Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes...

81
Faculteit Letteren & Wijsbegeerte Lien Butsraen Le système de l'article dans l'interlangue française d'apprenants néerlandophones de la quatrième et de la sixième année de l'enseignement secondaire Masterproef voorgelegd tot het behalen van de graad van Master in de taal- en letterkunde Frans - Spaans 2015 Promotor Prof. dr. Hadermann Vakgroep Taalkunde

Transcript of Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes...

Page 1: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

Faculteit Letteren & Wijsbegeerte

Lien Butsraen

Le système de l'article dans l'interlangue française

d'apprenants néerlandophones de la quatrième et

de la sixième année de l'enseignement secondaire

Masterproef voorgelegd tot het behalen van de graad van

Master in de taal- en letterkunde

Frans - Spaans

2015

Promotor Prof. dr. Hadermann

Vakgroep Taalkunde

Page 2: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais
Page 3: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

1

Avant-propos

Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

devenir professeur. Cette idée n’a jamais changé, dès mon enfance j’ai poursuivi le même objectif.

Cependant, les détails de ma ‘future profession’ venaient plus tard : pendant des années le sujet que je

voudrais enseigner ou l’âge des élèves auxquels je voudrais donner des cours restaient un grand

mystère. Quand j’atteignais l’âge de 17 ans, ces détails sont devenus concrets. A ce moment j’ai décidé

que je voulais enseigné le français et l’espagnol à des jeunes de 16 à 18 ans. Avec cette idée en tête, j’ai

commencé mes études de langues ‘français-espagnol’ à l’université de Gand. Aujourd’hui, j’ai 22 ans et

je suis sur le point d’obtenir le diplôme de ‘Master in de taal-en letterkunde : Frans-Spaans’. Je veux

toujours devenir professeur ; il me semble sensationnel de pouvoir transmettre ma connaissance et ma

passion pour le français et l’espagnol aux élèves. En outre, mon intérêt pour le métier de professeur et

pour le processus d’acquisition que les élèves doivent parcourir se voit reflété dans le sujet de mon

mémoire : j’ai étudié le système de l’article dans l’interlangue française d’apprenants néerlandophones

dans la quatrième et dans la sixième année de l’enseignement secondaire. J’ai exécuté avec plaisir cette

recherche qui forme un lien parfait entre mes études de langues et l’étude que je ferai l’année

prochaine (‘SLO’) et qui me fournira le diplôme de ‘professeur’.

Maintenant, tout ce qui me reste à faire est de remercier toutes les personnes qui m’ont aidée avec la

réalisation de mon mémoire : je veux remercier ma directrice de recherche, le professeur dr.

Hadermann pour ses conseils, ses informations et ses corrections pendant tout le processus d’écriture.

En outre, je veux remercier Peter Verbeke, le directeur de l’école secondaire ‘Petrus & Paulus campus

Centrum - Onze-Lieve-Vrouwecollege’ à Ostende, et les professeurs de français, Edward Hoornaert, Bart

De Weder et Corine Willaert. Sans la coopération de ces quatre personnes, il aurait été impossible pour

moi de réaliser cette recherche. Grâce à eux, j’ai pu constituer un corpus composé de tests faits par des

élèves de la quatrième et de la sixième année de l’enseignement secondaire ce qui était primordial pour

mon mémoire.

Finalement, je veux remercier aussi mes parents, mes grands-parents, mes amis et mon ami, Stijn, pour

leur soutien, leur intérêt et leurs conseils.

Page 4: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

2

Table des matières

Avant-propos .......................................................................................................................................... 1

Introduction ........................................................................................................................................... 3

PARTIE I. Partie théorique ....................................................................................................................... 6

Chapitre 1 . Hypothèses........................................................................................................................... 7

Chapitre 2. Cadre théorique .................................................................................................................... 8

2.1. Stades de développement en français L2 .................................................................................. 8

2.2. L’emploi de l’article dans la littérature scientifique ............................................................... 12

Chapitre 3. Analyse critique des grammaires ........................................................................................ 15

3.1. Critères présentés dans les grammaires de référence françaises ............................................ 15

3.1.1. Le Bon Usage et la Grammaire méthodique du français .................................................. 15

3.1.2. La Grammaire critique du français ................................................................................. 19

3.2. L’emploi de l’article dans les grammaires et les manuels développés pour des élèves

néerlandophones .............................................................................................................................. 23

3.3. La description pragmatique des articles par Lebas-Fraczak.................................................... 27

PARTIE II. Partie empirique ................................................................................................................... 30

Introduction de la partie empirique ...................................................................................................... 31

Chapitre 1. La constitution du corpus .................................................................................................... 32

1.1. Les informateurs .................................................................................................................... 32

1.2. Le développement du pré-test et du test définitif .................................................................. 32

1.3. Le traitement des données en Excel ....................................................................................... 33

Chapitre 2. Analyse globale de notre corpus .......................................................................................... 35

Chapitre 3. Analyse détaillée de l’emploi des différents articles dans notre corpus ............................... 41

3.1. L’emploi de l’article défini ..................................................................................................... 41

3.1.1. L’emploi de l’article défini singulier ............................................................................... 41

3.1.2. L’emploi de l’article défini pluriel .................................................................................. 45

3.2. L’emploi de l’article indéfini .................................................................................................. 46

3.2.1. L’emploi de l’article indéfini singulier ............................................................................ 46

3.2.2. L’emploi de l’article indéfini pluriel ............................................................................... 49

3.3. L’emploi de l’article partitif ................................................................................................... 49

3.4. L’emploi de l’article zéro ........................................................................................................ 53

3.5. L’emploi de la forme de .......................................................................................................... 55

3.5.1. L’emploi de la forme de devant un substantif au pluriel précédé par un adjectif ............ 56

Page 5: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

3

3.5.2. L’emploi de la forme de après une négation .................................................................... 57

3.5.3. L’emploi de la forme de derrière une indication de quantité........................................... 59

Chapitre 4. Comparaison entre les résultats de la quatrième et de la sixième année ............................. 62

Conclusion ............................................................................................................................................ 65

Références bibliographiques ................................................................................................................. 69

Annexes ................................................................................................................................................ 71

1. Pré-test ...................................................................................................................................... 71

2. Test définitif .............................................................................................................................. 75

3. Fichiers Excel ............................................................................................................................ 79

Nombre de mots : 25.336

Page 6: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

4

Introduction

L’acquisition du français langue étrangère est un thème qui a déjà préoccupé de nombreux linguistes et

qui a été approché de diverses manières : d’un point de vue pédagogique entre autres pour la création

de nouvelles grammaires, d’un point de vue développemental pour établir une liste des stades

acquisitionnels, d’un point de vue socio-linguistique pour comprendre l’influence de facteurs externes

sur le processus d’acquisition ou simplement pour mieux cerner ce processus complexe, que ce soit de

la part de jeunes apprenants ou d’apprenants adultes. Plusieurs éléments grammaticaux, lexicaux,

morphologiques, etc. ont été examinés de manière détaillée. Cependant, l’emploi des articles constitue

un aspect de l’acquisition très peu étudié pour le français langue étrangère (FLE) : à notre connaissance,

seuls Larrivée (2004) et Lebas-Fraczak (2011) ont réalisé des études à ce sujet. Pourtant, l’utilisation de

l’article est un des aspects les plus épineux de la grammaire française, aussi bien pour les natifs que

pour les apprenants. En effet, les articles apparaissent dans une grande variété de contextes et leur

emploi semble dépendre de plusieurs facteurs. D’où l’objectif de notre recherche : nous voulons décrire

comment les apprenants FLE emploient les articles français et déterminer quels sont les paramètres qui

facilitent le choix correct ou, au contraire, le compliquent. Nous analyserons plus spécifiquement

l’interlangue d’apprenants néerlandophones dans la quatrième et dans la sixième année de

l’enseignement secondaire en Flandre. Nous étudierons notamment leur emploi de l’article défini, de

l’article indéfini, de l’article partitif, de l’article zéro et de la forme de.

Pour la réalisation de cette recherche, nous avons élaboré un corpus composé de tests que nous avons

soumis à des élèves de l’école secondaire ‘Petrus & Paulus campus Centrum - Onze-Lieve-

Vrouwecollege’ à Ostende. Ces tests nous ont fourni un grand nombre de données qui constituent le

corpus de base de notre étude. A partir de ces données, notre but sera d’analyser les erreurs commises

par les apprenants et d’essayer de les expliquer à l’aide de plusieurs facteurs intra- ou interlinguistique,

tels que la position de l’article dans la phrase, la nature lexicale du mot qui l’accompagne, l’influence du

néerlandais, etc. Nous voulons également indiquer les progrès que des élèves peuvent accomplir en

deux années, de la quatrième à la sixième année, ainsi que les problèmes qui subsistent. Notons

cependant que nous n’avons pas pu faire d’étude longitudinale : nous comparons deux groupes d’élèves

différents.

Notre étude est composée de deux grandes parties : une partie théorique et une partie empirique. Dans

la partie théorique, nous dédierons un premier chapitre à notre question de recherche et à nos

hypothèses. Dans le deuxième chapitre, nous exposerons notre cadre théorique: nous présenterons les

six stades de développement proposés par Schlyter (2003) et les niveaux du Cadre Européen de

Référence. Nous résumerons aussi brièvement les recherches réalisées par Larrivée (2004) et par Lebas-

Fraczak (2011) consacrées à l’emploi des articles chez des apprenants anglophones et polonophones du

FLE. Le chapitre suivant traitera de la description des articles proposée par les grammaires de référence

françaises et par quelques outils de travail scolaires utilisés (manuels, cahiers d’exercices, …) dans

Page 7: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

5

l’école où nous avons fait passer nos tests. Nous terminerons ce chapitre par une nouvelle conception

pédagogique, à savoir la description pragmatique des articles proposée par Lebas-Fraczak (2009).

La deuxième partie de notre mémoire est consacrée à l’analyse du corpus. Nous exposerons d’abord

notre méthodologie en présentant le groupe d’apprenants qui a participé à nos tests et la manière dont

nous avons développé le pré-test et le test définitif. En outre, nous décrirons brièvement comment nous

avons traité les données. Puis, nous passerons à l’analyse empirique : nous examinerons d’abord notre

corpus de manière globale pour ensuite passer à une analyse plus détaillée. Nous étudierons les erreurs

commises par les apprenants et nous essaierons de les expliquer à l’aide de plusieurs facteurs. Dans la

dernière partie de notre analyse nous comparerons les résultats des apprenants de la quatrième année

avec ceux de la sixième année. Finalement, nous résumerons nos résultats dans la conclusion.

Page 8: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

6

PARTIE I. Partie théorique

Page 9: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

7

Chapitre 1 . Hypothèses

Dans la présente étude, nous examinerons l’emploi des articles chez des apprenants FLE

néerlandophones de la quatrième et de la sixième année de l’enseignement secondaire. Nous

vérifierons dans quelle mesure ceux-ci maîtrisent le système de l’article.

Notre première hypothèse se base sur les quelques recherches précédentes. Ainsi, nous supposons que

les observations faites dans les études de Larrivée (2004) et de Lebas-Fraczak (2011), respectivement

chez des apprenants du FLE anglophones et polonais, valent également pour les néerlandophones. Nous

nous attendons à rencontrer dans notre corpus une surgénéralisation de l’article défini au détriment de

l’article indéfini et également au détriment de l’absence de l’article comme l’ont constaté ces linguistes.

Nous supposons donc que l’article défini constitue une sorte de proto-article que les apprenants

utilisent plus facilement que les autres articles.

Ensuite, nous présumons que les grammaires scolaires, en particulier celles rédigées pour les

apprenants FLE, contiennent des simplifications par rapport aux grammaires de référence françaises,

ce qui pourrait expliquer pourquoi l’emploi des articles pose tellement de problèmes chez ces

apprenants. En outre, nous croyons que l’introduction de ces simplifications entraîne également une

certaine perte d’information. Nous pensons que cette perte d’information est à la base de beaucoup

d’erreurs commises par les apprenants du FLE en ce qui concerne les articles. Nous vérifierons donc

dans cette étude s’il y a vraiment un manque d’information dans les grammaires scolaires en

comparaison avec les grammaires de référence et si ce manque pourrait être à la base des erreurs

rencontrées dans notre corpus.

Enfin, nous prendrons en considération le facteur « nombre d’heures de français ». Comme nous l’avons

déjà mentionné, nous analyserons l’emploi des articles chez des apprenants du FLE de la quatrième et

de la sixième année de l’enseignement secondaire. Puisqu’il existe une différence quant au nombre

d’heures de cours de français au sein de ces deux groupes, nous nous attendons à ce que les élèves de la

sixième année commettent moins d’erreurs que ceux de la quatrième année en ce qui concerne l’emploi

des articles.

Page 10: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

8

Chapitre 2. Cadre théorique

Dans le processus d’apprentissage d’une langue étrangère, chaque apprenant parcourt un itinéraire

acquisitionnel. Dans la première section de ce chapitre, nous décrirons le déroulement de ce processus,

en nous inspirant de Schlyter (2003) qui propose six stades de développement (voir aussi Bartning &

Schlyter, 2004). Ces stades rappellent les niveaux du Cadre Européen de Référence, développés afin

d’offrir une base commune pour l’élaboration de tous les programmes éducatifs de langues vivantes en

Europe ainsi que ses manuels et ses examens (Conseil De l’Europe, 2001 : 9). Après la présentation

globale du processus acquisitionnel d’une langue étrangère, nous examinerons de plus près la question

de l’apprentissage de l’emploi des articles. Cet aspect de l’acquisition est très peu étudié pour le français

langue étrangère ; à notre connaissance, seuls Larrivée (2004) et Lebas-Fraczak (2011) ont réalisé des

études à ce sujet que nous présenterons dans la deuxième section de ce chapitre.

2.1. Stades de développement en français L2

De multiples recherches sur l’acquisition des langues, comme celles de Granfeldt (2003), de Bartning &

Kirchmeyer (2003) ou de Schlyter (2003), ont montré que la plupart des éléments d’une langue

s’acquièrent dans un ordre spécifique. Cet ordre est le même, tant pour les jeunes apprenants que pour

les apprenants adultes et semble indépendant de l’ordre dans lequel les phénomènes sont enseignés

ainsi que de la manière dont on acquiert une langue, c’est-à-dire, de façon spontanée, par exemple

pendant un séjour à l’étranger ou de façon guidée, par exemple à travers des cours (Schlyter, 2003 : 1).

Dans cette section, nous présenterons les différents stades de développement distingués dans l’article

de Schlyter (2003) qui a travaillé sur l’acquisition de la langue française pendant plusieurs années. Afin

de déterminer stades acquisitionnels, Schlyter a étudié la production spontanée, surtout orale, d’un

groupe de 23 apprenants suédois. Parmi ces apprenants, certains ont appris le français de manière non

guidée et d’autres ont bénéficié d’une instruction guidée. Pour l’analyse de son corpus, et par

conséquent pour l’identification des stades de développement, Schlyter a établi une liste de critères à

étudier à partir de ses propres recherches ainsi que de celles d’autres chercheurs, comme Granfeldt

(2003). Ces critères concernent la structuration nominale, la négation, l’étude des formes finies et non

finies, l’accord entre le sujet et le verbe, l’emploi du temps, le mode et l’aspect des verbes, l’élision ou la

cliticisation des pronoms et des articles, la présence ou l’omission de l’article, l’application du genre et

de l’accord, la contraction entre la préposition et l’article et la subordination.

Se basant sur ces critères, Schlyter a construit six stades acquisitionnels différents. Elle distingue en

outre un stade pré-initial, le stade des vrais débutants. Ce niveau se caractérise par des phrases très

courtes, souvent sans verbes, composées par des noms isolés ou des syntagmes nominaux qui

contiennent un déterminant ou un quantifieur et un nom. En ce qui concerne l’emploi de l’article, elle

constate qu’il y a autant de noms avec que sans article. Voici maintenant l’énumération des six stades

de développement :

Page 11: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

9

(1) le stade initial. Sur ce niveau, on retrouve seulement des phrases principales sans

subordonnées et encore fréquemment des énoncés sans verbes. Cependant, quand le verbe

apparaît, Schlyter constate que dans à peu près la moitié des cas, il s’utilise dans une forme

infinitivale. En outre, les temps du passé constituent encore de grands problèmes pour les

apprenants. Pour la référence au passé, ils utilisent simplement la forme du présent ou

l’infinitif. Quant à l’accord entre le sujet et le verbe, le corpus révèle que l’opposition entre les

différentes personnes grammaticales n’est pas encore systématique. De plus, la négation

apparaît très rarement en position postverbale, mais se place presque toujours avant le

constituant nié. L’élision des pronoms ne se manifeste pas encore ; dans le cas des articles,

l’élision apparaît, mais très rarement. Les articles sont le plus souvent présents, même le pluriel

indéfini des. Cependant, les articles s’omettent parfois dans des contextes marqués où ils sont

également omis en suédois. Finalement, l’accord constitue dans ce stade un élément épineux :

on retrouve peu de noms qui ont le genre correct.

(2) le stade post-inital. Dans ce deuxième stade, la plupart des phrases contiennent un verbe, mais

la morphologie verbale est encore loin d’être parfaite. Quant aux temps verbaux, on observe

l’apparition de l’emploi des formules ‘modaux + infinitif’ et du futur proche. Pour référer au

passé, les apprenants commencent à utiliser le passé composé, mais souvent le passé n’est pas

encore marqué. En outre, beaucoup de verbes s’utilisent encore à la forme infinie pour des

fonctions finies. Cependant, par rapport au premier stade, ce phénomène a diminué. La

négation apparaît déjà plus en position postverbale, mais parfois pas figure après le verbe non

fini au lieu du verbe fini ou ne apparaît seul, sans pas. En ce qui concerne l’accord entre le sujet

et le verbe, Schlyter observe que l’opposition entre la première, deuxième et troisième

personne du singulier est réalisée de manière correcte dans presque tous les cas. Cependant, la

première et la troisième personne du pluriel posent encore plus de problèmes. Ainsi, les

apprenants utilisent souvent la forme verbale de la troisième personne du singulier pour la

troisième personne du pluriel. L’élision du pronom sujet, du pronom objet et de l’article n’est

pas encore acquise à ce niveau, la cliticisation se réalise rarement. De même, la contraction

entre préposition et article défini est problématique. La plupart des apprenants ne maîtrisent

pas ce mécanisme. Par contre, il est frappant qu’un groupe d’apprenants guidés dans le corpus

abuse des formes au et du, surtout après faire et aller (ex « *JEA : et je faire du golf, je faire du

promenades dans le forêt à la campagne, (…) et je lis » (Schlyter, 2003 :24). L’utilisation du genre

correct pour les noms augmente. Même si les apprenants commencent à insérer plus

d’adjectifs, ceux-ci s’emploient souvent sans marque de genre. A ce niveau, les apprenants

utilisent déjà des phrases subordonnées, surtout introduites par parce que, par quand et parfois

par qui.

(3) le stade intermédiaire. Ce stade se caractérise par une structuration nominale acquise : les

phrases prédicatives sont complètes. De même, la négation dans le syntagme verbal s’utilise

correctement. Cependant, les négations n’apparaissent pas encore dans la position du sujet.

L’utilisation d’une forme infinie dans une fonction finie devient aussi plus rare et si ce

Page 12: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

10

phénomène se manifeste, c’est surtout avec des verbes qui se terminent par –re. En outre,

l’accord entre la première personne du pluriel et le verbe, qui posait encore des problèmes au

niveau précédent, est réalisé normalement de manière correcte à ce niveau. Quant à la

troisième personne du pluriel, l’accord est appliqué correctement, mais il y a encore une

confusion possible avec la troisième personne du singulier. L’emploi de la construction ‘verbe

modal + infinitif’ et du futur proche, qui apparaissaient déjà au deuxième stade, devient très

productif. En outre, le passé composé s’utilise très fréquemment, souvent même au lieu de

l’imparfait et cela surtout chez les apprenants non guidés. Dans ce contexte, Schlyter observe

que les formes d’avoir sont souvent employées fautivement, comme des auxiliaires passe-

partout. La cliticisation du pronom sujet et des articles commence vraiment à ce niveau.

Cependant, beaucoup de pronoms objets figurent entre l’auxiliaire et le verbe lexical ce qui

mène parfois à des erreurs. Contrairement à la cliticisation du pronom sujet et de l’article, la

contraction entre la préposition et l’article n’est pas encore acquis. A ce stade, le genre

s’emploie en général plus correctement et quant à la subordination, on retrouve plus de types

de phrases subordonnées qu’auparavant, par exemple des phrases introduites par si ou où.

(4) le stade avancé bas. A ce niveau, certaines structures typiques pour le français apparaissent.

Ainsi, l’opposition systématique entre l’imparfait et le passé composé s’établit. De plus, on

observe l’apparition du plus-que-parfait et du conditionnel, mais ces temps s’utilisent encore

souvent de manière fautive. De même, le futur simple commence à se manifester, surtout chez

des apprenants guidés. Le subjonctif, aspect très épineux du français, s’emploie petit à petit. Il

est donc clair qu’à ce stade, les temps verbaux se développent et que les apprenants ne parlent

plus ‘à l’infinitif’. L’accord entre le sujet et le verbe ne pose presque plus de problèmes, sauf

dans des phrases subordonnées, et on observe parfois des problèmes avec la troisième personne

du pluriel et avec des verbes irréguliers. La cliticisation des pronoms et des articles est acquise,

ainsi que la contraction entre préposition et article. En outre, le pronom objet figure

correctement devant l’auxiliaire. Le genre s’utilise aussi de plus en plus correctement et même

l’accord entre le nom et l’adjectif devient plus exact. Finalement, les phrases subordonnées

deviennent plus complexes : les relatives prépositionnelles introduites par dont et la relative ou

l’interrogative introduite par ce que émergent.

