Le Testament du bonheur

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©2016,GroupeArtègeÉditionsduRocher

28,rueComteFélixGastaldiBP521-98015Monaco

www.editionsdurocher.fr

ISBN:978-2-26808-160-1ISBNepub:978-2-26808-618-7

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Diorton, qui a pour cadre la société d’aujourd’hui, est d’uneparfaitebanalité.Unpetitenfant,d’origineafricaine,estadoptéparune familleeuropéenne. Ilestassezgrandpourprendredurecul par rapport au milieu – bourgeois – et à la société –occidentale–quil’accueillent.Onlevoitenclasse,enfamille,envacances,envoyages…Lepapaadoptifestdiplomate,cequipermetàl’enfantdechangerdepaysetdesepromeneràtraversdifférentsmilieuxdes sociétés visitées – et avec lui le lecteur,qui, des favelas au monde des plus hautes organisationsinternationales,lesuitauxquatrecoinsdelaplanète.

Partout, en toute circonstance, malgré lui, l’enfant exercesondon.Dèsqu’unepersonneestaniméeparl’espritdumal,ilvoittoutenrougeetsemetàrougir.Commedejuste,lediablen’est absolument pas où les braves gens pourraient le croire,dans les égarements des sens, les coucheries ou les aventuressuperficielles. L’enfant voit le monde flamboyer quand semanifestent des vices du cœur, l’appétit d’argent, la cupidité,dessentimentsbas…

Le récit est particulièrement troublant quand un de sescamaradesdemandeàl’enfantpourquoisamèreestintelligente.Questiononnepeutplusembarrassante–quipourrait,àproposden’importequi,yrépondresimplement?Cettecuriositéapoureffetd’amenerl’enfantàregarderladamequil’aadoptéetquiprétendl’aimer,etàvoirtoutenrouge:elleincarnelemal,elleest habitée par lui. La terre n’aurait pas pu, plusdouloureusement,sedérobersoussespieds.Voilàpourquoielleestintelligente…

L’enfant deRouge vif est pareil au fou deChronique desannées de braise, qui a des dons de voyance, ou à Tirésias,devinaveugledel’AntigonedeSophocle:innocentaumilieudumondedesadultes,ilvoitcequelesautresnesontpascapablesde distinguer. Comment se fait-il qu’une personne saisisse un

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phénomène qui échappe au commun des mortels ? C’est unmystère.Ilenestainsidessons:certainespersonnesoucertainsanimaux perçoivent des fréquences que la plupart des autresn’entendentpas.C’estunedonnée,undon.N’enparlonsplus.

L’enfant,lui,perçoitlemal,ilensentlaprésence,laflaire,il voit indiscutablement l’esprit dumal, l’ombre duMalin, deceluiqu’onappelaitautrefoisle«Princedecemonde»…Est-ilaussi en mesure de voir l’âme des personnes (« C’est quoil’âme?demandaunjourungossedelaclassedemafilleàunecopine. – C’est un truc invisible, qui est bleu, réponditl’autre… » Celle-là ne devait pas avoir les mêmes dons quel’enfant deRougevif…) ? Peut-il deviner ce halo invisible aucommun desmortels, dont on dit qu’il apparaît au-dessus despersonnespourannoncerleurfinprochaine?Cen’estpasécritdans le livre. Les petits camarades de l’enfant, et ses proches,sonttarabustésparlespouvoirsdel’enfant–touscesconseils,toujours à bon escient, dans des domaines dans lesquels,d’ordinaire, les enfants ne comprennent rien…Puisqu’il a desdons de voyance, on l’interroge sur l’avenir : que va-t-il sepasser ? –Annonce-moi la bonne fortune, petit garçon… Il semoque de ces questions, y répond en haussant les épaules, etpartretournerjouerencourant.

L’affaire n’est pas de prédire l’avenir, aurait pu répondreSaint-Exupéry,ilestdelerendrepossible.Quelestl’avenirdulivre d’AlisterBarcon-Diorton ?Personne n’en sait rien.Maisentre voyages autour du monde, candeur enfantine et cetterassurantedistinctionentrelebienetlemal,ilparaîtavoirréunibeaucoup d’ingrédients d’un fameux best-seller. Harry Pottern’aqu’àbiensetenir!

Rougevif,d’AlisterBarcon-Diorton.

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Grandeuretdécadenced’uneRépubliquedisparue

aChryséenne,c’estmillechosesà la fois.Nonpasunpaysage, mais d’innombrables paysages. Non pas uneterre, mais, littoral, montagnes, plaines fertiles, une

successiondeterres.IlyaplusieursChryséenne,superposition,entremêlement de civilisations, carrefour aussi vieux que lemonde. Pendant des millénaires, tout a conflué vers elle,bouleversantetenrichissantsanscessesonhistoire.C’estdecepays complexe, riche, attachant, que Carole-Astrid Bronnotiracontel’histoire.

Il semblequ’onpeutdirede laChryséennecequeKiplingaffirmede laBirmanie–où ilavaitété fonctionnaire :elleest« différente de tout pays dont vous pourriez avoir entenduparler ». Et pourtant ! L’historienne rapporte des faitsparfaitement conformesà cequ’onattenddans cette régiondumonde : des vestiges préhistoriques, en grande partieénigmatiquesmaisaussivieuxqu’ilestpermis,destracesdelacolonisationgrecque,dessouvenirsdelaprésenceromaine,despreuves, précoces et continues, de la christianisation. Ellerappelle la naissance, laborieuse et douloureuse (l’aristocratiedesmarchandssembleavoireulongtempsàluttercontrelacastedes guerriers), puis la disparition de la féodalité. Elle évoque,comme ailleurs, une succession incessante de guerres avec lesvoisins–dont,deplaisantefaçon,ellerapportelachronique;laguerre de Vingt ans avec la Hongrie semble avoir été d’unesauvagerieexemplaire–etnotammentlesrécurrentesincursionsde peuplades rivales, invariablement qualifiées, qui qu’elles

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fussent, d’où qu’elles vinssent, de « barbares » oud’«infidèles»…

La Chryséenne ne touche pas, à proprement parler, laMéditerranée,maiscettemer–etlescivilisationsqu’elleporte–n’est jamais loin. Aussi le pays est-il éclairé par une lumièredure, violente, cruelle,mais égalementmarqué, depuis le fonddesâges,parl’intelligence.

Carole-AstridBronnotiracontelavie,l’expansion,l’apogéede laChryséenne,sa formidablerichesse–cesmontagnesd’orqui lui avaient valu son appellation classique, et qui ont faitd’elle,pendantdes lustres,uneespèced’Eldorado–,maiselleracontesurtoutlafindelaChryséenne,commentcepays,cequenuln’ignore,apurementetsimplementdisparu.

Le grandmérite du travail de Carole-Astrid Bronnoti, soncôtéprofondémentnovateur, tientprécisémentauxexplicationsde cette fin. Les cataclysmes, explique-t-elle, n’ont été quedétails anecdotiques. Les invasions sournoises qui les ontsuiviesontcertesaffaiblilepays,maisellesn’ontpas,ellesnonplus, jouéun rôledécisif.Leprojet d’agréger laChryséenne àson grand voisin a, certes, créé des tentations, mais Carole-AstridBronnotimontrefortbienqu’ileûtétébiensimple,dansunautrecontexte,d’yrésister.

