Le tatouage dans l'art contemporain - mini mémoire

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1 LE TATOUAGE DANS L’ART CONTEMPORAIN Barthelon Clélia

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Mini mémoire (environ 20 pages) réalisé en deuxième année à l'école supérieure d'art de Clermont métropole sur le thème du tatouage comme forme d'art.

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LE TATOUAGE DANS L’ART CONTEMPORAIN

Barthelon Clélia

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Couverture : Expanded EyeQuatrième de couverture : photo issue de mon travail photographique autour du tatouage

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SOMMAIRE

INTRODUCTIONPage 5

DÉVELOPPEMENT

Les MachinesPage 6

Les ImagesPage 10

La PratiquePage 13

CONCLUSIONPage 23

BIBLIOGRAPHIEPage 24

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Exemple de deux expositions consacrées uniquement au tatouage et à leur transcription dans l’art contemporain. L’exposition «Tatoueurs, Tatoués» qui débutera en mai 2014 sera certainement un événement marquant pour le tatouage contemporain puisqu’elle a lieu au musée du Quai Branly, sorte de reconnaissance de cette pratique par une grande institution muséale, et donc de légitimation.

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INTRODUCTION! La plupart des ethnologues et des chercheurs s’accordent pour dire que le tatouage est le point commun de toutes les civilisations et ce depuis toujours. Le Docteur Lacassagne en 1881 dit même que ce goût de l’ornement est la preuve que l’humanité n’est constituée que d’une seule race (Les tatouages : Étude anthropologique et médico-légale, 1881). En 1991, la découverte d’un homme préhistorique congelé dans les Alpes, appelé Ötzi, alias Hibernatus, est la preuve irréfutable que l’homme se tatoue depuis la nuit des temps, puisque cette momie (congelée et déshydratée) porte une cinquantaine de petits tatouages sur différentes parties du corps, que l’on qualifiera après analyses de tatouages thérapeutiques, situés aux niveaux des hypothétiques points de douleurs de ce dernier. ! Les premiers textes sur les tatouages et leurs études commencèrent à fleurir au milieu du XIXème siècle lorsque les anthropologues judiciaires comprirent leur importance. Ce fut donc au début une approche criminologue et ethnologique autour de cette pratique. Les marins américains commençaient de plus en plus à revenir tatoués des contrées lointaines et ramenaient avec eux des écrits et des descriptions détaillées des us et coutumes des différentes civilisations auxquelles ils avaient été confrontés. Le monde occidental est le seul à avoir renié pendant plusieurs centaines d’années le tatouage qui avait été interdit par le Pape Adrien Ier en 797 considérant cette pratique comme marque du démon.! En ce qui concerne la France, le tatouage réapparut au XIXème siècle dans les bagnes du nord de l'Afrique, lieux d’exclusion des criminels et des plus réfractaires à l’armée française. Ces jeunes hommes français passaient leurs années de service militaire dans un lieu qu’ils nommeront «Biribi», qui n’est pas une localisation précise mais un nom général donné aux différents camps où l’on pratiquait le tatouage, pour passer le temps et pour marquer son corps de ses opinions mais aussi des sévices corporels qui leur avaient été infligés. C’est à ce moment de notre histoire que les différents docteurs criminologues s'intéressèrent de plus près au tatouage, pensant trouver un lien entre tatouage et caractère violent. Il va de soi que cette analogie ne servit en rien la cause du tatouage qui reste encore aujourd'hui très marqué par cette assimilation un peu bancale et peu flatteuse. Le tatouage comme reconnaissance des malfaiteurs est encore présent inconsciemment dans la majorité des esprits bien que depuis 20 ans il tente de s’en extirper. C’est aussi au XIXème siècle que l’orientalisme est à son apogée chez les peintres, qui multiplient les portraits de jeunes femmes berbères tatouées sur le visage, montrant un très net intérêt pour cette pratique.! Aujourd’hui, le tatouage se démocratise et perd de plus en plus sa connotation criminelle. Plus d’un français sur dix est tatoué, de plus, l’émergence de nouveaux styles de tatouages (autre que le style classique américain des marins, des ornements japonais ou des motifs tribaux) favorise l’idée que le tatoueur est un artiste. Il est donc logique que le tatouage rentre de plus en plus dans les galeries et les musées (voir les affiches des expositions ci-contre), puisque certains des plus grands tatoueurs ont une pratique artistique plus classique à côté de leur activité de tatoueur.

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Tatouages d’Ötzi, sur le poignet et sur les flancs.

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DÉVELOPPEMENT ! Le tatouage n’est pas rentré dans les galeries en tant que tel, ce fut l’imagerie qu’il y a autour qui permit cette percée. Le tatoueur est considéré comme un artisan, c’est donc en premier lieu ses expérimentations parallèles qui permirent de sortir le tatouage de l’ombre et des salons de tatouages, et de façon encore plus significative les artistes hors de ce système qui commencèrent à utiliser ce médium.! J’ai choisi de diviser mes recherches en trois parties ; Tout d’abord les machines, c’est à dire comment transformer l’outil du tatoueur en objet d’art, en sculptures mécaniques. Ensuite je traiterai les images liées au tatouage, sa représentation qui prend toujours en compte l’individu tatoué. Et pour finir la pratique du tatouage, qui représente la majorité des oeuvres qui se rapprochent le plus ou que l’on peut qualifier d’art contemporain, il implique le plus souvent le changement de support ou le changement de technique, et avec un certain nombre de performances.

