LE THÉTRE DU Fiche pédagogique VIEU-COLOMBIER · 2) Relevez et analysez le champ lexical dominant...

LE THÉÂTRE DUVIEUX-COLOMBIERNAISSANCE ET RENAISSANCE

Fiche pédagogiqueSERVICE ÉDUCATIF DE LA COMÉDIE-FRANÇAISE

Théâtre du Vieux-Colombier, 1963 © Coll. DR



En 1913, Jacques Copeau travaille pour la Nouvelle Revue française, une revue littéraire et critique mensuelle créée en 1908 par un groupe de jeunes intellectuels et écrivains dont faisaient partie Charles-Louis Philippe, André Gide, Jean Schlumberger et Jacques Copeau. Elle est publiée par Gaston Gallimard. Dans les articles qu’il écrit pour la revue, Jacques Copeau juge sévèrement le théâtre de son époque. Un jour, il croise sur son chemin l’acteur Charles Dullin et le régisseur Louis Jouvet, ces rencontres vont l’encourager à se lancer dans une expérience inédite : se livrer à « un essai de rénovation dramatique ». Il décide d’« élever sur des fondations absolument intactes un théâtre nouveau ».

Tous les extraits suivants sont tirés de l’article Essai de rénovation dramatique, publié le 1er septembre 1913 dans le57e numéro de la NRF.

Document A

1 UNE CRÉATION AUTOUR D’UN IDÉAL

1 – Une critique du théâtre contemporain

Document B« Car nous n’avons rien à attendre du présent. Nous devons ne compter pour rien ce qui existe. Si nous voulons retrouver la santé et la vie, il convient que nous repoussions le contact de ce qui est vicié dans sa forme et dans son fond, dans son esprit, dans ses mœurs. Nous ne méconnaissons pas que des dons de toute sorte, et souvent précieux, se fassent jour dans la production dramatique contemporaine. Ils y sont fébrilement prodigués, dispersés, gaspillés. Faute d’orientation, de discipline, faute de sérieux et surtout d’honnêteté, on ne les voit nulle part aboutir à la concentration, à l’accomplissement d’une œuvre d’art. […]Qu’elle fasse échec à la puissance de l’artiste : voilà la condamnation sans appel de la scène moderne. Et cette aversion, ce dégoût que l’artiste lui témoigne en retour : voilà qui achève de ravaler le théâtre présent, d’en faire, comme on l’a trop justement écrit, "le plus décrié des arts". »

Affiche de l'appel du Vieux-Colombier, 1913 © Bnf-fonds Copeau

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2 – Un nouveau public à conquérir

Document C« Le public que nous nous proposons d’atteindre tout d’abord c’est : un "moindre" public, composé en partie d’intelligents amateurs, en partie des gens qui ne veulent plus encourager les banalités et les faussetés du théâtre commercial, en partie d’un nouveau contingent d’humanité.Ce public nous espérons en recruter les premiers éléments dans notre voisinage, parmi l’élite cultivée, les étudiants, les écrivains, les artistes, les étrangers intellectuels qui ont leur domicile au vieux quartier latin. Ils constituent une clientèle déjà nombreuse, sans doute prête à seconder les efforts d’un théâtre où elle sera toujours sûre de trouver des spectacles intéressants, présentés avec goût, et peu coûteux. »

3 – Un répertoire à construire

Document D« Notre premier souci sera de marquer une vénération particulière aux classiques anciens et modernes, français et étrangers. Il n’est point excessif de dire qu’ils sont ignorés du public. Nous les proposerons comme un constant exemple, comme l’antidote du faux goût et des engouements esthétiques, comme l’étalon du jugement critique, comme une leçon rigoureuse pour ceux qui écrivent le théâtre d’aujourd’hui et pour ceux qui l’interprètent. […] Mais nous nous garderons bien de vouloir en "renouveler", c’est-à-dire en déformer l’esprit. Jamais nous ne nous aviserons – sous prétexte de les rapprocher de nous ! – d’accommoder Molière ou Racine à la mode du jour. Ce serait un plaisant divertissement, en vérité, que d’aller rajeunir par le dehors ce qui est éternel en son fond, et que d’aller assaisonner d’un peu de vraisemblance à la moderne ce qui déborde de vérité ! Nous nous interdirons ces fantaisies. Toute l’originalité de notre interprétation, si on lui en trouve, ne viendra que d’une connaissance approfondie des textes. »

