Le suricate magazine - Vingt-neuvième numéro

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Le Suricate mars 2013 Cinéma / Musique / Scène / Littérature / Arts Magazine Arnaud Ducret « s’rend » en Belgique Devenu l’un des personnages incontournables du PAF français, Arnaud Ducret a plus d’une corde à son arc. N° 29 mensuel 21 films à voir Les Touffes Kretiennes Rencontre avec Christoph Hessler Mais aussi... À la une La Princesse des Glaces Interview de Léonie Bischoff et Olivier Bocquet

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L'e-magazine culturel en francophonie

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Le Suricatemars 2013

Cinéma / Musique / Scène / Littérature / Arts

Magazine

Arnaud Ducret « s’rend » en BelgiqueDevenu l’un des personnages incontournables du PAF français, Arnaud Ducret a plus d’une corde à son arc.

N° 29 mensuel

21 films à voirLes Touffes Kretiennes

Rencontre avec Christoph Hessler

Mais aussi...

À la une

La Princesse des GlacesInterview de Léonie Bischoff et Olivier Bocquet

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Sommaire

Le N’importe quoi de N’importe qui

p. 5

Cinéma

Les Brasiers de la colèreMr. Peabody et ShermanLes Trois frères : le RetourLa Belle et la bêteLe Crocodile du BotswangaOnly lovers left aliveSupercondriaqueLa Grande aventure LegoNon Stop de Jaume Collet-SerraHer de Spike JonzeMinuscule / HalfwegBest night ever / A ciel ouvertMa maman... / Viva la LibertaLe Vent se lève / Un WE à ParisDiplomatie / RosennKill your DarlingsActus Ciné

p. 7p. 6

p. 8p. 9p. 10p. 11p. 12p. 13

p. 30p. 31

Musique

Interview de Christoph HesslerLes Touffes KretiennesBeyonceKamchatka - The Search goes onRoyksopp - Running to the seaBruce Springsteen - High HopesPeter Peter

p. 24p. 26p. 27

p. 14p. 15

p. 37

Scènes

Interview d’Arnaud DucretLa VéritéIci MimounaYukonstyleVieilles chansons maléfiquesMystère du château d’HoogvorstNés poumons noirsLa Vie devant soiPunk Rock

p. 34

p. 37

p. 36

p. 38

p. 36

p. 16p. 17p. 18p. 19p. 20p. 23

p. 42

p. 46p. 46

Littérature

Interview d’Olivier Bocquet et Léonie Bischoff Cubitus 9 : L’école des chiensLa Guerre des Lulus, tome 2Goodbye Bukowski1000 maillots de footNosfera2Plein GazLa Légion de la Colombe NoireRomain des villes, des champs

p. 47p. 48

p. 39

p. 49p. 49p. 50p. 51

3mars 2014

p. 23

p. 32p. 33

p. 40p. 41

Règle 1 du Suricate Club : il est obligatoire de parler

du Suricate Club

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Le terrier du suricate

Une publication du magazine

Le Suricate © http://www.lesuricate.org

Directeur de la rédaction : Matthieu MatthysRédacteur en chef : Loïc SmarsDirecteur section cinéma : Matthieu MatthysDirecteur section littéraire : Loïc SmarsDirecteur section musicale : Christophe PaulyDirecteur section théâtre : Matthieu Matthys et Loïc Smars

Webmaster : Benjamin MourlonSecrétaires de rédaction : Pauline Vendola, Maïté Dagnelie, Adeline Delabre

Relation clientèle : [email protected]égie publicitaire : [email protected]

Ont collaboré à ce numéro :

Elodie Mertz, Olivier Eggermont, Adeline Sicart, Cynthia Tytgat, Léopold Pasquier, Quentin Geudens, Cécile Marx, Inès Bourgeois, Astrid Flahaux, Philippe Chapelle, Marie-Laure Soetart, Elodie Kempenaer, Céline Poissonnier, Claire Rigaux, Déborah Lo Mauro, Baptiste Rol, Mathieu Pereira, Françoise Royer, Marie-Laure Bahati, Elise Poissonnier

Crédits

5mars 2014

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Les brasiers de la colère de Scott CooperDirection l’Amérique profonde et la « rust belt », zone industrielle qui concentre l’industrie

lourde des Etats-Unis, pour Scott Cooper qui y dévoile un film sur fond de morosité économique.

En 2008, dans la ville indus-trielle de Baddock, Pennsylvanie, les options sont limitées. Comme son père avant lui, Russell Baze travaille dans un haut-fourneau et mène une vie diffi-cile, mais honnête. Son petit frère, Rodney, vétéran de l’Irak, est incapa-ble de se réintégrer dans une société en pleine crise économique qui n’a pas grand chose à lui offrir. Joueur endetté, il se lance dans des combats de boxe illégaux jusqu’à se retrouver mêlé aux affaires d’Harlan DeGroat, un caïd qui règne en tyran dans les montagnes. Lorsque Rodney disparaît et que la police réagit au ralenti, Russ décide de partir à la recherche de son frère, quitte à tout perdre, pour que justice soit faite.

Ce long métrage de Scott Cooper pro-duit, entre autres, par Ridley Scott et Leonardo DiCaprio, offre un résultat dont l’appréciation se résume au frus-trant « ni bon, ni mauvais ».

Le rythme lent du film participe à sa vraisemblance en évitant des enchaîne-ments de violence abracadabrants, mais peine dès lors à garder l’attention du spectateur. Des longueurs auraient pu être évitées en se séparant notam-ment de quelques moments superflus, comme la scène d’ouverture présen-tant DeGroat, ou encore les souvenirs d’enfance en Super-8 de Russ et Rodney. Le film évoque des thèmes intéressants, mais malheureusement sans les approfondir. Bien que soient abordées la condition de la classe

ouvrière dans une ville industrielle en déclin ou encore celle des soldats ayant servi en Irak, ces éléments sont voués à n’être que du décor.

Reste quand même une histoire qui tient la route et évoque la frontière ténue entre justice et vengeance, à mi-chemin entre libération et aliénation pour qui s’y trouve confronté. Emme-née par la belle voix d’Eddie Vedder, qui a réenregistré la chanson Release du premier album de Pearl Jam, l’histoire est admirablement servie par ses acteurs. Bien loin du chevalier noir de Nolan, Christian Bale incarne parfaitement Russ, un héros, tel que défini par Cooper : un homme ordi-naire, issu de la classe populaire américaine. De chair et d’os, ce per-sonnage fait face à l’adversité, qu’elle se manifeste au travers des coups durs de la vie ou en la personne de DeGroat. Casey Affleck livre aussi une bonne interprétation. Malgré l’attitude fière et vindicative de son personnage, Affleck arrive à transmettre le déses-poir de Rodney qui court au devant des problèmes. Enfin, Woody Harrel-son, qui de Hunger Games à Out of the furnace n’a pas lâché la bouteille, incarne un DeGroat violent à l’humeur versatile. Le genre de vrai sociopathe qui s’offre le luxe d’une réplique com-me « I’ve got a problem with every-body ».

