Le Temps Du Miroir

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LE TEMPS DU MIROIR w e autre id& du football et du journalisme.

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Cinquikme volume de la COLLECTION a SPORTS s

&rig& par Dominique DUVAUCHELLE

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LE TEMPS DU MIROIR une autre idde du football et du journalisme.

COLLECTION SPORTS

EDITIONS ALRATROS 14, I& de TArrnorique - paris 15"

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DU MEME AUTEUR

Le Roi Pelt - F. Nathan

@ Editions Albatros, 1982.

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Ce livre est dkdik rt la mkmoire de Pierre Lameigntre, collabo- rateur de la premitre heure du Miroir, footballeur professionnel de talent, j o u d i s t e intransigeant. Et de sa compagne, Betty.

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INTRODUCTION

ImpI-imCes, les feuilles mortes se ramassent aussi B la peue. Alors pourquoi s'attarder sur le destin de I'une d'entre elles ?

Parce que durant seize annCes - de sa naissance en jan- vier 1960 jusqu'h la dislocation'de son Cquipe de journalistes en mai 1976 - le Miroir du Football a constituC un cas unique dans l'hstoire de la Presse sportive mondiale.

Unique par la nature de son contenu qui 'abordait tous les aspects - technique, tactique, kconomique, politique, moral, phi- losbphique, esthetique - d'un phdnornhe social. auquel les intel- lectuels restaient indiffdrents.

Unique 'par l'audace et I'entCtement de s'es carnpagnes- dont I? temps a presque toujours justifid le bien-fond&, meme quand elieS i5faient ' menCes u contre le courant m.

Unique par la vigueur de son ton. Chaleureux et enthousia~te envers les joueurs, la chair et le sang du football. Critique envers Ies diiigeants de clubs et de' FddCratiohs. ~ o l ~ m i ~ u e envers les dairistes, Yes goliticiens et les technocrates, toujours pr&ts B exploiter ou manipuler les sportifs.

'

Unique par la cohbion de son Cquipe de journalistes lids par leur passion commune pour le football qu'ils exprirnaient par une pratiipe rkgulikre et rkfldchie du jeu.

Unique par l'autonomie r&ilactionnelle et 'la libert& d'expres- sion arrachCes au prix d'un combat quotidien B une direction que ses intCr&ts, son autoritarisme et son appartenance politique ne prCdisposaient ni B la tolCrance, ni au laxisme.

Le Miroir clCtait une (< autre m idCe du Football et du journa- lisme. Du Football considCrC comme un grand Art populaire, oh I'inspiration, l'intelligence, l'imagination, la maitrise technique, le plaisir de jouer, I'esprit collectif sont des qualitds majeures. Du journalisme considCrC comme un moyen &informer, d'expliquer, de faire aimer le vrai et le beau, et non de vendre du papier en flattant 10s bas instincts du public.

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Cette id& est n& de l'idsistible expansion mondiale du football au cours des annCes 50, m a r q u h par le formidable d&e loppement de la pratique du jeu, par l'tdification de stades gigan- tesques, par le succts populaire des compdtitions internationales existantes, par la crdation de nouvelles Cpreuves, par la rCvClation d'tquipes merveilleuses et de joueurs de gCnie, par la multipli- cation de spectacles enthousiasmants et la promesse de lende- mains plus exaltants encore.

Le Miroir a-t-il perdu sa raison d'Ctre lorsque le football illustrd par PelC, Di Stefano, Tostao, Gerson, Puskas, Hidegkuti, Schiaffino, Vukas, Kopa, Fontaine, a cCdC la place aux caricatures qui portent aujourd'hui son nom ? Ou la disparition du Miroir estelle plut8t imputable B la volontC de ses Cditeurs d'en h i r avec une aventure journalistique A laquelle ils Ctaient compltte- ment Ctrangers ?

Pour le savoir il Ctait indispensable de montrer dans ses grandes lignes et d'expliquer llCvolution du football en France et dans le monde A partir de 1945, puis d'en dtablir les rapports avec la naissance, la vie et la mort du Miroir. De meme qu'il fallait dkrire la vie interne du journal et ses contradictions.

Ce livre n'est donc pas un dglement de compte que le reed du temps ferait paraitre ddrisoire. I1 a la simple ambition de &pondre aux questions que se sont vainement p o s h aux qui ont aim6 une certaine id& du football.

Etait-il opportun de publier cette dponse B quelques semaines d'une Coupe du Monde qui va battre tous les records de recette et prdtend tenir en haleine 1 milliard et demi de t6lespectateurs ?

N'est-il pas pdsomptueux de rappeler en ces circonstances k combat men6 par le Miroir du Football contre une dvdution du sport qui se traduit par une telle dussite ?

I1 n'est pas interdit de rappeler que si Ia grade compMtion continue A susciter tant d'intdret et d'espoir, elle le doit B cette

autre id& :, du football qui a remportt A Mexico en 1970 la der- nitre en date de ses vraies victoires.

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PREMIERE PARTIE

UN ENFANT IIE L'AGE D'OR

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CHAPITRE I

1950-60 TRlOMPHE DE L'ART DU FOOTBALL

En 1901 une foule Cvalude Q 114 000 spectateurs assiste it la Finale de la Coupe d'hgleterre, Tottenham-Sheffield, sur les gra- dins du stade londonien de Crystal Palace. Le football remue d6j8 les masses populaires it I'orde du sikle. Mais sur le continent le jeu de la balle ronde n'en est qu'aux premiers vagissements.

Quand se ddchahe la seconde guerre mondiale en 1939, le football a gagnt partout de nombreux adeptes, mais les dtres britanniques continuent it jeter sur leurs B&ves qui s'dbattent de I'autre cat6 du Channel des regards condescendants. 11s ont d'ail- - leurs refusd de les affronter dans les trois Coupes du Monde orga- nisdes depuis 1930.

Pourtant la passion du foot s'est si bien enracink sur le conti- nent que m6me la guerre ne parvient pas h paralyser compl8te- ment ses manifestations dans les pays directement engagds dam le conflit. En Angleterre, en Allemagne, en France, en Belgique, en Italie les tquipes amateurs se rencontrent dans des compdti- tions rdgionales et les grands clubs disputent parfois des compB titions de plus grande envergure.

Le contexte n'est dvidernment pas favorable h un jeu de haute qualitC. Mais cette activitd permet aux joueurs et aux Cquipes d'dlite d'entretenir leurs qualitCs voire d'exercer leur activitc! pro- fessiomelle, et on s'en apercevra d&s le retour de la paix oii I'on retrouve une grande partie des vedettes de I'avant-guerre en pos- session de leurs moyens. Les sportifs de GrandeBretagne assis-

1 teront m6me dbahis B l'extraordinaire tourn& que Dynamo de Moscou effectuera en 1947 it travers le Pays de Galles, 1'Angleterre et YEcosse, avec des btballeurs dont ih ne souppnnaient pas la valeur technique et I'expdrience.

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Telle est d'ailleurs llimpatiente vitalit6 du football que &s . le 30 septembre 1944, un mois p ine apr&s la Libdration de Paris et alors que les combats se poursuivent dans une grande partie de l'hexagone, une sdlection dite de la a France Lib&& m, forte de vedettes professionnelles d'avant-guerre re~oit au Parc des Princes une dquipe de 1'Armde britannique constitude par des grands noms du a soccer w.

I1 faut attendre le 8 Mai de l'annde suivante pour que la capi- tulation du Reich impose le silence aux canons. Mais l'dquipe de France a devancd cet instant historique et ddjP joud trois matches : le premier B Paris contre la Belgique, le second h Lausanne contre la Suisse et le troisibme B Wembley contre llAngleterre.

La paix rdtablie les choses vont aller trks vite. La France, moins endolorie que certaine de ses voisines prend une ldgbre avance, en faisant jouer le 6 mai 1945 B Colombes sa premikre finale de la Coupe. 49 983 spectateurs applaudissent la victoire du R.C. Paris sur Lille. Le mCme dvdnement attirera 59 692 per- ,

sonnes en 1946, 59 852 en 1947. Le stade de Colombes a beau &re vdtuste et dlacc&s incommode, il rdunit des assistances supdrieures a celles des Finales d'aujourd'hui (1).

De I'autre c6tC de la Manche, la Cup Final ne retrouve ses J

100000 tdmoins habituels qu'en 1946, et le Champiomat profes sionnel ne renoue avec sa forrne traditionnelle qu'au ddbut de la saison 46-47. Mais on assiste alors B un rush fantastique du public. Le nombre des spectateurs du Champiomat s'ttait Clevd B 31 mil- lions lors de la saison 1938-39 ; dans la saison 4849 il atteindra . Ie total stupdfiant de 41 millions.

200 000 spectateurs cf Maracana *

Pour avoir une vision plus complete du formidable boom que va comaitre le football au cours des anndes 50, rien ne vaut un coup d'oeil sur la Coupe du Monde, dont la quatribme tdition (la premi&re de llapr&s-guerre) va Ctre organiste par le Brtsil, prdci- stment en cette annde 1950. Le choix d'un pays tpargnt par la tourmente est d'autant plus judicieux que la valeur du football brdsilien s'est manifest& pour la premiere fois en Europe lors de ; la 3' Coupe du Monde organiste en France, par la conquete d'une ; : troisibme place tr&s prometteuse. Mais personne sur le V i m '

4 4'

(1) C'est en mai 1946 que parut le premier m u n h de Miroir Smint dont la hot0 de couverture repdsentait F r a n ~ i s Bourbotte, !e capitaine du W e &.c. portant la Coupe de France mnpvlse par son 6gvlpe.

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Continent n'imagine les dimensions et le faste que h plus grande nation de 1'AmCrique du Sud va donner ta la fete de la nkurrection footballistique.

Pour les dimensions, deux chiffres : 1377000 spectateurs pour l'ensemble des matches de la phase finale. 200000 specta- teurs pour la finale disputde dans le plus grand stade que l'on ait jamais construit : Maracana. La plus forte assistance totale enre- gistrde jusque-lA dans la phase finale de la Coupe du Monde h i t de 483 000 spectateurs.

Ddcrire le faste de la fete, l'admirable Ccrin exotique de Rio, la passion tumultueuse de la u cidade maravilhosa B pour le u fute- bol B, la qualit6 extraordinaire du spectacle offert par les Cqui- pes et surtout l'dquipe du BrCsil, pose aux rares envoy& spCciaux Venus &Europe des probkmes ddlicats en raison de la surface rdduite que leurs journaux accordent A l'Cv6nement en raison des restrictions sur la consommation du papier. Mais s'ils font un grand usage du superlatif quand il s'agit des joueurs au maillot vert et or, leurs lecteurs les excusent, quand ils ont enregistrk les scores des matches Brksil-Su&de et BrCsil-Espagne (7-2 et 6-1) qui ouvrent la poule finale A quatre pour l'attribution de la Coupe.

VirtuositC individuelle, maitrise collective, offensive h tout-va, fantaisie inspide ... au formidable trio central d'attaque Jair- Ademir-Zizinho rien ne semble pouvoir rdsister. Et bien avant le coup d'envoi du match contre llUruguay, ultime obstacle qui sCpare son Cquipe de la Coupe apportCe par Jules Rimet le PrCsi- dent de la F.I.F.A., le peuple de Rio fete ddjh la victoire dam une ddbauche de couleurs et de musique. *

Mais les 200 000 privildgiCs, entassds dans l'immense vaisseau de bCton pour assister au triomphe brdsilien, restent pdtrifib lors- que Ghiggia, l'ailier-droit uruguayen parachhve I'ceuvre de Juan Schiaffino, le gdnie de la u CCleste B et le travail de sape dlObdulio Varela, en marquant le but de la victoire face a m virtuoses peu B peu dCconcertCs par la farouche r6sistance des u machos B du Rio de la Plata.

La consternation des Cariocas prend des formes si spectaculai- res que les journalistes europkens en oublieront de rechercher les

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raisons d'un Cpilogue tout de mCme paradoxal. En dehors d'innom- brables sujets d'ktonnement et d'admiration, la u Taw do Mundo . a donc laissC une grande question sans rdponse.

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Drame au Wankdorf

La question qui va se poser sous une forme 2t peu prib identi- que quatre ans plus tard au coup de sifflet final de la 5" Coupe du Monde au stade du Wankdorf de Berne. Elle sensibilisera plus encore les sportifs europdens dont beaucoup ont pu mesurer de visu la valeur exceptionnelle de I'dquipe de Hongrie et son infortune.

Quelques mois ont suffi en effet B cette formation venue de l'autre c6td du rideau de fer pour conqudrir le m u r et I'esprit des sportifs occidentaux, avant meme qu'elle ne s'aligne au ddpart de la course au titre mondial sur les stades de la Suisse. Est-ce sa victoire a historique D de Wembley sur l1AngIeterre (6-3) - la pre- mibre ddfaite de I'dquipe de la Rose sur son sol - et son kclatante confirmation du match-retour B Budapest (7-1) 3 Est-ce la profes- sion de foi offensive que son manager, Edouard Sebbs exprime en ces termes a Le football consiste h marquer plus de buts que Z'ad- versaire. I1 importe peu qu'il en marque cinq si nous en marquons sin w ? Est-ce cette boulimie de buts que le a Wunderteam magyar B satisfait dbs son entree en lice dam la Coupe du Monde en in%- geant 9-0 21 la Cork et 8-3 B lPAllemagne ? Est-ce l'incomparable brio de Puskas, Hidegkuti, Kocsis, Boszik, Czibor ? En tout cas cette "

dquipe est adopt& par les sportifs de toute 1'Europe et soutenue sur les stades de la Confdddration comme si elle jouait devant son public. Et ses victoires soulhent un enthousiasme qui ne doit rim B des considkrations extkrieures au sport.

Le Brksil et llUruguay, les finalistes de 1950, opposent aux Hongrois une rdsistance beaucoup plus sdrieuse. S'ils succombent

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tous les d e n sur le mCme swre (2-4), la performance de la Cdleste en demi-hale est dlune qualit6 telle que le Stade de la Pontaise B Lausanne confond dans les mCmes ovations les vingt-deux acteurs - du plus beau match qui ait illustrd IIHistoire du football. Vingt ans aprbs, les tdmoins de ce duel de gknts disputd sans une fausse note durant deux heures, sous le signe de I'intelligence, de la tech- nique et de l'esprit offensif, dvoqueront avec 4motion les exploits dont Hidegkuti, Schiaff ino, Kocsis, Hohberg , Czibor, Andrade, Boszik, Martinez se montrbrent prodigues.

Mais au stade du Wankdorf les Hongrois vont conndtre le mCme sort que les Brdsiliens B Maracana. Aprh avoir men4 2-0 comme ils I'ont fait dans tous leurs matches de la comp&ition, ils vont baisser de pied et succomber, sur un tir du solide ailier Rahn, devant une Cquipe dlAllemagne men& par l'excellent Fritz Walter, - mais fort ddpourvue d'inspiration.

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Dans les rangs des vaincus, P u s h a fait sa rentrde, et bien que ma1 rktabli, a ouvert le score puis marqud un troisibme but refuse pour un hors-jeu douteux. Son gknie du jeu n'a pas rdussi it compenser dans l'kpreuve finale les efFets de la fatigue nerveuse sur les organismes de ses coCquipiers trop soUicitCs dans leurs matches difficiles contre les BrCsiliens et les Uruguayens. Mais comment Cviter de penser que s'il n'avait pas CtC bless6 par l'Alle- mand Liebrich, Puskas aurait jouC ces deux rencontres, allkgk consi- derablement la tiiche de ses coCquipiers et permis B son Cquipe d'aborder la finale dam des meilleures conditions 3 Affirmer que le 8-3 encaisse par 1'Allemagne en huitibme de finale devant Ia Hon- grie s'expliquait par le fait qu'il s'agissait d'une formation expCri- mentale, et que la blessure de Puskas dans les dernibres minutes de la partie fut accidentelle, n'a pas suffi B dissiper le malaise pro- voque par le rksultat de la Finale. Un malaise (2) que vont accen- tuer 1'Ctrange kpidkmie qui frappera les nouveaux champions du monde et encore plus la sdrie de ddfaites qu'ils vont subir la saison suivante.

Cinq buts par match

H o d s cet dpilogue fhcheux, la Coupe du Monde 1954 n'a laissd que des sujets de satisfaction. La qualit6 du jeu a atteint un niveau jamais enregistrd. La moyenne des buts (5,60 par match, contre 3,95 en 1950) est un record qui ne sera jamais approchd. I1 ne laisse Cvidernment aucun doute sur la volontd offensive de tous les concurrents, et sur leur valeur. En dehors des formidables joueurs hongrois, nombre d'attaquants de grande classe se sont affirm& ou rdvC1ds : Fritz Waltq et Schaefer (Allemagne), Schiaf- fino, Hohberg, Abadie, Andrade (Uruguay), Ocwirk, Koller, Probst, Stojaspal (Autriche), Matthews et Finney (Angleterre), Vukas, Mitic, Bobeh, Tchaikowski (Yougoslavie), Didi, Julinho, Nilton San- tos (BrCsil), Kopa, Marcel (France), Hugi, Antenen (Suisse), Cop pens (Belgique), Lorenzi (Italic).

Dam le domaine de la tactique les Hongrois ont apportd une innovation avec le dispositif en 4-24 (quatre arrikres, deux demis, quatre avants) dont on attribuera tort Ininvention aux Brdsiliens en 1958. La position t&s ddfensive de Zakarias, l'un des demis,

(2 Dans la Presse francpise, on arlera beaucoup - pour h premikre fob d ans l'histoire du football - $e &pz Mais cettc insinuation ne cbnduira pas remettre en cause la dgul t6 de la victoire allemande. Et powtaut.,.

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procure B llCquipe de Hongrie un second arribre central. Quant it Hidegkuti, avantcentre nominal, il Cvolue souvent en retrait et lorsqu'il passe B la pointe de l'attaque, c'est Puskas ou Kocsis qui recule pour occuper le milieu de terrain aux c6tCs de Boszik. Un systbme trbs souple que permet le talent multiforme de Hidegkuti, Puskas et Kocsis.

Autre sujet de satisfaction : le sucds populaire de la comp6- tition. Avec 954000 spectateurs, cette Coupe du Monde a rCuni une assistance deux fois plus grande que le meilleur total enregis- trd dans les deux prCcbdentes dditions europCennes. De tous les pays dlEurope les sportifs ont afflud en Suisse, donnant pour la premikre fois le spectacle d'un type de migration qui va devenir familier.

Enfin le Brksil et... la France ! - En 1958 la Sukde en raison de sa situation gdographique excen-

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trCe rCussit en ce domaine une performance lCg&rement infdrieure avec 880 000 spectateurs. Mais la 6' Coupe du Monde n'en sera pas moins une manifestation 8 la gloire du football comparable B celle qui a eu la Suisse pour thCitre. Jeu offensif et spectaculaire, rCgularitC sportive des rCsultats, ambiance dCpourvue de chauvi- nisme, mais en p l y la trks nette victoire hale de la meilleure Cquipe du Tournoi qui satisfait la logique. c.

ContractCe par les souvenirs de la dCfaite de 1950 et de 1'Cli- mination de 1954, l'dquipe du Brdsil a tird les legons tactiques de ses deux mbsaventures, en adoptant le dispositif du 42-4, garantie de llCquilibre attaque-defense. Mais elle n'a pris un vdritable ascen- dant sur ses rivales qu'8 partir du moment oh PelC, un adolescent noir de 16 ans et demi a pris place dans sa ligne d'attaque. Le grand talent de Didi, Nilton Santos et Zito, la virtuositC dans le

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dribble de Garrincha, la sQretd de Djalma Santos, la puissance de Bellini et l'adresse de Gilmar n'auraient peutttre pas suffi B lui ouvrir l'accks de la Finale, si le gCnie offensif et llefficacitC de Peld ne slCtaient pas avCrCs dCcisifs en quart de Finale contre le Pays de Galles, en demi-finale contre la France et en Finale contre la Sukde.

Mais avec celui qui va dominer de trks haut le football inter- national jusqu'en 1974, cette Cquipe du BrCsil est supCrieure B toutes ses concurrentes y compris la France, B laquelle les obser- vateurs internationaux accorderaient la seconde place du Tournoi, si le classement s'effectuait la cote d'amour. Mais le sort a opposC en demi-hale les deux meilleures Cquipes du moment, le BrCsil

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a gap6 sur le score de 5-2 dont I'importance s'explique par le fait que, Jonquet souffrant d'une f a w e du tibia, a dii laisser les trico- lores ddfendre leur chance B dix. L'dquipe de France confirmera d'ailleurs de manibre Cclatante la valeur qu'elle a manifest& depuis le ddbut de la compdtition, en remportant la troisikme place dam le match de classement oh elle kcrase llAllemagne (6-3). Deux chiffres tdmoignent de son efficacitd offensive : les 23 buts de son actif (contre 16 au Brksil), les 13 buts inscrits par Justo Fontaine B son palmarks personnel. Ce dernier chiffre est un record qui vingt-deux ans plus tard n'a pas encore kt6 approchd. Encore une distinction honorifique : Raymond Kopa est proclamd a meilleur joueur du tournoi w par un jury de journalistes de tous les pays !

La Sukde qui a accddd i+ la Finale B la faveur d'une victoire contest& devant IJAllemagne, a rkalisd exactement le mCme score que la France face au Brdsil. Mais elle a joud toute la partie au grand complet, et sous les encouragements des 50 000 spectateurs du Rasunda Stadion ...

Cette Coupe du Monde 1958 a confirmB la progression quanti- tative et qualitative du football. Cinquante-et-une nations y ont particip6 contre 38 en 1954 et 33 en 1950. Dans le domaine du jeu, I'orientation gdndrale demeure r6solurnent offensive. Les 27 buts marquds au cows des quatre derniers matches (demi- finales, finale, match de classement) ne laissent aucun doute B ce propos. Mais on ignore encore que le Brksil va viser la conquCte ddfinitive de la Coupe Jules Rimet, et que Peld a commend son dgne sur le monde de la balle ronde.

Lumi2re et Coupe dJEurope

En ddpit de son triomphe suCdois, la Coupe du Monde pr& sente deux inconvknients : elle n'a lieu que tous les quatre ans. EIle est rkservCe aux sdlections nationales.

Or le dkveloppement des moyens de communication et de transport encourage dksormais une pratique plus large de cette langue internationale qu'est devenu le football. En outre les grands clubs ont pris conscience de leur puissance et ne veulent plus laisser a m Fkddrations ou Associations nationales Ies b6nCfices sportifs et financiers des grandes compdtitions.

Bien sib il ne peut Ctre question pour les clubs - tout au moins dans un premier temps - de ndgliger les charnpionnats nationaux qui constituent leur menu hebdomadaire et la source la plus rdgulikre de leurs revenus. Mais ils posddent maintenant le moyen de concilier cet irnpdratif avec leur participation ta une

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competition internationale dont les matches pourraient se ddrou- ler au milieu de la semaine, le mercredi par exemple. Ce moyen c'est la lumibre artificielle que la plupart des grands clubs ont dejh install& sur leurs stades. Elle servait jusqu'ici ii tklairer le spectacle de compCtitions-test comme la Coupe Latine ou la Mitre pacup. Elle va permettre h la Coupe #Europe des clubs champions d'effectuer pendant la saison 1955-56 un ddmarrage prudent puis- que seulement seize nations sont reprksenttks dam cette ddition inaugurale.

Le succb de la competition est immediat. L'Union Euro- p k m e de Football, qui l'organise, pense que sa formule (systbme Climinatoire par matches aller-retour) reunit les avantages de la Coupe et du Championnat. La rdaction du public est en tout cas dtonnarnment favorable. Pour les 29 matches, la moyenne de l'assis- tame sera de 31 450 spectateurs. Et le Parc des Princes (l'ancien Parc des Princes) va s'avdrer ridiculement Ctriqud (38 259 spec- tateurs) pour la superbe finale qui voit la victoire du Real Madrid sur Reims (43), au terme d'une partie spectaculaire oh I'equipe franqiise a fait deux fois le break avant de succomber.

Dbs la saison suivante le nombre des clubs engagds va passer B 22, le nombre des matches 2r 44 et la moyenne des spectateurs par match A 40 590, En 1959-60 la Coupe d'Europe des clubs cham- pions atteindra le sommet de son succks populaire avec un total de 2 780 000 spectateurs, une moyenne de 50 545 spectateurs par match, et... une Finale qui atteint le chiffre-record de 135 000 spec- tateurs dans l'immense stade de Hampden Park ii Glasgow, oh le Real Madrid et l8Eintracht Francfort battront dgalement Ie record du nombre des buts dans une finale europdenne (7-3).

Les seigneurs de Madrid

Sur le plan sportif, apds cinq saisons de compdtition, on retiendra cette annCelh d'abord les cinq victoires consdcutives du Real Madrid, une formation qui possbde exactement les armes qu'il faut pour dimposer dans une entreprise de ce type : des attaquants qui comptent parmi les grandes vedettes mondiales (Di Stefano, Puskas, Kopa, Geato, Rial, Del Sol) sous la conduite de l'incomparable meneur d'hommes qu'est Alfredo Di Stefano, des d6fenseurs durs et sans scrupules, une farouche volontd de vaincre attiste par des primes tr&s fortes autorisk par I'dnorme clientble du stade Bembeu, enfin une Bquipe de dirigeants exi- geants mais aux largesses seigneuriales. Cependant si le Real Madrid domine de t r b haut la Coupe d'Europe par la constance

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de ses victoires, il ne laissera pas, sur le plan du jeu collectif, l'impression de souverainetd et de plhitude qu'ont donnd et que donneront des clubs comme Honved, Santos mire Anderlecht au sommet de leur forme. Sur le terrain de l'adversaire, l'kquipe madrilene ne s'imposera que rarement, prCfCrant la a prudence w

que la plupart des Cquipes vont bientdt Criger en principe. La Coupe d'Europe des champions va offrir ir d'autres clubs

un prestige international que l'on n'imaginait pas. Au Stade de Reims deux fois finaliste, au Milan A.C. de Schiaffino, Liedholm, Grillo, h Manchester United d'avant la catastrophe adrienne de Munich, & la Fiorentina de Julinho et Montuori.

Bien que la rentabilitk financibre de la compdtition soit alda- toire pour les clubs en raison de la formule par dlimination, par- ticiper B la Coupe #Europe des champions devient le reve des pdsidents de clubs. Plus qu'un moyen de rdaliser des recettes importantes, ils y voient une occasion d'accdder au rang des vedettes internationales comme Santiago Bernabeu ou Raimundo Saporta.

Mais comme ce genre de dve n'est accessible qu'au seul cham- pion national, les dirigeants de 1'U.E.F.A. vont permettre & d'autres clubs d'adder A un a destin europgen D suivant l'expression (dCj&) consacrde. D b la saison 57-58 ils lament la Coupe des Villes de Foire, dans laquelle chaque pays peut engager plusieurs clubs. En 1960 une Coupe d'Europe des Vainqueurs de Coupe va leur permettre de placer un autre club sur l'orbite continentale. Et ces deux compdtitions vont remporter un succes populaire presque aussi important que la Coupe des clubs champions.

En Afrique la dkcolonisation va donner au football un formi- dable essor. D b 1957 la fondation de la ConfkdCration AfricQine de Football est suivie par l'organisation A Khartoum de la pre- miere Coupe d'Afrique dm Nations que remporte I'Egypte. L'acces- sim progressive de tous les pays du continent & l'inddpendance porte bient6t Q trenteneuf le nombre des membrers de la C.A.F. En 1965 aura lieu la premibre kdition de la Coupe d'Afrique des clubs et le sacre de son premier laurkat : 1'Oryx de Douala. L'en- thousiasme des Africains pour le football est tel qu'il autorise tous les espoirs et notamrnent celui d'une contribution originale au dheloppement de l'aspect artistique du jeu, une contribution comparable A celle des Br6silims.

En Amdrique du Sud, la rdussite de l'expdrience europdenne a suscitC dks 1960 l'organisation de la Coupe des LiMrateurs de 1'Amtrique du Sud, dpreuve analogue B la Coupe d'Europe des Champions B ceci pres que le dglernent autorise l'engagement de deux clubs par nation.

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Les Uruguayens de Penarol enlkvent les premikres a t i o n s et de part et d'autre de llAtlantique surgit le projet, immCdiate ment r&lisC, d'opposer les vainqueurs europkn et sud-amdricain dam une Finale Intercontinentale qui se disputera en deux manches.

Malheureusement la F.I.F.A., qui voit dans cette extension *\ intercontinentale des compCtitions de clubs une concurrence dm- , gereuse pour la Coupe du Monde, se refuse B en contr6ler la rdgu- IaritC sportive. Des incidents trks graves incitent les clubs euro- pkns h bouder une Cpreuve que le comportement scandaleux du Racing de Buenos Aires et d'Estudiantes de la Plata a discrCditCe.

Entre la F.I.F.A. et la puissante U.E.F.A. ce n'est pas l'idylle. Surtout depuis que le su&s populaire des Coupes europCe~es des clubs ont confCrC h l'U.E.F.A. un prestige et une autonornie financibre inquiCtants pour l'autoritk de la FCdCration Interna- tionale.

La crdation d b 1958 de la Coupe $Europe des Nations, dont la formule s'inspire de celle de la Coupe du Monde ne peut qu'avi- ver les susceptibilitds, bien qu'B 1'Cpoque le fauteuil presidentiel de la F.I.FA. semble rCservC pour longtemps B un EuropCen.

La premikre a t i o n de cette Cpreuve ressemble pourtant ii un Cchec : la Finale, URSS-Yougoslavie, disputCe en plein CtC 1960 au Parc des Princes attire pkniblement 17 996 spectateurs ! Une meilleure organisation, un choix plus judicieux des dates de la phase finale donneront aux Cditions suivantes un retentissement qui, loin de porter ombrage P la Coupe du Monde, s e ~ r a sa cause en retenant l'attention du public sur la compCtition internationale.

L'internationalisation est de toute Cvidence la caractCristique essentielle du dCveloppement du football au cours des annCes 50. Est-ce B dire que le public se dCsintCresse des compdtitions nationales 3

Voyons comment la question se pose en France. Si l'on exa- "

mine les affluences B la f5te annuelle du football national qu'est la Finale de la Coupe de France B Colombes, on constate une aug- - mentation rdgulikre du nombre des spectateurs jusqu'en 1950 oa le record est battu avec 61 722 pour le match Reims-R.C. Paris. Ensuite la baisse d'abord insensible devient t d s nette : de 58 993 en 1953 on passe B 38 298 en 1960. Et il faudra attendre 1971 pour

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retrouver des assistances sup6rieures B 40000 B Colombes puis dam le nouveau Parc des Princes.

Le dhamage en flkhe du football d&s la fin de la guerre a-t-il provoqud un certain essoufflement chez les spectateurs 3 OU llintCrkt du public pour la compdtition internationale s'accom- pagne-t-il d'une dCsafFection pour la compCtition nationale ? On serait tent6 d'opter pour la prernikre hypothkse, car si le nombre des pratiquants, 1icenciCs B la FCdCration Fran~aise, a presque quadruplC de 1945 h 1950 passant de 11 1 000 B 439 000, on enre- gistre en 1960 une 1Cgkre baisse : 424 000. La disparition des nom- breux joueurs algt5riens des statistiques fran~aises aprts la pro- clamation de 1'indCpendance n'explique pas tout.

Le Championnat et la Coupe de France des annCes 50 ne man- quent pourtant ni d'intkrkt ni de qualitC. Dans la premitre moitiC de la dCcennie, Nice (3 Championnats et 2 Coupes) domine 1Cgbre- ment Reims (2 Championnats, une Coupe) et Lille (un Champion- nat, 2 Coupes). Mais dans la seconde moitiC Reims prend l'avan- tage (2 Championnats, une Coupe) et s'impose par des rdsultats internationaux remarquables : deux participations B la Finale de la Coupe &Europe des champions, et surtout une contribution massive B la conqukte de la troisitme place de l'dquipe de France dam la Coupe du Monde 1958.

Alors que Nice doit ses performances nationales surtout h la valeur de ses individualitds (Amalfi, Bengtsson, Bonifaci, CarrC, Belver, puis Colonna, Bravo, Ujlaki, Foix, Muro, Alba), Reims vaut par un style de jeu collectif caractdrise par la construction ration- nelle du jeu. C'est dans ce cadre que se sont Cpanouies les person- nalitds des Kopa, Penvern, Jonquet, Sinibaldi, Bliard, Cicci, Leblond, Templin, puis de Wendling, Rodzik, Fontaine, Muller, Piantoni, Vincent qui constituent l'ossature des Cquipes de France de 1953 ii 1960.

Pourtant ce style de jeu que I'entraheur Albert Batteux a transpose dans la sClection nationale est contestd, malgrd les r&d- tats remarquables qu'on lui doit sur tous les plans. Et Kopa, la plus brillante incarnation individuelle de ce style est la cible des critiques qui s'abattent sur le a petit jeu CtriquC n des RCmois, toujours stigmatist5 quand ils perdent un match, mais jamais approuvk quand ils gagnent, ce qui pourtant arrive beaucoup plus fdquemment. Mkme lorsque Kopa, transfCrC au Real Madrid, devient rune des grandes vedettes du club qui dornine le football europhn, des journalistes contesteront la n&ssitC de faire appel B son concours pour la Coupe du Monde 1958. Et se gardemt bien de battre leur coulpe lorsque les faits leur apporteront le plus cin- glant des ddmentis,

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Dam la seconde moitid des annh 50, m e 4ufpe rivalisera avec Reims dam le domaine de la qualitd du jeu : le R.C. Paris dont la ligne d'attaque slav&re la plus efficace du championnat durant trois saisons, notamment en 59-60 o& ele marque l'impressionnant total de 118 buts. Que manque-t-il h cette formation qui pratique un football trks spectaculaire sur la base de principes tactiques d'avant-garde ? On se posera la question dans les annQs 60, quand deux fois les Ujlaki, J.-.J. Marcel, Heutte vont rater d'un cheveu la conqu&te du titre national.

Avec des arguments moins brillants, Nimes tient h trois repri- ses conshtives le r81e de brillant second du Championnat et m2me de la Coupe de F m c e puisqu'en 1958, les Rahis, Lafhnt, Barla- guet, Akesbi, Mazzouz ne sont prMdds au poteau d'arriv6e que par les Mmois.

Malgrt! la faiblesse de ses a structures s

C'est dgdement au cours des anndes 50 que 1'A.S. Saint-Etienne remporte son premier titre national, que 1'A.S. Monaco 6 d e it la Division I et manifeste iddiaternent ses ambitions, que les semi-professionnels de Sedan remportent leur premikre Coupe de France.

Rbultats internationaux remarquables, comp6titions nationa- les spectaculaires, qualit6 reconnue de ses joueurs d'klite, origina- lit6 et diversit6 des styles ... le football franpis vit incontestable- ment la pdriode la plus faste de son histoire.

I1 le doit trbs peu B ses dirigeants et pas du tout aux pouvoirs publics. Les dignitaires de la FtMdration et du Groupement des clubs professionnels ont pour prhxupation majeure la sauve- garde de leur indkpendance vis-h-vis des pouvoirs publics et de priviI&ges mddiocres qui flattent leur vanit6. Les clubs profession- nels sont gdrds par des notables incompdtents que le systi?me des transferts encourage A se lancer dam de folles surench&res pour acqudrir des vedettes, alors que Ies recettes enregistrks aux gui- ehets des stades sont tr&s faibles. Les stades, propridttl des mud- cipalitds dam la plupart des cas, sont inconfortables et leurs ins- tallations indignes de clubs professionnels. Si Son excepte les matches internationaux jouds h Paris, les grands chocs de la Coupe de France et certains matches de la Coupe #Europe, les affluences ne supportent pas la cornparaison avec cell- que I'cm emgistre dam la plupart des pays voisins. 11 a t significatif que I'asdstance anmefie au Championnat de France de Division I ne d6passe pas le dixihme de celle du Championnat de la League anglaise.

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En ddpit de la pauvretk de ses structures, le football franws a rdussi 21 se placer A trois reprises parmi les derniers pdtendants & la suprematie mondiale et europ&nne. C'est la preuve que, en sport, la vraie richesse reside dans le cceur, la t&e et les muscles de ceux qui le vivent sur les terrains. La preuve aussi que la rhs- site dans l'art du football ne s'enseigne pas dam les koles, car les programmes scolaires ne laissent au sport qu'une place ddrisoire et les entraineurs dipl6mCs sont trks nettement minoritaires. Tout cela n'a pas empgchd la France de participer, parfois avec dclat, A l'extraordinaire expansion du football au cours de la ddcennie 50-60. De contribuer B faire de lui le premier sport du monde.

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CHAPITRE I1

LA NAlSSANCE DU MIROIR

A la fin des annCes 50, ce formidable dkveloppement du fwt- ball n'a suscitC qu'un dcho dCrisoire dans la presse &rite, la radio et la tClCvision naissante. Les vitrines des marchands de tClCviseurs ont CtC assidgCes lors des premiers reportages de la Coupe du Monde 1958, mais cela n'a pas suffi B alerter les cerveaux de la presse sportive.

Dans les rubriques sportives des quotidiens d'information gdndrale, la surface rkservde au football est certes la plus impor- tante, surtout en province. Dam a L'Equipe m aussi, le quotidien national omnisport. Mais partout on cherche vainement l'exposC *r

et l'explication de la gigantesque mdtamorphose dont j'ai tent6 de retracer les grandes lignes. RCsultats, classements, comptes rendus, annonces de matches B venir, Cchos anecdotiques ... tel est l'inva- riable menu de la semaine footballistique. Pas un article de fond, pas une analyse technique, pas une opinion sur la tactique ... h l'exception des points de vue de Gabriel Hanot. Jamais un article original sur I'organisation du football, sur la politique des diri- geants, jamais bien sQr un papier polCmique, un Ccho mordant. Le conformisme est de rigueur, les dirigeants de FCdCration et de club sont tabous. Les entraineurs, formCs dans les stages officiels, imposent sans discussion la conception qu'on leur a inculqude celle de l'kole anglaise (jeu a direct m en profondeur) adapt& h

Z la tradition de certains pays latins (marquage individuel). Ceux des joueurs qui ont de la personnalitt parviennent encore B s'ex- primer, car la a science m des dipl6mCs laisse sceptique les plus crddules. Quant aux journalistes spCcialisCs ils ne montrent aucun goiit pour la controverse technique, mCme s'ils ne recueillent pas les propos des entraineurs avec la meme dCfCrence qu'aujourd'hui.

Filiale de a L'Equipe w , l'hebdomadaire France-Football est la

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copie conforme de la rubrique football de la maison-m&re, grossie de quelques interviews et de synthhes stdrbtypdes de l'activitk de la semaine. I1 a pourtant ses lecteurs dguliers car c'est le seul journal consacrd exclusivement au football.

Des trois hebdos omnisports, Miroir-Sprint, But-Club et Sport et Vie. seul le premier sort des sentiers battus du conformisme dans sa rubrique football. Mais la place qui hi est rdservde est trop restreinte pour lui valoir une large audience, mCme si plu- sieurs des iddes que ddfendra plus tard le Miroir du Football sont ddjh exposdes et ddfendues avec vigueur dans les colonnes de Miroir Sprint. Notamment celles qui concernent le jeu offensif construit et ses champions (La Hongrie, les Sud-AmCricains, Reims, Kopa), ainsi que celles qui touchent B la dignit6 du joueur profes- sionnel, prisonnier du systkme des transferts et B la ndcessitd du contrat B temps. IdCes qui font scandale B une dpoque oii l'injure supreme B I'adresse du joueur professionnel est a trop pay6 ! s.

En fait les directeurs des journaux de sport sousestiment le football avec un be1 ensemble. Et si on prdtend que l'existence d'un hebdomadaire sp6cialist dans les ann&s 50 dhontre le contraire, il est facile de rappeler que, avant la guerre, il y avait en France deux hebdos spdcialisCs a Football rp et a Coup Franc s. I1 suffit de comparer aussi la prksentation soignCe de a Sport et Vie rp imprim6 en hClio sur papier glad, avec le dkbrailld de a FranceFootball rp imprimd en typo sur un papier minable, pour comprendre que la socidtC qui Cdite ces deux titres et le quotidien a L'Equipe rp n'a pas grande confiance dans l'avenir du football.

Maurice Vidal, le directeur de Miroir Sprint, n'est pas plus enthousiaste. I1 se distingue mCme en donnant au numdro de Miroir Sprint qui relate le dramatique Cpilogue de la Coupe du Monde 1958, une couverture consacrde au... Championnat de France sur route !

Chargd de la rubrique football de Miroir Sprint depuis son premier numdro en 1946, j'ai souvent dagi contre ce refus d'une Cvidence qui c rhe les yeux. Longtemps on m'a fait observer que si le football est effectivement le sport le plus pratiqud, le cyclisme et la boxe font a vendre du papier n et que le lancement d'une revue spdcialisCe est m e a utopie m. Cette sousestimation du foot- ball a, pour moi, un bon cat6 : je dispose d'une totale libertC d'expression dans un domaine qui n'inttkesse, paraft-il, personne.

Les suppUments de Miroir Sprint

Ap&s quelques anndes de prospCritC imputable au fait que la photo n'a pas eu + faire face A la redoutable concurrence de

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I'image vivante de la tdltvision, les hebdos ornuisports comais- sent une baisse considdrable de leur audience, et leurs directions vont devoir remettre en cause quelques-unes de leurs certitudes. Entre autres celles qui concernent les goats du public sportif. I1 n'y a cette dpoque ni sondages ni dtudes de marchd, mais il devient de plus en plus visible que les goats des sportifs se sont -

diffdrencits, qu'un lecteur de football n'est pas forc6ment un lec- teur du cyclisme ou de la boxe et r6ciproquement. Plus affect6 que ses concurrents financCs par un groupe de presse puissant (3), " Miroir Sprint va tenter une expdrien ce... pas trbs risqude.

En mai 1958, quelques semaines de la finale de la troisibme Coupe dlEurope et de ih phase finale de la Coupe du Monde, la direction de Miroir Sprint decide de lancer un num6m special consacrd h Raymond Kopa qui va participer & ces deux dvkne ments majeuns du football : le premier avec le Real Madrid - dans les rangs duquel il a dCjh gagnd une Coupe d'Europe - et le second avec l'dquipe de France qui s'est qualifik pour la Subde.

C'est le sujet en or pour le journaliste qui a ddfendu fle style de jeu et la personnalitt de Kopa depuis des annks contre les cri- tiques inspirdes par le journal a L'Equipe W . Mon texte qui fait la part de la biographie, du reportage, de l'dtude technique et meme de la polbique sera illustrd par les photos de Roger Tou- chard et prdsentt5 dam un cahier de 34 pages sous couverture cou- leur. Un article de Paul Nicolas, le directeur de l'dquipe de France, &arte sans douceur les objections opposdes par des journalistes de a L'Equipe w P la sdlection de Kopa pour la SuBde ...

Ce numdro obtfent un excellent succbs de vente que la direc- tion ne juge pas utile de confirmer officiellement, mais dont le pouvoir &incitation ne va pas tarder & se manifester avec l'appui des dvdnements.

La magnifique carribre de l'tquipe de France dam la Coupe du Monde en Subde a eu un tel retentissement - @ce surtout ti *

Europe I qui a flair6 la bonne &&re journaIistique - que la direc- tion de a Miroir Sprint B dkide la publication d'un second numdro s w a l dont le thbme principal sera naturellement a l'tfpopke sukdoise B.

Innovation frappante dans la prdsentation : sur le fond bleu de la couverture se ddtache pour la premibre fois, en caract&res blancs, le titre a Le Miroir du Football B surmontant le sigle rdduit a Miroir Sprint W .

(3) Butdub et Sgo? et Vie app.artenai.mt au graupe S.O.P.U.S.I. qui . U t e notanpent LIEqulpc et Le Pansfen fib&&

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Cinq signatures apparaissent cette fois dans le cahier int6rieur. Celle de Maurice Vidal qui a Ccrit un papier de prtsentation et, ce qui est plus Ctonnant, un article-magazine sur Justo Fontaine, qu'il n'a pas vu h l'ceuvre en Sukde. Pierre Lameign2re un jeune footballeur professionnel publie h ma demande son premier article technique dans ce numCro. L'entraineur de Reims et de l'dquipe de France, Albert Batteux qui rCdige depuis plusieurs mois une chronique dans u Miroir Sprint D, et Pierre Pibarot, l'entrafneur du R.C. Paris, ont bgalement collabor6 B ce numtro dont j'ai assumd la conception et la rddaction pour la moitiC des textes. Les dernibres pages sont consacrCes aux calendriers du Championnat de France, et aux compositions des Cquipes qui y participent. C'est manifestement l'dbauche d'une revue qui se propose de trai- ter toute I'actualitb et non plus un seul tvdnement.

Pourtant le troisibme a suppldment m de Miroir Sprint ne sera publid que le 2 mars 1959 et marquera un certain recul. En gros caractkres rouges, le u Miroir du Football w semble crier son droit B la vie. Mais le Wme choisi a Etoiles du footbdl mondial rn mon- tre que la ddcision de lancer une revue traitant de l'actualit6 n'a pas encore M t prise. I1 permettra cependant de tirer des enseigne ments en ce qui concerne l'int6rGt que le public francpis porte au football international.

Le 11 mai, quatrikme expkrience, troisi2me num6ro portant le titre u Miroir du Football S. Son thbme ? u Le football explosif de I'Amdrique du Sud B. C'est un reportage sur le Championnat dlAmCrique du Sud des Nations que j'ai rhlisd Buenos-Aires dans des conditions assez difficiles puisque j'ai dii faire une partie des photos et notamment des photoscouleur de couverture tt une dpoque oh la technique de la photo couleur ttait moins f d t r e qu'aujourd'hui.

Pour plusieurs raisons, ce numdro va contribuer A la dtcision de publier une vtritable revue de football, objectif que la direc- tion du Miroir garde encore secret. Entre autres raisons le fait que le Prix Martini du meilleur reportage sportif (4) rkompensera le premier panorama du football sud-amtricain publid en Europe.

(4) Cette distinction sera utiIfs& par la direction du Mirolr pour &mar- cher dcr a)ntmfs publicitabs, aihsi Qu'ad fait fof urn plaquettc publib an 1959.

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30 LE TJBP!~ DU MIROIR

Janvier 1960 le mensuel !

Mais telle est la mCfiance des propriCtaires des Editions J qu'il faudra encore trois numCros tests - deux nationaux ( a Reims, gloire du football fransais D et a Quinze ans avec 1'Cquipe de France D) et un international a Les Cquipes merveilleuses B - pour leur faire franchir le pas ddcisif.

Ainsi pas moins de sept expiriences journalistiques CtagCes sur un an et demi ont CtC ndcessaires pour triompher de leur scepticisme ! Et Maurice Vidal en convient dans la prdsentation du premier numCro de la revue mensuelle a Miroir du Football B qui parait en janvier 1960. a Lorsque nous avons commenck, Ccrit-il, la skrie des numkros spdciaux, nous pensions bien rkpon- dre h un besoin des joueurs et de tous les passionnds du football, mais nous n'imaginions qu'avec prudence le succts qu'escomptait notre raison. I1 fut pourtant grand et combla nos espkrances ... Ainsi nous apparut la ntcessitt de faire paraftre chaque mois ce Miroir du Football. Car c'est un mensuel, c'est-h-dire qu'il ne peut ressembler h ce qui a pu itre fait prkckdemment. r,

Entre cette a prudence D directoriale et le ton enthousiaste de mon Cditorial, il y a dCjb un abime. Le titre est caractCristique de l'optimisme que suscite l'expansion du football : a Footbal- leurs, prenez conscience de votre force ! r,

En quoi &side leur force ? a Dans le nombre : 20 millions au moins dans le monde r,, mais aussi a dans leur sinckritk, leur enthousiasme, leur intelligence, leur technique ... Ce sera le but du Miroir du Football de vous aider, footballeurs anonymes ou cklB bres, entrafneurs, spectateurs des petites et des grandes rencon- tres, h mieux connaftre cette force, h l'exalter, cf la dkelopper, ct en dtcouvrir les raisons profondes. A lutter contre le chauvinisme qui repose sur I'ignorance des rkalitts du jeu, contre I'exploitation mercantile de votre passion ... r,

Le Miroir ne fera aucune concession : a Si vous cherchez dans nos pages matibre cf satisfaire l'orgueil nationaliste, !'esprit de clo- cher ou le culte commercial de la vedette, ne poursuivez pas votre lecture! Mais si vous aimez le football pour lui-me^me, si vous cherchez h ttendre le champ de vos connaissances dans tous les domaines du sport qui a conquis le monde, - alors le Miroir du Football est dtjh votre revue. D

Dans cet Cditorial-programme se trouvent toutes les idCes essentielles que le Miroir dCfendra jusqu'en mai 1976 : le football- jeu, le football-joie, le football-art dont 1'Clite ne doit jamais oublier

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. LE TEMPS DU MIROIR 3 1

qu'elle sort de la masse, et dont la dignit6 doit &re prdsemde contre les Concours de pronostics, contre le systbme des trans- ferts qui rdduisent les joueurs a B 1'Ctat de marchandises w , et contre le chauvinisme qui est la nCgation de I'esprit du jeu.

Tout le contenu du numCro rCvkle la mCme dCtermination optimiste. Dans le premier chapitre d'un feuilleton intituld a Cinq ans avec l'dquipe de France . Albert Batteux relate ses impres- sions depuis ses dCbuts B la direction technique de la sClection fran~aise. Et comme ces cinq annCes sont jalonndes de brillants rdsultats qui s'inscrivent comme la consCquence logique d'un style de jeu que le Miroir du Football va dCfendre comme l'a fait auparavant a Miroir Sprint B, les lecteurs les moins avertis savent que la publication de ce feuilleton n'a pas pour objectif d'exalter le chauvinisme.

Le football est un art

Mais c'est dans le domaine de la rdflexion sur la nature du football que le premier mensuel de la balle ronde va apporter un ClCment compl&tement inkclit. Deux documents photographiques mis en parallele permettent de comparer les mdrites visuels de I'art tra- ditionnel qu'est le ballet avec ceux de I'art nouveau qu'est le foot- ball. Dans une rubrique intitulke a professions de foi ., des per- sonnalitds trks diverses (Ccrivain, comCdien, pilote de long courier, athlete) expliquent les raisons de leur passion pour cet art. Avec I'article intituld a Le Stade de demain R, est abordd le probkme important de I'environnement gdographique du jeu, et des amdlio- rations que peut apporter le progrbs technique B la pratique du jeu, en rdduisant l'influence dlCICments perturbateurs comrne le vent, la pluie, la neige, le gel.

Le souci de rdpondre aux besoins les plus concrets des pra- tiquants explique la prdsence de I'article sur I'Cvolution de la chaussure de football. Mais c'est surtout dans le domaine de la tactique du jeu que le journal va porter son effort en direction des joueurs. Deux articles, I'un sur le centre en retrait, I'autre sur le corner indirect, rddigds par Pierre Lameignbre, sous le pseudo- nyrne de Kervelec, manifestent clairement B partir de deux situa- tions prCcises, la volontC d'analyser B fond les principes du jeu constructif.

L'actualitd sous sa forme traditionnelle n'a pas une grande place dam ce premier numdro, comme s'il s'agissait d'abord de tirer les enseignements des CvCnements qui se sont dCroulCs au cours d'une tres longue pbriode. On y trouve un rdsumd schema-

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32 LE TEMPS DU MIROIR

tique de l'activitd du mois en fin de cahier, alors que deux arti- cles seulement l'abordent dam le ddtail. a Quelle est la meilleure dquipe du Monde ? r p est le titre h e Ctude sur l'kvolution du football international depuis la Coupe du Monde 58. a Comment joue Nimes n inaugure une sCrie d'analyses sur le jeu des Cqui- pes professionnelles frwaises.

Mais les petites Bquipes ont leur place B cBtC des plus d l & bres. Un reportage sur la naissance d'un club modeste montre que pour le a Miroir n, il n 5 a qu'un seul football. Id& sur laquelle je reviendrai bient6t dans un Cditorial.

Plus encore que la nature des articles, c'est l'esprit dans 7

lequel les sujets sont abordks qui constitue une innovation. Ainsi l a probl&mes gCnBraux du football comme les questions de tech- - nique et de tactique sont toujours trait& sous l'angle international.

Cette volontC d'klargir l'horizon du lecteur jusqu'aux limites extremes de l'empire mondial du football va se traduire par la crdation de pages consacrkes B l'actualit6 dans les pays frantm phones dJEurope, dlAfrique et d'AmCrique du Sud. Les reportages

- sur des Cquipes et des joueurs de tous les pays vont se multiplier. Ce premier numCro en apporte seulement la promesse car cette conception nouvelle du journalisme exige m e organisation parti- culikre et d'abord un dseau de correspondants qu'il faut cr&r.

4 h n d on considkre en 1981 ce journal de janvier 1960, on ne peut &re que frappe par son insertion naturelle dans le contexte du football des ann&s 50. La naissance du Miroir est incontesta- blement un produit de Sexpansion du football international qui , pose des probkmes de tous ordres, auxquels il va tenter d'appor- ter des solutions avec l'aide de l'image photo&raphique, qu'il va ehoisir systdmatiquement pour sa valeur significative.

On reviendra plus loin sur cette dernikre question. Mais comment ne pas accorder h la couverture du numdro 1, une sorte de signification prdmonitoire ? Le rush puissant de Justo Fontaine, sous le maillot rouge h manches blanches du Stade de Reims, illustre bien le triomphe du football offensif. Mais le tacle glissb du dkfenseur nfmois Charles Alfred ddposddant du ballon le recordman des buteurs peut donner A penser que l'kvolution du - jeu va bient6t changer & sens.,. Ce que nous ignorons bien sfh en janvier 1960.

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DEUXIEME PARTIE

SEIZE ANS CONTRE LE COURANT

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CHAPITRE I11

LE FOOTBALL DEVIENT a REALISTE w

Au printemps 1960 rien ne semble indiquer que le football va perdre le visage offensif et spectaculaire qui I'a caractdrisd durant les annbs 50. Si la Coupe &Europe des clubs champions peut Ctre considCr6e comme un test significatif, la cinquikme victoire cons6 cutive du Real Madrid confirme avec un &lat particulier I'orien- tation de la ddcennie prdcddente. Le score de 7-3 r&dis6 par les Madrilknes aux ddpens de llEintracht Francfort est une magis- trale demonstration d'efficacitd offensive. Dix buts en Finale on n'avait jamais vu cp ! Alfredo di Stefano et Ferenc Puskas, les monstres sacrds, se sont partages les rhlisations des vainqueurs : trois pour 1'Hispano-Argentin, quatre pour 1'Hispano-Hongrois. 125 000 spectateurs s e d s sur les gradins dlHampden Park B Glas- gow ont follement applaudi cette finale continentale ! Comme les temps ont changd et comme le football se porte bien ! Dans I'eu- phorie provoqub par le feu d'artifice de I'dquipe au maillot blanc, on oublie que Di Stefano a 34 ans et Puskas trentetmis ...

Quelques semaines plus tard, changement de d b r . 18 000 spectateurs au Parc des Princes (l'ancien Parc des Princes) pour assister h la mome finale de la premikre Coupe #Europe des Nations. URSS-Yougoslavie ia Paris en juillet ... I'affiche manque d'attrait car les Sovidtiques ont ddjh la rdputation justifiee de pratiquer un jeu fermt et ennuyeu (5). LPClimination en demi-, finale d'une Cquipe de France, pnvde de Kopa, Fontaine, Piantoni,

(5) A la premikre p6riode de !'histoire du football soviktique, marqude ar la primautk de l'offensive et ~llustnk notamment ar les toumCes en

France de LsEntente Kiev-Kharkov et de Dynamo dc dbsmu en 1937 - a succkdk m e Mriode of^ le souci de &fendre rend le dessus. On peut trou- ver dam octte &olutia. dcr analogies avcc lbloin politique de 1'U.R.S.S.

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36 LB TEMPS DU ~ O I R

par la Yougoslavie a d&u le public qui boude la finale. Non sans raison d'ailleurs car les cdquipiers de Yachine ont d'abord le souci du rdsultat et le spectacle en soufEre.

La Coupe dlEurope des clubs champions va crder un certain malaise. Le Real Madrid 61imind par Barcelone son rival national est pour la premibre fois absent de la Finale. Mais on esphre beau- coup des Catalans et de leur superbe ligne d'attaque Kubala- Suarez-Evaristo-Kocsis-Czibor. Mais le Wankdorf est dfiddment un lieu oii la chance ne sourit pas a m Hongrois meme naturalisb espagnols. Barcelone surclasse Benfica, bombarde les montants des buts de Costa Pereira, et succombe ... Les meilleurs une fois de plus ont perdu !

Ce succbs va donner confiance aux excellents joueurs que sont Coluna, Augusto, Aguas, Germano, Costa Pereira et avec le renfort d'Eusebio ils vont remporter trbs rdgulihement lledition 1962 de la comp6tition europtknne aux ddpens du Real Madrid. Le pied gauche de Puskas a trouvd trois fois le chemin des filets portugais. Mais la jeunesse dss Portugais a eu b dernier mot.

Avec ses deux victoires consdcutives et son accession h la Finale en 1963, Benfica marque une Nriode de transition dam 1'8volution du football europbn, L'tquipe portugaise joue l'offen- sive mais sur des bases beaucoup moins constructives que le Real Madrid ou Barcelone. Les raids individuels men& par Eusebio ,

sans prCparation collective font d6jh penser au jeu a en contre s qui va marquer la pdriode itdieme de la Coupe des clubs cham- pions de 1963 B 1967.

La victoire de Milan A.C. sur Benfica en 1963 est la consbra- tion du r catenaccio s, le sys tbe de jeu caractdrisd par le renfor- cement numdrique de la defense et l'utilisation mdthodique de la contmattaque. Cette consthation manque oompktement d'klat. 51 000 spectatcurs seulement assistent B Wembley Zt la d&aite des Portugais lourdement hmdicapds par une blessure de I'excellent Coluna.

L'Inter de Milan, dirig6 par Helenio Herrem w ajouter deux victoires et une finale au palmar& des clubs italiens. Malgr6 leur incontestable valeur personnelle, les Mazzola, Corso, Sarti, Picchi, Suarez, Facchetti ne parviendront jamais A domer B ces rddta ts le lust* que sede peut co&rer la msni&m, c'est-&-dire la qualitt du jeu. LR marquage individuel idapitoyable et l'utilisation systB

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matique de toutes les ressourees de I'antijeu dtkoncertent lkdver- mire dont la moindre erreur est fRuntdiatement exploit& par les sp&ialistes de la contre-attaque. Cette conception du football qui a peronis B Herrera de conquMr h fortune va &re adopt&

, peu h peu par la grande majorit6 des e n t d e u r s , appliquk dam tous les pays du monde et acceptCe par la plupart des publics.

Le rr rbalisme s ne s'est pas imposC sans rCsistance. La gene ration des Puskas, Di Stefano, Kocsis, Kubala atteinte par la limite d'Age, Anderlecht, le grand club belge, va donner de 1962 B 1965 les plus grands espoirs B ceux qui croient en un football qui allie le rdsultat 21 la qualitd du jeu, I'efficacitC l'esprit offensif. GrAce B la dCfense en ligne, 1'Cquipe bruxelloise innove dans le domaine de la tactique et assure, en raison de la position avancde de ses arrihres, rendue possible par l'utilisation de la loi du hors-jeu, la constance du jeu offensif. Dms ce contexte des joueurs comrne Verbiest, Jurion, Hanon, Cornelis, Van Himst, Puis, Stockman, Heylens ont vite fait de s'affirmer comrne des Ctoiles de p remih grandeur. 11s vont procurer B l'bquipe nationale de Belgique l'ossa- ture et les moyens tactiques qui lui permettront de remporter en 1963 la plus grande victoire de son histoire : 5-1 aux ddpens du BrCsil (6).