LES MACHINESLes machines à tatouer sont la base du tatouage, sans elles il n’y a pas d’images à produire. Elles peuvent être très rudimentaires ou proches des machines utilisées aujourd’hui (la partie mécanique des machines, qu’elles soient électriques ou rotatives, s’appelle un dermographe). Les premiers outils du tatoueur étaient de simples bâtons au bout desquels étaient fixées des aiguilles (minimum 3, pour créer une réserve d’encre entre les aiguilles), certaines civilisations africaines utilisent encore aujourd’hui le même principe mais avec des épines végétales. Les tatoueurs de Biribi utilisaient aussi des lames de rasoir pour dessiner le contour puis passaient de l’encre sur ces scarifications. La machine telle que nous la connaissons aujourd’hui, le dermographe, a été créée au début du XXème siècle (quelques mentions y sont faites dans le texte de Henri Rocher en 1912, se reporter à la bibliographie). Les artistes la détournent aujourd’hui pour en faire des objets de curiosité à l’allure intemporelle.

! Scott CAMPBELL est connu pour être un artiste tatoueur «touche à tout» qui développe une très forte pratique artistique en parallèle (il a d’ailleurs participé à une exposition avec Raymond PETTIBON en 2011). La série d’oeuvres qui m'intéresse ici est composée d’une dizaine de dessins à l’aquarelle de ce que l’on appelle des «tattoo gun», c’est à dire les machines à tatouer créées en prison avec un matériel très rudimentaire et facile à trouver. Il crée donc ces étranges machines à partir de brosses à dents, de peignes, de cuillères en plastique qu’il redessine pour les immortaliser. Ces oeuvres, avant d’être un dessin à l’aquarelle hyper-réaliste, montrent l’incroyable simplicité des machines à tatouer, puisque l'élément essentiel est un moteur très simple à trouver dans le commerce ou encore dans les poubelles New-Yorkaises (Scott Campbell vit et travaille à New-York, où il a réalisé une vidéo montrant comment il réalise ce genre de machine en achetant certains éléments et en fouillant dans les poubelles pour trouver de vieux lecteurs DVD pour en extraire les fameux moteurs électriques). Ces machines sont très simples, tous les composants sont visibles, le scotch est posé de manière grossière et les fils sont raccordés tel quel. Il montre la réalité du tatouage en prison, où c’est la débrouille qui prime, réalité qui est aussi celle des tatoueurs en devenir d’il y a une vingtaine d’années, où l'acquisition de dermographes dans les règles était très compliquées, et il était donc beaucoup plus aisé de créer ses propres machines. Ces dessins permettent de revaloriser le tatouage artisanal, de rendre beau l'esthétique de la débrouille impressionnante par son habileté à créer avec les objets et les outils du quotidien.6

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CAMPBELL, Scott (Nouvelle-Orléans, Louisiane, 1977 - )«Prison tattoo machine 1» - date inconnue, aquarelle sur papier 41x60 cm

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Ci contre : MARC, Karl (États-Unis, 1976 - )«Tattoo machine» - date inconnueMatériaux divers

Ci dessus :ECKERT, Chris (lieu et date de naissance inconnus)«Anto Ink» - 2010Édition de 3, métal polychromé, microélectronique, 137 x 55,8 x 50,8 cm

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! Karl Marc est lui aussi un tatoueur, américain d’origine, qui s’est installé à Paris depuis quelques années. Il crée des machines à tatouer classiques, des dermographes, sur commandes. Bien plus que de simples dermographes ce sont des machines élégantes et toutes uniques qu’il fabrique, certaines avec des objets de récupération, rendant ces objets intemporels. Ces objets sont plus proches des bibelots des cabinets de curiosité que les outils du tatoueur moderne. Pour accentuer cet effet objets de curiosité, lorsqu’il les présente lors de différentes expositions (voir photo ci-contre), ses machines sont comme épinglées dans les vitrines, petites étiquettes faites à la main à l’appui, tel un entomologiste qui épingle ses papillons. De plus, ses machines sont créées sur demande et entièrement à la main, il y a donc un aspect d’objet précieux, unique et donc de collection, ce qui se rapproche encore de l'entomologiste collectionneur de pièces rares. Ces machines qui peuvent paraitre à première vue de simples dermographes un peu plus originaux que ceux utilisés habituellement dont en réalité à l’image d'insectes rares que les passionnés ne cessent de collectionner et de répertorier, de sorte à les rendre intemporels.