Finalement, malgré toutes ces qualités, Out of the furnace est certes un bon

film, mais ne ne marquera pas l’année 2014.

Les brasiers de la colère

Drame, Thrillerde Scott Cooper

Avec Christian Bale, Woody Harrelson

À Braddock, une banlieue ouvrière américaine, la seule chose dont on hérite de ses parents, c’est la misère. Comme son père, Russell Baze tra-vaille à l’usine, mais son jeune frère Rodney a préféré s’engager dans l’ar-mée, en espérant s’en sortir mieux. Pourtant, après quatre missions diffi-ciles en Irak, Rodney revient brisé émotionnellement et physiquement.

©KFD Distribution

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Cinéma

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Elodie Mertz

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M. Peabody et Sherman de Rob MinkoffLes studios DreamWorks restent une valeur sûre dans le monde du cinéma d’animation. M. Peabody et Sherman, drôle à souhait, pourrait bien être leur nouvelle poule aux oeufs d’or.

M. Peabody est un chien. Mais ce qui le différencie des autres canidés, c’est à peu près tout. Et oui, M. Peabody est un chien qui parle et qui est doué en tout. Intelligent, hom-me d’affaires hors pair, scientifique brillant, prix Nobel, fin cuisinier et deux fois médaillé olympique, M. Peabody est l’incarnation même du super-héros sans super-pouvoir. Mais un jour, ce chien solitaire décide d’adopter un enfant orphelin prénom-mé Sherman. Mais élever un enfant va s’avérer être l’épreuve la plus abstraite et la plus délicate qu’ait pu affronter Monsieur Peabody.

Pour celles et ceux qui ont lu ce synop-sis, M. Peabody se révèle être une bel-le nouveauté pleine d’originalité. Pour-tant, même si nous ne connaissions pas ce personnage dans nos contrées, il existe depuis plus d’un demi siècle chez nos amis d’outre-Atlantique. Créés vers la fin des années cinquante par Ted Key, Mr Peabody and Sher-man sont très vite devenus des incon-tournables de la télévision de l’époque. Cet engouement était d’autant plus significatif qu’il fédérait aussi bien les petits par son côté gentil et loufoque que les adultes par les nombreuses connotations et jeux de mots qui y étaient légions.Aujourd’hui, nos deux compères dont la situation est complètement parado-xale (un enfant adopté par un chien et non l’inverse) retrouvent une seconde jeunesse sous la direction de Rob Winkoff, le génie de l’animation à qui

l’on doit notamment les succès du Roi Lion et de Stuart Little. En restant fidè-le à l’idée initiale lancée par Ted Key, le réalisateur californien a vu juste puisque ce long métrage est une pure merveille à tous points de vue.Premièrement, la narration passive nous fait entrer de plein fouet dans l’histoire. Même si celle-ci est complè-tement décalée, le spectateur accepte instantanément l’idée saugrenue de voir un chien qui parle être le tuteur lé-gal d’un enfant. Cette situation antago-niste permet alors à la réalisation de partir sans filet vers un récit fantaisiste sans pour cela être décousu. Ce déclic magistral se développe chez les en-fants qui se retrouvent dans les traits du jeune garçon et qui, avec l’aide d’une histoire drolatique à souhait, en-trent malgré eux dans la peau de son personnage en vivant des aventures aux côtés de M. Peabody. Mais les pa-rents ne sont pas en reste puisqu’ils se-ront davantage attirés par la complexi-té comportementale de Mr Peabody. Un comportement très mature qui con-traste parfaitement avec la vision en-fantine de Sherman. En outre, Mr Pea-body revêt à la fois le costume de l’exemplarité mais également celui de l’exagération, deux comportements qui peuvent être antagonistes à bien des égards.Deuxièmement, et c’est probablement la plus grande force de ce film d’ani-mation, la truculence des réflexions et des dialogues dont nous a gratifié Craig Wright est admirable. Entre ca-lembours, blagues faciles et les nom-

breuses connotations historiques ou contextuelles, le spectateur ne s’ennuie pas une seule seconde. Le récit est construit de manière magistrale et don-ne un rendu intelligent à l’histoire. De fait, l’enfant, trop souvent pris par les studios pour un spectateur décérébré, pourra y voir et y apprendre de nom-breuses choses en même temps que s’écoule le fil de l’histoire.

En résumé, M. Peabody et Sherman est une production intelligente, intelli-gible et amusante qui ravira petits et grands. Un film d’animation à voir en famille qui apporte un vent de fraî-cheur inespéré.

M. Peabody et Sherman

Famille, Animationde Rob Minkoff

M.Peabody est la personne la plus in-telligente au monde. Il est à la fois lauréat du prix Nobel, champion olympique, grand chef cuisinier... et il se trouve aussi être un chien ! Bien qu’il soit un génie dans tous les do-maines, M. Peabody est sur le point de relever son plus grand défi : être père. Pour aider Sherman, son petit garçon adoptif, à se préparer pour l’école, il décide de lui apprendre l’histoire et construit alors une machi-ne à voyager dans le temps.

©20th Century Fox

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La critique

Matthieu Matthys

7mars 2014

Page 8: Le suricate magazine - Vingt-neuvième numéro

Le retour des trois frères prodigesDix-huit années ont passé depuis la sortie du film culte des Inconnus, Les Trois Frères. Un succès

qui résonne encore dans nos têtes. C’est pourquoi, le trio a décidé de remettre le couvert.

Pascal Légitimus, Didier Bourdon et Bernard Campan, cela faisait un petit temps que ces noms n'étaient plus associés. Et, il faut bien le dire, mis à part quelques rôles joués par le dernier, la réussite cinémato-graphique du trio comique français n'était pas étincelante. Leur retour est donc fortement attendu avec ce Les Trois Frères, le retour, la suite de la comédie qui les a réellement lancés au grand écran.

Dix-huit années après leur première rencontre fracassante, les trois frangins Latour sont de nouveau réunis, cette fois à l'exposition des cendres de leur mère. Si la réunion du trio ne prend pas cinq minutes, l'histoire met un peu plus de temps à se mettre en place. On suit d'abord les pérégrinations des per-sonnages un à un. Et ce qui est sûr, c'est qu'ils ont vraiment une vie de merde. Didier est marié une femme ennuyeuse dans le seul but de toucher l'héritage de la mère de cette dernière, Pascal est en couple avec une sexa-génaire riche uniquement pour son ar-gent et quant à Bernard, il n'a pas vrai-ment changé : c'est un toujours un comique raté. Seulement, maintenant il a une fille adolescente dont il va devoir s'occuper.

