Le Telephone Portable Gadget de Destruction Massive

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CHEZ

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Le Telephone Portable

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  • CHEZ

  • Collection Ngatifdirige par Pices et main duvre

    Ngatif ! Comme on dit non ! je ne marche pas ! . Refus de croire et dobir.Ngatif. Parce quon ne peut qutre contre tout, parce quil ny a rien de bien dans une socit ngative ds son principe. Ngatif. Comme lenvers, la ralit et la rvlation des apparences pseudo positives.Nous tcherons dtre purement ngatifs et dexprimer ici les rai-sons de notre refus total.Verlaine Rimbaud, le 12 dcembre 1875 : Jen appelle ton d-got lui-mme de tout et de tous, ta perptuelle colre contre chaque chose, juste au fond cette colre, bien quinconsciente du pourquoi.

    Dans la mme collectionTerreur et possession. Enqute sur la police des populations lre technologique. PICES ET MAIN DUVRE

    AUTRES PARUTIONS DES DITIONS LCHAPPE (EXTRAIT)Collection Dans le feu de lactionLa Rvolte luddite. Briseurs de machines lre de lindustriali-sation KIRKPATRICK SALE, 2006Collection Pour en finir avecLa Tyrannie technologique. Critique de la socit numrique COLLECTIF, 2007Collection Action graphiqueCARtoons. Le cauchemar automobile ANDY SINGER, 2007

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  • Pices et Main duvre

    LE TLPHONEPORTABLE,GADGET DE

    DESTRUCTIONMASSIVE

    LCHAPPE

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  • ditions Lchappe, 32, av. de la Rsistance 93 100 [email protected], www.lechappee.orggraphisme atelier des grands pchers ([email protected])correction Aude Le Bretondpt lgal 2e trimestre 2008isbn 978-2915830-17-0impression CorletLchappe, 2008

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  • LE TLPHONEPORTABLE,GADGET DE

    DESTRUCTIONMASSIVE

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  • De Grenoble Chambry, la valle du Grsivaudan se droule entre les massifs de Chartreuse et de Belledonne, suivant les mandres de lIsre. Jusque dans les annes 1960, le promeneur y d-couvrait un verger magnifique , une nature qui parlait limagi-nation et la pense : Sous les vignes courant en feston entre les arbres fruitiers, se succdent de petits carrs de luzerne, bl, chanvre, mas : une merveille de petite culture 1.

    Les villages de Crolles et Bernin, vingt kilomtres de Grenoble, ont aujourdhui des allures de zone commerciale amricaine mles commerants, publicits criardes, bretelles dautoroute, parkings et lotissements. Nous sommes au cur de la Silicon Valley la fran-aise , dans une agglomration de statut international dont les mtastases colonisent les derniers prs, o les enfants ignorent que leurs anctres se baignaient dans les chantournes, les vieux canaux dirrigation. Cest Crolles 2, zone industrielle cheval sur les deux communes, quest implante lAlliance , unit de production de STMicroelectronics associ durant quelques annes Philips et Freescale Semiconductors (Motorola)2.

    Crolles 2, ce sont des investissements colossaux, les plus impor-tants depuis la construction des dernires centrales nuclaires (2,8 milliards deuros, dont 543 millions daides publiques) ; cest limportation grands frais dingnieurs amricains et hollandais et son corollaire immobilier, lexplosion du prix des logements ; le pillage des ressources et la pollution du voisinage ; les contrles didentit lentre de lAlliance ; la soumission des chercheurs du Commissariat lnergie atomique (CEA) de Grenoble et des lus lo-caux aux exigences des industriels ; la visite rgulire des autorits Chirac, Sarkozy, Devedjian, etc.

    LA fiert du technogratin.

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  • Pour quoi faire ? Des tlphones portables.

    *All, cest moi. Jsuis dans le bus. Jarrive. tout de suite.

    *Ne souriez pas. Si vous trouvez drisoire le rsultat de ces sacri-

    fices, gaspillages et destructions, cest que vous nentendez rien la ralit conomique. Le tlphone portable, cest une innovation, et comme la expliqu Michel Destot, maire de Grenoble, avec linnova-tion apparat le dveloppement des activits conomiques qui g-nre lui-mme des emplois pour lensemble de nos concitoyens. Il y a l une vritable mine dor, prenons-en conscience 3.

    Le tlphone portable gnre bien dautres choses que des emplois et de lor. Non seulement il acclre la destruction de la plante, mais il contribue la technification du monde. Des effets dont jamais les chercheurs du CEA, sous-traitant de Nokia, ne parlent dans leurs confrences mensuelles la Fnac, ce dbitant de tlphones prten-dument agitateur dides .

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  • 1.SEMI CONDUCTEURSMAXI NUISANCES

    Contrairement ce quelle prtend, la microlectronique est aussi polluante que bien des industries low-tech. Derrire sa faade clinquante, le tlphone portable est un concentr de nuisances. Dabord cause de ses puces lectroniques. Eric D. Williams, cher-cheur luniversit des Nations unies, Tokyo, a mesur les lments ncessaires la fabrication dune puce de 2 grammes. Rsultat : 1,7 kilo dnergie fossile, 1 mtre cube dazote, 72 grammes de pro-duits chimiques et 32 litres deau. Par comparaison, il faut 1,5 tonne dnergie fossile pour construire une voiture de 750 kilos. Soit un ra-tio de 2 pour 1, alors quil est de 630 pour 1 pour la puce4.

    Comme leurs homologues guyanais, les orpailleurs high-tech chers au maire de Grenoble senrichissent en pillant les ressources naturelles et en saccageant lenvironnement.

    Forfait illimit en eau et lectricit

    Crolles, lusine puces de STMicroelectronics consomme plus de 40 millions de kilowatts/heure dlectricit (lquivalent de 20 000 foyers) et 25 millions de kilowatts/heure de gaz naturel par an5. Le monstre se gavant toujours plus, le Rseau de transport dlectricit prvoit de nouvelles lignes haute tension : court terme (dici cinq dix ans) les perspectives de dveloppement indus-triel au nord-ouest (Minatec) et au nord-est de Grenoble (microlec-tronique du Grsivaudan) ncessiteront que RTE procde des vo-

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  • lutions de rseau de faon accompagner le dveloppement cono-mique de la zone 6. Rhne-Alpes, deuxime rgion de France pour la consommation dnergie, subit le plus important maillage de lignes haute tension du pays en plus de ses 32 barrages et de ses 14 cen-trales nuclaires. Nokia et le CEA peuvent toujours nous vendre des tlphones plus conomes et des chargeurs solaires, ils oublient de signaler le gouffre nergtique quest leur production.

    Pour nettoyer les plaques de silicium sur lesquelles sont gravs les circuits lectroniques, lAlliance engloutit 700 mtres cubes deau par heure (lquivalent dune ville de 50 000 habitants), et soumet les collectivits locales ses exigences : 150000 euros damende par heure payer lentreprise en cas de dfaillance dans la fourniture deau ; obligation de doubler prochainement les conduites dadduc-tion sur 18 kilomtres, pour un cot de 25 millions deuros ; livraison imprative dune eau dexcellente qualit, exempte de chlore, mme en priode de menace terroriste compensation minime pour les Grenoblois qui chappent sur ce point au dlire scuritaire au nom de lintrt conomique suprieur. Si lAlliance a choisi le Grsivaudan, cest aussi pour piller ses ressources en eau pure, y compris en p-riode de scheresse et de canicule. Tandis que les habitants sur-veillent leur consommation, STMicroelectronics et ses voisines, start-up de microlectronique (Soitec, Memscap), clusent les mtres cubes : Lanne 2006 sachve sur une baisse de 1 % de la consom-mation deau des communes alimentes par le Sierg (Syndicat inter-communal des eaux de la rgion grenobloise). Vingt-six des 28 com-munes alimentes, dont la consommation est principalement do-mestique, connaissent une baisse de 3,5 %, tandis que Crolles et Ber-nin (pour lesquelles la part industrielle reprsente plus des 4/5e) ont une consommation en hausse de plus de 8 % 7.

    Pendant ce temps, dans les massifs alentour, les glaciers fondent vue dil, et avec eux les rserves deau qui ont fait la prosprit du Grsivaudan. Il est vrai que nous y avons gagn des cristaux liquides.

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  • Tlphoner pollue

    Crolles 2, site Seveso, consomme des produits toxiques comme la phosphine (hydrogne phosphor), le thilane ou larsine (mlange hydrogne-arsenic). Des gaz de combat , fanfaronnait un salari lors dune visite publique. Les produits chimiques stocks sur place mais aussi des kilomtres, comme Lancey, de lautre ct du Gr-sivaudan, circulent chaque jour en camions travers lagglomration. Rappelons que le site est en zone urbaine , au milieu des lotisse-ments pousss par dizaines pour loger ses employs. Lusine, pas plus que les autorits locales, ne prcise ce qui adviendrait dans le cas o un avion de tourisme de laroport voisin du Versoud scrasait sur ce rservoir gaz toxiques. En revanche, une salarie proche de la direc-tion de Memscap, la start-up d ct, se plat dcrire le feu darti-fice . Culture du risque typiquement grenobloise. On ne fait pas dinnovations sans jouer avec le feu.

    Officiellement, en 2002, lAlliance a rejet dans latmosphre 9 tonnes doxydes dazote, 10 270 tonnes de C02, 40 tonnes de com-poss organiques volatiles8. Cest dj norme. Mais un employ confie, sans vouloir en dire plus, que la teneur en produits polluants des rejets dans latmosphre serait fausse par lutilisation de gaz puiss. Comment le vrifier ? La direction ne communique pas sur les chiffres.

    Tout juste peut-on se rfrer ce rapport de visite de la Drire (di-rection rgionale de lindustrie, de la Recherche et de lEnvironne-ment) en mars 2003 : La socit STMicroelectronics qui utilise des chaudires tubes de fume alimentes au gaz naturel (FOD en se-cours), souhaite que les normes fixes en NOx par larrt prfectoral du 08 octobre 2001 soient revues compte tenu des difficults res-pecter la norme fixe (100 milligrammes par normaux mtre cube) . Moyennant quoi, les valeurs limites dmission en NOx peuvent tre fixes 120 milligrammes par normaux mtre (gaz naturel) et 200 milligrammes par normaux mtres cubes (FOD) . Il est si simple de sarranger, sans mme risquer de rveiller les cotechs Verts ou la Frapna9. Tant que les normes sont respectes, nos ges-tionnaires de nuisances ronflent en paix.

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  • Les riverains, eux, murmurent que les enfants dveloppent des pathologies inhabituelles, et que leau des chantournes est sature de pollution. Daprs un site Internet dhabitants de Bernin, la chan-tourne subit depuis plusieurs annes une pollution chronique lie aux rejets des eaux uses industrielles. Sont particulirement en cause les taux anormalement levs en DB05 (demande biologique en oxygne sur cinq jours) et de NH4 (azote ammoniacal) 10. Linstructif rapport de la Drire permet dajouter le cuivre, utilis pour la connexion des lments lectroniques : Il y a lieu de fixer des normes pour le rejet de ce polluant dans les eaux (Isre). En application de lAM [NDA : arrt ministriel] du 2 fvrier 1998, il est propos de fixer une concentration maximale de 0,5 milligramme par litre soit un flux maximal de 4,5 kilos par jour . Que sont 1 600 kilos de cuivre rejets dans lIsre chaque anne ? Demandons aux poissons.

