afin d’éviter les grossesses non désirées (et donc les

avortements);

7.8. à promouvoir une attitude plus favorable à la famille dans les campagnes d’information

publiques et à fournir des conseils et un soutien concret pour aider les femmes qui demandent

un avortement en raison de pressions familiales ou financières.

Discussion par l’Assemblée le 16 avril 2008 (15e séance) (voir Doc. 11537, rapport de la

commission sur l’égalité des chances pour les femmes et les hommes, rapporteuse: Mme

Gisela Wurm; et Doc. 11576, avis de la commission des questions sociales, de la santé et de la

famille, rapporteur: Mme Christine McCafferty). Texte adopté par l’Assemblée le 16 avril

2008 (15e séance).

67

Annexe 3 : PARLEMENT EUROPEEN, Résolution du Parlement européen sur la

santé et les droits sexuels et génésiques (2001/2128(INI)), 3 juillet 2002

Résolution du Parlement européen sur la santé et les droits sexuels et génésiques

(2001/2128(INI))

Le Parlement européen,

— vu la Déclaration universelle des droits de l'homme, adoptée en 1948,

— vu le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, adopté en 1966,

— vu l'article 12 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels,

adopté en 1966,

— vu les articles 5 et 152 du traité CE,

— vu la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne,

— vu la Convention européenne des droits de l'homme,

— vu l'article 12, paragraphe 1, et l'article 16, paragraphe 1, point e), de la Convention sur

l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, ainsi que les

recommandations générales 21 et 24 du Comité pour l'élimination de la discrimination à

l'égard des femmes,

— vu l'article 24 de la Convention relative aux droits de l'enfant, adoptée en 1989,

— vu la déclaration et le programme d'action de la Conférence des Nations unies sur la

population et le développement (Le Caire, 13 septembre 1994) et le récapitulatif des actions

majeures de la CNUPD+5 (1999),

— vu la déclaration et le programme d'action de la Quatrième Conférence des Nations unies

sur les femmes (Pékin, 15 septembre 1995) et sur le document-bilan de la conférence

QCMF+5 (New York, 10 juin 2000),

— vu sa résolution du 29 septembre 1994 sur les résultats de la Conférence mondiale du

Caire sur la population et le développement(1) et sa résolution du 4 juillet 1996(2) sur le suivi

de cette conférence,

68

— vu sa résolution du 15 juin 1995 sur la Quatrième conférence mondiale sur les femmes de

Pékin: Lutte pour l'égalité, le développement et la paix(3) , et sa résolution du 21 septembre

1995(4) sur cette conférence et sa résolution du 18 mai 2000 sur le suivi du programme

d'action de Pékin(5),

— vu sa résolution du 9 mars 1999 sur l'état de la santé des femmes dans la Communauté

européenne(6),

— vu le Livre blanc de la Commission intitulé "Un nouvel élan pour la jeunesse

européenne", du 21 novembre 2001 (COM(2001) 681),

— vu le document de l'Organisation mondiale de la santé intitulé "Définitions et indicateurs

utilisés par le bureau régional de l'OMS pour l'Europe dans les domaines de la régulation des

naissances, de la santé maternelle et infantile et de la santé génésique", de mars 1999,

— vu le rapport définitif STOA intitulé "Fertility awareness and contraception" (Plan de

travail 1995),

— vu l'article 163 de son règlement,

— vu le rapport de la commission des droits de la femme et de l'égalité des chances (A5-

0223/2002),

A. considérant que les femmes et les hommes doivent pouvoir exercer en toute connaissance

de cause et de manière responsable leurs propres choix pour ce qui est de leur santé et de leurs

droits sexuels et génésiques, sans perdre de vue l'importance de la santé d'autrui, et disposer

de tous les moyens et de toutes les possibilités requis à cet effet,

B. considérant que les compétences communautaires en la matière consistent à imprimer des

orientations et à lancer des initiatives visant à encourager la coopération,

C. considérant que les politiques nationales qui, pour atteindre des objectifs démographiques,

ne tiennent pas compte de l'octroi d'un consentement dûment informé par les femmes et les

hommes quant à l'utilisation de moyens contraceptifs peuvent donner lieu à des pratiques

coercitives,

D. considérant les disparités observées, à l'intérieur de l'Union européenne comme dans les

États membres, dans le domaine de la santé et des droits sexuels et génésiques, s'agissant plus

spécialement des immenses inégalités observées entre femmes européennes quant à l'accès

69

aux services de santé génésique, à la contraception et à l'interruption volontaire de grossesse,

inégalités qui sont fonction des revenus ou du pays de résidence,

E. considérant que des études montrent que le nombre d'avortements est moindre dans

certains États membres qui conjuguent une législation libérale sur l'interruption de grossesse à

une véritable éducation sexuelle, à des services très performants de régulation des naissances

et à la mise à disposition d'une large gamme de moyens contraceptifs, tout en constatant que

d'autres États membres dotés de politiques similaires connaissent encore de forts taux

d'avortement et de grossesses adolescentes,

F. considérant qu'il faut attacher de l'importance non seulement aux interruptions de

grossesses non désirées mais également à la prévention de celles-ci,

G. considérant qu'il est de la responsabilité non seulement des femmes mais aussi des

hommes d'éviter des grossesses non désirées,

H. considérant qu'il est particulièrement important, pour la prévention des grossesses non

désirées, de disposer d'une bonne information sur la sexualité, la responsabilité à l'égard

d'autrui dans une relation, la santé, les différents moyens d'éviter des grossesses, etc., et que

les parents et l'école peuvent jouer un rôle important à cet égard,

I. considérant qu'un accès aisé à tous les moyens contraceptifs permettrait de réduire le

nombre de grossesses non désirées et de cas de maladies sexuellement transmissibles,

J. considérant que les avortements pratiqués dans des conditions peu sûres mettent

sérieusement en danger la santé physique et mentale de la femme,

K. considérant le taux d'avortement plus élevé et le moindre recours à la contraception dans

les pays candidats à l'adhésion par comparaison avec les États membres et, toujours dans les

pays candidats, l'absence d'information des femmes quant à une éducation sexuelle

systématique et satisfaisante,

L. considérant que les services de santé de nombreux pays candidats ne disposent pas

d'équipements médicaux et hygiéniques en suffisance et ne sont pas assez axés sur les besoins

de la population,

70

M. considérant le nombre accru de grossesses chez les adolescentes ainsi que l'absence, dans

certains États membres, d'une éducation sexuelle de qualité et de conseils et services de santé

sexuelle et génésique pour adolescents,

N. considérant l'expansion inquiétante des maladies sexuellement transmissibles, les risques

de rapports sexuels sans protection, la persistance des stéréotypes qui associent erronément le

risque d'infection par le virus HIV/sida à certains modes de transmission – en dépit des

informations fournies sur les mesures préventives et les vecteurs de transmission dans l'Union

– et la nécessité de promouvoir une santé sexuelle de haut niveau et de prévenir les maladies

sexuellement transmissibles,

O. considérant que les violences sexuelles ont des conséquences néfastes pour la sexualité et

la santé génésique des femmes et des jeunes filles et que les mutilations génitales féminines

ont des effets dommageables sur les rapports sexuels, les grossesses et les accouchements,

P. considérant l'absence, à l'heure actuelle, de statistiques complètes aisément consultables

sur les indicateurs relatifs à la santé sexuelle et génésique au niveau européen,

Q. considérant que les grossesses non désirées restent le lot d'un trop grand nombre de

femmes, ainsi que d'un nombre croissant de jeunes filles,

R. considérant que le thème de la santé et des droits sexuels et génésiques ne saurait être

traité sous le seul angle de l'accès aux contraceptifs et à l'avortement,

S. considérant que les contraceptifs sont en général utilisés par les femmes,

T. considérant à quel point il est malaisé d'établir une comparaison entre les politiques

relatives à la santé sexuelle et génésique, tant entre États membres de l'Union qu'entre celle-ci,

d'une part, et les pays candidats à l'adhésion, d'autre part,

En ce qui concerne la contraception

1. note que toute politique législative et réglementaire sur la santé génésique relève de la

responsabilité des États membres et que le principe de subsidiarité lui est applicable; fait

toutefois observer que l'Union européenne peut apporter son concours par l'échange

d'informations sur les meilleures pratiques;

2. recommande aux gouvernements des États membres et des pays candidats à l'adhésion

d'élaborer une politique nationale de qualité sur la santé sexuelle et génésique en coopération

71

avec les organisations issues de la société civile plurielle en fournissant une information

globale quant aux méthodes effectives et responsables de régulation des naissances, en

garantissant un accès égal pour tous à toutes les formes de moyens contraceptifs de qualité et

aux méthodes de connaissance de la fécondité;