Comme on peut s'y attendre, leur réu-nion va mettre un joyeux bazar dans leurs relations respectives.

On retrouve dans le film les ingré-dients qui ont fait le succès du premier

et on reconnaît l'humour potache des Inconnus dès les premières minutes. Il ne faut pas longtemps pour qu'on se remette dans le bain. Le film compte aussi sur l'opposition de caractère entre Didier le grincheux, Pascal le nerveux et Bernard l'imbécile heureux. On prend les mêmes et on recommence donc, le seul problème c'est de savoir si cette recette marche encore. Et là, on est assez partagé.

Dans l'ensemble, le film arrive à faire sourire et donne même lieu à des mo-ments de franche rigolade, mais sous certains aspects, le trio fait encore de l'humour comme dans les années 90. Cela ne posera sûrement aucun pro-blème à ceux qui ont grandi avec leurs sketchs, mais pour la nouvelle génération, on est plus perplexe. Le film n'est pas vraiment susceptible de plaire à la génération des moins de 18 ans. Le scénario pour sa part tient un peu plus la route que celui du premier opus même si on est dans une comédie assez classique, certains gags sont attendus mais ils sont pour la plupart bien amenés. Mention spéciale pour Pascal Légitimus qui nous fait toujours autant rire dans son rôle de « Bana-nia ».

Les Inconnus ont donc mieux géré leur retour sur scène que Le Splendide, mê-me si le film ne restera pas dans les an-nales. On en ressort content que le trio ne se soit pas totalement planté mais sans avoir assisté à une comédie ex-ceptionnelle. On se donne donc ren-

dez-vous dans quinze ans lorsqu'ils auront besoin d'argent pour leur re-traite, mais comme dirait l'autre : « Cela ne nous regarde pas ! ».

Les trois frères, le retour

Comédiede Didier Bourdon et

Bernard Campan

Ils sont trois,Ils sont frères,Ils sont de retour.15 ans après, Didier, Bernard et Pas-cal sont enfin réunis... par leur mère...Cette fois sera peut-être la bonne.

©Belga Films

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La critique

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Olivier Eggermont

Cinéma / Musique / Scène / Littérature / ArtsCinéma

Page 9: Le suricate magazine - Vingt-neuvième numéro

La Belle et la Bête de Christophe GansChristophe Gans a signé Le Pacte des Loups en 2001. Entretemps, le cinéaste français s’était quelque peu égaré avec Silent Hill. Cette fois, il reprend La Belle et la Bête, un pari risqué.

1810. Après le naufrage de ses navires, un marchand ruiné doit s’exiler à la campagne avec ses trois fils et ses trois filles. Belle est la plus jeune, la plus délicate, et sa préférée.

Alors qu'une opportunité commerciale s'offre à lui, le père de famille se rend un jour en ville, chargé par ses filles de ramener robes, parfums, bijoux, et une simple rose pour Belle. L'affaire s'avè-re mauvaise, et le marchand est con-traint de rentrer bredouille, toujours aussi pauvre. Mais il s'égare dans une tempête et se retrouve aux portes du château ensorcelé de la Bête. Sain et sauf, il y trouve l'hospitalité et les ri-ches parures réclamées par ses filles. En repartant, il commet cependant l'erreur de voler une rose pour sa fille tant aimée. Ce geste, la Bête ne le par-donnera pas : il condamne le pauvre homme à revenir au château pour le reste de sa vie.

Belle, se sentant responsable du terri-ble sort qui s’abat sur sa famille, déci-de de se sacrifier, et prend la place de son père. Ainsi débute l'histoire de la Belle et la Bête, au cours de laquelle l'héroïne devra affronter la solitude, percer les secrets de cet être repoussant et désagréable et surmonter peurs et préjugés pour découvrir la richesse du cœur, le véritable amour.

Le film de Christophe Gans est la neu-vième adaptation du célèbre conte la Belle et la Bête, les plus connues à ce

jour étant la version de Jean Cocteau et le dessin animé de Disney de 1991.

Ici, le réalisateur propose une autre lec-ture de ce conte populaire, en adaptant pour la première fois, non pas le texte célèbre de Jeanne-Marie Leprince de Beaumont publié en 1757, mais une version antérieure, moins connue, écri-te par Madame de Villeneuve en 1740, où les personnages de la Bête et de la Belle prennent une autre dimension.

Niveau casting, on n’a rien à repro-cher. Vincent Cassel est l'incarnation parfaite de ce personnage aux deux facettes : un Prince charmant et une Bête mystérieuse aussi effrayante qu'attirante, Bête qui ne manque pas de nous faire penser à celle de Walt Disney avec sa tête de lion et ses yeux d'un bleu profond. Quant à Léa Sey-doux, elle est à la fois force et douceur, beauté et simplicité, tout comme la Belle que l'on imagine. On retrouve également André Dussolier ou encore Audrey Lamy, interprète de l’une des sœurs de Belle, dont, seul bémol, la futilité et la superficialité apparaissent trop caricaturées.

Dans ce film, point de sorcière, de théière et de chandelier, mais il ne manque ni de magie, ni de féerie. On y découvre d'autres créatures, dont de petits personnages envoûtés aussi mignons qu'insolites.

Au final, on est heureux de (re)dé-couvrir l'un des plus célèbres contes de

l'histoire, dans une version un peu différente, mais dont le thème central reste identique : la beauté intérieure, l'amour au-delà des apparences et de tout le reste, indémodable ! On ne sou-haite qu'une seule chose, pouvoir un jour raconter cette histoire à nos en-fants.

La belle et la bête

Fantastiquede Christophe Gans

Avec Léa Seydoux

1810. Après le naufrage de ses navi-res, un marchand ruiné doit s’exiler à la campagne avec ses six enfants. Parmi eux se trouve Belle, la plus jeu-ne de ses filles, joyeuse et pleine de grâce. Lors d’un éprouvant voyage, le Marchand découvre le domaine ma-gique de la Bête qui le condamne à mort pour lui avoir volé une rose. Se sentant responsable du terrible sort qui s’abat sur sa famille, Belle décide de se sacrifier à la place de son père.

©Alternative Films

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Adeline Sicart

9mars 2014

Page 10: Le suricate magazine - Vingt-neuvième numéro

Le Crocodile du Botswanga, c’est ratéDepuis « Case départ », le duo Fabrice Eboué - Thomas Ngijol était attendu au tournant mais au

final, cette satire de la politique africaine se révèle être une déception sous tous points de vue.