    Fin 2004, la fdration de pche de lIsre a port plainte, aprs que ses adhrents aient rcolt des poissons ventre en lair dans les chantournes o les effluents toxiques taient dverss. Raction vi-goureuse des lus : le budget municipal finana aussitt le dtourne-ment des rejets vers lIsre, afin de diluer la pollution dans un plus grand volume deau. Cest ces trouvailles techniciennes que lon connat le gnie dauphinois. Les pcheurs continuent de dire que a pue la chimie , et les poissons ne sont plus trs nombreux pour t-moigner.

    Pour complter les ravages de lindustrie lectronique, il faut se tourner vers le modle des dcideurs grenoblois : la Silicon Valley ca-lifornienne.

    Lassociation Silicon Valley Toxics Coalition a fait le bilan environ-nemental et sanitaire de cinquante ans dinformatique et de micro-lectronique dans ce qui fut une valle aussi fertile que le Grsivau-dan. Depuis 1956 et la premire usine dIBM, la nappe phratique a t contamine par les rejets de xylne, tolune, trichlorothane chlo-r. Daprs lenqute de Jim Fisher pour le magazine en ligne salon.-com11, la nappe de la Silicon Valley est lune des plus pollue des tats-Unis. Consquences : 2,5 3 fois plus de fausses couches chez les femmes enceintes ayant bu cette eau, daprs ltude du service de

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  • sant de ltat au milieu des annes 1980, qui entrana plus de 250 plaintes et des indemnits faramineuses.

    Dans les salles blanches o lon produit les tranches de silicium, la situation nest pas meilleure. quips de combinaisons de pingouin pour viter de souiller les prcieuses plaques, les oprateurs ma-nipulent les toxiques longueur de trois-huit. Des dizaines de plaintes pour cancer professionnel ont t dposes en 1998 la Cour suprieure du comt de Santa Clara : IBM, Union Carbide, Shell, Eastman Kodak avaient cach la toxicit de ces poisons leurs sala-ris.

    Pourtant, ds 1992, un ancien mdecin dIBM, Myron Harrison, avait publi un article, Les dangers de la production des semi-con-ducteurs , qui dressait une liste inquitante : Exposition des tra-vailleurs larsenic dans la production des plaques de gallium arse-nide, aux acides arosols en lithographie, aux gaz toxiques arsine et boron. Il atteste des cas de brlures lacide hydrofluorique, des ex-positions aux solvants corrosifs, des composants photo actifs non tests. Il met en garde contre des accidents catastrophiques dans le remplacement des cylindres de gaz, lvacuation et le remplissage des bains chimiques, les dysfonctionnements des systmes de ventilation, et note de frquents problmes respiratoires (tels que sinusites, la-ryngites et asthme) parmi les travailleurs. Il rapporte des cas dexpo-sition au mercure, des feux de produits chimiques relativement fr-quents dans les cuves de stockage, et des fuites de solvants dans les canalisations 12.

    Quant aux salaris de STMicroelectronics de Crolles, ces dernires annes, ils ont diffus plus de tracts pour la prservation de leurs em-plois sur le site que pour celle de leur sant. On appelle a le modle grenoblois .

    Il ny a plus de gorilles au numro demand

    Ce nest pas tout. Outre ses puces, votre tlphone a besoin de condensateurs en coltan (ou colombo-tantalite), un minerai mal-lable, rsistant la chaleur et la corrosion. Celui-ci est extrait no-

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  • tamment en rpublique dmocratique du Congo (RDC), o se trouvent les plus importants gisements mondiaux.

    Comme les diamants, le coltan a t au centre dune guerre pour le contrle des ressources qui a tu plus de 3,5 millions de personnes dans sept pays depuis 1998. Tout une srie dentreprises se sont cres dans cette zone, en association avec les grands capitaux trans-nationaux, les gouvernements locaux et les forces militaires (de ltat ou de la gurilla) qui se disputent le contrle de la rgion concernant lextraction du coltan et dautres minerais. LONU nhsite pas affir-mer que ce minerai stratgique finance une guerre que lancienne se-crtaire dtat des tats-Unis, Madeleine Albright, a dnomm la Premire Guerre mondiale africaine. 13

    Au Congo, de nombreux enfants sont retirs de lcole pour tra-vailler dans les mines de coltan. Le minerai est achet aux rebelles et des compagnies minires hors la loi par des socits internatio-nales, dont Cabot Inc., aux tats-Unis, HC Starck, en Allemagne (fi-liale de Bayer), et Nignxia en Chine. Ces socits transforment le mi-nerai en une poudre quelles vendent Nokia, Motorola, Ericsson, Sony, Siemens et Samsung14.

    Conclusion qui ne figure pas sur la notice de votre portable : Il semble vident que les consommateurs du Nord, soit la majeure par-tie de la demande solvable et les derniers maillons de la chane, ont en partie contribu indirectement la poursuite du conflit en RDC 15.

    Le journaliste africain Kofi Akosah-Sarpong a mme exprim que le coltan, gnralement parlant, nest pas en train daider les ha-bitants locaux. En ralit, il est la maldiction du Congo. Il a gale-ment rvl que des vidences de contamination par ce minral existent et que celles-ci signalent le rapprochement entre le coltan et les dformations congnitales des bbs de la zone minire qui naissent avec les jambes de travers. 16

    Les mines de coltan sont situes en majorit dans lEst de la RDC, dans la rgion du Kivu, sur le territoire des derniers gorilles des plaines, des okapis et des lphants. Bilan de lactivit minire : sac-cage des forts et des cours deau et massacres danimaux. Au rythme

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  • actuel, les spcialistes estiment dix ou quinze ans maximum lesp-rance de survie des gorilles17.

    Les rapports publis en 2001 et 2002 par lUnion internationale de conservation de la nature et lONU dnonaient lexploitation ill-gale des mines du Kivu et ses ravages. Des cours deau et des forts sont en train dtre dgrads, la subsistance des populations autoch-tones, les Mbuti, dans la rserve de faune okapis, est menace et la faune sauvage est dtruite un rythme alarmant. [] Le coltan ex-ploit dans ces sites est transport par avion et vendu de grandes entreprises multinationales dAmrique du Nord, dEurope et de Rus-sie qui lutilisent dans diffrentes industries de haute technologie. LUICN lance un appel la communaut internationale pour quelle cesse dacheter le coltan. 18

    Aprs cet appel, Motorola et Nokia ont jur quelles inciteraient leurs fournisseurs sapprovisionner en Australie et au Brsil. Poudre aux yeux : daprs le Groupe de recherche sur les activits mi-nires en Afrique (universit de Qubec), il est impossible dtablir la provenance de la ressource et nous savons que, malgr les condam-nations internationales, le coltan de la RDC se trouve toujours assez facilement sur les marchs trangers 19.

    Chaque fois que vous passez un coup de fil, vous jouez avec la san-t des habitants du Grsivaudan, avec la vie des Congolais et celle des derniers grands singes de la plante. Cest ce prix que vous restez en contact.

    *All ? Ouais, je suis la boulangerie. Une baguette.Non, je parlais la dame. Quoi ? moins le quart, OK.

    *

    Tlphone jetable

    Force est de constater que les Smartphones ont considrable-ment volu. LOrange SPV originel ? Dmod ! Le P800 de Sony

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  • Ericsson ? Presque ringard ! Les derniers appareils du genre ac-cueillent volontiers les cartes Flash 64 mgaoctets et embarquent des slots SD qui vous permettront de porter la mmoire totale 1 gigaoc-tet. 20

    Derrire le jargon hystrique typique des amateurs de gadgets lectroniques, on aura compris lessentiel : dans le monde num-rique, le risque majeur, cest la ringardise. Il faut changer son tl-phone portable ou son assistant personnel aussi souvent que lexigent la mode, le progrs et les fabricants. En moyenne les Japonais changent de mobile tous les douze dix-huit mois , in-dique Yoshimi Ogawa21 patronne dindex Corporation, socit japo-naise qui vend du contenu pour portables, et qui a achet le club de foot grenoblois. En France, 19 millions de tlphones sont rempla-cs chaque anne22.

    Changer de tlphone signifie jeter son tlphone. Depuis le lan-cement de ce gadget sur le march, plus de 500 millions dexem-plaires ont dj t jets (130 millions rien quaux tats-Unis en 2005), grossissant les montagnes de dchets lectroniques et lec-triques (DEEE). En France, nous en produisions 25 kilos par per-sonne en 2001, et ce chiffre doit doubler dici 2013. Or, ces dchets sont loin dtre anodins. Ils concentrent un mlange complexe de ma-tires et de composants particulirement toxiques. Mtaux lourds, cadmium, mercure, et plomb en grande quantit : 40 % du plomb trouv dans les dcharges provient de llectronique de consomma-tion. Les rebuts lectroniques et lectriques sont pour lessentiel inci-nrs avec les dchets mnagers et provoquent ainsi dimportantes missions de dioxines. Ces substances, ennemies de longue date de lair, des sols et des nappes phratiques, menacent galement la sant des tres vivants. Quelques mois suffisent pour quun tlphone mo-bile dernier cri et un ordinateur ultraperformant se mtamorphosent en bombes retardement pour lenvironnement. 23

    Aux aptres du recyclage , cens rsoudre le problme, prci-sons la fin de lhistoire : Plus de la moiti des ordinateurs recycls [NDA : aux tats-Unis] sont en ralit expdis en Chine, o des tra-vailleurs mdiocrement pays rcuprent les parties juges intres-santes des appareils (voir www.ban.org). Mais cela se traduit par une

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  • srieuse pollution, en raison des quantits importantes de plastique et de mtaux lourds entrant dans la composition des ordinateurs. Les pices inutiles sont brles, provoquant des manations toxiques, ou abandonnes dans des dcharges o leau de ruissellement entrane les polluants dans les nappes phratiques. Non loin de Hong Kong, dans la ville de Guiyu, spcialise dans ce recyclage particulier, les enquteurs ont constat que leau ntait plus potable et devait tre achemine par citernes des villes voisines, tandis que les maladies se multiplieraient du fait de la pollution de lair 24.