(5) le stade avancé moyen. Dans ce stade, Schlyter a trouvé pour la première fois des négations

dans la position du sujet. En outre, l’accord entre le sujet et le verbe semble aussi maîtrisé pour

la troisième personne du pluriel et pour les verbes lexicaux, dits irréguliers. Les temps verbaux

dont les occurrences étaient rares dans le stade précédent, à savoir le plus-que-parfait, le

conditionnel et le futur simple, s’utilisent maintenant de manière correcte : le plus-que-parfait

par exemple ne s’utilise plus uniquement comme un synonyme du passé composé, mais

également pour indiquer l’antériorité du passé. Quant aux pronoms, on observe que les

pronoms-adverbes en et y apparaissent à ce niveau. De plus, les subordinations deviennent

encore plus complexes. Ainsi, on rencontre par exemple des gérondifs ou des relatives

Page 13: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

11

prépositionnelles autres que celles introduites par dont : par exemple celles introduites par

auquel.

(6) le sixième stade. Pour ce dernier stade, Schlyter n’a pas pu fournir de liste des caractéristiques,

parce qu’il n’y avait pas d’apprenants de ce niveau dans son corpus.

Ce qui est frappant, quand nous analysons les différents stades proposés par Schlyter, c’est qu’ils

correspondent assez bien aux niveaux A1 à C2 du Cadre Européen de Référence. Ces stades se sont

développés afin d’offrir une base commune pour l’élaboration des programmes de langues vivantes en

dehors des frontières. Comme le font les stades établis par Schlyter, les niveaux du Cadre Européen de

Référence définissent les compétences afin de mesurer « le progrès de chaque apprenant à chaque

étape de l’apprentissage à tout moment de la vie » (Conseil de l’Europe, 2001 : 9). Donc, comme l’article

de Schlyter le mentionne aussi, chaque apprenant doit parcourir un itinéraire acquisitionnel spécifique

afin de maîtriser une langue et il peut réaliser cela à n’importe quel âge. La figure ci-dessous montre les

six niveaux du Cadre Européen de Référence :

Le Cadre Européen de Référence est également utilisé à l’intérieur de l’enseignement en Flandre.

Comme pour notre recherche, nous observons un groupe d’élèves néerlandophones belges de la

quatrième et de la sixième année de l’enseignement secondaire général (voir la partie méthodologique),

il nous paraît intéressant de référer à ces niveaux du Cadre Européen de Référence. Normalement, les

élèves de la quatrième année sont supposés avoir le niveau A2/B1 pour les compétences ‘lire’ et

‘écouter’ et le niveau B1 pour les compétences ‘parler’ et ‘écrire’. Les élèves de la sixième année se

trouvent normalement pour toutes les compétences au niveau B1 (Europees referentiekader talen, s.d.)

Nous avons présenté ici les stades de développement proposés par Schlyter et les niveaux du Cadre

Européen de Référence surtout dans le but d’esquisser un cadre général de l’apprentissage d’une

langue. Après l’analyse de ces stades, nous comprenons que l’acquisition d’une langue seconde se

réalise à travers un processus spécifique et étendu. Ce n’est donc pas une simple question d’apprendre

certaines règles grammaticales.

Figure 1. Les niveaux du Cadre Européen de Référence (source : Conseil de l’Europe, 2001 : 25)

Page 14: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

12

2.2. L’emploi de l’article dans la littérature scientifique

Un grand nombre de linguistes se sont occupés de l’analyse de différents phénomènes grammaticaux

chez des apprenants du français langue étrangère, comme l’emploi des temps du passé, du subjonctif ou

de certains lexèmes. Néanmoins, l’observation de l’emploi des articles chez des apprenants du FLE n’a

pas été étudié de manière approfondie. Dans ce chapitre, nous résumerons les résultats décrits dans les

articles de Larrivée (2004) et de Lebas-Fraczak (2011), à notre connaissance les seuls articles ciblant

uniquement l’emploi de l’article chez des apprenants.

Larrivée (2004) étudie l’emploi du déterminant indéfini des chez des apprenants anglophones avancés

du français langue étrangère. Pour cette étude, il s’est basé sur un corpus de productions écrites et

orales de 21 étudiants anglophones inscrits en première année du programme de français à l’université

de Aston durant l’année universitaire de 2001-2002. En analysant ce corpus, Larrivée a constaté une

surgénéralisation de l’article défini les au détriment de l’indéfini des chez ses apprenants anglophones.

Rappelons que les grammaires font la distinction entre les article défini et indéfini comme suit : l’article

indéfini s’utilise pour introduire une notion dans l’univers du discours, alors que l’article défini réfère à

des notions déjà introduites dans le discours. Cependant, l’emploi des déterminants pluriels est plus

compliqué que cette règle. Ainsi, l’article indéfini peut s’utiliser également pour actualiser une notion

déjà introduite dans le discours, mais dans ce cas, son emploi entraîne un effet de partition. En outre,

l’article défini ne s’utilise pas seulement pour reprendre un syntagme nominal déjà introduit, il peut

aussi marquer un référent présupposé par le contexte. C’est ce qu’on appelle un cas d’anaphore

associative. Grâce au contexte discursif, il est possible d’identifier le référent et par conséquent

d’employer le défini les. Selon Larrivée, la surgénéralisation de les au détriment de l’indéfini des

s’explique dans la plupart des cas par une extension de cette identification associative. Les étudiants

utilisent souvent le défini les quand le contexte ne suffit pas à rendre identifiable le référent. Larrivée

suppose que ce phénomène « résulte d’une extension plus large dans la grammaire de la population

concernée [les anglophones] que dans la grammaire cible des mécanismes d’identification du référent

en fonction des scénarios » (Larrivée, 2004 : 7). Il constate également que les étudiants cherchent de

temps en temps un compromis entre l’emploi de les et l’usage attendu de des : dans ce cas, ils recourent

au pronom indéfini quelques.

Lebas-Fraczak (2011) se base sur la recherche de Larrivée (2004), mais elle va plus loin dans son étude.

Elle part de la hypothèse que l’article défini ne s’utilise pas uniquement au détriment de l’article

indéfini (comme il a été démontré dans l’article de Larrivée), mais également au détriment de l’absence

de l’article. Elle pense que, d’une part, l’article défini constitue une sorte de prototype d’article pour les

apprenants du français et que, d’autre part, le groupe nominal est représenté dans l’enseignement du

FLE comme comportant obligatoirement un article ou un autre déterminant et que dans le cas où c’est

un article, c’est donc de préférence l’article défini. Afin d’étudier comment les étudiants traitent

l’absence de l’article, Lebas-Fraczak a effectué un test de traduction de phrases polonaises en français

chez 14 étudiantes d’un niveau avancé en français, à savoir des étudiantes de la quatrième année de

Page 15: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

13

Philologie Romane à Poznan. Les phrases du test contiennent des contextes typiques de l’absence de

l’article comme des compléments du nom, des structures attributives, des tournures négatives et un

emploi nominal ‘en mention’1. Afin d’expliquer pourquoi l’absence de l’article pose des problèmes pour

les apprenants du français, elle analyse la fonction générale de l’article en la mettant en contraste avec

l’absence de l’article. Pour cela, elle cite d’abord Riegel et al. : « [le déterminant] actualise le nom dans

le passage de la notion générale qu’il dénote en langue (livre) à ce que le GN désigne dans le discours :

un/ le/ ce/ ton/ cinq/ plusieurs/ quelques livre(s) » (Riegel, 1999 : 148). De cette définition, on pourrait

déduire qu’un nom nécessite un déterminant pour fonctionner dans le discours. Cependant, cette idée

n’est pas conforme à l’usage réel. Afin d’éviter ce problème, ‘l’article zéro’ est inclus parmi les manières

d’actualiser un nom commun. La différence entre l’emploi de l’article et l’absence de l’article ne doit

donc pas être vue dans la perspective de l’actualisation. La deuxième option pour expliquer la

différence entre la présence d’un article et son absence est d’associer cette différence à une

modification du statut grammatical. A propos de l’absence de l’article devant le nom, De Salins (1996)

écrit : « cela peut signifier que le nom commun perd sa valeur de substantif, au profit d’une fonction

appartenant habituellement à une autre catégorie grammaticale » (De Salins, 1996 : 50). Ainsi, un nom

qui est utilisé par exemple comme attribut acquiert une valeur adjectivale. Lebas-Fraczak réfère pour

cette interprétation également à Riegel et al. qui jugent qu’un nom ‘nu’, c’est-à-dire sans article, obtient

une valeur attributive et non référentielle. Ils précisent en outre qu’un attribut nominal sans article

« indique une propriété inhérente, l’état ou le statut du sujet » (Riegel, 1999 : 238), alors qu’avec un

article défini, l’attribut « identifie le sujet comme une occurrence du type (ou comme un membre de la

classe (…)) dénoté par le nom » (Riegel, 1999 : 238). Cette idée se retrouvait déjà chez Kupferman (1979)

qui associe le sémantisme – différencie entre propriété et identification du sujet – à la pragmatique du

discours en contexte. Ainsi, pour Kupferman, l’emploi d’un attribut nominal ‘nu’ implique que le sujet

est connu par l’auditeur, tandis qu’un attribut nominal défini sert précisément à faire connaître le sujet

à l’interlocuteur. Cependant, Lebas-Fraczak souligne que cette perspective n’est pas parfaite car il y a

des exceptions. Etant donné qu’elle constate que les critères sémantiques et grammaticaux,

habituellement proposés par les grammaires, ne suffisent pas, ce qui serait également la source de la

difficulté pour les apprenants du FLE, Lebas-Fraczak propose une approche qui s’éloigne du statut

sémantique de l’attribut et qui, par contre, prend en considération le statut communicatif de l’attribut

dans le discours. En d’autres mots, elle propose une analyse pragmatico-discursive. Dans cette analyse,

la différence entre la présence ou l’absence de l’article peut être résumée comme suit : l’article défini

place le nom dans la sphère centrale ou focalisée du discours, alors que l’absence de l’article attribue au

nom un statut moins central ou dé-focalisé. C’est donc la présence ou l’absence de l’article qui oriente

l’attention de l’interlocuteur respectivement sur le nom qu’il accompagne ou sur autre chose. En outre,

elle montre que cette approche n’est pas uniquement valable pour l’attribut, mais également pour les

1 « Il s’agit d’un emploi où « le signe se désigne lui-même » (cf. Rey-Debove, 1978), qui pourrait être paraphrasé par « le mot/le terme N » » (Lebas-Fraczak, 2011 : 1). Lebas-Fraczak illustre cet emploi ‘en mention’ par la phrase Qu’est-ce que tu comprends par « fascination » ? où le mot fascination réfère au terme et pas au sens concret de ce substantif.

Page 16: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

14

compléments du nom, pour les GN coordonnés (ou juxtaposés), pour des tournures négatives et pour

les emplois ‘en mention’. Ainsi, l’absence de l’article avec des GN coordonnés par exemple ne met pas

l’accent sur chacun des GN séparément, mais sur l’unité du groupe, et avec les tournures négatives,

l’absence de l’article implique un sens de ‘non-existence’, et donc également une dé-focalisation du

nom.

Pour notre recherche, nous retenons de ces articles surtout les observations en ce qui concerne les

corpus. Larrivée (2004) a constaté une surgénéralisation de l’article défini les au détriment de l’article

indéfini des chez les anglophones et il estime que ce phénomène est surtout dû à une extension de

l’identification associative. En ce qui concerne l’article de Lebas-Fraczak (2011), elle a constaté en plus

un suremploi de l’article défini au détriment de l’absence de l’article chez des étudiants polonais. Selon

sa recherche, ce phénomène est dû à l’idée chez les apprenants que chaque GN doit être précédé par un

article et également à l’insuffisance des critères sémantiques et grammaticaux habituellement proposés

par les grammaires. Dans notre étude, nous vérifierons si ces observations faites pour des apprenants

anglophones et polonais du FLE sont aussi valables pour les apprenants néerlandophones.

Page 17: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

15

Chapitre 3. Analyse critique des grammaires

Dans ce chapitre, nous étudierons la description des articles, d’une part dans les grammaires de

référence françaises2, d’autre part dans les grammaires françaises développées pour les

néerlandophones et pour l’enseignement du FLE. Nous voulons savoir dans quelle mesure les

explications présentées par les grammaires utilisées pour l’enseignement du FLE correspondent à celles

présentées par les grammaires de référence. Ensuite, nous présenterons également la vision

pragmatique et constructiviste pour la différenciation entre les articles proposée dans l’article de

Lebas-Fraczak (2009). Cette linguiste rejette les critères habituellement proposés par les grammaires

pour la différenciation entre l’article défini, indéfini et partitif et les remplace par des critères

pragmatiques, tels que la (non-)présupposition et la (non-)particularisation. En outre, elle propose

d’introduire cette conception pragmatique dans la didactique des articles et du FLE en général.

3.1. Critères présentés dans les grammaires de référence françaises

Pour la rédaction de cette partie, nous avons consulté trois grammaires, à savoir Le Bon Usage (Grévisse,

2011), la Grammaire méthodique du français (Riegel, Pellat & Rioul ; 2009) et la Grammaire critique du

français (Wilmet, 1998). Après une première analyse du contenu de ces trois grammaires, nous avons

décidé de les regrouper. Le premier groupe contient les grammaires de Riegel, Pellat & Rioul (2009) et

de Grévisse (2011). Dans le deuxième groupe, nous avons la grammaire de Wilmet (1998) qui propose

une description plus complexe et une terminologie différente.

3.1.1. Le Bon Usage et la Grammaire méthodique du français

Le Bon Usage (Grévisse, 2011) propose, pour l’article, la définition suivante :

« L’article est le déterminant minimal, le mot qui permet au nom de s’actualiser, de

se réaliser dans une phrase, si le sens ne rend pas nécessaire le choix d’un autre

déterminant.» (Grévisse, 2011 : §578)

L’article a plusieurs fonctions. Il a tout d’abord une fonction sémantico-pragmatique puisqu’il

détermine le nom : il le situe dans le monde extralinguistique. Puis, nous distinguons également une

fonction morphosyntaxique puisque les articles véhiculent le genre et le nombre du nom qu’ils

précèdent. Finalement, nous pouvons considérer l’article comme un démarcateur du SN qu’il borne

toujours à gauche. De cette façon, il permet au SN de fonctionner comme un constituant dans l’énoncé.

2 L’article, en français, a déjà fait couler beaucoup d’encre et il existe de nombreuses publications qui présentent ses caractéristiques aussi bien diachroniquement que synchroniquement (pour une bibliographie voir entre autres Roig 2011) Etant donné notre objet de recherche – l’article dans l’interlangue française d’apprenants néerlandophones –, nous limitons notre état de l’art aux descriptions proposées par trois grammaires du français moderne, par une grammaire scolaire et par deux manuels utilisés en Flandre.

Page 18: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

16

Le Bon Usage ainsi que la grammaire de Riegel, Pellat & Rioul distinguent trois groupes d’articles, à

savoir, l’article défini, l’article indéfini et l’article partitif. Cependant, elles mentionnent toutes les deux

que les articles partitifs se rapprochent des articles indéfinis et qu’ils constituent donc un sous-genre

des déterminants indéfinis.

Commençons par la description de l’article défini. Le tableau suivant montre sa morphologie :

SINGULIER PLURIEL

Devant consonne Devant voyelle Devant consonne Devant voyelle

MASCULIN le [lɘ] l’ [l] les [le] les [lez]

FÉMININ la [la]

Tableau 1. La morphologie de l'article défini (source : Riegel, Pellat & Rioul ; 2009 : 282)

Selon les grammaires, l’article défini détermine complètement le sens du nom qu’il précède. Cela

implique que l’article défini présuppose l’existence et l’unicité du référent. La référence établie peut

être spécifique, quand le nom renvoie à une ou plusieurs entités, ou générique quand le nom réfère à

l’ensemble des individus d’une classe. A partir de la description du SN, il y a donc seulement un genre,

une espèce, un type ou un individu identifiable dans le contexte extralinguistique. En outre, la

référence peut être déictique ou anaphorique. Dans la phrase Donne-moi le stylo ! le complément du

verbe donner renvoie clairement à un stylo déterminé. Cependant, il existe deux options : ou bien il y a

seulement un stylo présent dans le contexte extralinguistique. Dans ce cas la référence est déictique.

Ou bien, il y a plusieurs stylos présents dans le contexte extralinguistique, mais le contexte énonciatif

montre clairement de quel stylo les interlocuteurs parlent. Dans ce dernier cas, la référence est

anaphorique. De plus, l’article défini s’utilise également pour renvoyer à quelque chose qui est connu

par tous les interlocuteurs ou quelque chose qui fait l’objet d’une habitude comme dans la phrase Jean,

mets la table s’il te plaît ! où le référent de table est la même table de tous les jours. Tant Le bon usage

(Grévisse, 2011) que la Grammaire méthodique du français (Riegel, Pellat & Rioul ; 2009) distinguent en

plus un emploi de l’article défini qui se rapproche de l’emploi du possessif. L’article défini s’utilise

devant des possessions inaliénables, autrement dit, devant des noms représentant une partie

anaphoriquement rapportée à un tout. Ces parties dénotent le plus souvent des parties du corps (d’un

être humain ou d’un animal) ou par métonymie d’un vêtement comme les phrases suivantes l’illustrent

respectivement : Je me brûle souvent les doigts et « La chienne est venue me flairer les souliers » (Valli, ex.

littéraire). Plus marginalement, l’article défini s’utilise devant des facultés intellectuelles, quand l’idée

de possession est suffisamment marquée par le sens de la phrase comme dans « Il perd la mémoire »

(Grévisse, 2011 : §609).

Bref, l’article défini s’utilise devant un nom pour indiquer que celui-ci renvoie à un référent déterminé,

connu et unique. Ce référent peut dénoter un ou plusieurs individus spécifiques ou un ensemble

d’individus générique. Par extension, l’article défini a également la capacité de référer à une possession

inaliénable devant des parties du corps ou devant des facultés intellectuelles .

Page 19: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

17

Passons à la description de l’emploi de l’article indéfini. Celui-ci présente la morphologie suivante :

SINGULIER PLURIEL

Devant

consonne

Devant

voyelle

Suivi du nom Suivi du groupe adjectif

Devant

consonne

Devant

voyelle

Devant

consonne

Devant

voyelle

MASCULIN un [ɶ˜] un [ɶ˜n] des [de] des [dez] de [dɘ] d’ [d]

FÉMININ une [yn]

Tableau 2. La morphologie de l'article indéfini (source : Riegel, Pellat & Rioul ; 2009 : 292)

Selon Le bon usage (Grévisse, 2011), l’article indéfini se définit de manière suivante :

« L’article indéfini s’emploie devant un nom pour indiquer qu’il s’agit d’un être ou

d’une chose (ou d’êtres et de choses) dont il n’a pas encore été question, qui ne

sont pas présentés comme connus, comme identifiés » (Grévisse, 2011 : §581)

La première grande différence qui frappe par rapport à la description de l’article défini est qu’il

introduit des noms jusqu’alors inconnus. De plus, il ne détermine pas l’entité auquel le nom qu’il

précède renvoie et il ne l’individualise pas. L’article indéfini ne présuppose donc pas l’unicité du

référent. Par contre, comme pour l’article défini, il est possible de distinguer pour l’article indéfini des

emplois spécifiques et des emplois génériques. A l’intérieur des emplois spécifiques, la Grammaire

méthodique du français (Riegel, Pellat & Rioul ; 2009) discerne encore quelques sous-emplois. D’abord elle

mentionne l’emploi existentiel (ou faible) de cet article. Cet emploi consiste à introduire un référent

dans le discours dont l’article indéfini signale simplement l’existence. Par conséquent, il est possible de

paraphraser un exemple comme Un chien aboie dans la rue, par la phrase il y a un chien qui aboie dans la

rue. En outre, la négation d’une telle phrase entraîne une négation de l’existence du référent. Dans ce

cas, on a recours aux déterminants négatifs comme aucun ou pas un. Cependant, l’article indéfini

n’introduit pas toujours des entités dont l’existence est réelle, il peut également renvoyer à des

existences virtuelles comme dans Je cherche un homme doux, affectueux et honnête. Dans ces cas,

l’existence d’un référent qui répond à la description offerte par le syntagme nominal n’est pas garantie.

Un deuxième emploi spécifique de l’article indéfini est son emploi partitif (ou fort). Il y a deux

conditions pour que l’article indéfini entre dans cet emploi. Premièrement, l’existence du référent

auquel le nom renvoie est présupposée, cela implique que le référent est déjà mentionné

antérieurement dans le discours ou que le référent est présent dans la situation du monde extérieur.

Deuxièmement, il faut que l’article indéfini s’utilise pour isoler un référent parmi d’autres. Dans la

phrase « Des députés ont voté blanc » (Riegel, Pellat & Rioul ; 2009 : 294), le nom députés réfère à une partie

de députés dans l’ensemble des députés. Si nous reprenons la phrase Un chien aboie dans la rue, nous

constatons que cette phrase peut être ambiguë. Si le contexte le permet, il est possible d’avoir

également une lecture partitive et de paraphraser la proposition de manière suivante : un des chiens

dans la rue aboie. En outre, avec l’interprétation partitive, la négation du verbe n’implique pas la

négation de l’existence du référent : Il y a plusieurs chiens dans la rue. Un chien n’aboie pas. Outre ces

Page 20: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

18

emplois spécifiques, les grammaires mentionnent également un emploi générique pour l’article

indéfini. Dans cet emploi, le groupe nominal déterminé par l’article indéfini renvoie à l’être ou l’objet

qui est le représentant exemplaire de toute sa classe et l’article peut être remplacé par n’importe quel ou

tout. L’exemple suivant illustre l’emploi générique de l’article indéfini : « Un triangle équilatéral a les trois

côtés égaux » (Grévisse, 2011 : §581). Finalement, la Grammaire méthodique du français (Riegel, Pellat &

Rioul ; 2009) mentionne encore un emploi de l’article indéfini qui est lié à l’interprétation partitive.

Quand l’article indéfini introduit un nom massif, il donne à ce nom une interprétation individuante ou

comptable qui désigne une ‘sous-espèce’ ou une ‘quantité standard’ comme dans Garçon, pour moi une

bière !