3. recommande aux gouvernements des États membres et des pays candidats à l'adhésion de

veiller à ce que les femmes et les hommes donnent leur consentement en parfaite

connaissance de cause à l'utilisation de moyens contraceptifs et aux méthodes de connaissance

de la fécondité;

4. invite instamment les gouvernements des États membres et des pays candidats à l'adhésion

à s'efforcer de fournir gratuitement -ou à moindre coût- des moyens contraceptifs et des

services de santé sexuelle et génésique aux groupes défavorisés à cet égard, tels que les

jeunes, les minorités ethniques ou les personnes victimes de l'exclusion sociale;

5. recommande aux États membres d'améliorer l'accès des personnes indigentes aux services

de santé spécialisés dans la reproduction et la sexualité, susceptibles de leur offrir, plus

particulièrement, le choix des moyens anticontraceptifs et de leur permettre de prévenir ou de

reconnaître les maladies sexuellement transmissibles;

6. recommande aux gouvernements des États membres et des pays candidats à l'adhésion de

faciliter l'accès à la contraception d'urgence à des prix abordables (la pilule du lendemain, par

exemple);

7. exhorte les gouvernements des États membres et des pays candidats à l'adhésion à

encourager la recherche scientifique dans le domaine de la contraception destinée aux

hommes, de manière à assurer l'égalité des femmes et des hommes en ce qui concerne les

effets de l'utilisation des méthodes de contraception;

En ce qui concerne les grossesses non désirées et l'avortement

8. souligne que l'avortement ne saurait être promu en tant que méthode de régulation des

naissances;

9. recommande aux gouvernements des États membres et des pays candidats à l'adhésion de

s'efforcer de mettre en œuvre une politique sanitaire et sociale permettant une inflexion du

recours à l'avortement, et ce notamment grâce à la mise en place de conseils et de services en

matière de régulation des naissances et à la fourniture d'une aide matérielle et financière aux

72

femmes enceintes en difficulté et de considérer les avortements pratiqués dans des conditions

dangereuses comme un problème majeur de santé publique;

10. recommande aux gouvernements des États membres et des pays candidats à l'adhésion de

veiller à la diffusion d'informations et de conseils impartiaux, scientifiques et aisément

compréhensibles sur la santé sexuelle et génésique et, notamment, sur la prévention des

grossesses non désirées, ainsi que sur les dangers inhérents aux avortements pratiqués dans

des conditions inappropriées;

11. appelle les gouvernements des États membres et des pays candidats à l'adhésion à mettre

en place des services spécialisés de santé sexuelle et génésique (services au sein desquels des

personnels à formation pluridisciplinaire fourniraient des conseils et des avis professionnels

dûment autorisés adaptés aux besoins de groupes spécifiques, comme les immigrés par

exemple) et fait valoir que ces avis et conseils doivent être fournis sous le sceau du secret et

indépendamment de tout jugement de valeur et que, en cas d'objection de conscience légitime

de sa part, le conseiller sollicité doit obligatoirement adresser les intéressés à d'autres

conseillers; fait valoir en outre qu'il convient, dans le cadre de ces consultations sur

l'avortement, de mettre en garde contre les risques sanitaires (physiques et psychiques) d'un

avortement et d'étudier les solutions de remplacement possibles (adoption, possibilité d'une

aide en cas de garde de l'enfant);

12. recommande, pour protéger la santé et les droits génésiques des femmes, que l'avortement

soit légalisé, sûr et accessible à tous;

13. appelle les gouvernements des États membres et des pays candidats à l'adhésion à

s'abstenir dans tous les cas de poursuivre en justice des femmes qui se seraient fait avorter

illégalement;

En ce qui concerne la santé sexuelle et génésique ainsi que l'éducation sexuelle des

adolescents

14. souligne que la santé sexuelle et génésique des adolescents et leurs besoins en matière de

sexualité et de reproduction diffèrent de ceux des adultes;

15. rappelle qu'une participation active des jeunes (s'agissant de leurs droits, de leurs avis et

de leur compétence) est importante pour l'élaboration, la mise en œuvre et l'évaluation de

programmes d'éducation sexuelle en coopération avec d'autres protagonistes, en particulier les

73

parents; le renforcement des compétences parentales joue également un rôle important à cet

égard;

16. rappelle que l'éducation sexuelle doit être prodiguée dès l'enfance, et d'une manière qui

soit sensible à la dimension de genre, c'est-à-dire qui prenne en considération les sensibilités

spécifiques des garçons et des filles, se poursuivre à l'âge adulte, mettre l'accent sur les

grandes étapes de la vie, tenir compte des différents styles d'existence et, partant, attirer

dûment l'attention sur les maladies sexuellement transmissibles, tel le VIH/sida;

17. souligne que l'éducation sexuelle doit être considérée suivant une approche holistique et

positive prenant en considération les aspects psychosociaux et biomédicaux de la question et

se fondant sur le respect mutuel et le sens des responsabilités;

18. invite les gouvernements des États membres et des pays candidats à l'accession à recourir

à diverses méthodes pour s'adresser aux jeunes: enseignement formel et informel, campagnes

de publicité, vente subventionnée de préservatifs, ligne d'assistance téléphonique

confidentielle, et à prendre en considération les besoins des catégories particulières et

encourage le recours à des éducateurs de même âge pour prodiguer l'éducation sexuelle;

19. appelle les gouvernements des États membres et des pays candidats à l'adhésion à

améliorer et élargir l'accès des jeunes aux services de santé (centres de régulation des

naissances, centres pour jeunes, etc.) en adaptant ceux-ci à leurs préférences et à leurs

besoins;

20. appelle les gouvernements des États membres et des pays candidats à l'adhésion à

accompagner les adolescentes enceintes, qu'elles désirent interrompre leur grossesse ou

qu'elles désirent la mener à terme, et à assurer la continuité de l'éducation de celles-ci;

21. invite les gouvernements des États membres à maintenir et à accroître le niveau

d'information des populations sur la contamination par le VIH/sida, ses mécanismes de

transmission et les comportements qui favorisent cette dernière, notamment en direction des

couches sociales qui sont plus marginalisées et qui éprouvent davantage de difficultés à

accéder à l'information;

En ce qui concerne la politique communautaire relative à la santé sexuelle et génésique en

général

74

22. se félicite des recherches consacrées aux indicateurs pertinents de la santé sexuelle et

génésique et à la mise au point de définitions harmonisées, recherches auxquelles contribue

actuellement la Commission, et invite instamment celle-ci à veiller à la poursuite de telles

initiatives dans le contexte du nouveau programme communautaire d'action sanitaire;

23. appelle les gouvernements des États membres et des pays candidats à l'adhésion à fournir

à la Commission des données et des informations concernant leurs politiques respectives, en

vue de l'établissement d'une base de données à l'échelle européenne sur les statistiques de

santé sexuelle et génésique et de rédiger un vade-mecum sur les meilleures pratiques et

expériences enregistrées dans ce domaine;

24. invite les gouvernements des États membres et des pays candidats à l'adhésion à assurer

l'accès aux services de santé sexuelle et génésique sans discriminations fondées sur

l'orientation sexuelle, le sexe ou l'état civil;

25. recommande le lancement d'un processus d'information mutuelle à partir d'une

comparaison des données disponibles sur la santé sexuelle et génésique et d'un partage des

meilleures pratiques et expériences recensées dans les programmes et politiques

correspondants des États membres et des pays candidats à l'adhésion;

26. invite la Commission à traiter la question des opinions des jeunes sur la santé et les droits

sexuels et génésiques avec tout le sérieux voulu dans la suite du Livre blanc intitulé "Un

nouvel élan pour la jeunesse européenne";

27. invite instamment le Conseil et la Commission à prévoir, dans la stratégie préalable à

l'adhésion, des moyens techniques et financiers supplémentaires pour les pays candidats, de

manière que ceux-ci puissent élaborer et appliquer des programmes de promotion de la santé

et des normes de qualité pour les services de santé sexuelle et génésique et à veiller à ce que

l'aide communautaire actuellement fournie à l'Europe orientale et à l'Asie centrale englobe ce

genre de programmes;

28. invite la Commission à prendre en compte l'impact dévastateur de la "politique de

Mexico-City" de l'administration Bush (qui refuse de financer les organisations non

gouvernementales orientant à l'occasion, et en dernier recours, des femmes vers des cliniques

où se pratique l'avortement), s'agissant plus spécialement des programmes destinés à l'Europe

centrale et orientale et invite également la Commission à combler le déficit budgétaire

provoqué par cette politique, comme l'a promis le commissaire Nielson;