LaChryséenneadisparuparcequ’àunmomentdonnépour,des raisons que l’auteur montre clairement – l’invasion dumatérialismesur toutes lesautresformesde laviesociale–, lepays n’a plus eu de religion. Tant qu’il a pu se nourrir delégendes,desuperstitions,decroyances,qu’ilaétéconstruitparune religion, il a prouvé une belle vitalité et vaillamment faitface à toutes sortes d’adversités. Ses arts ont produit dessplendeurs,etmêmelesartspopulaires,inventifsetrenouvelés,ont donné naissance à des chefs-d’œuvre. La quantité d’oraccumuléedans ce contexte, fruit du commerce entre cequ’on

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appelait alors l’Orient et l’Occident, a rendudebons services.Lejouroùlafoiadésertélepays,l’orestdevenuunpoidsmort,ils’estmisàobséderlesconsciences,etàdisparaître:laruine,c’estlaleçondulivredeCarole-AstridBronnoti,guettelespaysprivésdefoi!Lanatured’unecivilisation,écritl’auteur,citantMalraux,«c’estcequis’agrègeautourd’unereligion».L’État,poursapart,plusmodestement,cen’estjamaisqu’unereligionavecdesinstitutionsadministrativesetquelquesloisautour.Lereste, c’est de la bricole. «Les hommes qui ne croient pas enDieu, affirmait cet excellent Napoléon, on les mitraille. » LaChryséenne a été rayée de la carte du monde parce que seshabitants ont cessé de croire en Dieu. Le reste, c’est de lalittérature.

Leprixàpayerdecetteimpiété?Ladisparitiondupays–cequin’estdéjàpasrien–,aveclaconséquenceaggravantequ’onnesaitmêmeplusqu’ilaexisté: lesouvenirdelaChryséenneestmortavecelle,commesiellen’avaitétéqu’unfantomatiqueroyaumedudésertrecouvertparlessables,oublié,ignoré…

Le grand roman de la Chryséenne. Petite histoireanecdotiqueetcritiquedesesoriginesànosjours,parCarole-AstridBronnoti.

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défiedelaraideurstrictedesalignementsàlafrançaise.À quoi sert l’ordre ? Quelles valeurs sert-il ?, interroge

Roland-Benoît Croitras. Et d’esquisser des réponses sur desplans aussi divers que les arts, l’économie, le bonheur – sidifficile à quantifier –, sur le plan de l’agrément de la vie ensociété, de la joie – si difficile à décréter… Il fait observercombien les pays pauvres, sales parfois, mal équipés presquetoujours, sont joyeux, et combien les contrées prospères,industrialisées, urbanisées, rationalisées, souvent respectueusesd’unordreparfait,sonttristes,commentlesgensnes’yparlentpas, sont revêches, trouillards, envieux, jaloux…«L’argentnefaitpaslemalheur,écrit-il,maisilycontribue.»«Lacupidité,précise-t-il ailleurs, est la maladie congénitale de l’hommeblanc.»Sanspeine,Roland-BenoîtCroitrasmontrelesrelationsintimesquiunissentordre,efficacitéetargent.

Kafka avait observé que « ce n’est pas l’imagination quimène à la folie, mais la raison ». Qui, dans l’histoire, a étéresponsabledesplus atroces charniers ?Lespays endésordre,ou ceux, au contraire, qui dans un ordre strict, s’imaginaientavoir trouvé la clef du bonheur collectif ? Certainesinterrogations contiennent leur réponse. La démonstration deRoland-Benoît Croitras sur les méfaits de l’ordre, si elle estparfois caricaturale, n’en est pas moins rigoureuse etconvaincante.Mais sonapport leplusutilene résidepasdanscettefroidedémonstration.

Il tient à la sensibilité et à la culture qu’il mobilise pourexposer toutcedont l’hommeabesoinetque l’ordre, seul,neluiprocurepas.Lerêve?Notreépoqueeffroyablementconcrèteetmatérialistel’aravaléaurangd’unproduitdeconsommation.Ondésireune«voiturede rêve»,une«maisonde rêve»,un« corps de rêve », une « vie de rêve »…À part cela, sait-onencorerêver?«Lerêve,expliqueRoland-BenoîtCroitras,n’est

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qu’undésirdedésordre.»L’amour?Quelleplaceluilaisse-t-ondansunesociétérigidifiéeparunordretropstrict?«Moralismeet puritanisme, affirme l’auteur, ne sont que d’ennuyeusesincarnationsdeladécadence.»

La force de cet essai est cependant que Roland-BenoîtCroitrasn’ysuccombeàaucunespritdesystème.Ets’ilestimele désordre nécessaire, il ne mésestime pas ses limites. S’ilmontresanspeinelesaspectsstérilisantsdel’ordre,ilsaitaussià quel point son contraire peut être destructeur. Il cite AlainDelon,dansunfilmdegangsters,s’approchantd’unevillepouryfairemain-basse;levoyouacetteformuledignedesmeilleursmoralistes : « Deux dangers nous menacent, l’ordre et ledésordre.»

Pour mettre en valeur ces objections, Roland-BenoîtCroitras recourt à un procédé littéraire rarement en usage, quirelève de ce que les universités du Moyen Âge appelaient ladisputatio. À la fin d’un raisonnement, il imagine uncontradicteurluiopposerdesraisonsdepenserlecontrairedecequ’ilaaffirmé,oudumoinsd’atténuercequ’ilvientdedire.Surle plan intellectuel, l’exercice est fructueux, et sur le planlittéraire,pasdésagréable.

Malgrécela,onvoitoùpenchentlespréférencesdel’auteur.Sansunpeude«bordel»–lemot,assure-t-il,estplusjoyeux,convivial,vivantque«désordre»–, toutordreest irrespirable.Le bordel, c’est-à-dire la fantaisie, la rêverie, le règne del’imagination,etc.Maisilyamieux:parnature,lebordel,c’estlacréation,letremblementdelamiseenroute,uncoupdefolie,une catharsis. S’il n’est évidemment pas souhaitable dans ladurée, comment pourrait-on vivre sans lui ? Toute naissancecommenceparungranddésordre.

Autotal,Roland-BenoîtCroitrasmetbienenlumièrequesiledésordre–commentpourrait-ilenêtreautrement?–estpeu

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propiceauxaffaires–ausensoùilyadeshommesd’affaires–,il favorise toutes les formesde la création, car il est lui-mêmecréation. C’est sa grande supériorité sur les autres formesd’organisationsociale.

Del’avantagedubordelsurd’autresformesd’organisationsociale,parRoland-BenoîtCroitras.