! Chris ECKERT était ingénieur mécanique dans la Silicon Valley avant de tout abandonner pour explorer le potentiel technique de l'automatisme pour créer des machines programmées aux fonctions peu conventionnelles. Avant d’en arriver à l’Auto Ink, il créa plusieurs autres machines avec un fonctionnement automatique comme L’Auto Masochist, qui permettait de passer à deux doigts de se faire poignarder la main, ou encore l’Auto Rosary, qui proposait des sermons chrétiens après mise en route. L’Auto Ink de 2010 permet donc de se faire tatouer sans l’aide de quelconque tatoueur, des symboles pré-enregistrés dans la machine. L’intérêt de cette oeuvre est bien évidemment les symboles pré-définis, puisque qu’ils sont tous à connotation religieuse (l’étoile de David, la Sainte croix ou encore la demi lune et l’étoile). Lorsque le sujet positionne sa main et enclenche l’appareil, le programme choisit aléatoirement un des motifs religieux pré-enregistré et le cobaye n’a plus qu’a attendre et à accepter son sort. Le fait que l’on ne puisse pas choisir le motif et donc la religion que la machine va nous tatouer est voulu comme une intervention divine qui ne dépend pas de ses croyances personnelles, questionnant ainsi la religion de chacun - si elle a lieu d’exister - et ses croyances. Si la machine choisit un symbole autre que celui de votre religion, c’est que vous vous êtes peut être trompé sur le choix de celle ci, et qu’une autorité supérieure (à savoir le programme aléatoire) vous montre le droit chemin. Dans notre civilisation, tout le monde dit connaitre la «vérité» au sens religieux du terme, alors que cette vérité est assignée de manière aléatoire lors de la naissance, qui dépend de la religion prédominante de notre région, ou de notre famille et non de nos propres choix. Cette machine prend donc le contre pied de ce que nous pensons être juste en matière de religions et remet en cause le «choix» d’attribution en ne prenant plus en compte nos origines et le choix de nos parents ou de nos proches, qui est souvent déterminant dans le choix de la religion. Cette machine est donc conçue comme une seconde naissance où l’autorité qui décide de notre religion est un programme automatisé.

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Présentation des dermographes de Karl MARC lors de l’exposition «Épidermique #2» à Lilles.

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LES IMAGES! Lorsque l’on se fait tatouer, il y a en premier lieu l’acte, avec les machines, la douleur, et ce tête à tête très intime entre tatoueur et client, puis la séance est finie. Ce qu’il reste de ce moment étrange qu’est la séance de tatouage, c’est l’image. L’image est le but recherché lorsque l’on va chez un tatoueur, on veut ressortir avec une image sur soi, indélébile. C’est une empreinte d’un moment, même de plusieurs moments ; le plus souvent l’être humain se fait tatouer pour immortaliser un moment, se souvenir, passer à un autre stade de sa vie, mais la personne qui va réaliser cette image sera aussi un souvenir, vous n'oublierez jamais qui vous a «encré». L’image c’est la mémoire. Les artistes que j’ai choisi d’évoquer qui tentent de capturer l’image du tatouage utilisent des méthodes très différentes, et des démarches opposées mais toujours avec la quête du souvenir.

! Alex BINNIE est tatoueur depuis 20 ans, il a toujours appréhendé le tatouage comme une métamorphose complète du corps, prenant en compte les courbes et voyant le corps comme un ensemble que le tatouage harmonise et renforce. Depuis quelques années, il réalise les portraits de ses amis, de ses collègues, de son entourage en utilisant la technique de la gravure sur bois. Étant totalement immergé dans le tatouage depuis de longues années, ses amis sont majoritairement tatoués, il a donc décidé de se focaliser dessus pour ses gravures. Avec ses portraits noir et blanc (le noir profond de l’encre et le blanc du papier), il tente de renforcer les tatouages, de les fondre complètement dans le corps du sujet, jouant avec la relation entre le fond et le corps, créant des motifs en s’inspirant de ceux déjà existants sur ces mêmes corps. La gravure lui permet de renforcer le tatouage, renforcer son immersion dans ce milieu particulier, créer de nouveaux motifs.

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Exemple d’accrochage des «Woodcuts» d’Alex BINNIE.

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BINNIE, Alex (Oxford, 1959 - )«Woodcut - Yvonne» - 2009-2010, gravure sur bois 45 x 60 cmPortrait de Yvonne Ziegler, artiste tatoueuse chez «Blut une Eisen» à BerlinExposé au Royal Academy Summer show 2011 à Londres

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! Le travail de Douglas GORDON est majoritairement centré sur la dualité et la dialectique, de plus, il est sans doute l’un des artistes qui rejette le plus la notion de style personnel, il travaille sur l'appropriation d’images qu’il détourne. Travaillant le plus souvent la vidéo et la photographie, il utilise le fragment, qui permet une immersion au coeur même du sujet, de la partie du corps, de la scène qu’il présente, rapprochant ainsi son sujet et le spectateur. Lorsqu’il présente ses photographies, elles sont arrangées à la manière des Salons du XIXème siècle, incitant ainsi le spectateur à se plonger entièrement dans chaque photographie. En ce qui concerne Tattoo (for reflection), c’est un travail plus personnel, focalisé sur l’individu. Cette oeuvre peut être vue comme le résultat d’un acte performatif puisque le tatouage a été réalisé selon les indications de Douglas Gordon sur le corps de l’écrivain Oscar Van Den Boogaard en prévision de cette photographie. Le mot «Guilty» (coupable) a été tatoué à l’envers sur le corps de l’écrivain, ne pouvant donc être facilement lisible qu’avec l’aide d’un miroir. Le tatouage intéresse Douglas Grodon pour les plusieurs significations culturelles qu’il soulève ou auquel il est associé, que ce soit un symbole de contre culture ou dans ce cas présent, une marque affublée aux prisonniers. Le miroir a ici le rôle de révélateur, tout comme l’artiste photographe sans qui le miroir n’aurait jamais été là. Cette oeuvre c’est aussi l’utilisation du corps d'autrui, qui devient une partie importante de l’oeuvre. Le corps est comme une matière investie par l’oeuvre, il devient la mémoire des images.