75

29. regrette à cet égard l'issue de la session spéciale de l'ONU sur les enfants (mai 2002),

laquelle ne parvint pas, à cause de la coalition formée entre le Saint-Siège, les États-Unis et

plusieurs autres États membres de l'ONU, à convenir de faire une référence positive à

l'extension de l'accès aux services de santé génésique, incluant information et éducation sur

les santés génésique et sexuelle, et invite le Conseil et la Commission à coordonner les efforts

des États membres de manière à garantir, lors de manifestations futures, une meilleure défense

des positions de l'Union européenne au niveau de l'Organisation des Nations unies;

30. invite la Commission à veiller au suivi et à l'évaluation permanents des programmes

d'action liés à la Conférence des Nations unies sur la population et le développement et à la

Quatrème conférence mondiale sur les femmes et à lui adresser périodiquement des rapports

succincts à ce propos;

31. se félicite de l'objectif fixé dans le document-bilan de la conférence QCMF+5 concernant

l'accès universel à des soins de santé élémentaires de haute qualité d'ici à 2015, y compris

pour la santé sexuelle et génésique, et invite le Conseil à mettre au point, dans le contexte de

la procédure de suivi et dans les limites de sa compétence, des indicateurs et des jalons pour

les domaines les plus importants et à lui adresser périodiquement des rapports succincts à ce

propos;

32. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission et

aux gouvernements des États membres et des pays candidats à l'adhésion.

76

Annexe 4 : CONGREGATION POUR LA DOCTRINE DE LA FOI, Déclaration

Questio de Abortu sur l’avortement provoqué, Rome, siège de la Congrégation pour

la Doctrine de la Foi, 28 juin 1974

I. – Introduction

1. LE PROBLÈME DE L’AVORTEMENT provoqué et de son éventuelle libéralisation légale

est devenu un peu partout le thème de discussions passionnées. Ces débats seraient moins

graves s’il ne s’agissait de la vie humaine, valeur primordiale qu’il est nécessaire de protéger

et de promouvoir. Chacun le comprend, même si plusieurs cherchent des raisons pour faire

servir à ce but contre toute évidence, même l’avortement. On ne peut en effet manquer de

s’étonner de voir grandir à la fois la protestation sans menaces contre la peine de mort, contre

toute forme de guerre, et la revendication de rendre libre l’avortement, soit entièrement, soit

sur des indications de plus en plus élargies. L’Église a trop conscience qu’il appartient à sa

vocation de défendre l’homme contre tout ce qui pourrait le dissoudre ou le rabaisser pour se

taire sur un tel sujet : puisque le Fils de Dieu s’est fait homme, il n’y a pas d’homme qui ne

soit son frère en humanité et ne soit appelé à devenir chrétien, à recevoir de lui le salut.

2. En de nombreux pays, les pouvoirs publics qui résistent à une libéralisation des lois sur

l’avortement sont l’objet de pressions puissantes qui visent à les y conduire. Cela, dit-on, ne

violerait aucune conscience, puisqu’on laisserait chacun libre de suivre son opinion, tout en

empêchant quiconque d’imposer la sienne à autrui. Le pluralisme éthique est revendiqué

comme la conséquence normale du pluralisme idéologique. Il y a pourtant loin de l’un à

l’autre, parce que l’action touche plus vite les intérêts d’autrui que la simple opinion et qu’on

ne peut jamais se réclamer de la liberté d’opinion pour porter atteinte au droit des autres, très

spécialement au droit à la vie.

3. De nombreux laïcs chrétiens, spécialement des médecins, mais aussi des associations de

pères et de mères de famille, des hommes politiques ou des personnalités placées à des postes

de responsabilité, ont vigoureusement réagi contre cette campagne d’opinion. Mais surtout,

beaucoup de Conférences épiscopales et d’évêques, en leur propre nom, ont jugé bon de

rappeler sans ambiguïté la doctrine traditionnelle de l’Église (1). Ces documents, dont la

convergence est frappante, mettent admirablement en lumière l’attitude à la fois humaine et

chrétienne de respect de la vie. Il est cependant arrivé que plusieurs d’entre eux rencontrent

ici ou là réserve ou même contestation.

77

4. Chargée de promouvoir et de défendre la foi et la morale dans l’Église universelle (2), la

congrégation pour la Doctrine de la foi se propose de rappeler cet enseignement en ses lignes

essentielles à tous les fidèles. Ainsi, en illustrant l’unité de l’Église, elle confirmera de

l’autorité propre au Saint-Siège ce que les évêques ont heureusement entrepris. Elle compte

que tous les fidèles, y compris ceux qu’ont pu ébranler les controverses et les opinions

nouvelles, comprendront qu’il ne s’agit pas d’opposer une opinion à d’autres mais de leur

transmettre un enseignement constant du Magistère suprême, qui expose la règle des mœurs

dans la lumière de la foi (3). Il est donc clair que cette Déclaration ne peut aller sans une

grave obligation pour les consciences chrétiennes (4). Dieu veuille éclairer aussi tous les

hommes qui cherchent d’un cœur entier à « faire la vérité » (Jn 3, 21).

II. – A la lumière de la foi

5. « Dieu n’a pas fait la mort ; il ne prend pas plaisir à la perte des vivants. » (Sg 1, 13.)

Certes, Dieu a créé des êtres qui n’ont qu’un temps et la mort physique ne peut être absente du

monde des vivants corporels. Mais ce qui est d’abord voulu, c’est la vie et, dans l’univers

visible, tout a été fait en vue de l’homme, image de Dieu et couronnement du monde (Gn 1,

26-28). Au plan humain, « c’est par l’envie du diable que la mort est entrée dans le monde »

(Sg 2, 26) ; introduite par le péché, elle lui reste liée, elle en est à la fois le signe et le fruit.

Mais elle ne saurait triompher. Confirmant la foi à la résurrection, le Seigneur proclamera

dans l’Evangile que « Dieu n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants » (Mt 22, 32), et la

mort, comme le péché, sera définitivement vaincue par la résurrection dans le Christ (1 Co 15,

20-27). Aussi comprend-on que la vie humaine, même sur cette terre, soit précieuse. Insufflée

par le Créateur (5), c’est par lui qu’elle est reprise (Gn 2, 7 ; Sg 15, 11). Elle reste sous sa

protection : le sang de l’homme crie vers lui (Gn 4, 10) et il en demandera compte, « car à

l’image de Dieu l’homme a été fait » (Gn 9, 5-6). Le commandement de Dieu est formel : «

Tu ne tueras point. » (Ex 20, 13.) En même temps qu’un don, la vie est une responsabilité

reçue comme un « talent » (Mt 25, 14-30), elle doit être mise en valeur. Pour la faire

fructifier, beaucoup de tâches s’offrent à l’homme en ce monde auxquelles il ne doit pas se

soustraire ; mais plus profondément, le chrétien sait que la vie éternelle dépend pour lui de ce

qu’avec la grâce de Dieu il aura fait de sa vie sur terre.

6. La tradition de l’Église a toujours considéré que la vie humaine doit être protégée et

favorisée dès son début, comme aux diverses étapes de son développement. S’opposant aux

mœurs du monde gréco-romain, l’Église des premiers siècles a insisté sur la distance qui, sur

78

ce point, en sépare les mœurs chrétiennes. Dans la Didachè, il est dit clairement : « Tu ne

tueras pas par avortement le fruit du sein et tu ne feras pas périr l’enfant déjà né (6). »

Athénagoras souligne que les chrétiens tiennent pour homicides les femmes qui utilisent des

médecines pour avorter ; il condamne les meurtriers d’enfants, y compris de ceux qui vivent

encore dans le sein de leur mère, « où ils sont déjà l’objet des soins de la Providence divine

(7) ». Tertullien n’a peut-être pas toujours tenu le même langage ; il n’en affirme pas moins

clairement le principe essentiel : « C’est un homicide anticipé que d’empêcher de naître : peu

importe qu’on arrache l’âme déjà née ou qu’on la fasse disparaître naissante. Il est déjà un

homme celui qui le sera (8). »

7. Tout au long de l’histoire, les Pères de l’Église, ses pasteurs, ses docteurs ont enseigné la

même doctrine, sans que les diverses opinions sur le moment de l’infusion de l’âme spirituelle

aient introduit un doute sur l’illégitimité de l’avortement. Certes, quand, au Moyen Age,

l’opinion était générale que l’âme spirituelle n’était présente qu’après les premières semaines,

on a fait une différence dans l’appréciation du péché et la gravité des sanctions pénales ;

d’excellents auteurs ont admis, pour cette première période, des solutions casuistiques plus

larges, qu’ils repoussaient pour les périodes suivantes. Mais on n’a jamais nié alors que

l’avortement provoqué, même en ces premiers jours, fût objectivement une grave faute. Cette

condamnation a, de fait, été unanime. Parmi tant de documents, il suffira d’en rappeler

quelques-uns. Le premier Concile de Mayence, en 847, reprend les peines établies par les

Conciles précédents contre l’avortement et décide que la plus rigoureuse pénitence sera

imposée « aux femmes qui provoquent l’élimination du fruit conçu de leur sein (9) ». Le

décret de Gratien fait état de ces paroles du Pape Étienne V : « Celui-là est homicide qui fait

périr par avortement ce qui était conçu (10). » Saint Thomas, docteur commun de l’Église,

enseigne que l’avortement est un péché grave contraire à la loi naturelle (11). Au temps de la

Renaissance, le Pape Sixte Quint condamne l’avortement avec la plus grande sévérité (12).