En résumé, l’article indéfini s’utilise devant un nom qui a un référent dont l’individualisation reste

indéterminée et il a la capacité d’entrer dans des emplois spécifiques et des emplois génériques. A

l’intérieur de ses emplois spécifiques, l’article indéfini peut signaler l’existence du référent, soit réelle,

soit virtuelle ou il peut signaler que le référent constitue une entité parmi d’autres. De plus, associé à

un nom massif, l’article indéfini déclenche un emploi comptable de noms qui s’emploient

prototypiquement de manière non comptable.

Nous terminons par la description de l’article partitif par Le Bon Usage (Grévisse, 2011) et la Grammaire

méthodique du français (Riegel, Pellat & Rioul ; 2009). Voici, sa morphologie :

SINGULIER PLURIEL

Devant consonne Devant voyelle Devant consonne Devant voyelle

MASCULIN du [dy] de l’ [dɘl] des [de] des [dez]

FÉMININ de la [dɘla]

Tableau 3. La morphologie de l'article partitive (source : Riegel, Pellat & Rioul ; 2009 : 292)

L’article partitif constitue un aspect typique du français. L’article partitif est associé à des noms non

comptables, dits massifs. Au singulier, cet article précède des noms massifs de matière (de la bière, du fer)

ou des noms abstraits qui désignent des entités non comptables (du courage, de la lâcheté). Au pluriel,

l’emploi de l’article partitif est plus limité, il se combine avec des noms dépourvus de singulier (des

épinards, des environs) ou avec des noms qui possèdent une forme singulière et qui se massifie

occasionnellement : « avoir des aigreurs d’estomac » (Riegel, Pellat & Rioul ; 2009 : 296) ou « je voudrais des

haricots » (Riegel, Pellat & Rioul ; 2009 : 296). Dans ces exemples, il est difficile ou même impossible de

remplacer l’article partitif par un numéral cardinal ou par d’autres quantifieurs pluriels comme

plusieurs ou différents3. Le Bon Usage ajoute que, précédant un nom massif, l’article partitif s’utilise

« devant un nom pour indiquer qu’il s’agit d’une quantité indéfinie d’une réalité non nombrable »

(Grévisse, 2011 : §582). Moins prototypiquement, l’article partitif se combine avec des noms

comptables. Dans ces cas, le nom subit une massification4. Dans l’exemple Nous mangeons du lapin, le

3 Pour une description plus détaillée des ‘pluriels massifs’, voir Lauwers (2014). 4 Pour plus d’information concernant ce processus de massification et ses mécanismes, voir Galmiche, 1989 ou Lauwers & Vermote, 2014.

Page 21: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

19

nom lapin est un nom comptable utilisé avec l’article partitif et dans cet emploi, il signifie ‘la partie

comestible du lapin’. Cependant, l’emploi avec l’article partitif peut également entraîner d’autres effets

de sens comme dans Il y a du lapin partout dans cette forêt. Dans cette phrase, lapin prend le sens de

‘ensemble diffus d’individus’. Les deux grammaires mentionnent en plus que l’article partitif a la

possibilité d’apparaître en position de sujet, quoique rarement.

Bref, l’article partitif s’utilise généralement avec des noms non comptables, dits massifs, pour indiquer

qu’on réfère seulement à une partie de l’espèce à laquelle le nom renvoie. En outre, il peut déclencher

une lecture massive des noms prototypiquement comptables.

Finalement, le Bon Usage (Grévisse, 2011 : §586-588) décrit encore l’emploi de l’article zéro. L’emploi de

cet article est lié à certaines fonctions syntaxiques. Ainsi, il s’utilise devant des noms apposés, des noms

attributs, des noms en apostrophe ou des noms en fonction de complément de nom. De plus, l’article

zéro s’emploie en rapport avec certaines catégories sémantiques : devant des noms des mois ou des

jours de la semaine, devant midi et minuit, devant les noms de certaines fêtes (ex. Pâques) ou dans le

contexte de la liturgie catholique (devant des noms des heures canoniales ou devant des noms des

prières). L’article est aussi souvent absent dans des énumérations ou dans des phrases adverbales

servant d’inscription. En outre, il existe un grand nombre d’expressions figées dans lesquelles le nom

passe sans article (ex. blanc comme neige, avoir faim, imposer silence, perdre patience, sans gêne, avec soin,

etc.). Un dernier contexte dans lequel l’article zéro apparaît, est devant des noms propres de personnes,

de familles, de villes et de villages, de certaines îles et de certains astres.

A part la description de ces quatre types d’articles, les deux grammaires consacrent encore une partie à

l’utilisation des déterminants indéfinis (l’article indéfini et partitif) dans des phrases négatives. Les

grammaires mentionnent que la forme de apparaît au lieu de l’article partitif ou indéfini dans des

phrases négatives si la négation est absolue. La négation absolue qu’il est possible d’introduire le nom

par aucun ou aucune quantité de. Ainsi, on dit Je n’ai pas acheté de livre. Néanmoins, dans des phrases avec

une négation non absolue, il est permis de garder l’article indéfini : Je n’ai pas acheté un livre, j’en ai acheté

deux.

3.1.2. La Grammaire critique du français

Comme le titre l’indique déjà, la Grammaire critique du français de Wilmet (1998)5 analyse d’un œil

critique les informations grammaticales fournies par d’autres grammairiens tels que Grévisse (2011) ou

Riegel, Pellat & Rioul (2009). Il regroupe ces informations et nous offre sa propre vision sur ce que les

autres ont dit. Ce faisant, il propose une nouvelle terminologie. Il rejette les noms classiques des classes

de déterminants. Ainsi, il ne parle plus d’articles, d’indéfinis ou de numéraux cardinaux, mais il les

regroupe sous le nom de quantifiants, et les appelle respectivement des ‘quantifiants lato sensu ou

5 Il existe des éditions ultérieures à cette édition de 1998, cependant nous avons seulement eu accès à cette édition-ci.

Page 22: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

20

bipolaires’, des ‘quantifiants stricto sensu ou stricts’ et des ‘quantifiants numéraux’. Il parle de ‘bipolaires’

parce que les articles annoncent des extensités extrêmes (minimale ou maximale) et de ‘stricts’ parce

que les indéfinis conviennent à l’expression d’extensités variables (basse, moyenne ou élevée) dans une

zone de l’éventail limitée. Ce qui nous intéresse, ce sont les quantifiants bipolaires.

A l’intérieur de la classe des quantifiants bipolaires, la Grammaire critique du français distingue quatre

sous-types, à savoir (1) le type LE (formes le, la, les), (2) le type UN (formes un, une), (3) le type DE

(formes de, du, de la, des) et finalement (4) le type ZÉRO (forme ø). Ces types correspondent

respectivement à l’article défini, l’article indéfini, l’article partitif et l’article zéro des grammaires

traditionnelles.

Pour la distinction entre le type LE et le type UN, il abandonne les critères classiques proposés par

d’autres grammairiens tels que l’opposition entre présentation et notoriété (ou inconnu et connu),

entre unicité et pluricité ou la distinction selon la notion de familiarité. Cette idée de familiarité implique

que l’article le sert à « localiser un objet à l’intérieur d’un ensemble sur l’extension duquel le locuteur et

l’auditoire s’accordent tacitement (shared set ‘ensemble partagé’) » (Wilmet, 1998 : 123) Cet ensemble

partagé peut être constitué grâce au cotexte linguistique ou au contexte extralinguistique, c’est-à-dire,

de situation. Cependant, comme nous venons de le mentionner, Wilmet rejette ces critères et crée de

nouveaux paramètres. Ainsi, il introduit les termes extension, extensité et extensivité qu’il définit comme

suit :

« Extension = Ensemble des objets du monde auxquels N ou GN est applicable » (Wilmet, 1998 : 126)

« Extensité = Quantité d’objets du monde auxquels N ou GN est appliqué » (Wilmet, 1998 : 126)

« Extensivité = Rapport de l’extensité à l’extension en énoncé » (Wilmet, 1998 : 128)

Pour illustrer ces notions, nous représentons ici quelques exemples de la grammaire (Wilmet, 1998 :

126):

(1) L’arbitre a signalé la faute

(2) Le juge de ligne a signalé la faute

(3) Deux juges de lignes ont signalé la faute

Quand nous comparons le premier et le deuxième exemple, nous constatons une différence concernant

l’extension. La deuxième phrase a subi une réduction d’extension par rapport à la première phrase

parce que chaque juge de ligne est également un arbitre alors que le contraire n’est pas vrai : la classe

de juges de ligne constitue une sous-classe de la classe d’arbitres. Par conséquent, l’ensemble des objets

auxquels le GN est applicable diffère. La comparaison entre le deuxième et le troisième exemple nous

montre une différence quant à l’extensité. Dans le deuxième exemple, il y a une extensité individuelle,

c’est-à-dire, le GN fait référence à une personne. Par contre, dans le troisième exemple, l’extensité

augmente : il y a deux objets du monde auxquels le groupe nominal s’applique. Quant à l’extensivité, il

existe deux possibilité : ou bien, l’extensité s’ajuste à l’extension, dans ce cas, on parle d’extensivité

extensive, ou bien l’extensité reste inférieure à l’extension, dans ce cas, on parle d’extensivité partitive.

Page 23: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

21

C’est précisément l’opposition de ces deux notions qui constitue la différence entre le quantifiant

bipolaire du type LE et du type UN selon la Grammaire critique du français (1998). Cette grammaire défend

la thèse que le type LE marque l’extensivité extensive et que le type UN marque l’extensivité partitive.

Cependant, Wilmet se rend compte d’une possible critique : l’emploi générique du type UN, ne marque-

t-il pas l’extensivité extensive, tout comme le type LE ? Il conteste cette affirmation en argumentant

que le type Un est toujours une marque d’extensivité partitive, mais que la prédication est capable de

multiplier l’extensité individuelle du GN introduit par un autant de fois que nécessaire pour atteindre

l’extensité collective maximale. Ainsi, il est possible de paraphraser une phrase telle que Un enfant est

toujours à l’ouvrage de sa mère comme « il est vrai de chaque enfant en particulier, donc aussi de la

totalité des enfants, qu’il est l’ouvrage de sa mère » (Wilmet, 1998 : 129). En outre, il existe également

certains déclencheurs qui peuvent aider à dépasser l’extensité individuelle. Par exemple, la phrase « La

plupart des filles aiment un garçon » (Wilmet, 1998 : 146) peut être interprétée de deux façons. Soit,

l’extensité reste individuelle et la phrase se paraphrase comme suit : il y a beaucoup de filles qui aiment

un seul garçon en particulier. Soit, l’extensité augmente grâce à la forme du sujet qui le rend possible

d’interpréter l’exemple comme : presque chaque fille a son amoureux, dans ce cas on parle donc de

plusieurs garçons différents.

Pour la distinction entre le type UN et le type DE, il n’est plus possible de partir du principe de

l’extensivité parce que ces types sont tous les deux des marques de l’extensivité partitive et qu’ils

accèdent tous les deux à l’extensité collective maximale grâce à la prédication. Il faut chercher la

différence entre ces quantifiants bipolaires dans la restitution du réel, restitution d’une réalité qui peut

être perçue comme étant dense ou discrète. Wilmet est d’opinion que les déterminants opposent une

restitution massive du réel à une restitution numérative. Ainsi, le type UN impose aux noms une

restitution numérative alors que le type DE impose une restitution massive, que ce soit en concordance

ou non avec la perception dense ou discrète :

« Concrètement, du vin/courage = perception dense + restitution massive ; un dollar

= perception discrète + restitution numérative ; (acheter) du dollar = perception

discrète + restitution massive ; un vin (de prix)/un courage (exceptionnel) = perception

dense + restitution numérative. » (Wilmet, 1998 : 134)

Grâce au principe de la restitution du réel, Wilmet fait également la distinction entre le singulier et le

pluriel. Le nombre singulier est associé à la restitution continue du réel alors que le nombre pluriel se

lie à la restitution discontinue et préserve donc l’hétérogénéité de l’expression. Les pluriels « externes »

se caractérisent par une restitution numérative discontinue (par exemple des vins, des dollars) et les

pluriels « internes » par une restitution massive discontinue (par exemple : des ordures, des ciseaux, des

rillettes).

En bref, Wilmet (1998) revoit les critères traditionnels fournis par d’autres grammairiens et il constitue

une nouvelle méthode pour la distinction des articles. Il crée un système autour du principe de

l’extensivité et de la restitution du réel. Le tableau ci-dessous résume la relation entre les différents

Page 24: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

22

quantifiants bipolaires et les paramètres. (« Le chiffre 1 indique la présence du trait, le chiffre 0 son

absence, le tiret l’indifférence au trait » (Wilmet, 1998 : 136))

Article Extensif Partitif Massif Numératif Continu Discontinu

Le (la) 1 0 - - 1 0 Les 1 0 - - 0 1

Un (une) 0 1 0 1 1 0 De 0 1 - - - - ø - - - - - -

Tableau 4. Paramètres pour distinguer les différents articles (source : Wilmet, 1998 : 137)

Ce qui frappe par rapport à la description d’autres grammaires, c’est que la Grammaire critique du français

considère de comme un article, alors que beaucoup d’autres grammaires le décrivent comme une

préposition, un adjectif, un introducteur, une préposition-article ou comme une simple réduction des

formes du, de la ou des. Wilmet mentionne que de introduit toujours, comme un véritable article, les

pronoms tout, rien, cela, moi, quoi… et qu’il se lie principalement aux autres quantifiants bipolaires le, la,

les, un, une et l’article zéro. Le fait que de a la capacité de s’allier au type UN est ignoré par les autres

grammairiens malgré le fait que cette séquence apparaît à travers de toute notre histoire : « ... mes que

j’aie mangié ançois/D’une mervellos mangier françois » (Le jugement de Renart, v. 504) ; « J’ai mis à table

d’un petit vin blanc dont vous me direz des nouvelles » (Simenon)6, etc. La réunion de ces deux

quantifiants qui présentent tous les deux le trait de l’extensivité partitive, a un effet de sens

particulier : la séquence d’un(e) marque une extensité qui n’est pas nulle, mais qui est quand même plus

petite que 1. D’autres caractéristiques de cette séquence sont qu’elle entre difficilement en position

sujet, qu’elle n’accepte pas la présence d’un introducteur prépositionnel tel que à, avec, sur, sous, dans...

et qu’elle apparaît uniquement avec un certain nombre de verbes permettant « la saisie partielle d’un

ensemble » (Bonnard cité dans Wilmet, 1998 : 159). Comme nous l’avons déjà mentionné, de apparaît

également avec l’article zéro et cela dans trois contextes : (1) devant des noms au pluriel précédés d’un

adjectif caractérisant (2) derrière une indication de quantité (3) après une négation. En ce qui concerne

la présence de de derrière une indication de quantité, Wilmet ajoute qu’il existe certaines exceptions :

les exceptions les plus courantes sont l’adverbe bien et les superlatifs la plupart, le plus clair, les plus gros

(par exemple dans les séquences la plupart des députés , le plus clair du temps ou le plus gros de la troupe)

(Wilmet, 1998 : 163). Après ces indications de quantité, il faut utiliser les formes du, de la ou des. De

même, il existe des exceptions pour la négation. Rappelons que d’après Le Bon Usage (Grévisse, 2011) et

surtout d’après la Grammaire méthodique du français (Riegel, Pellat & Rioul ; 2009) la négation se combine

uniquement avec de quand elle est absolue (voir la sous-section précédente). La grammaire de Wilmet

par contre ne met pas l’accent sur les contextes dans lesquels de s’utilise, mais insiste sur les

exceptions. Elle distingue six contextes d’exception7 : (1) Pierre n’a-t-il pas bu du vin ? est une

interrogation rhétorique à tendance positive. En réalité le locuteur suppose que Pierre a effectivement

bu du vin. (2) Je n’avais du goût qu’à cause de toi. Ce type de négation s’appelle la négation exceptive et

6 Ces deux exemples sont présentés par Wimet (1998 : 159) 7 Les exemples proviennent de Wilmet (1998: 166-167)

Page 25: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

23

n’est pas non plus une véritable négation du nom parce que le locuteur a eu du goût, mais seulement à

cause de l’interlocuteur. (3) Ce n’est pas du vin… Ce type de négation conteste l’identité du sujet et de

l’attribut et s’appelle une négation totale copulative. (4) La négation partielle nie uniquement un

segment du nom quantifié. Ainsi, Pierre ne mange pas du pain rassis implique que Pierre mange du pain

frais. (5) La négation extensionnelle dans Tu ne manges pas du gâteau ? sélectionne l’extension étroite ou

individuelle du nom. Ainsi, gâteau réfère au gâteau qui est présent dans le contexte, donc un seul gâteau

en particulier. (6) Gainsbarre ne buvait pas de l’eau. Cette phrase signifie que l’homme a bu quelque chose,

mais ce n’était pas de l’eau. Ce qui est nié n’est donc pas l’objet du verbe, mais son identification. Ce

type de négation s’appelle la négation intensionnelle.

Quant au type ZÉRO, il n’exprime aucune extensivité. Wilmet distingue deux type d’articles zéro: le

type conservateur et le type novateur. Le type conservateur est un restant du latin, qui ne connaissait

pas d’articles, et de l’ancien français, où l’emploi des articles était encore facultatif. Selon Wilmet, il

existe dix contextes particuliers où ce type zéro conservateur apparaît encore : (1) dans certains

proverbes cristallisés et différents archaïsmes, (2) quand l’extensité du nom égale zéro, par exemple

derrière ni…. ni ou derrière la préposition dans, (3) avec les jours de la semaine quand le nom du jour

réfère au jour passé ou prochain, (4) dans des énumérations, (5) avec des apostrophes, quand le

contexte permet d’identifier le référent, (6) quand l’extensité s’ajuste à l’extension cotextuelle des

irruptions, coordinations, appositions et attributs, (7) quand l’extension fixe des noms a la même

extension immédiate et médiate : « Février est le mois des giboulées = « le mois de février » » (Wimet,

1998 : 152), (8) avec des noms employés dans des fonctions adjectivales, par exemple le métier d’avocat,

un chef d’orchestre, etc.8, (9) avec des noms qui s’utilisent virtuellement (ex. Rarement événement a été

traité avec tant d’émotion par la presse9), intensionnellement (ex. Il y a couturier et couturier10) ou

métalinguistiquement (ex. Chaise a six lettres) et qui se mettent par conséquent hors extensivité, (10)

avec des noms propres de villes et de personnes. Le deuxième type, à savoir le type novateur, est

l’emploi d’un nom ‘nu’ dans des locutions verbales ou adverbiales, donc l’emploi des noms sans article

après des verbes ou des prépositions introducteurs. Nous constatons que la plupart des emplois

spécifiques de l’article zéro présentés par Wilmet, sont également décrits dans le Bon Usage (Grévisse,

2011) quoique ce dernier les organise de manière différente.

3.2. L’emploi de l’article dans les grammaires et les manuels développés pour des

élèves néerlandophones

Dans cette section, nous analyserons les règles et les informations fournies par les manuels utilisés à

l’école où nous avons fait passer notre test pour la constitution du corpus (voir la partie empirique :

chapitre 1). Ensuite, nous décrirons également la grammaire utilisée dans cette école. L’objectif de cette

section est de comparer la présentation des règles concernant l’emploi des articles dans ces manuels

8 Les exemples proviennent de Wilmet (1998: 152) 9 L’exemple provient de Wilmet (1998: 153) 10 L’exemple provient de Wilmet (1998: 153)

Page 26: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

24

scolaires avec les grammaires de référence, introduites dans la section précédente. Nous effectuons

cette comparaison afin de vérifier notre hypothèse qui part de l’idée qu’il y a un manque d’information

dans les grammaires scolaires, ce qui pourrait être une des causes possibles pour les difficultés

éprouvées par les apprenants au niveau de l’emploi des articles.

Le dépouillement des manuels nous révèle que la théorie présentée en ce qui concerne l’emploi des

articles se rapproche de l’information fournie par des grammaires de référence françaises tels que Le

Bon Usage (Grévisse, 2011) et la Grammaire méthodique du français (Riegel, Pellat & Rioul ; 2009) et qu’elle

s’éloigne de l’approche proposée dans la Grammaire critique du français (Wilmet (1998). En outre,

l’enseignement de l’emploi des articles fait partie de la matière de la première et de la deuxième année

de l’école secondaire et la théorie à ce sujet est supposée connue dès ce moment. Un troisième élément

frappant concerne la façon selon laquelle les manuels expliquent aux élèves comment ceux-ci doivent

utiliser les différents articles. L’accent ne se met pas sur les différentes fonctions des articles, mais

surtout sur la traduction de ces articles en néerlandais. Ce phénomène est le plus saillant pour

l’apprentissage de l’article défini et l’article indéfini : les élèves apprennent que l’article défini se

traduit par de ou par het en néerlandais alors que l’article indéfini se traduit par een au singulier et par

un article zéro au pluriel. La langue maternelle des élèves11, à savoir le néerlandais, joue donc un rôle

prépondérant dans l’apprentissage des articles.

Après avoir fait ces observations globales, nous passons à l’analyse détaillée des manuels. Le manuel

utilisé dans la première année de l’école secondaire de notre groupe expérimental est 7 Beaufort (2009)

et celui utilisé dans la deuxième année est Quartier Latin 2 (2012). Le manuel de la première année

mentionne l’article défini et l’article indéfini sans y consacrer beaucoup d’attention. Ces éléments sont

appris avec le vocabulaire. Selon les manuels, la différence entre l’article défini et indéfini se situe au

niveau de la traduction. Cependant, le manuel ajoute qu’après les verbes aimer, adorer et détester, il faut

toujours utiliser l’article défini. L’article partitif reçoit plus d’attention. Néanmoins, la règle présentée

par les manuels scolaires est simplifiée par rapport à celle que l’on retrouve dans les grammaires

françaises. Dans 7 Beaufort (2009), la seule règle fournie est « Tu ne sais pas combien ? Alors tu utilises :

du, de la, de l’, des » (7 Beaufort, 2009 : 215). Ainsi, les manuels scolaires affirment que l’article partitif sert

à référer à une quantité indéterminée. Cette simplification concernant l’emploi de l’article partitif

entraîne déjà une perte d’information puisqu’elle ne tient pas compte des noms abstraits ou de la

massification qu’un nom comptable peut subir en combinaison avec l’article partitif. En outre, tous les

exemples fournis par le manuel touchent un domaine lexical spécifique, à savoir celui de la nourriture

et des boissons. Le manuel néglige donc les noms de matière du type fer, or, bois, etc.