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Aristote. Par exemple dans leur quatrième tract, ils citaient untexte de Novalis, extrait de La Chrétienté ou l’Europe, oùl’écrivain réhabilite leMoyenÂged’avantLuther et rêved’unretouràl’âged’ordansuneEuropepurifiéeparlafoiretrouvée:«L’anarchiebiencomprise,citaient-ils,estl’élémentconstructifdelareligion.Elleanéantitlesdonnéespositivesetsemanifesteennouveaufondementdumonde…[…]Seule la religionpeutréveiller la conscience de l’Europe et assurer le droit despeuples ; installer sur terre, dans une splendeur nouvelle, lachrétienté,occupéeseulementàpréserverlapaix.»1826,1942,aujourd’hui,certainesvéritéssemblentinaltérables.

CarstenDoboti-Lorrain, à l’évidence, est séduit par le faitque la contestation du nazisme – avec le stalinisme, un dessystèmeslesplusmonstrueuxdel’histoiredumonde–auraéténourriedefoietdepenséechrétiennes.QuecesjeunesBavaroisaient été lecteurs et admirateurs de Bernanos, voilà,manifestement, qui semble avoir renforcé l’amitié de CarstenDoboti-LorrainpourSophieScholl.

«Leuraudacesuprême[desmembresdeLaRoseblanche],écrit-il, leur force : avoir pris la parole. “Nous ne serons passilencieux”, écriviez-vous, Sophie, en conclusion de votrequatrième tract. Paroles que vous avez répétées, pour votredéfense,aucoursdevotreignobleprocès:“Cequenousavonsdit et écrit, beaucoup le pensent. Mais ils n’osent pasl’exprimer.”»

Arrêtéepar laGestapo, jugéeen troisheures,condamnéeàmort,SophieSchollaétédécapitéelejourdesacondamnation.

L’admirationdeCarstenDoboti-Lorrainvaau-delàdecequeméritelarésistancedésespéréed’unepoignéed’étudiantsfaceàlaguerretotaleetàlaterreurabsolued’unedictaturecriminelle.Par son opposition au régime nazi, La Rose blanche et sesvaillantsanimateurs représententunedes rares tentativesparmi

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lajeunesse,entempsdeguerre,nonseulementderésister,maiségalementdetriompherparl’espritsurlaviolencedesarmes.

«FaceauVeaud’or,écritCarstenDoboti-LorrainàSophie,face au consumérisme, à la toute-puissance des marchésfinanciers, des traders, des groupes capitalistes, qui ont peut-être créé des actifs monétaires, mais qui, avec une forceimpitoyable,ontfaitvolerenéclatssociétés, traditions,valeurset civilisations, face à ces désastres, on aurait besoinaujourd’huidevotre foi,petiteAntigone,etdevotre tranquillerésolution.»

Merci, pour son exemple, à l’attachante Sophie etmerci àCarstenDoboti-Lorraindenousavoirdonnéàl’aimer.

LettreàSophieScholl,deCarstenDoboti-Lorrain.

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Unlivred’imagesansimage

ostalgiquepeut-êtredesromans-photos,CostantinodeLobarrir a écrit ce qu’il a appelé un«docu-roman».C’est un récit d’un genre nouveau, construit à la

manière d’un documentaire cinématographique, d’une bandedessinée ou, donc, d’un roman-photo. Les informationsemployéespourfaireprogresserl’affairesontdequatreordres.Ily a des images–mais là où, dans les genresdont il s’inspire,ellesseraientsimplementmontrées,luilesdécrit;ilyaensuitedes commentaires sur ces images ; puisvient ladescriptiondel’action;enfindesdialoguesentrelespersonnagesenprésence.Toutcelaestclairementindiquésurleplantypographique.

Dans un film ou un documentaire, tout cela serait peu ouproumélangé.Dansunebandedessinéeouunroman-photo,ilya bien l’image, le cas échéant un texte pour la commenter et,dans des phylactères, les paroles des uns et des autres, maisl’ensembleseprésenteaulecteurenuneseulefois,globalement.CostantinodeLobarrir,cequiestpourlemoinsoriginal,atentédans son roman de décortiquer ces matériaux. Comme s’ilappliquaitlesrecettesdelaméthodesyllabique,enlesopposantà celles de la méthode globale. C’est soigneusement expliquésurlaquatrièmedecouverture,et,pourtoutdire,inspired’abordune espèce deméfiance.De prime abord, le lecteur craint quecette démarche, la décomposition, ne soit en définitivefastidieuse, prétentiarde, et ne serve, au total, pas plus le récitquelalittérature.Iln’enestrien.Docu-romanesttrèsamusant,prenant,etmêmecaptivant.

Ilfautdirequelamatièredececurieuxlivreestexactement

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indépendant.ÀcetitremembresduConseilnordique.EnpleineBaltique, les îles Aaland se sont soumises à un droit trèssingulier,quis’accordeavec laplusgrandepeine,surtoutpourtout ce qui relève des épaves marines, au droit des autrescontrées.

L’amusante entreprise deRotroNinitro deBalsac présenteenfinunesériedebizarreriesd’ordredivers.Ilyestparexemplequestion de la Transnistrie (capitale : Tiraspol), à la foisprovincedeMoldavieetRépubliqueindépendante,quin’estpasreconnue – c’est un euphémisme – par grand monde. « Sonterritoire,expliquel’Atlas,de4163km2,équivalentàceluidela Polynésie française, s’étire entre la frontière orientale de larépubliquedeMoldavieavecl’Ukraine,etlefleuveDniestr.Laconcordance entre le territoire de la République moldave duDniestr auto-proclamée à Tiraspol (RMD), et l’“Unitéterritoriale autonome de la rive gauche du Dniestr” (UTAD),juridiquement et internationalement reconnue au sein de laMoldavie, n’est que partielle : la RMD contrôle en effet desterritoiresquinefontpaspartiede l’UTAD,commelavilledeTighina [l’ancienne Bendery, qui avait été autrefois comptoirgénois],surlarivedroitedufleuve,maisnecontrôlepastoutleterritoire de l’UTADdont les communes deCocieri,MolovataNouà, Corjova, Cosnita, Pîrîta et Dorotcaia ont choisil’obédiencedugouvernementdeChisinau.»

UncourtchapitreestconsacréàlapetitecommunedeLlivia,territoire espagnol inclus dans le territoire français, reliée à laterre d’Espagne par une curieuse route « neutre ». Un autreévoquelaminusculeîledesFaisans,surlaBidassoa,quichangedesouverainetétouslessixmois.Encyclopédique,l’ouvrageenprésente les caractéristiques géographiques, l’histoire, lesactivités, etc. Il est égalementprolixepour laValléed’Aoste–

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ouleVald’Aoste(chef-lieu:Aoste),régionautonomed’Italie,quisecaractériseparunepopulationengrandepartietrilingue.Elleestfrancophone,maisparleégalement,enplusdel’italien,levaldôtain,languefranco-provençale,soigneusementenseignéedanslesécolesmaternellesetprimaires.«Ledrapeauvaldôtain,peut-onliredansl’Atlas,–comme,dureste,legonfanonduVald’Aoste – est formé par un rectangle de tissu divisé en deuxparties, une noire à gauche et une rouge à droite. La versionactuelle a été approuvée en 2006 et ne présente aucuneinscriptionnisymbole.Leblasondecetterégionquicouvre lahautevalléedelaDoireBaltéeestdesableauliond’argentarméetlampassédegueules,l’écutimbréd’unecouronnederégion.Un ourlet en or a été ajouté, peut-être à cause d’uneinterprétation faussée. Depuis 1947, tous les véhiculesimmatriculésauVald’Aosteportentceblason.»