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GORDON, Douglas (Glasgow, 1966 - )«Tattoo (for Reflection)» - 1997Impression chromogénique 69,9 x 69,9 cm, Édition 9/11Solomon R. Guggenheim Museum, New York

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LA PRATIQUE! Ce qui fait du tatouage ce qu’il est, c’est cette technique particulière, que j’ai décidé de nommer «pratique» par souci de terme plus générique qui permet d’englober toutes les oeuvres que je vais présenter ci-après. Détourner la pratique est le moyen le plus exploité pour transposer le tatouage de l’artisanat à l’art, c’est donc pourquoi cette partie sera la plus riche en nombre d’oeuvres. Je peux d’ores et déjà regrouper ces oeuvres en mettant en avant les points communs de certaines d’entre elles, pour commencer le changement de support, puis le changement de technique et enfin la performance. Elles ne seront pas traitées en réels chapitres mais par souci de fluidité, Les oeuvres qui contiennent des points communs seront abordées les unes à la suite des autres.

! Après des études aux Beaux Arts (New York), Amanda WACHOB eut l’opportunité de s’essayer aux tatouages. Passé la routine des petits motifs traditionnels, elle décida d’adapter ses connaissances en art sur la peau de ses clients en créant des oeuvres abstraites, fortement inspirées de l’expressionnisme abstrait, essayant de reproduire les coups de pinceaux et l'impact des couleurs avec de l’encre et ses aiguilles. En parallèle à ses expérimentations sur le vivant, elle décidait de reconsidérer la pratique de l’art telle qu’on la lui avait enseigné et transposa son nouvel apprentissage du tatouage pour créer des oeuvres dites plus contemporaines. C’est à ce moment là qu’elle se pencha sur les fruits, dont la surface extérieur est assez semblable aux pores de la peau tout en offrant une plus grande liberté d'expérimentation (voir l’orange sanguine ci-dessous), il n’y pas de client à satisfaire lorsqu’il s’agit de fruits. Sur les grenades, elle invente des symboles abstraits géométriques, utilisant les courbes naturelles du fruit et créant ainsi certaines illusions d’optiques de lignes droites. Je vois ces grenades comme un alphabet mystérieux, que l’on pourrait réarranger à sa guise pour créer des mots, des sensations visuelles. De plus, la grenade est un fruit affilié à l’Orient, dont l’historie de l’art est parsemée de symboles géométriques ornementaux. Elle crée une sorte de référence, un pont entre l’Orient et le tatouage, qui est plus à mon sens une conclusion logique, puisque le tatouage y a toujours joué un rôle important dans la beauté et l’affirmation de soi.

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WACHOB, Amanda (Buffalo, 1976 - )À gauche : «Archimedean Solids» - 2010, grenades tatouées, c-print 50,8 x 55,88 cm À droite : «Scratch 10» - 2012, orange sanguine tatouée, c-print 25,4 x 38,1 cm

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! Guy le Tatooer est lui aussi tatoueur, mais fait peu courant, il est tatoueur de père en fils et a donc grandi dans cette culture dénigrée pendant longtemps. c ’est l’intemporalité du tatouage qui l'intéresse, le fait que l’on vivra à jamais avec ces motifs créés par quelqu’un d’autre que soi. En 2010, il créa des moulages en élastomère de ses propres bras, qu’il tatoua par la suite (en effet, la texture de l’élastomère se travaille comme la peau humaine, bien qu’il y ait des différences d'absorptions de l’encre, c’est un support très utilisé pour les apprent issages de la technique du tatouage). Selon ses dires, il voulait montrer son savoir-faire autrement que par la photographie, passage obligé du tatouage qui vient juste d’être finalisé pour que celui qui l’a réalisé en garde une trace. Ces ex-votos du tatoueur lui même (puisqu’il s’agit de moulages de son propre bras) sont ornés de tatouages inédits, qui n’appartiennent à personne. La présentation est un point très important, il crée des caissons en bois peint en doré, l'intérieur du caisson est recouvert de velours rouge sang et une vitre finit d’enfermer ces ex-votos. Entre la pièce de musée et le cabinet de curiosité, ces caissons sacralisent l’oeuvre et l’élèvent au rang de corps entier et particulier, magnifié par le tatouage.