    Une enqute mene en 2004 par Greenpeace et Basel Action Net-work a mis au jour un trafic illgal de dchets lectroniques dans le port chinois de Taizhou : les dchets sont achemins par cargo, puis mls des chargements de mtaux en vrac transports dans des centaines de camions. Les deux ONG pointaient le risque que Taiz-hou devienne aussi contamine que Guiyu. Les dchets lectro-niques entrent toujours en masse en Chine, travers les failles, et la plupart proviennent des programmes de recyclage de pays qui es-saient dviter la pollution de leur propre territoire. 25

    La Chine et, bien sr, lAfrique. Le Programme des Nations Unies pour lenvironnement signale lempoisonnement aux mtaux lourds des populations vivant prs de dcharges, comme celle de Dandora, Nairobi (Kenya). 90 % des enfants voisins sont contamins par le plomb, le mercure et les dioxines issus des dchets lectroniques. Aux mes charitables qui croient se dbarrasser thiquement de leur por-table, le PNUE rappelle quun quart des appareils envoys aux petits Africains, inutilisables, finissent dans ces dcharges de la mort. Entre 20 et 50 millions de tonnes de dchets lectroniques sont produits chaque anne, dont la plupart prennent le chemin du conti-nent africain comme dons charitables. 26

    Plus prs de nous, Bourg-Fidle (Ardennes), lusine Mtalblanc a t juge en fvrier 2005 pour la contamination par le plomb et le cadmium du sol, de lair et de leau, avec des consquences sur la san-t dune quarantaine de salaris ou enfants voisins27. Lactivit de cette usine ? Le recyclage. On voit que les nuisances sont aussi du-rables que le dveloppement des industries qui les gnrent.

    * 16

  • Cest M. Busy, je serai un peu en retard notre rendez-vous, ins-tallez-vous, jarrive.

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  • 2.GRILLADES DE CERVEAU

    Dbut 2008, les bornes Wifi pour lInternet sans fil sont partout. Connat-on les risques pour la sant ? , sinquite lopinion. Pas de problme, rassurent les dcideurs, car le Wifi est beaucoup moins puissant que les tlphones portables. Mode demploi lattention des cobayes : pour connatre les dgts que vous inflige une innova-tion , attendez la suivante. Souvenez-vous, les pesticides taient ex-cellents pour notre sant jusqu lapparition des OGM, indispen-sables pour nous dbarrasser enfin de ce poison. Il aura fallu at-tendre le Wifi pour sentendre dire quen termes dexposition aux rayonnements lectromagntiques, compar aux fours mi-cro-ondes et aux tlphones portables, le Wifi cest pas grand chose 28.

    Tous cobayes

    En ralit, le technogratin et ses agences de propagande peinent dissimuler encore ce que de simples citoyens rabchent depuis des annes : nous sommes soumis depuis quinze ans une exprience en taille relle sur les effets sanitaires des champs lectromagntiques puiss.

    Rentabilit oblige, les tlphones mobiles ont t mis sur le mar-ch sans que des tudes pralables de nuisance aient t faites. Autre-ment dit, les utilisateurs sont les cobayes dune exprience plantaire dont on ignore encore, faute de recul suffisant, les consquences sur la sant.

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  • Depuis ce constat de Science et Vie, en avril 1999, scientifiques, industriels et gouvernements jouent au ping-pong avec les enqutes sur la sant des porteurs de mobiles et des personnes exposes aux antennes relais.

    LOrganisation mondiale de la sant a lanc en 1996 une tude in-titule Interphone, dont les rsultats, douze ans aprs, ne sont tou-jours pas disponibles et dont la parution, aprs avoir t annonce en 2004, en 2005, est promise pour 2008. Est-elle bien ncessaire puisque lOMS a assur en 2006, dans un aide-mmoire qui sera utile aux futurs Alzheimer qu il nexiste aucun lment scientifique probant confirmant dventuels effets nocifs des stations de base et des rseaux sans fil pour la sant 29 ?

    Il existe en revanche des lments probants confirmant la surdit de lOMS aux multiples alertes lances par des scientifiques du monde entier. Quelques chantillons :

    Ltude europenne Reflex, dont les rsultats furent dvoils le 8 dcembre 2004 par la fondation allemande Verum, a t finance par lUnion europenne et par les gouvernements suisse et finlandais. Elle a mobilis douze laboratoires pendant quatre ans30. Ses conclu-sions : Les champs lectromagntiques gnrs par les antennes des tlphones portables provoquent indirectement des ruptures dans les brins dADN de cellules humaines et animales. Ils vont mme jusqu perturber la synthse de certaines protines . Ces im-pacts apparaissent pour des doses dnergie infrieures aux seuils d-finis par la lgislation franaise (2 watts par kilo, daprs la recom-mandation de la Commission internationale de protection contre les rayonnements non ionisants).

    Pour Franz Adlkofer, coordinateur du projet et directeur excutif de la fondation Verum, ltude prouve lexistence dun mcanisme physiopathologique qui pourrait tre la base du dveloppement de dsordres fonctionnels ou de maladies chroniques chez lanimal et chez lhomme .

    Un chercheur belge, Luc Verschaeve, du Vlaamse Instelling voor Technologisch Onderzoek, explique que les ondes atteignent, deux centimtres de profondeur, la zone la plus sensible du cerveau : le

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  • cortex, provoquant une lvation de sa temprature denviron un de-gr Celsius. Bref, la tte dans le micro-ondes.

    Si lon tlphone rgulirement et pendant de longues priodes, il nest pas impossible que leffet thermique finisse par lser lADN cellulaire et provoque des tumeurs cancreuses , reconnat le scien-tifique31.

    En aot 2007, le BioInitiative Working Group, runissant qua-torze chercheurs internationaux, a jet un froid dans le monde mer-veilleux du sans-fil. Son rapport, une synthse de deux mille tudes documentant les effets sanitaires dune exposition chronique aux rayonnements lectromagntiques, aboutit des conclusions telles que : Sans grand doute, lexposition aux champs lectromagn-tiques basses frquences cause des leucmies infantiles ( des ni-veaux trs infrieurs aux normes de prcaution) ; Les personnes qui utilisent un tlphone portable depuis dix ans ou plus ont un taux plus lev de tumeur maligne du cerveau et de neurinome acoustique. Utiliser le tlphone principalement dun ct de la tte augmente le risque ; Les normes usuelles dexposition aux missions des tl-phones portables et des tlphones sans fil ne sont pas protectrices au regard des rsultats long terme sur les tumeurs du cerveau et les neurinomes acoustiques ; Il existe des preuves fortes indiquant que lexposition long terme aux champs lectromagntiques basses frquences est un facteur de risque pour la maladie dAlzhei-mer , etc. Pour finir : Nous ne pouvons plus nous permettre de continuer le Business as usual 32.

    En Allemagne, mille deux cents mdecins ont sign en oc-tobre 2002 lAppel de Fribourg pour alerter les autorits : Nous constatons ces dernires annes chez nos patients une augmentation dramatique de maladies graves et chroniques. [] Comme nous connaissons lenvironnement rsidentiel et les habitudes de nos pa-tients, nous voyons aprs un interrogatoire prcis de plus en plus souvent une claire relation temporelle et spatiale entre lmergence de ces maladies et le dveloppement dondes radio, par exemple sous forme dinstallation de relais de tlphone mobile dans les environs de nos patients, dune utilisation intensive de portables, de lachat

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  • dun tlphone sans fil standard DECT dans la maison ou dans le voi-sinage 33.

    On ne fera pas ici linventaire des tmoignages, tudes et plaintes contres les nuisances des antennes relais et des tlphones cellu-laires. On peut ce sujet se reporter au documentaire de Joaquina Ferreira, Tlphone mobile, sommes-nous tous des cobayes ?, tl-chargeable sur le site www.next-up.org.

    On se bornera rappeler laffaire de lambassade amricaine de Moscou pendant la guerre froide. Les Russes ayant cern celle-ci dune ceinture de micro-ondes, le taux de cancers et de maladies rares du personnel diplomatique amricain avait considrablement augment premire dmonstration des effets de ces ondes.

    Utilisant des bandes de frquence de 900 et 1800 mgahertz (hautes frquences, ou micro-ondes), les tlphones portables g-nrent aussi des trs basses frquences, qualifies par lOMS qui ne craint pas de se contredire de potentiellement cancrignes et pouvant entraner des leucmies. Ces ondes interfrent avec les ondes alpha et delta du cerveau, autrement dit nos champs lec-triques internes. Aujourdhui cest toute la population qui est encer-cle, dans la guerre au vivant mene par lindustrie et les chercheurs complices.

    Les ondes nuisibles pour la vrit

    Pourquoi les cobayes humains ne sont-ils pas informs ? Parce que le lobby de la tlphonie mobile ne tolre aucune mise en cause, verrouille les rsultats ngatifs, achte des chercheurs gages, en-fume les autorits sanitaires, attaque les citoyens qui protestent en diffamation34. Parce quil est trop tard pour revenir en arrire.

    Dune faon gnrale, tous les rsultats mettant en cause la tl-phonie mobile sont systmatiquement rejets par les fabricants de portables. Le Dr Henry Lai qui travaillait sous contrat avec Wireless Technology Research (WTR) une socit sous la tutelle de fabricants de tlphones mobiles, sest vu refuser la publication de ses travaux parce quils dmentaient le credo des fabricants. [] Ils me deman-

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  • daient dinterprter diffremment mes rsultats afin de les rendre plus favorables la tlphonie mobile, sinsurge le chercheur.

    La mme msaventure est arrive au biologiste amricain Ross Adey, qui effectuait une tude pour le compte de Motorola []. Comme le fabricant refusait dadmettre ses conclusions, savoir lef-fet nocif des ondes lectromagntiques sur des animaux de labora-toire, il a prfr arrter sa collaboration scientifique. Tout se passe comme autrefois avec les fabricants de cigarettes, qui refusait de r-vler toutes les tudes montrant les dangers du tabac, proteste Hen-ry Lai. 35

    Rmunr lui aussi par les industriels via Wireless Technology Research, lpidmiologiste George Carlo a t, comme ses confrres, censur par ses commanditaires. Il a depuis cr lONG Safe Wireless Initiative pour publier ses rsultats (drglement du mtabolisme, blocage de la communication intercellulaire, symptmes dlectro-sensibilit), rsums dans son livre CellPhones : Invisible Hazards in the Wireless Age. Dans une interview la revue Acres USA, Carlo ra-conte : Des scientifiques du monde entier ont signal que leurs tra-vaux avaient t rejets ou modifis par lindustrie de la tlphonie mobile. Si vous regardez les tudes effectues sur ce problme [NDA : les risques sanitaires], celles qui sont finances par lindus-trie ont six fois plus de chances de ne rien trouver que celles qui sont finances de faon indpendante. Malheureusement, 95 % des tudes sont finances par lindustrie. Lindustrie contrle quasiment la science et la diffusion des informations scientifiques. Elle contrle donc la faon dont le public peroit ou ne peroit pas de dangers 36.