Il est encorequestionde lacs, tellement loinde toutqu’onpourrait les croire de légende, de chaînes de montagnesdésertifiées,etd’entitéspolitiquesdisparues,commelafameuseChryséenne…

L’ensemble, au total, exerce une inexplicable fascination.Comme si, toutes affaires cessantes, il fallait abandonner leconfort de nos villes, et les chemins rassurants de notre viequotidienne pour partir à la découverte desmarges dumonde,avec l’intuition qu’elles conservent peut-être une espèced’intégrité,desauvagerieessentielle,quelesterresciviliséesontabolies.

Atlas de l’Europe oubliée, sous la direction de RotroNinitrodeBalsac.

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Undrameà80personnages

anica Oberon-Torrtils ne dissimule pas admiration,fascination, sympathie pour la personne dont elleraconte la vie, Arturo Brachetti, artiste transformiste.

Vous rêvez d’être gangster, et vous êtes gangster. Vous voulezêtreacrobate, etvousêtesacrobate.Vousvous sentezuneâmedecow-boy,vousvoilàcow-boy.Cerêveenfantindevouloirêtretoutàlafois,lespersonnageslesplusfabuleux,lespluschargésde féerie, de pouvoir, de richesse, de beauté, ce rêve, ArturoBrachettileréaliseàvolonté.D’untalent,ilafaitunepassion,unmétier, l’essence de sa vie.Chaque soir, en scène, il passed’uncostume,d’unpersonnage,d’uneidentitéàl’autre.

Danica Oberon-Torrtils a rencontré le transformiste, l’ainterrogé,afaitparlersesproches,l’avuetrevumillefois,àlaville et sur scène, candidement éblouie,béate, crédule, c’est-à-direentièrementréceptiveà lamagieduspectacle.Elleracontelaviedel’artiste.Dumoinsenbrosse-t-elleleportrait.

Pourautant,ellen’estpasaveugléeparsonsujet.Elleprendassezderecul,pourraconterl’histoired’ungenredominéparunmaîtreabsolu,référenceindépassable,devenuunnomcommun,Leopoldo Fregoli (1867-1936). Artiste, ventriloque, musicien,ce«roidelatransformation»aétéjusqu’àinterprétercentrôlescostumés dans le même spectacle ! Prestidigitateur génial, ilétaitseulenscène,maisaidéd’unevingtainedecostumiers,etriche probablement de centaines de trucs et secrets, qu’il aemportésdans la tombeoù il avait faitgraver :« IciLeopoldoFregoliaaccomplisonultimetransformation.»

Ces secrets, Arturo Brachetti s’est mis en mesure d’en

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Échangeàl’italienne

ansunfameuxfilmdel’après-guerre,Rizamer,réalisépar Giuseppe de Santis, avec notamment VittorioGassmann et l’admirable Silvana Mangano, des

mondine,travailleusessaisonnièresemployéesdanslesrizières,communiquent d’un champ à l’autre non en parlant, mais enchantant. Ce mode de communication secret leur permetd’échapperàlasurveillancedeceuxquiaimeraientsavoirleursintentionset,enparticulier,connaîtrelecoupableduvolquisertd’intrigueaurécit.

Dans L’Appartement, qui se déroule également en Italie,maisdenosjours,àRome,etquinedoitrienàl’universdelacampagne,IoannisRact-Bertoldormontrequelacommunicationentre les personnes peut ne pas passer par des paroles ou deschansons, mais par des transformations apportées à unappartement.Leproposestaudacieux.Ilracontel’histoired’uncouple de Français désireux de séjourner dans la capitaleitalienne, qui, par commodité et souci d’économie, choisit delouerpourquelquesjoursunappartementquisertd’ordinaireàseshabitants,derésidenceprincipale.Propriétairesetlocatairesont faitappelauxservicesd’uneagenceetnesesontpasplusrencontrés qu’ils ne se sont parlé. S’introduire dans cetappartement livre inévitablement, aux occupants de passage,milleinformationssurceuxquiyviventchaquejour.Ilssefontune petite idée de leurs goûts, voient ce qu’ils aiment lire,imaginentquiilssont,leursmétiers,leurstyledevie–pourquoiun lit si dur ? Après quelques nuits, ils en apprécient lesmérites… –, ils se demandent quelles peuvent bien être leurs

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relations,sefontdesidées,cherchentàsavoir…Finalement,surunfaisceaudeprésomptions impalpables, ilsadmettentquelespropriétairesnesontpasdespersonnesdésagréables–neserait-ce que parce qu’ils se sentent bien dans leur appartement, etestimentques’ilssontbien,c’estenpartieàcausedelafaçondont les propriétaires ont aménagé les lieux. Ils sont pris desympathie pour eux, veulent en savoir davantage, et se disentqu’il est regrettabledenepas les rencontrer. Ilsdécident alorsd’entrer enpropos, non en leur écrivant, ou leur adressant desmessages Internet – ce qui serait d’une navrante banalité ;qu’auraient-ils à leur dire avec de simples mots ? Qu’ils ontpassé du bon temps chez eux ? Qu’ils aimeraient faireconnaissance ? Les propriétaires s’enmoquent probablement ;ils avaient simplement besoin de louer leur appartement, et lereste ne leur importe pas le moins du monde… –, non leslocataires veulent entrer en relation avec les propriétaires enintroduisant dans leur cadre de vie d’infinitésimaux désordres,changementspresqueimperceptibles,quelespropriétairesàleurretour, tels que les locataires ont compris qu’ils doivent être,recevront comme des clins d’œil, des signes de connivence,commedesinvitationsànepasenresterlà…Unefausselettrediscrètementglisséedansun livre,commesielleavait servidesignet et été oubliée, de pseudo-brouillons dans la corbeille àpapier, quelques produits alimentaires, un objet posé dans labibliothèque, une faveur accrochée à une statue… : autant demessages qui ne veulent rien dire de précis, mais destinés àattirerl’attentiondespropriétaires.Leslocatairess’envont.Puisreviennent quelquesmois plus tard. L’appartement leur délivredes messages en retour, réponses aux signes qu’ils avaientlaissés, invitationsàpoursuivrel’échangecommencéparobjetsinterposés…Undialogues’établitainsi,àdistanceenquelquesorte,entrepersonnesquinesesont jamaisrencontrées,etqui

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ne se parlent pas directement… Ils jouent, papillonnent,s’éprouvent,veulentmanifestementseséduire.Aufildesséjours–cequipermetdeconclureàun romans’étirant surplusieursannées ; à l’heure où l’on est sommé d’aller vite et de ne pasperdrede temps,c’estuneprouesse…–,uneespèced’intimitéfinit par s’établir entre propriétaires et locataires, uneconnivence.Àdirevrai,lacomplicitéquivoitlejourn’unitpasindistinctement les deux couples ; elle naît plus précisémententrelafemmepropriétaireetl’homme,ducoupledelocataires.Sans que jamais soient échangés des lettres, unecorrespondance, des mots signifiants, en employant seulementdes allusions, des messages discrets, des gestes à peineperceptibles, ilsparviennent à établirune relationdecuriosité,decomplicité:lapreuvedelaqualitédecetterelationestqu’ilsenviennent,aufildesséjours,àavoirbesoinl’undel’autre,etdespetitssignesqu’ilss’adressent.