Document E

Programme de l’année 1913-1914 © Coll. Comédie-Française

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4 – Une troupe à créer

Document F

Programme de l’école du Vieux-Colombier dans la brochure de saison de 1922

Document G« Le Théâtre du Vieux-Colombier inaugure à son tour, sous l’autorité d’un seul homme, une troupe de comédiens jeunes, désintéressés, enthousiastes, dont l’ambition est de servir l’art auquel ils se consacrent. Décabotiniser l’acteur, créer autour de lui une atmosphère plus propre à son développement comme homme et comme artiste, le cultiver, lui inspirer la conscience et l’initier à la moralité de son art : c’est à quoi tendront opiniâtrement nos efforts. Nous aurons toujours en vue l’assouplissement des dons individuels et leur subordination à l’ensemble. Nous lutterons contre l’envahissement des procédés du métier, contre toutes les déformations professionnelles, contre l’ankylose de la spécialisation. Enfin nous nous emploierons de notre mieux à renormaliser ces hommes et ces femmes dont la vocation est de feindre toutes les émotions et tous les gestes humains. Autant qu’il nous sera possible, nous les appellerons hors du théâtre au contact de la nature et de la vie ! »

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Afin de répondre aux questions suivantes, et au vu de la difficulté des textes proposés, les collégiens pourront parfaitement n’utiliser que l’affiche, le programme de saison et celui de l’école ainsi qu’un des textes au choix.

Documents A et B1) Cherchez la définition du mot « mercantile » dans un dictionnaire.

2) Relevez et analysez le champ lexical dominant dans l’extrait.

3) Résumez les deux critiques principales que Jacques Copeau formule à l’encontre du théâtre contemporain.

Documents A et C4) Quel public Jacques Copeau souhaite-t-il voir revenir au théâtre et quel genre de théâtre ce public affectionne-t-il selon lui ?

5) Quelles contradictions pouvez-vous relever dans ses ambitions ?

Documents A, D et E6) Quel répertoire Jacques Copeau souhaite-t-il jouer ? Quelles sont les raisons invoquées et de quelle façon veut-il le mettre en scène ?

7) Dans le programme de 1913-1914, identifiez trois autres catégories du répertoire.

8) Quel constat pouvez-vous faire sur la notoriété posthume des écrivains mentionnés dans chaque catégorie ?

Documents F et G9) Quelles doivent être les principales qualités des comédiens de la troupe ?

10) Comment Jacques Copeau compte-t-il instruire aux apprentis « la technique complète de leur métier » ?

Pour aller plus loin 11) Montrez les dimensions polémiques de cet essai. Comment qualifieriez-vous le style et le ton de Jacques Copeau ?

12) Quels éléments dans le projet de Jacques Copeau (répertoire, troupe...) présentaient déjà des similarités avec la Comédie-Française ?

Prenez la plume13) Rédigez le manifeste du théâtre que vous rêveriez de créer et de diriger. Ce manifeste pourra prendre la forme d’une affiche.

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2 DE L’IDÉE À LA SCÈNE : LE THÉÂTRE DU VIEUX-COLOMBIER

Afin de mettre en œuvre sa rénovation dramatique, Jacques Copeau cherche un lieu. Un théâtre déjà existant qu’il pourra remanier à l’envi et où il pourra donner vie à ses idées. Ce sera l’Athénée Saint-Germain, situé dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés sur la rive gauche, qui deviendra, après de très importantes rénovations, le Théâtre du Vieux-Colombier, du nom de la rue où il se situe.