    Voil qui nous ramne lOMS. Si vous pensiez cet organisme su-pranational indpendant et fiable, vous allez tre dus. Son projet international pour ltude des champs lectromagntiques ( projet CEM ), lanc en 1996, se rvle financ 40 % par lindustrie du portable. Une excellente enqute du magazine belge Imagine dvoile la face cache de son aide-mmoire rassurant de 2006. Le projet CEM reoit chaque anne depuis 2005 en tout cas plus de 150 000 dollars du Mobile Manufacturers Forum (MMF), le lobby des fabricants de portables bas boulevard Reyers, Bruxelles. Contact par le magazine belge Imagine, Michael Milligan, secrtaire

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  • gnral du MMF, se borne rappeler que les versements se font en accord avec les demandes de lOMS et via la procdure agre et mise en place par celle-ci. Il se flicite par ailleurs de lexpertise de lOMS, particulirement en ce qui concerne linformation quelle pro-duit et qui repose sur une science dexcellente facture 37. On ne sau-rait mieux dire.

    Financer une tude est un bon dbut. Reste trouver un porte-pa-role pour colporter ses rsultats. Voyez comme ces industriels ont du flair : ils nauraient pu dnicher meilleur candidat que Mike Repacho-li, coordinateur pour lOMS des programmes de recherche du projet CEM . Ce physicien et biologiste mriterait la mdaille dor de la Ville de Grenoble pour son action toute personnelle en faveur de la liaison recherche-industrie.

    Le projet CEM tait corrompu ds le dpart, estime Andrew Marino, professeur de biologie cellulaire au Centre des sciences de la sant de luniversit de Louisiane (tats-Unis). Michael Repacholi tait connu depuis plus de six ans comme consultant rmunr et porte-voix des compagnies responsables de gnrer de la pollution lectromagntique. () Louis Slesin, chimiste physicien, docteur en sciences environnementales du MIT et rdacteur en chef de la lettre spcialise Microwaves News, blme quant lui M. Repacholi pour ses nombreux revirements au cours de son mandat. En fvrier 2003, Luxembourg, le coordinateur du projet CEM a annonc quil exis-tait dsormais suffisamment de preuves pour prconiser des poli-tiques prventives, notamment en matire de rayonnements radiofr-quence et micro-ondes [ceux de la tlphonie mobile, NDE]. Or, quelques semaines plus tard, il est revenu sur cette position sans la moindre justification. 38

    On vous passe la suite, qui mrite dtre lue et se consulte facile-ment dans sa version Internet.

    Bien sr, les autorits sanitaires franaises qui sadossent aux avis de lOMS ne peuvent ignorer ce que de simples associations savent et dnoncent longueur de sites Internet et de ptitions39. Cest donc en connaissance de cause que lAFSSE (Agence franaise de scurit sa-nitaire de lenvironnement) a publi deux rapports rassurants en 2003 et 2005. Sans doute inspire par les mthodes de sa grande

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  • sur onusienne, lagence a pris soin dcarter de son groupe dex-perts les chercheurs trop indpendants de lindustrie.

    En 2004, quatre dentre eux, membres du Comit scientifique sur les champs lectromagntiques, ont publi un livre blanc plutt noir : Votre GSM, votre sant : on vous ment !40, dans lequel ils r-sument ce que les autorits franaises nont pas voulu entendre : Cette publication a t rendue ncessaire en raison des nombreux troubles observs chez les riverains des stations relais de tlphonie mobile (dont linstallation en France a t particulirement anar-chique) et chez les utilisateurs de tlphones portables. Sont passs en revue les travaux scientifiques mondiaux relatifs lexposition des tres vivants aux ondes de la tlphonie mobile. On peut y constater des effets particulirement nocifs sur le systme nerveux et le mta-bolisme cellulaire. Les publications officielles franaises, destines permettre le dveloppement technologique sans entrave, y sont exa-mines et critiques.

    Les tudes pidmiologiques menes un peu partout dans le monde rvlent clairement ltiologie des nombreux malaises ressen-tis par les utilisateurs de tlphones portables et les riverains dan-tennes relais (insomnies, troubles cardiaques, hypertension, cpha-les) ainsi que lexistence possible dun lien entre cette exposition et des pathologies lourdes telles des maladies neurodgnratives, cer-taines formes de cancer 41.

    cart lui aussi du groupe dexperts de lAFSSE, Pierre Aubineau, directeur de recherche au CNRS, est pourtant membre de lquipe charge de ltude Comobio (Communication mobile et biologie) sou-tenue par le gouvernement franais. Il tudie en particulier les effets des ondes des portables sur la barrire hmato-encphalique (qui protge le cerveau des toxiques circulant dans le sang). Conclusion de ses expriences sur des rats : sous leffet des radiations, la barrire hmato-encphalique souvre et la synthse des protines dans le cer-veau est bouleverse.

    Trois membres de lAFSSE se sont sentis obligs dauditionner Pierre Aubineau aprs ses dclarations la presse les experts, eux, nont pas souhait lentendre. Le chercheur a ritr sa mise en garde : Il y a de grandes chances quun risque existe, tout le moins

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  • pour certaines personnes. Je constate quil se passe des phnomnes anormaux et je maintiens que louverture de la barrire hmato-enc-phalique relve du pathologique et non du biologique. Il en va de mme lorsque la synthse des protines de choc thermique augmente de manire inconsidre : ceci reflte une attitude stresse et un dys-fonctionnement cellulaire .

    Raction de Michle Froment-Vdrine, directrice de lAFSSE : Mais les personnes qui tlphonent ne sont-elles pas stresses ? 42.

    Hlas, ltat de la barrire hmato-encphalique des responsables de lAFSSE na fait lobjet daucune tude.

    Notons que les experts , refusant dcouter Pierre Aubineau, ont complaisamment auditionn les oprateurs de tlphonie mobile voquant des symptmes subjectifs 43 chez leurs abonns qui se plaignent de troubles. Extrait : Depuis quelques mois, nous assis-tons un vritable march de la peur qui rend malades les personnes fragiles. Ces dernires dorment mal ou ont mal la tte force dtre inquites par des discours alarmistes 44. On reconnat lcole scien-tifique cre en 1958 par lOMS : Il semble donc confirm que lav-nement de lre atomique a plac lhumanit devant certains pro-blmes de sant mentale. [] La solution la plus satisfaisante pour lavenir des utilisations pacifiques de lnergie atomique serait de voir monter une nouvelle gnration qui aurait appris saccommoder de lignorance et de lincertitude 45. Chacun sait quen raison dun ex-cs dinformations, la radiophobie fit aprs Tchernobyl des ra-vages chez les Bilorusses et les Ukrainiens.

    En revanche, que Bernard Veyret, Ren de Sze et Denis Zmirou aient pu cosigner le rapport de lAFSSE aprs avoir collabor la r-daction dune plaquette de pub finance par Orange et intitule Au-cune inquitude pour les antennes relais na donn de migraines personne dans les sphres de la scurit sanitaire . Il aura fallu les protestations ritres des associations antipollution lectromagn-tique pour que soit publie en janvier 2006 une enqute de linspec-tion gnrale des affaires sociales (Igas) et de linspection gnrale de lenvironnement sur les mthodes de travail de lAFSSE. Conclusion : Les travaux de lAFSSE en matire de tlphonie mobile se sont d-rouls avec des dfaillances relatives la mthode suivie sur les pro-

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  • cdures . En franais : lAFSSE a sabot le travail et ses avis rassu-rants sont nuls et non avenus. Pendant ce temps, les adolescents franais tlphonent plusieurs heures par jour grce leurs forfaits illimits.

    Tant defforts et de manipulations pour rassurer les consom-mateurs devraient suffire leur mettre la puce loreille, si cette der-nire ntait accapare par un tlphone portable.

    Peut-tre les atteintes neurologiques affectent-elles dj les capa-cits de raisonnement de la foule, y compris dans la rvolte. Il nest de spectacle plus dsolant que celui de ces associations qui piaillent contre les antennes relais ( trop grandes, trop puissantes et mal pla-ces ) sans jamais mettre en cause le tlphone portable. Qui, limage de Priartem Pour une rglementation des implantations dantennes relais de tlphonie mobile-rclament toujours plus den-cadrement, de rglementation des nuisances, damliorations tech-niques, pour une pollution lectromagntique durable.

    Problme pour lves de classe scientifique : sachant que les zones blanches non couvertes par les rseaux ont quasiment dis-paru en France, comment effectuer des comparaisons mdicales entre populations pollues et populations pargnes par les rayonne-ments du portable, pour en tirer des conclusions scientifiques ? R-ponse : impossible. Voil pourquoi nos dcideurs ont bien raison de supprimer les crdits la recherche pidmiologique, devenue obso-lte, et de les affecter au plan Alzheimer, qui va en avoir grand be-soin.

    * Jentends rien ! Tes o ? Hein ?

    *

    Notice ncrologique

    Les dgts sanitaires de la tlphonie mobile seront sans doute nis aussi longtemps que ceux du tabac. Si votre cerveau flanche,

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  • cest que vous vieillissez. Il sera peut-tre plus difficile lindustrie de rfuter sa responsabilit dans lautre catastrophe en cours, qui nous menace tout autant : la disparition des abeilles. Outre lefficacit in-secticide sans gale des Gaucho, Rgent, et autres pesticides syst-miques, la pollution lectromagntique semble avoir sa part dans le syndrome deffondrement des ruches , plus encore depuis lappa-rition de la tlphonie 3G , au dbit plus lev. Pour mmoire, 60 90 % des colonies domestiques ont disparu aux tats-Unis depuis 2006. Les agriculteurs amricains doivent importer des ruchers pour assurer la pollinisation de leurs arbres fruitiers. Mme drame en Eu-rope depuis une dizaine dannes : les abeilles disparaissent sans lais-ser de trace. Or, nous rappellent des chercheurs rabat-joie, celles-ci utilisent les champs magntiques terrestres pour sorienter et mettent des signaux lectromagntiques dune frquence de 180 250 hertz lors de leurs danses de communication.

    Exprience : placez quatre essaims dabeilles huit cents mtres de leurs ruches respectives. Exposez deux des quatre ruches aux missions dun tlphone sans fil, laissez les deux autres tranquilles. Observez les abeilles. Rsultats obtenus par lquipe des professeurs Stever et Kuhn, de luniversit allemande Koblenz-Landau : les deux premiers essaims retrouvent fort mal, voire pas du tout, leur ruche communiquante, tandis que les deux autres sen sortent trs bien46. On vous aura prvenus.

    Rappelons humblement aux pros de la 3G, du Bluetooth et du Wifi que les abeilles sont ces insectes pollinisateurs qui, en butinant les fleurs, assurent la fcondation indispensable lapparition de fruits et lgumes. Un tiers du volume de ce que nous mangeons, pour tre prcis. Mais on ne peut pas tout avoir : des tomates et liPhone.

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  • 3.LE TRIOMPHEDES MANIPULATEURS

    En 1992, la France comptait 500 000 abonns au tlphone por-table. Fin 2007 : 55,3 millions. En quinze ans, 87,6 % de la popula-tion sest laiss convaincre de la ncessit de ce gadget.