Un jour, le locataire, écriveur de livres de son état, laissenégligemmentdanslabibliothèquedel’appartementsondernieropus,publié sousunpseudonyme. Il s’estpluà raconter, sousformed’uneespècedefiction-confession,cequiluiarriveaufilde ses séjours au bord du Tibre. La propriétaire, précisémenttraductricede françaisen italien,écrità l’éditeur françaispourobtenirl’autorisationdetraduirelelivre.Ellesemetàlatâche:danslalanguedeDante,l’ouvrageconnaîtunsuccèsimmense,si grand qu’il permet à l’auteur d’acheter un pied-à-terre àRome. Son nouvel appartement lui servira-t-il, comme celuiqu’il louait, de moyen de communication ? Finira-t-il parrencontrer physiquement sa traductrice-propriétaire-complice ?Cen’est pasdit dans cepetit livre, drôle, rempli de finesse etd’esprit,etcelan’apaslamoindreimportance.

Aux dernières nouvelles, il est question que le livre soitadaptéaucinéma…

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Leromandontlehérosestunsourd

ussiloinqu’onremonte,l’aveugleestenlittératureunpersonnagedetragédie.Lesourd,àl’inverse,dumoinslemalentendant, fait rire. Les comédies de boulevard

en sont remplies. Cette représentation schématique est àl’opposéde la réalité.Malgré ce qui luimanque, l’aveugle esttotalement présent au monde, peut avoir une vie normale, estsouventgai…Àcausedesoninfirmité,lesourdestcoupédelasociété,isolédetout,taciturne,dansununiverssansvie:c’estlui,lepersonnagedetragédie.

Lesourdqu’OttolineRond-Barricasmetenscènen’entendabsolument rien. Car la surdité, comme un certain nombred’infirmités, connaîtunegradation.Ellepeut allerde la légèreincommodité qui empêche de clairement distinguer tous lessons,àlasurditétotale,parlaquellelemaladen’entendriendutout. Le héros d’Ottoline Rond-Barricas est totalement sourd.Curieuse idée d’en avoir fait un personnage de roman ! Sansdoutel’auteurs’est-ellefondéesuruneexpériencepersonnelle.Peuimporte.

Ottoline Rond-Barricas met en scène un sourd non pourmontrerenquoiilestvictime–d’uneanomalieoudelasociété–, handicapé – car il l’est, indiscutablement, mais ce n’estqu’une infimepartiedesonexistence–,nonpourapitoyerquique ce soit sur son cas, mais pour mettre en lumière, aucontraire, ce qu’on pourrait appeler son existence ordinaire ;toutcequichezluinerelèvepasdelasurdité,toutcequiestàpeu près indépendant de cette infirmité. Cette personne vit,comme n’importe quelle autre, a joies, peines, goûts, envies,

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aime ou déteste choses, lieux ou gens, a sympathies etantipathies,commen’importequi.

Ensociété,onsemoquedusourd,onparle,éventuellementdelui,ensachantqu’iln’entendpas.Ilcomprendunpeu,maispascequipasseparlavoix.Ilperçoitbeaucoupdel’ambiance,de l’atmosphère, de l’allure des personnes, de leurs regards…Lesautrescependantontdumalàcommuniqueraveclui–etluiaveclesautres.Rapidement,ilestmarginalisé.Ilfuitlasociété,et, très jeune,prend laseulesolutionraisonnable,compte tenudesonétat: ilserepliesurlui.Choisitden’existerqueparlapetitebulle intimequ’ilacrééeautourdelui.Lemondeneluimanque pas, parce qu’il l’ignore, ce qui est peut-être une desclefs de la création. Les vrais créateurs se coupent dumonde.Celanesuffitpasàdonnertalentetrigueur,maisdumoinscelaévitedeselaisserpolluer.

Ottoline Rond-Barricas montre son insolite personnageheureux de se retrouver entre sourds, à parler la langue dessignes, que ceux qui entendent normalement, estime-t-il, nepratiquentquetrèsimparfaitement.Avecsescontemporains,iladesrelationstactiles,collectionnelesparfums,estpassionnédepeinture.Malin, il occupeunemploiprofessionnel exactementadaptéàsoncas:ilestcritiquegastronomique.

Lesourdaimeladanse,qu’ilgoûted’unefaçon,estime-t-il,pure,débarrasséedelamusiquesurlaquelleelleestcalquée,etdontellenaît.Lacontemplationdesdanseurs,pour leursseulsmérites esthétiques, le comble. Personne mieux que lui neconnaît l’œuvredeMariusPetipa,nuln’admireavecdavantagede ferveur Maya Plisetskaya, nul n’est plus en mesure des’indignerdecertainesaudacescontemporaines.Ilserévolte,parexemple, contre un Lac des cygnes, créé par une compagnied’acrobates chinois, qui tient davantage du cirque que de lachorégraphie, et qui comporte une étonnante pointe de la

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danseuse–OdetteouOdile?–grimpéesurlesommetducrânedupauvreSiegfried.Ils’esttellementpassionnépourladanseetle ballet, qu’il en est devenu un spécialiste, régulièrementconsulté, en particulier par la chaîne de télévision Arte qui aproduit une série de courts documentaires sur les danses dumonde. Le sourd ponctue ces reportages de commentaires quiconstituentlarubrique«sansbruit»:onymontredesdanseursévoluerensilence.

Lehérospassesesvacancesàcourirlesmerstropicales,àlarecherchedesplusbeauxcoraux,etdesplusmerveilleuxballetssous-marins. Image touchante de cet homme, solitaire, quis’émerveille de ce que Jacques-Yves Cousteau avait appelé le«mondedusilence».

Aulieudesemorfondre,etpleurnichersurlesinconvénientsde son infirmité, le sourddécide, aucontraire, d’en tirerparti.Parexemple, les lieux trèsbruyants,d’ordinairepeuprisésparlesgensquientendentbien,sontdépréciés.Lesourdenprofite.Il achète une maison superbe près d’une piste d’aéroport :personnen’envoulait, elle ne coûtait rien. Il a de la place, ungrand jardin, et le spectacle, pas dérangeant et parfaitementsilencieux,d’avionsquivontetviennent…Ilyreçoitsespetitsneveux et nièces, met à leur disposition sifflets, tambours,cymbales,organisedesconcoursdefanfare,activitésbruyantes,partoutailleursinterdites,trèsdrôles.

Sur le plan amoureux, il fréquente une femme hystériquepassablement nymphomane, dont les râles de contentementauraient de quoi effrayer n’importe quel autre partenaire.Heureuxenamour, lebravehommenese rendcomptederien.Lesvoisinshorripiléssontfurax.Ils’enmoque.