1 – L’Athénée Saint-Germain

Document A« Je viens de visiter l’Athénée Saint-Germain et de voir un de ses administrateurs actuels. C’est tout à fait bien... J’ai vu la scène, fort bien installée. Il me semble que pour commencer c’est vraiment cela qu’il faut. Mais il faut que la chose se décide assez rapidement. Le directeur actuel va quitter, et si en juillet elle n’a pas été louée avec bail, elle va être transformée en maison de rapport. » Charles Dullin, janvier 1913

« Il a fallu nous rabattre sur le sordide boyau qui s’appelait l’Athénée Saint-Germain et que son propriétaire louait à la journée aux troupes de patronage et d’amateurs. » Jean Schlumberger

« La salle elle-même était on ne peut plus démodée et la scène, on ne peut plus incommode, recevait d’affreux décors peints destinés aux représentations d’amateurs et aux séances récréatives réservées aux sociétés bien-pensantes du quartier. » Jacques Copeau

Les Registres du Vieux Colombier : Registres III, Jacques Copeau, NRF, 1993

2 – Le Théâtre du Vieux-Colombier de Jacques CopeauLa rénovation du théâtre est confiée à Francis Jourdain, architecte qui utilise les proportions, le contraste et la matière comme seuls ornements d’un bâtiment et veut aller vers plus de simplicité. Jacques Copeau souhaite que ces transformations lui permettent de mettre en œuvre sa nouvelle idée de la mise en scène.

Document B

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La Nuit des Rois de William Shakespeare, mise en scène de Jacques Copeau au Théâtre du Vieux-Colombier, 1914 © Bert, BnF



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Document C« Dans l’Europe entière, tous les artistes du théâtre se rencontrent sur un point : condamnation du décor réalistequi tend à donner l’illusion des choses mêmes, exaltation d’un décor schématique ou synthétique qui vise à les suggérer. […]Se passionner pour des inventions d’ingénieurs ou d’électriciens, c’est toujours accorder à la toile, au carton peint, à la disposition des lumières, une place usurpée ; c’est toujours donner, sous une forme quelconque, dans les trucs. Anciens ou nouveaux, nous les répudions tous. Bonne ou mauvaise nous entendons nier l’importance de toute machinerie. […]Nous ne croyons pas que pour "représenter l’homme tout entier dans sa vie", il soit besoin d’un théâtre "où les décors puissent surgir par en bas et les changements être instantanés", ni qu’enfin l’avenir de notre art soit lié à "une question de machinisme". […] Il ne faut pas confondre les conventions scéniques avec les conventions dramatiques. Détruire les unes, ce n’est pas s’affranchir des autres. Bien au contraire ! Les servitudes de la scène et son grossier artifice agiront sur nous à la façon d’une discipline en nous forçant à concentrer toute vérité dans les sentiments et les actions de nos personnages. Que les autres prestiges s’évanouissent, et, pour l’œuvre nouvelle, qu’on nous laisse un tréteau nu ! »

Jacques Copeau, Essai de rénovation dramatique, NRF, 1913

3 – La presse en parle

Document D« Quelques heures seulement avant l’ouverture, la façade du théâtre fut badigeonnée de rouge. À la nuit tombée, une rampe électrique s’alluma sous la corniche. De nombreux habitants du pieux quartier Saint-Sulpice, attirés par cette illumination infernale, stationnèrent devant la porte jusqu’à l’extinction des feux, c’est-à-dire jusqu’à une heure du matin. Un moment le bruit courut dans la foule que l’ancien Athénée Saint-Germain était devenu un lieu de plaisir. Il ne fallut rien moins que l’apparition de M. André Gide pour démentir cette hypothèse. »

Les Écrits français, André Billy, jeudi 23 octobre 1913

Document E« Après le luxe et la luxure du Vaudeville, le régime pain sec auquel nous a soumis M. Jacques Copeau, par mesure d’hygiène littéraire, m’a paru réconfortant. J’ai eu l’impression d’entrer au cloître des poètes. Oh, rassurez-vous, un cloître charmant, sans cilice, avec les plus jolies toilettes de Paris et la meilleure société. »

La Liberté, Jean Pierrefeu, le 24 octobre 1913

Document F« Un côté très intéressant de cette tentative d’art, c’est aussi la compréhension du décor. M. Copeau ne s’inquiète pas de reproduire de façon réaliste tous les accessoires et les paysages. Le trompe-l’œil lui semble un procédé indigne. Il préfère indiquer et suggérer. Au moyen de draperies de tons unis, il évoque l’atmosphère, la pénombre et la vaste salle du manoir. […] Car c’est la part du spectateur, ému, troublé, d’évoquer toute la réalité à travers les quelques traits essentiels qu’on lui offre. »