    Les jeunes sont les plus intoxiqus : 97 % des 18-24 ans en pos-sdent un. Si lon excepte les personnes ges et les enfants en bas ge, le march arrive aux limites de la saturation. 47 Pourquoi excep-ter les enfants en bas ge, alors quon pourrait les habituer tlpho-ner ds leurs premiers mots ? Aprs deux tentatives avortes en 2005, le Babymo, premier tlphone portable entirement conu pour lenfant 48, puis, en 2007, le Kiditel, ont t retirs de la vente sur plainte dassociations , le Mol tente une nouvelle perce. Lanc par la socit espagnole Imaginarium, ce modle pour enfants par-tir de six ans permet dappeler les numros prenregistrs des pa-rents et comprend un dispositif de golocalisation par GPS.

    Comme le dit au Monde 2 Rgis Bigot, directeur adjoint du dpar-tement Conditions de vie et aspirations des Franais au Crdoc : Ces nouvelles gnrations sont prpares un monde o les nou-velles technologies seront omniprsentes .

    Harclement publicitaire, tlphones offerts, suppression des ca-bines tlphoniques, cot exorbitant des appels depuis un fixe vers un mobile et pression sociale ont fait du portable la technologie au dveloppement le plus rapide de lhistoire. En 2006, il sen est vendu un milliard dans le monde49. Selon le cabinet danalyse Gartner, le portable serait le bien de consommation lectronique le plus rpandu

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  • sur terre. Jusque dans les coins les plus affams de la plante, comme en Somalie o, dfaut deau potable, on a des SMS50.

    Mille nouveaux abonns sont enregistrs chaque minute. Un tre humain sur deux est dsormais affubl de sa prothse communi-quante51. Encore quelques gnrations et volution aidant les-pce devrait en tre quipe naturellement.

    Plus que tous ses prdcesseurs, ce gadget pousse au mimtisme et au conformisme si chers aux marketeurs. Jai fini par cder la pression de mon entourage. Ce qui les gnait dans mon attitude, ctait le refus de maligner sur le comportement dominant , ex-plique une libraire au Monde52.

    Faites le test. Dites vos collgues que vous navez pas de por-table. Hors les exceptions qui chuchotent : Tu as bien raison, jai-merais en faire autant , la majorit sesclaffe : Tes contre le pro-grs ? Tu tclaires la bougie ? ou sinquite : Mais comment tu fais ? .

    Alors que la pub vend aux foules lautonomie et lindpendance sur abonnement, on voit quil sagit ni plus ni moins de faire comme tout le monde.

    Vous naviez rien demand, vous lavez quand mme

    Si huit Franais sur dix se demandent comment ils ont fait pour se passer de portable jusquici, cest grce au bourrage de crne du mar-keting et aux manip des sociologues des usages et de laccepta-bilit . Grenoble, le fabricant de puces STMicroelectronics et son associ le CEA-Leti ont cr, avec France tlcom R&D et Hewlett-Packard Labs, un laboratoire dides nomm IDEAs Lab, qui vend aux industriels une mthode pour sassurer le succs, labore grce lapport dautres disciplines scientifiques, en particulier les sciences humaines 53.

    Cette mthode brevete, la conception assiste par lusage (Design smart process), a t invente par un Grenoblois, socio-

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  • logue et anthropologue de linnovation au CNRS, Philippe Mallein. Celle-ci identifie les usages des technologies avant mme la concep-tion de nouveaux produits. Objectif : crer de vritables nouveaux produits, avec de vritables nouveaux usages, et ne pas seulement sadapter ce que le march semble demander. 54

    Cest bien ce quil nous semblait. Le march (nous cest--dire) na jamais demand de tlphone portable. Mais grce Mallein, de nouveaux usages (besoins, en novlangue), ont t crs. Il faut voir le sourire vainqueur de Michel Ida, patron dIDEAs Lab, quand, dans ses confrences sur les objets intelligents , il demande au pu-blic : Qui a un tlphone portable ? .

    Comment ces bienfaiteurs sy prennent-ils ? Ils runissent des cratifs (designers, artistes), des experts en sciences humaines (socio-logues, anthropologues), des spcialistes des logiciels, de la micro-lectronique, des microsystmes, mais aussi des oprateurs, des in-dustriels ou de futurs utilisateurs de ces objets communicants 55 et les font plancher sur des gadgets futuristes (balanoire virtuelle, stylo communicant, clones virtuels, vtements et lunettes communicants). Le fruit de ces ateliers cratifs est ensuite soumis des panels de consommateurs classs selon leur comportement vis--vis du chan-gement (tiquets en passionns , pragmatiques ou objec-teurs )56, dont les ractions sont examines la loupe, pour dcider si tel machin a des chances dtre accept par les cochons de consom-mateurs.

    La combine a le mrite de dvoiler la logique toute commerciale de la recherche & dveloppement chre aux ingnieurs du CEA : il ne sagit pas de trouver une rponse aux besoins de la population, mais des dbouchs une technologie, en crant des besoins factices. Ad Valor, la bote de Philippe Mallein, revendique ce renversement de logique orwellien, en rsumant le parcours dune innovation ren-table : celle-ci doit dabord crer des significations dusage posi-tive associes une valeur pour lusager avant daboutir l ex-pression du besoin , puis la demande .

    Rien de bien neuf, quoiquen disent les frimeurs dIDEAs Lab. Leur mthode recycle celle dEdward Bernays, linventeur amricain des relations publiques dans les annes 1920, expert revendiqu

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  • en manipulation de lopinion. Leurs travaux ont amen Trotter et Le Bon la conclusion que la pense au sens strict du terme navait pas sa place dans la mentalit collective, guide par limpulsion, lha-bitude ou lmotion [] Les nouveaux responsables commerciaux savent quil est possible [] de susciter des courants motionnels et psychologiques qui travailleront pour eux. Au lieu de sattaquer de front aux rsistances des acheteurs, ils cherchent les supprimer. cet effet, ils crent des circonstances qui, en canalisant les courant motionnels, vont produire la demande. 57 Bernays a dmontr leffi-cacit dune bonne campagne avec lopration Flambeaux de la li-bert , en 1929, destine inciter les femmes fumer. Mission ac-complie : en 2008, le taux de cancers du poumon chez les femmes re-joint celui des hommes.

    coutons Denis Marsacq, du laboratoire Sources dnergie minia-tures du CEA-Grenoble, sous-traitant de Nokia dans la recherche sur les minipiles combustible pour portable, lors dune confrence la Fnac : Bien sr, ces piles coteront plus cher que le rechargement dun tlphone sur une prise lectrique, mais nous ciblons les adoles-cents, qui sont immatures et moins rationnels, et nous pensons quils accrocheront au sans-fil total .

    Souvenons-nous : ne pas seulement sadapter ce que le march semble demander. Et attaquer les jeunes, assez gogos pour se laisser fourguer Britney Spears en sonnerie et le tlphone dtecteur damour et de mensonges (vendu par KTS en Core, pour linstant). Chers jouvenceaux, vous plat-il dtre la cible dans le viseur des dea-lers de gadgets ? Voyez le mpris dans lequel ils tiennent vos dix-sept ans, agitant sous votre nez leur pacotille lectronique comme de la verroterie pour sauvages. Contre quoi troquez-vous votre autonomie, votre sant et votre argent de poche ? Un tlphone.

    votre dcharge, vous avez peu connu le monde sans portable. Vos ans, eux, sont si honteux de leur soumission quils se justifient longueur de temps : Cest juste en cas de panne de voiture , Je lutilise trs peu , Avec mon boulot, je suis oblig . Piteux aveux quil faut traduire par : Je me suis fait avoir comme tout le monde .

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  • Cest ainsi que vos collgues sesclaffent. Et Mallein, le sociologue jaune, de qualifier les drogus de gadgets de visionnaires , et les rfractaires de conformistes . Orwell nous lavait bien dit : LArti-ficiel cest le Naturel. La Consommation cest la Rflexion. LAutono-mie cest lAlination.

    De mme que dans 1984 lhistoire est rcrite chaque jour, on ne saura bientt plus quil existait un temps o lon ne sappelait pas pour se dire quon arrivait. Comme on ne sait plus aujourdhui quil a exist un temps o lon ne sappelait pas du tout. O lon frappait la porte des gens pour leur parler.

    *Vil 2ml c tro top

    *Leur soumission hypnotique au marketing conduit les consomma-

    teurs ngliger lessentiel : Recul sensible des dpenses de nourri-ture, progrs spectaculaires des achats de loisirs, notamment dans la haute technologie En quelques annes, les habitudes de consomma-tion des Franais ont profondment chang [] Pour continuer acheter les produits qui les font rver [] ils rognent ostensiblement sur les produits alimentaires de marque vendus par la grande distri-bution et prennent le chemin des magasins de proximit bas prix, les fameux hard discounters 58. Dans les familles modestes, le bud-get portable pse si lourd que les dpassements de forfait des ados creusent lendettement des plus fragiles.

    En rognant sur leur alimentation, les Franais ont permis aux oprateurs de tlphonie mobile dengranger 21 milliards deuros en 2006, un chiffre daffaires multipli par dix en dix ans et suprieur celui de la construction aronautique et spatiale59. Le lancement du iPhone (un million dexemplaires vendu en trois mois aux tats-U-nis) a provoqu un bond de 121 % de laction dApple. Le constructeur Nokia vend un million de tlphones par jour. En 2006, le numro un des fabricants a engrang 41,1 milliards deuros de ventes (20 % de plus que lanne prcdente) et 4,3 milliards deuros de bn-fices60. Nokia qui est lun des plus gros clients de STMicroelectronics, et qui est aussi donneur dordre du CEA-Leti. O lon ralise ce que

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  • lconomie grenobloise doit un fabricant finlandais de tlphones portables.

    Noublions pas les services annexes : en France, en 2004, le chargement de sonneries musicales a rapport 8,5 millions deuros aux sites de tlchargement payant, qui tablent sur un march de 160 200 millions deuros par an61. Index Corporation ralisait en 2003 un chiffre daffaires de 150 millions deuros en vendant ses conte-nus pour tlphone mobile : sonneries, fonds dcran, jeux, horo-scopes, strip-teases, etc. Quant la publicit sur mobile, elle devrait, selon lInternet Advertising Bureau, dmarrer en 2008.

    Un nouveau march pour les bablologues

    La tlphonie mobile est une providence pour les vendeurs de vent journalistes, sociologues, communiquants, marketeurs , qui ont vite repr le nouveau filon.

    La presse, qui les industriels assurent de confortables rentres publicitaires, a fait du portable une nouvelle rubrique. On connaissait les journalistes politiques, sportifs et conomiques, voici les journa-listes tlphoniques.

    Le Figaro Guide : Mobile Homme. Destination high-tech Pas question de partir laventure sans prvoir le minimum

    dquipement. [] jemporte non seulement mon iPod, mais aussi un baladeur vido portable qui me permet de raccourcir les trajets en car ou en avion. [] Ma femme, elle, prfre emporter [] son tlphone portable, au cas o. Elle adore surtout envoyer des minimessages ses amies pour leur signaler les lieux que nous visitons. Pour plus de scurit, elle a choisi un appareil la fois costaud et lgant qui sadapte automatiquement aux diffrents rseaux utiliss dans le monde. En prime, le vendeur a eu la bonne ide de remplir son tl-phone de musique, ce qui fait un baladeur supplmentaire. [] Avec le GPS, inutile daborder les passants ou de dcrypter un manuel de

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  • conversation. [] On trouve ce genre dappareils sous forme de petit agenda de poche chez Fujitsu Siemens ou Moi. [] Ou encore install dans un tlphone mobile comme chez Nokia. 62 On vous le dit : cest un mtier.