Un siècle plus tard, Innocent XI réprouve les propositions de certains canonistes laxistes qui

prétendaient excuser l’avortement provoqué avant le moment où d’aucuns fixaient

l’animation spirituelle de l’être nouveau (13). De nos jours, les derniers Pontifes romains ont

proclamé la même doctrine avec la plus grande netteté : Pie XI a répondu explicitement aux

objections les plus graves (14) ; Pie XII a clairement exclu tout avortement direct, c’est-à-dire

celui qui est une fin ou un moyen (15) ; Jean XXIII a rappelé l’enseignement des Pères sur le

caractère sacré de la vie « qui, dès son début, exige l’action de Dieu créateur (16) ». Tout

récemment, le IIe Concile du Vatican, présidé par Paul VI, a très sévèrement condamné

79

l’avortement : « La vie doit être sauvegardée avec un soin extrême dès la conception :

l’avortement et l’infanticide sont des crimes abominables (17). » Le même Paul VI, parlant de

ce sujet à plusieurs reprises, n’a pas craint de déclarer que cet enseignement de l’Église « n’a

pas changé et qu’il est inchangeable (18) ».

III. - A la lumière conjointe de la raison

8. Le respect de la vie humaine ne s’impose pas aux seuls chrétiens ; la raison suffit à l’exiger

en se basant sur l’analyse de ce qu’est et doit être une personne. Constitué par une nature

raisonnable, l’homme est un sujet personnel, capable de réfléchir sur soi-même, de décider de

ses actes et donc de son propre destin ; il est libre. Il est par conséquent maître de soi, ou

plutôt, parce qu’il se fait dans le temps, il a de quoi le devenir, c’est là sa tâche.

Immédiatement créée par Dieu, son âme est spirituelle, donc immortelle. Aussi est-il ouvert

sur Dieu ; il ne trouvera qu’en lui son accomplissement. Mais il vit dans la communauté de

ses semblables, il se nourrit de la communication interpersonnelle avec eux, dans

l’indispensable milieu social. Vis-à-vis de la société et des autres hommes, chaque personne

humaine se possède elle-même, elle possède sa vie, ses divers biens, par manière de droit :

c’est ce qui exige de tous à son égard une stricte justice.

9. Cependant, la vie temporelle menée en ce monde ne s’identifie pas à la personne ; celle-ci

possède en propre un niveau de vie plus profond, qui ne peut pas finir. La vie corporelle est

un bien fondamental, ici-bas condition de tous les autres ; mais il y a des valeurs plus hautes,

pour lesquelles il pourra être légitime ou même nécessaire de s’exposer au péril de la perdre.

Dans une société de personnes, le bien commun est pour chacune une fin, qu’elle doit servir, à

laquelle elle saura subordonner son intérêt particulier. Mais il n’est pas sa fin dernière, et à ce

point de vue, c’est la société qui est au service de la personne, parce que celle-ci n’accomplira

son destin qu’en Dieu. Elle ne peut être définitivement subordonnée qu’à Dieu. On ne pourra

jamais traiter un homme comme un simple moyen dont on disposerait pour obtenir une fin

plus haute.

10. Sur les droits et les devoirs réciproques de la personne et de la société, il appartient à la

morale d’éclairer les consciences, au droit de préciser et d’organiser les prestations. Or il y a

précisément un ensemble de droits que la société n’a pas à accorder parce qu’ils lui sont

antérieurs, mais qu’elle a pour office de préserver et de faire valoir : tels sont la plupart de

ceux qu’on appelle aujourd’hui les « droits de l’homme » et que notre époque se fait gloire

d’avoir formulés.

80

11. Le premier droit d’une personne humaine, c’est sa vie. Elle a d’autres biens et certains

sont plus précieux, mais celui-là est fondamental, condition de tous les autres. Aussi doit-il

être plus que tout autre protégé. Il n’appartient pas à la société, il n’appartient pas à l’autorité

publique, quelle qu’en soit la forme, de reconnaître ce droit à certains et non à d’autres : toute

discrimination est inique, qu’elle se fonde sur la race, le sexe, la couleur ou la religion. Ce

n’est pas la reconnaissance par autrui qui fait ce droit, il la précède ; il exige d’être reconnu, et

il est strictement injuste de le refuser.

12. Une discrimination fondée sur les diverses époques de la vie n’est pas plus justifiée que

toute autre. Le droit à la vie reste entier chez un vieillard, même très diminué ; un malade

incurable ne l’a pas perdu. Il n’est pas moins légitime chez le petit enfant qui vient de naître

que chez l’homme mûr. En réalité, le respect de la vie humaine s’impose dès que commence

le processus de la génération. Dès que l’ovule est fécondée, se trouve inaugurée une vie qui

n’est celle ni du père ni de la mère, mais d’un nouvel être humain qui se développe pour lui-

même. Il ne sera jamais rendu humain s’il ne l’est pas dès lors.

13. A cette évidence de toujours (parfaitement indépendante des débats sur le moment de

l’animation) (19), la science génétique moderne apporte de précieuses confirmations. Elle a

montré que dès le premier instant se trouve fixé le programme de ce que sera ce vivant : un

homme, cet homme individuel avec ses notes caractéristiques déjà bien déterminées. Dès la

fécondation est commencée l’aventure d’une vie humaine dont chacune des grandes capacités

demande du temps pour se mettre en place et se trouver prête à agir. Le moins qu’on puisse

dire est que la science actuelle, en son état le plus évolué, ne donne aucun appui substantiel

aux défenseurs de l’avortement. Du reste, il n’appartient pas aux sciences biologiques de

porter un jugement décisif sur des questions proprement philosophiques et morales, comme

celle du moment où est constituée la personne humaine et de la légitimité de l’avortement. Or,

du point de vue moral, ceci est certain : même s’il y avait un doute concernant le fait que le

fruit de la conception soit déjà une personne humaine, c’est objectivement un grave péché que

d’oser prendre le risque d’un meurtre. « Il est déjà un homme celui qui le sera (20). »

IV. - Réponse à quelques objections

14. La loi divine et la raison naturelle excluent donc tout droit de tuer directement un homme

innocent. Cependant, si les raisons données pour justifier un avortement étaient toujours

manifestement mauvaises et sans valeur, le problème ne serait pas aussi dramatique : sa

gravité vient de ce qu’en certains cas, peut-être assez nombreux, en refusant l’avortement, on

81

porte atteinte à des biens importants, auxquels il est normal de tenir, qui peuvent même

parfois paraître prioritaires. Nous ne méconnaissons pas ces très grandes difficultés : ce peut

être une question grave de santé, parfois de vie ou de mort, pour la mère ; ce peut être la

charge que représente un enfant de plus, surtout s’il y a de bonnes raisons de craindre qu’il

sera anormal ou demeurera arriéré ; ce peut être le poids que prennent en divers milieux des

considérations d’honneur et de déshonneur, de déclassement, etc. Nous proclamons seulement

que jamais aucune de ces raisons ne peut donner objectivement le droit de disposer de la vie

d’autrui, même commençante ; et, pour ce qui est du malheur futur de l’enfant, personne, pas

même le père ou la mère, ne peut se substituer à lui, même s’il est encore à l’état d’embryon,

pour préférer en son nom la mort à la vie. Lui-même, en son âge mûr, n’aura jamais le droit

de choisir le suicide ; tant qu’il n’est pas en âge de décider de lui-même, ses parents ne

peuvent pas davantage choisir pour lui la mort. La vie est un bien trop fondamental pour

qu’on le mette ainsi en balance avec des inconvénients même très graves (21).

15. Dans la mesure où le mouvement d’émancipation de la femme vise essentiellement à la

libérer de tout ce qui est injuste discrimination, il est parfaitement fondé (22). Il y a, dans les

diverses formes de culture, beaucoup à faire sur ce point ; mais on ne peut changer la nature ni

soustraire la femme, pas plus que l’homme, à ce que la nature demande d’eux. D’ailleurs,

toute liberté publiquement reconnue a toujours pour limites les droits certains d’autrui.