Le Celtic venge Anderlecht

Le d6cbs accidentel du formidable arribre central Laurent Ver- biest, I'incompr6hension des dirigeants d'hderlecht et le ddpart de I'entraineur Pierre Sinibaldi empecheront cette brillante forma- tion de remporter des distinctions officielles B la mesure de ses possibilitds. En Coupe d'Europe des Champions, Anderlecht n'a jamais dussi B d6passer le stade des quarts de kale , alors qu'en Climinant le Real Madrid en 1962 ses joueurs avaient dtmontd avec Bclat que la d6fense en ligne Ctait a compdtitive a meme dans ce type d'bpreuve. L'ironie du sort voudra que les lauriers qui s'btaient refus& 31 Anderlecht dquipe #avant-garde des annks 60, combleront Anderlecht Cquipe oonformiste, deux fois vainqueur et trois fois finaliste de la Coupe d'Europe des vainqueurs de Coupe ( 1976-77-78).

(6) Pel6 .blesd ne participait pas B ma*, mais 1' uipe du .Bdsil '4 den coroptat pas moins dam ses rangs SIX des oueurs sac s champion du monde un an phu t8t B Santiago soit : Gilmar. bjalma Santos, Zito. Muuo, Amarildo, Zagalo.

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Ce n'est pas B partir d'm systkme de jeu r6volutionnaire1 que le Celtic de Glasgow entend rdhabiliter le jeu offensif au beau milieu de la pCriode de suprematie italienne dam la Coupe d'Eu- rope des Champions. La gdnkrositd, la combativitd, la technique britannique semblent les meilleurs atouts de ces joueurs profes- siomels issus des milieux les plus pauvres de Glasgow. Mais on va leur dtkouvrir une autre qualitd lorsque le 25 mai 1967, 1'Cquipe dirigCe par l'ancien mineur de fond Jock Stein afFronte B Lisbonne 1'Inter de Milan en Finale de la Coupe dlEurope.

Cet aprks-midi I les deux arrikres 1atCrau.x Gernrnel et Craig et les ailiers Johnstone et Lemox effectuent une magistrale dkmons- tration tactique. Pour faire sauter le a catenaccio s, les ailiers dcossais ouvrent les fllancs de la dCfense italieme en entrainant systCmatiqument vers le centre les latCraux italiens Burgnich et Facchetti qui les marquent individuellement. Les arrihres du Cel- tic se lancent dans les espaces libres ainsi crdCs pour appeler la balle en position d'ailier. Et c'est ainsi que Gemmel signera le premier but du Celtic sur passe de Craig, et que le systkme ddfen- sif de 1'Inter de Milan ne pourra rdsister B l'assaut de la magnifi- que Cquipe Ccossaise animde par les cerveaux Auld et Murdoch.

La le~on est si limpide, en dCpit du score apparemment serrd (2-1) que le BrCsil s'en inspirers lors de la finale de la Coupe du Monde 1970 B Mexico et que Carlos Alberto imitera Gemmel en mettant un point final retentissant B la ddroute de 1'Italie (et du catenaccio) sur le score sans appel de 41.

Ajax cMe la place au Bayern

Est-ce la mCsaventure de la Finale Intercontinentale perdue contre les voyous du R.C. Buenos-Aires ? Est-ce la ranCon d'une excessive dCpense d'dnergie physique ? Le Celtic ne parvient pas confirmer sa brillante victoire de Lisbonne. On le retrouve pour- tant en Finale europkenne en mai 1970, un mois avant le triomphe brdsilien du Stade Aztkque. Mais les Ecossais s'inclinent devant Feyenoord au cours de la prolongation, et le club de Rotterdam ouvre la pCriode hollandaise de la Coupe d'Europe des Champions. Ajax dlAmsterdam va en effet prendre le relai, acdder A la Finale et remporter trois fois consCcutivement le trophk aprks une ten- tative malheureuse.

S'agit-il du retour du jeu offensif? Certains l'affirrnent B 1'Cpoque. Mais s'il est vrai que Feyenoord et Aiax disposent des services de remarquables attaquants avec Van Hanegem et Cruyff, qu'ils utilisent l'arme du pressing sur les ddfenseurs adverses et

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manifestent une indiscutable efficacitC, il ne faut pas oublier que sur terrain adverse les deux &pipes hollandaises sacriiient au conformisme de la ddfense renforcb. Le dtpart de CruyfE pour Barcelone et le d&lin d'Ajax auront un dvident rapport de cause B effet. Ce sera la ddmonstration que les arguments physiques dont le football hollandais est prodigue n'ont pas l'efficacitd di!termi- nante qu'on leur a pr2tQ.

Pour prendre la succession dlAjax et remporter B trois repri- ses la Coupe dlEurope des Champions, Bayern Munich a mani- fest6 des qualitds analogues, assorties peutdtre d'une plus grande finesse technique. Defensive it l'ext6rieur1 offensive B domicile cette Cquipe composde d'excellentes individualit& llexpCrience consommde - Beckenbauer, Breitner, Gerd Muller, Maier, Hoe- ness, Rumenigge - n'a pas manifest6 une originalit6 particuli&re au chapitre de la creation. Les montCes efficaces de Breitner et l'extraordinaire sens du but de Gerd Muller ont souvent rdsolu des probkmes ddlicats, sans convaincre de la supdrioritk du club munichois en plusieurs occasions.

Le nationalisme envahit la Coupe du Monde

De 1960 B 1976 la Coupe du Monde nous permet d'assister h la m2me 6volution du football que la Coupe &Europe des Clubs Champions.

En 1962 B Santiago l'honn2te h a l e Brhil-Tchdcoslovaquie ne parvient pas B faire oublier la violence de certains affrontements comme Italie-Allemagne, Italie-Chili, YougoslavieURSS. La volont6 de vaincre par tous les moyens, exacerbde par lc nationalisme est la cause Cvidente des agressions sur les terrains de jeu, des mani- festations de rue qui accompagnent les victoires du Chili, et ... de l'extraordinaire pauvretd d'imagination rdvt1Ce par la plupart des Cquipes. Le BrCsil, qui aligne une formation dont plusieurs dl& ments approchent l1Age de la retraite, gape la Finale sans le concours de Pel6 bless6 au cows du second match. Mais ceux qui ont assist6 it Vina del Mar au match Brdsil-Mexique savent que sans dew actions gdniales de son formidable attaquant le a cam- peao s Ctait 6limin6 d&s son entrde en lice.

La moyenne exceptionnellement base de buts rhlisde dans ce a Mundial (2,78 par match, contre 3.60 en 1958) est aussi significative de l'impuissance offensive des tauives aue le classe- m&t individuel des buteurs oh six ioueurs k e - ~ a r t k n t la nre

w

mihe place avoc le total de ... 4 buts:

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En 1966, sur les stades de lnAngleterren la violence sera moins dcbridte qutau Chili, si l'on excepte le match Allemagne,URSS qui pourrait figurer en bonne place dam une anthologie du genre. Mais elle sera sblective, mise au service d'un plan destine B dliminer les : adversaires les plus redoutables qui pourraient se dresser sur la : route de 1'Cquipe d'Angleterre. Ce plan dress6 par Stanley Rous, le Machiavel qui prCside la F.I.F.A. prdvoit llClimination des trois 6quipe.s sud-arn4ricaines et particulikrement du BrCsil ddtenteur de la Coupe depuis 1958. I1 sera magistralement W s e avec le concours des arbitres choisis par l'expert britannique Ken Aston. Un arbitre allemand puis un anglais assisteront sans rkgir au massacre de Pel6 par Jetchev et Morais. Un arbitre anglais expul- sera d m joueurs uruguayens ulcdrs par une dkision scanda- leuse du meme arbitre et permettra B 1'Allemagne d'bliminer la a CCleste B. Un arbitre allemand excluera du terrain Rattin, l'ani- mateur de I'dquipe dlArgentine et facilitera la victoire de l'Angle terre. Ces Cchanges de bons proddds amkneront l'hgleterre et 1'Allemagne en Finale & Wembley, oh un juge de touche sovidtique, d&idC A venger ses compatriotes lCsCs devant les Allemands par l'expulsion injuste de Tchislenko, fera homologuer l'avantage des Anglais un but contestable et.. . dCcisif.

Si la morale a CtC sdrieusement malmenCe par les organisa- teurs de la World Cup, la u rCvolution n tactique dont on a cdditd Ramsey, le manager de l'dquipe d'hgleterre, n'abusera que ceux qui veulent se laisser abuser. Le 442 (quatre arrikres, quatre demis - et deux avants) annonce clairement sa couleur ... d6fensive. En dCpit de la valeur de Bobby Charlton et de Banks, de l'assurance conquise au fil des matches par leurs partenaires, la victoire anglaise laisse A la majorit6 des observateurs Ctrangers une impres- sion de profond malaise. En Grande-Bretagne elle fera oublier pendant quelques semaines un certain nombre de problkmes poli- +

tiques et Cconomiques ddlicats. La Reine reconnaissante accordera des titres de noblesse Stanley Rous et Alf. Ramsey, lequel s'est encore illustrC en qualifiant les Argentins d'a animals w I

Mexico 70 sans lendemain

Disput.de au Mexique la Coupe du Monde 1960 va-t-elle servir de prdtexte ii un rkglement de comptes, les Sud-AmCricains ayant , proclad quatre ans plus t8t leur intention de faire payer aux *

a pirates w anglais le prix de leurs a forfaits w. Le coup montd contre Bobby Moore, le capitaine de l'dquipe d'Angleterre, Iors de

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son passage h Bogota et lea manifestations de rues a n t i ~ s e s h Guadalajara, laissaient pr6voi.r le pire.

En h i t la m d e des Sud-amdricains, si elle est rklatante, va se situer sur le plan sportif, avec la rna-ue victoira du Br&d

, sur 1'Italie en Finale (4-1)' l'accession de 1'Uruguay en demi-finale et la dvdlation du Pdrou qui a remportd sa qualification aux ddpens de llArgentine et n'a succomM que devant le Brdsil.

Pour mieux montrer la supdrioritd du Brdsil dans sa marche vers la conquCte ddfinitive de la Coupe Jules Rimet, il faut p& ciser qu'il a remportd tous ses matches, marquant 19 buts en six parties, soit une moyenne supdrieure B trois buts par match.

Mais le fait le plus important c'est que la victoire du Brdsil a Ctd la victoire du jeu offensif (impose par Peld, Gerson et Carlos Alberto en ddpit des rdticences de l'entraheur Zagalo), sur le

rtklisme lo dont l'expression tactique la plus achevde est le a catenaccio s. Et ce fait pr&s d'un milliard de tdlbpectateurs ont pu le constater presque aussi bien que les 105 000 spectateurs du Stade Azthque.

Dans l'ambiance enthousiaste du triomphe brdsilien, on ima- gine que ce match va &re pour tous les footballeurs et les entrai- news du monde un dvdnement de rdfdrence et que le style de jeu du Brdsil va faire &ole. I1 n'en sera rien et la magistrale ddmons- tration du Stade Aztkque n'aura pas plus d'effet positif sur l'dvolu- tion du football que la ddmonstration du Celtic trois ans plus t6t B Lisbonne (7).

Et l'on assistera meme en 1974 durant la Coupe du Monde disputde en Allemagne B ce spectacle impensable d'une dquipe du Brdsil, privde de ses cerveaux, pratiquant une tactique ddfensive contre nature sous la direction de Zagalo. Cette @ahison permettra B 1'Allemagne et B la Hollande de jouer la Finale et B l'dquipe de Beckenbauer de l'emporter grace h sa volontd et & l'avantage psy- chologique du terrain plus que grace B l'esprit offensif qu'elle avait manifestde en 1972 en remportant brillamment la Coupe dlEurope des Nations.

Les compdtitions de clubs et de sdlections nationales ont donc illustrd de 1960 B 1976 le meme processus d'dvolution. D'abord

(7) La supCriorit6 du Brksil dans le Mundial 70 fut attribuk par les techniciens officiels fran~ais aux a qualitCs naturelles w des joueurs bdsi- liens. Ainsi Boulogne d<clarait P France Footbdl du 30 'u$ 1970 : Ces gar~ons-I& ont des qualltCs techniques Cgales P nos prbers1onnels depuis I'Age de onze ou dome am. 11s ont d6j& tout leur bagage technique P 1 Age oh les EuropCens e m cornmencent P apprendre P jouer. w On s'explique mal que de tels ph6nom&nes n'aient pas remportC quatre ans plus tard leur quatrieme Coupe du Monde.

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le renforcement ddfensif, avec gdndralisation progressive du Mton (marquage individuel plus libero), entrainant l'adoption du 43-3, puis du 442, dispositif qui ne laisse aucun doute sur les intentions de contre-attaque substituCes aux intentions offensives.

Le jeu devenu destructif a m h e d'intvitables sCquelles : v i o lence, simulation, tricherie, contestation systdmatique de l'arbi- trage, chauvinisme. Les grandes compdtitions n'en sont pas moins financih-ement rentables, grace B leurs recettes propres mais aussi aux droits de tCl6vision et de publicitd. Cette commercialisation aura pour premi&re consdquence de valoriser le rtsultat et de ddvaloriser la qualit6 du jeu. L'utilisation A des fins de diversion et de propagande que les politiciens entendent faire du football aura la m2me constquence.

Les victoires de formations offensives comme le Brdsil 70, Santos (den fois vainqueur de la Finale Intercontinentale), le Cel- tic, llAllemagne 72, semblaient constituer des raisons d'espdrer un renversement de l'Cvolution. C'Ctait oublier le poids de l'envi- ronnement social du football.

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CHAPITRE IV

LE COMPLEXE FRANCAIS

S6lectionneur et directeur de lP6quipe de France, Paul Nicolas a jou6 un r61e essentiel dam la conquete de la troisi&me place de la Coupe du Monde 1958, dsultat d'une progression cornmen& cinq a n n h plus t6t.

Pour donner A la sdlection son unite il a choisi une ossature d'4uipe de club. Et c'est ainsi que les Rdmois Kopa, Jonquet, Piantoni, Vincent, Bliard, Fontaine, Penverne, Marche ont troqu6 leur maillot rouge 1 manches blanches contre le maillot bleu frappe du coq, tout en restant sous la direction de leur entraheur Albert Batteux.

Ancien avant-centre de valeur, Paul Nicolas a particulikrement apprdcid les qualitks exceptionnelles et compldmentaires de Kopa et de Fontaine qu'il a titularisds en ddpit des reserves, critiques et pressions du journal a LL'Equipe n (8).

Gdce h son solide bon sens et son intelligence des rapports hurnains, il a permis aux joueurs frantpxis de s'adapter ii ce que les Tartuffe dpaujourd'hui auraient appeld l'ambiance a laxiste de la Subde.

Mais le 2 mars 1959, Paul Nicolas dispandt, victime d'un acci- dent de la route et lpon va bientbt comprendre que le triumvirat form6 par ThdpBt, Verriest et Gauteroux est incapable d'assumer sa succession.

(8) RB ndant dans L'E uipe du 31 octobre 1957 B la question : a Faut-il rappeler E p a ? s (dans ll$U~pe de France). Jacques Ferran entre autres arguments pour justifier sa position a contre s & i t : a Une 6quipe natia- nale repdsente un certain nombre de donnk modes; les joueurs doi- vent &re entour& d'une sorte d'atdole, de puretC morale, si vous voulez, et le retour de Kopa ris uerait de nuire dans une certaine mesure, B cette mh&ion morale de 11t5q%pe de France. P

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84 LE TEMPS DU MIROIR

Pourtant Batteux est 1B et aussi tous les joueurs qui se sont illustrds quelques mois plus t6t dam la Coupe du Monde. Kopa apds avoir contribud B la quatrikme victoire du Real Madrid en Coupe dlEurope - victoire obtenue sur Reims B Stuttgart - est revenu 2i Reims. ~Fontaine est en pleine rdussite comme l'attestent les neufs buts qu'il a marques en cinq matches de la sdlection. Seul des grands attaquants tricolores, Piantoni, blessd B Sofia contre la Bulgarie, aura besoin de quelques mois pour se rdtablir. Mais on ne s'en formalise pas car des avants comme Douis et Muller ont dejh fait leurs preuves. Et aprks avoir rdussi trois scores retentissants aux ddpens du Portugal (5-3), de SAutriche (5-2) et de l'Espagne (4-3), la France &rase le Chili (6-0) et confirme h Vienne sa supdrioritt! sur SAutriche (4-2), obtenant sa qualifica- tion pour la phase h a l e de la Coupe &Europe des Nations.

On ne s'inquikte pas excessivement non plus quand Fontaine est victime d'une double fracture tibia-pdrond au cows d'un match Reims-Sochaux en mars 1960, car telle est l'avance de Justo au classement des buteurs du championnat qu'il conserve sa premikre '

place jusqu'ii la fm de la compdtition que Reims remporte avec sept points d'avance. Moins d'm an aprks sa blessure, le 11 dkem-

i bre 1960, Fontaine rentre et contribue meme A la victoire de la France sur la Bulgarie. Mais ce sera son dernier match interna- tional, car le premier jour de l'annde 1961, devant Lirnoges en championnat, les os ma1 ressoudds de sa jarnbe bless& ddent et on doit I'emporter du terrain. Sa carrihre professionnelle est termink.

Entre-temps l'dquipe de France dam laquelle ne figuraient que trois dldments de lldpop& suedoise subit deux ddfaites cons& cutives dans la phase finale de la Coupe des Nations et se fait siffler par les publics de Paris et de Marseille. Avant la rentrde sans lendemain de Fontaine contre la Bulgarie, le dkclin des tri- colores s'est traduit par une veritable ddroute devant la Suisse h Bile (2-6). Deux seulement des u hdros B de la Coupe du Monde, . Vincent et Wisnieski ont partkip6 au dksastre. Thdpot et Gaute roux &missionnent.

Apr& Fontaine, Kopa klimint?

Verriest devient s6lectionneur unique. Inculte, suEsant, auto- ritaire, il impose sa volontd h Batteux qui ne parvient pas B main- tenir Reims au sommet du Champiomat 60-61 o t ~ il est distand par Monaco et le R.C. Paris. Et ce n'est pas par hasard que l'kquipe de France, dans laquelle ne figurent que trois Rkmois, termine sa %

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saison sur une d&te devant I'Espagne (0.2). Le 16 d6oembre 1961 les trhlores battus B Milan en match dpappui par la Bulgarie perdent leur dernikre chance de participer B la phase h a l e de la Coupe du Monde au Chili. Wisnieski, dernier a survivai~t w de la glorieuse campagne de Suede, est cloud au pilori par le directeur de LIEquipe B : a Ch un international 3 s krira mdprisant Jacc ques Goddet qui n'a pas eu un mot de reproche pour celui qui a sdlectionnd Wisnieski.

Au printemps 1962, Reims remporte une victoire B la Pyrrhus sur le R.C. Paris (deux centitmes de point au goal-average), mais Batteux dkmissionne de son poste d'entraineur de la sdlection. Gudrin, qui vient d'Ctre limogd par Saint-Etienne reldgut! en Divi- sion 11, est nommd B sa place !

La collaboration Verriest-Guerin, que certains vont appeler complicitd, va durer deux ans (de 1962 B 1964). Elle est marquke par un bilan misdrable : 2 victoires, 3 nds, 7 dkfaites. Et par un scandale qui Cclabousse les pouvoirs dirigeants du football fran- p i s : 1'6limjdation de la sdlection nationale de son joueur Ie plus glorieux, Raymond Kopa a coupable w d'avoir ddnonct dam un journal le systeme esclavagiste des transferts. Mensonges, insul- tes, calomnies, mesures de suspension, exploitation khontde d'une victoire sur la Bulgarie arrachde en lpabsence de Kopa ... Verriest et Guerin croient bien ce 2 octobre 1963 en avoir fini avec celui qui incarne le chapitre le plus glorieux de l'histoire du football franpis. 11s y croient d'autant plus que Reims qui vient de dder

nouveau son titre national B Monaco et de se sbparer de Bat- teux, va perdre completement pied, au point de descendre en Division I1 h la fin de la saison 63-64 ... au moment oh Saint-Etienne, sous la direction de Jean Snella, remporte son premier titre national.

Ce succks des a Verts w que Snella a sortis la saison p& dente de la seconde division, devrait rappeler de fflcheux souve- nirs aux dirigeants fdddraux qui font confiance h Gudrin. I1 den est apparemment rien. Apres l1tS1imination des tricolores de la seconde Coupe dlEurope des Nations, Verriest va payer de sa ddmission les 19 ddfaites subies par l'dquipe de France sous son rkgne. Et c'est GutSrin qui va Ctre promu patron de la sklection avec comme objectif la Coupe du Monde 1966.

La chute de Cudrin

Muni des p l e h pouvoirs et lib&& de l'hypoth&que dmoise, Gudrin ne I-6ussit pas plus que ses prddkmseurs B bAtir une v&i-

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table dquipe. L'ascension du F.C. Nantes, vainqueur du Cham- pionnat deux saisons consdcutives (6465 et 65-66) lui offre les moyens de disposer d'individualitbs remarquables et d'un style de jeu offensif, c'est-Mire des mlimes atouts que Paul Nicolas avant la Coupe du Monde 58. Buzinski, Simon, Gondet vont &re ''

effectivement sClectionnCs auprbs des Bonnel, Herbin, Artelesa, Bosquier et Combin. Mais le style de jeu nantais, mis au point par Arribas, ne sera pas adopt6 par I'dquipe nationale. Et il fau- dra une ddfaillance tout h fait providentielle de la Yougoslavie face h la Norvhge pour permettre aux tricolores de se qualifier pour la World Cup.

I1 n'y a dvidemment pas de quoi illuminer. Mais B la veille du premier match des Fran~ais B Londres, GuCrin et ses adjoints Domergue et Jasseron formulent des pronostics ddlirants. a On va alter pour le moins en Finale ! n prdvoit 1'Ctat-major. Deux ddfaites et un nu1 rkpondent B ces espoirs insends. L'Cquipe de France ne peut passer le cap du premier tour et Gutrin, dCpassC par les kvknements au point de laisser a m joueurs le choix de la tactique pour leur dernier match, et lPchC par le journal L'Equipe, est contraint de d6missiomer.

Ce fiasco a provoquk un certain ddsarroi dans la direction du football fran~ais qui apds un bref intdrim Arribas-Snella, confie la sdlection aux mains de Justo Fontaine devenu entraineur. Avec son franc-parler habituel, Fontaine, spectateur de la World . Cup et tdmoin des erreurs de Gudrin, n'a pas cache sa rdproba- tion. Ses critiques ont frappC I'opinion publique et trouvd au sein ,. du Groupement des clubs professiomels une oreille complai- sante : celle de M. Doumeng, considdrd comme le dirigeant qui monte. Fontaine a ses iddes personnelles sur la tactique du jeu : il est pour l'offensive basCe sur la ddfense en ligne. I1 fait confiance 2t la qualitd des joueurs franqais que ses prCdkesseurs se sont - dvertuks minimiser afin de ddgager leurs propres responsabilitCs dans les ddfaites nationales.

La coalition du conformisme

L'anticonformisme de Fontaine et la volontt des dirigeants de *

bloquer I'ascension de M. Doumeng au Groupement, ont le don de coaliser contre le nouveau ~Clectionneur tous les tenants du conservatisme : les dirigeants de clubs qui ne lui pardonnent pas son activitd syndicale B la tCte de 1'Union Nationale des Foot- balleurs professionnels (U.N.F.P.), les entrafneurs qui ont trouvd en la personne de Boulogne, un leader dont l'hostilitt! naturelle

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LE TEMPS DU MIROIR 47

pour I'innovation va s'exprimer par un boycott en dgle & Fon- taine. Apds deux ddfaites conc6dk de justesse et contre le cours du jeu B la Rournanie et B SURSS au terme de matches pleins de promesses, le plus jeune sClectionneur #Europe (une tare suppl6 mentaire aux yeux de ses ennemis) est limogd. Pour faire ses preu- ves, on lui a laissb deux matches. GuCrin en a eu 27 et Verriest 35 1

Les joueurs nantais Eon, Budzinski, Robin, Suaudeau, Simon, Gondet, Le Chenadec, De Michde, Blanchet - qui constituaient en raison de leur style de jeu - la force essentielle sur laquelle comptait Fontaine, n'ont pas rdpondu compktement Q son attente. PeutCtre en raison du ralliement dlArribas, leur entrafneur, Q la cause de Boulogne. Peut4tre en raison de la pression exercke par le journal a L'Equipe a et l'hebdomadaire a France Football sur les joueurs et le public.

Les circonstances ne seront pas plus favorables aux joueurs nantais dam la Coupe dlEurope des clubs qu'ils joueront au cours de la saison 66-67. 11s succombent deux fois sur le score de 1-3 devant le Celtic, ce qui leur vaudra d'Ctre accablts de sarcasmes, injustifibs puisque c'est ce meme Celtic qui mettra fin en mai 1967 au r&gne de 1'Inter sur la Coupe dlEurope. La ddconvenue europdenne des Nantais leur coiite le titre national que Saint- Etienne remporte avec quatre points d'avance.

Mais est-ce une raison pour justifier la promotion A la tCte de l'dquipe nationale de Dugauguez dont les conceptions sont aux antipodes des conceptions nantaises ? Partisans du jeu 21 I'em- porte-pike, le nouveau sdlectionneur n'a qu'un seul critbre : la forme du moment. Cette conception primaire qui rappelle l'bre Verriest, vaut aux tricolores de vdritables dbroutes devant la Yougoslavie et 1'Allemagne sur le score identique de 1-5. Dans son ddpit Dugauguez se laisse aller B insulter les joueurs fran~ais dam leur ensemble. Lourde erreur Q quelques mois de mai 68, une ptriode oit l'expression dignitb humaine retrouve son sens, et oit l'autoritarisme des pouvoirs dirigeants du football fran~ais est bafoud par les footballeurs amateurs et professionnels qui occupent le sikge de la Fddbration.

Etrange fason aussi de la part de Dugauguez de donner confiance Q des footballeurs de plus en plus complex&. On s'en rend compte le 6 novembre 1968 2I Strasbourg quand l'tquipe de France, battue par les faibles amateurs norvbgiens est Clirninde de la Coupe du Monde 70.

DiscrkditC aux yeux de l'opinion publique par son ddsastrewr palmarks (2 victoires, 3 nuls, 4 ddfaites), Dugauguez attendra 1'annCe 1969 pour domer sa dtrnission, huit jours avant ... le match AngleternFrance de Wembley. Manifestation d'irresponsabilitk

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ou mancleuvre destinde B faire accepter par l'opinion publique Yen- en s&ne de Boulogne qui n'a jamais entraplid que des 6quipes juniors et amateurs. Suivant la version officielle, Bou- logne n'a accept6 qu18 titre int6rimai1-e le poste de directeur de l'bquipe de France, abandon& au dernier moment par Dugauguez. L'intbrim de Boulogne devait durer plus de quatre ans (& mars 1969 B juin 1973).

Les Mans de Boulogne

Durant cette pdriode le football £ran@s a les moyens de bAtir une bonne dquipe reprdsentative. Saint-Etienne (deux cham- pionnats et deux Coupes de France) et Marseille (deux champion- nats, une coupe) ont atteint un degr6 de stabilitd dans les per- formances qui peut apporter une garantie en matihe de sdlec- tion, A la condition de rhliser 11unit6 autour d'une conception du jeu. Mais Boulogne n'a pas plus de conception du jeu que ses prddCcesseurs, Et pour r6ussir des rdsultats a au coup par coup v suivant la formule qui lui est ch&re, il compte sur l'esprit de lutte qu'il rdussira B communiquer aux 16 ou 20 joueurs frkquemment r

r6unis en stage qui constituent le a club France s ou moins pom- peusement la .: bande B Boulogne v.

Mais au lieu d'utiliser les stages pour dormer confiance aux joueurs, Boulogne, soucieux de se reserver un alibi personnel en cas de defaite, ne manque jamais une occasion de claimnner que les joueurs fran~ais sont infdrieurs B leurs adversaires d t m - {.

gers (9). Un choix habile des adversaires rencontrds en matches arnica- Iui permet de se targuer quand dime d'un bilan pod- tif s (14 victoires, 10 ddfaites, 5 nuls). Mais le public retiendra que sous son r&gne, 1'Cquipe de France a rdussi l'exploit d'&tre dlimin6 de d e n Coupes du Monde (70 et 74) dam la phase preli- minaire et h e Coupe d'Europe des Nations.

Le style primaire de la sdlection nationale &rig& par Bou- logne et les complexes d'infCriorit6 infligds aux meilleurs joueurs fran~ais ont eu une incidence dvidente sur les performances euro- pdennes des clubs franqais, impuissants durant cette pdriode B /

franchir le cap des huitiemes de finale. La baisse catastrophique

(9) A la question & jomhl France Soir, le 12 octobre 1W1 : i Pensez- vous que le football fran~ais ne pourra jam& s'dlever au d e r plan ? B. Boulo e lrpond : a C'est une certitude. Aucun aport. %a nous nea a m o h g chance d'aedder au premier p h . Encore mob le foot6all qui n'mt pea dd6.

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ckw ~~ dam lea naatebor & 1'6quipa drr Praim at Bu C h a m p i n t eat uutm condqucna de h & politiqw. Quoad les friwlores j m t dAna l'hexago~c fr# aorirkncm saot plus proches de 10000 que de 20000 spectateurs, bien quc la Fdddration choisisse souvent des stades de province pout tenter de conqudrir ua public qui ne marche plus w B Paris. A llCtran- ger les tricolores ont perdu tout cddit : 15 000 spectateurs pour Belgique-France B Bruxelles, 4 500 B Buenos Aires pour Argentine- France, 3000 B Sofia pour Bulgarie-France, 10 000 h Ath?mes pour &&France. A Peuis pour a meubler w les tribunes du nouveau Parc des Princes, la Fk&ration prend l'habitude de distribuer 10000 places gratuites aux enfants des bcoles.

Malgrd les appuis politiques qu'il a pris la prbution de se mbger , Boulogne se trouve devant une situation intenable le 26 mai 1973 apda la dtifaite subie devant l'URSS qui interdit la France de partieiper fi la phase f i d e de la C a p e du Monde pour la seconde fois cons&utive. Et il sleEace devant le Roumain Kovacs qui s'est fait un nom en prenant la succession de Micheb ir la t&e d'Ajax d'hmsterdam, un club dijh familiaris& avec les s u d s hter?lationaux. Le leader du 8 corps des e n t r a h u n fran- @s w qui rnanifeste en toutes occasions et sans souci du ridicule la haute id& qu'il a de lui-m&me, n'a pas h6itd B servir d'inte~ ddiaire pour confier l'kquipe de France B un entratneur Ctranger. Ce que I'm n'avait pas vu depuis les anndes 30 oir le football fmnqais loin dc I1&ge adulte p v a i t accepter sans &choir les l a leqms du prdcepteur anglais Kimpton (10).

En dkpit de sa faconde, Kovacs ignore compl&tement les r&- lit& du football francais. I1 tichoue comme son prtid6cesseur mal- gr6 les moyens exceptionnels que la FtklBration a mis B sa dispo- sition. Son bilan (6 victoires, 4 nuls, 5 dtifaites) ne rend pas compte de son impuissance B donner B lldlite du football franqais la confirnee dans ses moyens. Malgrd ses phrases pompeuses sur le a football total w, Kovacs n'est jamais sorti des sentiers battus du conformisme. Sun ignorance de la valeur des joueurs I'a conduit B se livrer B un nombre considdrable d'expdriences et d'essais, et B donner l'impression que la sdlection n'btait plus le monopole

(10) Conservant son poste de directeur technique national du football, e continue B imposer dans le football frantpis m e idhlogie ah Ie

%%e FaEltasi:t4 oofupa une place usentietIa.

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de 15 ou 20 joueurs comme B 1'Cpoque de Boulogne. Et c'est ainsi , qu'il a fini par donner sa chance B Jean-Marc Guillou, systCmati- quement ignorC par son prCdCcesseur, alors que sa grande classe aurait dB faire de lui I'inamovible animateur de la sClection nationale.

Ce que Kovacs n'a pas fait - ddbarrasser les joueurs fran~ais de leurs complexes dJinfCrioritC - l'kquipe de Saint-Etienne l'ac- complira sans le rechercher. Deux fois consCcutivement, en 1974 et en 1975 les StCphanois rdussissent le doublC coupe-championnat qui tkmoigne de leur Ccrasante supCrioritC nationale. Au cours de la saison 75, les Verts transposent sur le plan international la confiance acquise dans l'hexagone. 11s manquent de peu la Finale de la Coupe d'Europe des champions en succombant de justesse devant le Bayern vainqueur de 1'Cpreuve (0-0 et 0-2). Pour parvenir en demi-finale ils ont CliminC le Sporting Lisbonne, Hadjuk Split, Chorzow, apportant ainsi la preuve que I'infCrioritC naturelle des joueurs franqais est une lkgende, contrairement aux affirmations des techniciens officiels.

Entre les performances retentissantes des StCphanois et les dCboires de 1'Cquipe de France, l'opinion publique ne peut man- quer d'effectuer des comparaisons Cdifiantes et lorsque le 12 octo- bre de cette annCe 1975 les tricolores battus par la R.D.A. B Leipzig perdent leur dernikre chance de se qualifier pour la Coupe d'Eu- rope des Nations, on connait dCjh le successeur de Kovacs : Michel Hidalgo. Lequel surprend tout son monde en exposant avec beau- coup de clartt! une conception du jeu absolument opposCe B celle de Boulogne et de Kovacs dont il a CtC I'adjoint. Avec h i c'est la rupture avec le a: football total a et le retour B la spCcialisation. La rkhabilitation de la technique et du jeu des ailiers. Le langage de la concertation au lieu de l'autoritarisme.

Me'rites et Iimites des Ste'phanois

Sceptique le public est bien maigre pour les dCbuts du sClec- tionneur en mars 1976 face B la TchCcoslovaquie : 15 559 specta- teurs payants et 10 000 scolaires. Un 2-2 prometteur obtenu avec une formation profondCment remaniCe face 2 un rival qui va rem- porter aux dipens de 1'Allemagne la Coupe d'Europe des Nations, marque les debuts dlHidalgo.

Avec une Cquipe diffCrente mais respectant les options qu'il a dCfinies, Hidalgo remporte aux dCpens de la Pologne (2-0) un premier succhs qui sera le prClude au redressement de I'Cquipe de France, et B sa qualification pour la Coupe du Monde 1978.

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I;E TEMPS DU mROIR 51

La'sdson 75-76 a 6t6 la grande saison des a Verts B. Aprh avoir CliminC K.B. Copenhague, Glasgow Rangers, Dynamo Kiev, P.S.V. Eindhoven les StCphanois bousculent le Bayern en finale de la Coupe $Europe des Champions avant de succomber sur un tir heureux de Roth.

Cette sCrie d'exploits dCclenche dans toute la France une vague de nationalisme A la mesure des frustrations subies par le pays depuis 1940. Et ceux qui n'ont jamais rdagi devant les termes mCprisants prodiguCs aux joueurs frangais par Verriest, GuCrin, Dugauguez, Boulogne et Kovacs, slCcrasent aux Champs ElysCes pour acclamer Rocheteau, a l'ange vert n, et ses coCquipiers lors- que Paris offre B 12quipe battue b Glasgow l'hommage rCservd aux triomphateurs.

Les joueurs stCphanois et leur entraineur Robert Herbin ont eu le grand mCrite de surmonter le complexe d'infkrioritd qui paralysait le football frangais depuis 1960. Mais pour devenir a compCtitifs n au niveau international, ils n'ont pas innovC. 11s ont utilisd les moyens a rCalistes D qui Ctaient ceux de leurs adver- saires : a prudence D b llextCrieur, marquage individuel serrd, rudesse dkfensive, utilisation systCmatique du a contre n, forcing B domicile avec l'appui inconditionnel d'un public au chauvinisme exacerbk, expert dans l'art d'intimider les arbitres et les Cquipes visiteuses.

De Curkovic b Rocheteau en passant par Janvion, Lopez, Piazza, Farison, Bathenay, Larqu6, les frkres Revelli, les StCpha- nois ont su s'adapter physiquement, techniquement, tactiquement, psychologiquement aux combats de la Coupe d'Europe, et leurs succks ne devaient rien au hasard. Leurs rdsultats ont contribud b rendre aux footballeurs frangais la confiance nkcessaire pour traiter dCsormais d'Cgal b Cgal avec leurs adversaires Ctrangers. Mais contrairement aux performances du Stade de Reims et de 1'Cquipe de France de Suhde, les succks des StCphanois n'ont pas constituk un apport au progrks tactique et au progrts moral du football.

La sClection nationale sous la direction de Michel Hidalgo a CtC plus loin que Saint-Etienne, en alliant souvent le rCsultat et la mani&re. Elle a notamment conquis A deux reprises sa qualifi- cation pour la phase finale de la Coupe du Monde (1978 et 1982) grhce B l'audacieux et brillant jeu offensif pratiquk dans les mat- ches dCcisifs des Climinatoires et sur les stades argentins. Mais le contexte gCnCral du football et le contexte particulier du foot- ball fran~ais ont parfois impose A Michel Hidalgo des concessions regrettables sur le plan tactique ou lui ont opposC des obstacles infranchissables.

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I1 restc que Its Cquipts repr6sentatives du football franqxis rtrlisent dOsormais des dsultats it la mesure do possibilitds contest& par Boulogne et Kovacs. Grilcc l'adaptation de leurs qualitCs naturelles i l'Cvolution du jeu plus qu'h un vCritabL esprit d'innovation.

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Renforcement des ddfenses et sp6culation sur le a contre D, disparition presque complbte de l'offensive, de la cdation, du plaisir de jouer et utilisation croissante de Sintimidation, de la violence, du truquage et de la tricherie ... telles sont les caractdris- tiques essentielles du football d'aujourd'hui, rdsultat de l'kvolution ddcrite dans les deux chapitres prdcddents.

Elles sont la consdquence directe de la prioritd donn6e aux dsultats des matches sur le jeu par les dirigeants, les entrafneurs, les joueurs, la Presse et finalement le public.

En sport les notions de fins et de moyens sont indissoluble- ment liies. En football les notions de risultat et de qualitd du jeu. Certes on admettait naguki-e qu'en pratiquant un jeu de qualitC, on pouvait perdre un match. Mais on considdrait ce type d'dvdne ment comrne un accident et la seule recette intelligente pour obte- nir rdgulih-ement de bons rdsultats Qtait la pratique du meilleur jeu possible, c'est-Mire d'un jeu oh l'esprit de crhtion, l'intelli- gence tactique, la maftrise technique, le plaisir de jouer Ctaient des CMments essentiels.

Aujourd'hui les rapports entre rdsultat et jeu ne sont plus dvoqu& ou le sont avec rkticence. Le jeu est devenu une notion inutile et encombrante B partir du moment oh le poids des int& d t s financiers drainds par le football a eu comme consdquence immCdiate I'accession A sa tgte de gens ddterminds A implanter dans sa gestion I'idde que seul le rdsultat compte et que les moyens pour l'obtenir en dehors de I'argent, se nomment le travail, l'effort pdnible, la souffrance et Cventuellement la ruse et la brutalitd.

Dans les nations occidentales, le football a toujours t t t dirigk par ceux qui avaient I'argent. Mais il no s'agissait pas pour eux en accddant A la pdsidence d'un club d'effcctuer de fructucux

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placements. Les privikges honorifiques et I'autoritC qu'ils pou- vaient exercer sur des joueurs cilkbres suffisaient souvent A leur bonheur. Aujourd'hui le football n'est plus I'activitC un peu margi- nale qu'il Ctait. I1 s'est intkgr6 it la vie quotidienne, il draine des intCr$ts considCrables. C'est une activitC sCrieuse qui exige it tous les niveaux des hommes d'affaires u sCrieux D. Foin des prktendus artistes, des prktendus crkateurs ! Ces fantaisistes n'ont rien it faire dans l'industrie du football. Travailler, souffrir, mouiller le maillot, rCaliser des rCsultats ce n'est pas pour eux. Et du haut en bas de la pyramide du football on s'en dCclare aujourd'hui convaincu. Aussi lorsque, au terme d'un match oh il ne s'est rien passC, I'entraineur de I'une des Cquipes, questionnC sur cette ano- malie, rCpond devant les camCras de tClCvision : a Ce n'Ctait pas it nous de faire le jeu ! B, le public ne se fgche pas plus que lors- qu'un commentateur justifie le succ&s sans Cclat d'une Cquipe en affirmant qu'elle a a fait un match sCrieux B. Le public admet tacitement que lui aussi ne doit pas espCrer s'amuser quand il vient dans un stade ...

Les exigences des sponsors

L'intervention, relativement rkente, des sponsors et des publicistes dans le football a considCrablement accClCr6 le pro- cessus de digradation du jeu (11). Alors que les dirigeants tradi- tionnels n'engagent que leur amour-propre, sponsors et publicistes invoquent I'intCret de firmes comrnerciales qu'ils reprksentent pour justifier leurs exigences en ce qui concerne les rdsultats des Cquipes qui portent sur le maillot la raison sociale de ces firmes. A plusieurs reprises on a vu les responsables de radios pCriphCriques intervenir lorsque les rdsultats des clubs qu'ils 3 sponsorisaient leur paraissaient insuffisants. a Si nous payons, *~ dCclara un jour sans ambages, le sponsor de Paris S.G., ce n'est . pas pour voir notre e'quipe occuper un rang mbdiocre. C'est pour le voir remporter le Championnat! m. I1 est h peine utile de dire qu'on n'a jamais recueilli les dklarations des mCmes personnages concernant la qualit6 du jeu produit par a leur D Cquipe. Quand on paie annuellement des sommes parfois supCrieures i 250 mil- ;

( 11 ) Lorsque le Groupement des clubs professionnels autorisera le rincipe de la publicit6 sur les maillots, le Miroir du Footboll fit appel 2t

famour- roprc des joueurs : a Refusa de vous transformer en hommes sandwic&r. w Aujourd'hui il n'y a phu d'hommessandwiches qui dtambu- lent dam les rues, mais.,

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LE TEMPS DU AUROIR ' 55

lions d'anciens francs il est assez logique que le sponsor attende en contre-partie des ... rdsultats qui servent le renom de sa firme et non des rdsultats qui le desservent.

La notion de qualit6 du jeu n'a rien h voir dans l'affaire. Souvenez-vous de la fureur des nombreux publicistes frangais qui avaient beaucoup investis sur une brillante canibre de 1'Cquipe de France dans le Mundial argentin et dont les espoirs s'effon- drkrent lorsque les tricolores succombkrent devant 1'Italie. I1 importait peu que cette dCfaite ftlt concCdCe de justesse devant un adversaire particulih-ement difficile. Et I'on s'empressa d'ou- blier les belles performances des Fran~ais face B llArgentine et B la Hongrie, ainsi que les flatteuses apprCciations de la Presse internationale B leur Cgard. Seul le rCsultat avait de l'importance et les joueurs franqais ne mkritaient que critiques et sarcasmes pour avoir bafouC I'honneur ... national.

La prima& accordCe au rCsultat se traduit naturellement sur le terrain par l'adoption de moyens de nature B limiter au maxi- mum les risques de dCfaite. D'oh en premier lieu le renforcement numCriqls des dCfenses, entrainant comme corollaire l'affaiblis- sement nwnerique des attaques. Les entraineurs des grands clubs, rendus confiants par les appointements pharamineux qu'ils per- ~oivent et la rkussite de quelques mystifications spectaculaires, professent pour I'intelligence des journalistes et des spectateurs un mCpris tel qu'ils nlhCsitent pas B proclamer qu'en passant du 4-2-4 au 43-3 puis au 4 4 2 le football n'a pas CvoluC dans un sens dCfen- sif. 11s voudraient faire croire, en bavardant sur les montCes des arrihres, que moins une Cquipe possbde d'attaquants mieux elle est armCe pour attaquer !

Mais le cynisme de ces bons apdtres ne s'arrete pas en si bon chemin, car ils escamotent le fait que les deux, voire l'unique joueur, maintenu en avant n'est pas dispense d'effectuer lui aussi un travail ddfensif.

Frustrations et substituts

I1 est facile de comprendre que si 90 % des forces d'une Cquipe et 70 % des forces de son adversaire (qui joue sur son terrain) sont consacrCes B ddtruire, il reste peu de forces pour construire, pour crkr , pour attaquer, c'est-bdire pour offrir au public, qui a pay6 quand mCme pour assister un spectacle, les satifactions qu'il est en droit d'exiger. D'oh m e frustration per- manente que les parties intCressCes au succ&s financier de l'indus- trie du football tentent de faire oublier au moyen de substituts

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pamionneb attach& au rdsultat (le chatlvinisme rCgiOMT w mtio- nal), avec le frdquent encouragement de la prttsse et parfob des politiciens. Mais comme on ne peut trcrmper t t ~ ~ l ~ l l e m e n t le cochon de payant, un jour vient ou les assfstances dam les stades baissent, ce qui est le cas en 1981 dans tous les pays du mande en d6pit de quelques s u d s ponctuels soulignb bruyamment. Et le football professionnel dkpend plus que jamais paw jan exis- tence matdrielle des subventions des mllectivitbs publfques et des invtstissements publicitaires dont le rendement est lie B l'intdr& que la tdlMsion leur porte. Cette ddpendance toujours plus grande par rapport Q l'argent ne permet Cvidemrnent pas d'espCrer une dvision prochaine des rapports entre le jeu et le dsultat.

Le caractkre ddfensif du football actuel et le culte du dsultat sont les raisons essentielles de la violence sur les terrains. Puis- qu'il s'agit d'abord de ddtruire et accessoirement de constmire, l'intelligence, la technique, le respect de I'adversaire sont des considdrations inutiles. Le marquage individuel, en soulignant la responsabilitd de chacun sur des bases fausses pousse indvitable- ment le ddfenseur A utiliser l'intimidation, la tricherie et la violence.

On s'explique dam ces conditions l'usure rapide des avants de poiate et leur gofit croissant pour le milieu du terrain ou, &on- tant les adversaires de face, les risques de blessures sont moindres que dans la zone chaude ou l'on est souvent dos aux adversaires. On comprend que le dispositif en 442 ait souvent leur faveur, s'ils ont l'espoir de s'intdgrer parmi les quatre du milieu. Mais il ne faut pas slCtonner si les attaquants de valeur sont de plus en plus rares, surtout les centre-avants. Le cas du Stbphanois Laurent Roussey, contraint de subir une grave opdration A dix-huit ans, de Bernard Lacombe contraint chaque saison B de longues absen- ces pour causes de blessures, du recrutement massif des centre avants Ctrangers sont trks significatifs. Comme est significative la reconversion en joueurs du milieu d'avants de pointe aussi typi- ques que Keegan, ou I'indisponibilitd prolong& de Kernfis, le buteur du Mundial 78.

I1 faut souligner aussi qu'une ligne d'attaque dduite A deux joueurs constitue la ndgation mCme des principes les plus Cldmen- taires de la stratwe. En dvoluant latdralement a sur tout le front de I'attaque s, cornme disent les apologistes du 4-4-2, les deux *

avants s'interdisent la mise hors de position des ddfenseurs adver- ses et ne trouvent d'autres moyens que la concurrence physique avec des adversaires qui les voient venir de loin. Les contacts mnt inhitables avec leurs cons6quences : risques multiplids de

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blessures, fatigue physique, dburagement engendrd par m e lutte indgale.

L'imps~sible but

Reste l'utilisation du a contre n, c'est-&-dire I'exploitation d'une impmdence des dCfenseurs adverses, abandonnant leur position pour soutenir leurs attaquants. Mais comme la a prudence m tst

I'ordre du jour dans toutes les Cquipes et que prendre des ris- ques offensifs c'est pour un ddfenseur s'exposer B un sCjour sur le banc des remplapnts, les occasions de placer des a contres B et donc de marquer des buts sont de plus en plus rares. Ce qui explique I'importance que prennent les coups francs A la limite de la surface de rdparation, et le recours croissant aux t i n de pdnalties pour ddpartager les Cquipes dont 11inefficacit6 se traduit par le 0-0 fatidique dam les matches de coupe.

L'impression d'impuissance que ressentent lea, joueurs se tra- duit par la rdpdtition d'inteminables sdquences de passes latdra- les et en retrait qui n'ont pas pour objectif la crdation d'ouvertures mais qui traduisent seulement la volontd de fuir les responsabilit&

Dans ce football fermd et ennuyem - dont la finale de la Coupe $Europe 1981 des clubs champions, Liverpool-Real Madrid, fut un exemple particuli&rement frappant - c'est des arribres IatCraux que I'on attend souvent la d&ision, parce que ne subis- sant pas un marquage individuel constant de la part des ... avants de pointe adverses, ils disposent d'une certaine libertd pour ddclan- cher et mener des a contre m. Mais la ndcessitc! de reprendre immb diatement leur poste en ddfense aprhs avoir effectud des courses dCpassant parfois soixante mhtres exige une ddpense athlttique dnorme, laquelle on mesure le caracthe irrationnel de ce type d'action qui devrait Ctre exceptionnelle.

L'importance croissante du facteur physique, non seulement pour les arrieres latCraw mais pour tous les joueurs contraints d'effectuer des efforts excessifs dans des matches oh I'intelligence a peu de place, justifie-t-elle la multiplication caricaturale des dan- ces d'entrafnement ? Les faits prouvent que dans la plupart des cas elle a des effets nCfastes sur la musculature des joueurs (&on- gations, dkhimres) qui permettent de prdvoir un net raccourcis- sement de la carriCre des footballeurs professio~els, les plus de trente am faisant d6jh figure d'exceptions.

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58 LE TEMPS DU MIROIR

Les centres de formation coiitent cher

NCanmoins la raison la plus frkquente des retraites prdmatu- rCes &side sans doute dans la volontC des dirigeants d'engager des jeunes joueurs surtout parce qu'ils u coi3:ent moins cher n que les joueurs chevronnds. D'ou la crCation, rendue obligatoire pour les clubs professionnels franqais des u centres de formation n, alors qu'auparavant la formation des jeunes joueurs s'effectuait au sein du milieu nature1 qu'est le petit club. Ces centres de formation exigent des dCpenses considCrables sous forme de frais d'entre tien, de nourriture, d'encadrement des recrues. 11s constituent , I'une des innovations caractCristiques de I'industrialisation du football, puisqu'ils prCparent les joueurs A exercer leur mCtier dans les normes officielles, crest-&dire sans esprit d'initiative et de crCation.

L'industrialisation n'a pas limit6 sa nCfaste influence au sec- teur professionel. Les grandes Cquipes et les joueurs cCl&bres sont des exemples d'autant plus frappants que la tdldvision leur per- met d'exercer leur influence dans les campagnes les plus lointai- nes. Et l'on voit les pires aberrations des champions du u r&- lisme D recueillies comme des vCritCs d'Evangile par des jeunes footballeurs dCsireux de bien faire et appliqudes B la lettre sous la fCrule d'entraineurs auxquels les dipl6mes dlEtat (!), dClivr& par le directeur technique National (Boulogne), confhre l'autoritd nkessaire pour que les a consignes n soient respectdes. -

Le stage -national dirigC chaque ann& par Boulogne assist& de son &at-major de maitres-entraineurs, se dCroule sous le signe de la plus rude discipline militaire. Ayant appris h a souffrir n pour conqubrir leur dipldme, les futurs entraineurs ne manque- ront pas de faire a souffrir n leurs joueurs pour les a mater n bien stir. Boulogne est assez habile pour ne pas expliciter ce dessein, mais certains de ses amis I'ont fait A sa place (12).

(12) RenC Hauss, directeur technique du F.C. Sochaux &rivait en 1976 dans a L'Entraineur Franqais w - bulletin publib par Boulogne : a La sociCtb sportive n'est pas et ne doit as &re en rim comparable notre sai6tC democratique du XX. sikcle ... 8i l est possible de comparer sa struc- ture h d'autres qui nous serait plus proche, lkxemple de deux autres sociCtCs connues me parait assez adCquat : il s'agit de la vie militaire et du rdgime en vigueur B bord des bltiments de la marine.

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LB TEMPS DU MROIR

Ae thkoricien du football-industrie

MalgrC sa prudence il a parfois IaissC &happer des phrases rCvClatrices de ses conceptions philosophiques, morales et socia- les. Dks 1963, au cours d'une rCunion des entraineurs de clubs pros tecue en prdsence de M. Sadoul, Prdsident du Groupement, Boulo- gne prCsentait un expos6 cr trks complet sur l'dtat prbent du foot- ball professionnel en France . dans lequel, en abordant avec une rare assurance tous les problkmes du football fran~ais, il se pr6 sentait cornme son vCritable maitre A penser. Jeu, recettes, propa- gande, presse spCcialisCe, instauration des concours de pronostics, limitation des salaires des joueurs, opposition au contrat A temps a dam I1intCr& supdrieur du football B... B travers les solutions qu'il formule se rCvkle le conservateur bornC, le vigilant soutien des dirigeants au pouvoir, le champion des conceptions les plus rdtrogrades de la sociCtC et du sport. I1 se dCmasquera publique- ment en mai 1968 par un communiquC dlallCgeance aux pontifes de la FCdCration dont I'amour-propre a CtC CgratignC par l'occupa- tion de leur sikge. Ce qui lui vaudra leur reconnaissance et ce poste de directeur national du football que le nouveau PrCsident, M. Sas- tre, contribuera A officialiser, confCrant A Boulogne les pouvoirs du veritable patron de football hexagonal.

Certes il n'y a qu'un seul pays adhCrent A la F.I.F.A. qui ait pris la responsabilitd de thCoriser le processus de dCgradation du fotball en le qualifiant de progrts. Mais, avec ou sans thdoricien, la dCgradation du jeu s'est accomplie partout sous la pression de son environnement konomique et social. L'industrie du football a nivelC les valeurs en imposant le mCme systtme de jeu, les mCmes mCthodes d'entrainement, la mCme crainte de l'innovation. Pourtant elle ne peut se passer complttement des artistes, mCme s'ils incarnent ce que les industriels du sport et leurs contre- maitres dktestent. Car ce sont les artistes qui donnent au public I'espoir d'assister A des spectacles de qualitd.

On reviendra plus loin sur ces hommes auxquels le football doit de n'avoir pas encore sombrC complttement. Mais on ne sau- rait terminer l'examen des rapports du football et de son contexte konomique, sans souligner qu'il ne s'agit pas en la circonstance d'un cas exceptionnel.

Toutes les formes d'art subissent l'empreinte de leur envi- ronnement. Dans une sociCtd oh tout s'achtte et se vend, I'aeuvre du peintre, du sculpteur, du musicien, du danseur, du cindaste, du romancier, se vend et sDach&te. L'oeuvre du footballeur ne ddroge

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pas la rkgle, et ce n'est pas scandaleux quoiqu'en disent quelques Tartuffes. I1 est seulement essentiel de savoir quip de l'industriel ou de l'artiste, qui de l'industrict au du joueut dame au sport aa raison d'etre.

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CHAPITRE VI

CHOISIR SON CAMP

Le contenu et le ton optimiste du premier numCro du Miroir du Football n'ont choqud personne en ce mois de jmvier 1960. En France le football se porte bien. L'Bquipe nationale a jou6 dix matches depuis son retour de Su5de et elle n'en a perdu qu'un seul (contre la Bulgarie B Sofia). Et pourtant elle a affront6 l a Cquipes les plus redoutables dPEurope : l'Allemagne, 1'Italie. I'Au- triche, la Belgique entre autres. D e u semaines avant la sortie du Miroir, le 17 ddcembre au Parc des Princes, elle a remporte une splendide victoire sur IpEspagne (43). Les Ropa, Fontaine, Douis, Muller, Vincent, Jonquet, Wendling ont pris tr&s rCguli&rement le meilleur sur les Di Stefano, Kubrrla, Suaru, Gento, Ramallets, vedettes consacrdes du a balonpiC B.

En Championnat le Stade de Reims qui aligne une lime d'at- taque sensationnelle Fontaine-MulIer-Kopa-Piatoni-Vincent, a ddjh pris une option sw le titre que lui a ravi l'6.G.C. Nice quelques mois plus t6t.

Le football que prdconise Miroir, les Cquipes et les joueurs qu'il cite en exemple continuent B briller dfin vif eclat. A la satis- faction gdndrale.

Apparemment ce n'est pas un sombre presentiment qui m'in- cite B lancer dans le numdro 2 de fdvrier 1960 m e enquete auprb des entraineurs et des joueurs professionriels sur le th&me r Jouer h dix contre onze est-ce admissible 3 R I1 s'agit de la situation crC& au COUPS d'un match par la blessure qui contraint un joueur P quitter b terrain et B laisser ses cdquipiers poursuim la lutte en 6tat de ddsavantage nw6rique. C ~ P it I'dpoque le remplace- ment dm jeueunr est interdit en Coupe du Monde, en Coupe d'Ew mpe et dans las comljtitiona nationalus.

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62 LE TEMPS DU MIROIR

La premikre question est celleci : faut-il autoriser le rempla- cement du ou des joueurs blessCs ?

La seconde question : l'exclusion automatique du joueur qui a bless6 un adversaire et l'a obligC B quitter le terrain, n'est-elle pas la mesure la plus Cquitable pour rCtablir 1'Cquilibre numCri- que et la plus efficace pour prCvenir la brutalit6 ?

D b le numCro 3 les rCponses affluent et sont publiCes. Une trks forte majorit6 rCpond B la premi&re question par l'affirma- tive. Oui, jouer B dix contre onze est inadmissible, il faut autoriser le remplacement du joueur blessC. Ce n'est pas I'avis de tout le monde. Ainsi Georges Boulogne, l'instructeur national, aprks avoir dCclarC que u le football, jeu viril, exige une qualitk de base indis- pensable : la robustesse D conclut : u Le remplacement des joueurs n'est pas souhaitable. D I1 y ajoute cette prCcision majestueuse : a Le principe de maintenir l'e'quipage de de'part a une valeur de symbole non exempte d'une certaine grandeur. D

Boulogne n'a pas l'occasion de se singulariser B propos de I'exclusion automatique du joueur qui a bless4 son adversaire, car cette proposition est rejetCe par la quasi-unanimitC des joueurs et entraineurs consultCs. Armment gCnCralement allCguC : cette mesure entrainerait des a abus w car un joueur vicieux n'aurait qu'a simuler la blessure pour faire exclure un adversaire parti- culikrement redoutable.

Pour que le crime ne paie pa s...

Une trks nette majorit6 en faveur de I'autorisation du rem- placement des joueurs, c'est le rCsultat positif de I'enquCte du Miroir. Comme le dCmontrera sept ans plus tard, en juin 1967, I'International Board en inscrivant dans ses rkglements le vceu que notre journal a CtC le seul dans la Presse internationale & susciter.

Mais une majorit6 tout aussi nette contre I'exclusion automa- tique du joueur qui a contraint son adversaire B quitter le terrain sur blessure, est un rCsultat nCgatif. Car le but de notre proposi- tion Ctait d'interdire B I'auteur d'une blessure d'en tirer un avantage et de decourager la violence.

Les CvCnements devaient se charger de justifier tr&s vite cette proposition au travers de la tragddie qui devait avoir pour vic- time Justo Fontaine, l'un des hCros de I'Cpopge suddoise. Le 20 mars de cette annCe 1960, au cours du match Reims-Sochaux, Fontaine, B la suite d'un choc avec Sekou quitte le terrain sur un brancard, sofirant d'une double fracture tibia-pCronC. A la fin de

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I'annCe il effectuera sa rentrde, mais au dCbut de 1961, la rupture d'un cal met fin A la carrikre du recordman des buteurs de la Coupe du Monde. Or, A la fin de cette annCe 61, Sekou s u d d e B Fontaine au palmares des buteurs du Champiomat !

J'ignorais Cvidemment ces faits lorsque dans le numCro 4 du Miroir, je tirais les conclusions de I'enquCte sous le titre cr Pour que le crime ne paie pas ! D, en regrettant que la seconde proposi- tion n'ait pas CtC adoptCe. Les conformistes espdraient-ils que le Miroir allait se rallier ti leur opinion ? Leur deception fournit B l'un des collaborateurs du journal le prCtexte qu'il attendait peut- Ctre pour presenter sa dCmission. I1 exposa son point de vue sous un titre significatif : u La recherche d'une trop grande justice conduit a l'injustice. D Ce qui ne risquait pas de m'inciter A le retenir, apres la publication de son article dam le Miroir.