! Le travail de Wim DELVOYE, artiste belge considéré comme sulfureux, a toujours été très controversé et a toujours été reçu comme une provocation de l’artiste ; son oeuvre la plus connue «Cloaca» (qui est en réalité une série de plusieurs déclinaisons dont l’originale date de 2000) reproduit le système digestif grâce à un enchaînement de différents bassins remplis de produits chimiques, dont la conclusion logique est un étron tout ce qu’il y a de plus humain. Ses cochons tatoués n’ont pas dérogé à la règle et ont fait parler d’eux lors de la présentation de l’oeuvre entre guillemets achevée en 2010. Le principe est simple ; élever et nourrir dans une ferme en Chine une douzaine de cochons grâce au mécénat des futurs acquéreurs des oeuvres. Dès que l’animal atteint 35 kilos, il est tatoué une fois par semaine sous légère anesthésie, mais bien loin du tatouage animalier qui ne contient que les numéros de l’animal, ici ce sont des tatouages reprenant toute l’iconographie que l’on connait du tatouage traditionnel américain ou japonais, en passant par des logos de grandes marques de luxe. Lorsque le cochon pèse 200 kilos, un saigneur belge vient le tuer et il sera ensuite tanné ou empaillé selon les désirs de l’artiste ou de l’acheteur. Cette oeuvre pose plusieurs questions, est-ce une satire des tatouages de motards ou camionneurs ? je penche plutôt pour une humanisation du cochon au contraire, créant une sorte de race supérieur de cochon uniquement en ajoutant l’esthétique humaine de l’ornement. C’est aussi une question envers le traitement des animaux dédiés à l'abattage, puisqu’un certain nombre d’associations de défense des animaux avaient protesté contre le travail de l’artiste, alors que je n’y vois qu’une mise en lumière des pires sévices que la majorité des cochons d’élevage subissent, certainement bien plus horribles que l’acte du tatouage...tout comme un certain nombre d’humains supportent le tatouage, nous ne sommes pas loin du miroir sur notre société que l’on ne veut pas regarder, y compris avec l’incorporation de toutes ces grandes marques envahissantes.14

Caisse en bois et velours de 20 cm de profondeur qui servent de présentoir pour ces ex-votos.

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GUY LE TATOOER (id, 1981 - )«Sans Titre» - 2010élastomère, tatouage handmadeCourtesy Galerie Flaq, Gabriel Müller, Paris

DELVOYE, Wim (Wervik, 1965 - )«Cochons tatoués» - 1997-2010présentés naturalisés en 2010 pour l’exposition «Dessins et maquettes» au MAMAC de Nice

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RILEY, Duke (Boston, 1972 - )«Untitled Scrimshaw from After the Battle of Brooklyn» 2007Pyrogravure sur bois et os, socle en bois et toile

END CAPE (Setagaya, Japon, date de naissance inconnue)«Tattoo a banana Project» - 2013

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! Duke RILEY est un artiste américain contemporain et tatoueur connu pour ses travaux autour du métier de marin et de l’histoire nautique. Il se considère comme un artiste et un patriote. Le tatouage aux États-Unis a été très marqué par les marins puisque c’est eux qui ont influencé l’imagerie typique et traditionnelle que l’on connait aujourd’hui du tatouage américain. Il est donc logique de lier l’histoire nautique aux tatouages comme le fait Duke RILEY. Dès ses études aux beaux arts, il lie ces deux univers sur différents supports, trouvant en premier lieu le tatouage comme une source de revenus stables pour un étudiant, il y incorpore très vite l’aspect historique marin et continue en parallèle la réalisation de projets sur l’histoire révolutionnaire américaine. En 2007, il s'intéressa à un événement hors du commun qui se déroula en 1776 à Brooklyn, pendant la révolution américaine ; un homme tenta de faire couler la flotte britannique en utilisant un petit sous-marin en bois monoplace nommé le Turtle pour y déposer des explosifs. La mission fut un échec mais cette tentative représentait l’état d’esprit de créativité et de résistance qui intéresse tant cet artiste. Il réalisa donc une réplique de ce sous marin pour retenter l'expérience - les explosifs en moins - et réussit à passer à 60 mètres en dessous du Queen Mary II, sans autorisation, et fut arrêté aussitôt. Le projet final fut une installation qui comprenait ce submersible recréé pour cette deuxième tentative de révolution accompagné de vidéos de l’exploit montées comme un documentaire historique, des registres et des cartes de l’époque (le côté historique qui est très important pour l’artiste) et des objets créés par l’artiste (ci-contre). Cette installation était pour lui une manière de réécrire l’histoire, ou du moins une histoire alternative, où il se voulait être le libérateur mythique qui restaure un objectif national bafoué et anéanti. Ces gravures sur bois et os sont des fausses reliques de l’époque révolutionnaire, il veut recréer ce climat de révolte patriotique qu’il ne connait que de l’histoire issue des livres, et des témoignages de ses descendants. Les motifs représentent l’imagerie des tatouages de l’époque, que l’on peut presque définir comme commémoratifs, à la gloire d’une époque où l’on peut très bien imaginer exister tel quel sur la peau des plus braves marins patriotes de 1776. Pour lui, le tatouage est quelque chose de profondément représentatif de l’histoire américaine et ancré dans l’imaginaire de tous comme lié à la patrie. Le tatouage est ici un symbole de mémoire et d’histoire, d’où ce titre de «After the Battle of Brooklyn» qui signifie que même si cette tentative de l’artiste arrive presque 250 ans plus tard, ces événements sont toujours présents dans la tête des américains, fièrs de leur histoire.