16. Il faut en dire autant de la revendication de liberté sexuelle. Si on entendait par cette

expression la maîtrise progressivement acquise de la raison et de l’amour véritable sur les

impulsions de l’instinct, sans dépréciation du plaisir, mais en le tenant à sa juste place – et

c’est en ce domaine la seule liberté authentique –, il n’y aurait rien à lui objecter ; or, cette

liberté-là se gardera toujours d’attenter à la justice. Mais si, au contraire, on entend que

l’homme et la femme sont « libres » de rechercher le plaisir sexuel à satiété, sans tenir compte

d’aucune loi ni de l’orientation essentielle de la vie sexuelle à ses fruits de fécondité (23),

cette idée n’a rien de chrétien ; elle est même indigne de l’homme. De toute façon, elle ne

fonde aucun droit de disposer de la vie d’autrui, fût-elle embryonnaire, et de la supprimer,

sous prétexte qu’elle est gênante.

17. Les progrès de la science ouvrent et ouvriront de plus en plus à la technique la possibilité

d’interventions raffinées dont les conséquences peuvent être très graves, en bien comme en

mal. Ce sont des conquêtes en elles-mêmes admirables de l’esprit humain. Mais la technique

ne saurait échapper au jugement de la morale, parce qu’elle est faite pour l’homme et doit en

82

respecter les finalités. Pas plus qu’on n’a le droit d’utiliser à n’importe quelle fin l’énergie

nucléaire, pas plus on n’est autorisé à manipuler la vie humaine en n’importe quel sens : ce ne

doit être qu’à son service, pour mieux assurer le jeu de ses capacités normales, pour prévenir

ou guérir les maladies, concourir au meilleur épanouissement de l’homme. Il est vrai que

l’évolution des techniques rend de plus en plus facile l’avortement précoce ; l’appréciation

morale ne s’en trouve pas modifiée.

18. Nous savons quelle gravité peut revêtir pour certaines familles et pour certains pays le

problème de la régulation des naissances : c’est pour cela que le dernier Concile, puis

l’encyclique Humanae vitae, du 25 juillet 1968, ont parlé de « paternité responsable (24) ». Ce

que nous voulons redire avec force, comme l’ont rappelé la Constitution conciliaire Gaudium

et spes, l’encyclique Populorum progressio, et d’autres documents pontificaux, c’est que

jamais, sous aucun prétexte, l’avortement ne peut être utilisé ni par une famille ni par

l’autorité politique comme un moyen légitime de régulation des naissances (25). L’atteinte

aux valeurs morales est toujours pour le bien commun un mal plus grand que n’importe quel

inconvénient d’ordre économique ou démographique.

V. - La morale et le droit

19. La discussion morale s’accompagne un peu partout de graves débats juridiques. Il n’y a

pas de pays dont la législation n’interdise et ne punisse l’homicide. Beaucoup en outre avaient

précisé cette interdiction et ces peines dans le cas spécial de l’avortement provoqué. De nos

jours, un vaste mouvement d’opinion demande une libéralisation de cette dernière

interdiction. C’est déjà une tendance assez générale que de vouloir restreindre le plus possible

toute législation répressive, surtout quand elle paraît entrer dans le domaine de la vie privée.

On reprend en outre l’argument du pluralisme : si beaucoup de citoyens, en particulier les

fidèles de l’Église catholique, condamnent l’avortement, beaucoup d’autres le tiennent pour

licite au moins au titre du moindre mal ; pourquoi leur imposer de suivre une opinion qui n’est

pas la leur, surtout dans un pays où ils seraient majoritaires ? Par ailleurs, là où elles existent

encore, les lois qui condamnent l’avortement se révèlent difficiles à appliquer : le délit est

devenu trop fréquent pour qu’on puisse sévir toujours, et les pouvoirs publics trouvent

souvent plus sage de fermer les yeux. Mais garder une loi qu’on n’applique pas ne va jamais

sans détriment pour l’autorité de toutes les autres. Il faut ajouter que l’avortement clandestin

expose aux plus grands dangers pour leur fécondité future, mais aussi souvent pour leur vie,

83

les femmes qui se résignent à y recourir. Même s’il continue de considérer l’avortement

comme un mal, le législateur ne peut-il se proposer d’en limiter les dégâts ?

20. Ces raisons, et d’autres encore que l’on entend de divers côtés, ne sont pas décisives. Il est

vrai que la loi civile ne peut vouloir recouvrir tout le domaine de la morale ou punir toutes les

fautes ; personne ne le lui demande. Elle doit souvent tolérer ce qui est en définitive un

moindre mal pour en éviter un plus grand. Il faut cependant prendre garde à ce que peut

représenter un changement de législation. Beaucoup prendront pour une autorisation ce qui

n’est peut-être que le renoncement à punir. Bien plus, dans le cas présent, ce renoncement

même paraît inclure à tout le moins que la législation ne considère plus l’avortement comme

un crime contre la vie humaine, puisque l’homicide reste toujours gravement puni. Il est vrai

que la loi n’a pas à trancher entre des opinions ou à imposer l’une plutôt que l’autre. Mais la

vie de l’enfant prévaut sur toute l’opinion : on ne peut invoquer la liberté de pensée pour la lui

enlever.

21. Le rôle de la loi n’est pas d’enregistrer ce qui se fait, mais d’aider à mieux faire. C’est en

tout cas la mission de l’Etat de préserver les droits de chacun, de protéger les plus faibles. Il

lui faudra pour cela redresser bien des torts. La loi n’est pas obligée de tout sanctionner mais

elle ne peut aller contre une loi plus profonde et plus auguste que toute loi humaine, la loi

naturelle inscrite dans l’homme par le Créateur comme une norme que la raison déchiffre et

travaille à bien formuler, qu’il faut toujours s’efforcer de mieux comprendre, mais qu’il est

toujours mal de contredire. La loi humaine peut renoncer à punir, mais elle ne peut déclarer

innocent ce qui serait contraire au droit naturel, car cette opposition suffit à faire qu’une loi ne

soit pas une loi.

22. Il doit être en tout cas bien entendu qu’un chrétien ne peut jamais se conformer à une loi

en elle-même immorale ; et tel est le cas de celle qui admettrait en principe la licéité de

l’avortement. Il ne peut ni participer à une campagne d’opinion en faveur d’une telle loi ni

donner à celle-ci son suffrage. Il ne pourra pas davantage collaborer à son application. Il est

par exemple inadmissible que des médecins ou des infirmières se trouvent mis dans

l’obligation de concourir de façon prochaine à des avortements et doivent choisir entre la loi

chrétienne et leur situation professionnelle.

23. Ce qui par contre appartient à la loi, c’est de poursuivre une réforme de la société, des

conditions de vie dans tous les milieux, à commencer par les plus défavorisés, pour que soit

toujours et partout rendu possible un accueil digne de l’homme à tout enfant venant en ce

84

monde. Aide aux familles et aux mères célibataires, allocations assurées aux enfants, statuts

pour les enfants naturels et organisation raisonnable de l’adoption : toute une politique

positive est à promouvoir pour qu’il y ait toujours à l’avortement une alternative concrètement

possible et honorable.

VI. – Conclusion

24. Suivre sa conscience dans l’obéissance à la loi de Dieu n’est pas toujours la voie facile :

cela peut imposer des sacrifices et des fardeaux dont on ne doit pas méconnaître le poids ; il

faut parfois de l’héroïsme pour rester fidèle à ses exigences. Aussi devons-nous en même

temps souligner que la voie du véritable épanouissement de la personne humaine passe par

cette constante fidélité à une conscience maintenue dans la droiture et la vérité et exhorter

tous ceux qui en ont les moyens à alléger les fardeaux qui écrasent encore tant d’hommes et

de femmes, tant de familles et d’enfants, placés devant des situations humainement sans issue.

25. L’appréciation d’un chrétien ne peut pas se limiter à l’horizon de la vie en ce monde ; il

sait qu’en la vie présente une autre se prépare, dont l’importance est telle que c’est d’après

elle qu’il faut juger (26). A ce point de vue, il n’y a pas ici-bas de malheur absolu, même

l’affreuse peine d’élever un enfant déficient. Tel est le renversement annoncé par le Seigneur :

« Bienheureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés ! » (Mt 5, 5.) C’est tourner le dos à

l’Evangile que de mesurer le bonheur à l’absence de peines et de misères en ce monde.