Le Journal de Genève, novembre 1913

Document G« M. Jacques Copeau proteste contre la prépondérance de l’élément décoratif et se flatte de le renvoyer à son rang. En principe il a bien raison. […] Cependant M. Copeau ne va-t-il pas d’un extrême à l’autre ? Une mise en scène simple et sans faste soit ! L’écriteau de Shakespeare même, si vous voulez ! Mais ces draperies grisâtres, couleur de toile d’emballage et peu éclairées, qui constituent ici tout le décor, sont vraiment d’une monotonie sinistre. Je ne sais quelle atmosphère puritaine, germanique, munichoise règne dans ce Théâtre du Vieux-Colombier. […] On se croirait au prêche dans une crypte obscure et blafarde. Sans tout sacrifier au plaisir des yeux, peut-être faudrait-il ne pas les mettre à ce point en pénitence. »

L’Éclair, Paul Souday, 24 octobre 1913



Documents A1) Effectuez une recherche au CDI sur Charles Dullin et Jean Schlumberger. 2) Comparez les jugements des trois fondateurs du Théâtre du Vieux-Colombier sur la salle qu’ils ont trouvée ?

Documents B et C3) Comparez la photo de la mise en scène de La Nuit des Rois, de William Shakespeare, qui clôt la saison 1913-1914, avec les projets scéniques de Jacques Copeau publiés un an auparavant. Dans quelle mesure cette mise en scène est-elle une matérialisation des idées de ce dernier ?4) Quelles critiques formule-t-il à l'encontre de la « machinerie » et des « trucs » ?

Documents D, E, F et G (l’étude de ces documents est conseillée aux élèves de lycée et de post-bac)5) En analysant les documents D et E, observez dans quelle mesure l'ouverture du Théâtre du Vieux-Colombier réveille un débat moral et religieux.6) Relevez et comparez les critiques formulées à l'encontre du projet de Jacques Copeau et les compliments.

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3 UN THÉÂTRE AUX CENT FACETTES

Au cours de ses 100 ans d’existence, le Théâtre du Vieux-Colombier a eu plusieurs identités. Il n’a pas été uniquement un théâtre mais a accueilli d’autres formes artistiques. En effet, en 1924 Jacques Copeau, décide de s'éloigner de Paris et part avec sa troupe en Bourgogne. Ce sera le début de l'aventure des « Copiaus ». Pour le Théâtre du Vieux-Colombier, commence une longue série de transformations.

1 – Un cinéma d’avant-garde

Document ALettre de Jacques Copeau à Jean Tedesco : « Vous êtes chez vous. Travaillez bien et gardez chaude et vivante cette place où nous avons dépensé tant d’efforts. Notre public, j’en suis sûr, vous restera fidèle. Votre idée de reconstituer un répertoire des plus beaux films, de dégager les nobles tentatives du cinéma du fatras d’absurdités qui l’étouffent, cette idée me paraît excellente et digne de réussir. »

Montreuil, le 18 octobre 1924

Réponse de Jean Tedesco :« Je suis fier d’être celui qui gardera cet hiver fidèlement ouvertes les portes de votre théâtre, pour que tous ceux qui y sont venus puissent encore ici se réchauffer à la chaude lumière de l’art. Ils trouveront un changement dans la maison. Au fond de cette scène que vous avez illustrée, ils verront s’animer le miracle des images mouvantes. »

Paris, le 22 octobre 1924

Document B

Programme de la saison 1924-1925 © Coll. Comédie-Française

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2 – Un club de jazzLe Théâtre accueille dans sa cave le Club du Théâtre du Vieux-Colombier dès 1948, qui deviendra jusqu’en 1953 un haut-lieu de jazz, avec entre autre Claude Luter, Sidney Bechet ou encore Juliette Greco et Boris Vian.

Document CÉcoutez les 4 premières minutes du reportage radiophonique suivant daté du 19 janvier 1956 :www.ina.fr/audio/PHD86035877

3 – Une salle de conférencesLe Vieux-Colombier attire toujours une foule d’intellectuels et est connu pour ses conférences. Le 13 janvier 1947 se tient celle d’Antonin Artaud, théoricien du théâtre, écrivain, poète et essayiste. Il s’agit de sa première apparition publique après des années d’internement dans différents asiles mais également de sa dernière. Cette conférence a été, et reste encore aujourd’hui, un événement majeur. La salle était comble, tous les artistes et intellectuels étaient là, André Breton, Albert Camus, Jean-Paul Sartre, Georges Braque, Pablo Picasso, André Derain, Anaïs Nin et Jacques Audiberti...