Les themes des editoriaux qui suivent vont prouver que les idCes prdsentdes dam le premier numero ne sont pas de vaines promesses. L'unitC de la masse et de 1'Clite (No 3), 1'Cquipe et l'indi- vidu (No 4), l'internationalisme du football (No 5), sont des sujets qui justifient cette constatation extraite du a Premier bilan B

(No 6) : u Le Miroir a e'leve' le de'bat, mais celui-ci ne pourra itre fe'cond qu'h la condition de ne pas se soucier du qu'en dira-t-on, des fausses autoritb, des prkjugb. n

La contre-attaque s'organise

De quel dCbat s'agit-il ? De celui que viennent de soulever les gens que les conceptions du Miroir gCnent manifestement. Les pouvoirs dirigeants du football n'ont pas apprCciC la remise en cause des reglements relatifs au non-remplacement des joueurs bless&, ni celle des principes gCnCraux du sport. Les entraineurs dipl6mCs qui ont dCjti une haute idCe de leur science (!) se refu- sent ti admettre qu'un jeune joueur professionnel en activitd comme Pierre Lameignhre tCmoigne d'un total irrespect A leur endroit, et surtout dCmontre avec vigueur l'inconsistance de leurs conceptions. a La passe longue condamne'e par Zes chiffres D, cette sCrie d'articles appuyCs sur des donnCes statistiques irrefutables a le don dJexaspCrer particulikrement ceux qui ddclarent dCjA : a Gagner c'est l'essentiel, peu importe la faqon. w

Pour (c contrer P le Miroir en coalisant ses adversaires, le journal a L'Equipe n supprime son mensuel omnisports u Sports et Vie D et le remplace par cc Football Magazine D. Tandis que a France Football D devient dans les Cditoriaux de Jacques Ferran le porte-parole actif des dirigeants et des entraineurs conformistes.

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Ceci ne va pas diminuer la volontt! du Miroir de s'attquer h tous les sujets-tabous. Le systbme esclavagiste des transferts et lea concours de pronostics sont les cibles des dditoriaux des nuxnti- ros 10 et I t . Alors que le Real Madrid et la Coupe &Europe des clubs figurent panni les valeurs incontestt5es du milieu footballis- tique, le Miroir formule des r6serves sur le jeu collectif de 116quipe '

espagnole (No 10) et critique la formule de la Coupe dlEurope qui avantage lea dquipes appuyks par un public t& important, dCve loppe le chauvinisms et ne sert pas la cause du vrai football. Ell@ doit, affirme le Miroir, &er la place B un championnat dlEuropcr par addition de points et matches aller-retour oh le facteur pas- sionnel jouera un rdle moins important que la qualitd du jeu, puis que le rksultat dCpendra d'une s&ie de matches et non d'un albr- retour dliminatoire (Nq 12).

Pourquoi la critique dpargneraitelle l'dquipc de France qui a de rnoins en moins de points cornmuns avec la glorieuse formation dant Albert Batteux k r i t I'histoire dam le Miroir ? En I'absena de Kopa, Fontaine et Piantani blessb, le triumvirat Thhpot-Ver- riest-Gauteroux qui a s u d C B Paul Nicolas, manifeste une absence totale de principes et sdlectionne les joueurs sur le cri- t h e de la a forme B du moment. b dCroute de Bsle face B la Suisse (2-6), confirme les apprd-

hensions que le Miroir a exprimhes depuis les ddfaites subies en Coupe dlEuropc des Nations et I'incroyable ldg&ret& des Jlection- nears. Sous le titre e Voyage au bout de I'impuissance Mirob r&lame leur ddmission (No 11). Et comme leurs avocats dans la Presse invoquent la pCnurie da joueurs de classe internationale - argument qui sera utilis6 durant quatone ann&s - le Miroir rdplique en affirmant a I1 y a des joueurs en France v (No 12), en attendant d'ouvrir m e rubrique mensuelle qui en atpporte~a la preuve.

Entraincur de la dection nationale (sous la direction de Pad Niwlas, puis sous celle du triumvirat, enfin sous celle de Vemest demeurd en place aprhs la dtmission de ThCpot et Gau- teroux), Batteux, collaborateur du Miroir, se trouve en position inconfortable vis-his de la Fddfhtion, l'un de ses emploveurs. Inconfortable aussi v i s - h i s de e L'Equipe w et ses filiales qui lui reprochent de ne pas dcrire dam leurs colonnes. Et comme iI W e n t de plus en plus difficile de concilier la fidtiitd de Battourr zm w q u a g e individuel ( m h e aasouplf) et la d d f m de zone

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appuyde sur le hors-jeu devient dklicate.

TEMPS DU MIROIR 65

prkoniste par le Miroir, la situation

Batteux quitte le Miroir

Dam le numCro 14 de mars 1961, Albert Batteux expose son point de vue sous un titre trks explicite << I1 ne faut pas 6tre esclave des principes B. Dans la page suivante, le Miroir lui rkpond sous un titre tout aussi explicite : ac Un principe ju te n'est jamais trop rigoureux. Le ddsaccord est profond et la sdparation s'avkre indvitable. Un an plus tard, aprks l'dlimination des Tricolores de la Coupe du Monde B Milan, Batteux quittera I'dquipe de France. Et deux ans plus tard le Stade de Reims dont le dkclin se traduit par la descente en Division 11.

Coincidence absolurnent fortuite, le premier chapitre de a La Vie aventureuse de Di Stefano B parait dans le numkro qui consa- cre le ddpart de Batteux. Le lecteur est prkvenu, il ne s'agit pas h e concession au culte de la vedette. a A travers les 35 annkes de la vie mouvementke du plus ckldbre footballeur, c'est la ptriode la plus passionnante de I'histoire de notre sport que nous avons essayd de faire revivre. n Apparemment le journal sovidtique a Sport B et I'hebdomadaire roumain cc Sportul popular B parta- gent cette dernikre opinion puisqu'ils vont reprendre textes et photos du feuilleton et les publier sans en demander l'autorisation.

Dans les milieux du football international on commence, il est vrai, B connaitre le Miroir. (< L'Edition Sud-Amkricaine B, a IJEdition Belge B, les reportages internationaux, les articles sur la tactique du jeu, ont conquis un public important dans les pays francophones (Belgique, Suisse, Afrique) mais aussi en Amdrique Latine. Le ton des critiques formulCes contre les pouvoirs diri- geants et les reprdsentants de la technique officielle est trks apprd- ciC par ceux qui ne peuvent ou n'osent s'attaquer aux autoritds du football. Quant B la remise en cause des institutions comme le systkme de transferts et les concours de pronostics, elle consti- tue m e innovation dans la presse sportive au meme titre que les les Ctudes sur la thdorie et la pratique de la ddfense en ligne.

Un courrier de plus en plus abondant manifeste l'intkret que les lecteurs accordent aux iddes sur la technique et la tactique du jeu mais aussi sur la philosophie et la morale du sport.

Le Miroir s'est fait beaucoup d'amis, mais aussi des ennemis. J'attendrai cependant le nurnCro 23 de novembre 1961 pour publier m e rubrique in t i tub a La reprise de volde B qui se proposera de traiter sous une forme parfois ironique parfois polhique les

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faits de l'actualite auxquels pour des raisons diverses, le journal . n'a pas consacrk un article de cornmentaire. T r b prisk par les lecteurs, la a reprise de vol& w le sera beaucoup moins par ceux qui en seront les cibles.

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.CHAPITRE VII

VZVE L'OFFENSZVE !

Produit de I'expansion du football et de son Cpanouissement artistique, le Miroir s'est trouvd confront6 d2s ses premiers mois d'existence avec un mouvement de rdgression de la qualit6 du jeu, lid comme je I'ai expos6 B la prioritd accordde au rdsultat.

Pour bien faire comprendre le comportement du Miroir face B cette dvolution inattendue, j'ai ddcrit presque dans le ddtail le contenu de ses premiers numdros. Mais comme une analyse chro- nologique de sa collection jusqu'en mai 1976 risquerait dl&tre fastidieuse, la meilleure faqon de donner une vision assez exacte de son contenu est de 1Ztudier sous d e n angles. D'abord sous celui de la conception du jeu qu'il ddfend. Ensuite sous celui de sa conception gCnCrale du football, de la place qu'il lui accorde dam la sociCtC, de sa philosophie, de sa morale.

En football les notions de jeu et d'art sont insdparables de la notion d'offensive parce que I'offensive exige intelligence, imagi- nation, crhtion, habiletd technique. C'dtait ddjA le point de vue de la rubrique football de Miroir Sprint lorsqu'elle citait en exemple I'dquipe de Hongrie d2s 1953, qu'elle dkfendait dpre- ment le a petit jeu s rdmois critiquk par les champions du a jeu direct r, B la britannique, qu'elle ouvrait ses colonnes 21 Albert Batteux, I'entraheur rdmois, qu'elle poldmiquait avec les ddtrac- teurs de Raymond Kopa, incarnation du a jeu court n.

Le Miroir du Football ne pouvait que reprendre B son compte cette conviction offensive. Le centre en retrait, le corner indirect, la passe courte furent les premiers sujets abordds dans les articles rCserv6s aux Ctudes tactiques. Kopa et Fontaine furent citds en exemple comme ils I'avaient dt6 dans Miroir-Sprint, et Batteux poursuivit la collaboration dans le mensuel, commencde quelques anndes plus t6t dam I'hebdomadaire.

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Mais il fallait bien constater en 1960 une certaine dvolution dans le jeu des Cquipes de 1'Clite internationale et nationale. En . particulier une ddsaffection croissante pour le marquage indivi- duel sans couverture hdritde du WM, et la gdndralisation des replis dCfensifs des demis voire des avants aux alentours de leur propre surface de reparation. I

Cette dvolution posait des probkmes nouveaux aux partisans du jeu offensif fond6 sur la passe courte. Des problkmes d'ordre tactique puisque pour mettre hors de position (ou ddsdquilibrer) une ddfense renforde par le repli des demis, il fallait augmenter le nombre des attaquants, tout en maintenant une ddfense assez efficace pour s'opposer aux u contres rn adverses.

Les expdriences mendes par Pierre Pibarot au Racing de Paris - et par le Sporting dlAnderlecht incitkrent Pierre Lameignhre, pas- sionnd pour les problbmes de tactique, h analyser avec minutie ces deux expdriences menCes presque parallblement, A les expdri- menter dans sa pratique de joueur, h observer avec attention les retouches effectudes par les uns et les autres. C'est ainsi qu'aprbs avoir exposd, pour la premibre fois et de manibre remarquable, sa conception de la u DLfense offensive n dans le numdro 10 d'oc- tobre 1960, il se mit en devoir de h i apporter au fil des mois les prdcisions que h i dictaient ses observations et ses expdrimen- tations.

La dbfense en ligne

On a accwnulC depuis cette dpoque tant d'inepties sur la a ddfense en ligne n - appellation plus rdpandue de la ddfense offensive mais plus incomplete - qu'il n'est pas inutile d'en rap- peler le principe.

Pour jouer offensivement, il faut disposer d'attaquants plus nombreux ou au moins aussi nombreux que les ddfenseurs adver- ses. Mais comment y parvenir sans ddgarnir sa propre ddfense ? En rapprochant les ddfenseurs des attaquants, en resserrant dans le sens de la profondeur les arrikres, les demis et les avants, en rdduisant les espaces qui les sdparent, ce qui permettra aux uns et aux autres de passer de la ddfense h I'attaque et inversement, sans ddpense excessive de forces physiques, en disposant toujours des soutiens et des appuis indispensables au jeu collectif. GrAce

%, h la loi du hors-jeu les arribres peuvent sans risques excessifs, dvoluer en position avancde, conserver le contact avec leurs part6 naires du milieu et de I'attaque. Car ceux des adversaires qui s'en-

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gagent en profondeur pour solliciter la passe longue d'un parte- naire se placent en position de hors-jeu.

Cette loi du hors-jeu, Pierre Lameignkre devait ensuite en justifier thdoriquement I'existence, dCmontrer que sans elle le football perdait son caracthe de jeu collectif construit, et que sa suppression, rCclamCe par certains, serait catastrophique (13).

Si les entraineurs conformistes, dCjB inspirks par Boulogne, prdfkrent s'en prendre au hors-jeu plut8t que de tenter de prouver que la dCfense en ligne est irrationnelle, la pratique du systhme u dCfense renforcCe - contre-attaque B gagne du terrain dans la pratique des grandes compktitions B partir de 1960. La Coupe du Monde 1962 au Chili a marquC son entrCe officielle, en 1963 le a catenaccio m va remporter avec Milan A.C. sa premi&re Coupe &Europe. L'Cquipe de France entre dans sa phiode noire et dans le Championnat de France la rdgression du jeu offensif est mani- feste. Dam le numCro 33 du Miroir, un constat en titre d'une longue Ctude : cc Le football francais sous le r2gne du btton m, oh Boulogne est prCsentC pour la premikre fois comme le leader des entrabeurs partisans de la dkfense renforcke. Mais dans le mCme nurnCro le superbe match jouC par Anderlecht au Stade Bernabeu, oh le club belge a tenu en Cchec le grand Real aprb l'avoir deux fois men6 B la marque, inspire cette ligne chargCe d'espCrance a Anderlecht. De l'e'tincelle jaillira la flamme ! m.

Ascension et chute d'Anderlecht

DCsormais les espoirs du renouveau offensif vont reposer dans les colonnes du Miroir sur le grand club bruxellois qui, sous la direction de I'entraineur fran~ais Pierre Sinibaldi, pratique la u dCfense en ligne m avec brio et affirme spectaculairement son attachement a cette conception du jeu. Aussi la victoire dlAnder- lecht sur le Real au match retour et sa qualification en Coupe $Europe sont-elles saluCes en ces termes par llCditorial du nurndro 36 (novembre 1963) : ec L'ascension d'Anderlecht est pour tous les footballeurs beaucoup plus qu'un sujet d'admiration. C'est un magnifique exemple. Un formidable encouragement. m

u L'Cdition de Belge D du Miroir qui a trouvC en la personne de Roger de Somer un remarquable titulaire, permettra aux spor- tifs francais, belges et misses de suivre de pr&s l'dvolution de

- -

(13) En dkpit des efforts de Boulogne et d'Helenio Herrera et des exp6riences faites notamment am U.S.A. pour a assou lir la loi du hors-jeu, P 1'Intemational Board a maintenu avec raison la Loi X dam toute sa rigueur.

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cette &pipe dont on peut attendre les plus grands exploits. Le 24 avril 1963, 1'Cquipe de Belgique dans laquelle sept joueurs dlAnderlecht ont CtC titularisCs inflige au BrCsil la plus lourde dCfaite (5-1) jamais subie par 1'Cquipe qui un an plus t6t rempor- tait le titre mondial Q Santiago du Chili. Et en fCvrier 1964 lorsque cette mCme Cquipe de Belgique remporte une facile victoire sur la France au Parc des Princes, un journal fran~ais qui depuis des annCes critique la dkfense en ligne publie ces lignes Ctonnantes :

1 a Ce football-ld, celui dlAnderlecht retoucht tquipe nationale, a ptnt tr t le public d'admiration, car il ne se contentait pas d'itre u n ballet agrtable d l'ceil. C'ttait un EXEMPLE d'tquilibre entre des qualitts habituellement oppostes, u n faisceau si rare qu'il nous rappelait l'tquipe de France, de Sutde et la Hongrie des grandes anne'es, qui dliaient aussi le rtalisme et le bien jouer. n Des lignes que le Miroir s'empressa Cvidemment de reproduire dans son numCro 51 car j'ignorais sans doute Q llCpoque l'aptitude de certains confrkres Q prendre les trains en marche.

En juin de la mCme annCe la sensationnelle victoire dlAnder- lecht en finale du Tournoi de Paris aux dCpens de Borussia Dort- mund (5-2) inspire au Miroir un article intitulC u Un nouveau chapitre de l'histoire du football s, dans lequel Jean Norval Ccrit Q propos du public parisien qui a reclam6 un tour d'honneur aux vainqueurs : a C'est la premitre fois au monde qu'une telle rtcom- pense est rtclamte par u n public que des motifs rtgionalistes ou nationalistes n'inspirent pas. C'est tgalement la premitre fois d ma connaissance que des applaudissements se sont tlevks ddds la 3' minute pour saluer autre chose que des exploits collectifs ou individuels. Applaudissements nourris, sans clameur, succbdant h des silences admiratifs et qui apprtciaient I'tquipe comme u n tout. Des applaudissements qui crtaient des liens. n

- -

Malheureusement, malgrC des performances mCritoires en Coupe dDEurope et notamment une victoire arrachde aux a super- rhlistes s de Bologne, Anderlecht ne parvint pas 21 remporter la victoire finale qui aurait mis fin Q la stupide lCgende du a cham- pion du monde des matches amicaux s. Que lui a t-il donc manqud pour obtenir la consdcration ? Un environnement social favorable a l'innovation et en derniere analyse au jeu. Anderlecht s'est dpuisk a lutter contre le courant et a fini par succomber.

En aoiit 1965 Miroir publie un article intituld a Anderlecht, attention danger ! a, oii l'on note avec tristesse des symptames indiscutables de ddgradation du jeu des Bruxellois. La mort de Laurent Verbiest, l'animateur de la ddfense offensive accdl&re le processus. Apr&s l'dlimination dlAnderlecht en quart de finale de la Coupe dlEurope 66 par ... le Real Madrid (quel symbole !) qui

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gagnera sa sixikme et dernikre finale, Pierre Sinibaldi quitte le club. Quelques jours auparavant Miroir a constat6 a Anderlecht n'applique plus ses principes avec la m&me rigueur w (NumCro 77). En octobre de la mCme annbe Andrbas Bbrks le nouvel entraineur, s'appuie sur les a enseignements de la Coupe du Monde w pour en h i r officiellement avec la pratique de la dbfense en ligne.

Le grand Racing

En meme temps qu1Anderlecht le Racing de Paris appliqua la dCfense en ligne avec un certain succ&s et un evident mbrite en raison des critiques dont la presse conformiste accabla Pierre Pibarot son entraineur. I1 n'est pas inutile de rappeler que le club parisien, troisikme du Championnat en 1959-60, second en 60-61, second en 61-62, manifesta en ces trois circonstances la plus grande efficacit6 offensive de la compCtition avec respectivement 118 buts, 93 et 86 ... devant Reims. Si les sportifs de la capitale ont vingt ans aprks la nostalgie du vieux Racing, de son jeu offensif et specta- culaire, il serait injuste d'oublier que les idbes de Pibarot y ont puissamment contribub. En butte aux critiques des ignares, cet entraineur d'avant-garde finit par rentrer dans le rang. Son rallie- ment au conformisme n'a pas btb Ctranger au triste destin du grand club parisien.

LDU.S. Valenciennes de Masnaghetti, Piumi, Provelli, fut aussi un adepte de la dbfense en ligne que son entraineur Domergue avait import& de Bruxdles, oh il allait observer Anderlecht. G r b B elle, Valenciennes, sortie de la Division 11, se hissa de la neu- vikme place dans le Championnat 1963 B la sixitme en 64, B la troisikme en 65 et encore B la troisikme place en 1966, en prati- quant un jeu offensif extrCmement spectaculaire qui mit en valeur les belles qualitbs de Masnaghetti et de Bonnel.

Autre adepte un peu oublib de la dCfense en ligne : 1'Cquipe de France de la Coupe du Monde 1966. Mais ce fut seulement pour ... son troisitme et dernier match alors que son Climination Ctait consommCe. Pour rencontrer I'Angleterre, les joueurs et notam- ment Budzinski impostrent au directeur technique GuCrin la tac- tique offensive qu'il avait rejet&. Les Tricolores joutrent leur meilleur match et s'ils succombtrent devant le futur vainqueur de la compbtition, les blessures de Herbin et de Simon au cours de la partie diminukrent sensiblement leurs moyens.

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L'expdrience Fontaine

Ce n'est pas la malchance qu'il fallut incriminer quand Juste Fontaine, promu entraineur de la sdlection nationale, fit jouer la ddfense en ligne contre la Roumanie et I'URSS et fut limogd sans avoir eu le temps de recueillir les fruits de deux expdriences plei- nes de promesses. En ddpit du sabotage en rbgle dont il fut victime de la part de Boulogne et de ses amis, les Tricolores retrouvbrent en ces deux occasions la verve offensive de leurs belles annCes. Mais, mis en condition par une campagne de presse sans prdcd- dent, le public du Parc des Princes ne pouvait comrnuniquer aux joueurs la confiance qui h i faisait ddfaut, et l'dquipe de France

- perdit en ces deux occasions contre le cours du jeu. Ceux qui avaient jurd la perte de Fontaine en profitbrent pour mettre fin B son mandat, alors que ses prdddcesseurs avaient eu des ann&s pour faire la preuve de leur insuffisance et que ses successeurs devaient bdndficier du mCme privilbge.

Avec les joueurs du F.C. Nantes qui dominaient B I'dpoque le championnat de France et pratiquaient une ddfense de zone trbs proche de la ligne, ainsi que les joueurs de Valenciennes habi- tubs B la ligne, Fontaine disposait en 1967 des conditions tacti- ques les plus favorables pour un renouveau du jeu offensif. Le Miroir du Football, qui avait soutenu I'ascension des Nantais cornme les progrbs de Valenciennes, se devait d'apporter B Fon- , taine son appui et ses encouragements.

Les numdros 92, 93, 94 tkmoignent des immenses espoirs qu'il a investis dans cette expdrience. Mais le numQo 96 de juin 1967, s'il f6te avec enthousiasme le rdveil du jeu offensif que fut la victoire du Celtic sur 1'Inter de Milan en finale de la Coupe d'Eu- rope, s'interroge sur I'avenir immddiat de l'dquipe de France battue par I'URSS aprbs une premibre mi-temps Ctincelante. De I'dditorial consacrd B un parallble entre ces deux CvCnements, voici quelques lignes significatives : u Le football francais a la chance d'avoir trouvt en la personne de Fontaine un animateur conscient de la nbcessitt de garantir la permanence de Z'esprit offensif sur la base de la ddfense en ligne. Mais pami les conditions du succgs de son application pratique, il y a... le temps ndcessaire d la mise ; au point du systkme. n

Le temps de faire ses preuves, les dirigeants de la FCdCration vont le refuser B Fontaine, limog6 d b le mois suivant. Alors le Miroir titre en couverture du numdro 97 : s Ils avaient peur de Fontaine, ils Z'ont liquidt! B. Sous le titre a On ne tue pas une

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idte n, l'bditorial explique les raisons rklles (rien voir avec la tactique) du scandaleux comportement des pouvoirs dirigeants tandis qu'un long article ddvoile u Comment I'Amicale des entrai- neurs a prkparb la liquidation de Fontaine n.

De Grillon a Riera

Boulogne mis directement en cause fait le gros dos et tire les enseignements d'une maneuvre qui a parfaitement rdussi. Trois ans plus tard, alors qu'il est devenu directeur technique national, il lance un ultimatum B Andrd Grillon, entraheur de l'dquipe de France amateur : ou il normalise ses conceptions tactiques, ou il abandonne sa fonction. Grillon applique, en effet, la ddfense en ligne dans des conditions particulibrement difficiles puisque, n'itant pas sdlectionneur, il doit effectuer la reconversion tacti- que des joueurs parfois la veille des matches. Mais cela ne l'empg che pas de remporter des succbs qui contrastent avec les ddboires rdpdtds de l'dquipe de France professionnelle dirigde par Boulo- gne et ses amis. Le score de 4-1 rdalisd par les poulains de Grillon aux ddpens des professionnels Mexicains au Stade Aztbque dans le Tournoi de Football des Jeux Olyrnpiques 68 fait sensation ... et determine I'intervention de Boulogne. Plut6t que de se sou- mettre, Grillon choisit de se ddmettre.

Fernando Riera, autre grand nom du football international (il avait men6 le Chili a la troisibme place de la Coupe du Monde 1962) ne subit pas B notre connaissance de pression aussi brutale, lorsqu'il imposa la difense en ligne dans 1'Cquipe de Benfica. La blessure de I'excellent Coluna en finale de la Coupe d'Europe 1963 ti Wembley ne lui permit malheureusement pas d'apporter la grande ddmonstration qu'il espbrait. Deux contre-attaques d'Alta- h i annukrent l'option sur Pa victoire qu'avait signde Eusebio, et donnbrent Milan A.C. la premibre victoire europCenne du u catenaccio n.

Quand on fait le tour des expdriences les plus connues de la ddfense en ligne, on est tentd d'incriminer la malchance voire la sottise des conformistes. Mais cette explication n'en serait pas me. Personnellement je pense que le contexte social du football mar- qud depuis 1960 par un regain de l'individualisme et de l'6gokme est defavorable B la pratique d'un systbme de jeu qui exige de I'intelligence, un vdritable esprit collectif, et un grand sens de la responsabilitd. Le marquage individuel exige surtout de la docilitd dam I'application des consignes P, et la conception ac rhliste B du jeu s'accommode d'un certain manque de scrupules puisque

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ses yeux tous les moyens sont bons pourvu qu'ils soient efficaces.

Le jeu offensif sans la ligne - -

Au Miroir nous avons pris conscience des rCalitCs qui s'oppo- saient A l'expansion de la pratique de la dCfense en ligne quand nous avons constat6 qu'une expkrience aussi probante que celle d'hderlecht ne parvenait A convaincre qu'une minorit6 dlCquipes, de joueurs et d'entraineurs. Nous restions convaincus qu'elle res- tait la base la plus rationnelle du jeu offensif, qu'elle serait reconnue comme telle lorsque l'environnement social du football le permettrait, et que des entraineurs comme Robert BCrard et Jean-Claude Trotel avaient raison de continuer A en prdconiser la pratique la ou ils rencontraient une audience favorable. Ce que devait confirmer Fontaine en permettant au Paris S.G. dlaccCder a la Division I en 1971 au terme de sa premikre saison dans le -

club. Mais, avant comme aprks Anderlecht, nous n'avons jamais

considCr6 que sans la dCfense en ligne le jeu offensif Ctait impos- sible ou inconcevable. Et le Miroir a toujours soutenu, sans la moindre restriction, les Cquipes et les joueurs adeptes du jeu offensif, mCme s'ils ne s'appuyaient pas sur la dCfense en ligne.

Le Stade de Reims et 1'A.S. Monaco de Douis et ThCo, ne jouaient pas la ligne. Le Celtic de Glasgow 1967 non plus. Ni Santos F.C., ni 1Zquipe du BrCsil de 1960 A 1972, ni 1'Cquipe du PCrou 1970 qui ont CtC des porte-drapeau particulih-ement bril- lants du jeu offensif comme le Miroir ne s'est pas privC de le proclamer.

Aucun journal europCen de football n'a consacrd au jeu des grandes formations brksiliennes autant de pages et autant de qualificatifs Clogieux que hi . I1 est vrai que le Brdsil a CtC jus- qu'en 1972 la meilleure incarnation aux yeux du monde entier , de l'art du football. Que ce football, qui Ctait souverain quand il s'exprimait naturellement, se soit CvertuC ensuite A se renier pour (c. rCcolter des dCfaites, montre la toute-puissance de l'environne- ment social. Au BrCsil comme ailleurs le football-art a cCdC la place au football-industrie.

En janvier 1971 llCditorial du No 142 constatait : r La formi- dable dtfmonstration de la supkrioritt du jeu offensif sur le btton effectuke par le Brtfsil au Stade Aztkque en 1970 s'avkre parfaite- ment inutile . et le jeu offensif perd du terrain. Comment expli- quer cette apparente anomalie ? Le mCme Cditorial dpond : r Les

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footballeurs et leur entourage ne vivent pas dans un monde fermt. L,a forme de socitte' duns laquelle ils vivent les marquent de son empreinte et ils apportent duns les stades les conceptions qu'ils vivent dans leur existence de chaque jour. ... L'esprit offen- sif, l'intelligence, la correction ne sont pas aujourd'hui des argu- ments suffisants pour gagner la sympathie des publics ... En revan- che les tquipes qui a se battent R comme on se bat dam la jungle sociale re~oivent l'adhtsion instinctive de ceux qui leur ressem- blent ou voudraient leur ressembler. I1 suffit de baptiser la triche- rie astuce, le matraquage virilitt et la contre-attaque offensive pour apaiser ce qui reste de scrupules moraux. Le be'ton re'pond parfaitement h cet esprit. rn

En juillet 74, le numCro 224 du Miroir publiC juste aprb la Coupe du Monde en Allemagne constate en ces termes le rallie- ment de 1'Cquipe du BrCsil au u realisme D et h l'impuissance : a Les dirigeants et entraineurs du Brbil ont commis l'incroyable erreur d'adopter une conception du football qui est la ntgation mime de l'essence du jeu. Zls ont ainsi dttruit ce qui faisait la force du football brbilien : l'inspiration, le ge'nie. s

Cette terrible dCfaite du jeu offensif aura m e lourde incidence sur la vie du Miroir, comme on le verra au chapitre XIV.

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CHAPITRE VIII

D'ABORD L'HOMME !

Pourquoi ce parti-pris intransigeant du Miroir pour le jeu offensif ? Parce que le jeu offensif est inconcevable sans l'intelli- gence, l'imagination, la crdation, l'esprit collectif, l'habiletd tech- nique, le respect de I'adversaire. C'est-&dire des qualitCs qui hono- rent I'homme.

Cette vision humaniste du sport, exposCe dans le premier Cdi- torial du journal, nous a incitCs 2t attaquer d'entrCe le problbme de la violence qui trouvait dans un rkglement en vigueur B l'Cpo- que (I'interdiction de remplacer un joueur bless6 en cours de match) un vdritable encouragement.

Durant des annCes le systkme des transferts devait Ctre I'une des cibles de l'offensive du Miroir dans son combat pour la dignit6 du joueur. En raison de la caricature de contrat qui le liait 21 son club jusqu'h I'Age de 35 ans, le joueur professionnel Ctait un - objet que les dirigeants de clubs pouvaient acheter ou vendre. Le Miroir dkmontra I'illCgalitC de cet engagement et la nCcessit6 de le remplacer par un contrat 21 temps qui ferait du joueur un sala- rid dont les droits seraient reconnus par le code du travail. Dans cette optique, il soutint les premiers pas de 1'Union Nationale des Footballeurs professionnels (U.N.F.P.) fondCe en 1961 par Fon- taine, Njo-Lea, Eschmann et AP Bertrand, en I'incitant 21, revendi- quer d'abord l'essentiel : I'abolition du systbme des transferts. Et il contribua B faire connaitre les efforts individuels ou collectifs accomplis dans ce sens par les joueurs en France, en Argentine et en Angleterre.

La campagne que le Miroir a men& en faveur de Raymond Kopa entre dans ce cadre. En 1963 Raymond Kopa subit les fou- dres des pouvoirs dirigeants du football et les insultes du sClec- tionneur Verriest, pour avoir dCnoncC dans un hebdomadaire non-

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sportif le statut (( esclavagiste n du joueur professionnel. Rappel6 dam 1'Cquipe nationale, Kopa, n'ayant pu obtenir les excuses qu'il exigeait lkgitimement, refusa de participer au match France- Bulgarie. AccusC contre toute vraisemblance d'avoir tenu des p r e pos mkprisants sur ses cokquipiers, le plus grand des joueurs fransais de tous les temps fut suspendu par la Fedbration et le Groupement des Clubs Professionnels.

Le Miroir prit la dCfense du footballeur, ddmonta les ressorts de la sordide opCration montCe contre lui et mit en accusation ses promoteurs.

Six ans plus tard, le joueur que la FCdCration Fran~aise de Football avait traite cornme un dklinquant Ctait nommC membre du Bureau FCdCral, avant de recevoir la ... Ugion dlHomeur.

Le systkme des transferts, il est vrai, venait dlCtre aboli dis- crktement. Les joueurs fransais Ctaient les premiers en Europe h bCnCficier d'un contrat qui leur assurait des avantages moraux et matkriels considCrables. La presse spCcialist!e qui, dam sa grande majoritb, avait dCfendu le systi?me des transferts et les calomniateurs de Kopa, avait d'excellentes raisons d'oublier le passt!.

Pourquoi combattre les concours de pronostics ?

Le combat contre I'instauration en .France des Concours de Pronostics est un autre aspect de la conception hurnaniste du Miroir. Sous le titre cc Un jeu si innocent B, le numdro I1 de novembre 1960 lance la premih-e attaque contre une institution qui vient de provoquer en Angleterre un Cnorme scandale : des parieurs et des. bookmakers ont avouC avoir truquC une sbrie de matches du Champiomat de la League. Le parlementaire qui vient de dCposer un projet de loi pour I'instauration des Concours de pronostics en France, a ma1 choisi son moment, et le Miroir le lui fait savoir sans douceur : a Le football sait ce qu'il l'attend si l'lnternationale des Concours de Pronostics instaure autour de nos stades ce jeu si innocent. n

I1 en faudra plus pour ddcourager ceux que I'assiette au beurre des pronostics fait saliver depuis des annCes, mais qui affirment ne penser, bien s k , qu'aux intCrCts du football. Pdriodiquement l'un de ces philanthropes se manifeste pour s'btonner que la France soit le seul pays $Europe avec l'Albanie qui interdise une aussi noble institution.

Le Miroir publie sans se lasser les raisons pour lesquelles il combat un projet qui a l'agrdment de la majoritd de la presse

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spdcialisde : il est degradant pour le joueur de devenir un objet de paris, dlCtre assimile A un produit de cette a race chevaline . que le tier& est censC a encourager B ; il est digradant pour le football de devenir un jeu d'argent. Les concours de pronostics ne peuvent que dCvelopper le chauvinisme puisque les parieurs ne slintCresseront kvidemment qu'aux rksultats et le football en souffrira.

Ces arguments sont tout A fait difF6rents de ceux qu'invo- quent les partis politiques hostiles a m Concours de pronostics, pour des raisons fort CloignCes du football. Si pertinents que soient ceux du Miroir il faut reconnaitre que si les Concours de pronostics restent interdits en France, les puissants interCts du tiercC et du loto ont pesC beaucoup plus lourdement dans la balance.

Le Miroir a CtC beaucoup moins heureux dans sa campagne contre la publicit6 cornrnerciale sur les maillots des joueurs. Les allusions aux (( hommes-sandwiches B (14) qu'il utilisait pour met- tre en garde les sportifs contre cette nouvelle atteinte A leur dignit6, n'ont pas atteint leur but. Peut-Ctre parce que llCpoque ou des hommes dkarnbulaient dans les rues de Paris sous des bouteilles de carton-piite ou des dkguisements burlesques Ctait dCjA lointaine. Peut4tre aussi parce que les courses cyclistes avaient depuis fort longtemps habitue les sportifs B voir les cou- reurs arborer maillots et casquettes surchargCs d'inscriptions publicitaires. Peut-Ctre enfin parce que la grande majorit6 des populations occidentales n'est plus choquCe par I'intrusion conti- nuelle de la publicit6 dans la vie quotidienne. Les joueurs profes- sionnels en tout cas n'ont jamais opposC la moindre rbsistance A leurs dirigeants de clubs qui trouvaient dans la publicit6 des res- sources financikres nouvelles, et 1'U.N.F.P. s'est mCme employCe B rdpartir parmi ses adhCrents les miettes de cette manne arra- chCes aux clubs.

Avec Zes joueurs

C'est aussi sa conception humaniste du sport qui a dCtermin6 l'opposition du Miroir aux dirigeants, ~Clectionneurs, entraineurs, journalistes trop prompts B accabler les joueurs en cas de dCfaite et B utiliser B leur Cgard des propos parfois injurieux. Et comme

(14) Titre de I'gditorial du nurnbro I11 (octobre 1968) : a Etre des hom- mes ou des hommes-sandwiches.

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de 1960 1976 les ddfaites de I'dquipe de France ont dt6 plus nom- breuses que les victoires, les rnises au point du Miroir qui souli- gnaient d'abord les responsabilitCs des sdlectio~eurs, se sont multiplides.

Le r61e de Verriest et Gudrin dam I'affaire Kopa a montrC le mdpris dans lequel ils tenaient les joueurs. En ddpit du soutien inconditionnel de la FCdCration et d'une grande partie de la Presse, l'un et I'autre ont MC contraints de ddmissionner en raison de leurs rCsultats catastrophiques et aussi du peu de syrnpathie que leur tdmoignait le public des stades.

Alors que Verriest et Gudrin s'en Ctaient pris Kopa, le joueur qui reprdsentait une aspiration ICgitime des footballeurs professionnels, Dugauguez, s'illustra en expliquant ses premiers dCboires par une charge en r&gle contre I'ensemble des joueurs fraxqais dont il mit en cause les moyens physiques, techniques et ... intellectuels. La Fdddration, qui avait apprdciC sa manifesta- tion d'alltgeance en mai 1968, tenta ddsespCrdment de le mainte- nir A son poste de sdlectionneur apr&s la ddconfiture de l'dquipe de France devant les modestes amateurs norvdgiens B Strasbourg. Loin de lui en savoir grd, Dugauguez abandonna sa fonction sans crier gare, quelques jours avant le match Angleterre-France de mars 1969.

De Boulogne d Kovacs

Boulogne, dont a I1intCrim n, officiellement expliqud par cette ddfection, devait durer prks de cinq ans, adopta une autre attitude. Laissant & ses amis journalistes le soin de traiter les joueurs franqais, lorsqu'ils Ctaient battus a d'enfants de chaeur perdus dam un jeu d'hommes B ou de . prttentieuses mauviettes m, il avait fait une dCcouverte qui h i permettait de degager sa responsabi- lit& personnelle quoiqu'il arrive. a L'indice de rayonnement n - quotient du nombre des footballeurs par la population d'un paw) - dtant, selon ses dires, ltun des plus faibles du monde, les dCfaites de l'dquipe de France Ctaient logiquement nombreuses. On avait beau h i objecter que I'indice de ravonnement du Brdsil et de I'Italie, encore plus faible, ne les emptchait pas de conqudrir des titres mondiaux et continentaux, Boulogne n'en continuait pas moins d'invoquer cette thCorie a scientifique B pour expliguer qu'une quinzaine de joueurs fran~ais B peine possddait la classe internationale. Rdpdtdes durant cina ans par les mCdias ces sot- tises finirent par renforcer dans 1'Clite du football frawais le complexe d'infdrioritd que Veniest, Gudrin et Dugauguez avaient

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cr&. Ceux des sportifs qui avaient v k u la grande dpoque du Stade de Reims et de la Coupe du Monde 1958 n'dtaient pas dupes. Mais I'appui inconditionnel de u L'Equipe r, B ces mystifications impres- sionnait la majorit6 de l'opinion publique.

L'inconsistance des conceptions de Boulogne et le pouvoir exorbitant qu'il avait r6ussi s'arroger en ddcernant les diplames d'entraineur, c'est-&dire les permis de travail, expliquent la viru- lence avec laquelle Ie Miroir a mend campagne contre celui qui devait &re la victime du u rtWsme r, qu'il pr6nait. L'bquipe de France Bliminde de toutes les compktitions internationales ... c'est le rdsultat que les dirigeants de la Fdd6ration ont h i par retenir avant de lui choisir un successeur.

Totalement ignorant des r6alitds du football francpis qu'il ne connaissait que par la lecture des journaux, Kovacs, engag6 h grand renfort de publicitd comme le sauveur, ne manifests pas plus de comprdhension pour les joueurs fran~ais que ses prdde cesseurs. Mais alors que Boulogne avait rdservd 21 sa a bande a de - quinze joueurs les honneurs et les servitudes de la sdlection, I'en- - traineur roumain se trouva contraint de prodder B un grand nombre d'essais qui ddmontrkrent que le football franqtis etait beaucoup plus riche en dldments de valeur qu'on voulait bien le dire. De la ddbarrasser les tricolores de leur complexe d'infbrio- ritd il y avait une marge que ne pouvait franchir le docteur-miracle qui avait conquis sa rdputation en... laissant Cruyf et ses codqui- piers d'Ajax jouer comrne ils le faisaient sous la direction de Michels, son prddkcesseur.

Pas d'hostilite' syste'matique

Le combat sans concession que le Miroir a men6 contre les responsables veritables de la pkriode la plus noire de l'kquipe de France, ne signifie pas qu'il etait inspir6 par une hostilitd systd- matique envers les techniciens et animateurs des dquipes reprb sentatives du football francpis. Aussi longtemps qu'Mbert Batteux est rest6 fidkle it des conceptions d'avant-garde, les colonnes du Miroir lui ont dtk largement ouvertes. Arribas et Snella, quand ils ont succCd6 h Gu6rin pour un court int6rim n'ont rqu que des encouragements. Quant B Justo Fontaine, il n'a pas eu d'avocat plus enthousiaste et plus fidkle. Les couvertures, les titres, les articles des numdros parus entre mars et aoiit 1967 en tdmoignent sans ambigui'td. Les premiers matches et les premi&res dbclara- tions de Michel Hidalgo ont &td analysks avec sympathie, parce

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qu'ds constituaient les promesses d'un retour au jeu offensif, alors que du temps oii il Ctait adjoint de Boulogne puis de Kovacs il affirmait partager leurs conceptions.

Pierre Pibarot pour I'ceuvre trks positive qu'il accomplit au Racing de Paris, JosC Arribas pour la part essentielle qu'il prit dans I'ascension du F.C. Nantes 1966 et 1967, ProufE pour sa contri- bution au jeu offensif de Rennes, Fontaine pour sa sensationnelle saison inaugurale au Paris S.G. furent citCs en exemple - padois m2me sans les rdserves qui s'imposaient - dans les pages du Miroir.

Ces hommes ont incard durant des pCriodes plus ou moins longues de l'histoire du football une idCe du football qui n'avait rien de commun avec celle des mystificateurs que nous avons combattus. Mbme si certains d'entre eux sont rentrCs ensuite dans le giron du conformisme ils ont voulu &re plus que de ~616s dCfen- seurs de l'establishment footballistique.

Verriest, GuCrin, Dugauguez et surtout Boulogne doivent B cette seule caractdristique d'2tre rest& si longtemps en place malgrk leurs ddsastreux palmarks. Verriest, le marchand de bes- tiaux et Dugauguez, le directeur des Draperies Sedanahes, ont ins- tinctivement vole au secours des pouvoirs dirigeants du football dks que leurs privikges ont paru menacds. Gudrin limogC de son poste de ~Clectionneur a immddiatement resu de la FCdCration pour son comportement dans I'aEaire Kopa, un poste honorifique aussi bien rCtribuC mais infiniment moins pCrillewr pour son amour-propre. Quant A Boulogne, il s'est rCvdlC comme le cerveau de la modernisation de I'idCologie et des structures de la direction du football en France.

Les ide'ologues des pouvoirs dirigeants

Conscient des exigences a rthlistes w du nouveau type de diri- geants qui avait succCdC awr fCodaux balayds par mai 68, Boulo- gne entreprit de substituer B I'idde de jeu a qui sert d'alibi ceux qui rdpugnent B I'effort W, les iddes de a travail ardu, de discipline, d'acceptation de la souffrance P considCr6es comme les conditions du u rendement m. Des idCes qui ddfinissaient la philosophie et la morale de I'industrie du football.

Dans une Ctude intitulCe a Qu'est-ce qui ne va pas dans le foot- ball fran~ais ? w faisant suite B un ddbat des a Dossiers de Z'&cran W, les numCros 186, 187, 188 du Miroir, publib en fCvrier et mars 1973, montrent les liens qui missent la conception du jeu et la concep-

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tion de la vie. et effectuent ce constat : a Refuser le jeu c'est ban- j nir l'intelligence, rejeter la joie, nier l'Art, mdpriser l'homme. D

Ces griefs sont assez consistants pour justifier le combat de Miroir contre l'idblogie des pouvoirs dirigeants du football et les institutions qui I'incarnent. Mais jusqu'ou pouvait &re mend ce combat? En lui donnant des prolongements pratiques tels que . I'occupation du sikge de la FCdCration en mai 1968, la crCation de llAssociation des Footballeurs en juin 1968, la participation au ; Mouvement Football-Progrds, les journalistes du Miroir ne dCpas- saient-ils pas les limites de leur fonction ? Ceux qui le leur ont reprochC ignorent ou afFectent d'ignorer que c'est en qualit6 de joueurs licenciCs de la F.F.F. qu'ils ont occupC a leur P sikge social pour appuyer des revendications qui concernaient les footballeurs amateurs et professionnels affilits B la mCme FCdCration. C'est - toujours en qualit6 de joueurs qu'ils ont fond6 1'Association Fran- ~a i se des Footballeurs (A.F.F.) dont le prdsident Ctait Just Fon- taine, et qu'ils ont participC B la fondation du M.F.P. (Mouvement Football Progr2s).

Aprks avoir d6montr6 dans les colonnes du Miroir que le foot- ball Ctait domind par le pouvoir de l'argent, et qu'une vdritable par- ticipation des joueurs B la direction de la FCdCration Ctait irrdali- sable en raison d'un systkme d'Clection antidkmocratique, fallait-il aller plus loin ? Examiner Ies moyens par lesquels on pouvait envi- sager de modifier I'environnement social du football 3 C'Ctait la tiiche d'un journal politique et non d'un journal de sport. Et si le Miroir avait rdvdlC et soulignd les rapports de la politique et du sport, stigmatisC les efforts des politiciens pour utiliser le sport B des fins de diversion, ce n'Ctait pas pour se placer it leur service. Pour nous le football Ctait une fin en soi et non un moyen.

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CHAPITRE IX

MERCZ PELE !

Le premier des sept suppldments de Miroir-Sprint qui ont prdpard la naissance du Miroir du Football mensuel, Ctait consa- crds ii Kopa. Fontaine Ctait le sujet de la sckne de jeu qui consti- tuait la couverture du numdro un. L'actualitt imposait ces choix, mais aussi la conception du jeu que nous nous proposions de ddfendre.

Avant la Coupe du Monde 1958, Raymond Kopa, tr&s critique! par une grande partie de la Presse fran~aise, influencCe par a 1'Equipe B, avait trouvd dam la rubrique football de Miroir Sprint un allid dont le soutien reposait sur la conviction qu'il Ctait la meilleure incarnation du jeu offensif constructif. Opinion qu'il devait confirmer de maniix-e Cclatante en remportant au cours de ce printemps 1958 sa seconde Coupe dPEurope avec le Real Madrid, puis la troisikme place de la Coupe du Monde avec l'dquipe de France.

Cette mCme Coupe du Monde rdvdla Justo Fontaine comme un marqueur de buts exceptionnel puisque le record de treize buts Ctabli en Sukde (sans un seul penalty) n'a jamais dtd dgald. Un marqueur de buts qui s'avdrait Ctre le complkment iddal de Kopa, non seulement par son sens des rhlisations mais par un gofit du risque qu'il devait affirmer plus tard hors du terrain de jeu.

Le choix de Kopa et de Fontaine comme sujets de couverture et thkme des numkros du Miroir ne fut donc pas inspird seulement par des nhssitCs de technique journalistique. I1 avait une valeur syrnbolique. On devait s'en apercevoir par la suite en constatant le nombre consid&able de couvertures et &articles qui furent consacr6s B ces joueurs, ainsi que les deux num6ros s e i a u x qui, par une curieuse co'incidence, avaient un &&me analogue : leur

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infortune (la retraite prdmaturte pour cause de blessure de Fon- taine, la vengeance des pouvoirs dirigeants contre Kopa).

Aux yeux du Miroir, l'un et l'autre devaient constituer de grands sujets dlintdrCt bien que leur carribre de joueurs fCtt ter- minde. L'abolition du syst&me des transferts et 1'Ctablissement du contrat h temps doivent beaucoup B leur action militante, et si Kopa a dtC durant quelques mois u rkupdrd a par les pouvoirs dirigeants du football lorsqu'il a acceptd de siCger au Conseil FCddral en 1969, Fontaine est rest6 un u marginal w de la profes- sion d'entraineur, mCme s'il a fait quelques concessions en matibre tactique lors de sa dernibre ann6e au Paris S.G.

La vie du Miroir a donc CtC trks like, surtout au cours des anndes 60 avec ce que Fontaine et Kopa ont reprdsentd en tant que joueurs, mais aussi avec ce qu'ils ont exprim6 d'iddes sur le i

jeu et la condition du joueur. I

Ce sont les mCmes raisons, avec un dosage dBCrent, qui ont b rapprochC un peu plus tard Norbert Eschmann et Robert Bdrard du Miroir, dont ils sont devenus deux des collaborateurs essen- I tiels, dans la logique de leur propre 6volution professionnelle. 4

Les artistes ne sont pas des the'oriciens

Les grands joueurs sont des artistes et les artistes sont rare- ment des thdoriciens. 11s nous intdressent donc beaucoup plus par ce qu'ils font sur le terrain, que par ce qu'ils disent hors du ter- rain. Mais pour apprkier ce qu'ils font, le journaliste n'a qu'un seul critkre : sa propre conception du jeu.

C'est B partir de ce critkre que le Miroir a choisi au fil des anndes les Cquipes et les joueurs qui, h ses yeux, honoraient le mieux leur sport.

En France aprbs avoir u soutenu D Reims, il a soulignd les qualitds de Monaco puis de Nantes qui reprdsentaient une concep tion u progressiste w du jeu. Quand le football frangais a capituld devant le a rklisme B, il s'est efforcd de trouver dans le jeu de Saint-Etienne, Marseille, Nantes, Angers, Rennes, Paris S.G. des promesses de redressement. I1 les a souvent trouvdes dans la valeur individuelle de footballeurs, dont les possibilitds se seraient dpa- nouies complktement dans un contexte plus favorable. Citons sans ordre Douis, ThCo, Bonnel, Masnaghetti, Jacque, Simon, Suaudeau, Robin, Rambert, Budzinski, Dogliani, Lerond, Pottier, Herbin, Tr6 sor, Chiesa, Lacombe, Guillou, Papi, Keruzord, Bossis, Dahleb, Onnis, M' Pe16, PIatini, parmi ceux qui ont illustrt? les compdti- tions franMses.

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En Europe apr&s le Real Madrid, B e d m et Barcelone, des formations remarquables B des titres divers, le Miroir a particulib rement soulignd les mdrites d'hderlecht, champion h e revolu- tion tactique qui donna d'immenses espoirs, et du Celtic dont le Brdsil s'inspira en 1970 pour forcer le a catenaccio rp au stade Azthque. Sur le plan individuel, Di Stefano, Puskas, Kubala, Kocsis, Del Sol, Coluna, Eusebio, Mazzola, Corso, Suarez, Rivera, Pirri, Murdoch, Johnstone, Auld, Gernrnel, B. Charlton, Moore, Cooper, Banks, Domazos, Masopust, Van Himst, Jurim, Verbiest, Albert, Yachine, Sormani, CruyfF, Keizer, Krol, Breitner, Beckenbauer, G. Muller, Causio, furent le plus souvent citCs en exemple dans nos pages.

Sur le plan mondial le Brdsil, Santos et Pel6 ont apportd, aux yeux du Miroir, l'irnage la plus parfaite du football. L'dquipe du Brdsil dans les Coupes du Monde 1958 et 1970, le Santos F.C. dans les ann&s 60-65, Peld de 1958 B 1977.

Grandeur et dkclin du football brbilien

L'admiration que nous avions pour le football brdsilien ne nous a jamais port6 B le parer de qualitds supranaturelles ou a estomper ses faiblesses. Le Miroir s'est toujours refusd B attribuer B des aptitudes physiques exceptionnelles (comme I'ont fait les a realistes europCens D), la raison des triomphes brdsiliens dam les grandes compdtitions internationales. Mais il lui est arrivd de prdvoir les consdquences des erreurs imputables B des entraineurs et des dirigeants paradoxalement obnubilds par les mauvais exem- ples europCens. Ainsi aprks la Coupe du Monde 1962 et avant la ddsastreuse tournde europdenne de l'dquipe du Brdsil I'annde sui- vante. Puis avant la Coupe du Monde 1974 oh il dtait evident que, sans le contre-poids de PelC, Gerson et Carlos Alberto, Zagalo allait renier tout ce qui avait fait la grandeur du football brdsilien.

Durant les seize ans de vie du Miroir, le Brdsil a prdsentd dans les compdtitions le plus grand nombre de joueurs de grande classe. Citons sans ordre de prdfdrence : Garrincha, Nilton Santos, Pagao, Zito, Lima, Pel& Di&, Coutinho, Gerson, Tostao, Ademir Da Guh, Paulo Cesar, Marinho, Rivdino, Jairzinho, Mlarco Antonio, Dirceu Lopez, Nelinho, etc.. . Alors que llArgentine ne parvenait pas durant cette longue pdriode B dpanouir les nombreux talents issus de son incomparable rdservoir de joueurs, et se contentait d'dldments magnifiquement douds mais ddcevants tels Onega, Mas, Perfumo, Marzolini.

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Si pendant ces ann&s l'Uruguay ne parvint pas B rMler des attaquants de valeur authentique ii I'exception de Rocha, le PCrou, : rCvClation de la Coupe du Monde 1970, confirma, et au-delii, tout

t le bien qu'avait Ccrit Miroir, quelques semaines avant le dCbut de la compdtition, de cette Cquipe offensive, et de ces merveilleux . footballeurs qu'Ctaient Cubillas, Sotil, Challe, Chumpitaz. Aupara- vant le Chili en 1962 avait montrC les possibilitCs de I'un des foot- balls les plus modestes du continent et Ze Miroir avait contribud par ses reportages sur le Mundial B faire connaitre en Europe les mCrites de Fernando Riera et de ses Ckves Eyzaguirre, Landa, Rojas.

Mais le prestige de ces joueurs qui ont marqud u L'Edition Amtrique Latine n et les reportages de nos envoy& spCciaux sur ce continent, s o d r e de la comparaison avec 1'Ccrasante person- nalitC de PelC. Et pour cause : il n'a pas seulement conquis tous les titres qu'un footballeur pouvait remporter, battu tous les records qu'on pouvait Ctablir sur ou autour d'un stade de football, mais en outre, sa carrikre internationale a eu une dur& exceg tionnelle, puisque, ap rb avoir port6 pour la premikre fois le mail- lot du BrCsil en 1957, il a fait ses adieux au football professionnel en 1977 B New York.

Joueur ? Oui. Entraineur ? Non.

Pel6 n'a jamais pris position publiquement sur la condition du joueur professionnel comme Kopa, ou sur la tactique du jeu comme Fontaine. Pour manifester sa volontC de rester footballeur et seulement footballeur vis-B-vis des entraineurs aussi bien h Santos son club, que dans la sklection nationale, il s'est refusC de ' E

donner son opinion aux journalistes sur les qualitCs de Coutinho son coCquipier et plus tard de Tostao. Or il Ctait mieux placC que .; quiconque pour savoir que non seulement ces joueurs Ctaient, de loin, les plus qualifiCs pour occuper le poste de centre-avant B ses cBtCs. I1 aurait pu hiiter leur promotion, et en mCme temps am6 liorer encore son rendement personnel, car I'expCrience le dbmon- tra, I'entente PelC-Tostao fut aussi parfaite que I'accord PelC-Cou- tinho, dont les vieux habituCs du Parc des Princes Cvoquent encore avec nostalgie les u tabelhas n (me-deux) diaboliques. Mais il crai- gnait en sortant si peu que ce soit, de sa fonction de joueur, qu'on lui reproche un jour d'avoir abusC d'un pouvoir que sa fantastique popularitC aurait rendu redoutable pour l'entraineur ou le ~Clectionneur.

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Pel6 a cependant avou6 dam son livre a Ma vie et le beau jeu IB

qu'il Ctait internenu dans une grande occasion, la Coupe du Monde 1970, avec Gerson et Carlos Alberto pour modifier la tactique de Zagalo qui optait pour la contre-attaque avec renforcement dkfen- sif. Revdlation que le Miroir avait publiCe dans son numdro spCcial sur le Mundial du Mexique, sept ans avant I'aveu de I1un des int& ressCs. Zagalo avait cCdC parce que pas un directeur technique n'aurait pu resister B une telle coalition. Mais il n'avait rien compris aux raisons de la magistrale victoire du Brdsil, puisque quatre ans plus tard, il profitait de la retraite internationale de PelC, Gerson et Carlos Alberto pour appliquer la tactique de ses reves et ... dCce- voir profondCment tous les admirateurs du football brdsilien.

Pel6 vecut comme spectateur cette pCnible dtkonfiture, et for- mula quelques jugements ~~~~~es mais tardifs. On krivit au BrCsil qu'il aurait mieux fait de jouer sa cinquieme Coupe du Monde, comme toute la population, y compris le chef de lPEtat, I'y conviait. Peut-etre I'aurait-il effectivement jouCe si I'on n'avait pas tent6 de l'y contraindre (des pressions venues de trks haut) et si les BrCsi- liens, A commencer par M. Havelange, I'actuel prdsident de la F.I.F.A. slCtaient donnd la peine d'analyser les raisons de la conquete de trois Coupes du Monde par le BrCsil. En repoussant promesses et menaces, Pelt! manifesta un degrC exceptionnel d'in- telligence, de volont6 et de courage, dam le contexte difficile d'un pays sournis A la dictature militaire.

La a collaboration n de Pel6

Mais ce n'est 6vidernment pas ce seul aspect de sa persomalit6 qui m'a incite B consacrer deux douzaines de couvertures et un nombre considerable de pages du Miroir B Pelb. La raison qui explique une telle profusion de texte et de photos est Cvidemment son action sur le terrain, son incomparable efficacitd personnelle, sa prodigieuse maitrise technique, son dnorme potentiel athldti- que, et au-dessus de tout son gCnie du jeu collectif.

C'est parce qu'il a CtC le plus grand artiste du football de tous les temps, et donc le meilleur exemple concevable pour des dizaines de millions de joueurs, que le Miroir lui a rkservb dans ses pages une place que jamais un seul lecteur n'a contestde. I1 Ctait normal que dam notre combat contre la degradation du football interna- tional sous la pression du a rhlisme n, nous ayons fait aussi lar- gement 6tat de ce que Pel6 incarnait avant tout : le jeu offensif.

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En septembre 1973, lors de la publication du numkro 200 plad ,

sous le signe du jeu offensif - comme l'indique la reproduction figurant en couverture de ce livre - dam l'dditorial du Miroir inti- tuld a Peld et nous R, j'tkrivais : a Si le Miroir du Football a choisi ce numdro 200 pour rendre au plus grand footballeur de tous les temps un hommage que l'actualitd ne semble pas justifier, c'est parce que personne n'a mieux soutenu que lui le combat que mbne notre revue depuis son premier numdro : le combat pour la sauve- garde de l'esprit authentique du football. Certes, cet esprit est tou- jours demeurd vivant dans la pratique de millions de footballeurs de tous fes pays et dans la mdtmoire de millions d'amoureux sin- ctres du football. Et I'inconsistance des arguments ddtveloppds pour justifier philosophiquement, moralement et tactiquement une ddgradation hypocritement attribute h u I'kvolution irrkversible du football R a sewi notre cause. Mais aurions-nous rbistd avec la seule force de la raison au ddferfemmt de contre-vdritds ddtverstes duns les cerveaux par une presse toute-puissante, rompue h la pra- tique de tous les sophismes et de toutes les mystifications, et ddter- minte h dLfendre par tous les moyens les inttrgts financiers atta- ch& h la dkgradation de I'esprit du jeu ? Aurions-nous rdsistk si le formidable rayonnement de Pelt n'avait pas constitub fa vivante rdfutation du mensonge a rkaliste ? R

Le champion du si2cle

Huit ans aprks la publication de cet article, chacun peut consta- ter que ce a formidable rayonnement B est demeurd presque intact, alors que Pel6 a jouC son dernier match international dans l'tquipe du Brdsil en 1971, et qu'il a jouC sa derni&re partie comme joueur professionnel le 1"' octobre 1977 au Giant's Stadium de New Jersey.

En janvier 1980 un sondage I.F.O.P. command6 par le maga- zine a Onze R sur le thkme a Quel est le meilleur footballeur de tous les temps ? R donnait 2I Peld 73 % des suffrages, contre 7 % 21 Beckenbauer, 5 % 2I CmyfF, 4 % B Di Stefano, 2 % 2i G. Muller !