Quant à la forme de, que les grammaires de référence françaises considèrent soit comme un véritable

article, soit comme une réduction des formes du, de la ou des, les manuels pour les apprenants

néerlandophones du FLE fournissent des informations relativement complètes. Comme nous avons vu

11 Le néerlandais n’est pas la langue maternelle de tous les élèves, il y a quelques exceptions. Nous y reviendrons dans la partie empirique.

Page 27: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

25

dans les grammaires de référence françaises la forme de s’utilise dans trois contextes : (1) devant des

noms au pluriel précédés d’un adjectif caractérisant (2) derrière une indication de quantité (3) après

une négation. Tous ces contextes sont mentionnés dans 7 Beaufort (2009). Dans la partie dédiée à la

pluralisation de l’adjectif, le manuel présente la règle concernant l’emploi de de devant des noms au

pluriel précédés d’un adjectif. Dans ce cas, il considère de comme une réduction de l’article indéfini des.

En ce qui concerne l’utilisation de la forme de derrière une indication de quantité, tant les expressions

de quantité nominales que les expressions adverbiales figurent dans les exemples présentés par le

manuel. En outre, le manuel ajoute la règle « Tu sais combien ? Alors tu utilises : de, d’ » (7 Beaufort,

2009 : 216). Cet emploi de de s’oppose donc à l’emploi de l’article partitif : de sert à référer à une

quantité déterminée. Le dernier contexte dans lequel de apparaît est derrière une négation. 7 Beaufort

(2009) signale que les formes un, une, des, du, de la et de l’ se transforment en de ou d’ après une négation,

sauf si le verbe de la phrase est être. Les formes de l’article défini (le, la, l’, les) par contre restent les

mêmes derrière la négation.

Le manuel de la deuxième année, c’est-à-dire Quartier Latin 2 (2012) répète l’emploi de la forme de

derrière une expression de quantité, mais cette fois-ci, le manuel offre uniquement des exemples

d’expressions nominales. De plus, le livre ajoute un emploi spécifique de l’article défini que nous avons

également rencontré dans les grammaires de référence françaises, à savoir l’emploi de l’article défini

pour référer à une possession inaliénable. Comme nous l’avons vu dans le chapitre précédent, ces

possessions inaliénables peuvent référer à des parties du corpus, ou par métonymie à des parties d’un

vêtement ou à des facultés intellectuelles. Pourtant, le manuel scolaire parle uniquement des parties du

corps. Quand un verbe pronominal se combine avec une partie du corps, il faut utiliser l’article défini.

Le manuel souligne la différence avec le néerlandais : en néerlandais, on utilise le déterminant possessif

dans ce contexte.

A côté des manuels, les apprenants néerlandophones du FLE de l’école où nous avons fait passer nos

tests ont également une grammaire appelée Grammaire Trajet (2012). Ils utilisent cette grammaire

pendant toutes les années de l’école secondaire. Cependant, contrairement aux manuels, il n’y a pas

d’exercices qui accompagnent les informations grammaticales fournies dans cet instrument de travail.

Cette grammaire de base sert donc surtout à fournir plus d’informations et d’éclaircissements

concernant les règles qui figurent dans les manuels. En outre, les élèves sont supposés utiliser cette

grammaire de manière autonome.

Il faut cependant souligner que la grammaire consacre beaucoup d’attention aux formes des articles en

accentuant leur morphologie avec des tableaux contenant beaucoup de couleurs. Elle présente

également les formes qui s’élident devant les mots qui commencent par une voyelle ou par un h muet.

En outre, la grammaire souligne qu’en combinaison avec ce type de mots, la liaison doit être réalisée à

l’oral quand l’article est mis au pluriel.

Passons maintenant à l’observation plus détaillée des différents articles présentés dans la Grammaire

Trajet (2012). Dans la partie sur l’article indéfini, la grammaire n’offre aucun renseignement sur son

Page 28: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

26

emploi et se limite à présenter la forme équivalente en néerlandais. Dans cette grammaire, nous

constatons donc le même manque d’information que dans les manuels présentés ci-dessus. Toutefois,

elle mentionne, comme le manuel, la réduction de la forme des à de ou d’ devant un nom au pluriel

précédé d’un adjectif. A propos de l’article défini, la grammaire est plus détaillée. Elle fournit une liste

des emplois de l’article défini là où il n’y a pas d’article en néerlandais. Ainsi, il faut utiliser l’article

indéfini devant les noms de langues, devant les parties du corps, devant les noms de couleurs, devant

les noms géographiques (à l’exception de certaines îles), devant une profession ou un titre suivi d’un

nom propre, devant le nom de certaines fêtes, devant la date, devant une maladie ou après les verbes

aimer, adorer, préférer ou détester. Nous observons donc d’une part certains éléments que nous avions

déjà rencontrés dans les manuels, à savoir l’emploi de l’article défini pour référer à la possession

inaliénable et son emploi avec certains verbes d’affection et d’autre part certains nouveaux éléments

qui s’ajoutent. Cependant, même si cette grammaire fournit déjà plus d’information concernant

l’emploi de l’article défini, il est clair qu’il existe encore beaucoup de lacunes ; elle se concentre surtout

sur la comparaison avec le néerlandais et ne présente pas vraiment les fonctions globales de l’article

défini.

Pour l’article partitif, il y a également une extension d’information par rapport au manuel. La

grammaire ne parle pas uniquement de l’emploi de l’article partitif pour indiquer une quantité

indéterminée, mais également pour indiquer la partie d’un tout ou pour désigner des choses non

comptables. Parmi les exemples, nous rencontrons non seulement des phrases contenant du lexique du

domaine de la nourriture ou des boissons comme dans le manuel, mais également du domaine des

matières et même des mots abstraits. Malgré que la grammaire soit déjà beaucoup plus complète que le

manuel, elle ne mentionne pas la massification que peut déclencher l’article partitif.

A propos de la forme de, nous avons déjà mentionné son emploi devant un nom au pluriel précédé d’un

adjectif. Les autres contextes dans lesquels la forme de apparaît, à savoir après une négation ou derrière

une indication de quantité, sont également présentés dans la grammaire. Celle-ci offre les mêmes

informations que le manuel. Cependant, elle ajoute que le syntagme la plupart constitue une exception à

la règle : cette expression de quantité n’est pas suivie de de, mais des formes du, de la ou des. Nous savons

que les grammaires de référence ajoutent encore plus d’exceptions ; donc de nouveau, il y a un manque

d’information dans les outils de travail scolaires.

La grammaire consacre une dernière partie à l’article zéro, qui est néanmoins très limitée en

comparaison avec la grammaire de Wilmet (1998). Elle mentionne l’absence de l’article derrière ni ou

sans, après des noms propres suivis d’un nombre comme Albert II (Deux) ou Baudouin I (Premier) et dans

certaines expressions telles que avoir faim /soif, avoir besoin de, rendre visite à, porter plainte, à vélo, en train,

en été, etc.

Nous pouvons conclure que la Grammaire Trajet (2012) forme un complément utile aux manuels

scolaires. Cependant, en comparaison avec les grammaires de référence françaises, nous avons observé

encore quelques grands défauts dans les deux types d’instruments de travail. Il y a clairement un

Page 29: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

27

manque d’information concernant les véritables fonctions des articles par rapport aux grammaires

françaises. L’accent se met surtout sur les différences et les similitudes avec le néerlandais et par

conséquent moins sur les règles linguistiques. Dans notre étude, nous examinerons si cette observation

a des conséquences sur l’emploi que les apprenants néerlandophones du FLE de la quatrième et de la

sixième année font des articles. En outre, nous soulignons qu’après la deuxième année de

l’enseignement secondaire, l’article ne fait plus l’objet d’un enseignement explicite : il est considéré

comme étant acquis. Après la deuxième année, la Grammaire Trajet (2012) forme donc un outil encore

plus précieux pour les apprenants étant donné qu’ils peuvent s’appuyer sur cette grammaire-ci s’ils

éprouvent des difficultés ou des hésitations quant à l’emploi de l’article.

3.3. La description pragmatique des articles par Lebas-Fraczak

L’article de Lebas-Fraczak (2009) nous offre, comme la grammaire de Wilmet (1998), une image critique

des critères habituellement proposés par les grammaires classiques pour ensuite présenter une

nouvelle approche possible. Cette approche s’appuie sur une conception pragmatique, constructiviste

et communicative de la langue. En outre, Lebas-Fraczak plaide pour une intégration de cette conception

à la didactique des articles, et plus généralement à l’apprentissage du FLE, pour améliorer la

connaissance et les compétences linguistiques.

Lebas-Fraczak rejette les critères classiques pour l’analyse différentielle des articles. Ainsi, elle repousse

l’opposition entre ‘déterminé’ et ‘indéterminé’, entre ‘connu’ et ‘inconnu’ et, entre ‘unique’ et ‘un

parmi d’autres’ pour distinguer l’article défini et l’article indéfini. De la même manière, elle dénonce

l’opposition entre ‘comptable’ et ‘non comptable’ pour la distinction entre l’article indéfini d’une part

et l’article partitif d’autre part ainsi que l’opposition entre ‘partie’ et ‘tout’ comme base de la

différenciation entre l’article partitif et l’article défini respectivement. En d’autres mots, elle rejette les

critères présentés dans des grammaires telles que Le Bon Usage (Grévisse, 2011) ou la Grammaire

méthodique du français (Riegel, Pellat & Rioul ; 2009) que nous avons présentées dans ce chapitre. Elle

souligne que la langue ne véhicule pas simplement un sens préexistant pour décrire la réalité, mais que

la langue construit un sens dans l’énoncé :

« Ainsi, dans une situation communicative donnée, le locuteur choisit une certaine

façon de parler d’une chose, d’une personne ou d’un fait, en construisant une

certaine image, en s’impliquant et en impliquant l’interlocuteur d’une certaine

façon. » (Lebas-Fraczak, 2009 : 6)

Cette idée forme la base de la conception de Lebas-Fraczak et explique également pourquoi elle rejette

les critères traditionnels pour la différenciation des articles : ceux-ci reflètent directement des

propriétés de la réalité au lieu de se focaliser sur la construction d’une image dans l’énoncé. En outre,

comme les articles sont des morphèmes grammaticaux et non lexicaux, il n’est pas utile de préciser leur

sens. Il convient plutôt d’indiquer les fonctions que les articles exercent dans la construction du sens.

La fonction d’un article est donc a priori de contribuer à la construction d’un référent. L’absence

Page 30: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

28

d’article par contre ne contribue pas à une référenciation. L’article zéro attribue au nom un statut

moins central ou dé-focalisé que l’article indéfini ou défini. C’est donc la présence ou l’absence de

l’article qui oriente l’attention de l’interlocuteur respectivement sur le nom qu’il accompagne ou sur

autre chose. Ainsi, dans le syntagme nominal un verre à vin, le locuteur réfère à un certain type de verre.

Le sens de vin est dé-focalisé, son référent n’est pas pertinent. Dans son article de 2011, Lebas-Fraczak

explique ce phénomène de manière détaillée (voir chapitre 2 ; section 2.2.). Pour la différenciation

entre l’article défini, indéfini et partitif, le linguiste introduit les critères de ‘présupposition’ et de

‘particularisation’.

Le critère de la présupposition est introduit pour distinguer entre l’article défini d’une part et l’article

indéfini et l’article partitif d’autre part. Avec l’article défini le référent est présupposé alors qu’avec les

autres articles le référent est non présupposé. La présupposition part de l’idée qu’il y a un ‘terrain

commun’ (‘common ground’) de connaissance que les locuteurs partagent. Cependant, l’emploi de

l’article défini ne reflète pas toujours de manière fidèle la réalité. Ainsi l’article défini n’implique pas

nécessairement que le référent est connu de l’interlocuteur. Il peut forcer la réalité : le locuteur

présente les informations que l’énoncé présuppose comme acceptées par l’interlocuteur, que ce soit

conforme à la réalité ou non. Le contenu présupposé doit simplement être acceptable pour l’auditeur

sans qu’un éclaircissement soit nécessaire. Il y a plusieurs sources possibles de la présupposition :

(1) l’anaphore. Le référent a déjà été introduit dans le discours. (ex. J’ai rencontré un homme dans le

supermarché. L’homme était aimable.)

(2) l’anaphore associative. Dans ce cas, il existe une association entre le référent et un élément qui a été

mentionné plus tôt dans le discours. (ex. J’ai acheté une voiture, le coffre est très spacieux.)

(3) l’emploi déictique. Cet emploi implique que le référent est présent dans le contexte

extralinguistique (ex. Passe-moi le sel, s’il te plaît)

(4) la connaissance générale. Dans le syntagme le chien de mon voisin par exemple, l’emploi de l’article

défini est acceptable parce qu’on sait qu’un voisin peut avoir un chien.

(5) la connaissance spécifique. Ainsi, l’emploi de l’article défini est possible dans la phrase suivante Où

as-tu garé la voiture si l’interlocuteur sait de quelle voiture il s’agit.

En ce qui concerne les énoncés génériques, l’élément présupposé est une catégorie. En outre, l’emploi

catégoriel en combinaison avec l’article défini est contrastif et peut se paraphraser par « c’est cette

catégorie-là qui nous intéresse et pas une autre » (Lebas-Fraczak, 2009 : 12).

Pour la distinction entre l’article indéfini et l’article partitif, Lebas-Fraczak introduit la notion de

particularisation. En combinaison avec l’article indéfini, le référent est particularisé, alors qu’avec

l’article partitif, le référent est non particularisé. La particularisation pourvoit le référent donc d’un

statut ‘particulier’. Il est possible d’illustrer ce phénomène grâce à l’adjectif particulier ou à d’autres

adjectifs avec un sens particularisant comme étrange, exceptionnel, incroyable, etc. Ces adjectifs dotent le

Page 31: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

29

référent d’un statut ‘particulier’ et s’associent donc mieux avec l’article indéfini qu’avec l’article

partitif. En outre, la particularisation se lie également à la focalisation. Un nom introduit par un article

indéfini est focalisé davantage qu’un nom introduit par un article partitif.

Le tableau ci-dessous résume l’approche pragmatique de la différenciation entre les articles à partir des

notions de référenciation, présupposition et particularisation:

Article Référenciation Présupposition Particularisation Exemples

aucun – Le droit de visite

Un verre à vin

du / de la + – – Il a reçu de la visite

Nous avons bu du bon vin

un / une/ des + – + Il a reçu une visite

Nous avons bu un bon vin

le / la / les + + – La visite (de sa fille) a été courte

J’aime le vin

Tableau 5. Critère pragmatique pour l'analyse différentielle des articles (Lebas-Fraczak, 2009: 7)

Il est très clair que l’intention communicative et l’intercompréhension entre le locuteur et

l’interlocuteur sont primordiales dans l’approche pragmatique et dans les nouveaux critères de

différenciation entre les articles présentés par Lebas-Fraczak (2009).

Page 32: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

30

PARTIE II. Partie empirique

Page 33: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

31

Introduction de la partie empirique

Dans cette deuxième partie, nous analyserons les résultats des tests dont notre corpus est constitué. Le

but est de vérifier s’il y a vraiment une surgénéralisation de l’article défini au détriment de l’article

indéfini et de l’article zéro chez les apprenants néerlandophones du français langue étrangère de la

quatrième et de la sixième année de l’école secondaire. De plus, nous examinerons si les élèves de la

sixième année maîtrisent mieux l’emploi des articles que ceux de la quatrième année et si les filles ont

vraiment un meilleur sentiment linguistique que les garçons. Pour la réalisation de ces objectifs, nous

commencerons d’abord par expliquer comment nous avons constitué notre corpus et chez quels

apprenants nous avons fait passer les tests. Puis, nous offrirons un aperçu global des résultats pour

ensuite entrer plus en détail.

Page 34: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

32

Chapitre 1. La constitution du corpus

1.1. Les informateurs

Notre corpus est composé de 90 tests remplis par des élèves de l’école secondaire ‘Petrus & Paulus

campus Centrum - Onze-Lieve-Vrouwecollege’ à Ostende12. Parmi ces 90 élèves, il y a 42 élèves de la

quatrième et 48 élèves de la sixième année. Des 90 élèves, 39 sont des filles et 51 des garçons. En

quatrième année, 17 élèves suivent la direction économie et 25 la direction sciences. Parmi ceux de la

sixième année, 15 élèves suivent la direction langues modernes-sciences, 12 la direction latin-

mathématiques, 1 élève la direction économie-mathématiques et 21 la direction sciences (dont 7 élèves

ont huit heures de mathématiques par semaine et 14 élèves six heures). Tous les informateurs de la

quatrième année ont quatre heures de français par semaine, alors que ceux de la sixième année ont

trois heures de français par semaine13. Les élèves vivent essentiellement dans un milieu monolingue,

donc les manuels, la Grammaire Trajet (2012) et les supports pédagogiques en général, complétés par

l’input linguistique des enseignants, constituent les sources principales de l’apprentissage du FLE.

Cependant, nos informateurs ne vivent pas tous dans un milieu monolingue : à la maison, 17 des 90

élèves parlent une autre langue que le néerlandais avec au moins un membre de leur famille. De ce

groupe d’élèves, trois enfants parlent français avec leur mère14. Néanmoins, ils ont tous les trois indiqué

que leur langue maternelle est le néerlandais et comme cette langue a clairement influencé leurs

réponses, nous avons considéré ces élèves également comme des apprenants du FLE. Le plus grand

groupe d’élèves issus d’un milieu plurilingue parlent le russe : pas moins de sept des dix-sept élèves

parlent cette langue à la maison15. D’autres langues mentionnées par nos informateurs sont le tibétain,

l’arménien, le persan, le turc, le ourdou, l’allemand et le mongol16 ; chacune de ces langues est parlée

par un seul élève.

1.2. Le développement du pré-test et du test définitif

Pour la vérification de nos hypothèses, nous avons élaboré un test spécialement axé sur l’étude de

l’emploi des différents articles, c’est-à-dire l’article défini, l’article indéfini, l’article partitif, l’article

zéro et la forme de. En outre, nous avons tenu à tester la connaissance des articles dans plusieurs

contextes : le test ne serait en effet pas très pertinent si l’article défini ou indéfini figurait uniquement

dans des emplois génériques ou l’article partitif uniquement avec des noms prototypiquement massifs.

12 Coordonnées: Onze-Lieve-vrouwecollege, Vindictivelaan 9, Ostende, Belgique ; +32 59 70 10 22; [email protected] 13 Une année scolaire comporte normalement 32 semaines de travail. Cela implique que les élèves de la sixième année ont deux années d’avance de plus ou moins cent heures de cours de français (3 heures par semaine) par rapport aux élèves de la quatrième année. 14 Il s’agit des copies 61, 63 et 83. 15 À savoir les élèves des copies 4, 13, 18, 19, 30, 50 et 82. 16 Il s’agit respectivement des copies 3, 14, 35, 36, 44, 49 et 85.

Page 35: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

33

L’élaboration d’exercices appropriés est donc un travail délicat. Pour cette raison, nous avons d’abord

rédigé un pré-test que nous avons ensuite perfectionné en élaborant le test définitif.

Le pré-test est composé de deux grandes parties. La première partie porte sur les données

biographiques et sur le profil de chaque informateur : les élèves ont dû indiquer leur nom et prénom,

leur formation à l’école, leur âge, leur sexe, leur langue maternelle, la langue parlée à la maison et le

degré de scolarisation de leurs parents. La deuxième partie contient trois types d’exercices qui visent à

tester la connaissance des articles. Le premier exercice est un exercice de traduction : les élèves sont

censés traduire un certain nombre de phrases du néerlandais au français. Le deuxième exercice est

composé de phrases où les élèves ont dû remplir l’article approprié. Le dernier exercice est un exercice

de correction : les élèves ont reçu des phrases dont ils ont dû vérifier l’exactitude. En cas d’erreur(s)

leur tâche était de les corriger. Après l’élaboration de ce pré-test, six élèves de la quatrième et treize

élèves de la sixième année l’ont passé. Ensuite, nous avons analysé les résultats et regardé comment

nous pouvions améliorer le test.

Pour le test définitif, nous avons conservé la structure du pré-test : le test définitif contient également

deux grandes parties et trois types d’exercices. Néanmoins, le contenu a été perfectionné. Nous avons

éliminé certains exercices en les remplaçant par d’autres afin d’avoir plus d’équilibre entre le nombre

de chaque type d’article et les différents contextes. En outre, nous avons précisé dans le deuxième

exercice que les vides sont à remplir par un article défini, indéfini, partitif ou la forme de, étant donné

que dans le pré-test certains élèves avaient rempli les trous par des déterminants démonstratifs ou

possessifs. Le test final contient dix exercices concernant l’article partitif, onze concernant l’article

indéfini singulier, cinq concernant le pluriel, seize à propos de l’article défini singulier, six à propos du

pluriel de cet article et huit en ce qui concerne l’article zéro. Quant à la forme de, nous avons distingué

quatre contextes : nous avons cinq exercices où un adjectif précède le substantif au pluriel, cinq

exercices avec une négation, six exercices où il y a une expression de quantité (dont quatre expressions

adverbiales et deux expressions nominales) et deux exercices qui forment une exception quant à

l’expression de quantité (la plupart et bien).