Document D« D’une manière presque imperceptible, Artaud délaissa le fil que nous suivions et se mit à jouer quelqu’un mourant de la peste. Personne ne s’aperçut quand cela commença. Pour illustrer sa conférence, il représentait une agonie. […] Il avait le visage convulsé d’angoisse, et ses cheveux étaient trempés de sueur. […] Il était à la torture. Il hurlait, il délirait. Il représentait sa propre mort, sa propre crucifixion. Les gens eurent d’abord le souffle coupé. Puis ils commencèrent à rire. Tout le monde riait ! Ils sifflaient. Puis, un par un, ils commencèrent à s’en aller, à grand bruit, en parlant, en protestant. Ils claquaient les portes en sortant. […] Encore des protestations. Encore des huées. Mais Artaud continue, jusqu’à son dernier souffle. Et il reste là, par terre. »

Anaïs Nin

Document E« Il y avait là, vers le fond de la salle – de cette chère vieille salle du Vieux-Colombier qui pouvait contenir environ 300 personnes – une demi-douzaine de plaisantins venus à cette séance avec l’espoir de rigoler ! Oh ! Je pense bien qu’ils se seraient fait emboiter – par les amis fervents d’Artaud répartis au travers de la salle. Mais non : après un timide essai de chahut, il n’y eut plus à intervenir... Nous assistâmes à ce spectacle prodigieux : Artaud triomphait, tenait en respect la moquerie, la sottise insolente : il dominait...Je connaissais Artaud depuis longtemps, et sa détresse et son génie. Jamais encore il ne m’avait paru plus admirable. De son être matériel plus rien de subsistait que d’expressif. Sa grande silhouette dégingandée, son visage consumé par la flamme intérieure, ses mains de qui se noie, soit tendues vers un insaisissable secours, soit tordues dans l’angoisse, soit le plus souvent enveloppant étroitement sa face, la cachant et la révélant tour à tour, tout en lui racontant l’abominable détresse humaine, une sorte de damnation sans recours, sans échappement possible que des éclats orduriers, imprécatoires et blasphématoires. Et certes l’on retrouvait ici l’acteur merveilleux que cet artiste pouvait devenir : mais c’est son personnage même qu’il offrait au public, avec une sorte de cabotinage éhonté, où transparaissait une authenticité totale. La raison battait en retraite ; non point seulement la sienne mais celle de toute l’assemblée, de nous tous, spectateurs de ce drame atroce, réduits aux rôles de comparses malévoles, de jeanfoutres et de paltoquets. Oh ! non, plus personne dans l’assistance, n’avait envie de rire. »

André Gide, mars 1948

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Documents A et B1) En analysant l’échange entre Jacques Copeau et Jean Tedesco ainsi que l’introduction de la programmation de la saison 1924-1925, quels sont les points communs entre la démarche de ces deux hommes ? Vous pourrez vous référer à la première partie de ce dossier pour établir une comparaison.

2) Quels types de films étaient projetés ? Relevez deux noms de metteurs en scène sur lesquels vous pourrez faire quelques recherches.

Documents C3) Où exactement était situé le club ? En quelle année a-t-il ouvert ses portes et quelles sont les raisons avancées ? Quels artistes venaient y jouer régulièrement ?

Documents D et E4) Lisez attentivement les deux descriptions de la conférence d’Antonin Artaud. André Gide et Anaïs Nin ont-ils vécu la même expérience ?

5) Comment pouvez-vous expliquer leurs divergences ?

Documents F6) Quelles sont les différentes formes d’art qui étaient représentées du temps où Marthe Mercadier dirigeait le Vieux-Colombier ?

7) Qu’est-ce qui peut justifier l’éclectisme d’une telle programmation artistique ?

Pour aller plus loin 8) Quels points communs ou quels fils directeurs pouvez-vous trouver aux diverses évolutions du Théâtre du Vieux-Colombier depuis 100 ans ?