    Une revue complte du Monde rvle linvasion du gadget dans linformation. Plus de 70 articles ont t consacrs au tlphone por-table par le quotidien en 2007. Dans ce flux rgulier, aucune enqute sur les dommages cologiques de cette industrie. Six articles, 2719 mots peine, consacrs aux risques sanitaires le plus souvent une brve en bas de page signalant les rsultats dune tude scienti-fique. Un seul article (510 mots) voquant Big Brother et la sur-veillance via les portables encore ne sagit-il que dannoncer la dif-fusion dun documentaire sur le sujet la tlvision. En revanche, les papiers positifs concernant les innovations technologiques, les der-niers modles, les nouveaux usages, services ou fonctionnalits, re-prsentent 11 716 mots. Enfin, les sujets conomiques sur les entre-prises de tlphonie mobile et leurs marchs totalisent 7 110 mots. Sans oublier les supplments High-tech et les pages Agenda high-tech du Monde 2, qui dlivrent chaque semaine une leon de journalisme spcialis. Il y avait le Shine de LG, bientt il y aura le Troka de Samsung. Le tlphone G800 (nom officiel de la bte) hausse encore un peu le ton dans lalliance du design et de la techno-logie : ct techno, cest un smartphone tribande Bluetooth lcran TFT de 240 320 pixels, dot dun appareil photo 5 mga pixels, dun zoom optique 3, dun flash au xnon, dune mmoire de 160 mgaoctets et dun lecteur de carte microSD. Ct design, rien redire, il est pur, rac, et surtout, dot dun cran miroir de toute beaut. De quoi satisfaire son ego tout en papotant volont. 63 Ce nest pas Albert Londres qui nous aurait informs de la sorte.

    Admirons maintenant le cycle de la valeur ajoute. Les effets de ce lavage de cerveau sur nos comportements alimentent les analyses factures par des sociologues gages, sur les mtamorphoses de lobjet mobile , les nouvelles convenances mobiles ou les res-sorts du sensationnalisme mobile qui fournissent leur tour ma-tire de nouveaux articles. Rien ne se perd, rien ne se cre, mais on gagne tous les coups.

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  • Les sociologues en question appartiennent au cabinet de conseil et recherche applique Discours & pratique, charg par lAssocia-tion des oprateurs mobiles (Afom) dassurer son service aprs-vente. Un modle de liaison recherche-universit-industrie, puisque ces chercheurs, commencer par la directrice, Jolle Menrath, et son as-socie, Anne Jarrigeon, sont membres dun groupe de recherche du CELSA (cole des hautes tudes en sciences de linformation et de la communication, universit Paris Sorbonne).

    Extraits de leurs trouvailles scientifiques : Certaines des fonctions du mobile sont plus videntes que

    dautres dans les perspectives de communication ouvertes par lusage tlphon. [] Dautres demandent une vritable conversion imagi-native et gestuelle, comme les nouvelles fonctions multimdias lies limage et au son : faire une photo en effet implique une attitude qui na rien voir avec celles mobilises par lappel ou les SMS, [] les gestes se diffrencient permettant dans le cas de la photo de viser pour cadrer plus ou moins prcisment un sujet, en portant le tl-phone devant soi, le plus souvent le bras lgrement repli. Le mobile est alors physiquement transform en appareil photo : les gestes mo-mentans le reconfigurent en mme temps quils redfinissent la si-tuation en une situation photographique.

    Prendre au srieux ce qui se joue dans notre rapport au mobile comme objet conduit ne pas ngliger la tension qui traverse lusage entre une rsistance ractive de lobjet qui semble dou dune sorte de vie autonome et le fait quil est conu pour sadapter au corps du sujet, donc pour se faire oublier en tant quobjet 64.

    Quand on vous dit que le portable est mauvais pour le cerveau.

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  • 4.LIBERT SOUS SURVEILLANCE,AUTONOMIE SOUS ASSISTANCE

    Si ce march est si porteur, cest que le rouleau compresseur marketing a su capter ce qui, dans ce monde high-tech et dvou la guerre conomique, avait t dtruit : les rapports sociaux. Il est ty-pique du systme de nous vendre, coup dinnovations, des remdes aux maux causs par les innovations prcdentes. Vous ne parlez plus vos voisins cause de la tlvision ? Tlphonez-leur !

    Daprs les oprateurs, le portable serait un objet qui valorise ( Il vhicule nos signes extrieurs de richesse ou doriginalit ), rassure ( Tout se passe comme si ce petit objet [] protgeait dun monde potentiellement hostile ), renforce les liens ( Il sert appeler des personnes que lon voit tout le temps et qui habitent prs de chez soi, et ce, pour des conversations courtes et rptes ), voire permet de se dclarer 65.

    Les oprateurs ont compris le bnfice quils pouvaient tirer din-dividus dvaloriss, angoisss, incapables de communiquer ou de supporter linconnu. Leur argument de vente dessine en ngatif la so-cit techno-marchande qui cre ces individus. Sdentaires esclaves de notre trajet domicile-travail, du dcoupage semaine/week-end, toute-lanne-au-boulot/le-mois-daot--la-plage, nous sommes la cible idale pour les dealers du nomadisme frelat vant par le faisan Attali.

    Pourquoi aurions-nous besoin dune mdiation lectronique pour communiquer si ce nest pour nous adapter un monde qui atomise chacun de nous et morcelle nos vies ? Rappel : dans un pays o trois habitants sur quatre sont quips de lappareil-qui-renforce-les-liens,

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  • quinze mille personnes sont mortes dans lindiffrence gnrale en trois semaines de canicule.

    Suppos renforcer les liens avec les proches, le portable permet coup sr dviter le contact avec des inconnus. Voyez ces zombies en transit rivs leurs SMS, certains dviter ainsi le regard de leurs voi-sins de bus. Et ces urbains gars, accrochs leur portable pour se faire guider distance plutt que de demander leur chemin des gens. Grce leur kit de tlguidage, comprenant indicateur des rues et rcepteur GPS, ils suivent les instructions de la machine gref-fe leur oreille. Quun individu savise de les accoster de vive voix et ils appelleront bientt au secours.

    Selon Batrice Fracchiolla, sociologue et chercheuse en pointe sur les nouvelles technologies, son usage immodr [NDA : du por-table] sert combler les temps de dplacements quotidiens qui sont souvent source dangoisse. Ce temps pass en transit dans des sortes de non-lieux successifs, au milieu dune foule anonyme, entrane une perte didentit, crit-elle dans la revue Esprit critique. [] La sociologue voit dans le portable [] autant de tentatives de recon-qute par lhumain despaces urbains chaotiques. Des moyens dtre mobile, comme autant de palliatifs au rapport de voisinage qui dimi-nue au fur et mesure que les villes sagrandissent et stendent, que leurs frontires deviennent de plus en plus dltres. 66

    Le tlphone mobile prospre sur le march de la peur. Les ados le disent : leurs parents les quipent massivement pour se rassurer . Sans doute les oprateurs ont-ils raison dattribuer leur succs la crainte dun monde potentiellement hostile , et sans doute ont-ils quelque intrt aggraver cette hostilit du milieu avec leur services toujours plus alinants. Peur de lagression, de la chute en montagne, de lenlvement, sur lesquelles ils jouent avec dlectation. Plus bana-lement, ce qui terrifie nos contemporains, cest simplement le sel de la vie, le hasard et limprvu, qui nont pas leur place dans une exis-tence aseptise, planifie, calibre. Marchandises sur tapis roulant, les individus de ce monde-l nont pas vocation quitter la voie qui leur est trace, et le portable est le meilleur outil pour les accoutumer rentrer dans les cases. Et rester dans leur bulle, qui leur procure dsormais le ncessaire pour vivre pleinement leur autisme : diffu-

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  • sion de musique (tlphones baladeurs , dont on prvoit 77 mil-lions de vente pour 201067), et bientt la tl. Le Conseil suprieur de laudiovisuel vient en effet daccorder des frquences aux trois oprateurs afin de tester la diffusion massive de la tl sur le por-table. 68 Avec la tl mobile, les dcideurs nauront plus grand souci se faire. Le temps de cerveau disponible de leurs administrs ne risque dfinitivement plus de se consacrer la rflexion, sans parler de contestation. Un troupeau de zombis connects sur les sries am-ricaines et la pub, juste interrompues par quelques coups de fil (Tes o ? Ben, devant la tl, o veux-tu que je sois ?) : voil qui est simple manuvrer.

    * Mais Chrie, puisque je te dis que je suis Angoulme ! Bon, je

    te rappelle.

    *

    La prothse cre le handicap

    Comme la prothse qui remplace un membre, le tlphone est suppos rparer artificiellement les dgts de ce monde-l, qui fait de nous les rouages de la machine produire et consommer en masse, faire la queue au supermarch, au multiplexe, au tlsige, au page. Il doit nous procurer tout la fois lindpendance et le contact permanent. Le beurre et largent du beurre. Rpondre tous nos be-soins. Nous protger de tout. Outil multi-communicant , il devient un auxiliaire de vie charg de fluidifier le quotidien . telle en-seigne que le Chief Information Officer de lhpital de Harvard a d-clar vouloir se le faire greffer sous la peau, en complment de la puce qui sy trouve dj69.

    Puis, la prothse se substituant au membre, les machines nous privent de lusage de nos facults. Depuis la voiture, les citadins ne savent plus marcher pour les trajets les plus minimes (plus de la moi-ti des dplacements en voiture concernent des trajets de moins de trois kilomtres), et, se plaignant de l pidmie dobsit qui les

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  • frappe, de la pollution, des morts sur la route, des guerres pour le p-trole, etc., ne songent mme plus retomber sur leurs pieds. Ils ont oubli comment on vivait sans voiture, et cet oubli est une amputa-tion. La prothse sest faite handicap.

    Observons les utilisateurs de tlphones mobiles : incapables de se reprer dans lespace et dtre lheure un rendez-vous (parce quils croient pouvoir tre partout la fois ?), incapables mme dimaginer comment faire pour retrouver quelquun quelque part sans portable, ils ont en outre perdu la facult de vivre le prsent. Leur capacit tre joignable tout le temps a dtruit leur attention et leur disponibilit pour ce qui pourrait se produire ici et maintenant.

    Amputs de leur prsence au monde, ils senvoient des SMS pen-dant que le train traverse des paysages inconnus.

    Ce ne sont pas les nouveaux logiciels de ralit augmente qui les encourageront se fier leurs sens et leur intelligence pour ap-prhender le monde. Grce au portable, qui complte la ralit avec des donnes virtuelles 70, ce sont des capteurs, des acclromtres, le GPS et des bases de donnes qui vous renseignent sur les lieux o vous tes. Au fait, pourquoi se donner encore la peine de sortir ?