Didier est un agent de joueurs peu talentueux. Néanmoins, il a réussi à dénicher une perle en la personne de Leslie Konda, attaquant de génie. À l’heure où le jeune footballeur doit choisir sa future équipe nationale, le président du Botswanga, dictateur no-toire, l’invite dans son pays d’origine pour disperser les cendres de sa grand-mère mais surtout pour que celui-ci choisisse de porter le maillot des Cro-codiles du Botswanga plutôt que celui de la France.

En 2011, le premier film de Lionel Steketee, Case Départ, nous offrait un duo inédit et incroyablement drôle : Fabrice Eboué et Thomas Ngijol. Deux humoristes arrachés à la scène pour exploser sur grand écran. Car, il faut bien l’avouer, le film ne nous ins-pirait pas mais s’est révélé être au final une excellente surprise où l’ironie et l’humour équilibraient à merveille la diatribe historique de la trame de fond.Pour ce deuxième long métrage, on prend les mêmes et on recommence. Lionel Steketee à la réalisation, Fabri-ce Eboué et Thomas Ngijol dans les rôles principaux et enfin, une histoire sur les difficultés économiques et poli-tiques que traversent les pays africains. Satire se retranchant à nouveau derriè-re l’humour comme son prédécesseur. Nous en attendions dès lors beaucoup et nous avons été à l’arrivée âprement déçus.

De fait, en voulant pasticher à tout va, Fabrice Eboué et Blanche Gardin (les

scénaristes) se sont quelques peu em-bourbés dans la surenchère. S’il est vrai que certains dialogues ou certai-nes situations restent comiques, force est de constater que l’ensemble est d’une lourdeur parfois affligeante. Tout y est exagéré à l’extrême ce qui entraine chez le spectateur une lassi-tude inévitable. De l’idée d’affubler notre cher dictateur d’un costume ba-varois à la mièvre histoire d’amour du jeune Leslie Konda, tout semble hors contexte et totalement déluré. Par ex-tension, nous avons même eu la désa-gréable sensation d’avoir assisté à une série de sketchs de valeur inégale plu-tôt qu’à un récit suivi et construit.

Pourtant, les acteurs et le réalisateur du film s’en défendent. Ils ont voulu, par cette comédie, retranscrire une réalité bien présente sur le continent africain. Mais cette énergie scénaristique salu-taire est annihilée par des facéties bur-lesques trop accentuées et surtout, inu-tiles. Et pour cause, lorsque, par exem-ple, le sujet de la lutte contre le sida est abordé, l’histoire du remède miracle proposé par le président sonne juste mais sa transposition à l’écran est ma-ladroite de par les tonnes des frasques bombardées en vrac autour d’un sujet pourtant sérieux. Faire passer un mes-sage par le rire est probablement une idée géniale mais faut-il encore pou-voir le faire correctement.Néanmoins, si l’ensemble paraît hélas médiocre, il faut avouer que nous avons souri à certains instants. C’est un fait certain, Fabrice Eboué et Tho-

mas Ngijol sont drôles et incarnent parfaitement le rôle qui leur a été res-pectivement attribué. Certains détails ou certains dialogues sont bien trouvés et provoquent le rire. Mais hélas, com-me expliqué en détail ci-dessus, ces moments sont trop rares pour rehaus-ser l’histoire.En résumé, Les Crocodiles du Bot-swanga constituait une véritable atten-te de la part de ceux qui avaient vu dans Case Départ l’esquisse d’un re-nouveau de la comédie française. Mais les exagérations contextuelles et la surenchère scénaristique ont fait de ce second film une balourdise.

Le crocodile du Botswanga

Comédiede Lionel Steketee et

Fabrice Eboué

Leslie Konda, jeune footballeur fran-çais talentueux, repéré à son adoles-cence par Didier, un agent de faible envergure, vient de signer son premier contrat d’attaquant dans un grand club espagnol. Dans le même temps, sa notoriété grandissante et ses ori-gines du Botswanga, petit état pauvre d’Afrique centrale, lui valent une invi-tation par le Président de la Républi-que en personne : Bobo Babimbi, un passionné de football, fraîchement installé au pouvoir après un coup d’état militaire.

©Alternative Films

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La critique

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Matthieu Matthys

Cinéma / Musique / Scène / Littérature / ArtsCinéma

Page 11: Le suricate magazine - Vingt-neuvième numéro

Only lovers left alive de Jim JarmuschS’inspirant d’un roman de Mark Twain, le cinéaste Jim Jarmusch a à nouveau monté les marches

de Cannes avec ce film de vampires qui s’avère au final un peu décevant et sans entrain.

Sélectionné en compétition officielle au festival de Cannes de 2013, le dernier film de Jim Jarmusch raconte l’histoire de deux vampires. Amoureuse de la vie, Eve (Tilda Swin-ton) vit à Tanger, tandis qu’Adam (Tom Hiddleston) traîne son spleen dans la ville abandonnée de Détroit.

Lors d’une conversation, sentant son partenaire séculaire déprimé par ce que les hommes font du monde, Eve déci-de de rejoindre Adam dans le Michi-gan. Les deux amants se retrouvent avec une grande tendresse, échangeant anecdotes du temps passé, considéra-tions mycophiles et repas à l’hémo-globine. L’arrivée d’Ava, la petite sœur mutine et immature d’Eve, chamboule leur confortable quotidien.

Only lovers left alive est avant tout un film d’ambiance et, en ce sens, est réussi. La bande originale est envoû-tante, avec notamment des titres résul-tant de la collaboration de Jim Jar-musch et Jozef Van Wissem, compo-siteur et luthiste néerlandais. Les deux artistes avaient déjà collaboré pour deux albums, dont le deuxième, The Mystery of Heaven incluait la présence d’une certaine Tilda Swinton. Ajoutez au film quelques oldies but goodies ayant fait leur preuve : Funnel of love de Wanda Jackson (déjà entendu dans Entourage) ou Can’t hardly stand it de Charlie Feathers (entendu dans Kill Bill Vol.2 et le jeu vidéo Grand Theft Auto V) et la bande-annonce est jouée.

La mise en scène et les décors témoi-gnent du poids des siècles accumulés par les deux personnages. Eve vit dans un décor oriental peuplé de livres – les amoureux de la cultissime biblio-thèque de La Belle et la Bête de Disney apprécieront – tandis qu’Adam collectionne les instruments de musi-que dans un laboratoire de composi-tion d’oraisons funèbres underground.