9) Cherchez autour de vous des espaces publics qui ont changé d’identité au fil des époques. Croquez sous la forme d’une planche de bande-dessinée cette évolution.

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4 – Une salle multi-formes

Document F« Marthe Mercadier s’est associée à Jacques Canetti pour établir une activité permanente au Théâtre du Vieux-Colombier ; cinq séries de représentations sont envisagées :À 9h30 : spectacles pour enfants […]À 14h : sur une idée de Marthe Mercadier, des spectacles de chansonniers seront offerts à des prix très populaires au public du troisième âgeÀ 18h30 : « Montages » sur de grands poètes contemporains (Vian, Prévert, Aragon, Garcia Lorca, etc...) suivis de débats À 20h30 : créations contemporaines pour lesquelles le nombre de représentations est fixé à 50, quel qu’en soit le succès ou l’échecÀ 22h45 : spectacles de variétés. Jacques Canetti accueille des personnalités comme Rufus, Jacques Higelin, Brigitte Fontaine, Zouc. »

Le Monde, 1er août 1971

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4 LE THÉÂTRE DU VIEUX-COLOMBIER ET LA COMÉDIE-FRANÇAISE

En 1993, après près de vingt années de fermeture, plusieurs projets de rénovation avortés et des années de travaux, le Théâtre du Vieux-Colombier rouvre enfin ses portes en tant que deuxième théâtre de la Comédie-Française. Jack Lang, qui a œuvré à ce projet pendant de nombreuses années, le décrit comme tel : « Nous avons veillé à ce que ce lieu pétri de poésie et de mémoire, point de départ d’un "théâtre d’art", fasse l’objet d’une rénovation, voulue dès 1986 mais retardée, qui n’altérera pas la pureté et la simplicité voulue par son fondateur. »

1 – Une ultime renaissance ou une nouvelle naissance ?

Document A« Un théâtre ouvre ses portes, enfin les ouvre de nouveau. Car ce n’est pas une naissance qu’il nous est donné de saluer aujourd’hui mais un retour à la vie, une naissance seconde, la sortie d’un songe après un endormissement de près de vingt années. Ce théâtre n’était pas que légende. Il avait aussi une histoire, longue d’un siècle, surprenante, mouvementée, drôle et chagrine, folle et réfléchie, comme le sont souvent les histoires de théâtre. […] Le Vieux-Colombier d’aujourd’hui en garde la mémoire. Elle ne l’intimide pas. Elle l’oblige. Elle lui est condition autant que promesse d’avenir. »

Jacques Lassalle, « Ailleurs, autrement »,Les Cahiers de la Comédie-Française, avril 1993

Document BPeau neuve pour le Théâtre du Vieux-Colombier« L’histoire du Vieux-Colombier se confond avec le moment le plus fécond de l’aventure théâtrale de Jacques Copeau, dès 1910, à laquelle sont associés Charles Dullin et Louis Jouvet. C’est à l’esprit de Copeau que veut revenir la troupe de la Comédie-Française au Théâtre du Vieux-Colombier. Salle Richelieu, les Comédiens-Français ont à servir, en priorité, les grands auteurs déjà reconnus, classiques et modernes, français et étrangers. Au Vieux-Colombier, ils ont à révéler ce qui, dans le répertoire ancien et dans le vaste champ des écritures d’aujourd’hui, a pu injustement être omis, oublié. Cette salle de 330 places permettra une proximité plus grande de la scène et de la salle, une économie et une esthétique scénique plus strictes, des conditions de répétition et de représentation libérées de la contrainte de l’alternance, enfin l’ouverture prévisible sur un nouveau public, celui du théâtre d’art et d’essai. »

Lettre d’information du ministère de la Culture, 8 juillet 1991

2 – De nouvelles mises en scène

Document C

Laurent Stocker dans Le Système Ribadier de Georges Feydeau, mise en scène de Zabou Breitman © Brigitte Enguérand, coll Comédie-Française

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Document D

Façade du Théâtre du Vieux-Colombier © Brigitte Enguérand, coll. Comédie-Française

Documents A et B1) Sur quoi Jack Lang, alors ministre de la Culture, et Jacques Lassalle, administrateur de la Comédie-Française de l’époque mettent-il l’accent ?