    Amputs de leur monde intrieur, ils ne vivent que par la sollicita-tion extrieure, lattente de lappel ou du message. Ils ont perdu la fa-cult de faire silence, de vivre les temps morts, de contempler, an-goisss quils sont de manquer une communication. Obsession de combler les vides. Le portable colle parfaitement une existence qui na de valeur qu lintrieur du champ public : exister, cest tre joi-gnable tout instant, reprable, comme sous lil des camras de surveillance. Celui qui proclame son dsir dtre absent, hors champ, prsent lui-mme, ne serait-ce que par intermittence, a tt fait dtre class dans les marginaux, asociaux, inactifs voire. Voici enfin la transparence totale, labolition de lintimit acheve.

    Non seulement le tlguidage rend le territoire virtuel, mais le ba-vardage incessant au portable transforme la vie en son commentaire partag malgr eux par les voisins du bruyant babillard. Une ex-traction de la ralit qui culmine avec les fonctions appareil photo et camra dsormais intgres tous les tlphones. Limportant ntant plus ce que lon est en train de vivre, mais les images que lon

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  • en tire. Mme les chanteurs pop se troublent de ces forts de por-tables tendus bout de bras par des spectateurs presss de les mettre en bote. Tout ce qui tait directement vcu sest loign dans une reprsentation.

    *Devine do je tappelle ?

    *Le portable est linverse de loutil de communication quil prtend

    tre. Depuis quand navez-vous pas eu une conversation ininterrom-pue par une sonnerie ? Conditionns, nous trouvons a normal, mais faisons un pas de ct : regardons-nous, la bouche ouverte, stopps par le rflexe pavlovien de nos interlocuteurs, plus presss de r-pondre au coup de sonnette que de nous laisser finir notre phrase. On en est l.

    Cette agression na pas chapp lAssociation des oprateurs mo-biles. Pour contrer toute critique, le lobby a charg ses sociologues gages de pondre une tude, La place du tlphone mobile dans la so-cit, des discours aux pratiques71. Aprs traduction en novlangue so-cio-marketing, la situation dcrite ci-dessus devient : Dans ce cadre communicationnel toujours rejouer, on observe des postures et des stratgies de matrise qui se mettent en place et qui font de chaque usager une sorte dingnieur de la communication qui doit grer plu-sieurs interlocuteurs, plusieurs temps et plusieurs espaces .

    Jusqu rcemment, vous tiez un tre humain dialoguant avec un autre tre humain. Dsormais, vous tes un ingnieur de la commu-nication. Flicitations.

    Et tant pis pour les profs qui se plaignent des perturbations en cours. Ils apprendront les stratgies de matrise ncessaires ce cadre communicationnel toujours rejouer . Au pire, et devant leur impuissance face lobjet pulsionnel , on installera dans les coles dautres machines : Il est difficile de maintenir le juste qui-libre entre limprieux besoin de communiquer et le respect du bien-tre des autres. Les solutions Viridia permettent aujourdhui aux ex-ploitants de bloquer efficacement les ondes des tlphones portables

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  • et ainsi de ne pas perturber le bon droulement dun film ou dun spectacle 72.

    Lhistoire retiendra peut-tre que la civilisation occidentale du XXIe sicle aura t celle des brouilleurs de portables installs pour remplacer la facult dattention aux autres. Celle o la SNCF nous aura appris faire un geste pour lenvironnement sonore en tlphonant dans les espaces rservs.

    Enchans par le sans-fil

    Il est rarement teint chez les jeunes, toujours porte de main, voire prs du corps, y compris la nuit, pour pouvoir le sentir vibrer ; il est regard et consult en permanence, et de faon quasi rflexe, la sortie des cours. En ce sens, il sintgre aux habitudes incorpores, constitutives de lidentit. 73

    Cela vous rappelle quelque chose ? Oui, les enfants et leur doudou, objet transitionnel , comme disent les psys, cens reprsenter la chaleur rassurante de Maman face au vaste monde. Ados compulsifs et cadres comptitifs ont trouv une digne faon de sucer leur pouce en public. Bravo les marketeurs.

    Devenus accros ce gadget comme les fumeurs leur tabac, les bbs leur ttine et les dprims leurs anxiolytiques, les propri-taires de portables passent leur temps vrifier quils nont pas ou-bli leur tlphone, que celui-ci est bien charg, quils nont pas reu de nouveaux messages, etc., et ajoutent leur sentiment dinscurit un motif dangoisse supplmentaire : le risque de se faire voler leur appareil (la hausse des chiffres de la dlinquance doit beaucoup aux vols de portables). coutons leur dsarroi quand ils oublient leur t-lphone : Cest comme sil me manquait un bras, je me sens handi-cap , Jai laiss ma tte la maison , Je me sens physiquement dmunie , Cest comme si joubliais mes lunettes, et je suis trs myope ! 74

    Voil le sans-fil sous son vrai jour de fil la patte supplmentaire. Voil lautonomie de lindividu un peu plus mutile par une prothse techno qui dispense de trouver en soi les ressources pour se dmler

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  • des alas du quotidien. Voil acheve la couverture totale du terri-toire, jusquaux sommets de montagnes, devenus des squares o il ny a qu sonner pour tre secouru en hlico.

    Voil enfin efface la frontire entre vie prive et vie publique, m-les dans la mme obsession du contact permanent. Les entreprises ont bien compris lintrt de ce boulet aux pieds de leurs employs. Dsormais joignables toute heure, ceux-ci nont plus dexcuses pour ne pas se consacrer entirement leur tche. Voyages en train, em-bouteillages, files dattente, pauses : tout ce temps doit tre rentabili-s en gardant le contact avec le bureau. Vitesse, rentabilit, flexibilit, le portable est loutil idal du business : les entreprises le considrent juste raison comme le deuxime moyen de communication facteur de productivit75.

    Daprs les tmoignages de salaris recueillis par le sociologue Francis Jaurguiberry, le mobile est aussi un outil de surveillance distance, il incarne le pouvoir, introduit une ingalit entre appelants et appels. Avec larrive du portable, on assiste une extension de lurgence dans des branches de plus en plus nombreuses de lactivit conomique, dpourvues de toute lgislation en la matire. Ainsi, les employs nomades (en dplacement ou gographiquement excen-trs de la direction) et les cadres fusibles, joignables en tout lieu et toute heure, subissent-ils une mise sous tension permanente qui em-pite souvent sur leur vie prive. 76

    Une publicit offre la solution ces cadres fusibles : Allez o votre portable ne passe pas , invite-t-elle sur fond de paysage sau-vage. Une pub pour un 4 4.

    Tyrannie haut dbit

    Le tlphone mobile nest pas seulement un gadget polluant : il fa-onne le monde, rvolutionne notre quotidien , comme disent chercheurs et industriels, sans que jamais nous ne layons choisi. Et cette tyrannie simpose tous, gogos ou rfractaires. Contrairement aux niaiseries lches par les employs du CEA, nous navons pas le

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  • choix davoir un portable ou pas, si nous voulons faire partie de la so-cit.

    un postulant pour un job de manutentionnaire, la responsable dune agence dintrim grenobloise : Vous navez pas de portable ? Mais a va pas tre possible ! . une prof emmenant ses lves en voyage, lemploy SNCF : Le portable est obligatoire pour rserver des billets de groupe, en cas de retard du train .

    Le march satur, les fabricants de portables nont quune solu-tion : sincruster plus profond dans nos vies via de nouveaux ser-vices . Voici le tlphone-carte bancaire, pour rgler vos achats et votre parking, le tlphone-ticket de transport, le tlphone pour senregistrer laroport ou rserver son billet de train, sans oublier le commerce mobile , pour faire ses courses par lInternet por-table. Mais encore, puisque vous le rclamiez, le tlphone qui d-tecte la mauvaise haleine, qui vous signale les poissons sous votre canne pche et qui loigne les moustiques. Et pour ces dames, le modle qui indique le jour dovulation77. On rirait de cette quincaille-rie si ne pointait aussi ladministration lectronique ou comment nous ligoter au portable grce aux formalits obligatoires. Quant ceux qui peinent dj trouver des cabines tlphoniques, ils seront, dans ce monde merveilleusement mobile, des rebuts. Comme le dit Franois Ewald, professeur au Conservatoire national des arts et m-tiers et membre du Conseil dadministration de lAfom : Lhomme, la femme, ladolescent contemporains ne sont plus concevables sans mobile 78. Vous, qui ne tlphonez pas depuis votre tlsige, ne pia-notez pas dans le bus, ne prenez pas de photos de vos trous de nez, ntes plus concevables. Hlas, le professeur Ewald, ancien maoste et foucaldien, ne prcise pas ce que va faire de vous un monde qui ne vous conoit plus.

    *All, jsuis dans le rayon, l. Je prends quoi comme caf, en

    poudre ou en grain ?

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  • 5.LE MOUCHARD PARFAIT

    Donc, le tlphone portable, cest la libert. Voil pour la ver-sion Nokia, SFR et IDEAs Lab. Dans la vraie vie, cest le moyen le plus efficace jamais invent pour tracer les individus.

    Filez droit, vous tes tracs

    87 % de la population franaise est munie dune laisse lectro-nique dont la prsence dans une poche suffit localiser son propri-taire. En France, 35 000 antennes relais maillent le territoire et enre-gistrent les signaux mis par les GSM, tandis que les factures d-tailles des oprateurs reconstituent lintgralit de nos appels. Le portable en dit tant sur la localisation et les frquentations des sus-pects quil est devenu un outil indispensable pour la police [] Quil sagisse de dterminer un emploi du temps, un itinraire ou un r-seau de relations, ltude des appels tlphoniques fixes et mobiles est devenue un recours quasi systmatique, selon un magistrat. 79

    Note lattention des bons citoyens qui nont rien se repro-cher : pas besoin dtre un criminel pour tre cyber-fliqu. Les jour-nalistes le comprennent depuis que les juges sintressant leurs sources que la loi leur permet de protger-fouillent leurs mobiles. Tout ce que vous allez dire au tlphone pourra tre retenu contre vous. Tel est le message que la Justice vient de dlivrer la presse []. Il suffit que la police le demande pour que les oprateurs four-nissent la liste des appels reus et envoys pendant une priode don-ne. Si les textes [NDA : lgislatifs] permettent aux journalistes de

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  • garder le silence, rien nempche de faire parler la technologie leur place. Cest ce quon appelle une avance pour la libert de la presse. 80 Un journaliste du Parisien a dcouvert que la police avait identifi les appels passs et reus sur son tlphone et mme ralis un bornage, afin de retracer ses dplacements grce son mobile 81.