C’est que ces deux personnages, nom-més non pas d’après la Bible, mais d’après The Diaries of Adam and Eve de Mark Twain, ont eu des siècles pour accumuler du savoir. Ils connaissent les noms latins de la faune et de la flo-re, ont côtoyé Mary Shelley, l’auteur de Frankenstein, et le célèbre poète romantique Lord Byron, et ils ont pour ami le dramaturge et poète élisabéthain Christopher Marlowe.

Malheureusement, malgré le déploie-ment de cette agréable et érudite atmo-sphère, Only lovers left alive est plutôt soporifique. Il ne se passe pas grand-chose dans ce film entièrement noc-turne – histoire de vampires oblige. Remplaçant Michael Fassbender au départ pressenti pour le rôle, Tom Hiddleston tient la distance face à une Tilda Swinton posée et juste. Cepen-dant, même s’ils forment un beau couple au look de rock-stars blasées, leur interprétation ne compense que moyennement l’embryon d’intrigue. Les seuls rebondissements se résument à quelques touches d’humour çà et là, ainsi qu’à la courte performance de

Mia Wasikowska dans un rôle agaçant à souhait.

À défaut d’être captivé par ce film in-die, on en appréciera (à petite dose) l’atmosphère et on se réjouira d’avoir vu la maison du pote de Jarmusch, un certain Jack White.

Only lovers left alive

Drame, Romancede Jim Jarmusch

Avec Tilda Swinton

Dans les villes romantiques et déso-lées que sont Détroit et Tanger, Adam, un musicien underground, profon-dément déprimé par la tournure qu’ont prise les activités humaines, retrouve Eve, son amante, une femme endurante et énigmatique. Leur his-toire d’amour dure depuis plusieurs siècles, mais leur idylle débauchée est bientôt perturbée par l’arrivée de la petite sœur d’Eve, aussi extravagante qu’incontrôlable.

©ABC Distribution

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La critique

Elodie Mertz

11mars 2014

Page 12: Le suricate magazine - Vingt-neuvième numéro

Supercondriaque, humour inconstantSix années se sont écoulées depuis le succès retentissant de « Bienvenue chez les ch’tis ». Depuis,

le duo Merad-Boon était fort attendu mais hélas, ce nouveau film n’est pas du même niveau.

Romain Faubert est hypo-condriaque à l’extrême. Cette phobie de la maladie lui vaut pas mal de sou-cis personnels comme l’incapacité à trouver une femme pour partager sa vie. Pourtant, son meilleur ami, le doc-teur Dimitri Zvenska, ne désespère pas de lui trouver l’âme sœur. D’autant que ce dernier, mais surtout sa femme, commence sérieusement à perdre pa-tience envers ce malade imaginaire.

Supercondriaque est la super-production française de ce début d’an-née. Très attendue par les fans de Bienvenue chez les Ch’tis, ce film mar-que le retour du duo qui avait faire rire la France entière, celui composé de Kad Merad et Dany Boon. Au menu, un personnage hypocondriaque à l’ex-cès, un médecin à bout de nerfs, une histoire d’amour et un mystérieux ré-fugié. Voici le schéma simplifié d’une comédie légère et brouillonne qui, de toutes évidences, n’est pas au niveau du succès hexagonal de l’année 2008.

Tout commençait pourtant bien pour le duo comique français. Dany Boon dans un rôle d’hypocondriaque légère-ment abruti et Kad Merad dans un rôle plus sérieux contrebalançant délicieu-sement l’exagération dramaturgique de son comparse, tout était réuni pour nous offrir un moment de détente mê-me si l’on se doutait un peu que celui-ci ne serait sûrement pas aussi risible.

Pari gagné puisque la première demi-heure de film nous a proposé exacte-

ment les scènes auxquelles nous nous attendions. Une succession de frasques divertissantes, quelques fois marrantes même si souvent poussives. Bref, une comédie populaire récréative. En ou-tre, l’arrivée d’Alice Pol dans le duo apporte même une fraîcheur bienve-nue, agrémentant le jeu d’acteur par ses mimiques succulentes.

Mais passé cette première demi-heure, l’histoire s’écarte fortement de l’idée initiale (l’hypocondrie) pour nous em-mener dans une sorte d’aventure où Romain Faubert va se muer en faux révolutionnaire. Dès cet instant, le fil narratif perd quelque peu le spectateur en l’engluant dans un imbroglio scéna-ristique duquel il ne se dépêtrera ja-mais. Ce choix incompréhensible prouve hélas toute la difficulté qu’en-dure Dany Boon à nous offrir de la nouveauté depuis maintenant six ans. Que ce soit en tant qu’acteur dans les piètres Le Volcan et Un Plan Parfait, ou en tant que réalisateur dans Rien à Déclarer, l’humoriste peine à s’extir-per de sa propre prison dorée, celle présentant un personnage drôle par son côté ridicule en contradiction totale avec la réalité de la vie. Un schéma éculé qui a fait son temps et qu’il est grand temps d’abandonner.

Outre cette redondance qui semble agacer de plus en plus de personnes, il faut également se farcir l’histoire pa-rallèle de ce personnage insipide deve-nu révolutionnaire par un concours de circonstances. Si l’idée aurait pu être

judicieuse dans un autre contexte, for-ce est de constater qu’elle n’apporte rien au récit et, plus grave, le dessert totalement en écartant l’histoire de son sujet.

De plus, une question nous a taraudé tout au long du film. Où sont donc pas-sés les 31 millions d’euros de budget ?

En résumé, Supercondriaque est une super-déception pour les fans de co-médie et une confirmation de la baisse de régime de Dany Boon. Néanmoins, les quelques blagues drolatiques rattra-pent légèrement la faible consistance du scénario.

SupercondriaqueComédie

de Dany Boon

Avec Dany Boon, Kad Merad, Alice Pol

Romain Faubert est un homme seul qui, à bientôt 40 ans, n’a ni femme ni enfant. Le métier qu’il exerce, photo-graphe pour dictionnaire médical en ligne, n’arrange rien à une hypo-condrie maladive qui guide son style de vie depuis bien trop longtemps et fait de lui un peureux névropathe. Il a comme seul et véritable ami son mé-decin traitant, le Docteur Dimitri Zvenska, qui dans un premier temps a le tort de le prendre en affection, ce qu’il regrette aujourd’hui amèrement.

©Alternative Films

26 fé

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4

La critique

10

Matthieu Matthys

Cinéma / Musique / Scène / Littérature / ArtsCinéma

Page 13: Le suricate magazine - Vingt-neuvième numéro

La Grande Aventure Lego, marketing réussiDepuis plus d’un siècle, le géant industriel danois Lego a fait rêver plusieurs générations.