! On ne connait que peu de choses à propos de l’artiste japonais END CAPE, puisqu’il fut révélé grâce à ses «tatouages» de bananes peu conventionnels en 2012, après plusieurs passages sur la télévision japonaise et une euphorie collective sur différents sites internet. Il utilise le support très simple et quelque peu risible qu’est la banane. Il utilise une des propriété très simples de la banane pour créer des oeuvres à l‘imagerie japonisante : le noircissement de la peau lorsqu’elle est meurtrie. En effet, grâce à une petit aiguille, tel un tatoueur, il perce la peau de la banane pour créer un motif et laisse le temps agir, la banane finit par noircir là où l’artiste a planté son aiguille. C’est donc un procédé de tatouage sans encre, très minutieux et fastidieux qu’a développé End Cape sur ces fruits de tous les jours, révélant la beauté cachée dans cet aliment dont on ne prête plus attention et pourtant si essentiel dans l’alimentation de beaucoup de peuples. De plus, le fait de tatouer sans encre et donc de prendre en compte les propriétés négligées de la banane, met en évidence la connaissance du monde qui nous entour,e connaissance certes insignifiante mais à l’heure où tous nos aliments sont traités chimiquement pour être beaux et brillants, pour être plus appétissants, il réussit à rendre belle la noirceur que les vendeurs et producteurs veulent à tout prix nous cacher.

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! Santiago SIERRA, artiste espagnol, vit au Mexique depuis 1998. C’est là qu’il puise son inspiration contestataire axée sur la critique de la mondialisation, de l’exploitation de l’homme par l’homme et des inégalités Nord-Sud dues au capitalisme corrompu. Dans ses performances, il fait intervenir des sans-papiers, des prostituées, des drogués et les rémunère pour leur présence. Son art pose de manière brutale la question du travail et de son exploitation à travers des performances, des installations, des photographies ou des vidéos. La polémique que ses oeuvres engendrent révèle les stigmates d’un pays et l’importance du rôle social de l’artiste, qui nous livre une vision du contexte géopolitique dans lequel il évolue. Ses oeuvres sont pour la plupart controversées ; son travail reflète son point de vue sur le capitalisme, le monde du travail, l’exploitation et l’esclavagisme sociale. Je vais me concentrer sur ses oeuvres qui utilisent toutes le tatouage comme révélateur de l’exploitation de l’homme par l’homme. Sa première performance utilisant ce médium particulier qu’est le tatouage a eu lieu en 1998 à Mexico. Il tatoue une ligne verticale de 30cm sur le dos d’une personne en échange de 50 $, il a choisi une personne qui n’avait aucun tatouage ni aucune intention d’en avoir un, mais qui, par nécessité, accepterait d’avoir sur la peau une marque pour la vie contre une rémunération. Sur la base des gestes improductifs, il joue sur les équivalences entre temps de travail et salaire dans le but de saper le système basé sur une économie utilitariste, ou de mettre en avant les abus auxquels elle donne lieu. L’oeuvre ci dessous date de 1999 et représente 6 jeunes cubains qui acceptent de se faire tatouer une ligne sur le dos contre 30 $, Santiago dira au sujet de son utilisation du tatouage «Le tatouage n'est pas le problème. Le problème est l'existence de conditions sociales qui me permettent de faire ce travail. Vous pouvez faire cette ligne tatoué un kilomètre de long, avec des milliers et des milliers de personnes prêtes à le faire pour de l’art ». Le tatouage sert ici de révélateur d’une société que l’on veut cacher, prête à tout pour survivre, y compris la mutilation de son propre corps.

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SIERRA, Santiago (Madrid, 1966 - )«Ligne de 250 cm tatouée sur 6 personnes» - décembre 1999Espace Aglutinador. La Havane, Cuba

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EXPANDED EYE est un duo formé par les artistes Jade Tomlinson et Kev James. Ils partagent leur temps entre Londres et Thonon-les-Bains. Tous deux illustrateurs, ils transposent maintenant leurs images sur le corps humain, suite logique de leur travail puisque tout tatouage est en premier lieu une image papier. Toutes leurs créations sur la peau sont des oeuvres à 4 mains, rendant impossible la différenciation de leurs 2 styles, qui se fondent parfaitement l’un l’autre. L’aspect performatif chez eux se situe au niveau de leurs expositions/installations, puisqu’ils tatouent un volontaire pendant le vernissage de leurs expositions. Partant d’un dessin déjà existant, ils le réalisent devant l’assemblée présente, rendant impossible toute intimité entre le client et l’artiste. L’intimité est très importante pour le futur tatoué puisqu’il se dévoile complètement à l’artiste, physiquement et mentalement, exhibant aussi bien les parties de son corps que sa douleur. C’est une mise en scène de l’instant particulier qu’est le tatouage, où la réalisation d’une pièce unique est traité comme un happening, conséquence logique du fait que cet oeuvre ne pourra plus jamais être reproduite, puisque le modèle et le motif seront tous deux différents. C’est aussi un moyen de faire sortir le tatouage de son environnement habituel, le rendant de ce fait plus accessible à un plus large public. Ces performances sont une désacralisation et une démystification de l’acte du tatouage, l’immergeant complètement dans l’univers des galeries, transformant l’artisanat en oeuvre d’art.