26. Mais cela ne signifie pas qu’on puisse rester indifférent à ces peines et à ces misères. Tout

homme de cœur, et certainement tout chrétien, doit être prêt à faire son possible pour y porter

remède. C’est la loi de la charité, dont le premier souci doit toujours être d’instaurer la justice.

On ne peut jamais approuver l’avortement ; mais il importe par-dessus tout d’en combattre les

causes. Cela inclut une action politique et ce sera en particulier le domaine de la loi. Mais il

faut en même temps agir sur les mœurs, travailler à tout ce qui peut aider les familles, les

mères, les enfants. Des progrès considérables ont été accomplis par la médecine au service de

la vie ; on peut espérer qu’ils iront plus loin encore, selon la vocation du médecin, qui n’est

pas de supprimer la vie, mais de l’entretenir et de la favoriser au mieux. Il est également

souhaitable que se développent, dans des institutions adaptées ou à leur défaut, dans l’élan de

la générosité et de la charité chrétienne, toutes formes d’assistance.

27. On ne travaillera efficacement au plan des mœurs que si on lutte également au plan des

idées. On ne peut pas laisser se répandre sans la contredire une manière de voir, et plus encore

85

peut-être de sentir, qui considère la fécondité comme un malheur. Il est vrai que toutes les

formes de civilisation ne sont pas également favorables aux familles nombreuses ; celles-ci

rencontrent des obstacles beaucoup plus grands dans une civilisation industrielle et urbaine.

Aussi l’Église a-t-elle insisté ces derniers temps sur l’idée de paternité responsable, exercice

d’une véritable prudence, humaine et chrétienne. Cette prudence ne serait pas authentique si

elle n’incluait la générosité ; elle doit rester consciente de la grandeur d’une tâche qui est

coopération avec le Créateur pour la transmission de la vie, qui donne à la communauté

humaine de nouveaux membres et à l’Église de nouveaux enfants. L’Église du Christ a le

souci fondamental de protéger et de favoriser la vie. Elle pense certes avant tout à la vie que le

Christ est venu apporter : « Je suis venu pour que les hommes aient la vie et qu’ils l’aient en

abondance. » (Jn 10, 10.) Mais la vie vient de Dieu à tous ses niveaux et la vie corporelle est

pour l’homme l’indispensable commencement. Dans cette vie sur terre, le péché a introduit,

multiplié, alourdi la peine et la mort ; mais Jésus-Christ, en prenant sur lui leur fardeau, les a

transformées : pour qui croit en lui, la souffrance et la mort même deviennent instruments de

résurrection. Dès lors, saint Paul peut dire : « J’estime que les souffrances du temps présent ne

sont pas à comparer à la gloire qui doit se révéler en nous. » (Rm 8, 18) ; et, si nous

comparons, nous ajouterons avec lui : « Nos tribulations, légères et d’un moment, nous

préparent au-delà de toute mesure un poids éternel de gloire ! » (2 Co 4, 17.)

S. S. Paul VI, au cours de l’audience accordée au soussigné secrétaire de la congrégation pour

la Doctrine de la foi, le 28 juin 1974, a ratifié et confirmé cette déclaration sur l’avortement

provoqué et a ordonné de la publier.

Donné à Rome, au siège de la congrégation pour la Doctrine de la foi, le 18 novembre 1974,

en la fête de la Dédicace des basiliques Saint-Pierre et Saint-Paul.

Franjo card. ŠEPER,

Préfet

† Jérôme HAMER, O.P., Arch. tit. di Lorium

Secrétaire.

NOTES

(*)CONGREGATIO PRO DOCTRINA FIDEI, Declaratio de abortu procurato, 18 novembris

1974 : AAS 66 (1974) 730-747 ; traduction française de la Salle de presse du Saint-Siège

86

publiée dans DC 71 (1974), 1068-1073. Dans les notes ci-dessous, les références à la DC sont

de la rédaction de ce périodique.

____________________________

(1) On trouvera un certain nombre de documents épiscopaux dans Gr. CAPRILE, Non

uccidere. « Il Magistero della Chiesa sull’aborto. » Parte II, p. 47-300, Roma 1973.

(2) Regimini Ecclesiae universae, III, 1, 29. Cf. ibid., 31 (AAS 59 [1967], 897. – DC 1967, n°

1500, col. 1450).

(3) Lumen Gentium, n. 12 (AAS 57 [1965], 16-17). La présente Déclaration n’envisage pas

toutes les questions qui peuvent se poser au sujet de l’avortement : il appartient aux

théologiens de les examiner et d’en discuter. Elle rappelle seulement quelques principes

fondamentaux qui doivent être pour ces théologiens eux-mêmes une lumière et une règle, et

pour tous les chrétiens la confirmation de certitudes fondamentales de la doctrine catholique.

(4) Lumen gentium, n. 25 : AAS 57 [1965], 29-31 et DC 1965, n° 1439, col. 72.

(5) Les auteurs sacrés ne font pas de considérations philosophiques sur l’animation, mais ils

parlent de la période de la vie qui précède la naissance comme étant l’objet de l’attention de

Dieu : il crée et il forme l’être humain, comme le pétrissant de sa main. Il semble que ce

thème ait sa première expression dans Jr 1, 5. Il se retrouvera en de multiples autres textes. Cf.

Is 49, 13 ; 46, 3 ; Jb 10, 8-12 ; Ps 22, 10 ; 71, 6 ; 139, 13. Dans l’Évangile, nous lisons en

saint Luc 1, 44 : « Dès l’instant où ta salutation a frappé mes oreilles, l’enfant a tressailli

d’allégresse en mon sein. »

(6) Didachè Apostolorum, Ed. Funk, Patres Apostolici, V, 2. - L’Epître de Barnabé, XIX, 5,

utilise les mêmes expressions (Funk, loc. cit., 91-93).

(7) ATHÉNAGOHAS, Plaidoyer pour les chrétiens, 35 : PG 6, 970 – Sources Chrétiennes (=

S. C.), 33, p. 166-167.

(8) TERTULLIEN, Apologeticum IX, 8 (PL 1, 371-372 : Corp. Christ. I, p. 100, l. 31-36).

(9) Canon 21 (MANSI, 14, p. 909). Cf. le Concile d’Elvire, canon 63 (MANSI, 2, p. 16), et

d’Ancyre, canon 21 (ibid., 519). On verra aussi le décret de Grégoire III concernant la

pénitence à imposer à ceux qui se rendent coupables de ce crime (MANSI, 12, 292, c. 17),

87

(10) GRATIEN, Concordantia discordantium canonum, c. 20, C. 2, q. 2. Durant le Moyen

Âge, on recourt souvent à l’autorité de saint Augustin qui écrit à ce propos dans le De nuptiis

et concupiscentiis, c. 15 : « Parfois cette cruauté libidineuse ou cette libido cruelle vont

jusqu’à se procurer des poisons qui rendent stériles. Si le résultat n’est pas acquis, la mère

éteint la vie et expulse le fœtus qui était dans ses entrailles de telle sorte que l’enfant meure

avant d’avoir vécu ou que, si l’enfant vivait déjà dans le sein maternel, il soit tué avant de

naître. » (PL 44, 423-424 : CSEL 33, 619. Cf. le Décret de Gratien, q. 2, C. 32, c. 7).

(11) Commentaire sur les Sentences, livre IV, dist. 31, exposition du texte.

(12) Constitutio Effraenatum en 1588 (Bullarium Romanum, V, 1, p. 25-27 ; Fontes Juris

Canonici, I, n. 165, p, 308-311).

(13) Denz.-Sch. 1184. Cf. aussi la Constitution Apostolicae Sedis de Pie IX (Acta Pii IX, V,

55-72 ; ASS 5 [1869], 305-331 ; Fontes Juris Canonici, III, n. 552, p. 24-31).

(14) Encycl. Casti connubii : AAS 22 (1930), 562-565, Denz-Sch. 3719-21 et DC 1930, n°

551, col. 271.

(15) Les déclarations de Pie XII sont expresses, précises et nombreuses ; elles demanderaient

à elles seules toute une étude. Citons seulement, parce qu’il formule le principe en toute son

universalité, le Discours à l’Union italienne des Médecins Saint-Luc du 12 novembre 1944 :

«Tant qu’un homme n’est pas coupable, sa vie est intangible ; est donc illicite tout acte

tendant directement à la détruire, soit que cette destruction soit comprise comme fin ou

comme moyen en vue de cette fin, soit qu’il s’agisse d’une vie embryonnaire ou dans son

plein développement, ou encore déjà arrivée à son terme. » (Discorsi e radiomessaggi, VI, 183

s. – DC 1947, n° 996, col. 967.)

(16) Encycl. Mater et Magistra : AAS 55 (1963), 447 et DC 1961, n° 1357, col. 978.