1.3. Le traitement des données en Excel

A partir de ces exercices, nous avons fait une analyse quantitative des données en Excel. L’extrait ci-

dessous montre la manière dont nous avons traité les données :

Type d'exercice: A =

traduction; B =

complétez les

phrases; C = corrigez

élève classe âge fille/g

arçon

mono

/pluril

ingue

diplô

me

mère

diplô

me

père

NL FR FORME DE LE

(LA)

UN

(UNE)

DES DE ø DE ø

ADJ

NEG DE

ø

QUANT

DE ø

DE

prép

LES

DE

prép ø

LE (LA) LES ø AUTRE

A. Traduction T1 4ECO2 15 G M H H Je déteste le café, c’est pourquoi

je bois toujours du lait. ø du DE LE 1

T2 4ECO2 15 G M U U Je déteste le café, c’est pourquoi

je bois toujours du lait. ø du DE LE 1T3 4ECO2 16 G P S S Je déteste le café, c’est pourquoi

je bois toujours du lait. ø du DE LE 1

Figure 2. Extrait du traitement de notre corpus dans le fichier Excel

Page 36: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

34

Nous avons choisi d’indiquer par exercice ce que chaque élève a rempli avec les indications

sociolinguistiques. Dans la première colonne, nous avons indiqué de quel type d’exercice il s’agit, dans

la deuxième colonne le numéro de chaque élève et dans les colonnes trois à huit les informations de

leur profil sociolinguistique17. Ensuite, nous avons transcrit la phrase avec une indication de la forme

examinée, suivie de la traduction de cette forme en néerlandais et la représentation de la forme

correcte en français. La réponse donnée par les apprenants est représentée dans les colonnes suivantes

et les cases correctes par type d’emploi sont marquées en vert. Après l’introduction de toutes ces

données, nous avons calculé par exercice combien de réponses de chaque type nous avons récolté. En

outre, nous avons distingué, pour chaque exercice, les résultats de la quatrième et de la sixième année,

ainsi que les réponses données par les filles et par les garçons. Finalement, nous avons élargi nos

analyses en calculant le nombre et le type de réponses données par article, plutôt que par exercice. A

partir de ce traitement en Excel, nous avons exécuté notre analyse.

17 Pour la légende, voir le fichier Excel en annexe.

Page 37: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

35

Chapitre 2. Analyse globale de notre corpus

Dans ce chapitre, nous discuterons de manière générale les résultats obtenus grâce à nos tests. Nous

commencerons par l’analyse de l’emploi de l’article indéfini dans notre corpus. Afin de visualiser nos

observations, nous avons créé des graphiques avec les résultats18 :

Il est possible de déduire du premier graphique qu’il y a un certain suremploi de l’article défini

singulier au détriment de l’article indéfini singulier. Cette tendance a également été observée par

Larrivée (2004) chez des apprenants anglophones (voir la partie théorique : chapitre 2 ; section 2.2.). Il

est clair que les élèves ont parfois des doutes concernant le choix de l’article correct. Ainsi, ils préfèrent

assez souvent (dans 29% des cas) l’emploi de l’article défini au lieu d’utiliser l’article indéfini. La

différence entre l’emploi de l’article indéfini et l’article défini n’est donc pas toujours claire pour les

apprenants néerlandophones du FLE. Toutefois, dans la majorité des cas, les élèves réussissent à utiliser

l’article correct. Dans la section suivante, nous vérifierons s’il existe par exemple une différence entre

l’emploi de l’article dans des contextes génériques ou spécifiques.

Regardons maintenant les résultats de l’article indéfini pluriel. Tout d’abord, il faut dire qu’au pluriel, il

y a moins de variation dans le choix des articles par les élèves (5 types différents). En revanche, lorsque

la réponse correcte comporte un article au singulier, nous avons rencontré un plus grand nombre de

réponses diversifiées (7 types). Cela est logique puisqu’avec un nom au pluriel, il y a moins d’options

possibles : soit il faut utiliser les, soit des, soit l’article zéro, soit la forme de. Au singulier par contre, il s’y

ajoute l’article partitif, qui a au pluriel la même forme que l’article indéfini pluriel. En regardant le

graphique, nous constatons que l’emploi de l’article indéfini pluriel ne constitue pas énormément de

problèmes pour les apprenants néerlandophones du FLE. Une grande majorité de 82% a indiqué la

réponse correcte. Contrairement à ce que nous avons rencontré au singulier, l’observation faite par

Larrivée (2004) chez des anglophones n’est pas valable pour les apprenants néerlandophone du FLE : il

n’y a pas de surgénéralisation de l’emploi de l’article défini les au détriment de l’article indéfini des.

18 De temps en temps, il est possible d’observer dans les graphiques une petite colonne colorée malgré l’indication du 0%. Cela s’explique par le fait que les résultats sont arrondis, le véritable pourcentage dans ces cas se trouve entre 0,1% et 0,4%,.

Graphique 2. Résultats globaux de l'article indéfini singulier Graphique 2. Résultats globaux de l'article indéfini pluriel

Page 38: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

36

Dans ce qui suit, nous comparons ces résultats avec ceux de l’article défini :

Au singulier, l’emploi de l’article défini semble être mieux maîtrisé que l’emploi de l’article indéfini. Pas

moins de 67% des apprenants a réussi à donner la bonne réponse pour l’article défini, alors que pour

l’article indéfini seulement 54% a réussi à répondre correctement. En outre, il faut souligner qu’il y a

deux grands groupes de réponses, données par les apprenants néerlandophones du FLE, dans les

exercices concernant l’emploi de l’article défini singulier, à savoir la réponse correcte d’une part et

l’article zéro d’autre part. Dans ces types d’exercices, les élèves n’hésitent donc pas entre l’article défini

et l’article indéfini, comme ils l’ont fait dans les exercices où il fallait choisir l’article indéfini, mais

entre l’article défini et l’article zéro. Ce phénomène est frappant puisque, selon la théorie de Lebas-

Fraczak (2009, 2011), l’absence de l’article attribue au nom un statut moins saillant que l’article indéfini

ou défini. Il serait donc plus logique de trouver une alternance entre l’article défini et l’article indéfini,

qui attribuent tous les deux un statut focalisé au nom. Il est probable que l’emploi de l’article zéro

auprès de noms contextellement saillants résulte de l’influence du néerlandais. Nous examinerons cette

hypothèse de manière détaillée dans la section suivante.

Au pluriel, les résultats sont encore plus étonnants. Seulement 56% des élèves a employé l’article

approprié. Cette constatation est étonnante : nous nous étions attendue à une surgénéralisation de

l’article défini, conformément aux constatations de Larrivée (2004) et de Lebas-Fraczak (2011).

Contrairement à leurs observations, nous voyons plutôt un emploi remarquable de l’article indéfini

pluriel au détriment de l’article défini pluriel. En outre, nous observons un pourcentage considérable

de réponses dans la catégorie ‘autres’. Cela s’explique par le fait que l’emploi possessif de l’article défini

n’est pas encore bien maîtrisé, comme nous le verrons dans la section suivante.

Graphique 4. Résultats globaux de l'article défini singulier Graphique 4. Résultats globaux de l'article défini pluriel

Page 39: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

37

Quant à l’article partitif, les tests ont mené aux résultats intégrés dans le graphique ci-dessous :

Dans notre analyse des manuels scolaires (voir la partie théorique : chapitre 3 ; section 3.2), nous avons

observé que l’explication concernant l’emploi de l’article partitif fournie par ces livres-ci est très

limitée. La seule fonction décrite pour cet article est qu’il s’utilise pour indiquer une quantité

indéterminée. La grammaire scolaire qui complète les manuels et les cahiers d’exercices, à savoir la

Grammaire Trajet (2012), donne plus d’informations pour l’emploi de l’article partitif. Cependant, comme

les élèves sont censés utiliser cette grammaire de manière autonome, nous ne savons pas avec quelle

fréquence ils la consultent. En dépit de la simplification de l’explication en ce qui concerne l’emploi de

l’article partitif dans les manuels et malgré le côté « auto-apprentissage » de certaines points de

grammaire, la majorité des apprenants, à savoir un 57%, a réussi à donner la réponse correcte dans les

exercices. Néanmoins, l’emploi de l’article partitif n’est pas maîtrisé de manière complète, un grand

nombre d’élèves commet encore des erreurs. Le graphique montre qu’il y a un emploi considérable de

l’article défini (17%) aux dépens de l’article partitif. Dans le chapitre qui suit, nous regarderons de plus

près dans quels contextes les apprenants néerlandophones du FLE ont éprouvé des difficultés et dans

quelles situations ils n’ont pas eu de problèmes.

Passons à l’analyse globale de l’article zéro :

Le graphique montre que l’emploi de l’article zéro est assez bien maîtrisé. 63% a correctement utilisé ce

type d’article. A partir de l’observation faite par Lebas-Fraczak (2012) chez des apprenants polonais,

Graphique 6. Résultats globaux de l'article zéro

Graphique 5. Résultats globaux de l'article partitif

Page 40: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

38

nous avons établi l’hypothèse que les apprenants néerlandophones privilégient l’article défini au

détriment de l’absence d’article. Notre corpus montre en effet que nos élèves utilisent souvent, dans

19%, l’article défini au lieu de l’article zéro. De plus, ce n’est pas uniquement l’article défini qui

s’emploie souvent au détriment de l’absence de l’article, mais aussi l’article indéfini. Ce dernier s’utilise

dans 14% des cas, dans une position où il ne faut pas d’article. Il sera intéressant d’étudier dans le

chapitre suivant les contextes dans lesquels les erreurs se manifestent afin de voir si celles-ci sont

causées par l’influence du néerlandais ou plutôt par les défauts dans les outils de travail scolaires, qui

ne présentent que peu de contextes dans lesquels l’article zéro apparaît.

Finalement, nous analyserons de manière générale les différents emplois de la forme de. Comme nous

l’avons noté dans la partie théorique, il existe trois contextes dans lesquels cette forme apparaît : (1)

devant des noms au pluriel précédés d’un adjectif caractérisant, (2) après une négation ou (3) derrière

une indication de quantité. Dans notre corpus nous avons distingué ces trois types d’emploi, ainsi que

des situations qui forment une exception à ce dernier contexte. Commençons par l’analyse de l’emploi

de la forme de devant un nom au pluriel précédé par un adjectif :

Il est très clair que ce contexte spécifique constitue une difficulté énorme pour les apprenants

néerlandophones du FLE : seulement 7% des élèves a utilisé de manière correcte la forme de dans les

exercices, alors que 58% d’entre eux a utilisé fautivement l’article indéfini pluriel des. Dans 19% des cas,

c’est l’article défini pluriel les qui a été retenu par les élèves. Pourtant, la règle concernant l’emploi de la

forme de devant un nom au pluriel précédé par un adjectif est présentée dans le manuel de la première

année de l’école secondaire, c’est-à-dire 7 Beaufort (2009). Donc, malgré le fait que la règle est enseignée,

les élèves ne l’appliquent pas ou presque pas. En outre, dans l’exercice de traduction où les élèves ont

dû traduire quelques phrases du néerlandais au français, nous avons constaté une tendance à la

postposition de l’adjectif dans ces contextes. Nous analyserons cette observation et les différents

emplois de manière plus détaillée dans le chapitre suivant.

Graphique 7. Résultats globaux de l'emploi de la forme de devant un nom au pluriel précédé par un adjectif

Page 41: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

39

Les résultats de l’emploi de la forme de après une négation sont incorporés dans le graphique ci-

dessous :

Ce contexte pour la forme de est déjà mieux maîtrisé que le contexte discuté ci-dessus, à savoir l’emploi

de de devant un nom au pluriel précédé d’un adjectif, mais il n’est pas encore entièrement acquis

puisque l’article indéfini pluriel a été utilisé dans plus d’exercices que la forme correcte de. La forme de

s’utilise dans 36% d’exercices alors que des a été employé dans 38% des cas. Il est important de

déterminer la nature des contextes négatifs dans lesquels la forme de se manifeste. Dans la section qui

suit, nous analyserons les différents types de négation (ne pas et ne plus) et, de plus, nous regarderons

s’il y a des différences entre l’emploi de l’article lorsque le nom qui suit figure au singulier ou au pluriel.

Passons au dernier contexte où l’emploi de la forme de se manifeste, à savoir derrière une indication de

quantité :

Des trois contextes possibles dans lesquels de apparaît, celui-ci est clairement le mieux maîtrisé : 66%

d’élèves a réussi à remplir la forme correcte. Les autres réponses régulièrement utilisées sont l’article

partitif d’une part et l’article indéfini d’autre part. Cette observation nous apprend qu’avec un nom au

singulier, les élèves doutent du choix entre la forme de et l’article partitif et avec un nom au pluriel ils

hésitent entre l’emploi de la forme de et l’article indéfini. Le choix pour l’article partitif n’étonne pas au

regard de l’explication fournie par les manuels scolaires. Ceux-ci mettent l’accent sur le fait que

l’article partitif s’utilise avec une quantité indéterminée. Dans la section suivante nous examinerons

Graphique 8. Résultats globaux de l'emploi de la forme de après une négation

Graphique 9. Résultats globaux de l'emploi de la forme de derrière une indication de quantité

Page 42: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

40

cette idée de façon plus approfondie et nous regarderons si les apprenants néerlandophones utilisent

les articles de manière différente avec des expressions de quantité nominales ou adverbiales. En outre,

comme nous l’avons déjà mentionné auparavant, nous avons inséré dans notre test deux exercices qui

forment une exception à cette règle : avec la plupart et bien, deux expressions de quantité, il ne faut pas

utiliser la forme de, mais les formes du, de la ou des. Dans les exercices de notre test, la réponse correcte

était toujours des. Regardons les résultats de notre corpus :

Moins de la moitié des élèves est parvenu à remplir la réponse correcte des, ce qui n’est pas surprenant

puisque cet emploi forme une exception à la règle générale qui dit que la forme de doit suivre une

expression de quantité. Dans 17% des cas, les apprenants néerlandophones du FLE appliquent

fautivement cette règle en optant pour la forme de. Le phénomène le plus étonnant dans cette situation

est le nombre élevé d’apprenants qui ont complété les exercices par l’article défini pluriel les. Dans 27%

des cas, les élèves ont utilisé cette forme. Dans la section qui suit nous essayerons de trouver une

explication pour ce choix surprenant de l’article défini pluriel.

Nous pouvons conclure de cette analyse globale des résultats que l’emploi des articles constitue encore

énormément de problèmes. Seul l’article indéfini pluriel semble être maîtrisé de manière satisfaisante

avec 82% de réponses correctes. Les autres résultats fluctuent entre 7% et 67% de résultats corrects,

allant donc d’une mauvaise maîtrise de l’article à une assez bonne maîtrise. L’emploi des articles

implique un jeu de nuances qui est très difficile à incorporer dans la connaissance linguistique. Dans les

stades de développement, nous situerions donc l’acquisition de toutes les nuances liées aux articles

plutôt dans une phase finale. En outre, la surgénéralisation de l’article défini au détriment de l’article

indéfini et l’absence de l’article observée dans les articles de Larrivée (2004) et Lebas-Fraczak (2011) est

en grande partie confirmée par notre corpus pour l’article zéro et pour l’article indéfini singulier.

Cependant, au pluriel nous avons plutôt constaté une tendance inverse : l’article indéfini des est

souvent utilisé au détriment de l’article défini les. Dans la section suivante, nous proposerons une

analyse approfondie de notre corpus.

Graphique 10. Résultats globaux de la forme de derrière la plupart ou bien

Page 43: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

41

Chapitre 3. Analyse détaillée de l’emploi des différents articles dans

notre corpus

Après la première analyse globale des résultats de notre corpus, nous nous focaliserons maintenant sur

les différents contextes dans lesquels les articles apparaissent afin de déterminer les facteurs sous-

jacents aux choix des apprenants néerlandophones du FLE. Nous traiterons successivement de l’article

défini, indéfini, partitif, zéro et de la forme de.

3.1. L’emploi de l’article défini

3.1.1. L’emploi de l’article défini singulier

Comme nous l’avons observé dans l’analyse globale, l’article défini singulier est utilisé de manière

correcte dans 67% des cas. Cependant, ce chiffre est une moyenne et il existe donc des extrêmes.

Commençons par la présentation des exercices où les élèves ont presque tous utilisé correctement

l’article indéfini :

Phrase LE (LA)

1 La semaine prochaine, je n’ai pas le temps d’aller au marché et d’acheter deux kilos de

tomates.

99%

2 La semaine prochaine, je n’ai pas le temps d’aller au marché et d’acheter deux kilos de

tomates.

98%

3 Le capitaine Haddock a peu de patience quand il a mal à la tête. 83%

4 J’adore le rouge. 94%

5 Il faut que le livre cesse d’être une marchandise comme une autre. 89%

6 De gros nuages gris couvrent le ciel. 87%

7 Je cherche un enfant blond pour tenir le rôle de Cupidon. 83%

8 La baleine est un mammifère. 98%

D’après ce tableau, les élèves réussissent à utiliser l’article défini de manière satisfaisante tant dans des

contextes spécifiques, comme dans 1, 2, 3, 6 et 7, que dans des contextes génériques, comme dans 4, 5 et

8. Même dans un contexte particulier, tel qu’illustré dans la phrase 3 où l’article défini se rapproche du

possessif, les élèves n’ont pas de problèmes. Seulement 4% des élèves a utilisé le possessif dans cette

phrase. Avec l’article défini singulier, les apprenants néerlandophones du FLE n’éprouvent donc pas

difficulté avec ces contextes particuliers. Cependant, l’emploi de l’article défini est parfois encore

problématique. Dans l’analyse globale, nous avons observé que dans 19% des cas les élèves ont utilisé

l’article zéro au lieu de l’article défini. Le graphique suivant montre les cas où l’article zéro a été utilisé

abondamment :

Page 44: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

42

Phrase Ø LE (LA)

1 Le capitaine Haddock a peu de patience quand il a mal à la tête. 91% 3%

2 Le président Hollande est malade depuis le 27 septembre. 99% 0%

Le graphique révèle que presque tous les élèves (91% d’une part et 99% d’autre part) utilisent dans ce

contexte spécifique l’article zéro au lieu de l’article défini. Or, cet emploi de l’article défini est décrit

dans la grammaire scolaire Grammaire Trajet (2012), employée dans l’école où nous avons fait passer nos

tests (voir la partie théorique : chapitre 3 ; section 3.2.) : « il faut utiliser l’article défini devant des titres

ou des professions suivis d’un nom propre ». Comme nous l’avons déjà remarqué auparavant, les

apprenants sont censés consulter cette grammaire de manière autonome. En conséquence, il n’y a pas

de garantie que les élèves le font réellement. Donc, malgré le fait que cet emploi est présenté dans la

grammaire, les apprenants ne le maîtrisent pas. Ils se laissent guider par l’influence du néerlandais : en

néerlandais, on n’utilise pas d’article dans cette situation.

Notre corpus comporte un autre exercice où la réponse correcte, c’est-à-dire l’article défini singulier,

apparaît dans une minorité frappante, cette fois-ci à l’avantage de l’emploi de la forme de :

Dans la phrase La semaine prochaine, je n’ai pas le temps d’aller au marché et d’acheter deux kilos de tomates,

seulement 12% des apprenants néerlandophones du FLE a réussi à utiliser l’article approprié. La forme

la plus populaire dans ce contexte est de et cela n’est pas étonnant car le contexte négatif est

effectivement un des contextes dans lequel la forme de apparaît. Ici, nous constatons donc un suremploi

de la règle générale dans un contexte où cette règle ne s’applique pas. En effet, la forme appropriée est

l’article défini puisque le syntagme avoir le temps forme une expression figée. En outre, dans les

réponses l’article partitif est employé autant de fois que la forme correcte. Cette réponse aussi

s’explique facilement. La règle fournie par le manuel 7 Beaufort (2009) dit que l’article partitif s’utilise

quand la réponse à la question ‘Tu sais combien ?’ est ‘non’. Comme le mot abstrait temps réfère à

quelque chose qu’on ne peut pas délimiter, il n’est pas surprenant que 12% des élèves aient utilisé

l’article partitif devant ce mot.

Graphique 11. Résultats de l'exercice 'La semaine prochaine, je n'ai pas le temps d'aller au marché et d'acheter deux kilos de tomates'

Page 45: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

43

Nous avons déjà fait allusion aux exercices où dans presque tous les cas la réponse est l’article zéro.

Cependant, les résultats ne sont pas toujours si univoques. Dans certains exercices, les élèves hésitent

entre l’article défini singulier, qui est la réponse correcte, et l’article zéro. Ainsi, dans la phrase Le

saumon est une sorte de poisson, nous avons relevé les résultats suivants :

61% des apprenants a trouvé la réponse correcte. Néanmoins, 29% n’a pas utilisé d’article. Ce

phénomène est dû à l’influence du néerlandais, langue dans laquelle on n’emploie pas d’article dans ce

contexte. Cependant, nous avons rencontré une situation similaire où cette hésitation ne se manifeste

pas. Ainsi, dans l’exercice La semaine prochaine, je n’ai pas le temps d’aller au marché et d’acheter deux kilos de

tomates, 99% des élèves a réussi à utiliser l’article approprié alors qu’en néerlandais on n’utilise pas non

plus d’article. Nous supposons que cette divergence s’explique par le fait que le syntagme la semaine

prochaine s’utilise beaucoup dans le contexte scolaire par exemple lorsque le professeur donne un

devoir ou qu’il annonce des activités futures (ex. Pour la semaine prochaine vous devez écrire un essai ; La

semaine prochaine nous corrigerons cet exercice ; etc.)

Un autre contexte où les élèves semblent douter entre l’emploi de l’article défini et l’emploi de l’article

zéro concerne les dates. Nous avons intégré deux exercices de ce type dans notre test :

Malgré le contexte similaire des deux exercices, les résultats diffèrent de manière frappante, ce qui est

probablement une conséquence du type d’exercice. Les deux exemples apparaissent dans l’exercice où

Graphique 12. Résultats de l'exercice 'Le saumon est une sorte de poisson’

Graphique 13. Résultats de l'exercice 'Mardi le 18 juin, c'est mon anniversaire'

Graphique 14. Résultats de l'exercice 'Le président Hollande est malade depuis le 27 septembre'

Page 46: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

44

les élèves devaient corriger les phrases, si nécessaire. Dans Mardi le 18 juin, c’est mon anniversaire, l’article

défini avait été omis et les élèves étaient censés l’ajouter. En revanche, dans l’autre phrase, l’article

était présent ; les élèves ne devaient donc rien adapter. De ces résultats, nous ne pouvons pas déduire

que les apprenants ne connaissent pas la règle puisque presque personne n’a changé l’article défini en

un article zéro. Ce qui semble difficile pour les apprenants, ce n’est pas nécessairement l’emploi de

l’article défini devant les dates, mais plutôt la correction de l’omission. Il serait certes intéressant

d’étudier le rôle de la nature de la tâche de façon plus détaillée dans de futures recherches.