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Exemple de motif transposé du support papier aux corps humain.

Expanded Eye, Ade Tomlinson & Kev James, dit (lieux et dates de naissances inconnues)«Happening Now» - 27 Octobre 2013Arch402 Gallery, Hoxton, Londres

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Wafaa BILAL est un artiste Irako-américain (né en Irak mais vivant aux États-Unis) qui est aussi professeur dans une école d’art. Il a dû fuir l’Irak en 1991 après avoir refusé de participer à la guerre contre le Koweit, et après plusieurs arrestations à cause de sa pratique artistique par le gouvernement de Sadam Hussein. Il arriva aux États-Unis en 1992 où il continua ses études d’art. Son oeuvre «And counting...» fait directement référence à la guerre entre les États-Unis et l’Irak du début du XXIème siècle. Son frère Haji a été tué en Irak en 2004 par un missile au niveau d’un checkpoint. L’artiste, de par son histoire tumultueuse, ressent la douleur à la fois des familles américaines et irakiennes qui ont perdu des êtres chers pendant cette guerre, mais les morts irakiens comme son frère sont largement invisibles pour le peuple américain. Cette performance nous montre cette double tragédie, à même son propre corps. Durant cette performance de 24 heures, transformant son corps en toile ; son dos devient une carte sans frontières de l’Irak, reconnaissable grâce aux différents noms des villes qu’il fait inscrire en arabe, et ajoute un point pour chaque irakien ou américain tué pendant cette guerre. Les 5 000 soldats américains sont représentés par des points rouges tandis que les 100 000 irakiens sont représentés par des points visibles uniquement sous une lumière à Ultra-Violet. Pendant la performance, les personnes présentent lisaient un à un les noms des personnes disparues. L’artiste porte donc le poids de deux peuples meurtris sur son dos, tel Atlas portant le poids de la terre, mais la souffrance d’un des peuples n’est visible que si l’on veut bien la voir, si l’on veut l’admettre. Le tatouage est une marque indélébile qui permet au devoir de mémoire de ne jamais faiblir, puisque même si l’on n’en parle pas, la marque est présente, que l’on veuille la voir ou non.

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BILAL, Wafaa (Najaf, Irak, 1966 - )«And Counting...» - 2010 Performance de 24 heures

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Mary COBLE vit et travaille à Washington, en parallèle de son travail d’artiste à plein temps, elle enseigne la photographie et la performance dans plusieurs écoles. Elle utilise son corps pour explorer et dépasser les limites imposées par les codes de notre société. Elle est considéré ecomme une artiste engagée pour la cause des femmes et plusieurs de ses oeuvres sont conservées au Centre pour l’Art Féministe Elizabeth A. Sackler au Brooklyn Museum. La performance «Blood Script» fut réalisée en 4 temps ; les trois premières actions se déroulèrent dans 3 lieux différents (New York en 2006, Washinton en 2007 et Madrid en 2008) où Mary Coble demandait aux spectateurs d’inscrire sur son corps au marker des insultes dont ils avaient été la cible, qu’ils avaient proféré ou qu’ils avaient entendu. Avec cette liste de plus de 200 mots haineux dans différentes langues, elle sélectionna les 75 plus utilisés pour le dernier acte de sa performance. Pendant plusieurs heures, elle se fait tatouer ces mots dans un lettrage très ornemental mais sans utiliser d’encre ; les mots se transforment en blessures, des blessures graphiquement irréprochables mais à la signification encore plus blessante mentalement que physiquement. Au fur et à mesure du processus, après la réalisation de chaque mot elle réalise des empreintes de ses blessures à vif sur du papier à aquarelle. L’image miroir du mot est imprimée avec le sang de l’artiste, avec ces notions de précieux et d’intime que l’on peut y associer. L’effet miroir est une sorte de challenge optique pour déchiffrer le mot, l’insulte. La reconnaissance de chaque mot confronte le spectateur au réel impact et à la signification de chaque insulte sur leur propre personne. Ce processus est un dialogue silencieux entre l’artiste et le spectateur qui est confronté à la violence verbale flagrante mais dont personne ne parle.

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COBLE, Mary (Julian, Caroline du Nord, Date de naissance inconnue - )«Blood Script» - 2008Performance au PULSE Art Fair, Pier 40, New York

Présentation du résultat de la performance.