(17) Gaudium et Spes, 51. – Cf. n. 27 : AAS 58 [1966], 1072 ; cf. 1047 et DC 1966, n° 1464,

col. 238.

(18) Alloc. Salutiamo con paterna effusione du 9 décembre 1972 : AAS 64 (1972), 737 et DC

1973, n° 1623, p. 4 et Erratum, p. 160. Parmi les témoins de cette doctrine immuable, on

88

rappellera la déclaration du Saint-Office, condamnant l’avortement direct : ASS 17 [1884],

556 ; 22 [1888-1890], 748 ; Denz.-Sch. 3258.

(19) Cette Déclaration laisse expressément de côté la question du moment de l’infusion de

l’âme spirituelle. Il n’y a pas sur ce point de tradition unanime et les auteurs sont encore

divisés. Pour les uns, elle date du premier instant ; pour d’autres, elle ne saurait précéder au

moins la nidation. Il n’appartient pas à la science de les départager, car l’existence d’une âme

immortelle n’est pas de son domaine. C’est une discussion philosophique dont notre

affirmation morale reste indépendante pour deux raisons : 1. A supposer une animation

tardive, il n’y en a pas moins déjà une vie humaine, préparant et appelant cette âme en

laquelle se complète la nature reçue des parents ; 2. Par ailleurs, il suffit que cette présence de

l’âme soit probable (et on ne prouvera jamais le contraire) pour que lui enlever la vie soit

accepter le risque de tuer un homme, non seulement en attente, mais déjà pourvu de son âme.

(20) TERTULLIEN, cité note 8.

(21) Le cardinal Villot, secrétaire d’Etat, écrivait le 10 octobre 1973 au cardinal Döpfner au

sujet de la protection de la vie humaine : « Cependant, pour obvier à de telles situations

[douloureuses], [l’Église] ne peut admettre comme moralement licites ni les procédés

contraceptifs ni surtout l’avortement. » (Osservatore Romano, éd. Allemande du 26 oct. 1973,

p. 3 ; trad. Française dans DC 1974, n° 1646, p. 61.)

(22) Encycl. Pacem in terris : AAS 55 (1963), 267 et DC 1963, n° 1398, col. 520 ; Const.

Gaudium et spes, n. 29 : DC 1966, n° 1464, col. 216 ; PAUL VI, Alloc. Salutiamo : AAS 64

(1972), 779 et DC 1973, n° 1623, p. 5.

(23) Gaudium et spes, 48 : « Par sa nature même, l’institution du mariage et l’amour conjugal

sont ordonnés à la procréation et à l’éducation qui, tel un sommet, en constituent le

couronnement. » De même, n° 50 : « Le mariage et l’amour conjugal sont d’eux-mêmes

ordonnés à la procréation et à l’éducation. »

(24) Gaudium et spes, 50 et 51. PAUL VI, encycl. Humanae vitae, n. 10 : AAS 60 [1968], p.

487 et DC 1968, n° 1523, col. 1448. La paternité responsable suppose l’usage des seuls

moyens licites de régulation des naissances. Cf. Humanae vitae, n. 14 : ibid., p. 490.

(25) Gaudium et spes, 87 : DC 1966, n° 1464, col. 275 ; PAUL VI, encycl. Populorum

progressio, n. 31 : DC 1967, n° 1492, col. 685 ; Alloc. aux Nations Unies : AAS 57 (1965),

89

883 et DC 1965, n° 1457, col. 1736 ; JEAN XXIII, Mater et Magistra : AAS 53 (1961), p.

445-448 et DC 1961, n° 1357, col. 978.

(26) Le cardinal Villot, secrétaire d’État, écrivait au Congrès mondial des médecins

catholiques, conclu à Barcelone le 26 mai 1974 : « Pour ce qui est de la vie humaine, on ne

peut certainement pas dire qu’elle est univoque ; elle est bien plutôt un faisceau de vies. On ne

peut, sans les mutiler gravement, réduire les domaines de son être qui, dans leur dépendance

et dans leur interaction étroites, sont ordonnés les uns aux autres : domaine corporel, domaine

affectif, domaine mental, et cet arrière-fond de l’âme où la vie divine, reçue par la grâce, peut

s’épanouir par les dons de l’Esprit-Saint. » (Osservatore Romano, 29 mai 1974 - DC 1974, n°

1658, p. 664.)

90

Annexe 5 : AMNESTY INTERNATIONAL, S’informer, « L’ONU doit

condamner l’interdiction de l’avortement au Nicaragua », 4 février 2010,

http://www.amnestyinternational.be/doc/s-informer/actualites-2/article/l-onu-

doit-condamner-l

L’ONU doit condamner l’interdiction de l’avortement au Nicaragua

jeudi 4 février 2010, par Françoise Guillitte

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

ÉFAI - 4 février 2010

Les Nations unies doivent exhorter le Nicaragua à annuler son interdiction de l’avortement à

l’occasion d’un examen relatif à la situation des droits humains dans le pays prévu le 8

février, a déclaré Amnesty International jeudi 4 février 2010.

Lors de l’examen périodique universel conduit par les Nations unies, les membres de l’ONU

auront l’occasion de soulever des questions concernant l’interdiction absolue de l’avortement

au Nicaragua.

Le Code pénal révisé, entré en vigueur au Nicaragua en juillet 2008, prévoit des peines

d’emprisonnement pour les femmes et les jeunes filles qui sollicitent une interruption de

grossesse et pour les professionnels de santé qui prodiguent des soins liés à l’avortement.

L’interdiction de l’avortement s’applique également lorsque la vie de la femme est en danger

ou lorsque la grossesse est le fruit d’un viol ou d’un inceste.

« L’interdiction de l’avortement au Nicaragua s’appuie sur une loi consternante et

draconienne qui oblige les victimes de viol et d’inceste à mener leurs grossesses à terme et

engendre une hausse de la mortalité maternelle, a déclaré Widney Brown, directrice générale

chargée du droit international et de la stratégie politique à Amnesty International. Les États

membres de l’ONU doivent saisir cette occasion d’amener le Nicaragua à s’expliquer sur une

loi qui bafoue le droit des femmes à la vie, à la santé et à la dignité. »

En outre, Amnesty International demande une nouvelle fois aux autorités nicaraguayennes de

dépénaliser l’avortement en toutes circonstances. Elles doivent garantir aux femmes et aux

jeunes filles l’accès à des services d’avortement sûrs et légaux, lorsqu’une grossesse non

91

désirée résulte d’un viol ou d’un inceste ou lorsqu’une grossesse menace la santé ou la vie de

la mère.

Or, le nouveau Code pénal nicaraguayen prévoit des sanctions pénales pour les médecins ou

le personnel soignant qui prodiguent des soins à une femme enceinte souffrant de maladies

telles que le cancer ou de graves troubles cardiaques, si ce traitement risque de nuire à la santé

de l’embryon ou du fœtus ou de causer sa mort.

Ce Code entre en conflit avec les règles et protocoles obstétriques définis par le ministère

nicaraguayen de la Santé, qui prescrivent l’avortement thérapeutique dans certains cas précis.

Les chercheurs d’Amnesty International ont révélé que l’interdiction absolue de l’avortement

au Nicaragua touche particulièrement les jeunes filles victimes de viol ou d’inceste.

D’après une étude des articles parus dans la presse, entre 2005 et 2007, 1 247 jeunes filles

auraient été victimes de viol ou d’inceste au Nicaragua. Sur ces crimes, 198 auraient entraîné

des grossesses. L’écrasante majorité des jeunes filles enceintes à la suite d’un viol ou d’un

inceste (172 sur les 198) avaient entre 10 et 14 ans.

Amnesty International a également constaté une augmentation de la mortalité maternelle

depuis l’adoption de cette loi.

Au cours des 19 premières semaines de 2009, environ 16 % des cas de mortalité maternelle

étaient dus à des complications survenues à la suite d’avortements pratiqués dans de

mauvaises conditions, alors qu’aucune mort dans ces circonstances n’avait été enregistrée

durant la même période en 2008.

Quatre comités d’experts des Nations unies chargés du suivi de l’application des traités, le

Comité contre la torture, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels, le Comité

des droits de l’homme et le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des

femmes, ont d’ores et déjà condamné cette loi et demandé sa révision, mais le gouvernement

nicaraguayen demeure sourd à ces appels.