Aujourd’hui, ce sont ces mêmes personnes qui se retrouveront dans cette histoire nostalgique.

Emmett est un petit person-nage du monde merveilleux de Lego. Dans ce monde idyllique, tout est su-per génial (dixit la chanson entonnée par notre protagoniste) à un point tel qu’il est impossible pour Emmett de vivre une autre vie que celle qui lui a été offerte. Ouvrier du bâtiment de son état, autrement dit simple pion d’une chaîne bien rôdée, ce petit bonhomme en plastique jaune est d’une insou-ciance enfantine, suivant à la lettre les plans qui lui sont attribués. Mais au-dessus de son monde, Lord Business veille et est bien décidé à anéantir toute rébellion à l’ordre établi. Comment ? En engluant purement et simplement le monde des Lego. Pour faire face à ce plan machiavélique, la prophétie a désigné le Spécial qui n’est autre que… Emmett.

Après le discutable Tempête de bou-lettes géantes et le très drôle 21 Jump Street, le duo Phil Lord – Chris Miller est de retour avec une production hors du commun à bien des égards, La grande aventure Lego. Véritable car-ton outre-Atlantique, ce film d’anima-tion mettant en scène les fameux per-sonnages de la marque de jouets danoise va probablement conquérir le cœur des enfants et vider le porte-feuille de leurs parents tant le place-ment de produit n’aura jamais aussi bien été transposé à l’écran.

De fait, et autant le dire d’emblée, ce long métrage d’animation est avant tout une publicité d’une heure et demi

ventant uniquement les produits de la marque éponyme. Nul doute que l’idée commerciale était bien présente dans les esprits lors de la genèse du projet. Mais, en visant juste et en s’accaparant le public adulte avec des connotations et des anecdotes hilaran-tes et subjectives, les deux cinéastes ont su aller au-delà de ce que l’on peut appeler une publicité.

Et pour cause, même si le fil narratif de l’histoire tend à nous assener les mérites de la marque et son évolution à travers les époques, la magie opère grâce à l’humour omniprésent mais également grâce à un travail graphique d’une précision remarquable. Sur ce dernier point, on ne peut que s’incliner face aux images et aux réalisations en images de synthèse qui sont à couper le souffle. En outre, l’histoire alterne les genres sans pour cela les emmêler. On passe ainsi de la comédie au dra-me, de la science-fiction à l’action, tout cela au travers un récit d’aventure. Une prouesse remarquable.

Mais passé cet état de contemplation, notre conscience a tout de même été titillée, se rendant elle-même coupable de trouver jouissive une publicité fla-grante destinée à un public qui ne s’en rend pas compte. À cette question inté-ressante, l’on pourrait aisément la prendre à contre-sens : est-il préférable de faire du marketing explicite plutôt que du placement produit déguisé ? La question reste ouverte.

Quoi qu’il en soit, l’histoire tient la route dans son ensemble et ravira à coup sûr les plus jeunes d’entre nous même si certaines références ne leur parlerons pas du tout. A contrario, nous avons été quelques fois surpris (sans pour cela trouver cela choquant) de la violence de certaines scènes. Si l’on comprend aisément qu’il s’agit de pe-tits bonhommes en polymère, le doute reste entier quant à la capacité d’un bambin à le dissocier de la réalité.En résumé, La Grande Aventure Lego est une réussite scénaristique, techni-que et marketing. Un long métrage empreint d’humour sur fond de nos-talgie.

La grande aventure Lego

Animationde Phil Lord et Chris

Miller

Emmet est un petit personnage banal et conventionnel que l'on prend par erreur pour un être extraordinaire, capable de sauver le monde. Il se re-trouve entraîné, parmi d'autres, dans un périple des plus mouvementés, dans le but de mettre hors d'état de nuire un redoutable despote. Mais le pauvre Emmet n'est absolument pas prêt à relever un tel défi !

©WarnerBros Pictures

26 fé

vrie

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4

La critique

Matthieu Matthys

13mars 2014

Page 14: Le suricate magazine - Vingt-neuvième numéro

Non Stop de Jaume Collet-SerraDepuis « Case départ », le duo Fabrice Eboué - Thomas Ngijol était attendu au tournant mais au

final, cette satire de la politique africaine se révèle être une déception sous tous points de vue.

Après Unknown, le réalisateur Jaume Collet-Serra (The River, Sans Identité, Esther) et l’acteur Liam Nee-son (The Grey, La Colère des Titans, Taken 1 et 2) récidivent avec Non-Stop. Ce nouveau thriller américain, agrémenté de scènes d’action, vous en-traine dans une chasse à l’homme en plein vol au dessus de l’Atlantique.

Bill Marks (Liam Neeson), un agent de la police de l’air, embarque pour un vol de routine New York - Londres. Alors qu'il s’attendait à un voyage ordinaire, Bill reçoit de mystérieux SMS d’un inconnu lui annonçant qu’un passager mourra toutes les 20 minutes si le gouvernement ne trans-fère pas 150 millions de dollars sur un compte secret. Chaque passager de-vient alors un suspect potentiel… L’agent Marks pourra compter sur l’ai-de de la mystérieuse et séduisante Jen Summers incarnée par Julianne Moore (Carrie la Vengeance, Children of Men).

Un vol sans histoire se transformant en chasse à l’homme ou en prise d’otage c’est tout simplement du déjà vu. Entre Passager 57, Flight Plan ou Snakes on a Plane, on ne s’attend plus à du neuf, du nouveau ou de l’original. À cela s’ajoute le portrait cliché du person-nage principal. Ancien flic alcoolique à la dérive et usé par les mauvaises ex-périences de la vie, Bill Marks cumule beaucoup de poncifs que l’on retrouve dans les films d’action bien typiques. Tous les ingrédients étaient donc réu-

nis pour plonger la tête la première dans une histoire bien stéréotypée. Et pourtant, on est positivement surpris ! Non-Stop est un cocktail explosif mê-lant suspense et adrénaline, le tout mi-xé à une ambiance tendue de huis-clos. Ce thriller aérien n’est pas qu’un sim-ple film d’action mais un scénario dia-blement efficace et très rythmé. Entre rebondissements et coups de bastons, l’intrigue vous plaque au fond de votre fauteuil du début à la fin. Impossible de décrocher ! 146 passagers, de mys-térieux meurtres, un complot, une atmosphère oppressante… Cette his-toire a parfois des accents d’enquête façon Agatha Christie. Et ce n’est pas pour nous déplaire.

Ce long-métrage est mené par le tan-dem Neeson/Collet-Serra et cela fonc-tionne à merveille ! On retrouve pour notre plus grand plaisir, un Liam Nee-son au sommet de sa forme et égal à lui-même. Papa invincible dans Taken 1 et 2, il est ici un agent tout aussi invincible ; un flic expérimenté qui peut se vanter de maitriser n’importe quel méchant en moins de deux secon-des et demie.