A la question u Quel est le meilleur footbdeur fraqais de tous les temps ? R , le m2me sondage enregistrait le verdict suivant : Kopa 50 %, Platini 17 %, Fontaine 13 %, Rocheteau 3 %.

Si l'on ajoute qu%l rdcent vote organist5 2I l'initiative de 1'Equipe Magazine et auquel ont participd 20 quotidiens du monde, : a proclamt Pel6 a champion du sikcle R, on peut croire que le - Miroir n'a pas tromp6 ses lecteurs en leur proposant Pel&, Kopa et Fontaine comme des modkles, au lieu et place de vedettes-bidon dont la a cdldbritd R n'a durd que l'espace d'un printemps.

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CHAPITRE X

EMPORTE PAR LA MAREE VERTE ...

A la fin de l'annde 1974, la sdrie exceptionnellement longue des dtboires de 1'Cquipe de France a eu pour effet de vider les stades dans lesquels se ddroulent les matches internationaux. Mais elle n'a pas incite la majorit6 du public ii mettre en cause les iddes, les institutions et les hommes qui portent la responsabilitd de ses dkceptions.

Peu de gens sont dupes des incessantes pirouettes de Jacques Ferran, le hdraut de l'establishment du football en France. Les alibis inconstants de Boulogne ne retiennent plus l'attention. La venue de Kovacs, accueilli comme le sauveur par la plus grande partie de la Presse, ne soulbve pas I'enthousiasme. Et pourtant les campagnes du Miroir n'ont touche que la minorit6 des sportifs qui s'efforce d'analyser et de comprendre les dvdnements.

I1 reste qu'avec ses 50 000 lecteurs r&uliers, le Miroir constitue dans la Presse du football la seule voix de la contestation, ce qui lui vaut un incontestable prestige international.

C'est alors que va surgir la marde verte ... Lorsque commence la saison 1974-75, 1'A.S. Saint-Etienne pos-

sbde un formidable palmar& national. Elle a gagnd, en moins de 20 ans, huit fois le championnat de Division I dont quatre fois cons&utivement (1967, 68, 69, 70). Elle a remportC cinq fois la Coupe, et rkalisd quatre doublds championnat-coupe, performance unique dans les annales du football fransais.

Avec ses six victoires en championnat, ses deux victoires en Coupe et son unique doublC, le bilan du r grand Reims n est loin d'Ctre aussi brillant. D'oh vient qu'en cette #riode a rmiste m oh seul compte le rdsultat, le prestige des Stdphanois ne supporte pas encore la comparaison avec celui des Rdmois ?

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90 LE TEMPS DU MIROIR

LIA.S. Saint-Etienne n'a pas une mauvaise image de marque dans le domaine de la qualitd du jeu. Sous les directions succes- sives de Snella, Batten et Herbin, elle a pratiqud un jeu construit. Des individualitds remarquables ont illustrd l'histoire du club : Mekhloufi (quatre titres de champion, une coupe), Herbin (cinq titres, d e n coupes, deux doublds), Keita (trois titres, deux dou- blds), Larqud (cinq titres, trois doubles) et encore Hervd Revelli, Bernard, Bosquier, Carnus, Foix, Rijvers, etc. .. Saint-Etienne a r&lisd des exploits spectaculaires : 5-0 en Finale de la Coupe 70 contre Nantes, l'dimination du Bayern au premier tour de la Coupe dlEurope des champions en 1969.

Les Stkphanois et la sdection

Que manque t-il donc aux Verts pour bdnkficier en France de la m&me cote d'amour que les Rdmois ? Des rdsultats internatio- naux probants ? Sans aucun doute. Mais aussi la volontd de s'iden- tifier au football franqais tout entier qui a fait sortir le Stade de Reims de son cadre rdgional et en a fait l'dquipe du pays. Certes d e n circonstances ont facilitd cette mdtamorphose rdmoise : d'abord le fait que faute d'un public suffisant il a dii jouer ses grands matches de coupe $Europe (et notamment la premibrc finale) B Paris, ensuite le fait qu'il a fourni B la sklection natio- nale pour la plus brillante de ses performances plus de la moitiC de ses joueurs, son entraineur et... son style de jeu.

Le Miroir qui fait de sdrieuses rdserves sur le jeu des Stdpha- nois, parce qu'il a constatd d'dvidentes concessions au a contre w

souligne ndanmoins l'anomalie que constitue le faible apport B la stlection nationale du club qui domine de t r b haut les compttitions franqaises. Estce Boulogne puis Kovacs qui ont refusd de donner aux tricolores une ossature st6phanoise afin de garder le bdndfice intdgral des dventuels sucds ? Pendant longtemps le Miroir l'a cru. Mais il est possible que M. Rocher, I'autoritaire Prdsident de IIA.S.S .E. se soit opposd B I'incorporation massive de ses joueurs dans l'dquipe de France, craignant que le rendement de son club en soit affect&. Cet CgoYsme a sans doute retard6 le moment oh I'ensemble du football franqais s'est dCbarrassd de son complexe d'infdrioritd. Mais il a permis aux joueurs stdphanois de concen- trer leurs efforts vers I'objectif constitud par la Coupe dlEurope des Clubs Champions et d'en tirer un bdndfice qui devait ddpas- ser toutes les pdvisions.

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La so* du 6 novembre 1974 est capitale dans la carribre des Verts. Alors que la dCfaite subie au match aller des huitibmes de Finale (1-4) A Split ne laisse thhriquement aux St6phanois aucune chance de se qualifier, ils renversent la situation au match retour A Geoffrey-Guichard et Climinent le champion yougoslave Hajduk, en lui infligeant le score de 5-1 1

Je le jure ... LICvCnement fait sensation. Jacques Ferran qui, dam L'Equipe

et France-Football, n'avait pas attendu le match retour pour traiter les joueurs stCphanois de a petits garcons B, au a jeu court et mi2vre B, a insuffisamment arm& physiquement n, se voit contraint de a jurer de ne plus commettre le crime de douter du football francais ., aprb ces a deux heures d'une fantastique et inoubliable tpope'e B.

Le Miroir est beaucoup plus rbervC. La couverture du numCro 229 et le plus grand nombre de ses pages sont consacrCs au match France-R.D.A. comptant pour les Climinatoires de la Coupe d'Eu- rope des Nations, ainsi que llCditorial. Quant au comrnentaire de Francis Le Goulven, l'envoyd spCcial A Saint-Etienne public! sous un titre ironique a Comment les petits garFons sont devenus les u fantastiques B Sttphanois w , il fait Ctat du u poids du public . du stade Geoffroy-Guichard, et de a moments pCnibles qui n1Ctaient pas A l'honneur du football B. La rubrique u La reprise de volCe . insiste sur le comportement des StCphanois qu'un de leurs admi- rateurs illustre par une curieuse image a une tquipe fran~aise . . s'est engagke le couteau entre les dents n.

En quarts de Finale, Saint-Etienne rCCdite son exploit aux dCpens des Polonais de Chonow, vainqueurs au match aller (3-2) et battus au Stade Geoffroy-Guichard sur le score de 2-0. Francis Le Goulven tCmoin du match retour, met catkgoriquement en cause la rCgularitC des deux buts stdphanois, qu'il attribue h la pression de la foule sur l'arbitre, lequel a accord4 B 1'Cquipe locale un coup franc et un penalty douteux et decisifs. I1 dCnonce le u condition- nement du public . avant le coup d'envoi par cette incroyable annonce : u Cher public, dans ce stade que vous aimez tant, Saint- Etienne c'est la France ! Saint-Etienne c'est vous ! ..

a L'enfer n de Geoffroy - Guichard, comme le nomme M. Rocher, ne parviendra pas A intimider les joueurs du Bayern qui font match nu1 (0-0) avant de vaincre les a Verts n A Munich (2-0). Saint-Etienne n'ira pas en finale, mais sa tenue face A Bec-

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kenbauer et ses cdquipiers, et surtout la d6sastreuse finale vol& n aux joueurs de Leeds sur la pelouse du Parc des Princes,

renforcent l'impression que les Stdphanois n'auraient pas 6t6 ddplacds dans le dernier stade de la compdtition. Impression que le Miroir partage, sans lui accorder une importance particuli&re, les mauvaises performances de l'huipe de France et la situation gdndrale du football demeurant des sujets aussi dignes dlintCr& a ses yen.

La saison 75-76 va Ctre pour les Verts la saison du triomphe. Un mot dont il faut tout de meme prdciser le sens, puisque les Stdphanois, battus rkgulibrement en Finale de la Coupe dlEurope par le Bayern, descendent les Champs-Elysdes sous les applaudis- sements de milliers de Parisiens, cornme s'ils avaient Btd les vainqueurs de l'dpreuve. Mais n'anticipons pas ...

L'enfer de Geoffroy-Guichard

Saint-Etienne a abordd la compdtition avec beaucoup d'autc ritd en dlirninant successivement K.B. Copenhague puis Glasgow Rangers aprbs avoir confirm6 sa supkrioritd en gagnant sur le ter- rain de l'adversaire. En revanche il succombe B Kiev (0-2)' ce qui le place dms une situation aussi ddlicate que I ' m & pr&& dente en face de Hajduk Split. Mais on sait maintenant que dans u l'enfer n de Geoffroy-Guichard tout est possible ...

Dans son numdro 258 paru un mois avant le match retour, l'kditorial du Miroir commente la ruck des spectaJeurs sur les bureaux de location sous le titre u La fitvre de la Coupe d'Europe et le football n : u On se re'jouit ici de voir une formation de l'hexagone prouver par sa seconde participation aux quarts de , finale de la grande compe'tition continentale que les footballeurs fran~ais ne sont pas u les juniors perdus dans un jeu d'hommes n que de'crivaient, il n'y a pas si longtemps MM. Ferran et Boulogne. Et confirmer ce que le Miroir du Football a mille fois r tp t t t depuis seize ans. D

Mais qu'est-ce qui justifie ce record de recette dkjB battu un ,

mois avant le match Saint-Etienne-Kiev ? u L'amour du football ? n Ou bien u l'attrait un peu trouble du combat sans merci oh l'arbi- tre terrorise' par des supporters de'chaine's (Salaud, le peuple aura ta peau) interprtte les lois du jeu suivant les imptratifs de sa sdcuritt personnelle ? n Ou bien encore cr La volontt de participer au renversement de la situation ttablie au match aller 3 D'appor- ter sa contribution patriotique a la victoire de I'tquipe locale ?

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Probablement si Z'on se fie aux pre'cddents des matches contre Split et Chorzow duns lesquels le public du stade Geoffrey-Guichard a tenu un rdle considdrable. s

Et 1'Cditorial se termine par un rdquisitoire contre le a chau- vinisme chauffd B blanc par la formule des matches aller-retour avec Climination des Coupes #Europe B. a Vaincre ou mourir !... il n'en faut pas plus pour mttamorphoser en combattants dtter- mints B terroriser l'ennemi htrtditaire (l'arbitre et I'tquipe visi- teuse) des gens habituellement paisibles et dont l'idtal est de vivre au sein d'une majorite' silencieuse et rtsignte. B

Voilh qui est clair. Pour confirmer la position du Miroir, I'kditorial du No 259 paru juste avant le match poursuit l'offen- sive contre la conception du football dCfinie par la formule de plus en plus utilisCe : a Le football c'est la guerre ! s.

Saint-Etieme rCCdite I'exploit accompli aux dkpens d'Hajduk Split et de Chorzow. Dynamo Kiev est battu 0-3 dam la prolon- gation d'un combat riche en rebondissements. #Le Miroir consacre sa couverture B I'CvCnement, mais le commentaire de son envoy6 spdcial n'est pas dithyrambique. I1 souligne I'importance de l'in- dividualisme de Blokhine dans la ddfaite de son Cquipe, et le r61e important d'un u public suwoltt, conditionnt par une campagne de presse sans prtctdent cf Z'tchelon national qui pbse sur ce genre de combat D. I1 ajoute : a Les entraineurs des tquipes adverses sont ses meilleurs allits qui s'obstinent B faire appliquer de sordides tactiques ddfensives. Dynamo Kiev, aprbs Ze Bayern, Split, Chor- zow, en a fait l'exptrience. D Voilh des cmsid6rations qui ne don- nent pas B la victoire stkphanoise les dimensions de I'kpopde.

Quant a 1'Cditorial de ce numdro 260, s'il n'est pas consacrk A ce match - j'assistais it Madrid h la rencontre Real-Moenchen- glad -, il n'en est pas moins consacrC au chauvinisme en raison des incidents du match de champiomat Nice - Saint-Etienne. Sous le titre a La loi de la jungle D, je transcris les conclusions coura- geuses qu'a tirC de ce spectacle Jean-Philippe Rethacker, notre confrkre de 1'Equipe : u Le sport professionnel - le football en particulier - a emprunte' une route dangereuse depuis que d'e'nor- mes inttr&ts tconomiques, et parfois politiques, sont engagb. Les compttitions europtennes, avec leur gigantesque apport mate'rid, ont aggravt encore la situation. Et nous autres journdistes contri- buons involontairement ou inconsciemment B cette aggravation du ma1 en magnifiant Z'tvtnement et en oubliant de le replacer dans la relativitt d'un contexte. D

Ces propos d'un journaliste qui a donnd des preuves de son attachement B une conception homete du football et du journa-

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lisme permettent d'espdrer que les gens du football vent prendre conscience du danger qu'il d6finit et contre lequel le Miroir du Football n'a cessd de lutter depuis sa crdation.

Cet Cditorial du nurndro 260, en date du 24 mars 1976, est le dernier que j'ai Ccrit. Dans le meme numCro a CtC encart&, B mon insu, un a questionnaire a m lecteurs qui met implicitement en cause l'orientation que j'ai donnte au journal depuis son premier numCro et que le nouveau P.-D.G. du Miroir entend modifier depuis plusieurs mois.

Ce n'est pas un hasard si cette initiative coiincide avec le moment oh la vague de chauvinisme ddclanchk par la victoire des Verts atteint son sommet. L'accession des Verts i la Finale, B la faveur de son succks sur le P.S.V. Eindhoven, dtklanche dam toutes les couches de la sociCt6 francpise un mouvement d'eupho- rie qui pousse des milliers de gens hier encore indiff6rent.s face au phdnombne sportif, h se jeter sur tout ce qui chante la lounge des Rocheteau, Piazza, Curkovic, Revelli et compagnie. Posters, jour- naux illustrks, biographies a l'eau de rose s'arrachent dam les kiosques. La direction du Miroir du Football entend participer au festin ... -

Mais pour que cet espoir se rdalise, il faut transformer le Miroir comme le prevoyait son nouveau P.-D.G. : cesser de faire des rdserves sur le style de jeu des Verts, sur la r6gularitC de cer- taines ddcisions d'arbitrage, sur le chauvinisme du public de Geof- froy-Guichard. Ecrire que les Stdphanois utilisent les moyens habi- tuels du a rdalisme B pour tenir un r6le de premier plan dans un contexte dont la mCdiocri td est la caractdristique dominante ne peut qu'irriter les nCophytes qui d e n mois auparavant ignoraient tout du football. Ce qu'ils veulent, c'est de l'enthousiasme ; c'est le style a Salut les copains I B, cornrne l'ont compris des commer- cants avisds dont les tirages font rsver ceux qui se prennent pour des patrons de presse.

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TROISIEME PARTIE

VIE ET MORT DUN JOURNAL

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GHAPITRE XI

L'IMAGE AU SERVICE DE L'IDEE

Il y avait en 1960 des hebdomadaires consacrt5s au football, comme France-Football ou le Kicker en AUemagne. Mais leur impression en typographie sur du papier a journal s ne permettait qu'une utilisation rdduite de la photo dont la qualitd Btait mBdio- cre. La frdquence de leur parution les contraignait B donner une large place B l'information brute aux ddpens du commentaire rdfltkhi ou de I'article de fond pour lequel manquait souvent l'indispensable recul.

~hronolo~i~uement, le Miroir a dtd le premier magazine sp8 cialisC en football qui ait paru dans le monde. L'utilisation de I'hdliogravure et d'un papier de qualitd supdrieure B celui des heb- domadaires en typographie a mis en valeur le caracthre attractif de la photo mais aussi son aspect significatif. La parution men- suelle - bimensuelle B partir de 1971 - laissait le temps et le recul ndcessaires pour traiter des sujets ddbordant les limites de I'actualitd immediate.

En 1960 la technique encore peu dddoppde de la photo cou- leur et I'dclairage insuffisant des stades limitaient l'utilisation de I'ektachrome au portrait ou au gros plan reproduit sur le papier glad de la couverture. Si l'on exigeait une action de jeu - B deux joueurs - il fallait proceder B la mise en couleur d'une bonne photo noir et blanc. Dans ces conditions I'illustration des pages intdrieures par des photos couleur posait trop de problhmes pour &re imrnddiatement envisagde.

Pour ma part, je ne considdrai pas cette derni&re question comme essentielle. GAce au tCl6objectif il dtait possible de capter des tribunes des phases de matches qui se dQoulaient sur des sur- faces importantes, et pour des journalistes ddsireux de traiter du

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98 LE TEMPS DU MIROIR d

jeu collectif et des problkmes tactiques, ces photos, prises en noir et blanc pour des raisons d'dclairage, avaient beaucoup plus de valeur qu'un impeccable portrait en couleur, parce qu'elles 6taient significatives.

L'utilisation de ce type de photo allait devenir une caractCris- tique du Miroir. En dehors de l'hebdomadaire ornnisports argentin El Grafico, il Ctait le seul A l1apprCcier, et ce n'Ctait pas par hasard. I1 ne s'agissait pas d'un choix esthktique et subjectif, mais de la consequence logique d'une conception du football considCrC comme un jeu collectif. Si dans les magazines actuels de football, ce type : de photo est totalement CcartC au profit des gros plans, c'est parce que I'analyse du jeu n'a aucune place dans des articles consacrCs exclusivement au comportement des individualitks.

L'importance donnCe une illustration significative rdvkle la volontC de donner la priorit6 au texte, c'est-&-dire au moyen d'expression le plus prCcis des idCes. La longueur de certains arti- cles de fond, surtout dans les premiers numCros du Miroir, Ctait excessive et j'en Ctais conscient. Mais pour que la dart6 de l'expo- sition des idCes ne risque pas de s o d r i r des coupes effectuCes au marbre, dans la hate, je demandais au maquettiste de calibrer les textes de manikre assez large pour Cviter qu'on ne soit contraint de les amputer. I1 nous arrivait mCme de rogner sur les photos ou d'en supprimer afin de u faire rentrer D le texte. L'esthCtique et llCquilibre de la mise en page s'en ressentait parfois, mais il me semblait prCfCrable de sacrifier la forme au fond.

C'est la raison pour laquelle j'ai manifest6 quelques rdticen- ces en 1971 devant l'extension de la photo couleur B six pages intCrieures, proposCe par la direction du journal. La rkalisation des photos couleur exigeant encore des conditions dlCclairage sup& rieures B la prise de w e en noir et blanc, il restait impossible d'obtenir des photos significatives en couleur, notamment dans les matches en nocturne, les plus nombreux au niveau national et international. Mais fallait-il nCgliger les goiits des jeunes lecteurs plus sensibles aux formes, aux gestes, aux expressions, lorsqu'elles ont les couleurs de la vie ? Indisposer des lecteurs qui, en acqud- rant de la mAturitC sYintCresseraient B d'autres aspects du football ?

Ces six pages couleur ne furent pas une concession B la mode ou au racolage commercial, h moins que l'on ne considhe comme une concession du meme genre la photo couleur de la couverture

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IJ3 TEMPS DU MIROIR 99

et de la recherche dans le dessin du titre. Le choix du ou des per- sonnages figurant sur ces photos et la teneur des ltgendes dkpen- daient de la conception du football qui Ctait celle du Miroir.

Un plan immuable

La surface du journal a van4 au cours de son histoire. De 36 pages en 1960, elle est passCe B 44 pages en dCcembre 1975, puis it 48 en 1970. Devenu bimensuel en septembre 1971, il s'est fix6 B 40 pages. Les numCros spiciaux, consacrCs it des sujets particuliers comme la Coupe du Monde, avaient un volume variable, de 32 B 62, I'un atteignant 100 ( a Les Cquipes mondiales D).

En revanche le plan du numCro - mensuel ou bimensuel - est rest6 h peu p r b immuable dans ses lignes gCnCrales.

En ouverture, page 3, 1'Cditorial expose, rappelle, ou dCve loppe un CvCnement important du mois ou de la quinzaine, les principes de base de notre conception du football. La photo figu- rant au verso de la couverture tient parfois lieu d'illustration de ce texte.

La page 4 est rCservCe au courrier des lecteurs, sous le titre de a Votre Miroir D. Sont publids seulement les passages les plus significatifs de lettres traitant de sujets d'un intCr& gCnkral. 11s sont parfois suivis de rCponses de la rddaction.

En page 4 c'est le commencement de la premikre partie consa- crke au football fransais, depuis le sommet (matches internatio- naux de la sklection ou des clubs) jusqu'aux clubs amateurs en passant par la Division I, la Division I1 et la Division 111. Les pages centrales sont rCservCes aux articles d'idkes, aux ttudes techniques et tactiques, it la a Reprise de volCe D, qui est une page dlCchos traitant sous la forme satirique ou hwnoristique dlCvCnements insuffisamment importants pour justifier un vCritable article, ou de certains aspects particuliers dlCvCnements importants. Articles d'idCes, Ctudes techniques, Cchos ont une portCe gCnCrale, et prd- parent la transition vers la seconde partie du nwnCro consacrde au football international.

Quatre rubriques figurent dans tous les numCros : la rubrique belge (plusieurs pages B 1'Cpoque oh Anderlecht Ctait la figure de proue du football offensif), la page Suisse, la double page a Edi- tion AmCrique Latine B constituCe par les articles des correspon- dants brCsilien, argentin, chilien, uruguayen et pdruvien, la double page a Afrique-Football D rCdigCe par les correspondants du Magh- reb et de SAfrique Noire, supervisCs par Mahjoub Faouzi.

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100 LE TEMPS DU MIROIR

Dans cette seconde partie prennent place des commentaires de matches importants de Coupe dlEurope, de rencontres interna- tionales de clubs ou de sClections (qui ne sont ni l'bquipe de France, ni des clubs frangais), des reportages sur des Cquipes et des joueurs appartenant it des pays que ne concernent pas les quatre rub& ques rdgulibres plus haut citCes. Tous ces articles sont rCdigCs par les envoyCs spdciaux du Miroir et illustrks souvent par les photo- graphes polyvalents des Miroir, Louis Lucchesi, les frkres Besson, Roger Mon.net, Jean JaffrC. Le premier d'entre eux possddait la culture gCnCrale, la technique et l'esprit d'initiative d'un grand reporter.

Les trois dernihres pages du journal sont consacrtks aux r6sul- tats et classements du mois ou de la quinzaine passde, ainsi qu'au calendrier du mois ou de la quinzaine h venir. Elles concernent les compCtitions internationales, nationales et rkgionales.

La dernikre page est toujours rCservCe h la publicit6 que l'on trouve aussi rCpartie dans les pages intdrieures.

Tel fut l'ordonnancement du Miroir aprbs les tltonnements de ses premiers numCros. L'importance de certains Cvdnements comrne les Coupes du Monde exigea bien stir des variantes ou des transformations compktes. Mais elles nlCtaient que circonstan- cielles - cornme la parution hebdomadaire lors de la Coupe du Monde 1974 - et le journal retrouvait le plan plus haut dkrit, parce qu'il constituait la forme la mieux adapt6e h son contenu idhlogique.

Les maquettistes chargCs de SexCcution de ce plan - succes- sivement Politzer, Lelong, Bougault, Le Guen - manifestbrent toujours l'esprit de comprdhension, le sms artistique et l1habilet6 technique que I'on pouvait attendre de professionnels expkri- mentCs.

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CHAPITRE XI1

FOOTBMLEURS-JOURNALZSTES OU JOURNALISTES-FOOTBALLEURS ?

Un exarnen de la collection du Miroir du Football de 1960 B 1976 rdvkle qu'une centaine de personnes ont collabord A sa rddac- tion de manikre plus ou moins rdgulikre. Le chiffre peut paraftre important s'agissant d'un mensuel qui ne devint bimensuel qu'en 1971 et dam lequel I'illustration tenait une large place. Mais cer- taines prkisions I'expliquent .

Une revue qui a l'ambition de traiter serieusement du football national et international se doit d'avoir des correspondants en

, France et dans le monde, auxquels il ne fait pas forcdment appel chaque mois, mais sur lesquels il peut compter en cas de besoin.

Autre prdcision : B l'exception du noyau rddactionnel composd dans sa dernikre version de quatre journalistes professionnels employ& B plein temps et de trois pigistes mensuels, les collabe rateurs du Miroir 6taient des pigistes u B l'article a. Certains d'entre eux n'dtaient pas journalistes et n'aspiraient pas B le devenir. D'autres ddsiraient le devenir et certains le devinrent.

Parmi les non-journalistes, il y avait un grand nombre d'en- seignants. Des u instits D souvent, exerGant en France, en Suisse, en Autnche et en Ecosse. Des profs de gym' bien entendu, mais aussi des profs de lettres attachds B des lycdes de l'hexagone, dont un agrdgd, et mCme un titulaire de la chaire de littdrature compa- rde B 1'UniversitC de Stanford (Californie).

La contribution des enseignants B la Presse politique et littb raire est un phdnomkne courant. I1 est plus rare dans la Presse sportive. Mais le Miroir a certainernent innovC dans la presse spor- tive en publiant pendant des annees les articles d'un diplomate en poste B 1'Ambassade de France h e grande capitale Ctran-

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gkre. I1 n'est pas non plus commun pour un journal de sport d'avoir comptC parmi ses collaborateurs d'un jour (parce que son article fut trop insignifiant pour en appeler d'autres) un roman- cier aujourd'hui fort connu. Et, parmi ses collaborateurs les plus rdguliers et les plus brillants, un fonctionnaire des Finances.

On n'ignore pas qu'il est aujourd'hui de bon ton dans le milieu littCraire de proclamer sa passion pour le football. Ce nlCtait pas le cas avant la crCation du mythe des a Verts a, et le Miroir ne devait pas ces collaborations insolites la mode ou au snobisme (15).

A-t-il fait appel it un nombre excessif de collaborateurs issus d'autres milieux que le milieu journalistique ? Certainement pas si l'on tient compte du fait qu'en incarnant une idCe contestatrice de l'establishment du football, il rCduisit presque B nCant ses pos- sibilitCs de recrutement chez les journalistes professionnels en place. A cette Cpoque chacun des quotidiens de Paris et de pro- vince avait une rubrique de football tenue par un ou plusieurs journalistes dont certains auraient aim6 Ccrire dans une revue spCcialisCe oc ils auraient eu plus de place pour s'exprimer. Mais habituks it louer les vertus de a l'engagement physique total B, du systkme des transferts ou des concours de pronostics - pour ne citer que quelques exemples - pouvaient-ils collaborer B un jour- nal qui allait pourfendre ces notions et ces institutions ?

La confirmation de cette incompatibilitC fut administrCe d&s les premiers mois de la vie du Miroir par les ddsaccords idCologi- ques qui provoquh-ent les dCparts de trois collaborateurs du p r e ,

mier numCro parmi lesquels Albert Batteux. Les faits devaient montrer par la suite que la rupture avec Batteux avait une raison beaucoup plus sCrieuse et profonde que son incomprkhension de la dCfense en ligne. Son apologie de la a souplesse dam les prin- cipes D Ctait une justification anticipke de l'opportunisme qui devait dominer la suite de sa carrikre d'entraineur et de ... chroni- queur. A

Restait B remplacer les dCmissionnaires et B Clargir la rddac- tion du Miroir devenue squelettique. L'entreprise promettait d'etre

(15) Les intellectuels franqis manifestaient volontiers leur pr6Mrence pour le ru by, sport viril dont les succ&s dans le Tournoi des Cinq Nations flattaient L amourpropre national, su d6triment du football jeu de a man- chots w pleumichards. Le vent a tournC.

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difficile, car ces trois divorces pour raisons iddologiques - phCnomknes jamais enregist& dans l'histoire de la presse sportive fran~aise - n'dtaient pas faits pour nous gaper la sympathie des conformistes.

+ Mais au lieu de faire des concessions que certains attendaient il me parut plus utile d'utiliser les moyens du bord pour Ctayer et prdciser la conception du football dont j'avais expos6 les grandes

i lignes dam le premier numdro. Cette dCmarche trouva son illustra- tion dans mes Cditoriaux et les articles de Pierre Lameignkre. Alors qu'il n'avait pas perdu I'espoir de poursuivre sa carrikre de joueur

1 professionnel, celui-ci se lansa avec enthousiasme, sous le pseudo- nyrne de Kervelec, dam la tkhe indispensable qui consistait B jus- tifier rationnellement le jeu offensif collectif. L'ouverture de la rubrique a La reprise de volCe n accentua le dkmarquage du Miroir par rapport B la presse conformiste. DCsormais les moins avertis des lecteurs savaient que face B 1'idCologie officielle dCfendue par L'Equipe, France-Football et Football Magazine (le mensuel crdd pour contrer le Miroir en bloquant la clientkle des trks jeunes sportifs) il y avait une autre iddologie et un journal en mesure de l'incarner rCsolurnent.

C'est le caractkre tranche de I'opposition entre le Miroir et ses concurrents qui h i permit de renforcer rapidement sa rCdac- tion en nombre et en qualitC. Dam le milieu du football, les concep tions officielles Ctaient loin de rdaliser I'unanimitd surtout chez les pratiquants. Mais I'alliance des pouvoirs dirigeants et de la Presse n'avait laissd jusque-lB aucune chance i la contestation. DCsormais ceux qui, consciemment ou inconsciemment, ressentaient le besoin

: de secouer le joug avaient un point de ralliement. a Votre Miroir s, la rubrique consacrb au counier des lec-

teurs, n'avait pas 6th crCCe pour recruter des collaborateurs. Elle s'avdra pratiquement cornme un excellent moyen de repdrer, de tester et de contacter des footballeurs qui avaient des iddes i exprimer et qui savaient les exprimer. C'est par ce canal que Jean Norval commenGa en 1961 une collaboration qui ne devait prendre h qu'en mai 1976. I1 en fut de m&me pour Andrd Hdlard, Lok Ber- vas, Marc Hetzel, Michel Burgoni, Patrick Gautrat, Daniel Watrin.

L'adhdsion B la ddfense en ligne n'dtait pas, comme I'ont pr6- tendu certains, la condition exigde. Mais il allait de soi que les partisans de la conqu&te du rdsultat par tous les moyens n'avaient rien h faire au Miroir.

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DF rencontres naturelles

En raison de leurs positions vis-his des problkmes du jeu 1 . et de la condition du footballeur, certains joueurs professionnels

devaient naturellement se rencontrer avec le Miroir. Aprbs Pierre Lameignbre ce fut le cas de Norbert Eschmann, qui aprks avoir Btd professionnel en France commenw A &ire dans nos colonnes ,' peu de temps avant de remporter la Coupe de Suisse avec Lau- sanne Sports. I1 continua dors qu'il jouait dans l'dquipe nationale, au F.C. Sion et aux Young Boys. Ensuite quand il fut entraineur B Locarno et 2t Martigny. E d h quand, journaliste professionnel, il devint le chef de la rubrique sportive du quotidien lausannois a 24 Heures n.

Joueur de la dernikre version du grand Reims, Robert Bdrard, professeur dlE.P. et enix-aineur, avait lui aussi des iddes qu'il ne b

pouvait exprimer dans le cadre traditiomel. B rejoignit au Miroir son compagnon de promotion et collkgue Jean-Claude Trotel, devenu joueur et animateur du Stade Lamballais, pour publier notamment d'excellents articles sur la pratique de la dCfense en ligne, inspiris par leurs expdriences au sein de leurs clubs respectifs. Cetk u audace n valut B6md de figurer sur la u liste noire P de Boulogne et de ne jamais entrainer une Cquipe profes- sionnelle.

Le recrutement des correspondants a 1'Ctranger posait deux types de probkmes : celui de la langue (Cventuellement de la tra- duction) et celui des idtes. Avec le Belge Roger de Somer la solu- tion fut particulibrement heureuse car B sa maitrise parfaite du fransais ill joignait des convictions trbs proches des n6tres dans .. le domaine du jeu. I1 les exprima avec constance et brio notam- ment durant la pCriode oh Anderlecht fut le meilleur adepte de la dCfense en ligne, avant que la maladie ne vienne ralentir son activitd.

En Suisse, oh la rdgion francophone offrait au Miroir des possibilitds de diffusion analogues 21 la Bdgique, il fallut pro&- der h plusieurs expdriences, toutes intkressantes d'ailleurs - avec Raymond Pittet, Charles Marmier, Daniel Teysseire, Peter Muller, Daniel Besson - avant de trouver en la personne de Norbert Eschmann le collaborateur le plus prestigieux, le technicien le plus stir et le partisan le plus enthousiaste d'une conception huma- niste du football.

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Avec Mahjoub Faouzi, qui avait fait ses ddbuts au Miroir comme correspondant en Tch&oslovaquie (oi~ il poursuivait ses dtudes universitaires), le football africain bdndficia de son porte- parole le plus brillant et le plus courageux. Ses reportages au kaghreb, en Egypte et en Afrique Noire permirent aux sportifs europdens de dkouvrir les ressources sportives dcun continent en pleine mutation, le talent de journalistes comme El Hadi, Fouad Issad, BombotC, Mbemba, et les idCes d'avant-garde de techniciens comme Mekhloufi, Ma Wade et Jo Diop.

Les correspondants

La rubrique u Edition Ame'rique Latine D se limitait B Ifinfor- mation. Ses collaborateurs, presque tous journalistes chevronnds (au BrCsil Thomaz Mazzoni, Solange Bibas, Hans Henningsen, en Uruguay Nilo J. Suburu, au PQou Edmundo Pacheco, en Argen- tine +uis Verrando et au Mexique Carlos Ramirez) n'ont pas Ctd recrutCs sur la base de critbres u idCologiques rp. Mais entre la conception du jeu Ctablie sur des bases rationnelles et la tradi- tion offensive et artistique du football de SAmCrique Latine, il y avait assez de convergence pour justifier une collaboration sans nuages dam le domaine de I'information. En ce qui concerne les dCbats, les envoy& spCciaux du Miroir den chargeaient k plus souvent. Contrairement aux journalistes sud-amCricains ils ne pre- naient pas de grands risques en Ccrivant en 1962, que le football argentin avait e les meilleurs joueurs et les plus mauvais diri- geants de la terre D et en 1974 en affirrnant que pour conquCrir la presidence de la F.I.F.A. M. Havelange avait sacrifiC le caractkre artistique du jeu brCsilien. Si les circonstances avaient permis des contacts plus suivis, la collaboration de Dante Panzeri au Miroir ne se serait pas IimitCe au seul article oh il dCcrivit la dCsas- treuse influence des concours de pronostics sur la ddcadence morale du football argentin. Ce journaliste intransigeant, Ze vCri- table fondateur de la plus grande revue sportive de I'AmCrique Latine, El Grafico, a mend jusqu'h la fin de sa vie, un combat sans concession pour l'assainissement du football argentin en butte aux pressions des businessmen comme le fameux prdsident de Boca Juniors, Armando, et des poli ticiens.

Le recrutement des correspondants europdens, en dehors de la Belgique et de la Suisse, posait des problkmes plus difficiles, parce que dans la plupart des pays d'Europe les journalistes s'accommodaient de l'dvolution u rdaliste rp du jeu, surtout quand elle procurait des satisfactions B l'amour-propre national.

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Les tentatives effectudes avec des journalistes dlItalie, dlAn- gleterre, des deux Allemagne, de Hollande, de Tchtcoslovaquie, de Roumanie, de Yougoslavie et dlURSS donnerent naissance h des articles d'un conformisme parfois affligeant. Dans ces condi- tions il me parut prCfCrable de rCserver aux envoyds spdciaux du Miroir la responsabiiltC dlCcrire sur le football de ces pays, quand l'actualitd l'exigeait.

I1 y eut tout de mCme des exceptions B cette rhgle : un profes- seur fran~ais B Vienne, AndrC Daoudal, rCdigea pendant les p r e mikres annCes du Miroir d'excellents reportages sur le football autrichien B une Cpoque oh il semblait vouloir adopter une voie originale. Les articles de Mahjoub Faouzi sur le football tchdco- slovaque furent tres supCrieurs B ce que nous proposkrent plus tard des journalistes pragois. En Ecosse un ex-pro reconverti dans l'enseignement, Ian Leonard et aux U.S.A. un autre enseignant d'origine europeenne, LCo Weinstein, nous firent parvenir des articles qui s'accordaient tres bien avec notre conception du sport.

Sans sous-estimer la valeur de ces apports qui permirent au Miroir de justifier ses ambitions internationales, et de consolider ses bases techniques, l'essentiel du contenu du journal fut assurd par un noyau rddactiomel dont l'importance numtrique s'accrut avec la parution bimensuelle. Compost d'abord seulement de deux journalistes B plein temps (Lameignere et moi-mCme) et d'un cor- respondant dont la contribution dtait tres importante (Roger de Somer), ce noyau devait Ctre constitud dans sa derniere version par quatre journalistes B plein temps (Thdbaud, Le Goulven, Mahjoub Faouzi et Boully) et deux collaborateurs trhs proches (Eschmann et Norval).

C'est ce noyau qui assura la continuitd de la politique du Miroir durant seize ans, non seulement par les articles que ses ClCments rkdigeaient, mais aussi par ceux qu'ils suggCraient ou inspiraient aux collaborateurs extdrieurs.

Footballeurs d'abord

Pourtant jamais rddaction ne fut moins a bureaucratis& n

que celle-ll. Au 5' Ctage du 10, rue des Pyramides, auquel on acc& dait par un ascenseur prdhistorique, la rddaction du Miroir du Football tenait dans deux petites pieces, sommairement meubltes pourvues de trois tCldphones, encombrks de journaux et de pho- tos. Pas de secrdtaire, nous assurions nous-mCmes par lettre ou

I k

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tdldphone nos relations avec I'extdrieur. Pas de dunion de rddac- tion avec ordre du jour, pas de briefing sur convocation officielle, pas d'horaire de travail.

Mais chaque jour dans la salle de rkdaction, au bistrot, au restaurant, en allant ou en revenant des stades, nous avions l'occa- sion de cornmenter sans formalisme ni rdticence les dvdnements de I'actualitC, d'exposer des projets, de proposer des papiers. Et s'il m'appartenait de dresser le plan du numcro et de rkpartir les aches rddactionnelles, il y avait eu prdalablement une concerta- tion si rkelle que je n'ai pas conservd le souvenir d'une seule contestation ni A propos du choix du sujet, ni du nombre de pages qui hi Ctait consacrC, ni de la quantitk et du type de l'illustration B prkvoir, ni de la date ou de l'heure de la remise de la copier. Que la parution fut mensuelle ou bimensuelle, nous nous effor- cions de serrer l'actualitd au plus prks, ce qui n'btait pas facile- ment conciliable avec les impdratifs techniques de la fabrication (la composition s'effectuant A Paris dans une entreprise artisanale, le traitement des photos et le tirage en Belgique (21 Bruxelles, puis B Likge, enfin A Anvers). Cependant durant seize ans le plan de chaque numdro fut toujours exCcutk dans les ddlais et s'il arriva au Miroir de sortir une seule fois en retard ce fut en raison d'une grhe de I'imprimerie.

Comment en utilisant des mCthodes aussi peu conformistes, aussi peu a professionnelles D, le Miroir a-t-il rdussi B prdsenter des nurndros d'une qualit6 journalistique soutenue, B manifester une cohdsion iddologique Ctonnante aux yeux de nombre d'obser- vateurs, et B Cviter les accidents techniques qui n'dpargnent pas des revues fabriqudes avec des moyens considdrables et des m C t b des de travail sophistiquCes ?

Tout simplement parce que ses journalistes n'avaient pas I'impression d'exercer un mCtier, mais de vivre intensdment une passion alimentde par leur pratique personnelle du football.

Vivre avant d'dcrire ... 11s ne jouaient pas dans ces formations de journalistes, qui

avec I'appoint d'ex-vedettes des stades, de la tClCvision ou de la sdne, font aujourd'hui des tournCes d'exhibitions. Ils participaient a des compdtitions modestes mais A de vraies compdtitions, au sein de vdritables tquipes aux c6tts d'ouvriers, d'employds, d'in- tellectuels contre de vrais adversaires appartenant aussi B tous les milieux. Leur objectif Ctait jouer et non se faire warder.

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La plupart d'entre nous avions effectuC d'honnCtes carri&res de joueurs amateurs et nous ne cherchions pas h rivaliser avec nos adversaires en gCnCral plus jeunes sur ~le plan physique. En revan- che nous cherchions et nous arrivions B progresser techniquement et tactiquement en utilisant aussi les conclusions que nous tirions de I'observation professionnelle des grands matches. Mettre ces conclusions B I1Cpreuve des realitb pratiqukes ajoutait un attrait passionnant B notre activitd. Ainsi pouvions-nous Ccrire en connais- sance de cause sur la defense en ligne - dont nous connaissions de multiples aspects par experience personnelle - alors que ies beaux esprits des stages d'entraineurs pCroraient avec autoritC sur un sujet dont ils ignoraient les rudiments (vingt ans aprks les choses n'ont pas changC). De m6me l'organisation libdrale, ou plu- t6t libertaire, des Cquipes dans lesquelles nous jouions, nous obli- geait B vivre les problkmes concrets de terrains, dlCquipements, de cotisations, de rkglements, de licences qui sont aussi des rCa- lit& du sport qu'il est indispensable de connaitre.

Dans le Championnat de Paris du dimanche matin, que I'une de nos Cquipes avait fond6 en compagnie de neuf autres (plus de 300 Cquipes participent aujourd'hui B cette compCtition hiCrar- chisCe comme les compCtitions de I1apr&s-midi), le rkglement Ctait souple. I laissait la possibilitC d'incorporer des pros, provisoire- ment ou d6finitivement sans emploi, et qui sympathisaient avec nos idCes sur le football. Leur apport technique nous intCressait beaucoup plus que les rdsultats qu'ils pouvaient nous aider B conqudrir. Cornme ils venaient jouer pour leur plaisir et sans la moindre arrikre-pensCe sur des terrains oh peu de gens les recon- naissaient, leur integration Ctait facile. Parmi les ex-pros qui furent des ClCments rdguliers de u Bretonneau D, je citerai en pre- mier lieu, Paul BersoullC (Red Star), DCsir Card (O.G.C. Nice) et Pierre Lameignbre (Stade Franpis).

Le club des footballeurs perdus

Ce fut le hasard ou plut8t les alCas du professionnalisme qui firent de u Bretonneau D le club des footballeurs perdus par ... des impresarios indklicats. Sans argent, sans possibilitC de s'exprimer, ils trouvaient toujours le chemin du Miroir, oh I'on essayait de leur trouver un club la mesure de leur valeur et de leurs besoins avant de leur proposer d'entretenir leur condition h nos c6tCs. C'est ainsi que trois BrCsiliens u oubliCs D dans un hatel parisien - deux d'entre eux portaient des noms aussi cdlkbres que Marco Antonio

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et Lima, un centre-avant uruguayen du nom d'Iglesias, un centre- avant tchkque, Klaboc des Boheminans de Prague, et un gardien de but venu de Vojvodina, u Tika n Milivosevic furent beaucoup plus que des codquipiers occasionnels. Le keeper yougoslave, impressionnant de stiret6 et de puissance, amit trouv6 un emploi @ice & I'un de nos coCquipiers, et il resta des n6tres pendant deux saisons.

Autre apport u stable B : celui des trois dtudiants Ccossais que m'avait recommandCs mon confrkre de Glasgow, George Aitken et qui furent des titulaires rCguliers de Bretonneau. Mais il y avait toujours un poste rdservb pour les amis de passage comme Norbert Eschmann ou Ian Leonard, un ex-pro Ccossais devenu professeur de frangais et correspondant du Miroir B Glas- gow. Des MaghrCbins - Tunisiens et AlgCriens - figuraient Cvi- demment dans cette legion Ctrangkre qui avait pour particularit6 de nl$tre animCe par aucune prCoccupation mercantile, nos moyens financiers Ctant manifestement insuffisants pour autoriser la moin- dre illusion concernant une aide matdrielle de quelque consistance.

Nous Ctions pour notre part conscients du fait que la contri- bution de ces joueurs dCpassait largement le plan technique. En nous rappelant constamment la rCalitC internationale du football ils nous rendaient l'immense service de nous immuniser contre le chauvinisme.

u Bretonneau s n'dtait pas le seul p6le de notre activitd foot- ballistique. Certains d'entre nous jouaient aussi le samedi ou le lundi en championnat corpo, et ils ont IaissC un bon souvenir notamment au sein de 1'A.S. Hatelibre de la belle dpoque. Plus tard un club rkpondant au beau nom d'u Espoirs a, cr& par Jean Boully, devait faire parler de lui dans ,les compCtitions du samedi, en appliquant les conceptions tactiques du Miroir et en utilisant les services d'dtudiants brdsiliens dont certains Ctaient d6jP des virtuoses du u futebol n.

I1 y avait aussi u I'entrainement du jeudi n qui se r6sumait dam des six-six ou des cinq-cinq interminables au stade de la L.P.A. proche de l'ancien Parc des Princes. Parmi nos partenaires et adversaires figuraient souvent les cracks du Racing (Vaast, Gud- mundsson, Quenolle, Gabet, Arangelovic) Venus mettre B l'dpreuve leurs muscles ou leurs tendons, objets des soins d'un masseur cdlkbre dont le cabinet Ctait tout proche. Pour les memes raisons des joueurs provinciaux cornme Flamion participkrent nos a entrainements B et m2me des entraheurs c o m e Pibarot et Leduc. 1

ii

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Prioritt au jeu

I1 nlCtait pas toujours facile de concilier cette activit6 quasi- professionnelle de joueur avec les ndcessitds du reportage et en particulier les ddplacements. Mais jlCtais si convaincu de l'impor- tance de la pratique du jeu pour le maintien d'une conception saine du journalisme de football qu'il m'est frdquemment arrive de donner la priorit6 au jeu sur des reportages qui nlCtaient pas essentiels.

Quand des compdtitions internationales de longue haleine comme les phases finales des Coupes du Monde ou des reportages nous retenaient longtemps B llCtranger, nous mettions tout en czuvre pour concilier le travail et la pratique du jeu. En 1954 en Suisse, en 1958 en Sukde, en 1962 au Chili, j'avais bien trouvC plu- sieurs occasions de taper dans la balle. Mais en 1966 B Londres, l'affaire avait Ct6 soigneusement organisCe et du petit hBtel de Lancaster Gate oh slCtaient rCunis les journalistes et amis du Miroir, aux pelouses de Hyde Park, il n 5 avait que quelques dCca- mktres. Nous les franchissions presque chaque matin avec les Berard, Leduc, Arribas, Magny, Eschmann, Guy Roux, Justo Fon- taine, Biancheri, Bareyan, nos coCquipiers ou adversaires habi- tuels, avant le traditionnel repas qui nous rkunissait dans un res- taurant italien tout proche. Quels souvenirs merveilleux nous a laissC la plus exaspCrante de toutes les Coupes du Monde !

En 1970 B Guadalajara puis B Mexico, le contact avec le bal- lon slavCra plus Cpisodique puisqu'il ne trouva d'autre thCAtre que les bords d'une piscine situCe sur le toit d'un h6tel. Mais B Dort- mund en 1974 nous retrouviimes aux alentours du Westfalensta- dion de grands espaces verts et des footballeurs dCcidds B les utiliser. Cependant l'esprit avait bien changd.

L'un de mes meilleurs souvenirs se rattache B cette Coupe de llIndCpendance du BrCsil 1972 que Joao Havelange orga- nisa pour prkparer sa conquCte de la PrCsidence de la F.I.F.A. Face B des joueurs rCunis par un confrkre carioca sur un petit terrain accrochC B flanc de montagne B quatre cents mktres B la verticale de la mer, B Sao Conrado prks de Rio, nous avons jouC une inou- bliable partie au finish dans laquelle les trois ex-pros de llCquipe invitCe Mekhloufi, Eschmann et Boulet, parvinrent B compenser ' les insuffisances physiques et techniques de leurs partenaires jour- nalistes opposCs B des adversaires de valeurs individuelles indga- les mais assez astucieux et nombreux pour se relayer sous un soleil accablant.

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L'dvolution du jeu vue de l'intkieur

Ce nlCtait pas ma premikre expdrience personnelle du foot- ball brbilien. Lors de mes premiers reportages, en participant B plusieurs a matches D sur le sable friable de Copacabana j'avais compris ce que devait plus tard me confirmer l'entraineur de 1'Cquipe nationale AimorC Moreira, B savoir que jamais un grand footballeur, contrairement B la ICgende, n'est sorti de ce u futebol de playa a oh le sol se dCrobe sous le pied d'appui. A 1'Cpoque oh le rivage de la baie de Flamengo Ctait constituC par un immense terrain vague sur lequel des milliers de joueurs s'drontaient B longueur de journCe, il m'est aussi arrivC frkquemment de parti- ciper B des parties improvisCes oh les numCros de virtuositd indi- viduelle Ctaient B l'honneur. Aujourd'hui le terrain vague a laissh la place h des terrains pourvus de buts presque rCglementaires, dClimitCs gComCtriquement par des ... caniveaux bCtonnCs pour 1'Ccoulement Cventuel des eaux. Mais l'esprit du jeu a change. Finis les numCros de haute voltige ... Les a semelles m sont h I'hon- neur, prCcCdant souvent coups de poings et coups de u boules D. I1 faudrait Stre un peu fou pour s'aventurer dans de telles Cchauf- fourkes. Le jeu brCsilien s'est durci B la base comme au sommet.

C'est ainsi que les journalistes du Miroir ont vCcu a de I'int6 rieur D 1'Cvolution du football que leur metier leur permettait d'observer. Qu'ils ont vCcu ap rb 1'8ge d'or de l'offensive, le ren- forcement dCfensif, la systCmatisation de la contre-attaque, la dCgradation de la qualit4 du jeu, la violence, la dCtCrioration de I'arbitrage. I'exacerbation des nationalismes. Une Cvolution qui transformait peu B peu ces petits matches qui Ctaient notre joie de vivre en combats imbCciles et dangereux.

Oui nous savions de quoi nous parlions quand dans nos &rits nous condamnions les caricatures a Alistes m de l'art du football.

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CHAPITRE

Publication des Editions Miroir Sprint - l'une des nom- breuses sociktks commerciales crdkes par le Parti Communiste Franqais depuis 1945 - le Miroir du Football avait en commun avec les autres Miroir (Sprint, Cyclisme, Rugby, Athlttisme) une direction et une administration composdes de a permanents D du P.C. En revanche les communistes ne constituaient qu'une mino- ritC trks rkduite dans les rkdactions de trois des magazines de I'entreprise. Quant au Miroir du Football il den comptait aucun parmi ses journalistes et collaborateurs rtguliers jusqu'en mai 1976.

Pendant seize annkes les rapports entre la direction et la rkdaction du Miroir du Football furent exactement ceux qui exis- taient dans les quotidiens ou hebdomadaires non-communistes auxquels j'ai collabort : des rapports de patrons B salarids, mCme si la familiaritt du langage, allant jusqu'au tutoiement chez les anciens, voulait suggkrer un autre type de rapports. Et les affir- mations du genre << Vous savez bien que nous ne sornmes pas des patrons capitalistes D, lanctes pour contenir dventuellement des revendications salariales, ne parvenaient pas B estomper les rCa- lit& d'un pouvoir be1 et bien fond6 sur la propridtd privCe des moyens de production.

Les rapports entre les journalistes et les employCs d'adminis- tration Ctaient ambigus. Apparemment bons parce que, contrai- rement A la direction, les journdistes ne pratiquaient pas la dis- crimination hikrarchique, ils pouvaient se dCtCriorer rapidement si la direction rappelait aux employCs qu'ils dtaient d'abord des 1 permanents du parti.

Directeur de Miroir Sprint depuis 1949, Maurice Vidal fut promu directeur des quatre magazines mensuels. La compttence

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omnisports qu'impliquait son premier titre justifiait probable- ment dans l'esprit de ses superieurs, ces promotions multiples, en vertu de l'adage bien connu : qui peut le plus peut le moins.

Oftficiellement la conduite des Editions Miroir Sprint, d'abord bickphale (le directeur Maurice Vidal et l'administrateur Jacques Marland) dtait devenue E( collCgiale D lorsque la condamnation (politique) du a culte de la persomalit6 m mit ce terme B la mode. Entrkrent alors au c< comitC de direction m, surgi comme par miracle, trois autres a permanents D : Robert Barran, le rCdac- teur en chef du Miroir du Rugby et deux employ& d'administra- tion. Mais, tout le monde le savait, clCtait Maurice Vidal qui dCte= nait seul le pouvoir de ddcision.

Pour les journalistes du Miroir du FootbaII cette dernibre constatation n'avait rien de consternant. Si plusieurs traits de son caractere ne nous inspiraient aucune sympathie, il Ctait jour- naliste et a ce titre en mesure de comprendre les probl&mes journalistiques.

Est-ce pour faire croire que la conquste du poste de President de 1'Union Syndicale des Journalistes sportifs (qui n'est pas un syndicat mais m e sorte d'amicale) avait un rapport Ctroit avec sa polyvalence professionnelle ? En tout cas il manifests lors de la crhtion du Miroir du Footbd la vellCitC d'y tenir une chronique, et plus tard la volontd dlCcrire dans le Miroir du Cyclisme des Cditoriaux dont il reconniaissait en apart6 l'insignifiance.

Contrdler le journal

I1 comprit trks vite que la collaboration Q un journal de football exigeait un contact suivi avec I'actualitC et de solides connaissances techniques. I1 fallut des circonstances exception- nelles pour l'inciter tt Ccrire deux articles dans le Miroir du Foot- ball : en 1968 l'occupation du si&ge de la F,F.F. par des footbal- leurs dont certains Ctaient journalistes au Miroir, et en 1974 sa dkcision mtirement rdflCchie d'intervenir dans 'l'orientation du journal.

En fait il n'avait jamais cessC de proclamer son intention de contrdler le Miroir du Football. Cette intention se traduisait par une exigence apparemment anodine - recevoir le sommaire de chaque numdro avant sa fabrication -, rnais B mes yeux inacceptable parce que constituant une menace d'intervention dans la conception du iournal. Dbs le second mois de l'existence du Miroir ellesuscita 6 e violente discussion qui prit fin sur l'ac-

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cord suivant : le rddacteur en chef responsable de la conception et de la rdalisation, en rendra compte devant la direction mais seulement apres la publication du nurndro, si celle-ci le ddsire.

En quinze annCes je ne fus pas convoquk une seule fois 8 cet effet et Maurice Vidal n'intervint jamais ni directement ni indirec- tement dans la confection du journal. Mais de temps 8 autre il me faisait savoir, oralement ou en post-scripturn d'une note de service consacrke B un autre sujet, qu'il ne recevait toujours pas le sommaire du Miroir du Football. Si cette observation laissait . percer une menace, la rkponse Ctait invariable : a Je croyais cette question re'gle'e depuis 1960. Si le journal est ma1 fait, il faut chan- ger de re'dacteur en chef! P. Les choses en restaient 18. Le Miroir du Football jouissait d'une autonomic rkdactionnelle de facto, mais il Ctait clair qu'elle serait toujours remise en question, jus- qu'au moment ou a le rapport de forces P (expression trks utilisCe au P.C.) serait tel que la direction prockderait B sa liquidation. Car, contrairement B ce qu'affirmait Maurice Vidal les dCsaccords entre la direction et la rCdaction de Miroir du Football dkpas- saient de beaucoup les questions de forme. Et il le savait fort bien.

I1 y avait bien siir des points de convergence sans lesquels la coexistence aurait CtC impossible. Sur des probkmes comrne les concours de pronostics, le systkme des transferts, I'exploitation , des joueurs professionnels, les manipulations du sport par le - gouvernement, nos positions rencontraient apparernment celles du P.C., sans qu'il y ait jamais eu de concertation.

Mais ce n'Ctaient pas les mCmes raisons qui les justifiaient. Adversaire des concours de pronostics en France, le P.C. justifiait la mCme institution dans les pays de 1'Est parce que a les bCn6 fices de ces concours reviennent au peuple P. Dkfenseur des int6 rCts des joueurs professionnels, le P.C. demeurait adversaire du professionnalisme sportif. Adversaire de la manipulation du sport par les politiciens du parti au pouvoir, il n'excluait pas I'CventualitC de sa propre intervention dam une conjoncture diffdrente.

Un dbsaccord de principe

En fait entre la direction et la rCdaction du Miroir, le dCsac- cord fondamental rksidait dans la conception du sport. Pour le P.C. - comme pour tous les partis politiques - le sport est un MOYEN. Un moyen de conquCrir I'adhbion et Cventuellement les suffrages des sportifs qui constituent une fraction importante de la population et de llClectorat. Un moyen de conqudrir leur sym-

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pathie meme en fkttant le nationalisme I'occasion des ren- contres internationales (16). A long terme le sport est un moyen d'avoir une jeunesse saine et physiquement forte, ce qui a un intkCt Cvident lorsqu'il s'agit de production ou dlarm&. C'est aussi, pour tous les hornmes politiques, un moyen de diversion dans des pCriodes Cconomiquement ou politiquement critiques. Un moyen d'inculquer la discipline (les entraineurs et techniciens officiels sont eles experts). Un moyen d'inculquer le respect des hidrarchies Ctablies. -

Pour la rddaction du Miroir du Football le football, comme tous les arts, est une fin en soi. Et le r6le du journal est d'ai- der les pratiquants et les spectateurs B en prendre conscience, en stigmatisant ceux qui le considkrent comme un... MOYEN. Cette conception est exprimde sans la moindre ambigui'td dans les Cditoriau et les articles de fond de 1960 h 1976. Mais appa- rernment cette profession de foi n'a pas choquC la direction, et ce ddsaccord de principe ne sera CvoquC par elle qu'en 1975 par le biais d'un prCtexte ridicule : la condamnation de 1' u iddologie anarchisante B d'un joueur amateur.

I1 est plus que probable qu'au P.C. les responsables des ques- tions thCoriques n'ont jamais pr&t la moindre attention aux idCes que pouvait exprimer un journal de football fut-il la propriCtC du P.C. Nos critiques sur la conception du jeu des Cquipes de 1'Est ne susciterent jamais de rdaction. Peut-&re parce que leurs rCsul- tats Ctaient trop mCdiocres pour avoir une valeur de propagande analogue B celle des athletes olympiques de ces m&mes pays.

En fait et jusqu'en 1975, le problkme politique ne fut jamais abordC de front mCme s'il faillit 1'Ctre en trois occasions. -

De la premiere je n'eus que des Cchos tres assourdis. A la suite de quelques articles qui s'en prenaient au prdsident du Red Star, deux fois pris en flagrant dClit de truquages de matches et suspendu par la F.F.F., j'appris de manikre tres indirecte que M. Lefort, le maire de Saint-Ouen n'avait guere apprdcid ces atta- ques qui risquaient de mettre en cause certains aspects de sa politique municipale et notamment son aide au Red Star. Mais B I'Cpoque le football professiomel n'avait pas bonne presse au P.C., et le maire de Saint-Ouen se heurta b une opposition intB rieure qui rCduisit B n6ant ses velldit& d'intervention. Information dont je pris comaissance par la suite de manibre accidentelle.

(16) A la belle dpoque des Verts, la tribune d'honneur du Stade Geoffrqy- Guichard hbbergeait les leaders politiques les plus d lbres dont la coexlr tence nYtait pas toujours pacifique.