« La loi nicaraguayenne pénalisant l’avortement va à l’encontre des recommandations de

quatre organes de suivi des traités de l’ONU et bafoue les obligations qui incombent au

Nicaragua au titre des normes internationales relatives aux droits humains, a indiqué Widney

Brown. Le Nicaragua se doit d’abroger cette loi immédiatement et de promulguer des lois et

des politiques qui promeuvent les droits des femmes et des jeunes filles afin de garantir leurs

92

droits à la santé et à la vie, et leur droit de ne pas être soumises à la violence, à la contrainte ni

à la discrimination. »

L’interdiction de l’avortement au Nicaragua constitue un vif sujet de préoccupation au sein de

la communauté internationale. Des dizaines de milliers de militants d’Amnesty International,

indignés par les conséquences de cette interdiction sur les droits humains des femmes et des

jeunes filles, ont signé des pétitions et contacté les autorités nicaraguayennes afin de

demander l’abrogation de cette loi.

L’examen périodique universel est l’occasion pour le Conseil des droits de l’homme des

Nations unies de passer en revue le bilan de tous les États membres en matière de droits

humains. Chaque pays fait l’objet d’un examen tous les quatre ans dans le but de veiller à ce

que les États s’acquittent de toutes leurs obligations en matière de droits humains.

Complément d’information

Avant que la loi prévoyant l’interdiction totale de l’avortement ne soit adoptée, l’avortement

thérapeutique était considéré au Nicaragua comme une mesure médicale légale, légitime et

nécessaire, et ce depuis plus d’un siècle. En pratique, la loi était interprétée de manière à

permettre une interruption de grossesse lorsque la santé ou la vie de la femme ou de la jeune

fille était menacée, ainsi que dans certains cas particuliers, par exemple lorsque la grossesse

survenait à la suite d’un viol.

Victor Abramovitch, commissaire de la Commission interaméricaine des droits de l’homme, a

écrit une lettre au gouvernement nicaraguayen avant l’adoption de la loi pour l’avertir qu’en

promulguant une interdiction aussi extrême, l’État du Nicaragua bafouerait les obligations qui

lui incombent au titre de la Convention américaine relative aux droits de l’homme.

Vous pouvez consulter la communication présentée par Amnesty International à l’examen

périodique universel de l’ONU sur le Nicaragua sur le site www.amnesty.org.

93

Annexe 6 : REKACEWITZ Philippe, «Le droit à l’avortement dans le monde »,

Le Monde diplomatique, 20 Mars 2006,

http://www.monde-diplomatique.fr/cartes/avortement

Carte extraite de l’Atlas 2006 du Monde diplomatique

94

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• CONGREGATION POUR LA DOCTRINE DE LA FOI, Déclaration Questio de Abortu

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juin 1974

• CONGREGATION POUR LA DOCTRINE DE LA FOI, Instruction sur le respect de la vie

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Doctrine de la Foi, 22 février 1987, 25 pages

• PAUL VI, Motu proprio "Integrae servandae" sur la réorganisation de la Sacrée

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Sitographie

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(consulté le 22/07/12)

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• AMNESTY INTERNATIONAL, S’informer, « L’ONU doit condamner l’interdiction de

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http://www.svss-uspda.ch/fr/facts/parl_ue.htm

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• CENTRE POPULATION ET DEVELOPPEMENT, L’avortement en Amérique latine et

dans les Caraïbes, 2007,

http://www.ceped.org/cdrom/avortement_ameriquelatine_2007/fr/chapitre1/page2.html

(consulté le 19/05/2012)

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ARTICLES

• L’EXPRESS.FR, Eglise, « Avortement : Amnesty non grata au Vatican », 13 juin 2007,

http://www.lexpress.fr/actualite/monde/avortement-amnesty-i-non-grata-i-au-

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(Consulté le 6/06/12)

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• LE MONDE.FR, Europe, « Avortement : la Cour européenne des droits de l'homme

condamne l'Irlande », 16 décembre 2010,

http://www.lemonde.fr/europe/article/2010/12/16/avortement-la-cour-europeenne-des-droits-

de-l-homme-condamne-l-irlande_1454389_3214.html

• LE MONDE.FR, International, « Le catholicisme progresse en Afrique et en Asie, recule en

Europe », 10 mars 2012,

http://www.lemonde.fr/international/article/2012/03/10/le-catholicisme-progresse-en-afrique-

et-en-asie-recule-en-europe_1656058_3210.html

(consulté le 2/06/2012)

• LE POINT.FR, Société, « Espagne : polémique autour d'une loi interdisant l'IVG en cas de

malformations », 27 juillet 2012,

http://www.lepoint.fr/societe/espagne-polemique-autour-d-une-loi-interdisant-l-ivg-en-cas-de-

malformations-27-07-2012-1490333_23.php

(28/07/12)

• REKACEWITZ Philippe, «Le droit à l’avortement dans le monde », Le Monde

diplomatique, 20 Mars 2006,

http://www.monde-diplomatique.fr/cartes/avortement

(consulté le 19/05/2012)

101

Table des matières :

Première partie : l’internationalisation du débat sur l’avortement ........................................... 16

Chapitre 1 : un débat ancien et houleux ............................................................................... 17

Section 1 : diversité des points de vue des Etats ............................................................... 17

Section 2 : force des acteurs non étatiques ....................................................................... 22

Chapitre 2 : la construction de l’avortement pratiqué dans de mauvaises conditions de

sécurité comme enjeu de santé publique au sein de la communauté internationale ......... 29

Section 1 : les avortements pratiqués dans de mauvaises conditions de sécurité comme

problème de santé publique............................................................................................... 29

Section 2 : extension du débat à la communauté internationale ....................................... 33

Deuxième partie : la difficulté voire l’impossibilité de gérer la question au niveau

international .............................................................................................................................. 38

Chapitre 1 : la recherche du consensus ................................................................................. 38

Section 1 : des positions consensuelles ............................................................................. 39

Section 2 : la volonté de laisser la question à l’appréciation des Etats ............................. 43

Chapitre 2 : du refus de se prononcer aux timides prises de position .................................. 46

Section 1 : difficulté voire refus de se prononcer ............................................................. 46

Section 2 : timides prises de position ................................................................................ 51

Annexes : .................................................................................................................................. 59

Annexe 1 : NATIONS UNIES, Rapport de la Conférence internationale sur la population

et le développement, Le Caire, 5-13 septembre 1994, New York : Nations Unies, 1995 .... 60

Annexe 2 : ASSEMBLEE PARLEMENTAIRE DU CONSEIL DE L’EUROPE, Résolution

1607, Accès à un avortement sans risque et légal en Europe, 16 avril 2008 ....................... 64

Annexe 3 : PARLEMENT EUROPEEN, Résolution du Parlement européen sur la santé et

les droits sexuels et génésiques (2001/2128(INI)), 3 juillet 2002 ........................................ 67

102

Annexe 4 : CONGREGATION POUR LA DOCTRINE DE LA FOI, Déclaration Questio

de Abortu sur l’avortement provoqué, Rome, siège de la Congrégation pour la Doctrine de

la Foi, 28 juin 1974 ............................................................................................................... 76

Annexe 5 : AMNESTY INTERNATIONAL, S’informer, « L’ONU doit condamner

l’interdiction de l’avortement au Nicaragua », 4 février 2010 ............................................. 90

Annexe 6 : REKACEWITZ Philippe, «Le droit à l’avortement dans le monde », Le Monde

diplomatique, 20 Mars 2006 ................................................................................................. 93

Bibliographie ............................................................................................................................ 94

Sitographie ............................................................................................................................... 97

103

Le sujet de l’avortement a toujours été l’objet de nombreuses controverses : l’Espagne

a récemment remis au goût du jour le vieux débat de l’autorisation d’avorter en cas de

malformation grave du fœtus, mais d’autres acteurs se sont également impliqués depuis

toujours dans ce débat. Nous pouvons naturellement faire référence aux Eglises, aux ONG et

bien évidemment aux Etats qui sont les seuls juges lorsqu’il s’agit de légiférer. Cependant,

dans la période récente, la communauté internationale a également fait de ce sujet l’un des

thèmes de ses débats voire même de ses conférences. L’objet de notre réflexion sera donc de

comprendre comment l’avortement a pu faire son apparition sur la scène internationale. Nous

verrons que c’est tout d’abord l’aspect médical qui a incité les instances internationales à

s’intéresser à la question. Mais bien des problèmes se posent lorsqu’il s’agit

d’internationaliser un sujet aussi polémique, impliquant les croyances, l’éthique, les lois, la

morale, la médecine. La communauté internationale se retrouve alors dans une situation

délicate, obligée de ménager les opinions divergentes de ses membres. Nous chercherons à

comprendre comment elle réalise ce numéro d’équilibriste et avec quel succès. Et la question

qui nous suivra tout au long de notre réflexion est finalement celle de la réelle légitimité de la

communauté internationale à se saisir de cette problématique.

Mots clés : avortement, communauté internationale, lois, croyances, Etats