Malgré un scénario haletant, la décou-verte du coupable ainsi que ses moti-vations est quelque peu décevante… Ses intentions et manigances ont été (trop) vite expédiées comme reléguées au rang de détails sans importance. Un comble pour un scénario aussi bien fi-celé ! La fin est d’ailleurs un peu trop expéditive. Le film aurait gagné en

profondeur si elle avait été plus tra-vaillée et moins bâclée.

Pour résumer, Non-Stop c’est de l’ac-tion, du suspense et une enquête palpi-tante, le tout à plusieurs milliers de mètres d’altitude. Comme à son habi-tude, Liam Neeson nous transporte par son charisme jouant la force tran-quille… mais qu’il ne faut pas trop chercher. Non-stop est un film divertis-sant, électrisant et parfaitement planant pour peu que l’on ne fasse pas trop attention aux finitions.

Non StopAction, Thriller

de Jaume Collet-Serra

Avec Liam Neeson, Julianne Moore

Alors qu'il est en plein vol, un agent de la police de l’air reçoit des SMS d’un inconnu qui dit être à bord et vouloir assassiner un passager toutes les 20 minutes s'il ne reçoit pas 150 millions de dollars.

©Belga Films

26 fé

vrie

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4

La critique

14

Cynthia Tytgat

Cinéma / Musique / Scène / Littérature / ArtsCinéma

Page 15: Le suricate magazine - Vingt-neuvième numéro

Her de Spike JonzeAdepte invétéré de la science-fiction, Spike Jonze nous livre ici une romance 2.0 où l’intelligence artificielle remplace l’humain et sa complexité. Un film nommé cinq fois aux prochains Oscars.

Dans un futur proche, Théo-dore Twombly fait l’acquisition d'une intelligence artificielle délicieusement prénommée Samantha. Cette dernière se voit confier pour mission de redon-ner goût à la vie à son utilisateur, inconsolable suite au départ de sa fem-me. Le résultat est forcément au dessus de toutes espérances, et bientôt Sa-mantha et Théodore tombent amou-reux.

De ce grand sujet SF - Quel devenir humain pour la machine ? - Spike Jonze n'aborde que les contours, igno-rant ses vertigineuses profondeurs (Jonze, cinéaste de surface. On y reviendra). Au final rien de bien grave de ce côté-là, puisque à l'instar d'un Vidéo Girl Aie (pour ceux qui ont lu ce petit bijou), Her lorgne davantage vers le drame romantique que vers le récit d'anticipation.

Le principal défaut de ce film, il faudra le chercher dans cette curieuse schizo-phrénie qui amène le film à diagnosti-quer un mal - une profonde insatis-faction face au réel - et en encourager cependant la phase terminale, à savoir un transfert de valeurs vers l'artificiel.

Ainsi Théodore souffre de cette réalité décevante qu'il tente de fuir tant bien que mal.

Cette demande de réel augmenté, c'était déjà celle - par principe - d'un format, le vidéo clip, dont est issu Spike Jonze. De ces petits moments de

bravoure fantasques (Christopher Wal-ken dansant dans les airs) jusqu’à Her, le cinéma de Jonze décrit de la même manière un mouvement, celui d'une fuite en avant hors du réel (Dans la peau de John Malkovich, Max et les Maximonstres).

Hélas chez Spike Jonze, le salut a tou-jours un goût de superficiel. La faute à un cinéma esthetico-frigide dont le problème a souvent été de ramener tout à un épais vernis, trop lisible pour être passionnant, trop léché pour être sincère. En gratter la surface, c'est prendre le risque de tomber sur du vide.

Si l’esthétique de Her reste assurément ambitieuse et maîtrisée (celle d'une Californie Google, technologiquement humaine voire humaniste), on aurait envie d'y voir ironiquement, dans ses moments les plus publicitaires, le symptôme de ce maladif besoin de réel sublimé qui ronge les personnages Jonzien (les souvenirs de Théodore ressemblent à des pubs Apple, patch-work d'images de son ex-femme bai-gnant dans la lumière).

Or la solution, c'est bel et bien Saman-tha, cette intelligence artificielle décou-vrant le monde à travers ses yeux vierges de programme évoluant. Para-doxalement plus 'vivante' que l'ensem-ble des personnages humains de Her, Samantha enseigne à Théodore com-bien la réalité reste une source in-tarissable d’émerveillement, faut-il

simplement réapprendre à la regarder. Il est alors possible, enfin, pour Théo-dore de se mettre à vivre à son tour.

Malheureusement, en ne se montrant jamais capable d’appliquer l'enseigne-ment de Samantha, de saboter son ver-nis sophistiqué pour revenir à une pureté de regard, Spike Jonze nous pri-ve de cette bouffée d'air salvatrice.

L'avenir de l'IA pensante selon Spike Jonze ? Une héroïne de romance indé Sundance. Samantha n'aura finalement jamais dépassé le stade de l'artificiel. Dommage.

HerDrame, Romancede Spike Jonze

Avec Joaquin Phoenix, Scarlett

Johansson

Los Angeles, dans un futur proche. Theodore Twombly, un homme sensi-ble au caractère complexe, est incon-solable suite à une rupture difficile. Il fait alors l'acquisition d'un pro-gramme informatique ultramoderne, capable de s'adapter à la personnalité de chaque utilisateur. En lançant le système, il fait la connaissance de 'Samantha', une voix féminine intelli-gente, intuitive et étonnamment drôle.

©Paradiso Films

19 m

ars

2014

La critique

Léopold Pasquier

15mars 2014

Page 16: Le suricate magazine - Vingt-neuvième numéro

Dans une paisible vallée, les reliefs d’un pique-nique déclenchent une guerre sans merci entre deux bandes rivales de four-mis convoitant le même butin: une boîte de sucres ! C’est dans cette tourmente qu’une jeune coccinelle estropiée va se lier d’amitié avec une fourmi noire et l’aider à sauver son peuple des terribles fourmis rouges...

En 2006, Thomas Szabo et Hélène Giraud étaient loin d’imaginer que leur petite idée de série deviendrait un jour l’objet d’un long métrage destiné à l’écran géant. Et pourtant, près d’une centaine d’épisodes plus tard, Minuscule se prête au jeu du cinéma sous le titre à rallonge : Minuscule – La Vallée des fourmis perdues.

Histoire d’amitié improbable entre une four-mi et une coccinelle, sorte de fable qui ravi-rait sans nul doute Jean de la Fontaine, les deux cinéastes français nous propulsent dans la vie romancée des insectes qui nous entou-rent quotidiennement.