La leçon du roman d’Ottoline Rond-Barricas est de fairementirl’expression«nerienentendre».Cruelleausenspropre,plus cruelle encore au sens figuré : être sourd signifie ne rien

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l’invention qui vient de leur être communiquée. Lesfonctionnaires laissent ses lettres – qu’ils appellent des« courriers » – en souffrance plusieurs mois ? Il imagine desarméesd’employészéléspenchéssurlesproblèmes,techniquesetjuridiques,posésparsoninvention.Ildemandeunentretien?Ilestpresquerassuréqu’onne luiproposederendez-vousqueplusieurs mois plus tard ; cela signifie certainement que sonaffaire est d’importance et prise au sérieux par des genscompétents.

Lebravehommepensebien,enfaisantavancersesaffaires,qu’il pourrait grâce à ses feux stop peut-être un jour fairefortune,mais il est surtout pénétré par le sentiment, ce qui lerendattachant,d’êtreunbienfaiteurde l’humanité. Ilnedoutepasqu’accrochésauxporte-bagagesouauxgarde-bouedesvélosdu monde, ses petits lumignons éviteront des accidents parmilliers,desmorts,desblessés,des infirmesàvie.Sansparlerdeséconomiespermisesgrâceàcesexistencesépargnées.

Son enthousiasme rencontre une administration qui révèleun art dont il ignorait tout, celui de se défiler. Il ne parvientjamaisàsavoirquelestexactement,poursonpetitproblème,leservicecompétent,etpasseplusieursannéesàsepromenerd’unbureauàunorganisme,d’unehauteautoritéàunconseil,d’unsyndicat – à qui a été délégué le pouvoir d’administrer – à unautre–quidélivrehabilitationsetgarantiesgouvernementales.

Son affaire, au fil des ans, finit par se désembourbermaispour se heurter à un argument indépassable : « le code de laroute, lui expliquedoctementunnomméBessaguet, contrôleurprincipal, ne parle pas des feux stop pour bicyclettes. Il nesauraitdoncêtrequestiond’agréercetobjet.»«Jevousrépète,que c’estmoi qui l’ai inventé. Le code de la route, ou aucunautrecodenepeutyfaireréférence».«Alors,sic’estpouruneinvention,ilfautallervoirlebureaudesinventions.Appelez-les

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autéléphone.»Ainsidesuite,àmi-cheminentreCourtelineetKafka.

Pour finir,monsieurLacombe,dégoûté,partà lacampagneoù, loindes feuxstop,desbrevetsetdesministères, ildevientapiculteur.

Petitehistoireadministrativeettechniquedel’inventiondufeustoppourlesvélocipèdesàdeuxroues,parBernardSonio-Carlotti.

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B

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Unelittératuredel’âme

ettina-ClorindaSororaime le sud.Les suds,pourêtreexact.Touslessudsdumonde.Partoutoùsontréuniesmer, plage, palmes, moiteur tropicale. D’où vient ce

goût?Amourdelalumière?Lespaysoùellesituelesnouvellesdesondernierrecueilsontparfoisglauques.Ilssontchauds,pasnécessairement lumineux. Elle ne parle pas du Sud marocain,des îlesgrecques,de l’Espagneoude laCalifornie,paysoù latransparencedel’airdonneuneidéedelasainteté.Sessudssontépais, touffus. Les ciels y sont parfois anthracite, gris bleus,mauves, noirs, lourds d’orages, annonciateurs de cyclones. Etdans ces suds, souvent des îles, elle ne dissimule pas sapréférence pour les côtes sous le vent, où l’air gorgé d’eauchange tout en éponge. Suds où la végétation luxuriante n’estjamaisloindesprémissesdelapourriture.

Sur une île, on est encore plus solitaire qu’ailleurs.Comment faire autrement ?Àquoi sert une île si c’est pour yavoir une vie sociale continentale ? Autant rester en ville, aunord.Surune île,onest solitaire.C’est la règleque les îles–surtout les îles du sud – imposent aux hommes. Demandez àNapoléon, qui en connaissait un rayon. Seul, on attend desvisites–quineviennentpasouquiarriventparfois.Avecceuxquiontaccompliungrandvoyagepourvoussaluer,pénètredansl’universclosdel’îlel’airdumonde,etaveccespersonnes,dutréfondsdesoiremontentlessouvenirsd’autresmomentsdesavie,quandonn’étaitpassurl’île.C’estlamatièredesnouvellesdecetteattachanteRoutedessuds.

Pourquoifinirsuruneîle?Avecquoifaut-ilavoiràrompre

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DansuntextedontilaempruntéletitreàJésusdeNazareth,«Laissezveniràmoilespetitsenfants»,Bernardino-CarlitoSotfait l’éloge de la simplicité et de la limpidité. Ce sont lesqualitéslesplusimportantesdecetteRelèvequ’ilattendetdontilafaitletitredesonlivre.

Cefaisant,ilprendsaplaceàlasuitedelalonguecohortedesartistesquiontcélébrél’enfanceetsucapterlesoleilfugacedespremiers âgesde lavie.Sesphotographiesnedépareraientpasàcôtéde la lumineusemerveilledepeintures,parexempledelaRenaissance,quireprésentantdesNativités,desViergesàl’enfantousimplementdesputti utilisés enornements, avaientdémontré que pour apporter grâce et vie à une compositionartistique, rien ne pouvait procurer plus admirable fraîcheur etplusparfaiterichessequ’unpetitenfant.

Cetteintuition,certainsmusiciens–Schumanndevelours–l’ontexpriméedansleurspièces,quilouentl’ineffablelégèretédel’instant.

Le livre de Bernardino-Carlito Sot, au total, est aussi purqu’une fresque de Giotto, aussi lumineux qu’une toile deBellini, aussi émouvant qu’une composition de Filippo Lippi.Queldéfautouquelinconvénientluitrouver?C’estimpossible.Ilfaudraitrenoueravecl’humilitédel’ancienritecatholique,etdevantcelivreremplidecharmeetd’émotion,s’agenouiller.

LaRelève,parBernardino-CarlitoSot.

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«U

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Médiocritéetdéclassement

njour,préditNietzsche,iln’yauraplusd’autresréflexionsquecellesportantsurl’éducation.»Serions-nousparvenusàcestade ? La place et le contenu de l’éducation constituent lamatièreduvéhémentessaideLorina-BenitaStrocord,LeSalutparlaculture.

Le point de départ de son travail est une enquêteinternationalesur lescapacités intellectuellesdes jeunesde15ans. Très complète, portant sur tous les pays dumonde, cetteinvestigationestconduiteparl’OCDEtouslestroisans.Àcesintervalles, les pays ont l’occasion de se situer dans lacompétition mondiale, et d’apprécier leurs propres évolutions.Les tendances sont d’une limpidité accablante : à côté de laprééminence écrasante de l’Asie, il faut constater ladégringoladedel’Europe,etlapositionaffligeantedelaFrance,aussi faible pour le niveau en mathématiques que pour lescapacitésde lecture.Entrenégationnismeofficiel,évitementdela vérité et résignation vaguement satisfaite, ce désastre publicne paraît susciter que peu de réactions utiles. Les dépensesd’éducationconsentiesparlesystèmenefaiblissentpas:n’est-ce pas, pour l’essentiel, ce qui intéresse la bureaucratie dessyndicats d’enseignants ?Ce tableaude laFrance est d’autantplus regrettable que la compétition mondiale est aujourd’huilargement fondée sur la matière grise – autant que sur laprésencedematièrespremièresoudesourcesd’énergie–,etqueles chiffres de l’OCDE masquent, à l’intérieur de la sociétéfrançaise,deprofondesinégalités.Siunecourteélitefaitbonnefigure, leplusgrandnombresembleavoir totalementdécroché.