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La deuxikme occasion fut la constquence d'une remarque anodine de Jean Boully dans une enquCte sur les difficult& des . clubs amateurs parisiens. La rCforme administrative comportant la crdation des nouveaux ddpartements de la dgion parisienne, risquait, Ccrivait-il, de priver les amateurs de la capitale des ter- rains dont ils disposaient jusque1Q dans le Parc de La Courneuve. PrCsident du Conseil GCnCral de la Seine-Saint-Denis, M. Valbon me fit savoir dans une lettre trks skche qu'il s'agissait l i d'une attaque contre l'organisme qu'il prdsidait. Je lui rdpondis que rien dans l'article incriminC ne justifiait cette interprhtion. Mais j'appris plus tard que M. Valbon demeurait persuadd que nous avions voulu attaquer la politique du P.C. dont il Ctait le porte- parole au Conseil GCnCral.

Journalistes et citoyens

La troisikme occasion concerne la condarnnation catbgorique de I'occupation du sihge de la F.F.F. et de la participation des journalistes du Miroir par la rubrique sportive de L'Humanitt. La direction du Miroir dut la trouver judicieuse, car Q la sortie de 11h6tel de 1'Avenue d'ICna les a coupables B furent convoquCs devant le comitC de direction du Miroir au grand complet. Sur le ton d'un procureur, Maurice Vidal nous accusa d'avoir commis une faute professionnelle grave en organisant (ou en participant) a un mouvement qui risquait de u compromettre B le Miroir.

Au nom de mes carnarades, je lui rkpondis vivement que la fonction de journaliste nlCtait pas incompatible avec le compor-

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tement du citoyen, libre de mettre en accord ses actes avec ses opi- nions. Et je m'dtonnais que des membres du P.C. nous contestent ce droit. Non seulement nous Ctions plutdt fiers de ce que nous avions fait, mais encore j'avais I'intention de consacrer cette afFaire une grande place dans le prochain numCro du Miroir.

A notre grand Ctonnement, Maurice Vidal accepta cette expli- cation cornme s'il l'avait espCrCe en invoquant seulement le droit du directeur de s'exprimer sur ce sujet. Et, dans un excellent ddi- torial, qui justifiait I'occupation du si&ge de la F.F.F., il prit la ... dCfense des journalistes incriminCs en invoquant l'argument sui- vant : a Comme si ces journalistes n'ttaient pas des footballeurs di2ment qualifib par une licence, et des citoyens cf part enti&re, ct ce titre libres de leurs actes. D (17)

(17) Voir en a annexe m le texte complet de cet Cditorial.

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C'Ctait une dpoque oh prendre le train en marche b i t devenu un hobby particuli&rernent apprtcik. Mais avec b recul du temps j'ai beaucoup de mal ii croire que la pertinence de man argumen- tation explique seule l'incroyable volte-face de Vidal. Et je me suis demand6 d m e haute intervention (politique) n'avait pas CtC deterrninante.

Quand nous occupions le sikge de la F.F.F. un coup de tCl& phone nous avait fait part de I'approbation de M. Dourneng. Je comaissais M. Doumeng, comme ancien Prdsident du Toulouse F.C. et membre important du Groupement des clubs professionnels. J'avais apprCciC le soutien qu'il avait apportC un an plus tat h Justo Fontaine pour le faire nommer ~Clectionneur. Soutien jus- t%C publiquement par des arguments sur la nature du football qu'il avait manifestement puisCs dam la lecture du Miroir, Mais 1h s'ttaient arr6tCs mes rapports avec un homme dont j'ignorais d'ailleurs B 1'Cpoque le poids politique. Son coup de tClCphone, suivi quelques semaines plus tard par une autre manifestation de sympathie B I'adresse de llAssociation Frangaise des Footballeurs (issue du mouvement de Mai et prCsidCe par Just Fontaine) mon- trait qu'il ne se sentait nullement engagC dans cette affaire par m e autre opinion que la sienne. La direction du Miroir pouvait-elle mettre en accusation des gens auxquels M. Doumeng avait accord4 si spontanCment son soutien ?

La libertt qa se paie

Je n'ai pas gardC le souvenir d'autres menaces de frictions d'ordre politique avant 1974. Maurice Vidal savait que les journa- listes du Miroir Ctaient trop passionnCs pour le football pour uti- liser le journal au service d'une autre cause et il n'Cprouvait pas le besoin de soumettre le journal B un contr6le politique rdel. Mais le u permanent D ne pouvait adrnettre le principe d'une autonomie de la rkdaction non-communiste d'un journal appartenant au Parti Cornrnuniste. D'oh les tentatives de remise en question du modus vivendi adopt6 en 1960, d'oh certaines obstructions des services administratifs ou le comportement volontairement ndgligent de la comptabilitC B l'tgard des pigistes.

Certaines attitudes, certaines phrases Cchapp5es B des mem- bres du ComitC de direction Ctaient rCvClatrices. Par exemple celle-ci qui fut adressCe plusieurs fois aux journalistes : u I1 ne faut pas croire que le journal vous appartient ! n C'Ctait &idem- ment stupide puisqu'ils Ctaient mieux plads que quiconque pour

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savoir qui ddtenait les titres de propriCt6 dudit journal. Mais c'dtait une manikre d'exprimer leur impuissance 2i imposer leur volontd aux journalistes.

Est-ce pour nous faire sentir que nous nlCtions pas les patrons, mCme si nos salaires prCvus par la convention collective des jour- nalistes Ctaient supCrieurs i ceux des permanents du P.C. ? En tout cas I'opulence et le modernisme des bureaux de I'administrateur et surtout celui de Vidal (ce dernier somptueux et climatisC) offraient un contraste Cclatant avec l'ameublement sommaire et vieillot des deux pikces qui abritaient les quatre membres de la rddaction du Miroir du Football. Pourtant Miroir Sprint et le Miroir de I'Athlttisme disparus, le Miroir du Rugby moribond, le Miroir du Football bimensuel restait de loin la publication la plus importante de la sociCtC, celle dont ddpendait sa vie elle-mCme. Mais de l i h se soucier des conditions de travail des journalistes, il y avait une marge apparemment infranchissable dans la logique directoriale. Au point que durant les seize annCes dont je fais le rCcit, jarnais la direction ne daigna mettre h la disposition de sa rCdaction une seule machine i Ccrire (ni, bien sfir, une seule secrd- taire). Chaque journaliste apportait sa machine portative et ddi- geait son courrier. I1 est vrai que durant les premiers mois de l'existence du Miroir, les conditions Ctaient plus mauvaises encore puisque je dus plusieurs fois menacer de ddmissionner pour obte . nir une pihce qui ressemblAt h un bureau et non i un couloir par oh passait tout le personnel de la socidtC !

Nous ne prenions pas au tragique ces mauvaises conditions de travail, m&me si l'appartenance politique de la direction pou- vait donner h penser. Nous avions conscience de jouir d'un bien inestimable : la IibertC de vivre comme nous Sentendions notre idCe du journalisme. a Qu'est-ce que tu veux, la IibertC ga se paie ! D m'avait land un jour Vidal. J'en avais convenu d'autant plus faci- lement que la gCnCrositC n9Ctait pas I'une des caractdristiques de la SociCtC des Editions Miroir Sprint.

Les salaires de la rddaction Ctaient convenables au vu des bar&mes syndicaux. PrCsident de 1'Union Syndicale des Journalistes Sportifs, Vidal, directeur, se devait d'etre comprdhensif en ce domaine. Mais il n'ignorait pas que le montant annuel global des salaires des journalistes Ctait sensiblement Cgal au revenu annuel d'un contrat publicitaire avec une socidtC multinationale d'dquipe- ments sportifs, que j'avais largement contribu6 h dtablir au profit du Miroir du Football. C'est en effet h la demande de la direction quelques semaines avant la parution du premier numdro que je rhlisai mon unique incursion dam le domaine publicitaire sous

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la forme du premier contact avec le puissant annonceur. Si je pr& cise que ce contrat fut renouveld chaque am& au moins durant seize ans, il faut bien convenir que la rddaction du journal a dou- blement contribud A rdtablir l'dquilibre financier de la socidtd d'ddition compromis par les gestions ddficitaires du Miroir de I'Athle'tisrne, du Miroir du Rugby et surtout de u Sports m un hebdomadaire dont les quelques semaines d'existence ddsdquili- brkrent pour longtemps les finances des Editions Miroir-Sprisrt.

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CHAPITRE XIV

LA RUPTURE

Pour la Coupe du Monde 1974 la direction du Miroir a decide de faire un gros effort. Outre les deux numCros spdciaux tradition- nels (I'un consacrd h la prdsentation de I'CvCnement, l'autre aux commentaires d'ensemble), le Miroir sortira quatre numdros heb- domadaires pendant le ddroulement de 1'Cpreuve. Sept envoy& +

spdciaux - dont d e n photographes et trois collaborateurs B la '

pige - vont alimenter ces publications. Le travail, exCcutC suivant le plan Ctabli avant notre ddpart

de Paris, ne suscite aucune remarque de la part de la direction qui s'est accrue d'un membre dont on mesure ddjh I'importance, le directeur-administrateur Jean-Jacques Faure.

Mais alors que le numCro spdcial final de 64 pages a CtC commenck, Jean Boully, qui en assume la responsabilitt rddac- tiomelle 21 Paris, m'avise que Maurice Vidal s'est rdservd une page. La nouvelle m'dtome doublement. Depuis son Cditorial de mai 68, il n'a jamais exprim6 le dQir de ricidiver. N'ayant assist6 B aucun match en Allemagne, il semble avoir ma1 choisi l'occasion de faire sa rentrek dans une publication entikrement consacrCe h cette Coupe du Monde.

Je prie Boully de passer l'article dans une page intdrieure, car rien ne permet de penser que sa contribution va revstir un intCrCt primordial.

Quand, B mon retour B Paris, je prends cannaissame de l'article qu'il a intituld a La fete D, c'est un nouveau sujet d'dton- nement (18). Dans cet article, krit avec un soin dvident, aprks

(18) Entre autres affirmations Btonnantes, on dkouvre dam ce texte celle-ci : a La joie de jouer, cette kvidence bafouBe, voilh ce que l'on a retrouv6 sur quelques terrains allemands, voila surtout ce qu'ont aim6 les centaines de millions de t616spectateurs. n

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avoir rcpris quelques-unes des idbs c h h s aux journalistes du Miroir (auxquels il rend hommage en passant) : *: Le football &-and art populaire, le h t b a l l passion et ouverture sur un monde fraternel, le football joie de jouer qui rejette le chauvinisme, la dignit6 du joueur v il affirme que cette Coupe du Monde a illustrd toutes ces caractdristiques. La fete quoi !

Or, depuis le debut de la compdtition les envoy& spbiaux du Miroir ont multiplie les rdserves sur la qualit6 du jeu et I1&at d'esprit des Cquipes et du public. Le dernier numkro hebdoma- daire, fait Ctat d'une opinion de Pel6 qui a fait quelque bruit : a C'est la plus pauvre Coupe du Monde que j'ai jamais vue. Cha- cun ne pense qu'ci se ddfendre. n

Le numdro spdcial dam lequel Maurice Vidal qualifie ce pau- vre Cvhement de a Fete D, s'ouvre d'ailleurs sur ce titre signifi- catif : a L'Allemagne un petit champion du monde. n

C'est la premikre fois que dans le Miroir - et peut-Stre dam la Presse - un directeur qui n'a pas assist6 A un dvdnement contre- dit aussi curieusernent le point de w e des envoy& spCciaux de son journal.

Maladresse d'un homme, qui, on I'a vu en mai 68, est tout le contraire d'un maladroit ? Et pourquoi cette maladresse restet-elle sans suite et sans explication, alors que les envoy& spdciaux per- sistent et signent leurs critiques du Weltmeisterschaft et du Welt- meister dans les numdros suivants ? C'est un peu plus tard que nous comprendrons qu'il n'y avait 18 rien d'accidentel. Mais pour l'expliquer il faut revenir un peu en arrihre ...

Le pourquoi d'un sauvetage

La Coupe du Monde 1970, grace au triomphe du Brdsil et aux belles performances du PCrou, a constitud la brillante illustration de la conception du jeu ddfendue par le Miroir du Football et a 6th perCue comrne telle par ses concurrents. Au lieu d'exploiter ce succks pour donner 8 notre journal les moyens financiers de le consolider, le directeur des Editions Miroir Sprint reve de faire paraitre un nouvel hebdomadaire omnisports. Au dCbut de 1972, u Sports n publie son premier numdro. Quelques mois plus tard I'aventure est terminde. Elle a coiitC trks cher h la sociCt6 d'Edi- tion qui doit supporter ddjh les deficits de la gestion du Miroir de 1'Athle'tisme et du Miroir du Rugby. Et I'on envisage le pire, quand une autre SociCtd dlEditions du P,C.F., les Editions Vaillant, qui publient Pif-Gadget, le plus fort tirage de la presse enfantine, inter- vient .

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Mais il ne s'tigit dvidemment pas d'une euvre de bienfaisana. Les Editions Vaillant qui ont acquis une participation majoritaire dans le capital des Editions Miroir (ex-Editions J) placent un col- l abora te~ dans la direction de l'affaire qu'elles se proposent de renflouer. I1 se nomrne Jean-Jacques Faure. Professeur d'dducation physique, il est devenu permanent du P.C., secrdtaire de la Commis- sion Sportive, et co-auteur avec Paul Laurent et Robert Barran d'une brochure intitulde a Les Communistes et le Sport m.

Entrd comme secrdtaire gdndral, J.J. Faure, grimpe quatre h quatre les marches du pouvoir, et en 1974 une note officielle nous fait savoir que la fonction d'administrateur h laquelle il a&de regroupe les a directions financikres, administratives et cornmer- ciales a.

Cette ascension ultra-rapide n'a pas immddiatement inquidtd Maurice Vidal qui a confid A ses familiers sa volontd de conser- ver des prdrogatives qu'il a d6jh victorieusement ddfendues contre d'autres challengers issus de l'appareil du P.C. Mais c'est aux ddpens de la rddaction du Miroir du Football qu'en septembre 1973 il tente d'affirmer d'abord son autoritd, ce qui provoque une rdponse de quatre pages que je conclus ainsi : a La succession trds rapprochke des notes de service injustifites, au moment prtcis otr le travail rtdactionnel n'a jamais ttt? aussi intense, le ton des observations et la publicitt qui Ieur est donnte, tout cela rel&e, semble-t-il, d'une volontt arrdtte de remettre en cause le mode de travail de la rtdaction du Miroir du Football. Si les accords conclus avec le Groupe Vaillant l'exigent, je comprends ce comportement. Mais je ne t'accepte pas. Je vous prie donc d'examiner duns quelles conditions nous pourrions proctder h une skparation amiable. w

Les termes de ma rdponse laissent entendre que parmi les exi- gences des Editions Vaillant figure en bonne place la mise au pas des journalistes-footballeurs. Et que j'ai ddjh conscience que le divorce est la seule condition si l'on ne veut pas se sournettre. Mais ma rdponse n'a pas de suite. La couverture de la Coupe du Monde 74 est h l'ordre du jour et un conflit avec la rddaction serait inopportun dans ces circonstances. D'autant plus que J.-J. Faure tient h inaugurer son rbgne par un grand succbs de vente, et qu'il a I'intention de mettre en mvre des moyens financiers exceptionnels.

Une alliance a rtaliste w

C'est dans ce contexte que se produit l'dtrange rent& jour- nalistique de Maurice Vidal. Faut-il considdrer comme une r h o

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tion d'amour-propre vis-his de J J . Faure sa prise de position ' inattendue sur la signification de cette Coupe du Monde 3

I1 s'agit plut6t de son premier pas dans la voie d'une alliance tr&s a rhliste s avec J.J. Faure. Cette alliance a pour objectif la rentrde dam le rang de la rddaction du Miroir du Football dont l'autonomie idCologique et organisationnelle a dtC jugde inaccep table par les Editions Vaillant. -

L'article intituld a La Fete n rdv&le le schdma de l'offensive qui va Ctre mende par le tandem Faure-Vidal. Dans un premier temps Vidal se rklame de certaines iddes que le Miroir du Foot-

' ball a ddfendues a depuis 14 ans contre vents et mardes s. Dans un second temps il annonce que ces idCes ont triomphd dans ce championnat du monde 74 qui a CtC une a fete s. Et il prgcise

' sdrieusement : a Malgrk a leur recul-fuite s, les admirateurs de la force, des dkfenses renforckes et du football-fric appartiennent .- dkjd au passe' apt-& ce charnpionnat du Monde. Ils en seront bien- tSt au recul-fuite. s

Faure et Vidal se gardent pour l'instant de conclure que les journalistes qui affirment le contraire dans 61 pages du Miroir sont aveugles. Mais q~ viendra ...

En septembre 1974 ils vont dprouver leur rdsistance en refu- sant de rdtribuer un numCro spdcial sur la Coupe d'Europe qu'il leur ont commandd. Depuis la crhtion du Miroir les numdros spd- ciaux ont toujours fait l'objet d'un r&glement financier particulier, ce que Maurice Vidal n'ignore pas. Mais devant le refus de J.-J. Faure, il dvite d'abord de prendre position puis il se range de son c6tC. Dans ces conditions Mahjoub, Boully, Le Goulven et moi- meme refusons de rbliser le numdro sptkial. Quatre lettres recom- manddes signdes Faure, nous font savoir que la direction a consi- ddre cet acte comme une faute professionnelle s. Quelques jours plus t8t une note a A tous les services s fait savoir au personnel des Editions Miroir Sprint que la non-parution du numdro sp&ial du Miroir du Football provoquera a une grave perte de recettes n alors que a la conjoncture kconomique est grave pour la Presse w .

Cette note signde Maurice Vidal ddsigne sans Cquivoque ceux qui risquent d'Ctre les responsables d'une situation critique de l'entre prise et de ses consdquences.

La rdponse que nous adressons B la direction le 4 ddcembre rdfute point par point la faible argumentation du tandem direc- torial, lui rappelle les a suppldments de recettes s rk l i sb par l'en- treprise depuis 15 ans grace aux numCros spdciaux et exige le retrait de l'expression a faute professionnelle s (dont aucun sala- ri6 n'ignore l'importance dans les conflits du travail).

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L'intervention des syndicats - y compris le syndicat C.G.T. de journalistes - contraint la direction B a retirer la notion de - faute professionnelle B dans une lettre du 20 janvier 1975 adressQ (pour sauver la face) au Syndicat C.G.T. des journalistes.

La guerre

Mais ddsormais il n'y a plus d'illusion possible. La guerre est dCclar4e, et son issue ne fait aucun doute, la direction I'emportera puisqu'elle reprdsente le propridtaire du journal et que le proprik taire dispose de son bien comme il I'entend. Le cdlbbre M. Her- sant vient d'en faire la dCmonstration a m ddpens des journalistes de Paris-Normandie et du Figaro qui ont eu le choix entre la sou- mission 21 ses ukases ou le licenciement dans les conditions p& '

vues par la convention collective. Cette dernikre solution je ne pew ddcernrnent la consdller,

_I

en cette pCriode de crise, a mes trois collkgues. Mais j'ai person- nellement des engagements vis-a-vis des lecteurs du Miroir. Et je fais connaitre a J.-J. Faure mon intention de quitter le journal.

I1 est d'accord sur le principe car il vient de ddcouvrir le marketing et pour augmenter la diffusion de ce qui n'est plus un journal mais un a produit s, il faut utiliser des mdthodes journa- listiques qui se situent aux antipodes des miennes. Cependant il a encore besoin, pendant quelques mois, de mon concours ou plut6t de ma signature puisqu'elle est bien connue des 45 000 ache- teurs rkguliers du Miroir du Football. Et qu'elle constituera a leurs yew la garantie de la continuitd dans la politique sportive du journal. On veut conqubrir un nouveau public mais on ne veut pas risquer de perdre I'ancien.

En ddpit de son ascension foudroyante - il est devenu direc- teur gCnCral, puis PrCsident-directeur gdnCral ! - J.J. Faure n'est pas assez imprudent pour exposer en termes aussi cyniques le rdle qu'il me destine. Mais on ne peut interprdter autrement I'appa- rente contradiction entre sa volontd chaque jour proclamde de faire un journal commercial - le succbs de vente de a Onze m, le dernier nC de la presse du football, I'impressionne visible- ment - et sa volontd de continuer & utiliser les services d'un journaliste qui personnifie la conception opposCe du journalisme.

Devant mon refus de cautionner la mystification, le tandem - Faure-Vidal va accentuer son offensive. Tandis que le premier ddclenche un feu nourri de notes de service dont le but est de me priver des moyens de sauvegarder la personnalitd du journal, le

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second entreprend de justifier journalistiquement la ndcessitb de faire du Miroir un autre journal. EspBre-t-il drieusement me convaincre de participer B cette entreprise en m'adressant le 3 fdvrier 1976 un texte de neuf pages dactylographides intituk a Pour une formule re'nove'e du Miroir du Football B ? C'est peu probable car il s'agit d'une sorte de justification de u La fgte a, cet article qui prdfigure la nouvelle conception qu'il prdconise.

On trouvera en a Annexes D la reproduction intCgrale du texte de Maurice Vidal ainsi que celle de la rCponse que j'adresse au directeur gCnCral des Editions Miroir Sprint, et au directeur des Editions Vaillant, M. Compeyron.

Avec le recul du temps, deux passages - l'un extrait du texte de Vidal, l'autre du mien - Cclairent singulikrement le dCbat. Voici le premier : a Notre magazine donne I'impression d'un cer- tain pessimisme, voire d'une grande amertume devant la situation du football. C'est une attitude qu'on peut comprendre, mais elle est NEGATIVE ct tous tgards ... Plus le prdsent du football d'blite est sombre, plus un magazine qui, pour gagner le public doit Btre POSITIF a inte'ret d se servir des richesses offertes par I'histoire de son sport. m

On comprend maintenant pourquoi il faut ddcouvrir a La fete D la oii il y a la mCdiocritC et I'ennui. Parce qu'il faut &re POSITIF (pour Ctre commercial).

Pour *: l'tthique m contre a l'ide'ologie m

Le second extrait concerne la conclusion de ma rCponse B Vidal : u Une de'cision (la rCnovation du Miroir), aussi manifeste ment contraire d la logique et aux inttrgts du Mimir, serait inex- plicable - comme serait inexplicable la petite guerre des notes et des brimades inaugure'e depuis un an contre la Rtfdaction - si les raisons alle'gutes par le Directeur ge'ntral en pre'sence de Mau- rice Vidal lors de la re'union du 30 janvier et la condamnation des the'ories pseudo-anarchisantes de Jean Boully, ne re'vtlaient clai- rement leur MOTIVATION POLITIQUE. m

La distinction Ctablie par Maurice Vidal entre u l'e'thique m du Miroir qu'il faut conserver et u I'idtologie B qu'il faut rejeter introduit ofrficiellement dans le conflit 1'dlCment politique. Une lecture semble avoir contribuC B accClCrer les choses, celle d'un mdmoire, r6digC par Jacques Hund, un Ctudiant de 1'UniversitC de Strasbourg (en vue de I'obtention d'un D.E.S. de Sciences Poli- tiques) et tomb6 accidentellement (?) entre leurs mains. I1 s'inti-

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tule a Le contenu idkologique du Miroir du Football s, &die notamment les convergences et les divergences du Miroir et du P.C. et conclut que le Miroir a n'est manifestement pas un support inconditionnel de la propagande de l'appareil idkologique du P.C. n. Pour Ctablir ce verdict, il s'est livrC B une longue confrontation des articles de fond du Miroir et de la brochure a Les Communistes +

et le sport n signCe par Paul Laurent, Robert Barran et... Jean- Jacques Faure. La conclusion du mCmoire offre B J.J. Faure une raison politique de condamner a Cnergiquement llidCologie a des journalistes du Miroir qui ne saurait &re bien sClr qu'a anarchi- sante a puisque difFCrente de la sienne.

M. Compeyron, directeur gCnCral des Editions Vaillant me confirme le 9 avril, au cows d'un entretien provoquC par la lecture de ma rCponse B Vidal, le caractkre politique de la a rknovation a du Miroir du Football. a Duns la conjoncture actuelle (LIUnion de la Gauche) un journal appurtenant au P.C. ne peut prendre Ze ris- que de donner du Parti une image critique et nkgative, alors qu'il s'efforce dans tous les domaines de donner de lui-mime une image positive et constructive. n

L'occasion ... verte

Revoici I'opposition du a nCgatif B et du a positif n qui n'a pas surgi par hasard sous la plume de Maurice Vidal. L'opposition parait si manifestement irrkductible awr yeux de M. Compeyron que le divorce lui semble aussi la seule solution concevable. Un divorce prononce dans les formes prdvues par la convention col- '1 lective des journalistes que M. Hersant a respect& vis-B-vis des ,

journalistes de Paris-Normandie et du Figaro. La situation s'est d'ailleurs tellement dCtCriorh au Miroir que

la poursuite de la coexistence est impossible. Dans une lettre F

recommand& (on en est la) adressCe B la direction du Miroir le 30 mars, je dkmontrai dCjB que les fonctions de rkdacteur en chef Ctaient de plus en plus revendiquCes par le directeur gCn6.- .. ral. Le sommaire que j'avais 6laborC pour le numCro 261 a CtC modifiC par h i en mon absence. Un a questionnaire a m lec- teurs n a CtC encart6 dans le numCro 260 B mon insu. Deux , numdros a hors sCrie a intitulds a Poster Foot n et portant le 'L

sigle du Miroir du Football ont paru sans que j'en sois avid, avec des textes rkdigds par dew journalistes de LIHumanitk et... par Albert Batteux. Une page publicitaire insCrCe dans le numCro 261 a f b e que ces numdros, bien nommCs a hors sdrie a

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tant ils sont minables dans la forme comme dans le fond, consti- tuent a le compltment idtal du Miroir du Football w.

Comment Maurice Vidal a-t-il pu cautionner ces premikres manifestations spectaculaires de la a rdnovation w ? En tout cas le journaliste s'est efface devant le permanent respectueux de la a ligne P.

La vague de chauvinisme dCclenchCe dans le grand public par la carribre des Verts dans la Coupe dlEurope ogre B la direction du Miroir I'occasion iddale du a faire du positif m. I1 faut y aller, on y va ! Alors tant pis pour a I1idCologie m, mais aussi tant pis pour u llCthique D qu'il fallait sauvegarder, tant pis pour la dCcence la plus ClCmentaire !

LICditorial du nurnbro 260 dCnonqait u la loi de la jungle P

sur les stades ... Dans le concert de trompettes B la gloire des Verts, il me parait si inutile et si dCrisoire qu'il sera mon dernier article dans le Miroir dont IICvolution est maintenant irrkversi- ble. Durant les dernibres semaines qui seront consacrbes dans une large mesure aux rCponses aux notes de plus en plus menaqantes du directeur gCnCral, mon travail consistera A contr6ler la rMi- sation technique du journal.

J.J. Faure, aprbs avoir posC des conditions inacceptables au licenciement dans les conditions prCvues par la Convention Collec- tive, me fait savoir le 3 mai qu'il a dCcidC de nommer Francis Le Goulven, rCdacteur en chef, promotion que celui-ci a acceptbe. Mais il continue B utiliser mon nom dans le gCnCrique du journal, afin de laisser croire au lecteur que je cautionne le nouveau Miroir.

La rupture

C'est la rupture unilatCrale du contrat qui me liait aux Edi- tions Miroir Sprint. Et comme J.-J. Faure ne semble pas dispose

en tirer les consCquences, j'entame la procCdure normale pour faire respecter mon droit aux indemnitCs ICgales de licenciement. Mahjoub Faouzi et Jean Boully suivront la mCme voie, tandis que Jean Norval, Norbert Eschmann et la grande majoritb des colla- borateurs B la pige enverront leur dkmission diiment motivCe. Daniel Watrin, Serge Anger, Jean-Claude Trotel, Lok Bervas, Robert BCrard, Michel Burgoni, AndrC HClard, Fouad Issad, Bom- botC et Mbemba ne prendront pas de gants pour expliquer au P.-D.G. des Editions Miroir Sprint les motifs de leur solidaritd avec le noyau rCdactionne1 (19).

(19) Voir Annexes 3' partie.

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Confronte devant le Comit6 de 1'Ile-de-France de l'Union Syn- dicale des Journalistes sportifs, avec Mahjoub, Boully et moi-meme, Maurice Vidal soutiendra la thbse d'un codlit d'ordre financier opposant le directeur gCn6ral B certains des journalistes du Miroir, . conflit dans lequel il n'est pas directement impliqu6. Ce qui ne I'empCchera pas de voter contre la motion plus que modCr6e adoptde par le ComitC, sous pritexte qu'elle mentionne a le nom des Editions Miroir Sprint n.

Plusieurs journaux ont d6jB attir6 I'attention du public sur le conflit du Miroir du Football : Le Monde, Le Quotidien de Paris, La Correspondance de la Presse, Afrique-Asie, 24 Heures de Lau- sanne, Politique-Hebdo pour n'en citer que quelques-uns.

Dans Le journaliste, son organe mensuel, le Syndicat National , des Journalistes, a pris vigoureusement en charge notre defense. Et toute cette publicit6 n'est pas de nature B r6jouir la direction des Editions Miroir Sprint et ses protecteurs.

En septembre, la r6daction u r6novCe rp du Miroir du Football '

participe, avec Albert Batten, sous la direction de Maurice Vidal, A la Fete ... de L'Humanitt. Ce qui ne s'est jarnais pass6 aupara- vant. POUT tenter de faire croire que rien n'a chang6 dam l'orien- tation sportive du journal, son stand arbore une banderole a Vive l'offensive ! n. Une double page du num6ro 273 immortalise le ralkement .

',

Le rive et le cauchemar

Ce qui nlemp$chera pas au ddbut de 1977 J.-J. Faure et Mau- rice Vidal de lancer B grand renfort de publicit6 un nouveau maga- zine de Football, ostensiblement inspirt5 dans le fond et dans la forme de u Onze D. Compar6 a la prrlsentation luxueuse, B la pagi- nation abondmte, B I'illustration 6clatmte de u Mondial D, le Miroir u r6nov6 )D fait vraiment figure de parent pauvre. Personne ne peut s'y tromper, Mondial est le magazine dont revaient Faure et Vidal depuis que le succks commercial de a Onze rp Ctait devenu leur source &inspiration. Mais alors pourquoi garder en vie ce pauvre Miroir ? Pour maintenir la fiction d'un journal demeur6 fidhle B son cc Cthique B (malgr6 la ddfection de a quelques-uns n de ses journalistes), afin de les priver ainsi de l'argument majeur dont ils se serviront devant les tribunaux pour faire valoir leur droit.

Jean-Jacques Faure va Ctre victime de ses contradictions. En multipliant les artifices de proc6dure pour retarder le ddroulement

-

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LE TEMPS DU MIROIR 129

du procks, il se trouve contraint de prolonger artificiellement la coexistence de deux magazines de football, dont l'un bat de plus en plus de I'aile. Et les cons6quences de ce genre d'emur se traduisent dans les bilans. En mai 1979, Jean-Jacques Faure est IimogC. Sa disgrice ne prdddera que de trois mois le ddds du Miroir du Football, et ce sera B son sucesseur qu'incombera la charge d'expliquer dans le fairepart que le a nombre insuffisant de lecteurs D en est la cause. Si le nom de Faure a disparu du g6n6 rique de ce numCro, celui de Vidal y figure en bonne place mais le directeur-journaliste a laissd au directeur administratif la res- ponsabilit6 de clore cr La Fete s.

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CHAPITRE XV

LA VOLONTE DU PATRON

Aprhs avoir racontC I'histoire intdrieure du journal, il reste B I'expliquer. A expliquer pourquoi la coexistence de la rddaction et de la direction, possible pendant quatorze ans, s'est avdrde . impossible par la suite.

Comme semble le montrer la conclusion de ma rdponse au projet de u rhovation n de Vidal, et le confirmer, la dklaration de M. Compeyron dont j'ai fait Ctat au chapitre prCcCdent, c'est 116volution de la politique du P.C., propridtaire des Editions Miroir Sprint qui aurait dCterminC I'Cvolution de Maurice Vidal et les dCcisions autoritaires de Jean-Jacques Faure.

Je le croyais en 1976 et je l'ai cru longtemps. J'en suis moins certain aujourd'hui, et je pense mCme que I'offensive de Vidal - contre a llidCologie r, des journalistes du Miroir du Football mas- que une autre raison. Car tout de mCme accuser les journalistes de dCfendre des a thCories anarchisantes n parce qu'un joueur amateur expose sous sa seule responsabilitd quelques iddes per- sonnelles dans une interview. .. c'est un peu gros.

Les propos de M. Compeyron sont-ils plus justifids ? Le P.C. n'a jamais confid au Miroir du Football la fonction de porte-parole du Parti. La brochure a Les Cornrnunistes et le Sport D ne le men- .' tionne pas parmi les journaux du P.C. La clienthle du Miroir ne cherche pas ii connaitre les propridtaires de la sociCtd dlEditions. I1 est par conskquent impossible que le Miroir du Football puisse donner du P.C. une image quelconque a nkgative D ou positive.

I1 n'y a jamais eu dlambigu'itC en ce qui concerne les rapports politiques de la direction et de la redaction du Miroir du Football. Durant les annCes que j'ai passees ii Miroir Sprint puis au Miroir du Football, personne n'a jamais tent6 de me faire adhdrer au P.C.

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ou de m'inciter B ddfendre dam mes krits sa politique. Je n'ai jamais subi de pression pow donner B la F.S.G.T. (dont les liens avec le P.C. sont notoires) une petite place dam les pages de dsd- tats alors que figuraient les classements du championnat de Divi- sion dPHonneur de la F.F.F. De mCme les commentaires peu flat- teurs qu'a suscitds dam les colonnes du Miroir le a nhlisme . des Cquipes de 1'Est n'ont jamais CtC mis en cause, alors que le Miroir de Z'Athldtisme couvrait de fleurs les athlhtes-propagandistes de la R.DA. et de 1'U.R.S.S. (1).

1

L'exigence d'un patron

I Est-ce b dire que durant des annCes Maurice Vidal a fait preuve

d'un 1ibCralisme exceptionnel dont nous ne lui avons pas su gr6 3 ' Ce serait ma1 le connaitre que de le croire assez imprudent pour se

singulariser de la sorte. S'il disposait effectivement d'une marge de manceuvre assez importante, il le devait h la nature du sujet trait6 par le journal. Le P.C. avait fait depuis la LiWration trop d'expkriences malheureuses en politisant ses journaux pour commettre les mCmes erreurs dans le milieu du football auquel il n'attribuait que peu d'importance politique.

Si, aux dires de M. Compeyron, ce n'Ctait pas non plus une raison financikre qui exigeait la a rhovation r, du Miroir du Foot- ball, B quoi fallait-il donc attribuer le combat que Faure et Vidal ont men6 B partir de 1974 contre les journalistes du Miroir du Football, combat qui a eu pour consCquence la dkonfiture puis la mort du journal ?

A la volontC du a patron de presse D d'imposer son autorite am journalistes, et dam le cas particulier du Miroir du Football, de rkcupdrer un journal qui intellectuellement, moralement, poli- tiquement ne h i appartenait plus, puisqu'il ne pouvait en connai- tre le contenu avant I'ensemble des lecteurs, puisqu'il ne pouvait pas prendre connaissance du sommaire avant eux.

Cette volontC que Maurice Vidal manifestait b intervalles irr& ; guliers durant la pCriode de a coexistence pacifique r, Ctait celle

d'un patron. FormulCe par un directeur qui tenait son pouvoir de l'appareil du P.C., ou par un directeur choisi par un conseil d'admi- nistration capitaliste, cette volontt Ctait de meme nature.

Durant des annCes elle ne fut pas assez forte pour venir & bout de cet Etat que constituait les j ournalistes-footballeurs. Peut- &re parce que ceux-ci bCnCficiaient du soutien des lecteurs dont la fiddlitb Ctait attest& par les chiffres de la vente et I'adhdsion

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132 LE TEMPS DU MIROIR

prouvk par un courrier dont le niveau adulte B en imposait. Puis la dCt6rioration Cconomique des Editions Miroir Sprint

due A la conjoncture gCn6rale mais aussi & des erreurs journalis- tiques dont les plus coirteuses furent la crgation de I'hebdoma- daire Sports D et le maintien du Miroir de 2'Athldtisme - provo- qua Sintervention du Groupe Vaillant, la venue de Jean-Jacques Faure et le projet de se servir de son pouvoir.

L'exemple Hersant

Le Miroir du Football Chit avec le Miroir du Cyclisme I'une des mamelles des Editions Miroir Sprint. Le nouveau directeur trouva un prktexte apparemment s6rieux pour l'arracher aux jour- nalistes : augrnenter sa rentabilit6, c'est-&-dire augmenter le nom- bre de ses acheteurs, c'est-A-dire le transformer pour qu'il plaise de nouveaux acheteurs.

Si Son se place dans le contexte de la p6riode 1973-76 le pro- jet de J.-J. Faure et son pdtexte ne brillaient pas par leur originalitd.

C'est en effet en juin 1972 que M. Hersant devient le patron du grand quotidien rdgional Paris-Normandie, m a l e la rdsis- tance de sa rddaction animde par P.-R. Wolf. Un accord est sign6 qui instaure un systkme de concertation. Mais deux ans aprks il est d6noncd par M. Hersant, et les journalistes sont si conscients d'avoir perdu leur libert6 d'expression que 70 d'entre eux sur 120 invoquent la clause de conscience, prennent des retraites antici- p&s ou ddclarent, cornme leur rCdacteur en chef, que leur contrat de travail est rompu. Paris-Normandie Ctait un journal qui a mar- chait D et rapportait de l'argent, mais le pr6texte all6gu6 par M. Hersant fut : augmenter sa rentabilitg.

En juillet 1975, Le Figaro passe & son tour sous le contr6le de M. Hersant, qui a profit6 de difficultds financikres mineures de ce journal solidement implant6 pour acqudrir m e participation majo- ritaire dans le capital de la socidt6. Les journalistes, group& dam une a soci6td de rtklacteurs B qui revendique une certaine ind& pendance de la rhc t ion , manifestent cliairement leur opposition. Mais des intrigues intCrieures et des pressions politiques u brisent les reins B de la rac t ion , suivant I'expression de Denis Penier- Daville, auteur de a La Libertd de la Presse n'est pas cf vendre a. Bilan dress6 dans le meme ouvrage : a Les j oud i s t e s les plus

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dynamiques sont partis d'eux-mgmes ou ont t t t licencits. 55 ont fait jouer la clause de conscience d& l 'advte dlHersant. Depuis, une lente htmorragie vide le quotidien, de nombreux collabora- tars s'en vont les uns aprbs les autres, sans bruit ou en claquant la porte. Au total 120 journalistes ont quittd le journal depuis I'arrivte de son nouveau proprittaire. La plupart de ceux qui res- tent le font parce qu'il faut bien vivre. .

C'est aussi en octobre 1974 que Maurice Siegel, Sun des fonda- teurs dlEurope 1 est licencib. En 1976 les journalistes de France- Soir font grkve pour tenter de s'opposer B I'achat de 50 % des actions du grand quotidien du soir par I'indvitable M. Hersant. Tous ces conflits ont la mCme cause : les journalistes veulent que soit reconnu leur droit B la libertd d'expression et B la dignitd de leur profession, tandis que les patrons de presse exigent que le pouvoir qu'ils doivent B Sargent soit sans partage. Toutes propor- tions gardCes, le combat de M. Hersant est celui de J.J. Faure.

L'identification ne s'arrbte pas 1P ... Elle se poursuit dans le comportement de ces patrons vis-B-vis des journalistes qu'ils ont contraint au dCpart. Tous les moyens sont bons aux patrons des Editions Miroir Sprint pour ne pas respecter les droits des sala- rids ddfinis dam la convention collective des journalistes. Tous les moyens sont bons B leurs yeux pour retarder au maximum I'intervention des tribunaux du travail, y compris les accusations les plus stupides.

Avec Mahjoub Faouzi il nous faudra attendre quatre ans et demi le paiement de nos indemnitCs lCgales de licenciement, la direction de Miroir allant dam mon cas jusqu'au pourvoi en cas- sation pour tenter de 12viter. Et apparemment nous ne somrnes pas les victimes d'une rancune particulibre puisque durant la meme pCriode les directeurs de journaux ou revues appartenant au PC. (Pif-Gadget, La Marseillaise, L'Echo du Centre) montrent la meme intransigeance B l'dgard des journalistes ou dessinateurs avec lesquels ils sont en conflit.

Dans quelle mesure le rdcit de la vie intkrieure du Miroir du Football peut-il encore intdresser le public ? C'est une question que je me suis plusieurs fois posCe en Ccrivant la seconde partie de ce livre. Mais existait-il une autre manibre de faire connaftre au public les vbritables raisons du dCpart de ses journalistes soi- gteusement occultdes par les propos-contradictoires de Maurice Vidal.

Le 26 septembre 1977 dans m e interview 21 LDHumanitt!, il dkfinissait ainsi Sob jectif des u profondes modifications m, que son interlocuteur avait d&el&s dans le Miroir du Football depuis

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un an : a Le sens gdndral en ktait une modernisation. Non seule- ment sur le plan technique, mais SUR LA FACON D'ABORDER LES PROBLEMES DU FOOTBALL. J'ai presque envie de dire LES PROBLEMES DE L'INFORMATION. v

Dam la meme interview, il explique ce qu'il entend par ces termes : a Surtout nous bannissons duns les commentaires, criti- ques ou dtudes destindes aux connaisseurs du football TOUT ASPECT DOCTRINAL OU SECTAIRE. Nous voulons &re le maga- zine du DEBAT SUR LE FOOTBALL. Sur tous les aspects a du Football. v

Ap&s avoir ddfini tr&s clairement le sens des a modifications profondes v qu'il lui est impossible de dissimuler, Maurice Vidal n'en dklare pas moins au Journal de la Presse du 13 mars 1978 qui l'interroge sur les incidences du d6part du rddacteur en chef du Miroir depuis sa crhtion en 1960 : a Le ddpart de Fran~ois Thtbaud n'a t t t qu'un problbme de fomze et il n'y a pas eu de changement IDEOLOGIQUE. B

Mais ces contradictions passent inaperqus dans l'ambiance de fol optirnisme qui est celle de la presse du football la veille de ,, la Coupe du Monde 1978. L'organe professionnel a Le journal de la Presse m en a fait le th&me de son numCro de juin sous le titre a Mundial 78 : une manne pour le marchd de la Presse v. Et on ,

peut y lire ces pr6cisions significatives : a Cinq mensuels, u n bimensuel, deux hebdomadaires et un quotidien ... la presse fran- qaise du football est d'une richesse dtonnante ... Et aujourd'hui h I'approche de la Coupe du Monde les projets de lancement de nouvelles revues se multiplient. v

Directeur de Mondial et du Miroir du Football, Maurice Vidal est un patron de presse comb16 ... jusqu'au lendemain de la ddfaite des tricolores devant 1'Italie ti Mar del Plata, qui remet en ques tion et les a lancements de nouvelles revues B et l'existence de certaines de celles qui existent.

On comprendra son mutisme en septembre 1979 lorsqu'il s'agira d'expliquer pourquoi le Miroir du Football cesse sa parution.

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CONCLUSION EN FORME DE QUESTION :

CE FOOTBALL A-T-IL BESOIN D'UN MIROIR?

Cinq annCes se sont CcoulCes depuis que le Miroir du Football a cessC dlCtre la revue dont les id& provoquaient des remous dam le monde de la balle ronde. Et personne n'a tent6 d'occuper le terrain qu'il a laissC libre.

Les exploits europCens de Saint-Etienne et les espoirs suscitb par la qualification de 1'Cquipe de France pour le Mundial 78 ont fait naitre une multitude de magazines et de livres hagiographi- ques. Mais la caractdristique la plus remarquable de cette made de prose imprimde qui ne cachait pas ses buts mercantiles, a t t t l'absence compl&te dlidCes sur le football.

C'dtait si Cvident que Jacques Ferran, le porte-parole du confor- misme officiel, s'est trouvd dans I'obligation, pour donner une justification A ses Cditoriaux, de tenir aussi le rBle d'avocat du diable. En adoptant une partie de ce que Maurice Vidal appelait r l'dthique du Miroir sur laquelle s'est ddjh fait un large consen- sus B. Et l'on a pu lire dans France-Football des condamnations Cnergiques de la violence, de la commercialisation, de la mauvaise gestion des clubs professionnels, h cBtd ... d'approbations chaleu- reuses des institutions, des iddes et des hommes qui engendrent ou prdconisent la violence, la commercialisation et la ddgradation de l'esprit sportif.

Ce qui a fait 110riginalit6 du Miroir du Football de 1960 h 1976 - et ce qui fait l'impossibilit6 de le plagier - n'est pas d'avoir ddnoncd les dCfauts ou les tares du football et pnkonist5 certains remhdes, d'avoir combattu certains hommes et soutenu d'autres. C'est d'avoir ttabli m e conception du football a dont tous les aspects (philosophiques, moraux, tactiques, techniques) sont ttroitement libs B, ainsi que je le rappelais dam I'dditorial du No 77, en avril 1%.

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136 LE TEMPS DU MIROIR

Jacques Hund le souligne aussi dam sa th&se de D.E.S. de Sciences Politiques. I1 cite d'abord m e ddfinition de Fernand Durnont, auteur d'un ouvrage intitulC c Les idblogies n : a L'idbo- logie est une penste qui combat et qui parle pour combattre ; une penste qui se veut davantage soucieuse de ses fondements et de ses vistes, qui cherche h se donner un destin thborique D. Puis il ajoute : << Le Miroir du Football en est une illustration typique, tant il est portt sur la poltmique et tant il tlbve la rationalit6 intel- lectuelle, la cohtrence philosophique au niveau d'une institution. Pensbe de combat h n'en pas douter, jusqu'h &re en partie un organe de contre-information h l'tgard de L'Equipe - France- Football, soucieux de ses fondements et de son destin thtorique. I1 est pour ainsi dire impossible de prendre le Miroir du Football en dkfaut sur ce plan : nu1 u dbviationnisme B par rapport aux objectifs et a u . idtes qu'il s'est donnts pour rendre compte du football. La rigueur cartksienne adoptte dans ses colonnes consti- tue peut-&re un exemple unique dans la presse sportive mondiale B.

Est-ce la lecture de ces lignes qui a suggCr6 au u renovateur r,

du Miroir que la meilleure f a ~ o n de briser ce bloc Ctait de disso- cier I'bthique de I'idCologie ? Qui I'a incitC B penser qu'il sufisait d'Ccrire : cc Vive I'offensive! B pour convaincre les lecteurs du Miroir que leur journal n'avait pas changC apr2s le dCpart de sa rddaction ? Si tel a CtC son calcul, le a faire-part n de septembre 1979 a prouvC qu'il Ctait erronC.

L'origine historique du football

Le football phdnomkne social important ... tel a Ctd le point de ddpart de l'iddologie du Miroir, le th&me de mon premier Cdito- rial h une Cpoque oh le grand public, les milieux dirigeants du sport, et m$me les spdcialistes de football refusaient de faire ce constat. Expliquer I'origine de ce phdnomkne social Ctait logique- ment le premier pas dam la voie de son Ctude thdorique. Pierre Lameignbre se chargea de ddvelopper avec toute la rigueur de sa conviction, une idCe qui mlCtait depuis longtemps familib-e mais dont la paternit6 revenait compktement B Paul Charriaud.

Ancien footballeur, son intelligence et sa culture s'insurgeaient devant I'invraisemblance des explications traditionnelles qui situaient I'origine du football en Chine avant JCsus-Christ ou au Moyen-Age en Italie ... Pour h i , le fait qu'en Angleterre le football est demeurd un sport ouvrier, comme pratique et comme spec- tacle, n'est pas fortuit, car ce sont les ouvriers de ce pays qui l'ont

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invent6 au 19" sibcle peu apds la naissance de la grande industrie. 11s l'ont invent6 parce qu'il rdpondait aux besoins physiques nou- veaux qu'engendrait la nature de leur travail (atrophie de membres infkrieurs). Parce qu'il rdpondait par son caractkre collectif au mode de pensde issu de la forme collective de leur travail. Que des intellectuels l'aient ensuite codifid ne change rien B l'origine rdelle du football, dont les pratiquants et les spectateurs conti- nuent se recruter d'abord dans les milieux populaires.

C'est dgalement Paul Charriaud qui le premier, B ma connais- sance, prit la responsabilitd de classer le football parmi les Arts. Un mot que des chroniqueurs utilisaient parfois sous le coup de I'enthousiasme, mais dont ils s'empressaient de rougir quand des adversaires du sport leur faisaient remarquer sdvkrement qu'ils avaient intdret h mesurer leurs propos, s'ils ne voulaient pas passer pour des gens incultes.

Les journalistes du Miroir, en accordant la primautd B la crdation, B l'inspiration, B l'imagination, au plaisir, qui trouvent dans le jeu offensif leur terrain d'dlection, acceptbrent trhs volon- tiers le qualificatif de (c romantiques B qui se voulait mbprisant. Contrairement aux a rkalistes s pour lesquels le football est un travail pCnible et un combat oh tous les coups sont permis pourvu qu'on ne se fasse pas prendre, ils ont ddfendu l'idde qu'on ne peut dissocier le rCsultat du moyen mis en czuvre pour I'obtenir, c'est- Bdire du jeu, lequel est en dernikre analyse l'essentiel. Durant la plus grande partie de I'existence du Miroir, le football brdsilien en gdneral et PelC, l'incarnation individuelle la plus parfaite de I'art du football, lui ont fourni les plus Cloquents des exemples.

LIArt n'a pas de patrie

LIArt - en football comme dans tous les domaines - n'a pas de patrie. Le public fransais des stades le prouvait par son compor- tement lorsque les grandes Cquipes Ctrangkres comme Santos ou Fluminense dkclenchaient ses explosions d'enthousiasme. Mais le nationalisme appuyC sur la tradition et l'habitude n'en reste pas moins ancrd dans son esprit. Et I'innovation qui consistait B consacrer prks de la moitid de chaque nurndro du Miroir au foot- ball international choqua d'abord une partie des lecteurs, dont certains nous Ccrivaient : u Le football belge, on s'en fout ! Parlez- nous des Franqais ! n

Peu peu se manifesta leur adhdsion B cette optique interna- tionaliste qui ne se traduisait pas seulement par la grande place

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accord& au football international, mais par la manibre humaniste de traiter le sujet. Cette conception valut au Miroir dans toutes les parties du monde une cote de syrnpathie que n'ont jamais conquise ceux qui ont du sport une vision nationaliste ou raciste. En AmCrique du Sud, on n'a pas encore oublid qu'il fut le seul journal europCen B ddvoiler la machiavClique manoeuvre dont furent victimes les Cquipes du Brhil, d'Argentine et dlUruguay dans la Coupe du Monde 1966. En Afrique, joueurs, entraineurs, dirigeants manifestkrent de chaleureux sentiments d'amitid B l'dgard du premier journal qui dressa un inventaire dCtaillC des magnifiques ressources de leur football et qui l'incita, hClas vai- nement, B conserver sa personnalitd au lieu de copier le football europCen.

I1 n'y avait aucune contradiction entre cette conception inter- nationaliste du football et l'intransigeance avec laquelle le Miroir s'est ClevC durant des annCes contre ceux qui insultaient les joueurs fran~ais parce que leurs rdsultats internationam Ctaient dbastreux. Leurs performances ultCrieures devaient prouver qu'il Ctait stupide et malhonnete d'accabler les joueurs, et que nous avions raison de rCpCter que leurs qualitCs naturelles nlCtaient pas moindres que celles de leurs rivaux heureux.

Le football est a un ID

La grande place rCservCe au football international n'a pas empCchC non plus le Miroir de consacrer aux petites Cquipes, aux joueurs amateurs et B leurs probkmes les pages qu'ils mCritaient. La dkmagogie n'avait aucune part dans cette attitude, que justi- fiait notre conception globale du sport. Le a football est un D, il n'y a pas de mur entre le football des petits et celui des grands, mais interpCnCtration constante, parce que les rkgles et les prim cipes du jeu sont les mCmes pour tous. Et quand il est amvC que des Cquipes amateurs donnent la legon B des Cquipes cClkbres dans un domaine quelconque du football - qu'il s'agisse de l'or- ganisation du jeu, de I'organisation du club ou des rdsultats - le Miroir n'a jamais hCsitC B donner h ces formations exemplaires autant de place qu'aux formations les plus prestigieuses. C'est ainsi que des clubs cornme Lamballe, Guingamp, Cavalaire, le Stade de I'Est, le C.S. CrCdit Lyonnais ont CtC l'objet de reportages et dPCtudes suivies. Des rubriques comme Foot-Junior tenue par Maurice Ragonneau pendant des annCes, les feuilletons remar- quables de Robert BCrard sur la pratique de la ddfense en ligne,

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les campagnes pour une organisation ddmocratique des clubs et de la Fdddration, ou contre I'obligation pour les petits clubs de rdtribuer un entraineur dipldmd, reltvent de la meme conception humaniste que la comprdhension pour les probltmes du football sdndgalais ou ivoirien.

Les dtudes de Pierre Lameigntre sur le jeu collectif ont fourni la base thdorique ndcessaire B l'dlaboration d'une pratique consciente du jeu. A la question a comment le football peut-il rdaliser pleinement le caracttre collectif qu'il tient de ses origi- nes ? n, notre regrettd collaborateur rdpond : par la disposition des joueurs la plus favorable h I'Ctablissement de leurs comrnu- nications, B la rhlisation permanente de la couverture, des sou- tiens et des appuis, h la construction rationnelle du jeu offensif, qui provoque le d6sCquilibre collectif de I'adversaire. Grice B la loi du hors-jeu dont Pierre Larneignkre a magistralement justifit5 I'existence, le resserrement des lignes, et la concentration des joueurs indispensable B la construction offensive peuvent &re rhlis6s sans recourir B une dCpense physique excessive, ce qui permet une repartition rationnelle de l'effort, condition de I'effi- cacitd vdritable et de sa durke.

Pourquoi ce jeu collectif - que tous les entrafneurs pr6ten- dent cultiver - est-il de moins en moins honor6 dans les faits ? Pourquoi le jeu u en contre n qui s'appuie sur des principes dia- mdtralement opposds (marquage individuel et libero, replis mas- sifs, abandon de la construction offensive, spkulation sur I'erreur de l'adversaire et l'exploit individuel) est-il appliquC dans tous les pays et B tous les niveaux, alors qu'il porte la responsabilitd directe de la dCgdndrescence du spectacle et de la ddsertion des spectateurs 2

Parce que la philosophie et la morale que cette conception du football implique sont celles d'un environnement social attach6 B I'individualisme, un individualisme exacerb6 en Mriode de crise. I1 y a donc contradiction entre la nature collective du football et l'environnement social qui lui impose ses normes individualistes. Cette contradiction peutelle Ctre rdsolue dans un type de socidtd pennettant au football d'exprimer toutes ses possibilitds collec- tives parce qu'il sera en harmonie avec son milieu ? Thbrique- ment concevable cette perspective n'a jamais requ dans la dalit6 la moindre confirmation. Et si la thtse du Miroir sur l'origine ouvritre du football continue it me parattre juste, le rdle historique de la classe qui l'a enfantd est une notion que les dvdnements n'ont pas vdd6.

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Dissocier c'est caricaturer

En survolant les idCes qui ont constitud I'Cpine dorsale des numdros du Miroir publids entre 1960 et 1976, j'ai voulu surtout qu'apparaissent leurs liens a h de montrer que les utiliser hors de ce contexte Cquivalait B les caricaturer.

Ainsi l'importance que donnent aujourd'hui au football inter- national certains magazines spCcialisCs fran~ais ne contribue pas plus B Clargir les connaissances sportives du public que les maga- zines consacrCs au a rock m ne contribuent au progrks des connais- sances musicales de leurs lecteurs. Dans les d e n cas il s'agit de crCer ou de prCsenter des a idoles B et non de parler de football ou de musique.

Cette caricature d'internationalisme se concilie d'ailleurs fort bien avec le chauvinisme. De mCme que la a lutte contre la vio- lence B s'accornmode de la dissimulation hypocrite de ses mani- festations les plus odieuses et de l'approbation des systhmes de jeu qui la provoquent inkluctablement. De mCme on peut se pro- clamer partisan du jeu offensif et se joindre au concert d'Cloges qui salue une Cquipe gagnant sur un a contre m aprb avoir CtC largement dominCe par son adversaire.

Mais laissons 1B les idCes abstraites pour examiner le sort de eertaines positions trhs concrktes du Miroir.

La ligne, le pidge et le remplacement des joueurs

Aux yeux des conformistes des annCes 60, la defense en ligne Ctait m e spCculation sur m e loi du jeu dont I'existence ne leur paraissait pas trks justifike, une sorte de tricherie. C'est d'ailleurs au moment ou Anderlecht illustrait avec un Cclat particulier les vertus offensives de la dCfense en ligne que se dkclencha la cam- pagne pour la suppression de la loi du hors-jeu dont I'existence remettait en cause la nCcessitC du libero, pikce maitresse du jeu en contre dont le champion Ctait Helenio Herrera. L'International Board fit la sourde oreille et comme la gdndralisation du systhme ddfensif B base de libero enlevait toute justification B la suppres- sion d'une loi devenue pratiquement inutile, les abolitionnistes abandonnhrent leur exigence.

Quelques annCes plus tard ceux qui stigmatisaient comrne une tricherie I'utilisation de la loi du hors-jeu dans la dCfense en ligne vantaient I'habiletC et I'intelligence de son utilisation par les ddfen-

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seurs d'Ajax. Au commandement du libero qui effectuait une rapide monte% a partir de sa position en retrait, les arrihres du club hol- landais s'alignaient et plasaient en position de hors-jeu I'attaquant adverse qui s'Ctait aventurC en pointe pour appeler une balle en profondeur. C'Ctait un pibge utilisC a des fins strictement dkfen- sives. De nombreuses Cquipes l'adoptbrent, avec certaines rCticen- ces en raison des difficultks de la synchronisation rapide du mou- vement des dCfenseurs et des erreurs possibles &arbitrage. Mais 1'Cquipe de Belgique, passCe sous la direction de Guy Thys, en fit

, une utilisation systdmatique et bCnCfique sur le plan des rdsultats dans la dernibre Coupe dlEurope des Nations.

ExpCdient destructif, cette utilisation du hors-jeu a resu I'approbation des adversaires ... de la dCfense en ligne. La rCcup& ration du ballon en position avancCe permet d'apporter soutiens

, et appuis aux joueurs du milieu et participer l'offensive. Mais cette perspective n'intdresse pas les partisans du jeu a en contre w, indifFCrents A la construction du jeu collectif. Ce faisant, ils sont peut4tre logiques avec eux-memes. Mais s'ils donnent au hors-jeu congu c o m e un pibge l'appellation de a dCfense en ligne w ou ils manifestent leur ignorance ou ils veulent abuser le public, puis- qu'il s'agit de notions fondamentalement diffkrentes.

Voila en tout cas une illustration caractQistique du sort qu'a ' subi une notion dans laquelle certains prdtendaient r4sumer la

conception du football du Miroir. C'est dans le but trbs clairement formulC de sauvegarder la

regularit6 sportive des matches faussCe par les blessures, acciden- telles ou non, qu'en 1960 le Miroir a land sa campagne pour l'au- torisation de remplacer des joueurs en cours de partie. Mais cette autorisation obtenue officiellement, les entrahews se sont empres- sCs de l'utiliser pour corriger la composition de leur 6quipe au cours de la partie ou pour remplacer des joueurs fatigub par des joueurs frais. Deux manihres de violer l'esprit du jeu qui ne susci- tent plus aucune opposition, tant elles sont entrks dans les habi- tudes. Ceux qui nous rappelaient que le football se joue onze, pour s'opposer au remplacement des joueurs mis hors de combat pour cause de blessure, ont CtC les premiers dkformer un projet dont l'objectif Ctait prdcisCment d'assurer que le football se joue B onze contre onze et non A dix contre onze. Tous les moyens sont bons, affirment les u rms tes a.