Finalement, nous avons encore relevé deux cas où il y a des hésitations entre l’article indéfini et

l’article partitif :

La première phrase, à savoir Il a le courage de mettre fin à ces absurdités, figure dans l’exercice de

correction. Comme la phrase est correcte, les apprenants ne devaient pas l’adapter. Cependant, 29% des

élèves ont considéré cette phrase comme fautive et ont changé l’article défini en un article partitif. Cela

s’explique par le fait qu’en général le mot abstrait courage s’utilise avec l’article partitif (par ex. Elle a du

courage). Ici, ce mot est employé avec l’article défini à cause du cotexte intralinguistique. Si un mot

prototypiquement massif se combine avec un complément, comme dans cet exercice, il doit être

précédé d’un article défini ou indéfini. Cette règle ne semble donc pas maîtrisée par les élèves.

Passons à l’autre exercice. D’après les manuels et la grammaire scolaires, il faut utiliser l’article défini

après des verbes tels que aimer, adorer, détester, etc. Nous voyons que 54% des élèves a correctement

appliqué cette règle. Cependant, 29% des apprenants a utilisé l’article partitif. Pourtant, nous supposons

qu’ils connaissent la règle : dans l’exercice J’adore le rouge (voir supra) pas moins de 94% des apprenants

a correctement utilisé l’article défini. Cette constatation implique que la différence entre ces deux

exercices se situe au niveau du mot qui suit l’article. En effet, la grammaire scolaire Grammaire Trajet

(2012) mentionne explicitement que les noms de couleurs sont toujours précédés d’un article partitif.

En outre, lorsque les manuels présentent l’explication sur l’emploi de l’article partitif, ils l’illustrent

très souvent à l’aide de mots qui proviennent du domaine lexical des boissons ou de la nourriture et

donnent de cette façon l’illusion que ces mots s’utilisent toujours avec un article partitif. Il n’est donc

pas étonnant qu’un certain nombre d’apprenants utilisent l’article partitif devant le mot café, alors

Graphique 15. Résultats de l'exercice 'Il a le courage de mettre fin à ces absurdités’

Graphique 16. Résultats de l'exercice 'Je déteste le café, c'est pourquoi je bois toujours du lait'

Page 47: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

45

qu’ils utilisent presque tous l’article défini devant le mot rouge. Nous voyons également que 11% n’a pas

utilisé d’article, ce qui est sans doute lié à un transfert négatif du néerlandais.

3.1.2. L’emploi de l’article défini pluriel

Comme nous l’avons fait pour l’article défini singulier, nous commençons par présenter les exercices

dans lesquels les apprenants n’ont presque pas eu de problèmes :

Phrase LES DES

1 Il n’y a plus de rideaux devant les fenêtres. 92% 6%

2 Pendant les vacances, nous avons fait un voyage en France. 80% 19%

Nous constatons que les emplois standards de l’article défini sont maîtrisés dans respectivement 92% et

80% des cas. L’emploi de l’article défini indique que les interlocuteurs savent de quelles fenêtres et de

quelles vacances il s’agit. Cependant, 19% des apprenants néerlandophones du FLE ont employé l’article

indéfini dans la deuxième phrase bien que cet emploi soit impossible. L’article défini pluriel est donc

presque, mais pas complètement, maîtrisé.

Passons aux emplois plus spécifiques de l’article défini. Comme nous l’avons explicité dans le chapitre

précédent, l’emploi de l’article indéfini peut se rapprocher de celui du possessif dans des cas de

possessions inaliénables. Le manuel Quartier Latin 2 (2012) souligne qu’il faut utiliser l’article défini si le

verbe pronominal se combine avec un nom qui désigne une partie du corps. Selon nous, il serait mieux

de préciser que dans le cas où le nom désignant une partie du corps est introduit par l’article défini, le

verbe prend la forme pronominale pour désigner le possesseur de cette partie du corps. Nous avons

intégré deux exercices de ce type dans le corpus :

La phrase dans le graphique 17 figurait en néerlandais dans l’exercice de traduction et les élèves

devaient la traduire en français. Comme les résultats le montrent, seulement 22% des apprenants a

utilisé l’article approprié, alors que 76% a choisi une forme qui n’appartient pas au paradigme des

articles, c’est-à-dire dans la plupart des cas des déterminants possessifs. Comme la construction du

Graphique 17. Résultats de l'exercice 'Je me brûle souvent les doigts'

Graphique 18. Résultats de l'exercice 'Chaque soir, elle se brosse les dents'

Page 48: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

46

français n’existe pas dans leur langue maternelle, la plupart des apprenants ne maîtrisent pas de

manière active l’emploi possessif de l’article défini. Cependant, si les élèves constatent que l’emploi du

possessif est exclu, ils se rendent compte qu’ils doivent utiliser l’article défini et pas l’article indéfini ;

en effet, dans le deuxième exercice les élèves étaient censés remplir l’article approprié. Comme le

déterminant possessif ne figurait pas parmi les réponses possibles, les apprenants ont réussi à utiliser

dans la phrase Chaque soir, elle se brosse les dents l’article défini dans 94% des cas.

En outre, l’emploi de l’article défini avec des possessions inaliénables ne se limite pas uniquement à

l’emploi avec des verbes à la forme pronominale :

Cependant, le manuel Quartier Latin 2 (2012) ne mentionne que l’emploi de l’article avec des noms

désignant des parties du corps en combinaison avec un verbe à la forme pronominale. L’extension de

cette règle qui précise que l’article défini s’utilise devant les parties du corps en général se trouve dans

la Grammaire Trajet (2012), outil de travail que les élèves doivent consulter de manière autonome. Or, les

résultats montrent que les apprenants ne maîtrisent pas la règle. Seulement 26% et 19% des élèves ont

corrigé l’article indéfini des par l’article défini les. Bref, les apprenants néerlandophones du FLE

maîtrisent les emplois standards de l’article défini pluriel, mais il existe encore énormément de doutes

sur les emplois spécifiques de cet article.

3.2. L’emploi de l’article indéfini

3.2.1. L’emploi de l’article indéfini singulier

Tout comme nous l’avons fait pour l’article défini singulier et pluriel, nous commençons par présenter

les exercices qui n’ont pas posé de problèmes aux apprenants néerlandophones du FLE :

Phrase UN (UNE)

1 Pendant les vacances, nous avons fait un voyage en France. 94%

2 Le saumon est une sorte de poisson. 94%

3 Dimanche, j’ai eu un accident et j’ai perdu du sang 94%

Graphique 19. Résultats de l'exercice 'Il a les cheveux bouclés et les yeux bleus'

Graphique 20.Résultats de l'exercice 'Il a les cheveux bouclés et les yeux bleus'

Page 49: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

47

4 La baleine est un mammifère 99%

Comme le tableau le montre, les élèvent ont facilement rempli les exercices ci-dessus de manière

correcte. Les trois premières phrases sont des exemples de l’emploi spécifique de l’article indéfini alors

que le dernier exercice est un exemple de l’emploi générique de ce type d’article. Cependant, nous

avons observé que ces emplois génériques de l’article indéfini ne sont pas toujours maîtrisés par les

élèves, surtout dans des cas où cet article s’emploie dans un syntagme qui a la fonction de sujet :

Phrase LE (LA) UN (UNE)

1 Une grammaire est un outil de travail. 97% 1%

2 Autrefois, un enfant ne parlait pas à table. 79% 20%

Ce tableau montre que les apprenants connaissent l’emploi générique de l’article défini, mais qu’ils ne

se rendent souvent pas compte du fait que l’article indéfini apparaît aussi dans ces emplois. Dans des

contextes génériques, nous constatons donc un suremploi de l’article défini au détriment de l’article

indéfini. L’article défini est utilisé comme une sorte de proto-article dans ces situations. L’écart est le

plus grand dans le cas où le syntagme nominal dans lequel l’article se manifeste a la fonction de sujet.

Dans les autres fonctions, il y a plus de doutes et plus de variété dans les réponses :

Graphique 21. Résultats de l'exercice 'Il faut que le livre cesse d'être une marchandise comme une autre'

Graphique 22. Résultats de l'exercice 'Il faut que le livre cesse d'être une marchandise comme une autre'

Graphique 23. Résultats de l'exercice 'Une grammaire est un outil de travail'

Page 50: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

48

Les graphiques montrent que les élèves hésitent énormément quand ils doivent remplir un article dans

un syntagme qui n’est pas le sujet dans une phrase générique. Ainsi, ils n’hésitent pas uniquement

entre l’article défini et l’article indéfini, mais également entre l’article partitif (voir graphique 21) et la

forme de (voir graphiques 22 et 23). A cause de ces doutes, nous avons l’impression que la plupart des

élèves sont conscients qu’ils ne sont pas censés utiliser l’article défini dans ces contextes, mais qu’ils ne

savent pas avec certitude quel article utiliser au lieu de l’article indéfini. Cela explique également

pourquoi 99% des élèves n’ont pas changé la phrase correcte La baleine est un mammifère dans l’exercice

de correction. En lisant la phrase, ils se rendent compte qu’elle est correcte. Cependant, s’ils doivent

compléter les phrases eux-mêmes, ils ont plus de doutes. Bref, nous avons l’impression que les

apprenants se perdent un peu dans ces contextes, c’est-à-dire avec des syntagmes nominaux qui n’ont

pas la fonction de sujet dans des phrases génériques.

Quant aux emplois spécifiques, nous avons jusqu’à présent seulement parlé des exemples où l’article

indéfini est la seule réponse correcte. Cependant, dans certains contextes, tant l’article indéfini que

l’article défini peuvent apparaître. Ainsi, dans la phrase Je cherche un enfant blond pour tenir le rôle de

Cupidon, l’emploi de l’article indéfini est le plus courant et les apprenants l’ont compris puisqu’ils

recourent à cet article dans 73% des cas. Néanmoins, dans 22% des cas, ils ont employé l’article défini,

qui n’est pas fautif mais qui implique un changement de sens : avec l’article indéfini le locuteur cherche

un enfant indéterminé pour tenir le rôle de Cupidon, alors qu’avec l’article défini le locuteur cherche

un enfant blond en particulier. L’emploi de l’article dépend donc du contexte.

Finalement, nous présentons encore une situation particulière :

Nous savons que vin est prototypiquement un nom massif qui se combine avec l’article partitif. En

outre, nous avons déjà souligné que, lorsque les manuels présentent l’explication au sujet de l’emploi de

l’article partitif, ils l’illustrent très souvent avec des mots qui proviennent du domaine lexical des

boissons ou de la nourriture et de cette façon ils donnent l’illusion que ces mots s’utilisent toujours

avec un article partitif. En effet, 80% des apprenants ont utilisé l’article partitif. Cependant, dans le

contexte ci-dessus, vin se convertit en un mot comptable sous l’influence du complément de 2006. A

cause de ce complément, le mot vin ne désigne plus la substance en général, mais un type spécifique de

vin. De plus, si quelqu’un parle d’un vin de 2006, la quantité n’est plus indéterminée puisque dans ce

Graphique 24. Résultats de l'exercice 'Nous avons bu un vin de 2006'

Page 51: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

49

contexte il s’agit d’une bouteille. Malgré la présence du complément, seulement 4% a utilisé

correctement l’article indéfini. 14% des apprenants a ressenti que l’article partitif n’était pas approprié

dans ce contexte, mais ils ont fautivement opté pour l’emploi de l’article défini au lieu de l’article

indéfini.

3.2.2. L’emploi de l’article indéfini pluriel

Comme nous l’avons déjà constaté dans l’analyse globale, l’emploi de l’article indéfini pluriel ne

constitue pas de problèmes pour les apprenants néerlandophones du FLE. C’est l’article qui a, au total,

le pourcentage le plus élevé de réponses correctes dans notre corpus :

Phrase DES LES

1 Tu as fait des fautes, trop de fautes ! 78% 4%

2 Votre comportement peut avoir des conséquences négatives. 80% 12%

3 On a visité de belles villes, on a vu des paysages magnifiques et on a mangé

beaucoup d’escargots.

80% 17%

4 Je n’ai pas trouvé de courgettes, donc j’ai acheté des poivrons 83% 13%

5 Il y a des arbres dans beaucoup de parcs. 90% 9%

Cependant, malgré le fait que la grande majorité des élèves a rempli la réponse correcte, nous

constatons qu’entre 4% et 17% d’apprenants ont tout de même utilisé l’article défini pluriel.

Contrairement à ce qu’a constaté Larrivée (2004), l’article défini n’est donc pas privilégié dans notre

corpus, mais de temps en temps les élèves semblent encore hésiter un peu entre ces deux articles.

Néanmoins, ils ont en général une bonne maîtrise de l’article indéfini pluriel et cette observation n’est

pas tellement surprenante car l’article indéfini n’a pas tant d’emplois spéciaux que l’article défini, qui

peut se rapprocher du possessif.

Reprenons l’exercice 1 dans lequel 78% des apprenants a rempli des et 4% les. Ensemble, ces deux

pourcentages donnent seulement 82% de réponses. Cela implique qu’un nombre assez élevé d’élèves a

proposé encore une autre réponse. En effet, 11% a évité le choix entre l’article défini et indéfini ; les

élèves ont traduit la phrase par Tu as fait beaucoup de fautes, trop de fautes ! Ils ont donc choisi d’utiliser

une expression de quantité au lieu d’un article au pluriel.

3.3. L’emploi de l’article partitif

En comparaison avec l’emploi de l’article défini et indéfini, l’emploi de l’article partitif constitue un

élément beaucoup plus épineux pour les apprenants néerlandophones du FLE. Cette constatation ne

surprend pas puisqu’en néerlandais, l’article partitif n’a pas de forme équivalente. Pour l’apprentissage

de l’article partitif, les enseignants et les élèves ne peuvent donc pas compter sur la comparaison avec

le néerlandais. C’est un aspect linguistique complètement nouveau pour les apprenants

Page 52: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

50

néerlandophones et cela se voit dans les résultats. Pourtant, les résultats ne répondent pas tout à fait

aux attentes. Ainsi, nous avions l’idée que les apprenants n’éprouveraient pas de difficultés avec

l’emploi de l’article partitif en combinaison avec des mots désignant des boissons ou de la nourriture.

En effet, dans les exercices suivants, 70% des réponses sont correctes :

Par contre, dans l’exercice Je déteste le café, c’est pourquoi je bois toujours du lait, seulement 59% des

apprenants a utilisé l’article correct, à savoir l’article partitif :

Ces résultats sont surprenants. Nous nous étions attendue à ce que la plupart des apprenants

réussissent à employer l’article partitif dans ce contexte qui est beaucoup cité dans les manuels

scolaires pour illustrer l’emploi de l’article partitif. Or, il se pourrait que l’exercice soit trop simple et

que les élèves n’aient par conséquent pas assez réfléchi sur l’emploi de l’article. Selon nous, les

apprenants cherchent plutôt les pièges dans un test et peut-être que cette attitude a pour conséquence

qu’ils commettent des erreurs dans les exercices relativement faciles. En effet, dans les exercices que

nous considérons plus difficiles, les apprenants néerlandophones ont rempli dans presque autant ou

même plus de cas la réponse correcte :

Graphique 27. Résultats de l'exercice 'Je déteste le café, c'est pourquoi je bois toujours du lait'

Graphique 25. Résultats de l'exercice 'Maman est allée au supermarché, elle a acheté de la viande, deux bouteilles de lait et de la confiture'

Graphique 26. Résultats de l'exercice 'Maman est allée au supermarché, elle a acheté de la viande, deux bouteilles de lait et de la confiture'

Page 53: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

51

Dans les graphiques 28, 29 et 31 les mots qui suivent l’article partitif n’appartiennent pas au domaine

lexical des boissons ou de la nourriture. Comme le manuel 7 Beaufort (2009) illustre l’emploi de l’article

partitif uniquement avec des noms provenant de ce domaine lexical, les exercices dans ces graphiques

présentent des emplois de l’article partitif moins connus par les élèves. Cependant, ils ont répondu

assez correctement aux questions. Il est probable qu’ils ont réfléchi davantage à leurs réponses à cause

du degré de difficulté plus élevé dans ces exercices. En effet, en appliquant la règle qu’ils ont vue dans

leur manuel, à savoir « Tu ne sais pas combien ? Alors tu utilises : du, de la, de l’, des » (7 Beaufort, 2009 :

215), beaucoup d’élèves se sont rendu compte du fait que l’emploi de l’article partitif s’impose dans ces

exemples. Ainsi, ils ont utilisé dans 52% des cas l’article partitif avec sang, dans 63% avec le mot abstrait

courage et dans 47% avec le nom de matière chêne. En outre, la Grammaire Trajet (2012) illustre l’emploi

de l’article partitif non seulement par des phrases contenant du lexique du domaine de la nourriture ou

des boissons comme dans le manuel, mais également du domaine des matières et même des mots

abstraits. Donc, les apprenants qui ont consulté leur grammaire durant le processus d’apprentissage,

étaient mieux préparés à faire le bon choix et à utiliser l’article partitif dans ces exercices. Dans le

graphique 30, nous voyons les résultats de l’exercice Ma famille et moi, nous avons mangé du lapin pour

Noël. Dans ce contexte, lapin est également un mot qui désigne une nourriture, cependant lapin n’est pas

prototypiquement un nom massif. En général, lapin est un mot comptable : il est facile de distinguer un

individu. Pour cette raison, nous sommes agréablement surprise par le nombre d’apprenants qui a

Graphique 28. Résultats de l'exercice 'Dimanche, j'ai eu un accident et j'ai perdu du sang'

Graphique 29. Résultats de l'exercice 'Tu as du courage'

Graphique 30. Résultats de l'exercice 'Ma famille et moi, nous avons mangé du lapin pour Noël'

Graphique 31. Résultats de l'exercice 'Pour nos meubles, nous utilisons du chêne'

Page 54: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

52

correctement utilisé l’article partitif. Pas moins de 60% des apprenants a rempli l’article correct, alors

que nous nous étions attendue à un nombre plus élevé d’occurrences avec l’article indéfini.

Les contextes météorologiques constituent un autre contexte dans lequel l’article partitif se manifeste.

Nous avons inséré deux exercices de ce type dans notre test :

Les résultats de ces exercices ne répondent pas aux attentes parce que, malgré que le contexte soit le

même, les résultats diffèrent beaucoup. Ainsi, dans la phrase On prévoit de la neige seulement 56% des

élèves a rempli l’article partitif, alors que dans Il y a du vent cet article est utilisé dans 77% des cas. Ce

pourcentage est d’autant plus surprenant parce qu’il apparaît dans un exercice de correction dans

lequel les apprenants ont dû substituer l’article défini par la réponse correcte, à savoir l’article partitif.

Comme les exercices de correction posent en général plus de difficultés aux apprenants, nous nous

étions attendue à un moins bon résultat. L’hypothèse explicative qui pourrait être avancée est que leur

situation géographique joue un rôle. L’école où nous avons fait passer les tests se situe à Ostende et nos

informateurs habitent dans cette ville ou dans ses environs. Comme Ostende se situe à la côte belge et

que le temps dans cette région se caractérise par beaucoup de vent et par des températures

relativement douces en hiver, les apprenants sont plus confrontés au vent qu’à la neige. En

conséquence, nous présumons que les exemples pour l’emploi de l’article partitif dans les contextes

météorologiques donnés en classe réfèrent plus souvent au vent qu’à la neige et cela expliquerait

pourquoi les apprenants ont eu moins de difficultés à remplir correctement l’exercice présenté dans le

graphique 33.

Finalement, nous avons encore incorporé un exercice très particulier dans notre test pour la

vérification de la connaissance des élèves sur l’emploi de l’article partitif. La Grammaire méthodique du

français (Riegel et al, 2009) mentionne qu’en combinaison avec un nom comptable, l’article partitif

entraîne un processus de massification de ce nom. Nous avons déjà donné l’exemple du nom lapin qui

prend, en combinaison avec l’article partitif, le sens de ‘partie comestible du lapin’. Cependant, l’emploi

avec l’article partitif peut également entraîner d’autres effets de sens qui sont moins fréquents et qui

Graphique 32. Résultats de l'exercice 'On prévoit de la neige' Graphique 33. Résultats de l'exercice 'Il y a du vent'

Page 55: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

53

s’utilisent plutôt dans des contextes familiers. Ainsi, dans la phrase Il y a du touriste partout, touriste

réfère à un ensemble diffus d’individus19.

Comme le graphique le montre, cet emploi très spécifique de l’article partitif n’est pas maîtrisé par les

apprenants : dans seulement 16% des cas, les élèves ont rempli l’article partitif alors que dans 51%

l’article indéfini pluriel a été utilisé, même si touriste se trouve au singulier. Pour référer à une pluralité

d’entités, les apprenants utilisent donc automatiquement un article au pluriel et la plupart ne prennent

pas en considération cet emploi spécifique de l’article partitif.

3.4. L’emploi de l’article zéro

Lebas-Fraczak (2011) a constaté une surgénéralisation de l’article défini au détriment de l’absence de

l’article. Cependant, dans notre corpus, l’emploi de l’article zéro semble assez bien maîtrisé :

Phrase Ø LE (LA) UN (UNE)

1 Il a le courage de mettre ø fin à ces absurdités. 80% 10% 8%

2 Qu’est-ce que tu comprends par « ø fascination » ? 88% 10% 1%

3 Ø Dimanche, j’ai eu un accident et j’ai perdu du sang. 83% 11% 0%

4 Le capitaine Haddock a peu de patience quand il a ø mal à la tête. 89% DE LE (LA) : 7%

Les deux premiers exemples proviennent de l’exercice de correction et les deux derniers de l’exercice

de traduction. Dans les deux premiers énoncés ne figuraient pas de fautes, les apprenants ne devaient

donc rien adapter. Cependant, dans le premier exercice 10% des élèves a ajouté un article défini et 8%

un article indéfini, probablement sous l’influence du néerlandais. En néerlandais l’expression mettre fin

à se traduit par een einde stellen aan et contient donc un article indéfini. Le deuxième emploi de l’article

zéro est un emploi ‘en mention’ que Lebas-Fraczak (2011) a également proposé aux apprenants polonais

dans sa recherche, mais sous forme d’un exercice de traduction. Alors que Lebas-Fraczak (2011) a

19 Pour plus d’information concernant les transfert du massif au comptable et vice versa, voir Lauwers & Vermote, 2014. En outre, nous voulons remercier, le professeur dr. Lauwers pour son cours ‘Moderne Franse taalkunde : bijzondere vraagstukken I’ qui nous a aidée à comprendre la complexité de l’article partitif.