    Pourquoi accorder aux seuls policiers la possibilit de suivre leurs concitoyens la trace ? Grce la dmocratisation des services de golocalisation par GPS, voici le suivi de tous par tous. Loprateur japonais NTT DoCoMo a cr le premier service de localisation des porteurs de tlphone depuis un ordinateur ou un autre portable. Idal pour reprer les membres de la famille tels que les enfants ou les personnes ges. Dautres, comme la socit Ootay, proposent des solutions pour savoir o se trouve lappelant ou lappel, et pour localiser ses amis : la localisation des personnes est un service de confort pour toute personne qui souhaite connatre lendroit o se trouvent des amis ou des proches .

    Ne dites plus Tes o ? , mais Je sais o tu es . Un rve pour concierges, voyeurs, policiers et marketeurs.

    Idal aussi pour le harclement publicitaire : une boutique peut reprer des passants proximit et leur envoyer une offre sur leur t-lphone, avec le plan du quartier. La socit franaise Watisit pro-pose ainsi un systme d hyperlocalisation , Wherisit, permettant dorienter par SMS les cibles vers les distributeurs les plus proches .

    Sappuyant sur lomniprsence du tlphone mobile dans notre quotidien, Watisit renforce lattractivit des supports de communica-tion et facilite les ractions dintrt des personnes touches par les campagnes. 82

    Les lycens qui ont manifest contre la loi Fillon au printemps 2005 et contre le CPE en 2006 ont, eux, fait les frais des coutes tl-phoniques. Le rseau GSM est prcieux pour les micros espions. Il suffit dune puce tlphonique la carte SIM et dun peu de tech-nique pour permettre un micro espion de fonctionner sur le rseau du portable. Les enquteurs peuvent donc lcouter en toute lgalit en composant un simple numro tlphonique et profiter ainsi dune meilleure couverture quun micro classique. 83

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  • Rappelons aux branchs qui se croient plus malins que les autres quun tlphone portable peut tre mis sur coute mme teint. Cela signifie que leur gadget prfr joue le rle de micro dans leur poche, transmettant distance les conversations alentour.

    Aux mouchards amateurs, recommandons le tlphone espion. Bas sur les toutes dernires technologies GSM, son usage est ex-trmement simple : insrez une carte puce GSM et oubliez-le quelque part (table, tiroir, bote gants, voiture, sous un lit, dans un sac main, une pochette, une valise, derrire un bibelot, etc.), appe-lez-le et coutez. Ce nest pas plus compliqu. Le Spy Phone nmet aucun son ou neffectue aucun signe visuel lors de son appel ou de son utilisation. Cest un portable cellulaire GSM, avec une diffrence notable : il parat dconnect et teint. Toutefois, il est tout fait oprationnel et se comporte comme un micrometteur extrmement sensible. 84

    Et puisque votre mobile fait fonction de carnet dadresses, daide-mmoire, dalbum photo, de borne Internet et de porte-monnaie, cest toute votre vie ou presque que le dispositif de rcupration de donnes mis au point par Cellebrite est capable de mettre au jour. Prsente au salon Milipol85 2007, cette socit isralienne86 a sduit la Dfense et la police amricaines avec son siphon donnes, lui aussi portable : un simple cble entre votre tlphone et cette merveille technologique et le tour est jou, avant que vous nayez eu le rflexe de dtruire votre puce ou votre appareil. Rappelons quil serait idiot de croire quun simple effacement de donnes de votre tlphone les protgerait des indiscrets. Les labos spcialiss dans la re-cherche de traces informatiques vous reconstituent le moindre SMS sans difficult87.

    Dailleurs, pourquoi sen tenir aux communications individuelles quand la tlphonie mobile concerne la population entire ? Quand la foule met en permanence des signaux lectromagntiques qui tra-hissent son nombre et ses mouvements ? Le pouvoir en a rv, les chercheurs lont fait. Dmonstration Rome en 2006, avec la mare de tifosi accueillant lquipe de foot italienne. Des chercheurs du MIT, auteurs de ce comptage indit, ont rvl quils avaient utilis les signaux mis par les tlphones mobiles des abonns de Telecom

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  • Italia [] Sur de grands crans taient reprsents des quartiers en-tiers de Rome o points lumineux, flches rouges, vertes, orange, courbes colores en trois dimensions reprsentaient les mouvements de population, les lieux les plus frquents, les embouteillages [] Les chercheurs du MIT sont persuads que leur technique, et les in-formations qui en dcoulent, sont susceptibles dintresser une multi-tude dacteurs conomiques dans une ville : des rgies de transport voulant rorganiser le trac des bus, une chane cherchant les lieux les plus courus pour implanter ses magasins, des afficheurs urbains soucieux de connatre laffluence relle devant leurs panneaux Ob-tenir des informations via un tlphone portable est beaucoup moins cher que lutilisation dhlicoptres, de camras ou de capteurs dis-perss un peu partout dans la ville. Voire mme que des tudes sur le terrain, affirme Carlo Ratti [NDA : directeur du SENSEable City La-boratory du MIT] Cette technique permettrait aussi de rgler les dif-frends entre forces de lordre et organisateurs concernant le nombre de manifestants. 88

    Il est connu que les diffrends entre forces de lordre et mani-festants sont le plus souvent dordre arithmtique. La junte birmane aurait rv de cette technologie pour compter sans erreur les moines rebelles dans les rues de Rangoon lautomne 2007.

    Nous localiser partout toute heure est un dbut. Mais il reste des zones dombre dans nos vies quun pouvoir avide de transparence (surveillance, en novlangue) se doit dclairer. Par chance, il se trouve toujours dingnieux ingnieurs prts rendre service. Au MIT que les technarques grenoblois ont dcidment raison de vouloir imiter-une quipe travaille depuis 2004 sur le reality mining89. En bon franais : fouille de la ralit. Ces brillants cerveaux partent du mme constat que leurs collgues compteurs de foule : puisque cha-cun est quip dun mouchard qui stocke quantit dinformations sur son propritaire, pourquoi ne pas utiliser cette mine statistique pour traquer les rapports sociaux ? La fouille de la ralit, cest permettre linfrastructure technologique de connatre des informations sur votre vie sociale , explique Sandy Pentland, responsable de ltude. Les chercheurs ont quip cent volontaires dun tlphone muni de liaison Bluetooth (qui dtecte lenvironnement informatique et en dduit la localisation de chacun) et dun logiciel spcial pour tudier

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  • les interactions entre eux. Nous collectons une quantit de donnes sans prcdent sur le comportement humain et les interactions de groupe , expliquent-ils. Lesquelles rvlent la nature des relations entre personnes, leur statut dans le groupe ou leur satisfaction au tra-vail et permettent, selon les chercheurs, de prdire la rencontre entre deux personnes selon lheure et le lieu. Bref, votre tlphone sait qui vous tes et le rvle qui le lui demande.

    Le son, la localisation et, bien sr, limage. La gnralisation de la vido sur les portables fait de chacun un dlateur potentiel, avec las-sentiment collectif. Pourquoi sinquiter dune camra de surveillance quand on a lhabitude dtre film tout bout de champ ? Comme le note avec dlectation le prsident de lAssociation des villes vidosur-veilles, Dominique Legrand : La population est beaucoup moins effraye par les camras quil y a quelques annes. 90 Elle a mme adopt le phnomne happy slapping , ces agressions filmes sur portable pour tre diffuses sur Internet ou de tlphone tlphone. Extrait du procs dun lve aprs lagression dune enseignante : Pourquoi pensez-vous prendre votre portable pour filmer, plutt que de porter secours ?, interroge le prsident. De nos jours tout le monde allume les tlphones portables, se justifie Massire Tour. Daprs son avocate, il a film bout de bras sans savoir rellement ce quil faisait [] Sa btise est dpasse par la technique. 91. On ne saurait mieux dire.

    Rien ne vous oblige avoir un portable si vous tes para-noaques , ironisent les sociologues jaunes dIDEAs Lab. Ce nest pas lavis des policiers allemands, qui harclent Andrej Holm, leur collgue luniversit Humboldt de Berlin, dont le tort est de plus sintresser aux groupes militants quau marketing high-tech. En juillet 2007, celui-ci a t plac en dtention provisoire et accus de comportement conspiratif pour stre rendu un rendez-vous sans son tlphone92. Il nest pas loin le moment o le mobile sera aussi obligatoire que les papiers didentit. Pour qui en a fait lexp-rience, le dsarroi des policiers interrogeant un individu non conforme, sans portable, rvle quel auxiliaire ce gadget est devenu pour les forces de lordre .

    * 48

  • La traabilit du cheptel humain est un des marchs davenir pour lindustrie lectronique : puces RFID (identification distance par ra-diofrquence), implants sous-cutans, biomtrie. Il faut juste nous faire accepter cette nouvelle condition desclaves suivis, identifis, fi-chs, contrls. Quoi de mieux pour cela que le tlphone portable et ses fonctions ludiques ? Ils nous conditionnent la traabilit, et nous prparent la domestication totale. Ceux qui aujourdhui veulent nous imposer le contrle biomtrique et la carte didentit lectronique se font un plaisir de nous rappeler : Mais vous tes dj suivis, avec votre carte bancaire et votre tlphone portable .

    Les industriels, qui ne sembarrassent pas de fioritures, lont ex-pliqu dans un programme daction publi en 2004 par le lobby de llectronique, le Gixel (Groupement des industries de lintercon-nexion, des composants et des sous-ensembles lectroniques)93 : La scurit est trs souvent vcue dans nos socits dmocratiques comme une atteinte aux liberts individuelles. Il faut donc faire ac-cepter par la population les technologies utilises et parmi celles-ci la biomtrie, la vidosurveillance et les contrles.

    Plusieurs mthodes devront tre dveloppes par les pouvoirs pu-blics et les industriels pour faire accepter la biomtrie. Elles devront tre accompagnes dun effort de convivialit par une reconnaissance de la personne et par lapport de fonctionnalits attrayantes :

    ducation ds lcole maternelle, les enfants utilisent cette tech-nologie pour rentrer dans lcole, en sortir, djeuner la cantine, et les parents ou leurs reprsentants sidentifieront pour aller chercher les enfants ;

    Introduction dans des biens de consommation, de confort ou des jeux : tlphone portable, ordinateur, voiture, domotique, jeux vido ;

    Dvelopper les services cardless la banque, au supermarch, dans les transports, pour laccs Internet

    Comme cela tombe bien, les lobbyistes du flicage font aussi sou-vent leur beurre avec la tlphonie mobile.

    Crolles 2, STMicroelectronics produit des puces la fois pour la tlphonie et les RFID. Atmel, dans la banlieue de Grenoble, cultive aussi la synergie : Atmel Grenoble se distingue sur deux applica-

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  • tions phares : la biomtrie et les microcamras. [] Nos microcam-ras quipent les tlphones portables, un march de volume impor-tant et intressant. [] Nous misons les mmes espoirs sur la biom-trie, utilise pour des applications de confort aujourdhui, par exemple pour remplacer un code daccs sur les ordinateurs person-nels ou les tlphones portables. Mais cette technologie sera aussi largement utilise demain pour les applications de scurit. Tous les nouveaux passeports seront ainsi dots dapplications biom-triques 94.

    Jean Vaylet, patron dAtmel, est membre du Gixel, comme STMi