2) Quel est le rôle prévu pour le Théâtre du Vieux-Colombier au sein de la Comédie-Française ? En quoi ce rôle est-il fidèle à l’histoire de ce théâtre ?

Documents C et D3) Dans quelle mesure est-ce que le Théâtre du Vieux-Colombier d’aujourd’hui « garde la mémoire » de son histoire, comme le dit Jacques Lassalle ?

Pour aller plus loin4) Analysez la formule « un nouveau public, celui du théâtre d’art et d’essai ». En quoi ce public rappelle-t-il le public visé par Jacques Copeau ?

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5 REBONDIR : LE THÉÂTRE DU VIEUX-COLOMBIER EN UN COUP D’OEIL

1 – Un statutLe Théâtre du Vieux-Colombier est une société anonyme, filiale de la Comédie-Française qui elle-même est un ÉPIC (établissement public à caractère industriel et commercial)

2 – Quelques chiffresLe théâtre dispose d’un budget de 3 millions d’euros HTIl emploie 19 personnes dont 5 à la technique et 14 à l’administratifLa jauge est de 300 places

3 – Quelques dates1913 ouverture du Théâtre du Vieux-Colombier par Jacques Copeau1924 fermeture du Théâtre du Vieux-Colombier par Jacques Copeau1944 création de Huis clos de Sartre1948 conférence d’Antonin Artaud1977 abandon du Théâtre du Vieux-Colombier1978 inscription du Théâtre du Vieux-Colombier à l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques1986 rachat par l’État1993 inauguration du Théâtre du Vieux-Colombier, deuxième salle de la Comédie-Française

4 – Quelques noms

Jacques Copeau, vers 1917 © Coll. Comédie-Française

Louis Jouvet © Coll. Comédie-Française Georges Pitoëff © Coll. Comédie-Française

Charles Dullin dans L’Avare de Molière, 1921 © Coll. Comédie-Française

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BIBLIOGRAPHIEMarie-Françoise CHRISTOUT, Noëlle GUIBERT et Danielle PAULY, Théâtre du Vieux-Colombier 1913-1993, Norma, 1993

Jacques COPEAU, Essai de rénovation dramatique, 57e numéro de la NRF,1er septembre 1913

Marie-Hélène DASTÉ et Suzanne MAISTRE SAINT-DENIS, Les Registres du Vieux-Colombier tome 1, Gallimard, 1979

Marie-Hélène DASTÉ et Suzanne MAISTRE SAINT-DENIS, Les Registres du Vieux-Colombier tome 3 (1919-1924), Gallimard, 1993

Paul-Louis MIGNON, Jacques Copeau ou le mythe du Vieux-Colombier, Juilliard, 1993

Trois théâtres dans la ville : Salle Richelieu, Théâtre du Vieux-Colombier, Studio-Théâtre, préface de Jean-Pierre MIQUEL, Norma ed., 1997

SITOGRAPHIEComédie-Françaisehttp://www.comedie-francaise.fr/la-comedie-francaise-aujourdhui.php?id=547

Théâtre du Vieux-Colombierhttp://vieux.colombier.free.fr/

INAhttp://www.ina.fr/video/I00019632http://fresques.ina.fr/en-scenes/fi che-media/Scenes00168/le-theatre-du-vieux-colombier-devient-la-deuxieme-salle-de-la-comedie-francaise.htmlhttp://www.ina.fr/video/CAC93023482http://www.ina.fr/audio/PHD86035877

France Interhttp://www.franceinter.fr/emission-la-marche-de-l-histoire-jacques-copeau-et-le-vieux-colombier

Remerciements à la bibliothèque-musée pour la mise à disposition des photographies et des archives.Dossier conçu par Anaïs Jolly, avec la collaboration des équipes de la Comédie-Française.

CONTACTSMARINE JUBINresponsable du service éducatif de la Comédie-Française 01 44 58 13 13 [email protected]

MARIE-VICTOIRE DUCHEMINprofesseure référente de l’académie de Paris01 44 58 15 [email protected]

ANAÏS JOLLYprofesseure référente de l’académie de Créteil01 44 58 15 [email protected]

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