La naissance du football fdminin await rndritd beaucoup plus de place que celle que le Miroir lui a consacrh si, au lieu de copier le football masculin jusque dans ces ddformations les plus anti- pathiques, nos compagnes avaient manifest6 la volontd de prendre

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en mains la conduite de leur sport et d'y apporter leurs qualit& spbcifiques. I1 suffit de rappeler qu'une Coupe du Monde profes- sionnelle disputke au Mexique sous les quolibets de publics u machistes B prCcCda I'organisation de compCtitions dgionales et nationales, pour comprendre que le football fkminin naquit sous le signe de la plus navrante des commercialisations. Aujour- d'hui le nombre des pratiquantes et leurs progrks techniques sont loin dlCtre nkgligeables. Mais, trks minoritaires au sein des FCdB rations masculines qui contr6lent leur activitC, les femmes ont accept6 la loi de la majorit6 masculine et perdu pour longtemps ,,

toute chance de jouer un r61e positif dam I'Cvolution du football.

Honnites adaptations

L'opportunisme des adversaires du Miroir ne s'est pas tou- jours manifest6 par la reprise et la d6formation des idCes qu'il a lanc6es ou ddfendues. I1 s'est manifest6 par des adaptations dis- crktes h des positions sur des problkmes divers que notre journal Ctait le seul h defendre.

En 1966, les agressions qui avaient mis hors combat Pel6 au cours de la Coupe du Monde disput6e en Angleterre Ctaient consi- d6rdes par le journal L'Equipe comme moins importantes que son a dCclin B. Quatre ans plus tard Pel6 remportait h Mexico le triom- phe que I'on sait. Le 15 mai 1981, h I'initiative du mCme journal, Pel6 a requ solennellement Paris le titre de u champion du sib cle B qui lui a CtC d6cernC par un jury de journalistes de tous les continents. Cette distinction, pleinement mCritCe, ne peut que r6jouir ceux qui ont fait de Pel4 le syrnbole d'une certaine idte du football et ceux qui dCmontr&rent en 1966 qu'il Ctait en pleine possession de son g6nie. Mais on a le droit de sourire quand on n'a pas la mCmoire trop courte et quand on constate que dans le r6fCrendum qui a distinguC PelC, le journal organisateur lui a prCf6rC Jesse Owens !

Autre u rktablissement B (au sens acrobatique du terme) celui des dirigeants de la FCdCration Franqaise de Football et des a cer- veaux D du journal L'Equipe : la rdhabilitation officielle de Ray- mond Kopa. Le 28 octobre 1963, Jacques Goddet, directeur gCnCral de L'Equipe, stigrnatise a la dCsertion B de Kopa qui a refuse de jouer contre la Bulgarie parce qu'il a CtC insultC par le sdlection- neur Verriest. Kopa est frappC d'une suspension de un mois par la FCdCration, de six mois par le Groupement, dCsavouC par son prdsident de club et... dCfendu par un seul journal, Miroir, qui

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publie un numCro sptcial dans ce but (20). Moins de six ans plus tard, le 14 janvier 1969, Kopa est nommC membre du Consell FCdCral, I'organisme de 14 membres qui dirige la FddCration. I1 sikge aux c6tCs des Prdsidents de la FCdCration et du Groupement qui l'ont condamnd, et L'Equipe se rdjouit dans un editorial du 8 janvier de la collaboration de a I'ex-dbserteur n avec a ceux qui l'ont honnztement condamnd il y a de longues annkes P I

Cette a rkhabilitation totale m, que le Miroir rdclamait dans son numCro spCcial, a cachd bien sQr I'intention d'utiliser le pres- tige du champion pour couvrir une u riforme n illusoire de la

c4 FCdCration dont I'image de marque avait un besoin urgent de rava- lement aprks I'occupation du sikge de I'avenue d'ICna, dans I'atmo-

. sphkre de contestation crCCe par les footballeurs amateurs et pro- fessionnels. Mais la prdsence au Conseil FCddral de Kopa devenu a le joueur exemplaire P et de Michel Hidalgo, prCsident de IIU.N.F.P., traduisait aussi la grande peur des pouvoirs dirigeants et la prdparation d'une concession de taille : 1'Ctablissement du contrat B temps rdclamC par le Miroir depuis 1960.

L'abolition du systkme des transferts en janvier 1969 a CtC I'une des victoires les plus spectaculaires des journalistes du

. Miroir. Non seulement parce qu'elle rkpondait B leur conception humaniste du sport mais parce qu'ils I'avaient prCparCs par leurs Ccrits et aussi par des actions dont ils ont pleinement assumC les risques et les responsabilitCs : l'occupation du sikge de la F.F.F. et le soutien actif au match a interdit P Saint-Etienne - Angers en novembre 1968 (21).

Si les Concours de Pronostics n'ont pas CtC instaurds, en dCpit des efforts continuels des pouvoirs dirigeants et de la grande majorit6 de la Presse, je n'aurai pas I'outrecuidance d'attribuer ce fait aux campagnes suivies du Miroir. Les intCrCts financiers du TiercC et du Loto sont trop puissants pour toldrer la concur- rence que reprksenteraient les Concours de Pronostics. On s'en rdjouit, car la ddgradation du football aurait CtC accClCrCe par la transformation des stades en tripots.

(20) Sous le titre u Kopa, I'homme, I'afFaire D.

(21) MalgrC l'opposition de la F6dCration, du Groupement et de leurs diri- geants de clubs, les joueurs de Saint-Etienne et #Angers ont jouC au stade de Saint-Ouen un match au profit de l'U.N.F.P., arbitre par un ancien joueur Pm.

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Des campagnes utiles

D'autres opinions du Miroir ont CtC adoptdes par ceux qui les avaient rejetees quand elles furent publides. I1 est Ctonnant par exemple de constater aujourd'hui le discredit qui frappe la Coupe du Monde 1966 dont aucun journal europkn, en dehors du Miroir, n'kcrivit B I'Cpoque qu'elle avait Ct6 fausst% de bout en bout par les soins de Stanley Rous, aid& par des arbitres choisis par lui.

Le refus ou les rkticences des grands clubs europCens devant la Coupe Intercontinentale s'explique par les comportements scan- daleux du Racing de Buenos Aires et d'Estudiantes de la Plata. Mais B I'exception du Miroir, qui, dans la presse europtknne accorda de l'importance aux vdritables hold-up dont furent vic- times Ile Celtic, Manchester United et Milan A.C. en Argentine 3

En France les pouvoirs dirigeants du football et la presse - conforrniste finirent par admettre que les critiques B I'adresse de ceux qui succkdkrent A Paul Nicolas B la tete de la sClection natio- nale, Ctaient fonddes. Et les limogeages de Verriest, Gudrin, Dugau- guez, Boulogne et Kovacs furent autant de tardives adhbsions aux campagnes du Miroir. Ces campagnes reposaient uniqument sur I'analyse de la conception du jeu des dlectionneurs. Elles rejoi- gnirent I'opinion d'un public qui ne se laissait pas dgarer par des rdsultats dCpourvus de toute signification quand on les pla~ait dans le contexte du jeu. La plus dure des sanctions provoqukes par la politique incohkrente des sdlectionneurs fut la longue ddsaf- fection des spectateurs pour les matches de 1'Cquipe de France.

En soulignant, par de grands reportages de ses envoyds sp6 ciaux, l'importance de la venue de Pel6 aux U.S.A. pour I'implanta- tion du football dans le nord du continent amdricain, le Miroir a 6tC fidkle B cette m6me ligne de conduite. TirC par sa formidable a locomotive r> brdsilienne, le soccer a brGlC les dtapes tant dans le domaine du dCveloppement en profondeur que dam celui des affluences dans les matches de professionnels. La retraite de Pel6 en novembre 1977 a marquC la fin de cette stupCfiante pro- gression que I'engagement de vedettes europdennes comme Becken- bauer, CruyfF, Rensenbrink, Van der Elst, Best, visait h poursui- vre. Et I'on peut se demander aujourd'hui devant son ddclin dCsor- mais Cvident si les jours du football professionnel aux Etats-Unis ne sont pas ddsormais comptCs.

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Un optimisme dtmenti par les faits

Les id& du Miroir ont provoqud beaucoup de remous et un nombre d'entre elles se sont imposdes en ddpit de la diffusion infini- ment plus importante des thkses conformistes. Mais, il faut le reconnaitre, elles se sont avdrkes impuissantes 8 modifier l'dvolu- tion du football ddterminde par son environnement social.

L'optimisme que manifestait la conclusion de mon dditorial du numCro 200 8 la fin de 1973 dtait d'autant plus injustifid que je posais dans le mCme article 8 propos du combat de Miroir la question suivante : a Aurions-nous rdsistd si le formidable rayon- nement de Pel6 n'avait pas constitu6 la vivante rdfutation du men-

* songe rkaliste ? D Et ce qui suivait : a D'autres Pelt naZtront sur tous Zes continents pour que vive le football offensif D n'dtait qu'un acte de foi aussi peu convaincant que si j'avais &rit : a Le football offensif vivra pour que missent d'autres Pelt. w Car il n'y a plus de football offensif ni de Pel&

En fait je crois qu'8 cette dpoque nous sentions ddjh confusa ment que l'environnement social qui ddterrninait l'dvolution du

. football n'allait pas de sit& &re transform& Et qu'un journal dCcidC a refuser son concours au football-business perdrait sa raison #&re dans un milieu oix le football-art n'dtait plus qu'un souvenir. La conjonction de l'dvolution du football et de la volont6 de reprise en main du Miroir par ses propridtaires a donc eu logiquement le dernier mot.

Aujourd'hui il suffit d'analyser paralklement les caractdristi- ques du football actuel et celles de la presse spkialisde pour comprendre qu'il n'y a pas de place pour un journal comrne le Miroir. Ces matches sans jeu, oh les tirs de coups francs et Zes concours de pdnalties sont de plus en plus les facteurs ddcisifs, ne mkritent pas d'autres comrnentaires que les propos insignifiants qu'ils suscitent. DCsormais assurds de ne plus voir leur omnipo- tence et leur compktence contestde, dirigeants et entraheurs dip16 mds disputent la vedette aux joueurs et pontifient avec m e comi- que suffisance, sans s'apercevoir que l'empire dont ils se croient les maitres commence a craquer de toutes parts. Car dans tous les pays la stagnation ou la baisse du nombre des pratiquants accompagne la chute du nombre des spectateurs et la crise &om- mique ne permettra pas aux collectivitds publiques de boucler inddfiniment les trous des gestions monstrueusement fantaisistes qui caraotdrisent le football a sdrieux B. Mais les faillites de clubs

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prestigieux comme le Stade de Reims et I'Olympique de Marseille n'incitent pas plus B la rdflexion que les statistiques ou que I'ennui de plus en plus pesant engendrd par les u grands matches s dont la presque totalit6 des acteurs se consacrent h des aches exclusi- vement ddfensives.

Le ref let d'un football sans perspective

La Presse spCcialisCe est le reflet de ce football sans ouver- ture et sans perspective oh le jeu, I'art, le plaisir du joueur et du spectateur ckdent la place au travail rebutant, au calcul sordide, h la frustration. Car si elle manque d'iddes sur le football n'estce pas parce que celui-ci est bien incapable de leur en fournir ou de leur en inspirer, puisqu'il emprunte dCsormais les siennes B l'indus- trie, au commerce, 21 la publicitC, voire a la discipline militaire s comme RenC Hauss. Et l'on peut se demander s'il existe dam la sociCtC d'aujourd'hui un domaine oh le rkgne du conformisme est aussi absolu que dans le monde du football. Alors que la compCti- tion sportive postule la contestation permanente de la hiCrarchie Ctablie et la recherche constante de I'innovation, le football-busi- ness se complait dam I'imitation, la copie, le plagiat, l'admiration bCate des idCes reques.

Personne ne s'insurge lorsque des entraineurs rCputCs dCcou- vrent le 4 4 2 quinze ans aprks la conskration usurp& de ce dis- positif h la Coupe du Monde 1966, et ont l'audace de declarer qu'avec ses deux avants il est plus offensif que le 4-3-3 ou le 4-24 Personne ne s'indigne quand I'entraineur d'une Cquipe profession- nelle internationalement connue, accepte dans un match de coupe d'btre malmenCe par une petite formation rkgionale d'arnateurs afin de conserver un match nu1 B 0-0, et dkclare : u Je suis satis- fait, nous avons fait I'essentiel! m Personne ne traite de cretins l'entraineur et le dirigeant qui pleurent sur la dCsertion des stades et justifient le jeu misCrable de leur Cquipe en dklarant : a Ce n'btait pas h elle de faire le jeu ! m Personne ne fait savoir ce joueur qui s'illustrait recemment sur les terrains par sa techni- que et son intelligence du jeu, qu'il ment effrontdment quand il affirme sans rire h la TClCvision que le football est a en progrks D. Personne ... parce que tout cela est si bCte, parce qu'il est si Cvident que I'argent est le facteur dCterminant dans le football moderne qu'on s'explique l'objectif apparemment puCril de l'animateur de l'un des magazines sp&ialisCs franpis : a Mettre en exergue les champions, les faire voir sous leur plus beau maillot. Un pro gramme qui n'exige Cvidemment aucun commentaire.

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Le recours massif ti l'interview cache la crainte ou le refus des spdcialistes de football d'aborder de front des reMit& qu'il est bon d'estomper ou de dissimuler pane qu'il a ne faut pas cracher dans sa soupe a. Les intervieweurs font preuve de beau- coup dlingCniositC pour extraire de la bouche des interviewds ce qu'ils ne peuvent ou ne veulent pas prendre eux-msmes en compte. Mais, comme, dans le milieu des joueurs, sauf rarissimes excep tions, les confrontations d'idCes sont rares, il ne faut pas trop attendre que des ClCments originaux surgissent de leurs propos.

Certains journalistes, irritds par les manifestations trop sou- vent insolentes de mercantilisme et de sottise qui parstment la vie du football modene, traitent I'actualitC avec dktachement, scepticisme et ironie. Mais n'estce pas une mani&re d'Cviter de s'attaquer aux causes des ma- dont souffre le sport ? D'esquiver ses propres responsabilitCs ?

Le football actuel a donc la Presse qu'il mCrite. M&me si des matches, des Cquipes, des joueurs, des entraineurs montrent des qualitds dignes de susciter des idCes intdressantes sur le jeu et son contenu artistique. Des rencontres cornme France-Belgique 1980, des formations fidhles I'esprit offensif comme Servette de Genhve, des crdateurs de jeu comme Platini, Rocheteau, Bossis, des entraineurs comme Jean-Marc Guillou et Robert BCrard, sont aujourd'hui trop rares, trop exceptionnels pour qu'un public assez important pour faire vivre un journal, exige un autre type de lecture que celle qu'on h i offre.

I1 faut beaucoup de volontd et de talent B Norbert Eschrnann et son Cquipe du quotidien Suisse a 24 Heures a pour continuer le combat pour la cause du vrai football. Beaucoup dlentCtement et de foi aux joueurs amateurs qui depuis trois ans publient en Bretagne la revue a Le Contrepied B dont le titre est trts explicite.

Mais il faudra que le football donne partout dam le monde, des preuves nombreuses et Cclatantes de sa rdsurrection, en tant que jeu et en tant qu'Art, avant d1Cprouver ti nouveau le besoin de se regarder dans un miroir.

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ANNEXES

EXTRAITS DU MIROIR DU FOOTBALL

(1960-1976)

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LE PREMIER EDITORIAL FOOTBALLEURS, PRENEZ CONSCIENCE DE VOTRE FORCE !

Fooballeurs mes fdres. gtes-vous affligks d'un complexe d'infkrio- rit6 ?

Vous Qtes le nombre. 500 000 en France, 20 millions au moins dans le monde, 100 millions peut4tre avec les spectateurs qui communient

, avec vous. Et pourtant lorsque les tribuns parlent avec grandiloquence du a sport de masse s de rage d'or, ce n'est pas 21 vow qu'ils pensent.

Vous etes pauvres. Et pourtant c'est B vous seuls que 1'Etat refuse les subventions qu'il accorde chichement aux autres sportifs.

Vous Ctes sincbres. Et pourtant c'est aux meilleurs d'entre vous que l'on demande de fournir la u matibre s des Concours de Pronostics

: qui aviliront votre Sport, sous pdtexte de lui fournir les miettes d'un festin auquel vous n'btes pas convib.

Votre sport apporte la joie naturelle d'une confrontation pacifique, aux pdripdties varikes ii l'infini, toujours imprkvisibles. Et pourtant on

' vous offre officiellement l'iddal ascdtique des disciplines u ingrates s. Votre sport suscite l'enthousiasme parce que dans ses manifesta-

tions supirieures il s'dlhe au niveau de 1'Art. Et pmrtant, le dire, c'est . tomber, parait-il, dans l'hystdrie littkraire.

Votre sport exige le concours constant de l'intelligence. Ses pro- blbmes multiformes suscitent les initiatives individuelles les plus Bton- nantes, les inspirations crdatrices collectives les plus stup6fiantes. Et pourtant les esthbtes officiels s'accrochent au cuke ddsuet des mani- festations primaires de l'effort physique.

Votre sport exige toutes les qualitks athlktiques : vitesse, souplesse, ddtente, adresse, rdsistance a la fatigue et aux chocs. Synthkse attrayante, parce que naturelle, des u disciplines s physiques les plus diverses, elle est B la mesure de I'Homme. Et pourtant on lui repro- chera de n'ktre pas I'apanage exclusif des phknomhes.

Vos professionnels pratiquent un mktier dangereux, 21 la renta- bilitt! alktoire et rkduite. Et pourtant le syst2me des transferts les ravale au rang de marchandises, leur ddnie le droit de participer 2I la gestion de leur sport, leur vaut trop souvent les sarcasmes de gens ignorant les difficultds techniques du jeu, et les servitudes de leur metier.

Vous avez en France la 3' dquipe du monde, et quelques-uns des meilleurs joueurs du globe. Et pourtant le plus grand de vos stades

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fait sourire de piti6 vos frbres des petites nations comme l'Umguay, la Suisse, la Belgique, la Hongrie et la Roumanie.

Footballeurs mes frkres, il vous faut prendre conscience de votre farce. D'une force qui a p e d s it la F.I.FA. de grouper sous son pavilion, sans discrimination de races, de cmyances religieuses, de convictions politiques, 95 FCdBrations Nationales, soit un nombre de pays supCrieur B celui des membres de l'0.N.U. D'une force qui a I permis de surmonter les obstacles qui s'opposaient B la misation du match U.R.S.S.-Espagne de la Coupe #Europe.

Ce sera le but du Miroir du Football que de vous aider, footbal- leurs anonymes ou cCli?bres, entraineurs, spectateurs des petites et des grandes rencontres, dirigeants de clubs obscurs, B mieu connal- tre cette force, B l'exalter, B la dthelopper, B en d6couvrir les raisons profondes. A lutter contre le chauvinisme qui repose sur l'ignorance des rCalitCs du jeu, conwe l'exploitation mercantile de votre passion. Bref, de contribuer A la grandeur du Football.

Si vous recherchez dans nos pages matikre B satisfaire l'orgueil nationaliste, l'esprit de clocher, ou le culte commercial de la vedette ... Ne poursuivez pas votre lecture 1

Mais si vous aimez le Football pour lui-meme, si vous cherchez ti btendre le champ de vos connaissances dam tous les d d n e s du sport qui a conquis le Monde ... Alors, le Miroir du Football est dbjh votre revue.

Janvier 1960.

JOUER A DIX CONTRE ONZE EST-CE ADMISSIBLE?

On sait que les rkglements qui rbgissent actuellement les comp6 titions internationales (Coupe du Monde, Coupe #Europe des Clubs et des Nations), et la plupart des compCtitions nationales, voire rCgio- nales (en France en particulier) interdisent de remkdier au handicap subi par 1'Cquipe diminuCe par la blessure d'un jouew.

Le caractbre illogique, antisportif, de ces rkglements, a k i t 6 les concurrents des matches internationam du type classique (amical) B obtenir le remplacement du gardien de but pendant toute la durk des matches et d'un joueur du champ jusqul la mi-temps.

En AmCrique du Sud et dans les Pays de 1'Est de l'Europe, on est all6 plus loin dans cette voie en autorisant le remplacement de plu- sieurs joueurs B n'importe quel moment des matches. ,

La solution du remplacement a B volont6 w des joueurs bless& (cru non bless&) a provoqud un certain nombre d'abus regrettables.

Estce une raison suffisante pour que la F.I.FA. et un grand nom- bre de Fkdbrations nationales (dont la n8tre) se refusent B remddier B une situation qui ne satisfait manifestement pas les exigences de la raison ?

Nous irons plus loin. Compte tenu de l'importance toujours pan- dissante des intCrets sportifs et matCriels qui mettent en jeu les 1 grands matches, n'est-ce pas encourager l'4limination par la brutalit6 A

d'un adversaire que de laisser une Bquipe bCn6ficier de cette Clirnina- tion ? N'estce pas refuser d6libCrhent de protbger les joueurs loyaux

i contre les joueurs malhonnetes ? N'est-ce pas se r e h e r B garantir

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les ldgitimes intdd!ts des professionnels plads dans un dtat d'inf4 rioritd qui ne leur est pas imputable, et des spectatems contraints d'assister i des ddbats d6sdquilibds ?

C'est afin de contribuer B trouver le rneilleur remtde B une situa- tion qui, de toute dvidence, ne saurait longtemps se prolonger sans porter une grave atteinte i la popularitd de notre sport, que le Miroir du Football mvre un ddbat dont il est inutile de souliper importance.

Fdvrier 1960.

REALITE INTERNATIONALE DU FOOTBALL

En rCalitC, la ddsaffection du public pour les comp4titions natio- nales, et son engouement pour les vraies comp6titions internationales, a des causes profondes dont il Ctait aisd, depuis longtemps, de prdvoir les consdquences.

A une dpoque oh la radio, le cindma, la tdldvision, la presse, le livre ne cessent d'dlargir l'horizon intellectuel des hommes... A une dpoque oii le dCveloppement ldes moyens de transport les incite h ddcouvrir les rkalitds concrktes qui se situent audeli des frontihres de leur pays ... A une Cpoque oh le football est devenu une r W t d authentiquement mondiale ... n'est-il pas stupide de croire que le public des grands matches se contentera jusqulA la consummation des sikles de compdtitions interr6gionales ? N'dtait-il pas dvident depuis long- temps que l'exploitation commerciale de l'esprit de clocher allait slav& rer de moins en moins fructueuse ?

I1 faut croire que ces vdritds Clhentaires n'ont pas encore @n6 trd les cerveaux des dirigeants du football, prisonniers de leurs croyances dtriquCes et routinikres ... Lorsqu'ils auront compris que le sport qu'ils rdgissent participe B I'Cvolution universelle des idks et de la vie, alors le Football aura une organisation h la mesure de ses formidables possibilitds d'extension.

Avril 1960.

LA CONFIANCE COLLECTIVE S'ACQUIERT

Une kquipe de football est composCe de onze joueurs diffe'renz. Cela signifie, non seulement, qu'il faut analgamer leurs qualit& et dCfauts divers balle au pied, mais aussi, sur le plan psychologique, qu'il faut fondre ces personnalitds diverses dans un creuset unique. Or, cela ne pourra pas exister tant qu'il n'y aura pas entre les diver- ses composantes de cette cellule sociale autonome, une vdritable confiance collective. Fontaine ne part g. dam le trou n que parce qu'il a des qualitds objectives suffisantes de ddmarrage et de sens du but; Kopa ne lui donne la balle B ce moment exact que parce qu'il sait la frapper avec rapiditd, dcheresse et avec une prdcision telle qu'elle arrive B Fontaine, immCdiatement utilisable. Mais si Fontaine part en pointe avec cette vitalitd, c'est qu'il suit que son effort ne sera pas inutile (ce qui ne veut d'ailleurs pas dire qu'il exige de recevoir la balle) et si Kopa le sollicite, ou refuse de le faire, c'est que plusieurs solutions collectives se prdsentent a lui et que toute l'dquipe a

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est fournie par le d6plorable spectacle de I'avant-centre levant au ciel des bras revendicatifs parce qu'on ignore ses d6parts en pointe.

I1 est donc ainsi rendu B I'tldment psychique sa place vbritable. On ne peut le r6duire au rang d'un frein inddsirable B I'extdriorisation de possibilitbs latentes, mais, au contraire, examine sous I'angle de la confiance collective, I'dlever B celui de postulat de base, hors quoi le dbroulement d'une partie de football demeure inexplicable. Reims a la hantise des maillots blancs du Real, c'est une constatation de fai t ; les hommes de Batteux en viennent B perdre la confiance collective qui, ordinairement, les habite, voila la justification profonde. Di Ste- confiance en lui pour qu'il choisisse la meilleure. La contre-6preuve fano marque le but dgalisateur contre lDEintracht. Une confiance col- lective extraordinaire prend dts lors possession des Madrilhnes, qui se mettent B a passer en revue B les Allemands mddusds.

Ceci nous amkne B distinguer deux sortes de confiances collec- tives : la premitre, mineure, nbe du ddroulement de la partie et des conjonctures extdrieures. Celle qui permet au Real de surclasser un adversaire dkjd battu, ou B une Cquipe de notre championnat de France de pratiquer un football constructif, quand elle a deux buts d'avance au score. L'autre, fondamentale, issue d'un systkme de jeu Clabord en commun, selon des principes rationnels et qui recueille I'assentiment de tous. Dans I'optique de celle-ci Fontaine nc reprochera jamais A Kopa d'avoir prdferb faire une passe Zi Vincent alors que lui, Justo, s'Ctait lancd B corps perdu. Celle-18, par contre, est toujours A la merci d'une reprise de volCe manqube. Seul un systtme de jeu bas6 sur la passe courte et le ddsir constructif peut procurer B ses pratiquants une confiance collective vkritable.

L'bquipe rdmoise, adepte du jeu constructif, et dont la confiance collective est telle que, menbe de cinq points B la michampionnat, elle n'a pas varid d'un iota face B ceux qui rklamaient B cor et B cri le changement de sa manikre, subit quelquefois des ddfaillances dues B des pertes de confiance collective. Nous avons dCjB signal6 I'esp8ce d'inhibition des R h o i s en face du Real. I1 nous souvient d'une cer- taine seconde mi-temps d'un Racing-Reims rCcent, oG Muller semblait tout 21 fait incapable de faire une passe correcte, et oh Vincent se

" ddbattait solitaire 21 trente centimkres de la ligne de touche. Les faits exttrieurs avaient donc pris I'avantage sur la conviction interne. Cela ne saurait Ctonner que ceux qui prdtendent rCduire le footballeur au rang de robot. On ne dissocie pas l'homme du footballeur. I1 est n6cessaire de le prkiser.

Juillet 1960.

LE FOOTBALL N'EST PAS UNE VACHE A LAIT

Cette constatation mdrite #&re soulign&, car c'est justement au football que I'on va demander de fournir les moyens financiers du r redressement v sportif francpis. C'est notre sport - le seul qui ne persoive pas de subvention gouvernementale (c'est un sport de riches comme nu1 ne I'ignore), qui va &re appeld B fournir la matihe des Concours de Pronostics. C'est m6me lui qui se dbclare pr&, si I'on en croit certains de ses propres dirigeants, B apporter les millions

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LE TEMPS DU MIROIR 155

n b s a i r e s au prochain voyage h Tokyo des hockeyeurs sur gazon, des tireurs au pigeon d'argile, des yachtmen infortunCs, des hdritiers

' de dlArtagnan, sans parler bien sClr des indispensables et prolifiques dirigeants.

Transformer les joueurs de football en a dadas w, les spectateus en turfistes, les tribunes des stades en tripots, pour la conquhte prcb bldmatique de quelques mddailles. Voila l'idm dlun quarteron de Gribouille, parmi lesquels on ddcouvre m&ne un hnomiste qui se dit non-conformiste. Voila surtout le calcul d'affairistes qui savent

, fort bien dans quels coffres-forts tomberait la manne du a Toto w, et quelles mains en ramasseraient 1es miettes !

I Pour sa part, le Miroir du Football a conscience de rester fid&le aux promesses faites en t&te de son premier numdro en refusant de s'associer B une carnpagne qui vise B faire du football une vache A lait, et des footballeurs - dfit ce mot choquer de pudiques oreilles - - les a michetons w d'une entreprise de prostitution de notre sport.

Septembre 1960.

CONCOURS DE PRONOSTICS ET TRUQUAGE DES MATCHES

C'est un jeu innocent. A la portde de tous les %ges, de toutes les bourses, de tous les sexes. Inutile de savoir krire. I1 suffit de barrer deux des trois signes a 1, XI 2 w... Une grand-m&re octogdnaire y par- vient et joint une somme modique A son envoi. Le lendemain, la voici a B la une w de la Presse anglaise, brandissant un ch&que de 200000 livres (250 millions de francs), que vient de lui ddlivrer le Dieu tout- puissant de la Chance. On en pleure encore dam les chaurnih-es !

La fortune pour les pauvres ! Les mddailles olympiques pour les hockeyeurs sur gazon ! L'opulence pour les dhouds mdchnes du sport professionnel ! Des stades et des piscines pour les dCshCritb ! Le Paradis la portCe de tous les Francpis !

On con~oit que, devant de telles perspectives, un homrne, que sa vocation vouait B la conquCte du bonheur supra-terrestre, se soit consacrk avec une fougue authentiquement apostolique, B la p r o p

'

gation de la Foi nouvelle. La dCbAcle du Sport Francpis h Rome fournissait aux dmules

franqiis de MM. Thommen, Littlewood, Pasquale and Co l'occasion psychologique. La publicitd faite autour des offrandes royales et ddsin- tCressCes du a Totocalcio B au sport pur (amateur, je le jure), avait chassC dans les brurnes de l'oubli les scandales dont le Football italien avait Ctd prodigue ces dernieres anndes.

Avant de prksenter, devant le Parlement Francpis, le projet de loi destind B ouvrir toutes grandes les vannes du Pactole, l'intkgre politicien de service aurait pu obtenir l'approbation sans rdserve des Enfants de Marie ...

L'dnonne scandale, qui vient d'klater Outre-Manche, devrait dissi- per quelques illusions.

Des footballeurs cdl&bres, des internationaux Ccossais et gallois, comme Evans et Roy Paul, qui furent, tout rBcemment encore, des adversaires de nos a triwlores w, viennent d'avouer qu'ils ont volon-

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tairsment perdu des matches par= que des parieurs et dm bookma- kers leur ont offert, B plusieurs reprises, des so?nmes d'argent. On apprend, par la m h e occasion, que placer de l'argent sur les chances de 1'Cquipe adverse Ctait une pratique relativement courante chez les professionnels anglais.

Le premier rCflexe du journal u L'Equipe D, grand champion de l'instauration des concours de pronostics, a 6t6 significatif. Voici la conclusion d'un dditorial immbdiatement consacrd 21 ce sujet d6licat : - Faire un rapprochement entre un scandale qui vient d'klater pour des raisons diverses (sic) et l'institution des paris sur le Football serait profondhent injuste. 2

Octobre 1960. b

DESEQUILIBRER COLLECTIVEMENT L'ADVERSAIRE

Pour passer l'adversaire, il s'agit avant toute chose de rechercher quelles voies de passage il prCsente. Nous avons dCjA abord6 ce pro- blhme. Mais y revenir est indispensable car h i sed remet les pieds sur terre.

Pour ce faire, il s'agit d'abord de noter l'6vidence : sur un terrain de football, il y a toujours mouvement. Le mouvement du footballeur, c'est la course. Une course duns tous les sens.

I1 devient donc primordial de savoir ce que fait l'homme alors qu'il court. On observe alors deux choses : - I1 met en branle un me'canisme : c'est le mouvement des jam-

bes. On ne peut courir qu'en faisant aller alternativement la jambe gauche, puis la jambe droite. Ce mdcanisme est plus ou moins rapide suivant les individus . - I1 ne peut aller que duns une seule direction li la fois. En effet, - on ne peut aller tout a la fois B droite et a gauche. On va B droite, p i s 21 gauche. Le mCcanisme des jambes est donc toujours orient6 'Si et prisonnier d'une direction.

Toute course prksentant ces deux caractdristiques, les d e n voies de passage de l'adversaire en ddcoulent : - Ou l'on choisit de passer en prenant la voie du mkanisme des jambes. On accepte alors la concurrence physique avec l'adver- mire duns une m&me direction. Et celui qui disposera du m ~ s m e le plus rapide l'emportera. - Ou l'on choisit de passer en prenant la voie de l'orientation for- c& de la course. On refuse alors la concurrence physique avec l'adver- saire. On l'dlimine en le faisant aller duns une direction et en allant soit duns une direction cointraire : c'est ce qui est appelb commutii ment le contre-pied.

Ces deux sa les voies, sur le plan des principes de base du foot- ball, il n'est pas question de les emprunter individuellement. La nature collective du football commande de rechercher laquelle de ces deux voies est empruntable collectivement. - La premikre, celle de la concurrence physique de deux mCca- nismes est obligatoirement a Climiner. En effet, qu'm joueur prenne le ballon et veuiile passer seul son adversaire direct ou que ce joueur soit lancd par un partenaire pour devoir passer sans ballon son adver-

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LE TEMPS DU ~ O I R 157

saire direct qui est B ses c6t6s1 le fond du problkme reste le &me : ce sera toujours par la seule valeur de ses moyens physiques, c'est- Bdire parce qu'il dispose d'un mkanisme individuellement sup6rieur B celui de son adversaire qu'il passera.

- La seconde voie, celle des changements de directions obligatoires, celle de la prise B contrqied, reste la s d e praticable.

En effet, la feinte ou le dribble, fait par un joueur, reste toujours un moyen individuel. Mais ce moyen a ceci de progressiste : c'est qu'il revient B Climiner l'adversaire sans avoir eu 21 lutter physiquement avec lui : on le fait aller d'un cat&, par une feinte ou un dribble, et on va de l'autre. C'est toujours individuel, certes, c'est toujours un individu qui en Climine un autre, mais cette Climination est r b l i s k sans qu'il y ait eu choc physique. C'est le travail au corps de l'adver- saire a distance et non plus le corps h corps avec l'adversaire.

Or, it se trouve que ce moyen d'dlimination sans choc, par le contre-pied, s'avdre le seul re'alisable collectivement. En effet, le travail de contre-pied, que le joueur seul fait avec son corps - faire aller dans un sens pour aller dans I'autre - peut ttre rMis6 par le ballon. Que le ballon aille dam un sens, l'adversaire y va. Or si le ballon repart immCdiatement dam l'autre sens, I'adversaire subit un contre pied. Tout comme duns la feinte, mais avec cette diffe'rence dnorme que Ca n'est pas un individu qui l'a tlimind mais la circulation en courses contradictoires du ballon.

Autrement dit un travail de passes. Voilh, footballeur, la rkponse h ta question a Comment passer

collectivernent l'adversaire ? R Rkpdtons pour qu'il n'y ait plus d'Cqui- voque : a La seule manidre de passer collectivernent l'adversaire est de l'dliminer par le contre-pied des passes contradictoires. Pour &re plus succinct, disons qu'il faut rechercher b le dtfsdquilibrer collec- tivement. R

Or s'il est vrai que cette voie est la seule empruntable collective- ment, et nous venons de voir qu'elle l'est, l'utilisation maximum de ses qualitds physiques - autrement dit s'engager physiquement - doit aller dans cette voie.

Cette voie, sur le plan du dCplacement physique, quelle est-elle 3 Pour k l i s e r le contrepied de l'adversaire par les courses contmdic- toires du ballon, il faut au minimum contre 1 adversaire 2 partenaires. I1 faut ensuite que ces 2 partenaires soient suffisamment proches l'un de l'autre pour que l'adversaire n'ait pas le temps de reprendre son Cquilibre.

Conclusion importante : L'utilisation des qualite's physiques doit tendre, tant que Ies adversaires ne sont pas e'lirnine's, vers leur ddst quilibre. Puisque ddsdquilibrer c'est &re au minimum 2 contre 1, il faudra donc utiliser au maximum ses qualitds physiques pour &re le plus rapidement possible prds du partenaire en possession du ballon atue prises avec I'adversaire.

Autrement dit, a s'engager physiquement pour crder les condi- tions collectives de Pdlimination de l'adversaire, c'est-ct-dire utiliser au muimum ses qualitds physiques pour hiter la compktition indivi- duelle ou le choc avec cet adversaire D, ainsi doit se comprendre et s'dnoncer la seule forme valable de a s'engager physiquement w. Si

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158 LE TEMPS DU MIROIR

Yon voulait user d'une formule imagCe, on dirait qu'il faut a s'enga- ger physiquement - avec son corps - pour n'avoir pas h engager un combat physique avec un adversaire - du corps ct corps w. Les qua- lit& physiques doivent &re un moyen et non une fin.

Aodt 1962.

PAS DE CONCESSION AU CHAUVINISME

Le Football n'est ni un sport rdgional ni un sport national, mais le sport international par excellence. I1 ne suffit pas de le constater ou de le proclamer avec orgueil. I1 faut en tirer les consCquences et Climiner impitoyablement ce qui en constitue la negation : le chauvi- nisme rdgional et national.

On ne fait pas de concession au chauvinisme. Qui vient au stade pour soutenir une tquipe et non pour jouir du spectacle d'un match joud par deux dquipes est un partisan. De l'esprit partisan 8 I'hostilit6 ouverte contre I'autre Cquipe, il n'y a qu'un pas. Le pas qui a CtC accompli par le public du Parc des Princes en cette lamentable soirde du 14 novembre 1962, et qui lui vaudra la rdprobation du monde entier (if s'agissait du match Reims-Austria de Coupe d'Europe . N.D.L.E.).

Une partie de la Presse s'en consolera d'autant d u s aisCment qu'elle n'a pas la conscience nette dam cette kcmuranti explosion de bCtise et de IAchetd. Un appel au calme qui s'accompagne d'une exhor- tation 8 a aider Reims s, c'est de I'inconscience ou de I'hypocrisie. Convier la Presse 8 une carnpagne d'apaisement, aprhs avoir a oubli6 les ex& de la foule du Parc des Princes), son chauvinisme, son dClire, pour ne songer qu'8 son ravissement s, c'est le comble de I'hypocrisie.

Moins cyniques, d'autres se font une raison : a Bah ! c'est la ran- con du sucds, et vous n'allez tout de meme pas dCplorer le succ6s du football. s

Nous le disons tout net. Si le succhs du Football ne repose que sur la bCtise et la IAchetC, le Football ne m6rite pas une seconde d'at- tention. Et nous le laisserons sans le moindre regret aux mains de c e u qui ne demandent qu'8 exploiter les passions les plus malsaines.

Dkcembre 1962.

JEU DEFENSIF ET BAISSE DES RECETTES

RCflCchir ou vCgCter ... C'est le dilemme devant lequel se trouve place le Football international B I'aube de I'annde 1963. Car s'il est vrai que notre sport poursuit son ddveloppement en profondeur en gagnant sans cesse de nouveaux pays, que sa vie et mCme son Ian- gage entrent de plus en plus dans les mceurs sociales, que la progres- sion technique de la masse de ses pratiquants continue, que certains de ses matches donnent une idde des sommets artistiques qu'atteindra le football de demain, il faut reconnaitre que le divorce entre ses '

Cnormes possibilitCs et les pauvres dalisations qu'il nous offre le plus souvent, est la meilleure explication de son audience limit& aupds -+*

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du grand public, quand le chauvinisme ne fait pas o h de rabatteur. Audience limitke, car la plupart des stades construits entre les deux guerres devraient s'av6rer ridiculement dtriquks si le succbs specta- culaire du football avait poursuivi une dvolution normale.

De toute kvidence, la gCnCralisation des tactiques de d6fense ren- forcCe est la cause immddiate de la pauvretd spectaculaire du Football d'aujourd'hui. Les avocats honteux du Mton et de ses variantes ont

* certes d'autres soucis que celui d'arnkliorer la qualit6 du jeu. Pour eux, le rksultat immediat est le seul qui importe, parce qu'il sauve garde leurs intdrets ou leur amour-propre. Ignorant volontairement ou involontairernent des prkckdents terriblement Cloquents, ils prdten- dent eriger en methode ce qui n'est qu'un expddient, quitte B en renier froidement les consdquences, comme par exemple lors du der- nier match Espagne-France, lorsqu'ils applaudissent la defense ren- forcee de la sdection frarqaise et s'etonnent de la stkrilitd de l'attaque.

Ftvrier 1963.

SE COMPORTER EN SPORTIFS ... Les victoires de l'tquipe de France en Suede nous ont enthou-

siasmb. Beaucoup plus qu'elles n'ont enthousiasm6 les amis actuels de M. Verriest qui Ctaient A 1Vpoque les ennemis de Paul Nicolas. Elles nous ont enthousiasmd parce qu'elles 6taient le couronnement du jeu offensif le plus brillant de cette Coupe du Monde 1958. Parce que ce style-lh incarnait le progrbs de la seule cause qui nous inttresse ici : celle du football, qui n'est pas le sport d'une nation, mais le sport du monde.

La victoire de I'tquipe de France sur I'Angleterre ne nous enthou- siasma pas, parce qu'elle a t t t acquise au moyen d'un exptdient - le jeu de contre-attaque - qui emp&che le progrbs du football.

Ce faisant, nous nous comportons en sportifs e t pas en disciples de D6rouEde.

Avril 1963.

KOPA LE a DESERTEUR w

Elimind de l'dquipe de France par Verriest qui, suivant ses p r e pres termes, ne met pas en cause ses qualitds de joueur, mais sa mentalitd, Raymond Kopa demande raison au s6lectionneur. I1 n'ob- tien que des injures devant des millions de tdltspectateurs.

Puis il est rCintdgr6 dans la sdlection nationale. Mais avant de reprendre sa place dans un milieu d'oh il a kt6 6cart6 vingt jours plus tat comme un a inddsirable n, Kopa agit comme tout homme digne de ce nom I'aurait fait : il exige la rdtractation publique des injures subies publiquement.

Verriest refuse. Kopa quitte Rueil. Qui aurait osd lui donner tort ? Qui ? L'entrafneur Gukrin qui l'accuse d'avoir d6nigr6 de a manibre

sysr6matique et incroyable w les autres s6lectionnb.

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160 LE TEMPS DU MIROIR

PiquCs dam leur amour-propre, ceuxci battent la Bulgarie. Puis en guise de dponse B Kopa portent Verriest en triomphe et lui d6dient leur victoire, tandis que la grande majorit6 de la presse, la radio et la t6lCvision s'acharnent sur Kopa, le a m6galomane R, le cr d6serteur R.

Or, il se trouve que Kopa est le joueur qui a pronond contre le statut esclavagiste CdifiC par la Ligue et avalid par la F4dCration1 le rdquisitoire le plus retentissant. Quelle belle occasion pour les pou- voirs dirigeants de discrkditer auprbs du public et des joueurs p m fessionnels le vice-prksident du syndicat des joums qu'ils n'avaient pas rCussi B Climiner, malgr4 les ordres fidelement ex&utks par Verriest !

Novembre 1963.

IL A DONNE L'EXEMPLE

Devant des millions de tCl4spectateu.r~~ sa a mentalit6 R et son (( honnetet6 D ont Ctd mises en cause. Sa a muflerie R stigmatisde. Un entraineur aux abois l'a accus6 de d6nigrer ses cdquipiers. Un journaliste l'a trait6 de a m6galomane s. Plusieurs autres de a dber- teur n. I1 a Ct6 condamn4 B six mois de suspension avec sursis par la Ligue. A un mois et demi de suspension ferme par la FMCration.

Pourquoi ce soudain revirement B I'Cgard du plus grand footbal- leur fran~ais de tous les temps ? IEu champion qui avait gagn6 l'admi- ration et la sympathie universelles 3 Pourquoi ce d6chahement de haine contre une personnalit6 populaire, respectde, dont le drame familial avait boulevers6 le monde 3

Parce que Kopa n'a pas agi comme tant d'autres I'auraient h i t dam son cas. Parce qu'il ne s'est pas comport4 conme un hamme arrivk, indiffdrent devant le sort de ses frbres les footballeurs profes- sionnels.

Parce qu'il a voulu que tous les footballeurs soient consid&& et trait& comme des hommes. Et surtout parce qu'il a commenc6 par leur donner l'exemple pratique de ce que doit &re le comportement d'un homme.

Dkcembre 1963.

LORENZO LE MAGNIFIQUE

Laurent Verbiest en effet, appartenait B cette &te de footballeurs de talent qui en ces dernikres annCes avaient le plus lumineusement dCmontr6 ce qu16tait la conception d'une d6fense constructive et offen- sive. On lui reprochait parfois ses incartades avec des arbitres, d s il pouvait se targuer de n'avoir jamais port6 atteinte B I'int6grit6 phy- sique d'un adversaire. D'aucuns lui repmchaient parfois de prendre trop de risque5 en defense mais il pouvait leur r6pondre que, pour un risque pris en nonante minutes, il amorwit vingt ou trente contre attaques apr& avoir hi-meme 6limin6 un ou deux adversaires et avoir ainsi cr& les conditions de supCriorit& num6rique pour ses parte- mires.

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LB TEhlPS DU MIROIR 161

I1 avait un tel talent qu'il avait joud avec un &a1 bonheur aux trois postes d'arrikre dans l'kquipe d'hderlecht et qu'il avait CtC demi aile, intCrieur et meme avant-centre dans lVquipe militake. Mais sa place de dilection ktait celle d'arrikre axial Coil il cammra- &it vkritablement tout un secteur d'tquipe et c'est dam ce r81e que mus le considdrions depuis longtemps comme le meilleur arri&re central #Europe B une tpoque ou tant d'autres footballeurs dou& - B commencer par 1'Italien Maldini - acceptaient les servitudes du jeu destructif et dkfensif.

Son pkre ttait pkheur, ses frbres le sont aussi et c'est la raison pou- hquelle le p&e Verbiest avait d'ailleurs baptisk son chalutier les a Quatre Frkres n. Mais Laurent savait qu'il pouvait rbussir en football et sVlever encore dans l'tchelle sociale. I1 quitta la mer mais ne put jamais l'oublier et c'est ainsi qu'il n'habita pas longtemps h Bruxelles, dans l'appartement qu'hderlecht avait mis B sa disposi- tion, et qu'il ne resta pas davantage aux environs d'Anvers a p r b avoir &oust5 une rkgente voici un peu plus d'un an.

I1 voulait retourner B Ostende et y retourna. Htlas, c'est en arri- vant aux portes de sa ville natale I'autre soir et pour suivre un match de football qu'il perdit une vie dkjl passionnante et qui sDannon@t plus brillante encore.

Son allure Ctait si impiriale, son panache si grand, sa d t r i s e tellement dkourageante pour les avants adverses que naus n'avions pas cru verser dans un goilt excessif des surnoms lorsqu'apxh un match formidable contre les Uruguayens de Penarol, nous l'avions appel6 en souriant u Lorenzo le Magnifique D.

I1 avait souri hi-m$me mais n'avait pas dit non et pour tous les joueurs et dirigeants du Sporting, il allait rester Lorenzo.

I1 le restera toujours. Mais seulement dans leurs mkmoires h u e s . H6las ...

Mars 1966.

LE JEU DEFENSIF PRUVOQUE LA VIOLENCE

Les explosions de violence qui se succBdent B un rythme a d - 14rC sur les stades fran~ais ont une cause inhCrente au sys the de jeu adopt6 par un grand nombre d'kquipes : le btton. Le strict mar- quage individuel qu'il implique dkveloppe l'esprit destmctif et l'iso- lement forct des attaquants, qu'il rkduit B I'infCrioritb numdrique, exige l'individualisme agressif. I1 y a des annkes que le a Miroir du Football D affirme et dkmontre cette thbse. Mais le nombre croissant et la gravitC de plus en plus inquiktante des incidents qui &latent sur les stades incitent B leur donner dans ce numCro toute l'impor- tame qu'ils mdritent, car ce n'est pas en essayant d'escamoter la v6ritC qu'on peut empCcher la dtgkntrescence du football, mais en la ddvoilant et en proposant les moyens d'y mettre fin.

I1 faut que les avocats honteux du u bCton n aient une singulibre audace pour attribuer B ceux qui tentent de maintenir l'esprit du vrai football la responsabilitt d'une dtgtnCrescence 21 laquelle ils ont contri- bud dam toute la mesure de leurs forces.

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162 LE TEMPS DU MIROIR

Si le bdton porte en lui les germes de la violence, il faut prkiser que ce systbme de jeu est l'expression d'une conception de la vie, d'une conception philosophique bien ddterminde, et que ses tenants qualifient, par un abus de terme imputable i leur ignorance ou B leur inculture, de a rdalisme s. Leur credo se rdsume en ces termes : qu'importent les moyens, pourvu qu'ils permettent de pawenir A la fin recherchke.

Juin 1966.

DANS UN HOPITAL DE SANTIAGO ... I1 ne faut pas se faire d'illusions. Ce sera la Coupe du Monde des

a: Combattants s. L'anti-jeu sera roil les coups les plus dCfendus fr& quents ... Bien install&, dans les tribunes ou sur les bancs de touche, journalistes et responsables techniques le constateront. Les derniers diront mgme i leurs joueurs :

a: Pour avoir une chance il faut a y aller n autant qu'eux! Que voulez-vous, Ies gars, c'est Ie football moderne ! s

Un vdritable cercle vicieux ! Alors qu'arrivera-t-il ? Pour certah matches : le scandale, c'est une certitude, ItdieArgentine n'btait qu'une rencontre d'entrainement. Elle nous a offert un khantillon de ce qui attendait les fwtballeurs sClectionnds dans le tour final de la Coupe du Monde.

Peut4tre ce qui se passera i Londres rkveillera-t-il les volont4s de ceux (ils sont nombreux) qui aiment le football parce qu'il est un sport merveilleux et non parce qu'il est une entreprise de des- truction.

La responsabilitd des entraineurs, personne ne peut le nier, est Cnorme.

S'ils ne la connaissent pas encore, ils apprendront bient8t l'his- toire de l'apprenti-sorcier. Souhaitons seulement qu'il ne soit pas trop tad .

La dernibre Coupe du Monde au Chili avait d6jh suscit4 pas slal de commentaires soulignant la brutalitd de beaucoup d'bquipes et des joueurs firent connaissance avec les seringues et le plltre chi- liens. A ces infortunhs futures victimes des inconscients, j'ai un sdu- venir h raconter :

Alvarez Salamanca Ctait un petit homme, un peu fort, avec sous le nez une moustache tr&s fournie et trbs noire. I1 &it sympathique et semblait prendre l'existence avec une philosophie ddbonnaire cadrant parfaitement avec son personnage.

Dans lbmbulance qui me conduisait de 1'Estadio Nacional de Santiago du Chili au plus grand hdpital de la ville, le docteur Sala- manca, dans un franpis impeccable, me parlait de ses Ctudes faites en partie i Paris : a Un jour, conclut-il, je vous tdl&honerai et je vous ferai ddcouvrir les vCritables petits bistrots de Paris.. . votre jambe cassCe ne sera plus alors qu'un mauvais souvenir... s

Les infirmibres, lorsque les portes de l'ambulance s'ouvrirent, Ctaient l i et semblaient impressionndes par la personnalit4 et le rayon- nement de ce curieux petit homme. I1 Btait le chef de cette immense clinique et son allure vestimentaire n'avait aucun rapport avec llid&

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LE TEMPS DU MIROIR 163

que l'on se fait de l'allure ext6rieure du grand u patron s qu'il h i t dellement.

Un instant il s'absente et revient vgtu d'une blouse blanche. I1 fait son travail et parait plus a drieux w. Bientbt, radiographic en mains il souriait : - C'est une fracture impeccable, une tr2s jolie fracture ( c h a m a sa manikre de voir les choses ...) mais, ajoute-t-il aussitbt, qui se remettra tr2s bien.

Quand il me quitte je suis install6 dam mon lit de I'6cole wisse de Santiago. - A demain ... et ne vous faites aucun souci, il y a beaucoup plus grave. ..

Le lendemain, Nquipe s'entraine et lorsque Alvare Salamanca arrive, je suis seul. Le moral est bas. Alvarez Salamanca s'en apeqoit et c'est alors qu'il me raconte a son n histoire ... - I1 devait bien y avoir deux ans que je n'avais pas pris de vacan- ces et je me faisais une joie de faire un beau voyage avec I'tquipe chilienne de Green Cross, dont j'dtais un membre sympathiscmt et qui m'avait invitt pour une tournte de quelques j a r s en Argentine. Le travail de la clinique ttait dnorme mais rnalgrd cela j'acceptais cette invitation avec un grand plaisir. Le j a r du dtpart, je me sentais enfin ddtendu, j'avais tournd le dos h mes sou cis... Mais, h l'instant de mmter dans l'avion, un interne de l1h&pital est venu me chercher. Un cas urgent! Je n'avais pas te choix, it fatlait renoncer in-extremis au voyage.

Le soir-m&me la radio de Santiago annonca la disparition duns la Cordill2re des Andes de l'avion transportant les joueurs de Green Cross. I1 n'y avait eu aucun survivant et il fallut pr2s de trois j a r s pour atteindre les de'bris de l'appareil ... C'est un tvtnement qui vous change un homme. Depuis, ce que je vis c'est du a surplus w ; je l'uti- lise h soigner les autres.

Tout comme les infirmibres de la grande clinique ce dcit m'im- pressionna, je sus que je n'oublierai jamais cet dpisode d'une destin6e peu commune.

Si dam quelques semaines en rentrant de Lmdres un footballeur a une histoire de a toubib s B raconter, j'espbre qu'il I'aura apprise dam I'ambiance sppathique de quelque a pub * anglais et non point allong6 sur un lit la jambe dans le plbtre ...

Avant la Coupe du Monde 1966, Norbert Eschmann raconte un souvenir de la Coupe du Monde 1962 qu'il joua avec l'tquipe de Suisse jusqu'au moment oh Szymaniak lui fractura la jambe au cours du match Suisse-Allemagne.

Juin 1966.

A CONTRE-COURANT

Varsovie. - Dans les vestiaires de 1'Cquipe de France, victorieuse au stade de Varsovie, un ami a enregistrd ce bref dialogue : - Bravo ! M. Dugauguez. Je reconnais que je me suis tromp6! - Du moment que vous reconnaissez votre erreur...

Et, bon prince, L d s Dugauguez tendit la main ti son interlo-

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1 64 LE TEMPS DU MIROIR

cuteur. Celui-ci n'dtait pas un de ses partisans lors de sa nomination. Dam le u naufrage D des tricolores, B Odense, il avait mbme t m v 6 la premibre confirmation de ses critiques.

Et voici que Ie 4-1 r6ussi aux d6pens de l'dquipe de Pologne effamt tout ce qui allait Ctre inscrit au passif du ~Clectionneur : les limo- geages express de joueurs proclamCs titulaires la veille, les illusions entretenues dans le public sur la venue de Gress, l'inutile et dpuisante expddition danoise, la dksastreuse prdparation mattrielle de ce p6riple et, il va sans dire, le super-bCton pratiqud sur le stade de la capitale polonaise par les tricolores revenus a la belle Cpoque de Gudrin.

Oui, tout s'effqait devant le re'sultat. Devant le rdsultat qui flattait le nationalisme entretenu dans l'opinion publique, par des voix plus prestigieuses que le mini-Mmulkde de la tCl6vision. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

I1 y a des rCsultats qui donnent des promesses, ouvrent des perspectives optimistes. Parce que les moyens utilisds pour atteindre le succks relbvent d'une conception progressiste de la morale, de la tactique et de la technique sportive. C'est sur cette base solide que Reims et l'bquipe de France 1958 ont ttabli un renom jamais 6ga16, que Nantes avait commencC B Cdifier son prestige.

Mais rien - ni le raisonnement, ni les faits - ne permet de pen- ser que le u rkalisme bCtonnant *, cette sordide spdculation sur l'er- reur de I'adversaire, apportera jamais autre chose que des succks exceptionnels et gCnCrateurs &illusions.

Or la victoire de l'Cquipe de France sur la Pologne a 6tC bltie sur m e application rigoureuse d'un systhne de jeu dont il est superflu de ddmontrer les tares. Et ce fait, fort heureusement, des millions de t4Mspectateurs ont pu aussi le constater, car si Dugauguez s'est gardd a d'annoncer la couleur D, Bosquier n'a pas cherchk A dissimuler sa fonction de libero et ses partenaires leur adhCsion aux consignes des- tructive~ qui caracttrisent le b6ton.

Voila pourquoi, dussions-nous doucher des enthousiasmes inconsi- d&s et choquer ceux qui ont coutume de voler au secours de la victoire, tout nous incite B penser que le 4-1 de Varsovie sera suivi de lendernains qui dkhantent.

Septembre 1967.

BOULOGNE AU POUVOIR : ANGLETERRE-FRANCE 5-0

Wembley. - 11s Ctaient partis comme en 1914, la fleur au fusil. Le prksident Jacques Georges et le vice-prdsident Sadoul, le sdlection- ; neur Boulogne, les deux conseillers fCdCraux Kopa et Hidalgo, leurs protecteurs, leurs chantres, leurs supporters. - Rien a perdre contre I'Angleterre! proclamait en manchette

rouge l'organe officieux de la u nouvelle FCdCration D.

Qui prCcisait dans un Cditorial quelques raisons profondes d'esp4- rer sous le titre optimiste u beaucoup de signes de renouveau D.

Le terrain avait CtC bien dCblayC au cours des semaines prd& dentes. La u Presse d'opposition systtmatique B stigmatisde comme il eonvient : des gens a qui ne croient pas au football D, qui ne veu- lent pas u faire confiance aux hommes de bonne volontd w , qui osent prCtendre a qu'il n'y a absolument rien de changC dam la direction

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L18 TBMPS DU MIROIR 165

du football frangais, que les m h e s hommes y poursuivent la &me politique s.

Appuyd sur des bases philosophiques aussi consistantes, on pou- vait envisager a sans complexe B 11exp6dition londonienne. S'installer it Welwyn Garden sans craindre les fantbmes de 1966, aiTronter avec audace ces Anglais qui, aprhs tout, n'avaient pu battre sur ce &me stade de Wembley ni la Bulgarie, ni la Roulmanie, qui ne sont pas des foudres de guerre.

I1 ne manquait pas un bouton de guCtre ! Le gin6ralissime Bou- lope, le crane aurColC par les victoires de ses battants juniors, affi- chait le sang-froid des vieux briscards. PrCsident de I'Amicale des Entraheurs (rkemment transformCe en Amicale des Educateurs), ins- tructeurs national, il Cbahissait son entourage par une culture qui offrait le plus heureux contraste avec la a brutalit6 P de son p r 4 6 cesseur. Dans sa bouche, la devise : (( Stcurit6 d'abord B prenait un sens d'autant plus rassurant que son Cquipe semblait pdsenter des garanties dCfensives exceptionnelles avec un minimum de huit joueurs vou& A des thches non-offensives, la selection d'Herbet l'aile droite ne laissant aucun doute sur les attributions rkelles de ce joueur de soutien dCj8 chevronnt.

Tactiquement, le dispositif avait fait ses preuves avec les juniors. Boulogne se portait garant de la valeur technique et morale de ses sClectionnCs. Quant 8 leurs aptitudes physiques elks Ctaient garanties par Raymond Kopa qui ayant dklart (qu'allait-il faire et dire dam cette galkre ?) : - Ma petite taille ne m'a jamais dessewi face aux Anglais, bien au contraire, fournit l'occasion B des commentateurs 2616s d'en tirer it peu prhs cette conclusion : - Nous vaincrons parce que nous sommes les plus petits !

Mars 1969.

L'ECONOMIE DES FORCES

Pourquoi voudrait-on que le football et le footballeur khappent aux rkgles de l'holution sociale, alors qu'ils n'en sont que le reflet sportif ?

C'est pourtant ce qui est tent6 un peu partout, B la fois par igno- rance et intkdt.

Jamais le footballeur n'a maftrisC la balle comme maintenant, jamais sa technique n'a kt6 aussi grande. Tout est perfectionnC, allCg6- ttudie : les chaussures, les shorts, les maillots. Les entraineurs se rdfkrent B Mao TsC-toung ou de Gaulle ! Mieux : des psychologues sont dCtachCs auprhs des joueurs ! Et tout cela pour quoi 3

Paur que les joueurs s'entendent dire que l'Cconomie des forces c'est de la faindantise, de la paresse, que leur technique ne doit leur servir qu'8 a s'engager B encore plus. Exactement comme si I'on demandait au travailleur d'aujourd'hui, au nom de l'kvolution de la technique, de t~availler encore plus et d'autant plus !