Graphique 34. Résultats de l'exercice 'Il y a du touriste partout'

Page 56: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

54

constaté une surgénéralisation frappante de l’article défini au détriment de l’absence de l’article (pas

moins de dix des quatorze étudiants avaient utilisé un article défini), nous voyons que seulement 10%

de nos apprenants a employé l’article défini. L’emploi nominal ‘en mention’ est maîtrisé par les

apprenants néerlandophones du FLE. Dans le troisième exercice, la grande majorité n’a pas utilisé

d’article. Néanmoins, 11% a recouru à l’article défini, ce qui s’explique probablement par le fait qu’il

faut utiliser l’article défini avec les jours de la semaine si l’on réfère à des faits habituels (ex. le samedi je

joue au football) ou à des date spécifiques (ex. le mardi 21 avril). L’expression avoir mal à la tête, qui est

présente dans le dernier exercice de cette liste, semble également bien maîtrisée.

Pourtant, certaines expressions avec l’article zéro posent plus de problèmes aux apprenants

néerlandophones :

La phrase présentée dans le graphique 35 provient de l’exercice de traduction où les élèves devaient

traduire la phrase néerlandaise Op het eerste zicht heeft hij geen blessures en français. Les résultats

montrent clairement que l’expression A première vue pose énormément de problèmes aux apprenants :

82% a utilisé l’article défini au lieu de l’article zéro. Nous supposons que ce groupe d’élèves ne

connaissent pas cette expression et qu’ils ont littéralement traduit la phrase néerlandaise qui contient

un article défini. Ici, nous constatons donc un suremploi de l’article défini au détriment de l’absence de

l’article comme l’a également constaté Lebas-Fraczak (2011) dans sa recherche. Dans notre test, ce

suremploi peut être attribué à l’influence de la langue maternelle des apprenants néerlandophones.

L’autre graphique contient un exercice de correction. La phrase J’ai rendu une visite à mon meilleur ami

figurait dans cet exercice et la tâche des apprenants néerlandophones était d’éliminer l’article indéfini.

Cependant, l’expression rendre visite à n’est pas connue de la plupart des apprenants : seulement 19% a

corrigé la phrase. Ici, c’est de nouveau l’influence du néerlandais qui transparaît dans les résultats car

l’expression, qui se traduit par een bezoek brengen aan, comprend un article indéfini.

Finalement, nous discutons encore les résultats de l’exercice de correction Pierre est professeur de danse.

Comme cette phrase était incorporée sans fautes dans le test, les apprenants ne devaient rien changer.

Cependant, les résultats montrent que, dans les deux positions où l’article zéro apparaît dans cet

exercice, 33% des apprenants n’a pas gardé l’article zéro :

Graphique 35. Résultats de l'exercice 'A ø première vue, il n'a pas de blessures'

Graphique 36. Résultats de l'exercice 'J'ai rendu ø visite à mon meilleur ami'

Page 57: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

55

Au départ, nous avons uniquement considéré le contexte dans le premier graphique comme un cas de

l’article zéro. Cependant, nous avons choisi d’incorporer dans notre corpus aussi l’article zéro dans le

mot composé professeur de danse après avoir vu les résultats donnés par les apprenants

néerlandophones du FLE. Nous examinons d’abord l’absence de l’article devant l’attribut de sujet dans

le premier graphique. 67% des apprenants ont correctement fait l’exercice et n’ont rien adapté à la

phrase. Par contre, 28% des apprenants ont ajouté un article indéfini. L’emploi de l’article indéfini n’est

pas fautif et peut convenir dans certains contextes. Cependant, comme l’exercice consiste seulement à

corriger les phrases si c’est nécessaire, nous avons considéré cette adaptation comme une erreur. Ce

groupe d’élèves ne se rend donc pas compte que l’article zéro est également correct dans ce contexte.

Passons au deuxième graphique : celui-ci montre qu’il ne faut pas employer un article à l’intérieur d’un

mot composé. Néanmoins, 32% a ajouté un article défini au complément du nom. Ce résultat nous

étonne. Etant donné que le syntagme professeur de danse se traduit par un seul mot en néerlandais

(dansleraar), il est étonnant de constater un tel suremploi de l’article défini au détriment de l’absence

d’article. Cependant, cela confirme ce que Lebas-Faczak (2011) avait observé dans sa recherche.

3.5. L’emploi de la forme de

Comme nous l’avons déjà mentionné plusieurs fois, la forme de s’emploie dans trois contextes

spécifiques.

Graphique 37. Résultats de l'exercice 'Pierre est ø professeur de danse'

Graphique 38. Résultats de l'exercice 'Pierre est professeur de ø danse'

Page 58: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

56

3.5.1. L’emploi de la forme de devant un substantif au pluriel précédé par un adjectif

Les graphiques ci-dessous illustrent clairement que les apprenants néerlandophones du FLE ont une

mauvaise maîtrise de ce contexte spécifique de la forme de. Dans tous les exercices, le pourcentage

d’élèves qui ont utilisé de devant un substantif au pluriel précédé par un adjectif ne surpasse pas les

11%. Rappelons que les manuels présentent cet emploi de de comme une réduction de l’article indéfini

des. Comme les apprenants ne maîtrisent pas la règle concernant cet emploi de la forme de, l’article

indéfini des a été suremployé dans ce contexte. Commençons par la présentation des exercices qui ont

posé le plus de difficultés :

Le suremploi de l’article indéfini des ressort bien des graphiques. Cependant, dans les graphiques 39 et

41, un nombre considérable d’apprenants a également utilisé l’article défini les. Il existe donc une

tendance chez les apprenants à utiliser l’article défini au début de la phrase au détriment de l’article

indéfini. La surgénéralisation de l’article défini, observée aussi par Larrivée (2004), se manifeste surtout

dans cette position. En outre, dans l’exercice De belles filles aiment acheter de nouveaux vêtements, 29% des

élèves a choisi de ne pas utiliser d’article. Selon nous, il s’agit de nouveau de l’influence du néerlandais.

Or, le néerlandais n’utilise pas non plus d’article dans le contexte présenté dans le graphique 40 et là

seulement 1% des apprenants a utilisé l’article zéro. Ceci confirme que l’emploi de l’article pose plus de

problèmes au début de la phrase. Il est également intéressant d’examiner le nombre de réponses ‘autre’

dans les deux contextes de l’exercice de traduction De belles filles aiment acheter de nouveaux vêtements. Ce

Graphique 39. Résultats de l'exercice 'De belles filles aiment acheter de nouveaux vêtements'

Graphique 40. Résultats de l'exercice 'De belles filles aiment acheter de nouveaux vêtements'

Graphique 41. Résultats de l'exercice 'De gros nuages gris couvrent le ciel'

Page 59: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

57

groupe de réponses contient pour la grande majorité des cas où les apprenants ont postposé l’adjectif.

Cependant, nous ne savons pas si cette tendance à postposer l’adjectif forme une stratégie développée

par les apprenants afin d’éviter le contexte problématique de l’emploi de la forme de ou si cette

tendance s’explique plutôt par le fait que les apprenants ne maîtrisent pas les règles concernant la

position de l’adjectif.

Passons aux exercices où les apprenants ont obtenu des résultats légèrement plus positifs :

Dans ces exercices, la préférence pour l’article indéfini des est à nouveau remarquable. Néanmoins,

l’emploi de la forme de est un peu plus fréquent que dans les autres exercices : dans 10% et 11% des cas,

les élèves ont employé la forme appropriée. Nous supposons que ces meilleurs résultats sont liés au

type d’exercice. Dans les exercices ci-dessus les apprenants néerlandophones étaient censés remplir les

articles dans la phrase alors que dans l’exercice De belles filles aiment acheter de nouveaux vêtements ils

devaient traduire la phrase du néerlandais. Il est clair que les apprenants réfléchissent plus sur l’emploi

de l’article dans les exercices à trous, alors que dans les exercices de traduction ils doivent d’abord

chercher les traductions des mots avant de réfléchir au choix des articles, ce qu’ils font donc de

manière moins détaillée. L’exercice De gros nuages gris couvrent le ciel forme une exception, c’est

également un exercice à trous. Cependant, la difficulté concernant l’emploi de l’article s’explique ici par

sa position dans la phrase. Nous pouvons conclure qu’en général, l’emploi de la forme de devant un

substantif au pluriel précédé par un adjectif n’est pas maîtrisé par les apprenants néerlandophones du

FLE, même si cette règle est présentée par les outils de travail scolaires.

3.5.2. L’emploi de la forme de après une négation

Comme nous l’avons déjà mentionné dans l’analyse globale, l’emploi de la forme de en contexte négatif

est mieux maîtrisé que l’emploi devant un substantif au pluriel précédé par un adjectif. Cependant, la

maîtrise est encore loin d’être parfaite. D’abord, nous présentons trois exercices avec des résultats très

similaires :

Graphique 42. Résultats de l'exercice 'On a visité de belles villes, on a vu des paysage magnifiques et on a mangé beaucoup d'escargots'

Graphique 43. Résultats de l'exercice 'J'adore le rouge. Voilà pourquoi j'ai acheté de jolies boucles d'oreille rouges'

Page 60: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

58

Phrase DE DES

1 Il n’y a plus de rideaux devant les fenêtres. 52% 42%

2 A première vue, il n’a pas de blessures. 52% 38%

3 Je ne mange pas de bananes. 47% 50%

Comme les phrases proviennent toutes d’un autre type d’exercice20, la nature de la tâche ne semble pas

être un facteur décisif. La connaissance et le comportement des apprenants néerlandophones

concernant l’emploi de la forme de après une négation sont très stables. En outre, le type de négation

n’a pas non plus d’influence sur les résultats : tant avec ne pas qu’avec ne plus le pourcentage d’élèves

qui ont utilisé la forme appropriée fluctue autour de 50%. L’autre moitié des apprenants a utilisé

l’article indéfini des au lieu de la forme de. Pour les apprenants néerlandophones du FLE, le choix entre

ces deux articles semble donc très difficile dans un contexte de pluralité. Comparons ces énoncés avec

un exercice où le nom dans le syntagme nominal se trouve au singulier :

Les résultats avec un nom au singulier sont encore moins positifs qu’avec un nom au pluriel: seulement

23% des apprenants a utilisé ici la forme appropriée, alors que plus de la moitié a utilisé l’article indéfini

un. Cette observation nous fait présumer que les élèves voient l’emploi de la forme de après une

négation comme une réduction de l’article indéfini des, par analogie avec l’emploi de de devant un

substantif au pluriel précédé d’un adjectif. Cela expliquerait pourquoi ils éprouvent plus de problèmes

avec des noms au singulier et pourquoi ils hésitent entre l’emploi de l’article indéfini des et la forme de

au pluriel. Pourtant, le manuel 7 Beaufort (2009) signale que tant les formes du singulier un, une, du et de

la que la forme du pluriel des se transforment en de après une négation.

Finalement, l’exercice suivant a posé beaucoup de difficultés aux élèves : seulement 7% a réussi à

utiliser la forme de :

20 La première phrase provient de l’exercice à vides, la deuxième de l’exercice de traduction et la troisième de l’exercice de correction.

Graphique 44. Résultats de l'exercice 'Bien des gens n'ont pas de chien'

Page 61: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

59

Nous observons qu’il y a deux grands groupes de réponses données par les élèves : 56% a rempli l’article

indéfini des et 34% a utilisé l’article défini les. L’emploi de l’article défini n’est pas fautif dans cette

phrase, mais entraîne un autre sens : le locuteur parle de courgettes spécifiques et l’interlocuteur sait

également de quelles courgettes il s’agit (par exemple, des courgettes qui se trouvent dans le

réfrigérateur). Par contre, l’emploi de l’article indéfini des dans cette phrase est impossible. Le fait que

seulement 7% des apprenants a utilisé correctement la forme de s’explique probablement par la

présence du participe passé qui se situe entre la négation pas et le syntagme nominal. Nous supposons

que cette insertion a détourné l’attention des élèves de la négation et de son influence sur l’article.

3.5.3. L’emploi de la forme de derrière une indication de quantité

Le dernier contexte dans lequel il faut utiliser la forme de concerne l’indication de quantité ou, comme

le manuel scolaire 7 Beaufort le dit : « Tu sais combien ? Alors tu utilises : de, d’ » (7 Beaufort, 2009 : 216).

Dans l’analyse globale, nous avons vu que des trois contextes dans lesquels la forme de apparaît, celui de

l’indication de quantité est le mieux maîtrisé par les apprenants néerlandophones du FLE. Si le mot qui

suit cette indication est un nom comptable au pluriel, le nombre de réponses correctes fluctue entre

59% et 80% :

Phrase DE DES

1 Il y a des arbres dans beaucoup de parcs. 59% 36%

2 Tu as fait des fautes, trop de fautes ! 68% 16%

3 On a visité de belles villes, on a vu des paysages magnifiques et on a mangé

beaucoup d’escargots.

74% 23%

4 La semaine prochaine, je n’ai pas le temps d’aller au marché et d’acheter deux

kilos de tomates.

80% 13%

Nous ne savons pas pourquoi il y a une différence de 21% entre l’exercice (1) et (4). Il est possible que ce

soit simplement une question de négligence des apprenants. Néanmoins, il faudrait plus de recherche

pour vérifier cette hypothèse. En outre, nous présumons que les élèves n’éprouvent pas de différence

de difficultés entre l’emploi de la forme de derrière une indication de quantité nominale comme dans la

Graphique 45. Résultats de l'exercice 'Je n'ai pas trouvé de courgettes, donc j'ai acheté des poivrons'

Page 62: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

60

phrase 4 ou derrière une expression adverbiale comme dans les phrases 1 à 3. Cependant, nous ne

disposons pas d’assez de données pour nous prononcer là-dessus avec certitude. Comme le choix entre

l’article indéfini des et la forme de s’avère relativement difficile pour les apprenants, nous nous sommes

demandé s’ils considèrent à nouveau la forme de comme une réduction de l’article indéfini des et si

cette difficulté pourrait donc être liée à la présence d’un nom au pluriel. Pour vérifier cela, nous avons

examiné si les apprenants éprouvent moins de difficultés avec des noms au singulier :

Les résultats de ces deux exercices se contredisent. D’une part nous voyons que l’exercice dans le

graphique 46 n’a pas posé beaucoup de problèmes aux apprenants. De cette observation nous

déduirions que les apprenants n’interprètent pas la forme de comme étant une simple réduction de

l’article indéfini des et qu’ils ont assimilé la règle « indication de quantité + de ». D’autre part, le

graphique 47 révèle que seulement 37% des apprenants a répondu correctement. Cependant, nous

supposons que les apprenants ont fautivement opté pour l’emploi de l’article partitif dans ce dernier

exercice à cause de la nature du nom lait. En effet, même si lait et patience sont intrinsèquement des

noms massifs, les apprenants sont plus familiarisés avec l’emploi massif du substantif lait, nom concret

qui est souvent utilisé dans les exemples illustrant la théorie au sujet de l’article partitif.

Dans ce qui suit, nous présentons également les résultats de deux exercices qui forment une exception

à cet emploi de de : avec le superlatif la plupart et l’adverbe bien, deux expressions de quantité, il ne faut

pas utiliser la forme de, mais du, de la ou des. Dans les exercices de notre test, la réponse correcte était

toujours des :

Graphique 46. Résultats de l'exercice 'Le capitaine Haddock a peu de patience quand il a mal à la tête'

Graphique 47. Résultats de l'exercice 'Maman est allée au supermarché, elle a acheté de la viande, deux bouteilles de lait et de la confiture'

Page 63: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

61

Dans l’exercice avec le superlatif la plupart, 60% des apprenants a utilisé l’article approprié. Or, nous

nous posons la question de savoir si les élèves sont conscients du fait que ce superlatif forme une

exception à la règle ou s’ils ne connaissent simplement pas la règle concernant l’emploi de la forme de

derrière une indication de quantité. Comme le nombre d’apprenants qui ont utilisé l’article indéfini des

dans les exercices réguliers contenant une expression de quantité fluctue seulement entre 13% et 36%,

nous supposons qu’un nombre considérable d’apprenants néerlandophones du FLE se rendent vraiment

compte du fait que la plupart constitue une exception à la règle « indication de quantité + de ». En outre,

la Grammaire Trajet (2012) mentionne cette exception. En ce qui concerne l’adverbe bien, les résultats

sont si étonnants (pas moins de 49% des apprenants a employé l’article défini les) que nous supposons

que cet emploi de bien comme expression de quantité n’est pas connu par les apprenants. En guise de

conclusion, l’emploi de la forme de derrière une indication de quantité est assez bien maîtrisé par les

apprenants néerlandophones du FLE, de même que l’exception la plupart.

Graphique 48. Résultats de l'exercice 'La plupart des élèves n'ont pas compris la leçon'

Graphique 49. Résultats de l'exercice 'Bien des gens n'ont pas de chien'

Page 64: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

62

Chapitre 4. Comparaison entre les résultats de la quatrième et de la

sixième année

Dans cette section, nous vérifierons notre hypothèse selon laquelle les apprenants de la quatrième

année commettent plus d’erreurs concernant l’emploi de l’article que les élèves de la sixième année de

l’enseignement secondaire belge. Comme nous l’avons déjà mentionné, cette affirmation paraît très

logique puisque les apprenants de la sixième année ont deux années d’avance et ont bénéficié de plus

ou moins cent heures de cours de français de plus par rapport à ceux de la quatrième année. Dans le

graphique ci-dessous, nous avons incorporé par type d’article le pourcentage d’apprenants de la

quatrième et de la sixième année qui ont correctement utilisé cet article :

Le graphique montre, qu’en général, les apprenants de la sixième année ont de meilleurs résultats que

ceux de la quatrième année quant à l’emploi des différents articles. Cela implique que l’enseignement

flamand atteint son objectif : améliorer la connaissance et les compétences linguistiques des

apprenants néerlandophones. Il y a seulement une exception : l’emploi de l’article défini pluriel semble

poser plus de difficultés aux élèves de la sixième année. Après une analyse plus détaillée des différents

contextes dans lesquels cet article apparaît, nous avons constaté que la phrase Il a les cheveux bouclés et

les yeux bleus est responsable pour ce résultat. Le pourcentage d’apprenants de la sixième année qui ont

correctement utilisé l’article défini dans ce contexte est seulement la moitié du pourcentage des

apprenants de la quatrième année. Ceci montre qu’il faut distinguer deux contextes de l’emploi de

l’article défini qui se rapproche du possessif : (1) l’article défini se combine avec un verbe à la forme

pronominale et (2) il ne se combine pas avec un verbe de ce type. L’emploi de l’article défini dans ce

premier contexte est bien maîtrisé par tous les apprenants et même mieux par ceux de la sixième

64%59%

47%

74%

41%

61%

4%

30%

56%

69%

53%60%

89%

71%64%

9%

42%

74%

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

80%

90%

100%

Quatrième année vs. sixième année

Quatrième année

Sixième année

Graphique 50. Comparaison des résultats de la quatrième et de la sixième année

Page 65: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

63

année. Cependant, s’il n’y a pas de verbe à la forme pronominale qui accompagne le syntagme nominal

désignant une partie du corps, les apprenants de la quatrième année ont clairement des résultats

supérieurs en comparaison avec les apprenants de la sixième année. Ce phénomène est probablement

dû au fait que les apprenants de la quatrième année ont appris la théorie en ce qui concerne cet emploi

de l’article défini à un moment plus proche du test que ceux de la sixième année21. Par conséquent,

cette théorie est encore plus présente dans la mémoire des élèves de la quatrième année.

L’article dont l’emploi subit le plus de progrès de la quatrième à la sixième année est l’article partitif : il

y a une différence de 30% entre les résultats des deux groupes d’apprenants. L’apprentissage et la

maîtrise de l’emploi de l’article partitif sont probablement à situer à un moment ultérieur aux stades

dans lesquels l’emploi d’autres articles est acquis. Dans le graphique nous distinguons encore trois

autres contextes avec une différence considérable entre les résultats des apprenants de la quatrième et

de la sixième année : il existe une différence de 12% quant aux résultats pour la forme de derrière une

négation et une différence de 18% concernant l’emploi de cette même forme derrière une indication de

quantité. De même, l’emploi de l’article indéfini connaît un progrès considérable, tant au singulier, où

nous avons constaté un écart de 13%, qu’au pluriel avec une différence de 15%. Dans les autres

contextes, le contraste entre les résultats de la quatrième et de la sixième année est négligeable. Par

conséquent, la connaissance de ces articles reste presque identique. Autrement dit, les apprenants de la

quatrième année ont déjà une bonne maîtrise de l’emploi de l’article zéro et de l’article défini singulier.

Par contre, pour ce qui est de la forme de devant un nom au pluriel précédé d’un adjectif, le progrès

minimal implique que tant les apprenants de la quatrième que ceux de la sixième année ne maîtrisent

pas encore bien son emploi.

Ces observations nous permettent de proposer une ligne chronologique qui reflète l’ordre dans lequel

les différents articles sont appris par nos apprenants :

Comme l’emploi de l’article défini s’acquiert précocement, on comprend pourquoi il se caractérise par

un certain suremploi au détriment de l’article indéfini (quoique surtout au singulier) et parfois

également au détriment de l’absence de l’article (cf. aussi Larrivée (2004)).

21 La théorie à ce sujet est enseignée pendant la deuxième année de l’enseignement secondaire.

Figure 3. Ordre chronologique dans lequel l’emploi des articles est acquis

Page 66: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

64

En outre, les résultats décevants pour l’emploi de la forme de devant un nom au pluriel précédé d’un

adjectif pourraient être liés à une lacune au niveau de l’enseignement, qui devrait encore plus insister

sur l’emploi de cette forme afin d’en améliorer la maîtrise chez les apprenants néerlandophones du FLE.