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Cequi, écrit l’auteur citantClaude Imbert « vide de tout sensl’adhésion aux droits et devoirs de la nation. Et les cancresd’aujourd’huis’apprêtentàdevenir lesdéclasséset lesrévoltésdedemain».

Le livre est fondé sur un deuxième constat, rapporté parl’auteurd’unséjourdansleHaut-Atlas,enpaysberbère.«PourunEuropéen,écrit-elle, lecharmedecemonden’estpasde ledépayser,deluioffrirexotismeoujamaisvu.Ilestaucontrairede lui montrer ce qui est mort chez lui, mais que, dans sonobscurinconscientousespluslointainssouvenirs,iln’avaitpasoublié. Des hommes proches de la nature, soumis à elle,parvenus à des organisations sociales extrêmement solides,subtiles,efficacesetrassurantes,nonpardesidéesuniversellesde raison ou d’utilité, mais par un système de croyances,préjugés et traditions dont ils sont enveloppés, […] preuved’une société qui n’est pas encore, comme les sociétéseuropéennes, selon lemot deBernanos, “déspiritualisée”. […]C’est notre monde, à son enfance. Images inchangées depuisl’AncienTestament.[…]Spectacleréconfortantd’unehumanitéingénue et simple, parce qu’elle a conservé sa relation antiqueaveclanature.[…]LesBerbèresn’ontrienetilsdonnenttout!Quelle force et quelle sérénité sedégagentde cette immobilitémillénaire ! Et quelle leçon pour les Occidentaux, dévorés debesoinsmatériels,depuissanceetd’égoïsme!»

De ces deux observations, apparemment étrangères l’une àl’autre,Lorina-BenitaStrocordforged’originalesréflexionssurla notion de culture. Et de commencer par donner la parole àJacquelinedeRomilly,quiaconsacrésonexistenceàdéfendreet illustrer la culture européenne, dans ce qu’elle avait d’élevéet, à certains égards, d’universel. « Je regrette, avait écritl’académicienne,quel’onn’œuvrepassuffisammentpourcequidéveloppelaformationdel’espritparlaculture,parlestexteset

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rudedel’auteurparlui-même,parsondoublequilepoussedansses retranchements, avec intimidations, menaces, rappels àl’ordre. L’interrogateur reproche, par exemple, à l’auteur songoûtpourledésordre,ousapropensionàs’enteniràunstatutd’observateur critique de la société. Exemples : « Vousimaginez-vous, peut-être, que votre amour du grand naufragepourraitremplacerlapertedeDieu?Qu’instillerdansl’âmedevos contemporains cette espècede craintemillénariste pourraitles soulager, leur permettre d’échapper à leur sort larvaire ?Pourquoicetteattirancedugouffre?Désirdevousnuireetdenuireàvosproches?Répondez.»Poursadéfense,l’auteurnesaitqueciterChateaubriand :«Levez-vousoragesdésirés,quidevezemporterRenédanslesespacesd’uneautrevie!»N’est-cepas cela, en somme,qui est quêtédans l’apocalypse idéale,desespacespourune«autrevie»?

Du bon usage de l’apocalypse, par Rosalie-Corinna T.Bordt.

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Splendeursgastronomiques

l n’est précisé nulle part si Don Isabel Torr-Catrion estcritiquegastronomiquedeprofession,ous’il s’intéresseàlabonnechèreendilettanteetenhommed’esprit.Toujours

est-ilqu’ilachoisideréunirenvolumedesnoticessurcequ’ilestime,c’estletitredesonouvrage,LesMeilleursRestaurantsdu monde. En toute simplicité. Mais au lieu de présenter devéritables établissements, il instruit ses lecteurs sur desrestaurants qui n’existent pas. Quelle curieuse idée ! Quepenserait-on de chroniques sur des livres qui n’ont jamais étéécrits, de critiques de films qui n’auraient pu voir le jour, depeintures inexistantes ? Imagine-t-on un journaliste spécialisédans la décoration d’intérieur faisant visiter des demeuresimaginaires ? Un autre racontant des vies inventées, ouproposant la visite de pays théoriques ?Cela n’a pas de sens.Personnenepourraitycroire.Croireàquoi?Pourquoi?N’est-ilpasplussimpledeseréféreràcequiexiste?Enl’occurrencevisiter des restaurants, les tester et écrire ce qu’on en pense !Puis, le cas échéant, distribuer, comme tant d’autres, étoiles,rubans et breloques aux chefs méritants, aux maîtres d’hôtelefficaces, aux sommeliers compétents ou aux décors raffinés.Pourquoi ne pas simplement écrire : ici la table est bonne, làdécevante,UntelestunMozartducélerirémoulade,sonvoisinmartyriselavolaille,icic’estbon,làmocheetmauvais?

Pour abstraite et mystérieuse qu’elle soit, la démarche deDonIsabelTorr-Catrionestaumoinsaussiintéressantequesonpropos.Sansdoutefaut-ilyvoirunpeudemoquerie,etmêmededérisionparrapportàsesconfrèresquirecensentvraimentles

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restaurantsdeFranceetdeNavarre,ets’efforcentloyalementdetrier le bon grain de l’ivraie. Sans doute, si lui-même est dubâtiment, faut-il voir dans cet exercice de style un amusantnumérod’autodérision.Lamatièredescritiquescompterait-ellemoins,danssonesprit,quelamanière?Pourquoil’imaginationdu narrateur ne serait-elle pas aussi intéressante qued’hypothétiquestables–bienréelles–qu’ilauraitpuvisiter?Iln’estpasneutredenoterqueDon IsabelTorr-Catrionne livre,pourl’essentiel,quedesobservationsbienveillantes.Ilportecequ’il a trouvé à la connaissance des lecteurs, et n’hésite pas às’en servir pour faire passer ses opinions. On est loin dujournalisme. Loin de la dévotion quasi religieuse pourl’information.CommesiDonIsabelTorr-Catrion,voulantéviterle sort fatal de Camille Desmoulins, s’obligeait à ne pas« gâcher son talent dans les égouts du journalisme ». Nefaudrait-ilpas,au-delàdesesfacéties,devinerunintérêtpourunmondeidéal?Pourl’artpur?Pourquoipas?