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CONCLUSION C’est un fait, le tatouage sous toutes ses formes est de plus en plus présent dans les musées et les galeries. Que ce soit sous la forme de photographies, de peintures, d’objets ou de performances, cette pratique particulière s'immisce dans toutes les disciplines de l’art. Les artistes découvrent cette technique et s’en emparent, certes, mais c’est surtout les tatoueurs eux même qui créent des oeuvres pour des musées. C’est un moyen pour eux de sortir du cadre du tatoueur lambda et de diversifier leur travail, mais surtout une façon de démystifier le tatouage en lui même. Ils veulent faire disparaitre l’aspect mauvais garçon qui colle à la peau du tatouage et le faire accéder au statut d’art à part entière, passer de l’artisanat à l’art (de là à faire la comparaison avec les artistes Italiens du Quatrocento, pour moi il n’y a qu’un pas), de renouveler l’art contemporain et ajouter une nouvelle branche à l’histoire de l’art en elle même, puisque le tatouage a une histoire dense et mondiale, des rites, des coutumes et des symboles. Travailler autour du tatouage permet surtout de parler du corps et d’en dénoncer les abus. Il n’y a pas de tatouage sans, et c’est une vision totalement différente de ce corps (qui n’est pas seulement physique mais comprend aussi l’esprit et les émotions) que l’on peut aborder. Sublimer le corps, le comprendre, le ressentir, l’apprivoiser pour mieux l’aimer, voilà pour moi une bonne définition du tatouage aujourd’hui. Loin des clichés des tatouages érotiques sur les renégats de Biribi, des tatouages slogans des prisonniers russes ou encore de la triste période du nazisme et de ses tatouages que je qualifie aisément de tatouages bétail, nous revenons aujourd’hui à un tatouage symbole d’ornements, à la manière de ceux des différentes civilisations lointaines ou d’autrefois, que l’on avait malheureusement perdu de vue pour des simples raisons de narcissisme occidental. C’est bien évidement une technique qui m'intéresse beaucoup, et au delà de la technique, c’est toute l’histoire qui en découle qui me fascine. Ne nous voilons pas la face, le tatouage est la plus vieille production artistique de l’humanité. Modifier son corps c’est le différencier de celui des autres, s’élever à un rang différent, se singulariser, par ailleurs, les motifs des tissus ne seraient-ils pas uniquement une adaptation des tatouages pour un climat moins clément ? Le tatouage est partout autour de nous mais dissimulé, il faut savoir le dénicher. Pour l’instant, je n’ai que tenté d'apprivoiser les outils du tatoueur (qui ne ressemblent à nuls autres) comme vous pouvez le voir sur les images de cette double page. Mais au delà de la précipitation à intégrer le tatouage à ma pratique, je souhaite connaitre dans les moindres détails l’histoire de cet art renié, c’est pourquoi la partie la plus importante de mon travail est la documentation que je constitue, la bibliographie, fouiller les bibliothèques universitaires à la recherche de textes des siècles derniers etc. Le tatouage n’est pas uniquement une technique, c’est avant tout un symbole (de puissance, de liberté, d'émancipation), et pour utiliser un symbole, il faut en connaitre toutes les significations et les codes.

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BIBLIOGRAPHIEÉDITIONS :

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Wim Delvoye, [en ligne], Wikipedia Fondation Inc, dernière modification le 9 mars 2014Disponible sur : <http://fr.wikipedia.org/wiki/Wim_Delvoye> (consulté le 3 avril 2014)

AUTRES ARTISTES TRAVAILLANT AUTOUR DU TATOUAGE & EXPOSITIONS AXÉES SUR LE TATOUAGE CONTEMPORAIN :

AIETA Céline : projet «Inspired Tattoo Portraits», portraits photos et vidéos de tatouésBISHOP Edward : Série de photographies «Knuckles Tattoos»BOUILLOT Antoine : Mains en élastomère tatouéesBROOKS Jason : Portraits hyper-réalistes de tatouésDAHLSTRUP Jacob : Utilise une machine à tatouer sans encre sur du papierFERGADEIC : Photographie du monde du tatouageFUZI UVTPK : Session de tatouages dans les lieux incongrus (églises, métro...)GAFFRON Sabine : Peintures de femmes majoritairement japonaises tatouéesGIANT Mike : Filles, graffitis et tatouagesHAPPY MEAL #6 : à la galerie Welcome, 6 tatoueurs travaillant sur divers supportsJACKSON Shelley : «Skin Project», une histoire qui s’écrit sur 2095 personnesJOHN Jon : Performance et mise en scène autour de son propre corps tatouéLAMBERT Alix : Portraits photographiques de prisonniersLEU Titine : Portraits kitch de tatouésMAIDEN Ramon : Détournement d’images des années 1950 (pin-up...)MITSCH Ralf : projet photographique «Why I love tattoos»PASQUA Philippe : Voitures et crânes recouverts de cuir puis tatouésPIGGY PIGGY WATCH YOUR FEET : Expositions de pieds de porcs tatouésRANDAL Chennye : Retouche les portraits des stars du milieu du siècle dernierRENSE Kim : Transpose l’univers des tatouages des prisonniers russes sur la porcelaineSTRÖMBERG Marc : Fanzines à même la peauSUPAKITCH : Performance en 10 séances, 10 villes, 1 seul modèleTOTT Austin : Photographie, série «Tiny tattoos»

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U.E. HISTOIRE ET THÉORIE DES ARTS (S3-S4)BIBLIOTHÈQUE / MÉTHODOLOGIE

Professeurs encadrants : ROUSSEAU Yvon & BELIN BrigitteÉcole Supérieure d’Art de Clermont Métropole - 2014