I1 est Cvident, et on a vu pourquoi, qu'une telle attitude est fausse. a%(

En football, que signifie la notion d'Cconomie des forces ? Par sa technique individuelle, le footballeur maitrise de d e u x

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166 LE TBMPS DU MIROIR

en mieux la balle - & la manihre de l'ouvrier mattrisant de mieux en mieux la matibre.

Mais la mdtrise individuelle de l'ouvrier ne le conduit pas pour autant & faire seul un produit entier. Sa maftrise individuelle n'a de valeur, ne prend le poids que par la division du travail qyi lui permet de faire la partie d'un tout : c'est le travail collectif, rationalid.

Et l'dconomie des forces du travailleur n'a en fait d'existence que par l'kconomie des forces qu'implique la collectivisation, la rationa- lisation de l'ensemble de la production.

Tel il en est de l'ouvrier, tel il doit en 6tre du footballeur, puisque c'est l'industrie qui a enfantk du football.

Aussi l'kconomie des forces chez le footballeur ne doitelle pas &re envisagk sous l'angle purement individuel, mais sous l'angle col- lectif : et on en vient indvitablement 2i l'organisation d'un football collectif, rationnel. Et au problhe de la conception du jeu.

L'kconomie des forces, en football, revient donc A vouloir marquer plus de buts en se fatigant moins, c'est-&dire B meilleur march& Non pas en s 'adtant de courir pour compter sur sa technique, mais en utilisant ses forces dans un sens plus collectif, plus rationnel. Tout est la. Car il est vrai, B l'image de l'ouvrier compark B l'esclave, que I'effort d'un footballeur mvrant dans un ensemble constructif, offensif et collectif apparaftra moins violent, moins p4nible que celui d'un contre-attaquant tentant de se ddfaire seul de plusieurs adver- saires ou entamant des courses folles. Mais a-t-on vu que la renta- bilitt5 h e action se jugeait exclusivement au degrk de l'effort physi- que qu'elle a nkcessitk ? On n'est plus au temps de l'esclavage !

Economiser ses forces en football n'est donc pas presser, fai- n h t e r . C'est, pour le footballeur - B l'image de ce que cela devient pour l'ouvier - mettre ses forces physiques et techniques dans le cadre collectif de l'dquipe. Seulement ainsi il pourra s'kpanouir en tant qu'homme complet, dans le sens de l'kvolution.

Juillet 1969.

BRESIL ET PEROU, DES EXEMPLES !

Mais ce qu'il faut encore plus souligner, c'est la port& exemplaire que la qualification du Brdsil et du Pkrou a ddj& en Amkrique du Sud.

En Argentine, oh l'orgueil et l'amour-propre national sont extr& anement chatouilleux, notre ami Dante Panzeri a pu tirer son cornmen- taire du match qui eut pour rksultat l'dlimination de 1'Argentine : - Muchas gracias Peru ! (Merci beaump, P&ou I )

Et il ne s'est pas attirk les foudres des chauvins, car toute la presse qui, durant des annkes, avait approuvk les pires exds du a rtklisme s et soutenu les conceptions de Maschio, le Boulogne argen- tin, a pris brusquement conscience de l'utilitd de la grande 1-n don- n4e par le Pkrou. - I1 est temps de construire pour gagner et non de ddtruire pour ne pas perdre. Zl est indispensable pour obtenir des rdsultats de bien jouer! vient de ddcouvrir l'kditorialiste de sr El Grafico D, en mbme temps que tous ses confdres.

Gdce au Brksil et B son klkve, le Pkrou, le football offensif a rem-

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LE TEMPS DU MIROIR 167

port6 une grande victoire. S'il la parachiwe it Mexico en juin prochain, 1 'Em e, bastion actuel de l'antifootball, s'inclinera devant les rkd- tau, a%sndonnera ses illusions u rkalistes B et redeviendra unc place forte du football.

Ce qui aura, aux y e w des 600 000 footballeurs et des millions de spectateurs franMs, une autre importance que le rQultat de 18@di- tion su6doise du a commando Boulogne B.

Septembre 1969.

ZABALLA AVAIT RAISON

Retournons au Stade Bernadeu de Madrid le 2 novembre 1969. La deuxihme mi-temps de la rencontre du championnat espagnol Real- Sabadell vient de commencer et le score est envore vierge : 0-0. Sou- dain une clameur &norme, poussde unanimement par 80 000 specta- teurs debout, sJ&lbve dam une enceinte eyant d6jB applaudi B tella ment d'exploits.

Cette ovation ne s'adresse pas, cornme on pourrait a priori le penser, B un joueur madrilhe. Elle ne salue pas non plus une splen- dide reprise de volde venant de s'dcraser au fond des filets.

Elle concrdtise tout simplement le remerciement spontand et admi- ratif envers un h o m e qui, plad B bde-pourpoint dans une situation a corndlienne m, a, sur-lechamp, rdsolu le problkme en... h o m e veritable.

Pedro Zaballa - c'est de lui qu'il s'agit - est l'ailier b i t de Sabadell, un petit club catalan en assez mauvaise posture apds sept journk de championnat. Ajouter m e troisihe victoire B un bilan jusque-lit ddfavorable lui est donc ndcessaire pour ne pas s'enfoncer dans la zone dangereuse.

Or, le Real est loin de paraitre inacessible ce jowl8 sur son ter- rain. Et B vrai dire, s'il a remporte ses quatre rencontres it I'ext6rieur, il n'a pu jusqu'h prksent aligner que trois nuls it domicile. Espoir drieux donc quant B un dventuel succ&s ha l .

Cela d'autant plus qu'aprks cinquante minutes de jeu l'occasion iddale d'ouvrir le score se prksente it Zaballa. Mis en possession de la balle it l'int6rieur de la surface de rdparation madrilbne, il n'a plus qu'B u exdcuter B littdralement le pauvre gardien adverse Jun- quera qui n'en pourra mais.

Cependant, au moment du tir, Pedro Zaballa s'aperpit que Jun- quera, B terre, se tord de douleur. Victirne d'un heurt violent avec son anihre Babiloni, il s o d r e d'une fracture de la machoire.

Alors, devant les buts vides, il n'hbite pas et frappe puissamment la balle.,. en direction de la touche.

D'o& cette longue et vibrante acclamation qui jaillit de 80 000 poi- trines B la fois.

Voilh deux faits successifs qui, relids, sont profonddmmt lteconfor tants quant B l'avenir et B la santd morale du football.

Mais avant d'y revenir, il nous faut signaler qu'en ddfinitive le Real remporta cette partie @ce 3 un petit but marqu6 par Pirri B la ... 8 9 minute, consbtivement B un long centre de Gento dm6 par Fleitas. Et comme si le destin v d a i t s'acharner SUT le club qui M e

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168 LE TEMPS DU MIROIR

en son sein un joueur d'une telle valeur morale, il est bon d'ajouter que la balle, avant de pknetrer dam le but, avait heurtk la barre trans- versale : la mort h petit feu, en quelque sorte !

Aprks le match, lorsqu'on demanda B Zaballa d'expliquer les rai- sons d'une attitude aussi ... deroutante selon l'opinion commune, il se oontenta de r-ndre : - a Ce fut instinctif. Je ne pouvais pas gagner ainsi. D

I1 est aisC de prkvoir les discussions provoqu6es par un tel geste. Les dirigeants de Sabadell ne manqukrent pas de faire remarquer B Zaballa qu'ils le payaient pour marquer des buts et que le a senti- mentalisme n ne devait pas avoir cours sur un terrain de football. En agissant ainsi, il n'avait fait que lkser les intkrets de tous ordres B son club.

Mais dklaissons ces personnes ktrangkres au sport, qui ont un portefeuille A la place du cceur et pour qui l'esprit sportif est un mot totalement dknuk de sens.

Zaballa a prouvk dans l'action qu'il existait des valeurs plus pl.6 cieuses que l'argent. Des valeurs que l'hornrne porte au plus profond de lui et que nulle prime substantielle de victoire ne pourra jamais annihiler compI8tement. I1 a restituk au footballeur un peu de cette dignitk qu'il perdait fd par fil, au cours de matches tous plus dkgra- dants les uns que les autres.

Juin 1970.

LA CASTE DES ENTRAINEURS DIPLOMES

Mais si le football fran~ais est devenu un football de second plan dans le concert international (la dkfaite de l'kquipe B devant le Luxembourg et la derni8re place des a Espoirs D derrikre la Norvkge constituent une mani8re de a sommet n), on peut constater aussi que jamais les entraineurs fran~ais n'ont dispod de pouvoirs aussi importants qu'aujourd'hui.

En imposant aux clubs professionnels et meme aux amateurs de Division dPHonneur rkgionale l'obligation d'avoir un entraineur dipldmk, en s'octroyant le droit exorbitant de dklivrer des dipldmes qui sont en fait des permis de travail, en rdussissant l'exploit de les faire ava- liser par l'Etat, en intervenant meme dans le placement des e n M - neurs auprks des dirigeantsemployeurs, Boulogne a constituk une caste qu'il contrdle ktroitement et dont la cohksion repose sur l'intd- r&t 6goiste.

Dans le milieu du football, on l'appela nagukre a la maflia s alors qu'eUe ne groupait qu'une infime minoritk de privilkgiks. Elle n'a jamais aussi bien justifik son appellation que depuis qu'autour de cette mincrritk de privilkgiks accrochks h leur fromage, se sont agglu- tinks un nombre assez important de a dipldmks d'Etat D h la situation phs modeste mais convaincus que leurs intkrets sont lids h ceux de la minoritk privilkgik. Dans la vraie a maffia n, il y a aussi les a petits s qui servent les a gros n avec un zble aveugle.

C'est m fait, en tout cas, que, h l'exception de certains en*&- neurs qui ont eu I'immense mkrite de se dkgager de son emprise id& m e , la caste organisde et dirigde par Boulogne n'a jamais 6tC

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LE TEMPS DU MIROIR 169

mieux a structurQ w, n'a jamais manifest6 le momlithisme idblogi- que et l'autoritarisme qui sont aujourd'hui ses caractt5ristiques.

Mais c'est un fait 6galement que jamais depuis 40 a m le football franqtis n'a 6tB aussi faible par rapport 2I ses conourrents.

Alors comment ne pas ttablir une relation de cause h d e t entre Sonmipotence croissante des entrafneurs franpis et la d8gradation technique du football dont ils se prdtendent les a oerveaw s ?

Mars 1972.

POURQUOI LA PRIORITE AU PHYSIQUE ?

En fait les entraheurs officiels de football sont prisonniers de la contradiction qui oppose la philosophie des dirigeants et celle du football.

Les diri,geants n'acceptent de rdtribuer b travail des joueurs qu'h condition qu'il ait l'apparence ext6rieure du travail, qu'il ait ses aspects rebutants, harassants, voire dangerenu. I1 leur par& injuste de payer primes et salaires 21 des gens qui jouent, qui s'amusent.

Or pr6cis6ment1 le vrai football est un art oh 1'eiTort physique indispensable slexpriPle efficacement dam la joie du jeu.

Ancien joueur dans la plupart des a s , l'entraheur sait par expi- rience et simple bon sens qu'on devient footballeur en pratiquant le football. Comme on devient pianiste en jouant du piano. Qu'on ne devient ni footballeur ni pianiste en soulevant des haltbres ou en fai- sant des tours de piste.

Mais leur intCr4t Bgdiste leur commande d'adopter la philosophie de leurs employeurs dirigeants, de devenir les contre-ma3tres zdl& qui veillent ii ce que le football soit le travail ingrat, dur, antipathique, que les joueurs-ouvriers doivent accomplir dans l'ordre et la discipline. Boulogne a parfaitemat exprim6 cette conception en stigrnatisant a 11idt5e du jeu qui sert d'alibi B ceux qui dpugnent B l'effort w.

La priorit6 d o m k au physique a un second avantage. Elle per- met au contre-maitre de se parer des plumes du technocrate &rieuxl familier des chiffres, des statistiques, des donnbes prkcises. Ce qui est t d s important lorsque les rt5sultats obtenus par l'@uipe, si bien entrainbe physiquement, sont d6sastreux. C'est le meilleur alibi pour l'entraheur en danger de perdre son emploi.

Enfin et surtout la priorit6 accord& au physique a I'avantage dkisif d'6pmgner B l'entraineur (intellectuel du football devant 1'Eter- nel) tout effort de rbflexion sur ce qu'il a appris empiriquement durant sa carriCre de joueur, mais qu'il est incapable d'inculquer aux autres. Sur le football, sur l'intelligence du jeu collectif qui est l'essentiel du football mais h laquelle il s'empresse d'attribuer la dernibre place sous la dhamination de a tactique s.

En ce domaine en effet, si loon en croit ces maltres B ne pas penser, tout a p t dt6 dit, il n'y a rien B dire. Et Boulogne cmit avoir tnnrv6 l'argument-massue pour assommer ses contradictws et se p 6 senter comme un entrafneur dans le vent lorsqu'il dklare pour jus- tiiier son r b6ton w : - 3e fais ce que font tous les autres I

Ce qui est le summum de la candeur lorsqu'on est Atrib& pr6ci-

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170 LB TEMPS DW MIROIR

sdment pour ne pas faire ce que font les autres mais pour faire quelque chose de nouveau, pour &re un facteur de pm&s en football. ,

Awil 1972.

GREVE ET CONTRAT A TEMPS

La cause des joueurs est juste. Ddfendre le contrat B temps - que Ies dirigeants tentent d'abolir, sous prdtexte d'a amdnagements w, pour revenir au systtme esclavagiste du transfert - n'est pas s'accrocher B un privil8ge. C'est ddfendre la dignitd des joueurs, bafouh par ces ventes, achats, trocs humains, indignes d'une socidtd civilisde, aux- quels voudraient 2i nouveau les soumettre (comme I'ont montrd les dcentes affaires Keita et Trdsor) des dirigeants avides de reconque rir une toute-puissance de satrapes.

La gr2ve du 3 ddcembre ne fut pas m e grhvesurprise dbclenchde par une poignde de a meneurs w ambitieux. Le mardi 28 novembre, les joueurs rdunis en Congrhs B Versailles avaient votb h l'unanimitd une rdsolution, dans laquelle ils prdvenaient les dirigeants qu'en cas de ; sanction contre un seul des participants au Congrts ils se verraient obligds de recourir B la gr&ve d&s le dimanche suivant.

Les dirigeants lyonnais ayant ndanmoins dCcid6 de a punir w huit de leurs joueurs, il ttait parfaitement logique et n o d que les coll&gues des joueurs sanctionnds respectent honndtement leurs engagements.

La responsabilitd de la e v e incombe donc compBtement aux - -

dirigean ts. A la Tdldvision, MM. Sadoul, Rocher et b i l le t , appuyk par Jac-

QUeS Goddet. ont ce~lendant ddclard avoir ttd a s m r i s et ueinds w. Passons sur leur cr p i h e w. Quant A leur a surprise m-devant ie succh de la gdve - car ce fut un succ&s, deux matches seulement ayant pu se ddrouler avec des effectifs complets - nous la comprenons tr&s bien. 11s pensaient en effet que I'esprit de solidante des joueurs ne rdsisterait pas B la manmwre qu'ils avaient dchafaudh.

D&embre 1972. \

L'ELITE SORT DE LA MASSE

Les grands matches, les grandes bquipes, les grands joueurs retiennent naturellement Sattention gbnbrale. A tort ou B raison, les manifestations de Mi te technique possedent une valeur exemplaire a w yew de la masse des pratiquants et des spectateurs. 11s mdritent donc une trks large place, non seulement afin que soit soulignb ou exaltd ce qu'elles ont de positif ou d'exemplaire, mais aussi a6n que soit dCmasqu6 ce qu'elles peuvent receler de mystification ou de caricature.

Mais, nous l'avons souvent dpdtd, il n'y a pas deux football : celui des champions et celui de la masse de ses pratiquants obscurs. C'est la massc des pratiquants obscurs qui donne naissance a u cham- pions. Avant Pelt il y eut Arantes Do Nascimento. 11 n'y a qu'un seul

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football, en d b i t des bamhres artificielles que voudraient dresser et maintenir entre ses pratiquants ceux qui croient h I1&ernitC des hidrarchies Ctablies.

I Et il est bon qu'une comp6tition comme la Coupe de France rap- pelle chaque annCe I'indispensabilitd de ce lien, remette en question I'dchelle des valeurs, et exige des plus prestigieux qu'ils justifient leur rdputation balle au pied face aux plus modestes.

Pour ceux qui ont conscience du caract&re profondkment universe1 du football, et de son contenu profondCment humain, il faut aller plus loin. Ddmontrer que, s'il existe d'incontestables dSCrences de valeur technique, tactique ou athldtique, ces differences ne sont pas immua- bles. Qu'elles peuvent btre rkduites, sunnont&s, dtpassCes. Qu'en faisant appel A l'intelligence le progrhs est concevable et rhlisk A tous les niveaux.

C'est le but que nous poursuivons en publiant des articles consa- cds 5 la technique et B la tactique, reposant sur les Ctudes thCoriques de leurs auteurs mais aussi sur leurs expCriences pratiques personnelles.

I1 faut aussi montrer que nombre de clubs amateurs, animCs par des joueurs conscients, des entraineurs ou des dirigeants tourn& vers le progrhs, se refusent B appliquer comme des robots les consignes de ces champions avouCs du conformisme et de l'obscurantisme que sont les pseudomaitres techniciens officiels. Et connaissent ainsi le sens des mots joie de jouer.

Les clubs qui sortent des sentiers battus constituent aussi des exemples, qu'il serait criminel d'ignorer.

Janvier 1973.

PRONOSTICS ET CULTE DU RESULTAT

Pourquoi ie Miroir du Football reste-t-il un adversaire dCtermin6 des concours de pronostics ?

Parce qu'ils constituent une Ctape decisive du pouriissement d'un sport ddjA gangrene5 par I'argent.

C'est I'argent qui a impost5 dans le football ce faux dalisme qui se traduit par la recherche forcende du rc!sultat par tous les moyens et donc au detriment de la qualit6 du jeu, c'est-adire du football hi-meme.

Or il est Cvident que les concours de pronostics ne peuvent qu'ttendre et renforcer ce culte du rdsultat dans une grande partie du public qui restait jusqu'ici sensible A la qualit6 du jeu. A partir du moment oh le spectateur risque son argent dans des pronostics, qui ne concernent que le rdsultat, il est logique qu'il n'accorde de I'importance qu'au rdsultat, et qu'il cesse de slintCresser B la qualit6 du jeu, c'est-A-dire au football.

I1 suffit de constater ce qui se passe en Italie, oh les concours de pronostics (totocalcio) remportent un succks Cnorme, pour se rendre compte des ravages accomplis par ce cuke du rCsultat.

Avril 1973.

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172 LB . TEMPS DU . MIROIR

TRANSFORMER LES CLUBS EN USINES

M. Sastre, pr6sident de la F.F.F., vient de rendre public un a plan d'action w qui se propose de rdsoudre la contradiction fondamentale du football franpis : la faiblesse qualitative de l'blite par rapport B la puissance quantitative de la masse des joueum pratiquants (actuelle- ment un million).

Comme le prouvent les 21 points de ce plan, M. Sastre persiste it ignorer le sens de cette contradiction. Aujourd'hui comme lors de l'hission tblbvisbe des a Dossiers de l'Ecran w consacde B la crise du football.

Le d6veloppement du a football de masse w, il le voit B travers a l'encadrement w. c'est-h-dire un renforcement de la dictature id&- logique de ~oulogne impost% par le truchement de ses entdneurs dipl6m6s B l'ensemble des joueurs franpis soumis B m e repussante caricature du jeu.

Quant B a I'arndlioration du football d'klite v, elle doit s1effectuerI selon lui, grAce it un renforcement des a structures v qui transforme- ront les clubs en usines (financbs par les contribuables bien s k ) oil la docilitd des joueurs professiomels sera garantie, elle aussi, par up , encadrement plus solide.

Avril 1973.

LA LOCOMOTIVE DU FOOTBALLBUSINESS

L'ombre de la Coupe du Monde ne va pas tarder B donner aux dsultats du Championnat de France les proportions quliIs mCritent. Les recettes des matches et les perspectives financikres des concows de pronostics dsquent donc d'en &re affectk.

Mais si lD6quipe de France, riduite it disputer des matches amicaux, parvenait rdussir quelques rbsultats qu'une a information w bien conme se chargeait de gonfler (souvenez-vous de la torn& sud-am6 ricaine et de la Mini-Coupe), le championnat national s'en trouverait revaloris&

D'oil l'int6At des publicistes - ignorants des rhlitds blhentaires du football-sport - pour Kovacs, a I'entraheur-miracle w, le superman capable de fabriquer une ,dplique fran-e d'Ajax. Une a locomo- tive D du football-business.

L'engagement de Kovacs fut une entreprise c-e et rWs& par MM. Sastre et Boulogne d'abord pour sauver leurs places ap* la ddfaite de Moscou. Cette entreprise a failli sombrer clans le ridiculel le Pdsident de la F.F.F. dam sa pdcipitation (il fallait calmer la colkre de l'opinion publique par m e dkision irmnkdiate et specta- culaire) ayant ndglig6 d'obtenir, wnformCment aux r&glements, l'autu- risation de la FddCration Romaine.

Mais si Kovacs est aujourd'hui B pied d'ceuvre pour tenter de prouver qu'il peut en un an effecturn un travail &ieux avec des joueurs qu'il ne connaft pas et qu'il aura l'occasion de dunir une demidouzaine de fois, les promoteurs et pd t eu r s 6ventuels de cette

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LB TEMPS DU MIROIR 173

mystification le doivent B llintervention du powoir politique, a m m e l'a A614 officiellement M. Messrner.

Ainsi se trouve confirm& la collusion des intMts financiers et d'une certaine politique dans un domaine qui, faisant partie int-te de la vie sociale, en subit toutes les contradictions.

Aoat 1973.

DE BOULOGNE A KOVACS

Stefan Kovacs, le prestigieux Kovacs, l'entraineur dfAjax, deux ' fois vainqueur de la Coupe d'Europe sous sa hde t t e , a t devenu en quatre jours le a directeur des sdlections nationales w de la F 6 d h - tion Franpise de Football. Au lieu et place de Boulogne I

Ainsi l'hamme qui, depuis quatre ans, a men4 l'Cquipe de France d'4limination en 6limination, l'homme contre lequel s16tait dkhafn6e la colbre de l'opinion publique, est dkfinitivement limog6.

Vous n'y gtes pas du tout et la lecture du co111.111uniqu6 officiel annonwt l'engagement de Kovacs ne laisse aucune illusion sur ce point.

m 1. Boulogne conserve la a totale confiance s du C m e i l F&d&al. , 2. 11 a continue d'assurer la direction technique de la Fbddration w .

3. En plein accord avec lui (Boulogne) et duns le cadre de la direction technique de la Fkdkration, M . Kovacs a kt& chargk de la direction des se'lections natianales.

Ce qui veut dire que l'ancien entraineur d1Ajax a 6t6 choisi par a Boulogne (et engag6 par lui lors d?un voyage a Amsterdam), et qu'il

exercera sa nouvelle fonction sous sa direction. Ce qui veut dire encore que la seconde Climination consCcutive

de l'4uipe de France dans la phase pdliminaire de la Coupe du Monde a provoqu15 un renforcement des pouvoirs du naufrageur.

; Lequel, en cas de succbs (forckment limit6 de Kovacs, puisqu'il s'agira I seulement de matches amicaux) pourra s'en attribuer le &rite ( a Je

l'ai choisi et je le guide s), et en cas dlinsuc&s, justifier seS propres khecs en y trouvant la confirmation de ses jugements sur I'idm6- diable faiblesse des joueurs franqais.

Aoat 1973.

PELE ET LE MIROIR

Le football, c'est la guerre !... D b la Coupe du Monde 1962, l'ex- pression fait fureur. La Coupe d'Europe et la Coupe Intercontinentale des clubs, les championnats nationaux vont se charger de l'illustrer sur les stades devenus des champs de bataille.

En raison de son Cloignement ghgaphique de la source du mall le Bn%il khappe partiellement B la contagion de ce faux r&&sme qui arbore avec cynisme sa recette magique a Qu'importent les moyens pourvu que le rdsultat soit atteint n.

Alors que la g4nbtion des ann6es 1950, d&im& par le temps, la violence au l'intrigue s'Cteint doucement, Pel6 B l1@e adulte, Pelt! sou- verain, Pel6 fabsiczwdt en drie de buts Crantholdgie 8, Pd6 b e et

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cerveau de Santos deux fois vainqueur de la Coupe Intercontinentale, demeure l'unique et resplendissante incarnation de l'esprit d'un sport dont la ddgradation se prkipite.

Pel6 n'est, hklas, pas invulndrable, et quand en 1966 le Bdsil remet en jeu sur le sol anglais la Coupe du Monde pdniblemcnt conser- vde B Santiago du Chili, devenu la cible d'agressions pdm6ditkes et souhaitks pour des raisons de basse politique, il est balay6 avec le football qu'il symbolise.

Mais la ddpression surmont.de, il redevient lui-meme. A un an du rendez-vous de la revanche, la fantastique rdalisation de son millihme but retentit comme un coup de tonnerre dans un monde qui commence B avoir la nostalgic de l'dpoque oh le football h i t l'art de marquer des buts.

Et lorsque le Bdsil remporte au Stade Azthque sous les yeux de p d s d'un milliard de tdlkspectateurs un triomphe qui est celui du jeu offensif sur le jeu dkfensif, du football sur I'antifootball si bien incard par les reprdsentants du a catenaccio w, nu1 ne sly trompe : ce triomphe est aussi celui de I'homme qui, durant douze ans, a port6 presque seul les espoirs de llArt du football.

C'est si vrai que, la Coupe Jules-Rimet dtfinitivement conquise, le Brksil, inconscient des raisons de sa conquCte, s'empresse d'adopter ce qu'il vient si brillarnment de confondre. Et qu'il y a sans doute relation de cause A effet entre ce reniement et les adieux que fait Pel6 le 18 juillet 1971 B la sdlection bresilienne et B la Coupe du Monde 1974 qu'il aurait 6t6 parfaitement en mesure de gaper.

Si le Miroir du Football a choisi ce numkro 200 pour rendre au plus grand footballeur de tous les temps un hommage que l'actualitd ne semble pas justifier, c'est parce que personne n'a mieux soutenu que lui le combat que mhne notre revue depuis son premier num6ro. Le combat pour la sauvegarde de l'esprit authentique du football.

Certes, cet esprit est toujours demeurd vivant dam la pratique de millions de footballeurs de tous les pays et dans la mdmoire de mil- lions d'amoureux sinchres du football. Et l'inconsistance des argu- ments dCvelopp6s pour justifier philosophiquement, moralement et tactiquement, une ddgradation hypocritement attribude B a l'holution irrdversible du football v a semi notre cause.

Mais aurions-nous rdsist6 avec la seule force de la raison au ddfer- lement de contre-vCrit6s ddversdes dam les cerveaux par une Presse toutepuissante, rompue B la pratique de tous les sophismes et de toutes les mystifications, et d6terminCe A ddfendre par tous les moyens les int&&s financiers attach& B la ddgradation de I'esprit du jeu 3 Aurions-nous r6sist6 si le formidable rayonnement de Pel6 n'avait pas constitu6 Is vivante dfutation du mensonge a r6aliste v 3

Au moment ou le Miroir du Football fete sa quatonihme annQ de vie, au moment oh son @e, respectable pour un journal, apporte la preuve qu'il s'est solidement implant6 en France et dans le monde (puisque le quart de son tirage est di&lsd hors des frontihres de l'hexa- gone et jusque dans les cont&s les plus reculhs de la planhte), nous nous devions honnetement de poser cette question.

Elle ne pdjuge d'ailleurs A aucun titre de l'avenir du Miroir. Car lorsque Pel6 se sera effac6 devant Edson Aranths do Nascimento, ses uploits graves dans la mhoi re des foules et ses records lonntembs

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encore inaccessibles continueront B tdmoigner de la h6cessitd d'une revue dddide B ce football qu'il a plus que tout autre Clew? B la dignit6 d'un grand Art. Et d'autres Pel6 naftront sur tous les continents pour que vive le football offensif.

Septembre 1973. N u d r o 200.

LES VRAIS TRICHEURS

I1 y a pire : ceux qui ont le front de a moraliser w lorsque la degradation du football se manifeste par des faits qui suscitent l'indi- gnation gCnCrale.

Ceux qui distribuent des prix du a Fair Play w et fondent des asso- ciations contre la violence dans le sport, c'est4-dire participent B des initiatives apparemment louables et gdndreuses, alors qu'ils ont prkhe et continuent B precher le a realisme w, a l'engagemwt physique m, la recherche du rdsultat par tous les moyens, et qu'ils apportent un sou- tien inconditionnel aux thdoriciens et aux praticiens de ces beaux principes.

Les vrais tricheurs ce sont eux qui sl&vent avec une indignation affectde contre les consiquences ineluctables des conceptions qu'ils rdpandent. Ceux qui stigmatisent hypocritement les effets, pour mieux prdserver les causes.

Si l'on veut dellement mettre fin aux scandales de toutes sortes qui se multiplient sur les terrains de football, parce qu'ils ont leur origine dam un milieu qui subit l'empreinte de la forme de soci6t6 dans laquelle nous vivons, il n'y a qu'une solution : revenir aux sources du football.

Si des dizaines, voire des centaines de millions d'hommes se passionnent pour le football, est-ce pour retrouver dans sa pratique tout ce qui les choque et les traumatise dans leur lutte quotidieme pour l'existence ?

Ou n'est-ce pas plutdt pour y trouver, dans un jeu, qui implique naturellement la loyautd, la correction et la fraternit&, non point un denvatif, mais I'espCrance de la vie harmonieuse que pdfigure l'esprit d'un sport oh -1'individu s'kpanouit au sein de la collectivitd ?

Janvier 1974.

STATISTIQUES ET CONCEPTION DU JEU

Mais ce serait une erreur aussi grande de sousestimer l'impor- tame de la conception du jeu dam le ddveloppement quantitatif du football.

Si chaque am& des dizaines de milliers de jeunes footballeurs abandonnent la pratique du football B l1@e oh l'on commence B r6flB chir, c'est qu'ils n'y trouvent pas un intCr&t comparable it celui d'au- tres activites qu'ils commacent B connaftre. Cest que leur sport ne leur apporte plus le plaisir de jouer qui les avait conquis B leurs ddbuts. C'est que le football est devenu, en raison de la conception

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officielle des entdneurs, un a combat n, m travail, une corn& q u l h se refusent assumer en supplhent de leur m6tier.

Le ddveloppement du football en tant que sport de masse d6pend donc B la h i s de la solution apportee aux conditions mat6rielles indis- pensables B sa pratique pour tous, slais aussi de l'attrait qu'il exerce et qu'il continuera B exercer sur ceux qui le pratiquent. Et par cons& quent de la valeur de la conception du jeu.

Comment pratiquer le football 3 La dponse comporte deux aspects qu'il est impossible de dissocier.

Fdwier 1974.

CONTRE L'ENTRAINEUR OBLIGATOIRE

Pourquoi le a Miroir rn demande-t-il I'abrogation du r&glement de la F.F.F. et de llarr&d ministdriel qui prdtendent imposer aux clubs amateurs de Division d'Honneur des entraheurs diplhes ?

Parce qu'il est inadmissible d'imposer ti des clubs amateurs, dont I'existence materielle est toujours difficile, des charges financihres suppldmentaires ? Oui bien sib, et nous I'avons soulign6. Ainsi que les deux ddputds et le Conseil G6ndral des C6tes-du-Nord qui l'ont . fait savoir au Secrdtaire d'Etat. I

Mais notre position est dict6e par une raison plus importante encore : I'obligation d'engager un entraheur dipl6md est une mesure autoritaire, dont I'objectif est d'imposer cf tous les footbaZleurs fran- ~ a i s la conception du football enseignde dans les stages officiels, c'est- B-dire la conception de Boulogne, dont on peut chaque jour mesurer les mndquences catastrophiques.

Mars 1974.

LE FOTTBALL AFRICAIN DOIT RESTER LUI-MEME

Rachid Mekhloufi n'a jamais trahi sa passion : le football. I1 l'a servi de manihre exemplaire. I1 le ddfend aujourd'hui avec foi et dignite : a Le football africain est offensif, il se joue devant n, dp&te-t-il depuis son retour en Algdrie. En vain. En Algdrie - de loin le pays oh il y a le plus de potentialit& - le rdalisme tel que le con~oit Njo LRa est actuellement bien Ctabli.

Pourtant, l'dlan formidable pour le footbsll ne s'est jamais ddmenti en Algdrie. Dans ce domaine, comme dam d'autres, ce pays cherche B imposer sa persomalit6 naissante. Cette volontd I'a conduit B pren- :- dre des initiatives positives : recrutement en 1966 de Lucien Leduc ; expMence Mekhlouli en 1971-72. I1 y avait dans ces deux attitudes un parti-pris pour ne pas faire comme I'Occident conquis au nhlisme.

Mais I'Algdrie ne vit pas en vase clos. La t616vision met A port& du regard toutes les a grandes batailles n du football europtkn. Le jeu dit moderne entre dam les foyers, impressionne joueurs, dirigeants, presse. Les forces de dsistance au faux-nhlisme s'amenuisent chaque *

jour. L1antio0nformisme de depart a dkbouch6 sur les recettes tradi- tionnelles du monde occidental : la rentabilitd, la recherche du dsul-

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LE TEMPS DU MIROIR 177

tat imm6diat par tous les moyens. Pire, il a abouti B une situation cocasse : le recrutement d'un entraPneur mumah - Dimitri Makri - pour l'bquipe nationale !

Le Maroc, anesthksi6 par les retransmissions t616vis&s des mat- ches & charnpionnat d'Espagne et conquis depuis longue date au rkalisme. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

L'un des aspects importants de la coopt5ration en football doit Qtre plus spkialement examink. I1 s'agit de l'aspect conceptuel. Dans tous les cas, la conception de jeu qui est vkhid6e est celle en cours dam le pays de u Sexpert s. Celui-ci introduit des formes de penser, de wncevoir le football, insidieusement ou h son corps ddfendant, qui dominent chez lui, c'est-adire en Europe. I1 est le support d'me id& logie, et celleci s'appelle rhlisme. Parce que celuici dgne sur SEurope.

Les entraineurs europtkns en majorit6 sont donc des agents de contamination d'une redoutable nocivitk. En prenant en main le foot- ball africain, ils finissent par kraser sa personnalitd.

Sont-ils, d'autre part, rentables ? Du point de vue du prix de revient du service rendu limit6 B son aspect technique, cela est contes- table. Les sacrifices financiers du ZaYre en faveur de Vidinic ne sem- blent pas proportionnels a 11efficacit6 du Yougoslave.

L'appel aux techniciens &angers constitue en fait une solution de facilitd evitant de rien entreprendre de fondamental (voir le Zaire) pour lui substituer le recours a m cadres nationaux; il est I'antidote du fameux principe : compter sur ses propres forces. Son aspect for- matif est presque partout nbgligk. La seule justification du coopkrant, c'est #&re son propre fossoyeur, de former, tout en exerpnt ses talents, celui ou ceux qui sont appelks B le remplacer. Oil cela est-il entrepris systkmatiquement ? Le j m oir Vidinic quittera Kinshasa, il faudra repartir de z&o car le Yougoslave ne s'est mnsacr6 qu'h une Clite choyke. I1 a fait le vide autour de lui. Tout restera B faire dam la mesure oir il n'y a pas de dCg3ts a rearer. Et quand bien mCme les intentions de a I'expert s seraient pures comme l'eau de roche et qu'il soit conscient de la tiiche h accomplir, il n'est que semeur &illusion. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

S'il est imp6rieux pour 1'Afrique de ne pas vivre en autarcie et s'il est nkessaire de s'enrichir des a mutuelles diffkrences w, il lui est par contre indispensable d1&iter tout conformisme qui aille #A con- courant de la sp6ciicit6 de son football. Cette exigence conditionne la voie du progr&s : le football africain ne peut se jouer que devant.

Aoat 1974.

SA W E S T E LE VEAU D'OR

Si le football franpis n'a pu participer B I'apothkose du football- business que fut le Weltmeisterschaft, il n'en a pas mnoins termin6 dignement I'annde 1974 en apportant sa modeste contribution au p cessus de commercialisation du football, acc8krk depuis I'accession B la tQte de la F6d6ration de I1&uipe de jeunes loups men& par le rassurant M. Sastre : l'atfaire Mdta.

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178 LE TEAQS DU MIROIR

LIA.S. Saint-Etie~e c'btait l'exemple dont tous les clubs de l'hexa- gone ttaient pries de s'inspirer, surtout depuis la sensationnelle cr ren- versCe s du rdsultat de Split. Prksident-modble, entraheur-modble, capitaine-modble, organisation-modble, recrutement-modhle, rdalisme- mod&le, rigueur-modble ... la Presse bien-pensante avait trouvt5 son champion.

En acceptant de se sCparer, contre espkes sonnantes et trdbu- chantes, de BCrbta, B quelques mois de la finale de la Coupe d'Europe - oh ce club avait une chance d'acctder en utilisant toutes ses forces, et de rCCditer ainsi l'exploit du grand Reims - le president exemplaire a sacrifd sans hbsiter ses ambitions sportives sur l'autel de Sa MajestC veau d'or.

On ne pouvait trouver plus bclatante confirmation de ce que le Miroir du Football, seul dans la presse spbcialisbe, a osb souligner sans faiblesse : la subordination du football professionnel a m intCr&s financiers de ceux qui le dirigent.

Janvier 1975.

NOUS NE SERONS PAS COMPLICES!

Avec ce mois de janvier 1975, le a Miroir du Football w aborde sa quinzikme annCe de vie.

Depuis son premier numCro, il n'a jamais derogt! B sa volontC de faire appel B l'intelligence des footballeurs et des amis du football. De les considbrer comme des adultes auxquels on se doit de dire la vtritb, mCme si elle est amkre.

S'il n'a pu empCcher le footbalI de se degrader sous l'emprise d'un environnement social dont le procbs n'est plus B faire, il s'est refusb B en Ctre le complice, c o m e B participer aux mystifications destinbes B camoufler la rdalitb.

En restant fidMe B une conception du journalisme qui se refuse B enjoliver la rbalitb, fit-elle provisoirement sombre, le Miroir w s'est engag6 dans la seule voie qui autorise l'espoir de contribuer B une vbritable renaissance du jeu et de 1'Art du football. Quand, dans le milieu sportif et hors du milieu sportif, la majoritb des hommes aura pris conscience qu'on ne peut rien bAtir sur l'illusion et le mensonge.

Janvier 1975.

BAYERN-LEEDS LE FRUIT DU a REALISME s

Pour gagner cette partie sans appel, pensions-nous avec quelque naivetC, Leeds et le Bayern utiliseraient les moyens athlbtiques, tech- niques et tactiques qui, dans la lettre et l'esprit du jeu, permettent d'atteindre son objectif nature1 : le but.

Qu'avons-nous vu, avec les 50 000 spectateurs du Pan: des Princes et des centaines de millions de tClCspectateurs 3

Un combat navrant, Cmaillb de brutalitbs et dlirrCgularit&, entre une bquipc (Leeds) qui s'btait volontairement privk du moyen tacti-

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que d'imposer sa volontb offensive illustnk par une domination ter- ritoriale hasante, et une formation (Bayern) refusant d&Mrhent de jouer.

Un dsultat compl&tement fauss6 par un arbitre frustrant 116quipe qui jouait - mall mais qui jouait - du bCnCfice d'un penalty dnorme et d'un but rCguli&rement acquis, et manifestant de surcroit une per- sistance dans I'erreur & sens unique qui oblige & mettre en doute son impartialitd.

Un ddchahement de chauvinisme et de vandalisme unique dans les annales de la Coupe d'Europe et sans doute dans I'histoire du football dans notre continent.

Pourquoi Armfield, l'entrafneur de Leeds, a-t-il prCfdrd le hargneux et faiblard Yorath & I'ailier vdritable qu'est Eddie Gray et a-t-il vou6 le pur-sang Lorimer & un labeur harassant de liaison, rendant ainsi indvitable le jeu offensif monocorde en balles longues adriennes vers Jordan et Clarke, ses dew seuls avants permanents 3

Pourquoi Cramer, I'entrafneur du Bayern, a fait de Muller, I'ex-roi des buteurs, un milieu de terrain dCfensif se muant en arrihre 3

Parce que le sentiment, I'esprit de c h t i o n offensive, la joie de jouer n'a que faire dam cette Coupe #Europe qui, en raison meme de sa formule, a pr6cipitC I'Cvolution defensive du football. Pour les deux mdtres & penser des dquipes finalistes, il fallait d'abord Ctre e h l i s t e m.

Pourquoi l'arbitre, le Fran~ais M. Kitabjian, a-t-il frustd de mani&re aussi scandaleuse 1Vquipe qui attaquait du b6n6fice de ses efforts ?

Parce que, inddpendamment de toute autre considCration, la tra- dition ddsormais Ctablie de I'arbitrage accorde le prCjugC favorable au ddfenseur, & un Schwanenbeck aux dCpens d'un Jordan.

Pourquoi cet incroyable dechainement de chauvinisme et de van- dalisme? Parce que le succb financier de la Coupe d'Europe, dans sa phase la plus rentable - dans les Climinatoires - ne repose pas sur I'attrait que pourrait susciter la qualit6 du jeu, mais sur le chau- vinisme, sur I'exploitation de ce qu'il y a de plus vil et de plus mdprisable. Si les voyous font aujourd'hui la loi sur les stades d'oh ils chassent les sportifs, il faut Ctre bougrement hypocrite pour ne pas reconnaitre qu'il s'agit lB d'un phhomhne tout & fait naturel. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Bien que le public fran~ais de cette finale fut le dsultat d'une dlection par I'argent, il manifesta par ses sifflets B I'adresse des vain- queurs, le mCpris dans lequel il tenait les moyens qu'ils avaient employds pour parvenir & leurs fins.

Car il y eut une minute de v6ritC dans ce festival de la tricherie et de la bCtise : quand les vainqueurs, au cours d'un tour d'honneur effectub avec une irnpudente inconscience s'enfuirent 21 toutes jambes sous le tir de barrage des Cnergumhnes supporters de Leeds.

Les gladiateurs transformds en clowns effectuant une sortie dhopilante ...

Le Premier ministre, qui a des lettres, n'a pas dfi manquer de trouver dans ce spectacle oti le grotesque rejoignait l'odieux, et qu'il pdsidait, la confirmation de la pikre estime rlans laquelle il tient les sportifs. La confismation aussi de la xkessit6 politique de ces

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jeux de cirque s qui consacrent si oppartunhent les vertus de l'injustice ...

Non, il ne manquait d6cidBment rien B la f&te ! Juin 1975.

FOOTBALLBUSINESS ET DIVERSION

Meme s'il propose de frapper dlune taxe nouvelle les recettes du football professionnel (c'est l i ranGon du succ&s), le Gouvernement n'est pas indifEknt B la vogue du produit-football.

La probabilit6 de la victoire franpise dam le r4cent match France Islande n'a certainement pas Bt6 &rang&-e au fait qu'un &&anent d'un inter& sportif aussi rkduit ait 6t6 t616vis6 en direct sur les deux chahes, au grand dBpit des gens que le football-jeu et Ze football- business laissent 6galement indiffdrents.

Les victoires qui flattent le chauvinisme national sont un moyen de diversion dont l8efficacit4 est depuis longtemps reconnue dans de nmnbreux pays. Et au moment oh le ch6rnage prend des proportions alarmantes en France, il n'est pas &onnant que tout ce qui peut faire oublier les p6nibles rialitks de la vie, soit exploit6 par ceux qui se refusent B en assumer la responsabilit6. Et que l'on se Micite en haut lieu que des gens revendiquent les mdrites d'une victoire acquise sur le terrain de football, au lieu de fomuler d'autres revendications.

Le football opium du peuple ... l'expression, maintes fois vtilisie B props du Brisil, peut s'adapter aujourd'hui B la France. Ce a pro- duit qui se vend bien malgr4 la crise de l'economie s, va-t-il bientdt assumer la m h e fonction que la drogue et le film porno, ces deux produits qui, eux aussi, se vendent bien, malgrd, ou A cause, de la crise Cconomique ?

Octobre 1975.

REPRISE DE VOLEE. .. IL RBSTE... Priv6 de sa superstar, le football fran@s commen@t B broyer

du noir ... Gdce au ciel Kovacs est revenu. I1 Btait en vacances le cher homme.

D b son retour, plus fringant que jamais, il monta h l'attaque : - J'ai recu de nombreuses propositions &nunant de tous les pays dlEurope. Mais je respecterai mes engagements avec la France.

Le journaliste qui enregistra cette hcnrvante d&laration, essuya une lame furtive, avant de faire savoir aux populations de l'hexagone que le meilleur e n t d e u r in the world Btait aussi un homme d'hon- neur. Seuls MM. Mazeaud et Sastre ont fait la grimace. On se demande vraiment pourquoi ?

L'IMPENETRABLE MYSTERE. Le beau geste de Stefen Kovacs leur a-t-il rappel4 quelque chose ?

Boulogne, on s'en souvient peut&tre, commenqi son dgne par une ddroute B Wembley (5-0). Quelques semaines plus tard, il confia ses ennuis B la presse amie : k -- Je ne sais si je vais poursuivre m n intgrim 1 la tkte de I'dquipe

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de France. Un grand club &ranger m'a fait des propositions si ten- tantes.

Quatre ans plus tard Boulogne poursuivait son a int6rim w. Mais personne n'a jamais n5ussi Zt connaitre le u grand club &ranger w dont le flair mdritait pourtant dl&re si .

JAS paris sont ouverts. f- Kovacs sera-t-il aussi discret .

DES AILIERS. POUR QUO1 FAIRE ? Lemerre, l'entraheur du Red Star, n'a pas fait jouer Magnuson

contre Angers A Saint-Ouen, alors que la semaine prWente , il avait u n5servC B le SuCdois pour ce match au sommet. Motif de sa dki- sion : - Fuenths et Prost, les ailiers que j'ai choisis sont aussi de bons ddf enseurs, alors que Magnusson rkpugne h defendre.

Si vous riez devant cette explication, c'est que rous ne comprenez rien au football moderne.

Novembre et &combre 1975.

* LE FOOTBALL DE LA PEUR

En fait, matches amicaux, matches de champiomat, matches de coupe ont aujourd'hui en commun une mCdiocrit6 d'autant plus exas- pdrante que les possibilitds physiques, techniques, tactiques des joueurs sont plus 6lev&s qu'elles ne l'ont jamais 6t6 (nous parlons naturellement des joueurs qui, de par leur formation, devraient tenir un d l e positif). Mais d'oh vient que ces possibilitCs ne s'expriment que par 6clairs, alors qu'elles devraient s'exprimer pleinement & constamment ?

Derribre les ,masques des mots et des formules - a football total a, 4 4 2 - il suffit d'observer nlimporte quel match dit de haut niveau pour constater la rdalitd : le r6le ddfensif u total w impose h tous les joueurs. Si nous pdtendons que les avants abusivement qua- lifiQ de pointe consacrent 80 % de leurs forces pour assurer l e u a devoir R dkfensif sur terrain adverse, nous sommes certainement au-dessous de la vkrit6. Mais faut-il s16tonner s'ils manquent de res- sources lmsqu'il s'agit d'assumer un r61e positif de construction ou de finition, qu'il leu. faut daliser de surcroft clans les conditions u impossibles R de 11inf6riorit4 num6rique 3

C'est la hantise du rdsultat, la peur de perdre, qui inspirent I'atta- chement des entrafneurs B l'ineptie consistant Zt suresther le die offensif de I1arri&re et le r&le ddfensif de I'avant. I1 suffit de compter les occasions de but pour &re Bdifi6 sur 11efficacit4 offensive de ce m6pri.s de la logique.

Mais jusqul quel point pat-on en vouloir aux entrabeurs, q m d on sait que quelques rksultats maIheureux peuvent les condamner au ch6mage ? La ~esponsabilit6 des dirigeants, des supporters, de la Presse, qui justiflent les pires injustices par les dsultats, en refusant de considkrer les moyens, c'est-&-dire le jeu, n'estelle pas plus engag& encore ?

Ne faut-il pas aller plus loin, dam la recherche des causes de la d@dation gdnerale du football ?

Bien sQr que si. Car cette peur de perdre, cette volontd de conser-

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ver I'acquit meme s'il est mddiocre ou dtrisoire, ce refus de rendre P le risque inhCrent B toute creation, B toute innovation, on es ren- contre partout dans la vie actuelle. Or le football, comme nous l'avons souvent dpdtd ici, fait partie de cette vie. I1 est dirigd, pratiqub, entourd par des gens qui ont la peur de perdre.

Mais alors I'avenir du football ? Eh bien il ddpend, sans nu1 doute, de I1av&nement d'un type de socidt6 oil la peur de perdre aura cddd la place 21 la soif de conndtre, d'oser, de cr&r, de conqudrir. Ce n'est pas pour demain. .. 3 Qui peut le dire ?

Dtkembre 1975.

SAINT-ETIENNE ET LA COUPE D'EUROPE

Et revoici la Coupe #Europe! La fi&vre s'est ddjh emparde de Saint-Etienne et de sa &@on. Pour

le match du 17 mars dans lequel l'dquipe championne de France rece vra Dynamo Kiev, toutes places du Stade Guichard sont depuis long- temps IouCes. Plus de 50 000 demandes, dont certaines accompagn&s de cMques en blanc, ont dti Ctre rejetCes.

Devant ce boom financier sans prdcddent - il s'agirait dlune recette de 250 millions d'A.F., car les prix des places ont aussi battu tous les records - on comprend la sCrdnit6 avec laquelle MM. Rocher et Herbin ont accueilli l'dlimination de leur tquipe d& son entrde en lice dans la Coupe de France, puis sa ddfaite devant Paris S.G.

Destin europden d'abord ! On se rdjouit ici de voir une formation de I'hexagone prouver,

par sa seconde participation a m quarts de finale de la grande comp6- tition continentale que les footballeurs f r a n ~ i s ne sont pas les juniors perdus dans un jeu d'hommes w que ddcrivaient il n'y a pas si longtemps MM. Ferran et Boulogne. Et confirmer ce que le Miroir du Football a mille fois rdpdtd depuis 16 ans.

Mais on a aussi le droit de se poser quelques questions sur les motifs qui ont poussC un aussi grand nombre de ForCziens B consen- tir des sacrifices parfois considdrables pour assister au match du 17 mars.

L'amour du beau football ? Rien n'est moins sGr, car tout le - monde conndt assez bien l'immuable sctnario des rencontres Climina- toires de la Coupe d'Europe - ddfendre 21 lDextCrieur, attaquer B domicile - pour savoir que la beaut6 du jeu est le dernier souci de leurs acteurs.

L'attrait un peu trouble du combat sans merci oil l'arbitre, ter- rorisk par des supporters d6chdnCs ( a Salaud, le peuple aura ta peau ! D) interp&te les lois du jeu suivant les impdratifs de sa dcuritd personnelle ? Peut4tre.

La volontd de participer au renversement de la situation Ctablie au match-aller 3 D'apporter sa contribution a patriotique D B la vic- toire de l'dquipe locale ? Probablement, si I'on se fie aux prCcCdents, les matches contre Split et Chonow, dans lesquels le public du stade Guichard a tenu un r61e considerable.

Si l'on rCpond par l 'affiative a m deux dernikres questions, alors nous refusons d'admirer, car pour nous - et heureusement pour beaucoup - le football ce n'est pas l

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LB' TEMPS DU' MIROIR 183

Pout notis, le football c'est 40 millions de jaueurs qui, chaque semaine, sur tout les stades du monde - petits et wds - trouvent la joie de s'exprimer, de crCer, de communier dans un jeu B la mesure de SHomme. ..

... Le Football, c'est l'dquipe de Hongrie 1954, le Brdsil de 1958 et 1970, le Santos de Pel& le RCal de Di Stefano, le Reims de Kopa, llAnderlecht de Verbiest, le Kiev de la Finale de la Coupe des Coupes, le Fluminense du Tournoi de Paris. Ce sont les mdliers d'Cquipes sans grade qui, avec leurs moyens, honorent le sport au m2me titre que les formations les plus prestigieuses ... ... Le Football, c'est le grandiose chant cammunautaire qui, avant chaque Finale de Coupe dlAngleterre B Wembley, unit les 100 000 spec- tateurs aux joueurs et 5 l'arbitre, incarnation des Lois du jeu admises par tous. ... Le Football, c'est la force qui a fait surgir ces gigantesques et modernes cathidrales qui portent des noms aurColCs de ldgende ou d'histoire. Maracana, Azteca, Nou Camp, Chamartin. Unine, Nepstadion ...

... Le Football c'est 1'Art populaire dont la pratique authentique- ment universelle ddbouche naturellement sur la fraternitd ...

... Le Football c'est I'image dans le jeu de la sociCt6 h laquelle chacun aspire consciemment ou inconsciemment.

Ce que nous dcrivions B cette place en janvier 1960. Mais du vrai football, les grandes compCtitions d'aujourd'hui ne

nous offrent que la grima~ante caricature. Et comme ses traits essen- tiels (rigueur, discipline, travail, sodrance, agressivitk, rentabilitd) sont de simples transpositions sur le stade de l'environnement social quotidien, illustrC par le trin6me mCtro-boulot-dodo, le spectateur irustrk pdHrerait ses pantoufles si la culture intensive de I'esprit nationaliste ne h i apportait un produit de remplacement de premier choix : le chauvinisme.

Le chauvinisme, certes, est antCrieur h la crdation de la Coupe #Europe, et il y a belle lurette que des spectateurs s'identifient B l'dquipe de leur ville ou de leur pays pour savourer la mile satisfac- tion de hurler a On a gagnC ! s. Mais la formule des matches aller- retour avec Climination popularisCe par la Coupe d'Europe des clubs a chauiTC h blanc les chauvinismes. Vaincre ou mourir I... I1 n'en faut pas plus pour m6tamorphoser en combattants farouchement dCter- minis ii terroriser a l'ennemi hkrkditaire w (l'arbitre et 1'Cquipe visi- teuse) des gens habituellement paisibles, dont l'idCal est de vivre au sein d'une majoritd silencieuse et rCsignde.

Telle est ddsormais la rkgle du jeu de la Coupe d'Europe et per- sonne ne s'Ctonne qu'une Cquipe CcrasCe sur terrain adverse, inverse le rdsultat sur son terrain puisque les valeurs ne parvenant plus B s'exprimer dans un climat de guerre et de haine, le dernier mot appartient a m supporters les plus a efficaces w.

Le chauvinisme sous la bannikre du football est un a produit qui se vend bien D, et c'est pourquoi les dirigeants des fCdCrations et de 1'Union EuropCenne prifkrent B un Championnat doEurope par addi- tion de points qui attdnuerait les passions chauvines et restituerait sa place au sport, les bancos de la Coupe &Europe oh les clubs jouent leur existence A quitte ou double.

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1 84 LE TEMPS DU MIROIR

Avides elles aussi d'un a destin europtkn w, les municipalit& sont d'ailleurs pdtes B assumer les risques de l'entreprise : il s a t de voir avec quel empressement elles se bausculent au portillon des diri- geants p6riodiquement dkidbs (retenez-moi !) B mettre la cl6 sous le paillasson ... pour leur offrir l'argent des contribuables.

Ainsi la boucle est bouclde. Le citoyen conscient et organis6 apporte, bon @-6 ma1 gr6, sa caution et 6ventuellement son c o n m B I'm& des supporters. Lui aussi aura le droit de se joindre au c h m des soldats victorieux et de crier : a On a gag116 l m

Et qu'importe si le Football a perdu. P&rk 1976.

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MZROIR en Mai 1968

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LE FOOTBALL AUX FOOTBALLEURS !

LE TRACT-PROGRAMME DU COMZTE D'ACTZON DES FOOTBALLEURS

Pootballeurs appartenant 2i divers clubs de la r e o n parisienne, nous avons d6cid6 d'occuper aujourd'hui le sihge de la Fdddration Franpise de Football. Comane les ouvriers occupent leum usines. Camme les Ctutliithts ocdupent leurs Facultds.

Pouf'tjuoi ? Pour rendfe aux 600 000 footballeurs franqais et h leurs )nitlions

d'amis ce qui leur appartient : le football dont les pontifes de la Fdddration les ont expropribs pour sewir leurs intdr6ts bg&stes de profiteurs du sport.

Aux termes de l'article 1 des Statuts de la FCd6ration (Association sans buts lucratifs selon la Loi), les pontifes de la FddCration s'enga- geaient B travailler au u dCveloppement du football B. Nous les accusons d'avoir travail16 contre le Football et d'avoir accCl6r6 sa d6gradation en le sournettant B la tutelle d'un Gouvernement natu- rellement hostile au sport populaire par essence.

10 12s ont acceptd de limiter a huit mois la saison de football et d'interdire sa pratique au moment le plus favorable de i?ann&, en tolCrant : la fermeture des stades, le refus des billets collectifs pour les ddplacements, et le refus des garanties d'assurances-accidents durant la phiode u interdite B.

20 Zls n'ont r im fait pour empdcher la suppression de nombreux terraihs de football et pour exiger la crbation de nouveaux. Ce qui place des centaines de milliers de jeunes dans l'impossibilit6 de pra- tiquer leur sport. 11s n'ont rien fait non plus pour permettre aux scolaires de pratiquer le football en salle.

30 Zls viennent de crder la Licence B, qui en interdisant pratique- ment les changements de clubs sauf au profit des grands clubs, consti- tue une atteinte intolkrable B la libert6 des joueurs et aux inter& des petits clubs.

40 Par la voix de Dugauguez, ils ont insult6 tous les footbaltears ffartpzis danL leurs aptitudes physiques, techniques kt intellectueiles.

50 11s bafouent in dignitd humaine des meilletlrs footballeurs d'entre nous, les professionnels, en maintenarit le cantrat esclavagiste dCnoncC par Kopa et dont l1ill&alitt a CtC reconnue, il y a un an, par Sadoul, le PrCsident du Grdupeinent des dirigeants.

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dCnonc6 par Kopa et dont l'illkgalitt a CtC reconnue, il y a un an, par Sadoul, le President du Groupement des dirigeants.

60 Ils concentrent sans vergogne aux mains d'une infime minorit4 les substantiels profits que nous leur procurons par nos cotisations et par les recettes sur lesquelles ils prClbvent des pourcentages quand ils ne se les approprient pas integralement. Chiarisoli, PrCsident de la FCdCration, Sadoul, PrCsident du Groupement, dissimulent des appointements illCgaux sous des chapitres budgCtaires qui Cchappent au contr6le des sportifs. Boulogne, chef de la Maffia des entraineurs, rCserve a ses amis les postes les mieux rCtribuCs (1 million par mois et plus). Dugauguez, qui affirmait Ctre directeur 2i plein temps de 1'Equipe de France (600 000 francs par mois) a conservC ses postes de directeur commercial des Draperies Sedanaises et d'entraineur de Sedan. Et le bouquet de ce feu d'artifice est tire par Pierre Delaunay qui doit son poste de secrktaire gCnCral de la FCdCration, B llhCrCditC (comme un wlgaire Louis XVI), car il a CtC nommC au titre de fils de son pbre, titulaire prCcCdent de la fonction !

C'est pour mettre fin a ces incroyables pratiques que nous occupcjns la propriCtC des 600 000 footballeurs fran~ais, qui Ctait deve- nue le bastion des ennemis et des exploiteurs du football.