LesrestaurantsdécritsparDonIsabelTorr-Catrion, repéréspardesbonsetdesmauvaispoints,àproposdesquelsilexprimecolères et enthousiasmes, procèdent évidemment de choixhypersubjectifs, puisque c’est lui qui les a inventés. C’est luiqui a imaginé région, architecture, décoration de la salle,mobilier, lui qui a conçu cuisine, service, sélectionné les vins,etc.Etc’estlui,aprèsavoirremplitoutescesfonctions–etpourunecinquantained’établissements–,quivientencoreexpliquercequ’ilfautenpenser,etqui,entrelapoireetlefromage,livrequelques petits secrets, recettes, trucs et conseils qu’on nedonne,encatimini,qu’auxamischers!

Le travail de Don Isabel Torr-Catrion est littéralementconfondantenceciquesesadresses,onanonseulementenviedelesfréquenter,maisl’impressiondelesconnaîtredéjà.C’estlecas,parexemple,decetteaubergedecampagne,enPérigord,

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Hautesolitude

esujetdudernierromandeDonat-OscarTrebor-Liniestvertigineux. Il raconte la vie quotidienne d’un homme,dernier habitant – dernier survivant serait-on tenté

d’écrire – d’un petit village perdu aux fins fonds d’unecampagne au demeurant mal située. S’agit-il des Cévennes ?D’unevalléereculéeduMassifcentral?D’unvillageducentredelaCorse?Peuimporte.Exodeetdésertificationonttouchélaplupart des campagnes françaises, qui peinent à s’en remettre.Donat-Oscar Trebor-Lini a poussé le phénomène à sonparoxysme et examiné ses conséquences non sur un plangénéral,économique,politiqueouesthétique–parcequ’iladesérieusesconséquencesnotammentsurlespaysages–,maissurl’espritdelaseulepersonnequiasurvécuàcecataclysme.Lesfamilles sont parties, ses derniers voisins sont morts ou enmaisonderetraite:lehérosdulivreestseul.

Société idéale, que celle réduite à une seule personne ?Àcertains égards. Le dernier habitant n’a plus à se soucier desincommodités liées au voisinage, de la promiscuité, souventpesante. Il peut aller et venir, ne doit tenir comptequede lui-même et de son bon vouloir : sa vie est une incarnation de laliberté absolue, idéale que tout un chacun, parfois, a pu rêver.Sonpremiermouvementest,dureste,desedirequ’ilvacréerunmondeparfait,unesociétéexactementselonsesgoûts.Aurait-ilainsi atteint le sommet de la civilisation ? Non, parce qu’unecivilisation n’existe pas sans religion, et que seul il estimpossible de faire vivre une activité communautaire. Lemysticisme n’est pas une religion. Ce n’est qu’une forme du

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délire.Sonparadisadesairsdel’enfer.CejournalduDernierHomme–titreduroman;clind’œilà

Camus?–,décritsesjournées,sespensées.Lerécitdechaquejourest entrecoupédusouvenirdes joursanciens,de l’époqueoù le village était vivant, plein demonde, bruissant d’enfants,d’activité. Souvent la mélancolie se marie à la nostalgie.L’homme est seul, mais au milieu de maisons inhabitées,nombreuses,vides,blessées,abandonnées…Etpuisflottesurlevillagel’âmedeceuxquipendantdessièclesyontvécu,amis,parents,proches.

Samuel Johnson assurait que « les Irlandais sont des gensjustes : ils ne disent jamais de bien les uns des autres ». Ledernierhommeestdecetterace:parsoucidejustice,iln’écritjamais de bien de lui. Il n’en pense d’ailleurs pas. Tout seul,sans lemoindre lien avec quelque société, il est parvenu à nepluspensersurlui-même.

Pourêtreexact,ledernierhommen’estpastoutàfaitseul.Danssonermitage,ilestaccompagnédesachienne,Bourrique,qui le suit partout, dans la maison et sur les cheminsembroussaillésquipartentvers lacampagne. Il caresse labête,auraittendanceàlatenirpourunecompagne,maisillamaltraiteégalement, l’insulte, ce qui lui permet, assure-t-il, de « passerses humeurs ». Il est le dernier, mais demeure pitoyablementhumain. Et puis, de loin en loin, même s’il n’a pas plus detéléphone que d’ordinateur – « À quoi cela servirait-il ?s’interroge-t-il.Jem’ensuispassétoutemavie»–,ilreçoitducourrier, en particulier de son vieux copain Bessaguet, qu’ilavaitconnuauvillage,oùilrandonnait,quiluicommentel’étatdelaplanèteetluiparledesesamours.Toutcelaestloin.

Onnesaitriendelamanièredontilestperçuparlerestedumonde.L’hommen’apasdefamille,enfantsetpetits-enfantsdesesvoisinsneprennentmêmeplus lapeinederevenirunefois

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paran,commeautrefois,quandleursancêtresétaientencoreenvie. Le reste dumonde ignore son existence, ne la soupçonnemêmepas.Sansdoute,sionconnaissaitsavie, leprendrait-onpourunfou…

Lerécitdel’homme,quibravementtentedes’organiser,dene pas être submergé par la solitude, suggère une facilecomparaisonavecRobinsonCrusoé.Commel’autresursonîle,l’hommeestégalementuneespècedenaufragé. Ilasurvécuaudéluge dematérialisme qui a emporté lemonde qui l’avait vunaître. Ce n’est pas rien.Avec le personnage deDefoe, il y acependantunedifférenceappréciable:àlasolitude,s’ajouteunautre naufrage, redoutable et inguérissable, la vieillesse, plusexactement le vieillissement, c’est-à-dire la dégradation,l’altération des capacités…Dans la société des hommes, avecl’aidedes autres, des institutions, des soins, le phénomène estdéjàdouloureux;seul,ilestunetragédieabsolue,quidonnelatentationdusuicide.

Les pensées de l’homme vont ainsi de l’impression de laperfectionàlaclaireconsciencedeladéchéance.Disparitiondumonde, cela veut dire espoir de renaissance : les plus belleshistoires, assurait Jack London, commencent toujours par desnaufrages…

Le Dernier Homme est un roman de l’intimité, de lasolitude, élaborédans le face-à-faceavec soi-même.Àce titre,s’il est parfois touchant, il est rude, dur, impitoyable, sans lamoindreconcession.C’estsabeauté.Maisc’estaussiunromanàcertainségardsinitiatique:saufquelepersonnagen’apprendpas, commedans ce genre de littérature, à vivre ; il apprend àmourir. Ce qui est un peu la même chose, mais donne uneampleur insoupçonnée au récit et une vraie grandeur auxconfidencesdunarrateur.

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34-LamaisondubonDieu

35-EntreCourtelineetKafka

36-Unelittératuredel’âme

37-Laquêtedesorigines

38-Quelquesnotesetpuiss’enva

39-Lespetitsprinces

40-Médiocritéetdéclassement

41-Surlaterrecommeauciel

42-Trésorsdelalanguefrançaise

43-Neserions-nousqueruines?

44-Splendeursgastronomiques

45-Descontradictionsfertiles

46-Finirenbeauté

47-Fauxdéparts

48-Hautesolitude

49-Unelittératurealzheimerienne

50-Lemalàlaracine

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51-Ilnefautjamaisoublierlelecteur

52-Harcèlementetchantage

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