Page 67: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

65

Conclusion

A partir de la comparaison entre les grammaires de référence françaises et les outils de travail scolaires

d’une part et à partir de l’analyse de notre corpus d’autre part, nous sommes capables de tirer quelques

conclusions quant à l’emploi des articles par les apprenants néerlandophones du FLE. En général, il s’est

avéré que l’emploi des articles constitue un aspect grammatical extrêmement épineux dans le

processus d’acquisition. Il est presque impossible pour les apprenants de retenir toutes les nuances que

possèdent les articles et de maîtriser les différents contextes dans lesquels ils entrent. Cela pourrait

impliquer que le système de l’article s’acquiert plutôt dans un stade de développement final.

Toutefois, il existe certains types d’articles et certains contextes qui sont mieux maîtrisés que d’autres.

Ainsi, l’emploi de l’article défini semble moins problématique dans notre corpus. Seuls deux contextes

posent encore beaucoup de difficultés:

(1) devant des titres ou des professions suivis d’un nom, les apprenants ont presque toujours

utilisé l’article zéro au détriment de l’article défini ; cet emploi de l’article défini semble donc

non maîtrisé.

(2) l’emploi de l’article défini qui se rapproche du possessif : que ce soit avec un verbe à la forme

pronominale ou non, dans la majorité des cas les apprenants ne réussissent pas à employer

l’article défini devant des parties du corps.

Dans ces deux contextes, l’influence du néerlandais pourrait être à la base des erreurs, étant donné que

cette langue, qui est la L1 des apprenants, ne connaît pas ces emplois de l’article défini.

D’autres résultats remarquables dans le domaine de l’article défini concernent son emploi avec des

mots prototypiquement massifs. Ainsi, les élèves hésitent dans les propositions Je déteste le café et il a le

courage de mettre fin à ces absurdités entre l’emploi de l’article défini et l’article partitif alors que le

cotexte intralinguistique – le verbe détester et le complément nominal respectivement – limite le choix

au défini. Ces exemples illustrent que les apprenants connaissent les mots se combinant

prototypiquement avec un article partitif, mais qu’ils ne maîtrisent pas toujours les contextes où ces

mots s’utilisent avec un autre article. Nous supposons que cette lacune dans la connaissance de nos

apprenants est due à un manque d’information dans leurs outils de travail scolaires, qui se limitent à la

description des contextes prototypiques dans lesquels l’article partitif est utilisé.

L’emploi de l’article indéfini est aussi relativement bien maîtrisé par les apprenants néerlandophones.

Cependant, l’emploi générique de cet article est plus problématique quand le mot qui l’accompagne

occupe la position de sujet dans la phrase. Dans ce contexte, nous avons clairement constaté une

surgénéralisation de l’article défini au détriment de l’article indéfini. Dans les autres positions de la

phrase les résultats sont meilleurs, quoiqu’il existe même dans ces contextes-là encore souvent des

doutes chez certains apprenants. Cependant, nous avons constaté que les apprenants possèdent une

Page 68: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

66

connaissance passive de cet emploi générique de l’article indéfini étant donné qu’ils n’ont pas adapté

les phrases dans l’exercice de correction contenant un article indéfini utilisé de manière générique. En

outre, nous avons observé pour l’article indéfini le même phénomène que celui déjà commenté pour

l’article défini : dans le syntagme un vin de 2006, pas moins de 80% des apprenants a utilisé l’article

partitif avec ce nom prototopiquement massif au lieu de l’article défini qui est exigé par le cotexte

intralinguistique, à savoir le complément nominal. Quant à notre hypothèse concernant l’article

indéfini, elle est infirmée dans la plupart des cas : nous avons seulement constaté une surgénéralisation

de l’article défini au détriment de l’article indéfini dans des contextes génériques. Au pluriel et dans les

contextes spécifiques, seuls quelques rares apprenants ont utilisé l’article défini. L’observation faite par

Larrivée (2004), c’est-à-dire la surgénéralisation de l’article défini au détriment de l’indéfini, ne

s’applique donc que partiellement à notre corpus.

L’emploi de l’article partitif pose plus de difficultés aux apprenants que l’emploi de l’article défini ou

indéfini. Même si dans une majorité des cas, les apprenants sont capables d’utiliser cet article de

manière correcte, en général les résultats ne sont pas très consistants et ne répondent pas aux attentes.

Ainsi, nous nous étions attendue à de bons résultats dans des cas où l’article partitif accompagne des

noms appartenant aux champs lexicaux des boissons et de la nourriture, contextes qui apparaissent

souvent dans les manuels scolaires. Or, tantôt les résultats semblent indiquer une maîtrise correcte de

ces cas de figure, tantôt ils infirment cette impression. En outre, dans les exercices que nous estimions

plus difficiles, les apprenants ont obtenu des résultats similaires à ceux des exercices plus faciles. Dans

presque tous les exercices, le nombre de réponses correctes fluctue autour de 60%. Les apprenants

néerlandophones devraient donc encore améliorer leurs connaissances concernant l’emploi de l’article

partitif dans tous les contextes. De plus, dans des contextes météorologiques, nous avons observé des

réponses complètement opposées malgré le contexte similaire. Nous présumons que ce phénomène est

une conséquence de la situation géographique des apprenants : ils habitent tous à la côte belge qui se

caractérise par un climat maritime modéré et par conséquent, ils sont plus familiarisés avec le vent ou

la pluie qu’avec la neige. Néanmoins, il serait intéressant d’examiner l’emploi des articles dans des

contextes météorologiques de manière plus approfondie dans de futures recherches. Une dernière

observation intéressante quant à l’emploi de l’article partitif est que les apprenants ne sont pas

familiarisés avec le processus de massification qui entraîne le sens de ‘ensemble diffus d’individus’,

comme dans Il y a du touriste partout.

De même, en ce qui concerne l’emploi de l’article zéro, nous avons constaté une assez bonne maîtrise

chez nos apprenants. Notre hypothèse qui s’appuyait sur la recherche de Lebas-Fraczak (2011) est

plutôt infirmée : nous avons seulement constaté un très léger suremploi de l’article défini au détriment

de l’absence de l’article. Si les apprenants éprouvent des hésitations, ils ne choisissent pas uniquement

d’employer l’article défini au lieu d’employer l’article zéro, mais également l’article indéfini et cela

dans presque autant de cas que l’article défini. Les erreurs commises concernant l’emploi de l’article

zéro sont des conséquences ou bien de l’influence du néerlandais ou bien de l’emploi de certains

substantifs dans d’autres contextes (par exemple les jours de la semaine qui se combinent souvent avec

Page 69: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

67

un article défini pour indiquer un fait habituel) ou bien de l’idée (parfois erronée) que chaque mot doit

être précédé d’un article. Dans ce dernier cas, les apprenants optent le plus souvent pour l’emploi de

l’article défini.

Ce qui pose plus de problèmes est l’emploi de la forme de. Cette forme peut apparaître dans trois

contextes : (1) devant un nom au pluriel précédé d’un adjectif, (2) après une négation ou (3) derrière

une indication de quantité. Dans notre corpus, c’est uniquement ce dernier contexte qui semble assez

bien maîtrisé, tant avec des expressions de quantité adverbiales que nominales. Cependant, il faudrait

plus de recherches pour déterminer s’il existe une différence dans le degré de difficulté lorsque le nom

qui suit s’utilise au singulier ou au pluriel, car les résultats dans notre corpus se contredisent. Ajoutons

encore que le superlatif la plupart, qui forme une exception à cette règle, semble maîtrisé. Les autres

contextes par contre ne le sont pas. En combinaison avec un nom au pluriel précédé d’un adjectif, seuls

quelques apprenants utilisent la forme appropriée : le taux de réponses correctes fluctue entre 2% et

11%. En outre, dans l’exercice de traduction, nous avons constaté une tendance à la postposition de

l’adjectif mais nous ignorons si cette tendance relève d’une stratégie afin d’éviter le contexte

problématique de l’emploi de la forme de ou si elle s’explique plutôt par le fait que les apprenants n’ont

pas intériorisé les règles concernant la position de l’adjectif. De toute manière, la raison pour la non-

maîtrise de l’emploi de la forme de dans ce contexte nous est inconnue puisque les outils de travail

scolaires le décrivent bel et bien. Derrière une négation, moins de la moitié des apprenants réussissent

à employer la forme appropriée. Cependant, avec un nom au pluriel ils choisissent plus souvent la

forme correcte qu’avec un nom au singulier. Nous supposons donc que les apprenants considèrent la

forme de fautivement comme une réduction de l’article indéfini des dans ce contexte, mais il faudrait

plus de recherche pour en être sûr. En outre, nous avons observé que les apprenants éprouvent plus de

difficulté quand le verbe non fini s’intercale entre le deuxième élément de la négation et la forme de

comme dans Je n’ai pas trouvé de courgettes. Quant à l’emploi de la forme de, les résultats diffèrent donc

énormément selon les contextes.

Notre deuxième hypothèse prédisait que les simplifications dans les grammaires et manuels scolaires

entraînent des pertes d’information et que ces pertes sont à la base des erreurs commises par les

apprenants. Nous pouvons confirmer qu’il existe des défauts dans les outils de travail scolaires par

rapport aux grammaires de référence françaises. Cependant, ce ne sont pas uniquement les lacunes

dans les grammaires scolaires qui ont causé les erreurs chez les apprenants. Il y a encore d’autres

facteurs qui ont influencé les résultats de manière négative. Ainsi, nous avons observé dans quelques

exercices l’influence du néerlandais ou du type d’exercice sur les résultats: l’exercice à trous pose

moins de problèmes que les autres exercices et la tâche ciblant la correction d’erreurs paraît très

pénible pour les apprenants. La fréquence d’un syntagme dans le contexte scolaire ou le champ lexical

duquel les mots proviennent peuvent aussi jouer un rôle.

Notre dernière hypothèse d’ordre sociolinguistique est confirmée par notre corpus : les apprenants de

la sixième année obtiennent de manière conséquente de meilleurs résultats que ceux de la quatrième

Page 70: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

68

année. La seule exception est l’emploi de l’article défini se rapprochant du possessif sans verbe à la

forme pronominale : dans ce contexte, les apprenants de la quatrième année ont obtenu de meilleurs

résultats, probablement parce que la théorie concernant cet emploi de l’article défini est encore plus

présente dans la mémoire de ce groupe d’apprenants. A partir de la comparaison des résultats de ces

deux groupes d’apprenants, nous avons en outre proposé un axe chronologique selon lequel les

différents articles s’acquièrent : (1) l’article défini et l’article zéro (2) l’article indéfini et la forme de

derrière une négation ou une indication de quantité (3) l’article partitif et (4) la forme de devant un

nom au pluriel précédé d’un adjectif.

Finalement, nous voudrions souligner que notre étude a ces limitations : notre corpus se restreint à 90

tests d’apprenants néerlandophones d’une même école. Par conséquent, il serait intéressant de mener

cette étude à plus grande échelle : avec un nombre d’exercices plus étendu, auprès d’un groupe

d’apprenants plus grand et au sein de différentes écoles avec des situations géographiques variées.

Page 71: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

69

Références bibliographiques

Bartning, I. & Kirchmeyer, N. (2003). Le developpement de la compétence textuelle à travers les stades acquisitionnels en français L2. AILE, 19, 9-39.

Bartning, I & Schlyter, S. (2004). Itinéraires acquisitionnels et stades de développement en français L2.

French Language Studies, 14, 281-299. Colman, L. ; Coppens, G. ; Scolozzi, F. & Valentijn, G. (2009). 7 Beaufort. Frans voor het 1e jaar SO (A-stroom).

Brugge : Die Keure. Conseil De l’Europe (2001). Cadre européen commun de référence pour les langues : apprendre, enseigner,

évaluer. Paris : Les Éditions Didier. De Salins, G.-D. (1996). Grammaire pour l’enseignement / apprentissage du FLE. Paris : Didier / Hatier. De Schrijver, A.; De waele, J.; d’Hooghe, M.; Geeroms, A.; Heuleu, A. & Wirtgen, A. (2012). Quartier Latin 2.

Cahier d’activités. Kalmthout: Pelckmans. Europees referentiekader talen (s.d.). België en het ERK/CECR(L). En ligne

http://www.erk.nl/docent/erkineuropa/00002/, consulté le 7 mars 2015. Galmiche, M. (1989). Massif / comptable : de l'un à l'autre et inversement. Dans: David, J. & Kleiber, G.

(eds), Termes massifs et termes comptables (63-77). Paris: Klincksieck.

Granfeldt, J. (2003). L’acquisition des catégories fonctionnelles. Etude comparative du développement du DP français chez des enfants et des apprenants adultes. Etudes romanes de Lund, 67.

Grévisse, M. & Goosse, A. (2011). Le Bon Usage (15me ed.). Bruxelles : De Boeck Supérieur. Kupferman, L. (1979), Les constructions il est médecin/c’est un médecin : essai de solution. Cahiers de

linguistique, 9, 131-164. Larrivée, P. (2004). Indéfinition et emploi du déterminant des chez des apprenants anglophones

avancés du français langue étrangère. Etude non publiée. Lauwers, P. & Vermote, T. (2014). La flexibilité de l'opposition massif/comptable en français et en

néerlandais: une étude contrastive. Syntaxe et sémantique, 15, 139-170.

Lauwers, P. (2014). Les pluriels 'lexicaux': typologie quantifiée des déficits de dénombrabilité. Langue

française, 183, 117-132.

Lebas-Fraczak, L. (2009). Description « communicative » des déterminants français en vue de la didactisation. Cahiers de l’Acedle, vol. 6, n°2.

Lebas-Fraczak, L. (2011). Cas d’absence d’article en français : difficultés des apprenants et proposition

d’une analyse unifié. Studia Romanica Posnaniencia XXXVIII, 2, 19-34. Raes, M.-A. & De Clercq, F. (2012). Grammaire Trajet. Kalmthout : Pelckmans.

Page 72: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

70

Rey-Debove, J. (1978). Le métalangage : étude du discours sur le langage. Paris : Le Robert. Riegel, M. ; Pellat, J-C. & Rioul, R. (1999). Grammaire méthodique du français. Paris : Presses universitaires

de France. Riegel, M. ; Pellat, J-C. & Rioul, R. (2009). Grammaire méthodique du français (4me ed.). Paris : Presses

universitaires de France. Roig, A. (2011). Le traitement de l’article en français depuis 1980. Bruxelles : PIE-Peter Lang. Schlyter, S. (2003). Stades de développement en français L2. Lund : Lund University Publications.

(http://lup.lub.lu.se/record/526759) Wilmet, M. (1998). Grammaire critique du français (2me ed.). Paris : Duculot.

Page 73: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

71

Annexes

1. Pré-test

A. GEGEVENS

1. Naam + voornaam: ………………………………………………..…………

2. Klas: ………………………………………………………………………………..

3. Leeftijd: ………………………………………………………………….……….

4. Geslacht: □ m □ v

5. Moedertaal: …………………………………………………………………..

6. Taal gesproken met:

- Mama: …………………………………………………………………………..

- Papa: …………………………………………………………………………….

- Broers en zussen: ………………………………………………………….

7. Kruis aan:

a. Heeft je mama een diploma:

□ Middelbaar onderwijs

□ Hogeschool

□ Universiteit

b. Heeft je papa een diploma:

□ Middelbaar onderwijs

□ Hogeschool

□ Universiteit

Page 74: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

72

Naam: ……………………………………. Klas: …………………

B. Traduction

1) Op woensdag speel ik piano en op zaterdag speel ik tennis.

2) Volgende week heb ik geen tijd om naar de markt te gaan en twee kilo tomaten te kopen.

3) Kapitein Haddock heeft weinig geduld wanneer hij hoofdpijn heeft.

4) Ik haat koffie, daarom drink ik altijd melk.

5) Op het eerste gezicht heeft hij geen blessures.

6) Ik verbrand vaak mijn vingers22.

7) Zij is het sportiefste meisje van de klas.

8) Jij hebt fouten gemaakt, te veel fouten !

9) Zalm is een soort vis.

10) De directeur heette alle leerlingen welkom.

22 Zich verbranden = se brûler

Page 75: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

73

Naam: ……………………………………. Klas: …………………

C. Complétez les phrases

1) Chaque soir, elle se brosse ……... dents.

2) Il fait froid, fermez ……... fenêtre s’il vous plaît.

3) ……... gros nuages gris couvrent …….... ciel.

4) Il n’y a plus ……….. rideaux devant …….... fenêtres.

5) Tu as …….... courage !

6) Ma famille et moi, nous avons mangé …….... lapin pour Noël.

7) La plupart …….... élèves n’ont pas compris ……….. leçon.

8) Pendant ………... vacances, nous avons fait ……….... voyage en France. On a visité ……….. belles villes,

on a vu ……….... paysages magnifiques et on a mangé beaucoup …………... escargots.

9) J’adore ………….. rouge. Voilà pourquoi j’ai acheté ………….. jolies boucles d’oreille rouges.

10) Maman est allée à ………….... supermarché, elle a acheté ………..… viande, deux bouteilles ……….… lait

et ……….… confiture.

11) Il faut que …………. livre cesse d’être ………….. marchandise comme …………… autre.

12) ………….. grammaire est ………… outil de travail.

13) Je cherche …………… enfant blond pour tenir ………….. rôle de Cupidon.

14) Autrefois, ……………. enfant ne parlait pas à table.

15) On prévoit …………… neige.

Page 76: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

74

Naam: ……………………………………. Klas: …………………

D. Corrigez les phrases si c’est nécessaire

1) Il a des cheveux bouclés et des yeux bleus

2) Qu’est-ce que tu comprends par « fascination » ?

3) Je ne mange pas des bananes.

4) Mardi 18 juin, c’est mon anniversaire.

5) J’ai rendu une visite à mon meilleur ami.

6) Il a le courage de mettre fin à ces absurdités.

7) Président Hollande est malade depuis le 27 septembre.

8) La baleine est un mammifère23.

9) Pierre est professeur de danse.

10) Il y a le vent.

23 Un mammifère = een zoogdier

Page 77: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

75

2. Test définitif

A. GEGEVENS

1. Naam + voornaam: ………………………………………………..…………

2. Klas: ………………………………………………………………………………..

3. Leeftijd: ………………………………………………………………….……….

4. Geslacht: □ m □ v

5. Moedertaal: …………………………………………………………………..

6. Taal gesproken met:

- Mama: …………………………………………………………………………..

- Papa: …………………………………………………………………………….

- Broers en zussen: ………………………………………………………….

7. Kruis aan:

a. Heeft je mama een diploma:

□ Middelbaar onderwijs

□ Hogeschool

□ Universiteit

□ Andere: ……………………………………………..

b. Heeft je papa een diploma:

□ Middelbaar onderwijs

□ Hogeschool

□ Universiteit

□ Andere: ……………………………………………..

Page 78: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

76

Naam: ……………………………………. Klas: …………………

B. Traduction

11) Volgende week heb ik geen tijd om naar de markt te gaan en twee kilo tomaten te kopen.

12) Kapitein Haddock heeft weinig geduld wanneer hij hoofdpijn heeft.

13) Ik haat koffie, daarom drink ik altijd melk.

14) Op het eerste gezicht heeft hij geen blessures.

15) Ik verbrand vaak mijn vingers24.

16) Mooie meisjes kopen graag nieuwe kleren.

17) Jij hebt fouten gemaakt, te veel fouten !

18) Zondag heb ik een ongeval gehad en ik ben bloed25 verloren

19) Zalm is een soort vis.

24 Zich verbranden = se brûler 25 Bloed = sang

Page 79: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

77

Naam: ……………………………………. Klas: …………………

C. Complétez les phrases (le/la/les/l’/un/une/des/du/de la/de/d’)

16) Chaque soir, elle se brosse ……... dents.

17) Votre comportement peut avoir ………… conséquences négatives

18) ……... gros nuages gris couvrent …….... ciel.

19) Il y a ………… touriste partout !

20) Il n’y a plus ……….. rideaux devant …….... fenêtres.

21) Tu as …….... courage !

22) Ma famille et moi, nous avons mangé …….... lapin pour Noël.

23) La plupart …….... élèves n’ont pas compris ……….. leçon.

24) Pendant ………... vacances, nous avons fait ……….... voyage en France. On a visité ……….. belles villes,

on a vu ……….... paysages magnifiques et on a mangé beaucoup …………... escargots.

25) J’adore ………….. rouge. Voilà pourquoi j’ai acheté ………….. jolies boucles d’oreille rouges.

26) Maman est allée au supermarché, elle a acheté ……..…..… viande, deux bouteilles ……….… lait

et ……….… confiture.

27) Il faut que …………. livre cesse d’être ………….. marchandise comme …………… autre.

28) ………….. grammaire est ………… outil de travail.

29) Nous avons bu …………... vin de 2006.

30) Il y a …………….. arbres dans beaucoup …………….. parcs.

31) Je cherche …………… enfant blond pour tenir ………….. rôle de Cupidon.

32) Je n’ai pas trouvé ………………. courgettes, donc j’ai acheté …………….. poivrons.

33) Autrefois, ……………. enfant ne parlait pas à table.

Page 80: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

78

34) On prévoit …………… neige.

35) Bien …………….. gens n’ont pas ……………… chien.

D. Corrigez les phrases si c’est nécessaire

11) Il a des cheveux bouclés et des yeux bleus

12) Qu’est-ce que tu comprends par « fascination » ?

13) Pour nos meubles, nous utilisons chêne26.

14) Je ne mange pas des bananes.

15) Mardi 18 juin, c’est mon anniversaire.

16) J’ai rendu une visite à mon meilleur ami.

17) Il a le courage de mettre fin à ces absurdités.

18) Président Hollande est malade depuis le 27 septembre.

19) La baleine est un mammifère27.

20) Pierre est professeur de danse.

21) Il y a le vent.

26 Chêne = eik, eikenhout 27 Un mammifère = een zoogdier

Page 81: Le système de l'article dans l'interlangue française d ...€¦ · 1 Avant-propos Quand tous mes amis voulaient devenir princesse, ballerine, pompier ou super-héros ; moi, je voulais

79

3. Fichiers Excel

Pour les fichiers en Excel, voir le cd-rom ci-joint