Maintenant, B vous de jouer, footballeurs, entraineurs, dirigeants de petits clubs, amis innombrables et passionnCs du football, Ctu- diants, ouvriers, pour conserver la propriCtC de votre sport, en venant nous rejoindre pour :

EXIGER LA SUPPRESSION : de la limitation arbitraire de la saison de football de la licence B du contrat esclavagiste des joueurs professionnels ;

EXIGER LA DESTITUTION IMMEDIATE (par voie de rCfCrendum des 600 000 footballeurs, contr6lC par des footballeurs)

des profiteurs du football et des insulteurs de footballeurs.

Libe'rer le Football de la Tutelle de I'argent des pseudo-mtcknes incompttents qui sont B l'origine du pourrissement du football. En exigeant de 1'Etat les subventions qu'il accorde B tous les autres sports et que les pontifes de la FkdCration n'ont jamais rCclamCes.

Pour que le Football reste votre proprikt, nous vous appelons B vous rendre sans de'lai devant le sikge de la FCdCration, redevenu votre maison, 60, avenue d'ICna B Paris.

Tous unis nous ferons B nouveau du Football ce qu'il n'aurait jamais dti cesser d'Ctre : le sport de la joie, le sport du monde de demain que tous les travailleurs ont commencd B construire.

TOUS, 60. AVENUE D'IENA !

Le Comitd d'Action des Footballeurs.

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LE TEMPS DU MIROIR

LES SALOPARDS EN CRAMPON (L'EDITORIAL EXCEPTIONNEL DE MAURICE VIDAL COMMENTANT LE MAI 1968 DES FOOTBALLEURS)

Le 22 mai, le sibge de la FddCration Franwise de Football subis- sait le sort des universitks, des usines et de bien d'autres bdtiments publics ou privCs, dont l'occupation marquait une volontd certaine de contestation, de revendication et de changement de la part des travailleurs intellectuels ou manuels. Les ouvriers occupaient a leurs usines P, les Ctudiants a leurs n facultCs, les artistes a leurs s thCC tres, les avocats ou les mCdecins u leur . maison. Premihre et fonda- mentale affirmation de ce mouvement historique : a Nous a produi- sons P dam ces usines, ces universitb, ces thbitres, ces maisons. Elles sont nbtres, car sans nous elles ne sont nen. Nous ne voulons pas y Ctre des Ctrangers ou des esclaves, nous voulons y vivre dignement, nous y faire entendre. w

Le 22 mai, donc, c'btait pour les mCmes motifs au tour de la FCdCration Fran~aise de Football de voir ses locaux occupCs par les quelques dizaines de footballeurs appartenant Cvidemment des clubs de la rdgion parisienne. Certes, 1'Institut National des Sports ou l'Ecole Normale SupCrieure dlEducation Physique et Sportive Ctaient Cgalement occupds par les enseignants, personnels, athlktes ou Clbves, affirmant ainsi heureusement que les structures sportives aussi Ctaient en cause dans cette vaste remise en question de la socidtC frantpise. Pourtant le geste des footballeurs apparut insolite h certains. N'ayant pas CtC associC cette action, non plus que les journaux que j'ai I'hon- neur de diriger, je me sens parfaitement A l'aise pour dire ce que j'en pense.

Pourquoi insolite d'abord, alors que le mouvement atteignait tous les milieux et toutes les catkgories de citoyens, comme chacun a pu en juger ? Parce que le vieux mythe du sport Q l'abri de toutes les convulsions sociales a encore la vie dure. Parce que depuis des dizai- nes d'anndes, depuis sa naissance exactement, le sport solidement tenu en mains (a quelques exceptions prks) par la bourgeoisie (voyez la composition sociale des directions fCdCrales ou de grands clubs) est utilisC par celle-ci comme un frein au dCsir d'Cmancipation et de progrhs de ceux qui le pratiquent, et qui dans leur immense majontC, viennent pourtant des couches les plus dtfavorisCes de la population. Utiliser le sport contre les sportifs, c'est un programme qui, malgrC son apparent paradoxe, a Ctt men6 a bien jusqu'ici. Si le geste etait insolite, il avait donc avantage de s'en prendre avec Cclat B l'un des tabous les plus nocifs de la philosophie traditionnelle en matikre de sport.

Nous ne sommes pas tous d'acord ici sur la f a ~ o n dont l'opdra- tion a CtC menCe. Mais si je l'affirme, c'est moins pour me distancer de mes carnarades (on le verra) que pour ne pas sembler a rCcupCrer w un mouvement qui revendique pleinement ses propres responsabilitds. Au demeurant, ces divergences dlapprCciation dans la forme n'empe chent pas un profond accord sur les buts revendicatifs du a Cornit6

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#Action des footballeurs D. C'est pourquoi c Miroir du Football r qui n'entend pas que I'arbre cache la for&, aceorde la plus large place B ces revendications qu'il d6fend d'ailleurs depuis sa crhtion. i

Pour la F.F.F., par contre, seul l'arbre compte, et meme on le brandit avec imsistance dam l'espoir de faire oublier la for& d'er- ! reurs, de refus, de dialogue rdel, l'absence de r6formes de structures profondes, le monolithisme, le mandarinat envers les 600 000 amateurs francpis, l'esclavagisme envers les professionnels, qui constituent le lourd palmads des dirigeants de la plus puissante fkddration sportive.

r: Le football aux footballeurs D, c'est un mot d'ordre jute, et il n'est pas mauvais que pendant 5 jours il ait 6td insorit au h n t o n de la maison des footballeurs. Car c'est LEUR maison, n'en d6plaise a m pontifes, horrifiCs que des E( salopards en crampons D soient Venus frotter leurs godasses sur les moquettes de SAvenue d'I6na. Et ce n'est pas uae lapalissade : pour lrinstant, le football ,nlest pas a w footballeurs, qu'ils soient professionnels ou amateurs, et m&ne si la rddaction de statuts jamais appliquQ dans les faits donne bonne conscience aux dirigeants de la F.F.F. b

11s sont horrifiCs aussi d'avoir remarqu6, p a r d ces footballeurs, des gens qu'ils connaissaient comme journalistes. C o m e si ces jour- nalistes n'6taient pas des footballeurs d b e n t qualifi6s par une licence, : et des citayens B part entihe, B ce titre Iibres de l e m actes. Fau- drait-ill p m parler du football comme pour le diriger, ne jmais fouler les pelouses, ballon au pied ? Cette disorimination &tablie par la F.F.P. entre ses ressortissants est assez sig&icative de son &at I

d'esprit. Excusea-les, messieurs, de jouer aussi au football l Treve de tergiversations : la F.F.P. affirmait, dam yn communiqu6,

qu'eue ne s'btait jamais refusbe au dialogue et aux r6farme.s indispen- i sables. Jbi 6t6 de ces indecrottables optimistes qui croyaient encore aux possibilitds de tUalogue, sur un pied d'hgalit6, en- les dirigeants sportifs, tels qu'ils sont, et les pratiquants. Si la F.F.F. veut pmuver sa vo!nn@ ds remuveUement, ssn sew de la deTnwtie, qdelle se h&e. Car elk, par an tm, a besuceup de ohwes B r: r&up&fer R. Et pas sdelnent des locaw. 0

Juillet 1968. No 108.

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LE CONFLZT (Documents)

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PROLOGUE

LA FETE, PAR MAURICE VIDAL, Juillet 1974.

... Pour l'intelligence du jeu et le plaisir du spectacle, clCtait donc

un bonheur d'ttre Fransais et de rester (presque) serein, mCme en constatant qu'il y a des a tricolores D bien meilleurs que les nbtres. La seule passion du fantastique public de ce Championnat, ce fut le football. Le seul cr chauvinisme D s'exer~a en faveur de l'offensive. Pendant un mois, les prophktes de a llefficacitC D par le jeu ddfensif n'ont pas pest5 lourd.

11s I'ont bien senti d'ailleurs, et devant la condamnation gdnCrale de cette forme de jeu, c'etait h qui briilerait sa foi le plus vite et le plus fort dans ce camp-18. Au point que notre a Miroir du Football w a bien failli, un moment Ctre dkbordk sur sa gauche (le coeur est B gauche). I1 est vrai que lui n'avait pas B remonter B force de rames un courant que depuis 14 ans il a maintenu d'abord contre vents et marees (noires), puis fait grossir jusquJB ce Championnat du Monde qui, s'il n'a pas toujours vu triompher I'offensive sur les terrains, I'aura fait triompher dam le cceur et l'esprit de tous ceux qui aimaient ou ont appris B aimer le football. Et ga fait du monde !

... N'importe : malgr6 leur u recul-frein s, les admirateurs de la

force, des defenses renforcdes et du football-fric appartiennent dCj& au pass6 aprhs ce Championnat du Monde. 11s en seront bientbt au a recul- fuite D.

Ce que, pour ne parler que d'un match dmouvant, Allemands et surtout Polonais (et il est symbolique que soient associCs dam une vraie comprdhension du football des joueurs au statut social si diffk- rent) revendiquaient avec le plus de force par leur conception du jeu, c'est le droit des footballeurs B la dignitd. Le droit de pratiquer un sport dam son esprit, et d'abord comme une fete collective. Ce qu'iIs refusaient avec Cclat : l'asservissement des consignes contraires ii la nature mCme du sportif, leur transformation en pions privds d'initia- tive, tristes et muselbs. La joie de jouer, cette kvidence bafoube, voilii ce qu'on a retrouvb sur quelques terrains allemands, voila surtout ce qu'ont aim6 les centaines de millions de spectateurs. ...

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LE TEMPS DU MIROIR

FEVRIER 1976 LA DIRECTION DECIDE POUR UNE FORMULE

RENOVEE DE MZROZR DU FOOTBALL

Depuis plus d'un an dkjh, la direction des Editions Miroir-Sprint a annond aux ddacteurs en chef des diverses publications son inten- tion de pxockder h une Ctude titre par titre avec toutes les parties intCresskes pour I'amClioration de nos publications en w e d'un 61ar- gissement de leur audience et d'assurer ainsi m e meilleure gestion.

C'est dans cet esprit qu'ont dkjB eu lieu plusieurs rdunions. Deux journdes d'6tude marketing ouvertes B tous les cadres de l'entreprise ont notpmment cherchk h cerner les caractkristiques de nos publica- tions, leur spdcificitd, et aussi leurs insuffisances par rapport aux GI-& neaux encore disponible ou ma1 occupds dans la presse sportive.

Cette note a pour objet de developper les propositions d'm6lio- ration pdsentkes par moi, le 30 janvier dans une rkunion groupant J.-J. Faure directeur g&n&al, F. Thkbaud, rkdacteur en chef et moi- m&w.

Ces prapositi~ns s'appuient aussi bien sur les conclusions des deux jades d'ktude que sur mes observations personnelles.

Miroir du FgotBplll est n4 en 1960, soit juste au dhbut de la noire du football fraa@s d'eite, et cle la d6gradation dam

la ~ m t i ~ u e de b u t niveau de ce spar$. dam le monde. I1 a accwpli de ce fait un difficile travail de lutte contre cette

dtigmdatios, contre les h m e s et les institutions qui favorisent oelleci, et polhiqu6 vigmrmsement avec ceux qui y participaient ou llaggravaient par laws &Fits QU leurs comentalres. Lutte dbutant plus diffieile que les iddes r&c*iomaires soutenant la commercialisa- tion acerue de ce sport, donc le caracthe ddfensif du jeu, le d&elop pement du chauvinisme et de la violence, etc... se d6veloppaient dans I'ensemble de la presse.

Pew aomtatations s'imposent, d'appweng contra*, mais non - -

c o q t e d i ~ t q j ~ ~ J : 1) I+ bfr'roir 4u F ~ ~ t b d l en conqu6rant wr public non a8gligeablg

de ur&s de 40 000 lecteurs, a urouv6 au'il existait une masse condde

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et dans la fome, aua besains et d6si~s du public swwptible de s'int& rwssw B une telle publication. P e r m e n'oss a m w r me telle hype thbe, les &udes de caractbres divers que mus entrepremns h u t lef premi8res men6e.s de fapn aussi systhatiques et coh6rentes.

I - Miroir du Football est un magazine

On p a t discuter de la formule technique du Miroir du Football, de son proc4d6 &impression, etc ... Cependant, sa formule actuelle est celle d'un magazine en hdliogravure, disposant pour partie de la quadrichromie.

Un magazine se d6finit par certaines caract6ristiques : - sa qualit4 technique - l'illustration abondante - une certaine distance par rapport B l'actualitb - la lisibilitb des qticles - il est wllectionnk. Nos magazines ont parmi leurs atouts une spbcjficitb que ~ c q q

devons encore mieux dBfinir et accentuer. Dqns le -@re de q t t e sp& cificitb, now pouvons ~ac4embpr les qract$@stiquqs syivpqw : - la ton gdnOra1 - le style des couveFtupes - la pol4mique des i&es - l'aspect instructif - le carapthe non phpuvin et intgmai0lnal - l ' o u v e m et le ddbqt.

(1) Voir Mir~ir 4y Fastbdl $55, g. $7.

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196 LE TEMPS DU MIROIR

Ceci est naturellement plus valable encore lorsqu'il s'agit de photos couleur. Le format de notre magazine constitue un avantage sur le concurrent s'il est utilisC dam la photo.

Le format peut par contre constituer un handicap en ce qui concerne les articles et leur lisibilite. La plupart des articles du Miroir du Football sont trop longs, certains ddmesurCs (exemple : 600 lignes en 7 sur Lambelle dans le No 256, illustrdes de deux photos dont 350 lignes sans un intertitre !). Sauf exception qui doit &re Ctudide sur le plan de la prdsentation, une grille moyenne devrait &re adoptCe pour la longueur des articles, en fonction de la surface utilisde et par consCquent de la place indispensable de l'illustration. Si un article ne peut &re illustrd, c'est qu'il n'est pas destine B un magazine, mais B une a revue v theorique.

De toutes fa~ons, il est nCcessaire que soient fixCes les normes par cattgories d'articles, tant en ce qui concerne le a corps v utilisd (qui ne devrait jamais Ctre infdrieur au 8, le plus souvent possible en 9)' que le nombre de lignes consacrCes au sujet dCbattu en comitC de rkdaction. I1 faut bien dire qu'B cet Bgard le Miroir du Football donne quelquefois l'impression d'une grande licence donnCe B certains colla- borateurs ,surtout exterieurs (ce qui explique la nCcessitC de compo- ser en 7 la plus grande partie du numero).

Professionnels ou non, ces collaborateurs doivent apprendre B se plier aux impdratifs professionnels d'un magazine international comme le n6tre. 11 appartient B la rCdaction en chef de leur faire conndtre ces impCratifs et de les appliquer avec toute son autorite.

IV - Le ton - La poldmique

C'est une partie essentielle de la revision B entreprendre. Le ton du Miroir du Football, quelle que soit par ailleurs la qualit6 des articles, est trop souvent agressif. De nombreux collaborateurs Ccri- vent mil sur les dcrits des concurrents ou des autres journaux; ils s'essoufflent B vouloir rkfuter tous les argumeots de ceux-ci, ce qui est B l'hidence une tiche impossible pour un magazine bi-mensuel. Cela les mbne B tenter de compenser notre position minoritaire par une agressivitt toujours plus grande.

C'est une erreur grave ; cela ne modifie en rien la position domi- nante (qui a des causes autres que sportives ou philosophiques) des adversaires, mais cela irrite mCme nos partisans, qui ne comprennent pas que des arguments justes aient tant besoin d'adjectifs et d'dpithb tes, que des gens qui par ailleurs affirment une telle assurance sur leurs idCes manifestent par leur agressivitk des complexes d'inftrioritd de fait. Que nous soyons perpdtuellement en &at de contre-attaque par rapport 2t nos adversaires.

Certes, la poldmique des idees doit exister dans nos colonnes mais : - Tout ne peut &re poldmique dans un magazine.

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LE flElMPS DU MIROIR 197

- La poldmique peut revCtir des formes t d s diverses, dont quel- ques-unes sont exemptes de toute agressivitd, mais dkoulent des faits. - L'humour est poldmique. - La polCmique des iddes n'a nu1 besoin d'attaques continuelles contre les personnes. Souvent meme les secondes affaiblissent la premihre. - N'importe quel collaborateur ne peut s'arroger le droit de pol4 mique a sa guise dans son article, ce qui est souvent le cas au Miroir du Football. Si bien que des collaborateurs extCrieurs, souvent non professionnels, qui n'ont aucun contrble de la direction de la publication et ne participent a aucune discussion avec celle-ci, peu- vent cependant engager cette publication. Si une polkmique s'engage avec des personnes, c'est au rddacteur en chef qu'il appartient de dbcider qui la mkne et de contrbler qu'elle reste dans les limites ddon- tologiques et juridiques. - Les attaques contre les autres journalistes doivent Ctre excep-

tionnelles, faute de perdre toute efficacitk, et toujours signCes de pro- fessionnels. Nous ne pouvons perdre de me, pour aujourd'hui et plus encore pour demain, que les clientkles concurrentes se chevauchent souvent. C'est pourquoi si la polkmique des id6es est souhaitable, les attaques personnelles ne sont pas seulement anti-confraternelles (?). Elles sont anti-commerciales. - Contre d'autres journalistes ou contre toute personnalitk, la

poldmique ne doit jamais Ctre confondue avec l'insulte. Elle ne doit jamais viser la personne, mais ses idCes ou son action.

D'une fason gCnCrale, le ton gagnera grandement B rester plus serein dans la forme, sans rien perdre (au contraire) de son efficacitd sur le fond.

Un magazine bi-mensuel doit donner B rdflkhir. I1 ne doit pas constamment chercher B convaincre par de longs articles qui souvent ne sont lus et ne peuvent donc convaincre que les initids et les convaincus. I1 ne le peut d'ailleurs pas, mCme en accumulant (ce qui est souvent le cas) des textes longs et parfois ennuyeux pour des lecteurs jeunes, et mCme moins jeunes. Enfin la polhique doit avoir sa place et ne pas envahir toute la publication.

IV - La distance avec I'actualitd

Un magazine bi-mensuel ne devrait pas se transformer en faux hebdomadaire d'actualitd. Le principe mCme du magazine est la dis- tance prise avec l'dvknement, qu'il s'agisse du traitement de l'actualitd ou du choix des reportages et des rubriques.

I1 ne faut pas se dissimuler que c'est l'un des problkmes difficiles B r&oudre, en raison du rythme de parution d'une part (assez rare dans la presse magazine illustrbe), des ddlais de fabrication d'autre part. C'est collectivement, avec toutes les parties intdressdes, que peu- vent Ctre recherchdes des solutions.

Cependant, ce point capital doit Ctre rdsolu en priorit6 : la for- mule de Miroir du Football doit &re celle d'un magazine, avec les rubriques, les chroniques et les reportages d'un magazine. L'actualitd ne sera certes pas nCgligCe, parce qu'elle constitue un bl6ment intB

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reasant de vente $t de pramr~tion, mais elle a int&&t Btre elaire- mhnt regxbupbe, largement illustde et bas6e sur l1actualit6 de la quin- zaine relatee sous une forme originale, pratique pour le lecteur. Sauf rehcontres qui snabilisent l'opinion, on dviterb les oomptes rendus q u sunt @riintjs lorsque parait Miroir du Footbull.

On ne dsoudra pas le problhme du magazine Miroir du Football par une colfrse continuelle et perdue d1&\t8nce, avec l'act.ualit6 de dmdBre heure. Puisque de toute fagon, il y a retard, mieux vaut accentuer eelui-ci si cela doit pernettre de traiter le football franpis avec le Tentl qui &ul permet les dritables magazines. Quant l'actua- lit4 bdlldte, il convienb dVtudier si des a sp6daux * du type a T h h n e t s ne pourraient completer heureusment le champ d'acti- vit6 du Mitoir dtc Football.

VI - La qualit& technique

Elle repose sur plusieurs 616ments : - la qualit6 et la prdsentation de la couverture. Celle-ci doit4tre soigneusement klaborke, trouver un style permanent (dans le cadre dlune mile de mise en pages). Elle doit en priorit6 absolue reposer sur une photographie de grande qualid. La encore, sauf exception, il est souhaitable de respecter le caractere magazine de la publication ; - une grille de mise en pages (avec choix des caracthres, des carps, etc ...) ; - des titres claits, inf6matifs (en bvitant de systdmatiser les aspects n@%ifs) ; - la qualit4 et la surface des photos intdrieures ; - la qualit6 du poster central et son opporkmit6 ; - uri WtWtiidt de ddacti t~i effectif et une cOmtion minutieuse.

VII - Le contenu

Miroir du Football est un magazine. Cela ne signifie nullement qu'il doit &re un magazine comme les aurres. I1 se distingue ddja et doit accentuer sa specificit6 par tous les proc6dbs journalistiques a notre disposition. - Ddfendre son e'thique. - Celle-ci, sur laquelle s'est ddjh fait un

lafare aonsensus, ne doit pas &tre confondue avec une idbologie ma1 d&finit?, en tout cas jamais discut6e collectivement, hotmmhent avec la dimtion respmable. De nombreux articles ddbordent pourtant largement du cadre de 114thique ou d'une conception du jeu pour afftrrflel' ou &fl&ter des conceptions id6ologiques t&s dloigndes du football. Pour ne citei' qdim exemple dcent : la direction de ddac- tion comme la direction g6ridrale sont en d6saccord absolu avec l'in- teniew fait par Jean Boully dam le No 256 (pp. 22-23) il est carstc- testique de la confusion entre dthique et idkologie.

Miroir du Football n'a pas pour mission, sous l'alibi du football, Be pennettre rf des joumalistes et B leurs amis, d'exposer des tht?ot.ies dndrchisctrltes qui tdmoignent d'un mdpris total pact les amateurs de fbotball, p w r les footballeurS et d'ailleurs, avec une suffisance gro-

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WQM, Ees k m m s Bn tf@R&li G&t artkle &'&st p s&&trlnt Ltrtinget. a& MOtffS de Wtta cbrnhat. I1 @st d# WfW6 h )Oow detrSer sUt ptdjudice cblllrtid2Airlb Ge ~ 'bs t d'urilleuts pa.$ le Qihiief tie t%

ganre. De tels BrtftWs tte leivmt p l w trottVet #ace W culeYtAC?s i?t il r i p ~ r t i e ~ t t tiid td&f@~lr en chef de niailltenir la pb15Mtkm e n s les limites qui doivent &re les siennes et ddcoulant de disnu8io)fs cgll&tiues nvec les autres dirigeccnts du journal.

Ceoi 6tmt &it, n&us n'& brons que plus 21 lPise pour d&velopper nstre Bthique et nos conceptions, qui encore une fois distiguent notre journal des aukms.

L

Donner ti re'fltchft. - instruire. Les pages a idbes B ou cc tactique B sont B maintenir, parce qu'el-

les sont une autre caracteristiques de notre publication. Pwce qu'elles sont forc6ment lus difficiles B lire, il faut en soigner la presentation et la hibilitd. k les devraient figurer, sous une forme ou sous une autre, regulihement dans le magazine, ZI m e place et sur une surface donnkes, alors qu'actuellement l'une et l'autfe semblent ddpendre du hasard ou de l'auteur. - D'autres rubriques, meme courtes, devraient dguli6rement constituer un service rendu au jeune pratiquant (qu'il s'agisse de l'interprdtation des r&gles, de I'dquipement, des soins, de l ' e n t d e - ment dans les tout petits clubs, etc ...).

C'est l'une des bases de l'extension de notre public, qui ne doit pas Ctre un cercle fermd de partisans, mais laisser la porte largeanent ouverte, y compris et surtout A cmitr qui ne comprennent pas encore.

Faire un magazine ouvert Pour cela, Miroir du Football devrait Qtre un journal du dCbat

permanent avec les lecteurs (la part du courrier peut Ctre dCveloppde et modernisie mais aussi avec toutes les parties du football, y compris celles que nous combattons. Aucun journaliste ne peut craindre l'ex- pression d'une opinion diffCPente de la sienne, puisqu'il a tout loisir d'y rdpondre. Mais s'il faut cornbattre une opinion, mieux vaut que celle-ci soit h i s e par soh auteur que relate% par le journaliste, sur- tout lorsqu'elle est felatde % phrtir de dklzirations faites B d'autres mtdia.

Sur les grands problhes dans llactualit& Miroir du Footbaul gagnerait B presenter des dossiers-ddbats qui, aboutissant a nos opi- nions, seraient aussi t&s Motmatifs.

Exalter ce que Ze football a d'exaltant Notre magazine donne l'impression d'un certain pessimisane, voire

d'une grande amertume devant la situation du football. C'est une atti- tude qu'on peut comprendre mais elle est ndgative B tous dgards.

La situation du football professionnel frantpis et souvent interna- tional, l'emprise de l'argent, le chauvinisme et la violence qui en decoulent ne sont gu&e exaltants, certes. Nous awns raison, encore une fois, de ddnoncer ces tahs.

Mais nous ne pouvofis oublier que chaque semaine des centaines de milliers de joueurs pratiquent leur sport avec enthousiasme. Le

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a footballeur de base w , ce n'est pas celui du No 256 : c'est celui qui, mCme s'il est forcement imprkgne de l'idkologie dominante, aime pas- sionniment son sport et y trouve de quoi enrichir sa vie, vit chaque semaine une aventure amicale. A celui-la, on ne peut parler que des aspects negatifs de son sport. Plusieurs directions peuvent alimenter (et canaliser) son enthousiasme : - le reflet de son activite dans Miroir du Football : le reportage magazine dans un club et sur un terrain modeste offrirait des mil- liers de pratiquants un u miroir B de leur propre activitk, avec ses joies, ses deceptions et aussi ses difficultes (terrains, vestiaires, argent, manque d'accompagnateurs, etc ...). Ce type de reportage .L

devrait Ctre discute et confie a un ou deux collaborateurs qualifies pour ce type de travail. - Les sou'venirs. - Le football fourmille de belles histoires d'hommes et d'kquipes. Pourquoi ne pas confier 21 un collaborateur prestigieux (du type Albert Batteux) une rubrique de ce type ? - L'histoire. - Plus le present du football d'ilite est sombre, plus un magazine, qui pour gagner un public doit Ctre positif, a intCrCt B se servir des richesses offertes par l'histoire de son sport. Le carac- tbre encycloptdique est une demande permanente des lecteurs de b magazines sportifs. MCme une place relativement limitee, il est pos- sible de couvrir ce besoin et d'exploiter cette richesse par le texte et par l'image.

VIII - Accentuer Ie caracttre international du Miroir du Football

Le Miroir du Football actuel a dBjh un caractbre international, et c'est Sun de ses principaux mCrites. Nous avons intkrCt a accentuer '?

ce caracthe spdcifique. Nous ne pouvons Bvidemment pas parler dans chaque numero de tout le football international, mais nous pouvons au moins :

1) avoir une rubrique d'echos (informations brikvement commen- tees) sur u quinze jours de football dans le monde B ;

2) presenter tour B tour le football dans un pays (organisation, fiche technique, interviews, commentaires, potraits, etc ...). Cela peut se rkaliser en utilisant l'actualite (ex : le football en URSS a propos de Kiev) grgce a des correspondants ou des envoyis spCciaux lorsque A.

la chose est realisable. Certes, ces deux propositions prksentent des difficult& de rBali-

sation, posent des problbmes financiers ou de traduction. Mais ces problkmes, comme tous ceux que posent l'amdlioration de toutes nos publications, doivent Ctre CtudiCs et resolus. 11s ne peuvent servir de frein B une discussion sur le fond.

D'une f a ~ o n gknerale d'ailleurs, il faut comprendre que la dis- cussion engagee sur nos titres doit se developper largement. Les pro- positions et idCes avancies ici ont une contribution a cette discussion pour une large partie.

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I1 est possible que nous ne puissions pas tout Mser d'un coup de ce qui est avancd ici. Cepenadnt, nous devons viser B mettre sur pied, collectivement, le profil de Miroir du Football tenant compte B la fois de f'acquis de son passd, des n6cessitCs de son d6veloppement et des approches de ddfinition des a cdneaux w non encore couverts par lui ou une autre presse sportive.

Je n'ai pas joint un sommaire-type B partir de ces id&. Mais il va de soi que clans la suite de la idscussion ,un tel sommaire peut6tre pr6sent6 B l'appui de ces propositions. Je pense qu'il faut d'abord dtsfinir le nouveau profil du xmgazine.

Maurice VIDAL.

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28 F E W E R 1976 LA REDACTION REJETTE

Paris, le 28 f m e r 1976

Monsieur le Direoteur Gndral des Editions MIROIR-SPRINT 10, rue des Pyramides, Paris-1"

Monsieur

Le texte de Maurice Vidal, intitd6 a Pour une formule rbmbe de Miroir du Football s accompagnant votre lettre du 16 fh ie r , appelle, en effet, des observations.

Elles ne seront sans doute pas de nature B inflckhir votre volontt5, lnaintes fois manifest& depuis plus d'un an, de prendre des dkcisions sans concertation. I1 me parait cependant de mon devoir de les for- muler, puisque le projet ddig6 par M. Vidal remet en cause la per- sonnalit6 et l'acquit du Miroir du Football, dsultat aiux d m e s de M. Vidal d'un a difficile travail de lutte s de seize annk, dam lecpel j'ai pris une part incontestable.

Certains des huit chapitres du projet concernant B la fois la reno- vation de la forme et du fond, il me semble pref6rable, dam un souci de clartk, d'examiner successivement ces deux points.

4

I..

Les propositions relatives B l'am6lioration de la forme ont le ddfaut 00llll1l1~11 de ne tenir aucun compte des ~ ~ i t d s de l'existence du Miroir du Football. Ainsi :

1) L'augmentation de la surface de l'illustratian (p. 3 M.V.) est une proposition qui n6glige la rdalitk de la concurrence. M&me si le M.D.F. consacrait ses 40 pages B la seule illustration, il serait sur- c l a d par a Onze w (plus de 100 pages dont 70-80 toutes couleurs) et a Football-Magazine s (80 pages). Et c o m e par ailleurs les prix de vente de ces concurrents (5 F et 6 F) sant infCrieurs & celui de M.D.F. (6'50 F), le Tapport des forces dam une w@tition port& volontairement sur le terrain de la surface de l'illustration ne laisse aucune chance au M.D.F.

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a) La @orit& axxqd4c au CLcitllrd: 8e la a q d t 1 dr h u ddpsns d@ s m oclra&re d h m s W t i f s (p. 3 W.) &:< rdolitd dq icp paru8h bCmrrrsualte dy M.hF., @ i!oBlip i us?Iirer mej majodtc 'ae phatos d~aatualitd, h t ia qualit4 Bir ma@ sur onze, des conditions d6pIorables des matches m n o c t t m . F.'exp&jea* pwvg que l e ~ pha@ 9 4 wwth dtbw.astrptif ., pri- m au t&+bjty@, s w t &s i a l h a g t e s , plus ystii* et cjq m& 1~ g M t 6 ( f w d @aid me les pka4?q prises demiBre Igs b w ep w m /fan4 veFt3)-

3) La dduet in Be la surfas Qu tsxte en gdndal et & la lon- gtceur: des prtiQI66 as pattimlia~ (pp. 3-4 M.V.) pour misea de e Nsi- biW s est me proposition qui n6glige la rkaW rie &a foible pagjna- tion du M.D.F. (40 pages), laquelle exige une qtsantitd Be lecture mmpanstg~t partiell6ment notre inf6rioritb par rapport aux tm&wFeats.

4) La distqnciation par rapport h I'kvknernent (p . 5 M.V.) n w g e q n swement la r&fitC de la pqrution l$mensuelle, mais g ~ q i la p?u- lf?C 4e ttdtalment t$u processus de fabrication. &t 6Ibaaeat contrqfnt la ddaction h travailler ~oncrbtement dam les conditiqns de fabrica- tion d h quotidien (remise de la copie quelqpes heslres apds I'dvthe- meat), ce qui constitue pn reoql insufisant. Aims que Ibrtkfe sera lu dans le meilleur des cas unp semaine a p d s sa remise I'hpri'merie.

5 ) Le regroupemen# 4es articles dtactuali#k d'une part et des arti- cles m(zgatine de f'avtre (p. 5 M.V.) nkglige les deux &lit& prCcitk, mais aussi les rt?alifts @e lzimposition, notamment en ce qui concerne les pages copleur. I1 interdit un ordonnancement iogique du jqurnal e!f la distinction nkessaire entre h6nements nationam, dgionaux et intemtionaux.

6 ) Les considdrati~ns relatives h la a qualit& techjzique m en gdn& r d * d l'dlqboratim soignde a, h la e qualite' du poster o, rt la a dart& (a@ titre! w sont jes objectifs qormaux du travail journalistiqpe. I@ qe sawgat ca~s$tuq des propositions de * r&mmtion q. Quaat w& files de @+ enspage P, l'mpbriew @%etut% pw Miroir dv Cyclzsme semble les avow condamn&s, $i je m'eq t&gq BW pmg~s tepus par WufSce Vid@ brs de notre rtsunion dor 30 janier.

Daas le texte d8 Maurice Vidal, les propositions miatives au contenu du M.D.F. cormnencent bien avant le chapitre consacrd expli- citement B ce sujet. Ainsi :

1 ) Augmenter la surface de Z'iltu.+fratim en la privant de son caractdre significatif et diminuer la surface du texte dquivaut B limi- ter les possibilitds &expression des iddes, lesquelles, aux temes du P~?@!F!@ d~ 4. VjtW fm: 1 et 2) 041 w+t % (tpt ~ ~ 4 r i b u 6 8 coq&N we m $ e pmte des 4).W 1ec- d u v b .

2 ) R W r e la part de la polbmigrca (pp. 4 et 5 M.V.) r t au ootltraire faim ua raapi ry auvert rn (p. 7) sont des pwpasitio~~s w a t ~ 1 ~ ~ -

ta@s qui &bcwotie~t SUE un dclwtime synony&e d'ua abaqdon p u et simple &a prhdpes qui ont d o d au M.B.F. sa pemmnditb at

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204 LE TEMPS DU MIROIR

son originalitb. En matikre sportive encore plus que dam d'autres domaines, l'expression des idhs doit &re claire et ne laisser place & aucune ambip"t6. MaIgd sa position de monopole, L'Equipe a n'ou- vre w pas ses colonnes aux adversaires des idCes qu'il dbfend. Pourquoi dam sa position minoritaire le M.D.F. le ferait-il ? , i

En fait I'essentiel des propositions qui se transfoment en dtd- sions (p. 7 M.V. lignes soulignbes) &side dans la distinction faite entre a l'dthique w qu'il faut conserver et a I'idtologie w qu'il faut rejeter.

M.D.F., Ccrit Maurice Vidal, doit conserver son Cthique (c1est4dire sa morale). I1 doit continuer B lutter contre la violence, le chauvi- nisme, la commercialisation et pour la correction, le fair-play, le jeu offensif, etc... Autour de ces notions s'est effectub, precise M.V. un a large consensus m.

En effet tout le monde les adrnet. M&ne M. Fern, organisateur i

de Tables Rondes et animateur de r I'Association contre la violence dam le sport w.

I1 n'en reste pas moins que ce a large consensus w aboutit dans les faits et les jugements sur les faits, B des comportements opposks (lutte consdquente contre le chauvinisme et la violence de la part de M.D.F., exploitation BhontCe du chauvinisme et de la violence de la part de M. Ferran). Parce que I'iddologie du M.D.F. qui justifie son Cthique est fondamentalement oppose'e B celle de M. Ferran dont 1'Cthique relevant de l'hypocrisie ne peut sortir du domaine du verbalisme. I

L'idCologie du M.D.F. n'est pas a ma1 ddfinie w, c o m e I'affinne M.V. (p. 6). Elle a m h e Ctb clairement d6finie dks mon premier ddi- torial (janvier 1960) Elle a Ctd p r k i s h et dCveloppde durant seize ans dans des Cditoriaux et des articles thdoriques, et appliqde durant seize ans dans tous les commentaires des CvCnements de la vie du football par tous les ddacteurs. Sans avoir suscitt! durant seize a m une seule analyse critique de la part de la Direction.

Je pourrai m16tonner que le premier exemple choisi (p. 7 M.V.) pour mettre en accusation cette idblogie ait btC une interviewl A- lisbe par Jean Boully dans le No 256, d'un footballeur f o r d a n t sous sa propre responsabiIit6 - c o m e dans toute interview - des pro- pos qui n'engagent que lui-meme.

Mais le choix de cet exemple dbmontre qu'il s'agit d'un prdtexte pour condamner, sous le vocable pt5joratif de a thhries anarchisan- tes w, l'idbologie du M.D.F., dont M. Vidal r e c o ~ a f t implicitement ,

dans son prkmbule (p. 2) qu'elle r6pond aux prboccupations r d'une masse considbrable de mkontents du football actuel et de partisans d'un jeu offensif et d'un football assaini. w

En pnkonisant (ou plut8t en dkidant) m e dnovation de la forme du M.D.F. qui place la revue sur le terrain choisi par des concurrents disposant de moyens matbriels t d s supdrieurs (nombrq '

de pages, qualit6 de l'impression et du papier, ti-, promotion). En prCconisant (ou en dhidant) une dnov8tion du contenu q d

phce le M.D.F. sur le plan du conformisme Wogique, le M.D.F. 'I

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LB TEMPS DU MIROIR 205

serait prM des seuls moyens qui lui ont permis, au prix d'un a travail de lutte difficile w de 16 ans, de conqudrir son audience, sa client& et... sa rentabilitd.

Une decision aussi manifestement contraire B la logique et aux intedts du M.D.F. serait inexplicable - comme serait inexplicable

, la petite guerre des notes et des brimades inaugur& depuis un an contre la Rddaction - si les raisons allCguees par le Directeur Grid-

, ral, en prbence de Maurice Vidal lors de la dunion du 30 janvier, et la condamnation des theories pseudo-anarchisantes de J. Boully, ne rdvdlaient clairement leur motivation politique.

Mon unique objectif - et I'unique objectif de la ddaction que j'ai recrutCe - ayant kt6 durant seize ans de faire une revue qui serve honnbtement les intkrbts du sport qu'elle traite, je suis convaincu qu'en dCfendant la libertC d'expression de la rddaction je sers les intCSts du Miroir du Football. Et qu'en la rernettant en cause c'est I'existence meme du Miroir du Football que vous remettez en cause.

Veuillez agrder, Monsieur, mes salutations.

Francpis THEBAUD. P.S. - Dam mes observations je me suis volontairement limit4

B l'essentiel. Les propositions formulCes par M.V. concernant l'ouver- ture de rubriques comme a le dialogue avec le lecteur w, les a conseils

rc aux pratiquants s, les a souvenirs a, a I'histoire du football s ont Ctb rCalisCes depuis des annCes dans le M.D.F. De mbme la collection de la revue prouve que le M.D.F. a toujours a exalt4 ce qu'il y avait d'exaltant m, quand il en a eu l'occasion. Quant 21 l'attitude a nCgative w de ses ridacteurs vis-his du football, pourquoi pratiqueraiant-ils. le

t football s'ils ne lui trouvaient que des aspects a ndgatifs w 3

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Lbrsqhe Id kHse Oitdrietrre lltc Miroir dzr Fodtball a pr5 uri t&t. a@.& au ddbtit de l'aMHlk 1976, &H g+ctnd Wit)tbrr! d&? ltcreurs f'attt he6 tement ressentie, comme &t font foi les quelqms extraits suivuttts de leurs lettres.

Je coastate que vous faites des concessions au conformisme. Voo couvertum ressemblent de plus en plus Zk celles de vos confd!res de la presse a bien pensante r. Elks sxploitent pait:illemeht leS my?hes h la mode. Chercheriez-vous h conqudrir la clbnt&le de e t t k plresse?

M.G., 91230 Montgeron - 28 mars 1976.

I1 sembb que le Miroir a b l u e w . be plus en plus vow $&lblei pr&%i-er les photos mule& a& articles de fond. Vous devenez complrli- sants paur le floatball actuel, sauf dana 114ditorial bt la f@rise de

. vol &... quand elle pardt. Vous avez tozl.joW d6fbndu des ebnctiptW saines, avec fermetd. Continuez dans cette voie.

D.P., 22Saint-Brieuc - 2 avril 1976.

Miroir, tu prends un mauvais virage. Tu cherches ZI faire du fric par tous les moyens, comme le prouvent ces a Poster-Foot r faits de photos ddjh parues et de textes sans intMt et qui sont de vrais pi&ges B cons. Chose plus grave le journal Iuiunhe nY6chappe pas ZI la conta- gion. La photo prend la place des articles. La reprise de volke p a d t de plus en plus t$isodiquement, llCditorial, la dernihre bouffde de libertk du canard, a disparu du numdro 261. J'ose esp6rer qu'en donnant dam le conformisme vous avez consid6rablement augment6 votre vente dans la dgion de Saint-Etienne, sinon ce serait B d&es#rer de s'btre pros- titu4 pour rien. Je ne dois pas Qtre le seul Zi espCrer que le Miroit retrou- Vera son vrai visage, celui du journal qui 5 jusqu'ici exprimd I e s aspira- tions vers un football liMd des entraves d'une soci6t6 dont le seul objectif est le profit. J'ose e s p h r que la d6mocratie et non la censure existe encore dam rotre rubrique a Le courrier des lecteurs a. Sinon. bien que Lecteur du Miroir depuis 13 ans, je semi men6 B faire w. choix,

J I.R., 35000 Rcnneo -- 14 a d 1974.

La couvertures du Miroir sont4es rCservh en exclusivitC B Saint- #tieme? Vous pdtendez ddnoncer le chau-e. I1 faudrait peut- &re commencer par balayer detant ~ o t r e porte. Je ne sais pa8 ai c'eot

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LB TEMPS DU MIROIR 207

dans le but d'augmenter votre clienthle que vous avez chang6 ?i ce point, mais de g r t h mettez un terme B ces concessions. Ce que vous avez reprochd avec juste raison ?i Fontaine, vous $tes en train de le faire. Si je ne retrouve pas clans le prochain nmdro le journal qui avait la fiertd da defendre toutes les bonnes causes, sans se soucier de l'opinion des im&iles, je serai au regret de ne plus vous lire.

G.T., 31320 Labhge - 6 avril 1976.

Je constate avec uistesse la ddgradation de la qualit6 du Miroir. Les articles manifestent une cmplaisance certaine pour Saint-Etienne, et une place de plus en plus importante est r6servde aux photos et posters. I1 est imp6ratif que vous vaus qliquiez sans 6quivoque sur ce que d'autres lecteurs ont constat6. Vous repdsentiez non seulement une id& du football mais aussi une incitation permanente ?i la rdflexion critique. Si L crise ieonomique peut expliquer I'augmentation du prix du numdro, il ne peut en revanche expliquer votre holution. Vous devez r6pondx-e, au risque de vous discr6diter.

J.-M. Wasik, 02-Annois - 12 & 1976.

Un grand nombre de hotos qui n'apportent rien, des articles qui ressemblent de plus en g !' us 2t ceux que l'on peut lire dana d'autres journaux. Oia donc est le Miroir que j'aimais, que je lisais avec une Belle atteatkg que jlaur& pu le rdciter par cham 3 Au lieu du combat Wur le football offensif, da votre lutte pour les h i t s du 'oueur* dt vw mqmgnes gntre I'inwmp6tace et la bbtise, vow pu liex des... 4 Poster-foot m. Vous Ctes vraiment ~UIUMS bien bas.

i LP, Lille -- 25 avril 1976.

Les amourew du vrai football ne sont pas dupes. Le Miroir du Faa iM pr&d We burhum qbi he me pldt pas du taut. Les numCros eollt b u W de phbtos fnatile (ria h voir met les photos qui t6m&

ent ou illustrent m e We) , les articles intdressants ant dispaht. b mms les sum joum&ux le Mitoir stmble hettre tout en oeuae pour faire C t o h we Saint-Ztieane exprime la v&W du fcxjtball. Ne I a k e z ipas faire de votre journal une copie des mag* du foot^.

J.P.A., 75005 -- 16 d 1976.

Mirdr du Fe@ufl a tmjours Mepdu une conception humaniste du sport. Mon abonneanent encourageait le sens critique, l'indt5pen- dance d'esprit, l'action Cducative, les orientations inte1Iigente.s et dignes, ta qualit6 professionnelle de ses Macteurs et de ses photographes. rapprends B la lecture du journal a Le Monde s, le conflit qid a &late au Miroir. Je regrette le manque de d6mocratisation dans le fonction- nement du journal, l'information inexistante des lecteurs et l'attitude du directeur de la publication qui rn'apparait A la fois dqpatique et hns tan te . Le d&art du rddacteur en chef du Miroir du Football m'oblige B tmettre les plus expresses dserves sw le renouvellemeot ds aon obonnement.

MB., 51100 Rcime - 5 luiuet lo?e.

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3 MA1 1976 LE PDG SANCTIONNE

Paris, le 3 mai 1976. .\

RECOMMANDEE

Monsieur,

Suite B ma lettre du vendredi 23 avril 1976, de nos dCsaccords, et de votre refus dlCcrire dans le Miroir du Football, nous avons dCcidC de nommer, B partir du 1" mai 1976, M. Francis Le Goulven : RCdac- teur en Chef du Miroir du Football.

Cette dCcision a CtC prise dans 11int6r& du Journal, que votre atti- tude mettait en pkril.

Eu Cgard aux services passb, vous garderez le titre de RCdacteur en Chef, ainsi que votre salaire, mais vous n'assumerez plus la respon- sabilitt! de la RCdaction en Chef de Miroir du Football.

Je vous informerai ultCrieurement des aches concrhtes que vous assigneront les Editions Miroir Sprint pour le Miroir du Football.

Veuillez agrCer, Monsieur et Cher Collaborateur, I'expression de mes sentiments distingues.

Jean-Jacques Faure, Directeur WnCral.

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MAIJUIN 1976 LES COLLABORATEURS S'EN VONT

LETTRES DE COLLABORATEURS A LA DIRECTION DU MZROlR DU FOOTBALL

Pigiste depuis seize ans (1960) au mensuel puis au bi-mensuel Miroir du Football, je me vois dans l'obligation d'interrompre cette collaboration. Le changement d'orientation, de prCoccupations et de prksentation des plus rkcents numkros ainsi que le remplacement du rkdacteur en chef qui garantissait depuis sa crdation, lloriginalitC et la continuit6 des conceptions de notre revue m'amtne cette dtcision.

Jean Norval - 15 mai 1976.

Collaborateur du Miroir du Football depuis 1963, j'ai constate, ainsi que de nombreux lecteurs que ce journal avait CtC l'objet de nombreuses transformations. ConsidCrant cette tvolution, je vous prie d'enregistrer ma dhission.

Norbert Eschmann - 15 mai 1976.

J'ai I'honneur de vous faire connaitre ma decision de ne plus collaborer A la rtdaction du Miroir du Football en raison de sa nou- velle orientation. Je vous rappelle que j'ai apporte ma collaboration au titre de pigiste de 1971 2 i 1976.

Daniel Watrin - 2 juin 1976.

La disparition de l'bditorial de Francois ThCbaud a correspondu avec une Cvolution qui voit l'ttude de fond ctder la place au repor- tage hatif et les photos tactiques s'effacer denitre les posters raco- leurs transformant ainsi une revue qui Ctait apprCciCe ou crainte par la qualit6 de ses choix, la rigueur de ses analyses et la pertinence de ses jugements, en un magazine conformiste, flattant le poi1 de la mCdiocritC ambiante. Conscient de tout ce que je dois au vrai Miroir du Football, conscient de la rCcente et dramatique orientation qui se fait en son nom, vous voudrez bien comprendre et enregistrer qu'il me faut cesser toute collaboration avec cette nouvelle face du Miroir.

Serge Anger - 16 rnai 1976.

J'ai 6t6 profondtment d&u par la nouvelle orientation idtologique impr ide au Miroir du Football. Elle s'adapte aux conceptions domi-

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210 LE TEMPS DU MIROIR

nantes (absence d'esprit critique, capitulation devant l'expression spor- tive de pratiques et d'idkes ddtenmindes par les intdrets de la classe dominante. Elle rompt ainsi avec ce qui fit la grandeur et la ndcessitk du Miroir : exprimer en toute libertd le refus de la dknaturation du football B des tins opposkes aux intdms et besoins de ceux qui le regardent, le pratiquent et raiment, en mbme temps que leur atta- chement 21 un football vdritable correspondant B leurs aspirations ... J'estime dans ces conditions ne plus pouvoir apporter ma collabora- tion B ce que je considere comme une autre revue.

Loic Bervas - 15 juin 1976.

Je viens vous eftprimer ma totale d4sapprobation sur la nouvelle orientation du Miroir du Football, ma profonde indignation devant votre c o i t l p b ~ e h t B l'bgard de sori ancien r6dact.e~ en chef, et en con&quence, je vaus iUumme que je case toute collaboration avec votre journal.

Jean-Claude et Paul Trotel - 14 juin 1976.

Je vous informe qu'il m'est impossible de collaborer B votre revue campte tenu du fait qu'elle a change! &rimtation et aussi par soli- datit6 pour l ' e i p e rkdactionndle dQnissimaire.

Ntetani Nbemba (Kinshasa) -- 5 a d t 1976.

Je pU sokscrire au ehangement d'orientation et de contenu nettement en c&ntth$i&ion les i&es defendues jusqzie-la par le Miroi f , et je vous infotint! qye je cesse ce jour toute collaboration avec votre revue.

Fauad Issad (Sidi Eel Abbhs) - 28 maP 1976.

Ait ill du tcinps ie M f t d i r est devenu notre jomal B liow aussi Africains. La lvciditd de ses anal~ses, la perSpicacib5 de ses tome* taires & bht fai a j6ufhal d aVarlt-garde dont l'audience dbasse les frontibres de votre pays ... J'estime que nul n'a le dmit de mettre &I p M 'Liil. td patmoine ... L'Abandon de la doctrlne fnitiak du M h i r ne mquera pas d'avoir de graes constkpences pbur sa && dibilid. Efi tonlquence ne vodhnt pas Ctre complice d'me orieiita- tion pour laquelle je n'ai pas Btd consult&, je suis au fegret de vous demander de ne plus compter Wr ma collaboration tant que la nou- velle orientation confonniste et opportuniste du journal sera en

Dioinansi Bombote (Dakar) -- 11 juin 1976.

8h E&K& de la muvelle orientation du j o d et du d6part & &&ae@ en &he& j'ai &i& de anettre &I B ma collaboa6:on en

a n t gue @hotogrQph&pigiste. aobert Binst - 4 Juh I97&

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Dans le dernier nuxh6ro paru du Miroir du Fdotbdl, en date dd 26 se- tabre 1979, b directeur de la publication SQnd le fairepart (W pond t~oir) du d6&, en I'atbibuant aux causes suivmteS :

1) k d t s de fbbricatibn en tati ion pewhuut&te h r c&- que posh. 2) t'absence de publicitd suffisante sans Zaqueile auaui magazine aujourd'hui ne peut kquilibrer son budget.

11 fad bien &r y ajdutet (ptirdonnez-nous anzis f id2.k~) un nombre itrruffsant de lectsurs ...

GA &cellentes raisons n'ont as e m p W les Editions Miroir Sprijtt de aonthater h faire paraitre a k i d D, un concurrent du Miroir dh Pmm

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2 JUIN 1980 - LA JUSTICE A SES LIMITES

a En juin 1976, dans son numCro 156, a Le Journaliste w rCv6lait les grandes lignes du conflit opposant la rddaction et la direction du a Miroir du Football rn dont le premier chapitre se terminait par le licenciement, sans prCavis ni indemnitd, de trois des quatre journalistes permanents, ainsi que par la dCmission d'un reporter-photographe et de treize pigistes solidaires.

Le second chapitre vient d'avoir son Cpilogue - quatre ans aprhs ! - sous la forme d'un amst de la Commission Arbitrale accordant aux deux journalistes permanents qui avaient entam6 la procCdure pour rupture de contrat le bCnCfice des indemnitCs de licenciement pdvues par la Convention collective. Pour l'un de ces journalistes, le rkdacteur en chef du Miroir du Football, dont l1anciennetC dans l'entreprise Ctait de trente ans, l'arrst de la Commission Arbitrale est la confirmation du jugement de la Cour d'Appel de Paris en date du 9 janvier dernier. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Les tribunaux n'avaient malheureusement pas le pouvoir de res- susciter ce magazine qui, grace au travail de ses journalistes, avait conquis une place enviable dans la presse sportive internationale ... w

(Extrait du Journaliste, organe du Syndicat National des Journa- listes de novembre 1980.)

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TABLE DES MATIERES

.............................................. INTRODUCTION 9

Premi&re partie : Un enfant de l'dge d'or

.......................... I . 1950-60 Triomphe de I'art du football 13

...................................... I1 . L3 naissance du miroir 26

Deuxikme partie : Seize ans contre le courant

.............................. I11 . Le football devient a rdaliste s 35

...................................... IV . Le complexe fran~ais 43

............................................ V . L'art et l'argent 53

.......................................... VI . Choisir son camp 61

........................................ VII . Vive I'offensive ! 67

...................................... VIII . D'abord l'homme ! 76

............................................ IX . Merci Pele ! 83

X . Emport6 par la marke verte ................................ 89

Troisikme partie : Vie et mort d'un journal

XI . L'image au service de I'idCe ................................ 97

XI1 . Footballeurs journalistes ou journalistes footballeurs ? ...... 101

XI11 . LVtat dam l'btat ........................................ 112

XIV . La rupture ............................................ 120

XV . La volontd du patron ...................................... 130

CONCLUSION .............................................. 135

ANNEXES .................................................. 149

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COLLECTION SPORTS

Le sport ! Quoi de plus simple ? Des champions muets et glo- rieux, des photographies majestueuses, la IittCrature sportive den &gale. Une voie pouvait s'ouvrir entre les albums, Jes hAtives confi- dences et les travaux universitaires. C'est fait ! GrAce B cette collec- tion. Des enquetes, des critiques, des r6vClations toujours claires et accessibles a tous. Une nouveue rl)a.~$brs qaborder le sport par le livre: connaitre, percer les silenees et dissiper les flous, bref rt9lB chir en toute simplicit&.

Dkjh, la collection s'est acquis de nombreux fid&les. Ceux qui ont d&idC de comprendre mieux le sport pour cesser de le consommer.

DANS LA MEME COLLECTION

LES MYSTERE DU FOOTBALL FRANCAIS par Daniel Watrin

FACE AU SPORT par Christion Montaignac

SPORT ET APARTHEID par Robert Archer et Robert Bouillon

SPORT ET SOCIALISME par Jean Glavany Pr6face de Lionel Jospin

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ACHEVB D'IMPRIMER SUR LBS PRESSES DE STYBLOC IMPRESSION A DOULLENS (SOMME)

D@t I6gal: 1- trimestre 1982

ImprimC en France.

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I 8 avril 1945, second match de l'aprtts-guerre pour 1'Cquipe de Francc et

I premier dCplacement. En Suisse h Lausanne ou Steffcn, Ballabio et Cie vont l'emporter sur Heissercr, Vaast, Da Rui et les autres (1-0).

19 ~ n a i 1946 : Premittre visitc dc 1'Angleterre a Paris depuis la guerre. Photo a l'arrivke Care Sairlt-Lazarc pour WJliains, Lawton, Carter, Johnston qui

succomberont (1-2) devant les 58 000 spectateurs de Colombes.

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1" juin 1947, deuxieme dCfaite de la Relgique a Paris (2- buteur franqais et Daenen.

10 mai 1947. 140 000 spectateurs a Hampden Park de Glasgow pour le match Grande-Bretagne - Continent.

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1950. Premitre Coupc clu Monde de la pais. Le Brksil surclasse la Suede (7-1) deliant 180000 spectateurs. Ademir (a g.) aux prises avec Svensson.

I 1954. La grande equipe de Hongrie (sans Puskas) avant sa victoire sur le BrCsil en 1/4 de Finale de la Coupe du Monde. De dr. 2 g. Kocsis, Czibor, Budai, Toth. Lantos, Budzansky, Zakarias, Hidegkuti, Lorant, Grosics, Boszik.

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1959. Les joueurs du Brksil, vainqueurs de la Coupe du Monde I'annke plr- cCdente, au vert a Don Torcuato pres de Buenos Aires, dans ce qui sera

dix-neuf ans plus tard la rksidence des tricolores ail Mundial 1978.

19 ~agnifique ligne d'avants de 1'Uruguav (La CCleste). Abadie, Hohberg, Miguez. Schiaffino, Borges.

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1963. Le monde change. Di Stefano, enlev6 par les guerillos vCnCzuCliens puis remis en libertC, retrouve sa famille a I'aCroport de Madrid.

i 1959. La grande ligne d'attaque du Real Madrid. De g. h dr. Kopa, Rial,

Di Stefano, Puskas, Gento.

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L'lnter de M~lan lY64-1Y63. Ueb. de g. a dr. Sarti, Facchetti, tiuarn~eri, Malastras~, Burgnich,, Picchi. Au 1"' rang : Corso, Mazzola, Suarez, Milani,

Domenghini.

Le S.C. Anderlecht 1964-1965, champion de la dCfense offensive. Deb. de g. B dr. Lippens, Heylens, Trappeniers, Plask~e, Cayuela, Cornelis. Au 1"' rang

Stockman, Jurion, De Vrindt, Van Himst, Puys. --- -=-- - -F-v a* s

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1968. a Le football aux footballeurs. a Aprgs l'occupation du sikge de la F.F.F., 1'Association Fransaise des Footballeurs (President Justo Fontaine),

expose son programme au public parisien.

Jackie Simon, 1967. L'animateur offensif du F.C. Nantes et de SCquipe de France de Fontaine.

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Pel6 ouvre le score de la finale BrCsil-Italie en dCpit de la tardive astuce du dCfenseur italien Burgnich.

I 1970, Mexico. Le BrCsil et Pel6 viennent de remporter leur troisihme Coupe du Monde et la propriCt& dCfinitive de la Coupe Jules-Rimet.

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Tostao 1971 (A dr.). ComplCment parfait de Pel6 au Mundial 1970, il aurait CtC le grand animateur offensif du BrCsil aprks la retraite du <( Roi ,>, si une blessure B I'ceil ne l'avait contraint a terrniner prCmaturCment sa carrikre.

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Pour la premiere fois, un grand quotidien de New York, le Daily New, consacre un encart de quatre pages a un footballeur. C'est pour I'adieu B Pel6 le 1" octobre 1977.

I

I

26 SEPTEMBRE 1979. Le dernier numCro,

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Les journalistes-footballeurs du Miroir du Football rCunis sous le m&me maillot a l'occasion d'un match organis6 pour le 200' numkro du journal en 1973. Deb. de dr. a g. Mahjoub, Boully, Yannik (archiviste), Norval, Le Guen (maquettiste), Le Goulven, Lucchesi (photographe). Au premier rang, de dr. a g. Watrin, Eschmann, Thkbaud, Iglesias (invitk), Binet (photographe).

(Photo Henri Besson)

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La dlsparition du Miroir du Football a surpris ceux qui connalssalent I'audlence , lationale et internationale de ce magazine bimerisuel, et consterne ceuxqui pensent que la passion pour le sport n'exclut pas la reflexion.

Son opposition.virulente a tous les conformismes lui a-t-elle valu trop de puis- santes inimities parmi les fausses competences qu'il demasquait et les notables du football-business qu'il derangeait ? Le parti politique, proprietaire de la revue mais completement etranger a son contenu redactionnel, a-t-il refuse de tolerer plus long- temps cette anomalie que condamnait le sacro-saint monolithisme ? Persister a conside- rer le football comme un jeu et un grand art populaire etait-ce defendre une cause perdue dans un monde ou seul compte le resultat surtout s'il se traduit en argent ?

Pour repondre a ces interrogations, il fallait exposer et expliquer les metamor- phoses du football, puis leur incidence sur la vie interieure d'une revue dont les journalis- tes voulaient participer avec passion mais lucidit4 ii I'exaltante aventure du sport et de leur profession.

Tel est precisement I'objectif du livre de Fran~ois Thebaud. Redacteur en chef - fondateur du Miroir du Football de 1959 a 1976, il a vecu depuis 1945 les Bvenements, grands et petits, du football mondial. Prix du meilleur article sportif en 1959 pour un reportage sur le football de I'Amerique du Sud, il est I'auteur d'un ouvrage sur Pele,