Mouches, fourmis, araignées et autres coc-cinelles de synthèse sont intégrées dans des prises de vues réelles, communiquant à coup

d’onomatopées soutenues par un savant mé-lange de bruitages biologiques et mécani-ques. Un véritable métissage burlesque qui parcourt les codes de divers genres du ciné-ma populaire, du film d’aventure au péplum en passant par la comédie et le dessin animé, avec une maîtrise détonante.

L’animation, simple mais diablement effica-ce, sublimée par la bande originale énergique de Hervé Lavandier, ne manquera pas de retenir l’attention des plus petits mais peinera peut-être à convaincre un public adulte sou-vent plus réticent (à tort) à l’idée de s’émer-veiller devant un long métrage totalement muet.

Minuscule – La Vallée des fourmis perdues est au final un Microcosmos sur-boosté au burlesque et à l’aspect poétique certain qui en étonnera plus d’un et qui mérite sa place parmi les grands du cinéma d’animation. Sans (trop) paraphraser l’un de nos célèbres compatriotes mélomane, ce film a sans con-teste quelque chose de « fourmidable ».

Suite à un divorce euphémiquement compliqué, Stef, beau quadragénaire, fait l’acquisition à bas prix d'une incroyable villa dans la campagne belge.

Une fois ses deux amis et quelques déména-geurs partis, Stef se retrouve seul et rapide-ment confronté à Théo, l'ancien propriétaire de la demeure. Théo, supposé être mort de-puis deux ans.

Malgré un synopsis qui semble vu et revu, Halfweg est une œuvre très surprenante. Car ce n'est pas sur l'intrigue fantomatique que repose la tension du film.

Celle-ci sert de repère, de genre. Au même titre qu'une romance ou une comédie est le squelette porteur d'un récit, la maison hantée ici par son ancien propriétaire est le simple cadre de l'histoire d'une rencontre entre deux mondes, entre deux personnes, se battant pour leurs droits.

Outre le fait que Halfweg évolue dans le dé-cor de la Villa Carpentier (Maison Horta), le style harmonieux des plans et le traitement de la lumière est un régal.

Geoffrey Enthoven, retrouve après Hasta La Vista, son scénariste Pierre De Clercq, dont nous saluons à nouveau les dialogues enlevés et subtils.Halfweg est un film qui prend le risque de prendre son temps, le temps de nous laisser emporter par d'excellents acteurs : Koen de Graeve dans le rôle de Steph, le formidable Jurgen Delnaet qui incarne Théo, et la jeune prometteuse Evelien Bosmans, pour ne citer qu'eux.

Ce huis clos aussi réjouissant que dramatique laisse un étrange goût en bouche. Une certai-ne mélancolie peut-être, de laisser les person-nages continuer leurs vies loin de nous...Pour les adeptes des films de Geoffrey En-thoven, ainsi que ceux qui y seront initiés après la vision de Halfweg, sachez que le réa-lisateur est déjà lancé sur un projet : Winni-peg, qui se déroulera cette fois entre la Belgi-que et le Canada.Pour continuer à faire vivre le cinéma Belge, et ici en particulier le cinéma flamand, ce n'est que très chaudement que je vous recom-mande dès le 26 février, de vous rendre dans les salles pour rire et vous émouvoir devant Halfweg.

Minusculede Tomas Szabo

sortie le 26 février 2014

Animation (89ʼ)

Halfwegde Geoffrey Enthoven

sortie le 26 février

Comédie (121ʼ)

Avec Jurgen Delnaet, Koen De Graeve, Veerle Baetens, Evelien Bosmans, Gilles de

Schryver, Ella Leyers

16

Cinéma / Musique / Scène / Littérature / ArtsCinéma

Cécile Marx

Quentin Geudens

Page 17: Le suricate magazine - Vingt-neuvième numéro

Best Night Ever ou comment quatre jolies jeunes filles, apparemment douces et distinguées, se transforment en foldingues pendant quelques heures.

En effet, ce film nous emmène dans une ab-surde nuit d’enterrement de vie de jeune fille.

Initialement programmée par la sœur de la future mariée - Leslie - en soirée cool et sage, tout va déborder, exploser et devenir une nuit sauvage qui part en vrille.

On assiste, perplexe, à une débauche totale dans un Las Vegas aussi extraordinaire qu’extravagant, c'est le moins que l'on puisse dire.

On passe très rapidement d'un strip-tease masculin intégral au vol de voiture et de boisson, le tout sur fond de fric et dans une ambiance passablement alcoolisée. Pas éton-nant, dans ces conditions, que ces pauvres filles se fassent dévaliser totalement. Plus d'argent, de bijoux ni de papiers : cela n'en-tame pas leurs folies et on se demande d'ail-leurs avec quelles finances...

Ce n’est pas franchement amusant mais plutôt très scabreux et même scatologique à certains moments ; ultra déjanté à bien des égards, certes, mais pas dans la finesse ni dans le rire.

Le scénario, écrit par deux hommes, reflète peut-être l'idée qu'ils se font d'un enterrement de vie de jeune fille dans leur imaginaire. Ul-tra cliché, tout est forcé, mais conforme peut-être à un certain genre cinématographique américain.

Au mieux, on peut qualifier ce long métrage de documentaire sociologique de ce qui se passe au cours d'une nuit hallucinante de brûlage de culotte. C'est assez affligeant.

Le film chavire très très tôt et le naufrage est rapide. Tout se résume à des cris, de la musi-que tonitruante, du sexe, de l'alcool et de la drogue.

Tout y est démesuré et rien n'est drôle.

Un Very Bad Trip à éviter.

L’auteur nous plonge directement dans la vie quotidienne d’enfants en diffi-culté. Des enfants de 6 à 20 ans sont accueil-lis dans un centre. Ils sont atteints de ″folie″, de souffrance psychique. Certains observent leur corps avec méfiance, pour d’autres les mots n’arrivent pas à sortir de la bouche…

Le film documentaire est tourné au Courtil, un Institut Médico-Pédagogique se situant à la frontière franco-belge. Un lieu hors du commun. Un centre qui n’est pas dans un grand building en ville mais à la campagne, dans une ancienne ferme transformée pour accueillir des enfants. Un environnement adapté à ceux-ci pour leur permettre de s’épanouir. Il peut accueillir les enfants en in-ternat ou semi-internat.Les intervenants, comme ils sont nommés au centre, encadrent les enfants individuelle-ment ou par petits groupes tout au long de la journée pour différentes activités. Les enfants ne sont jamais seuls. Les adultes cherchent ensemble à comprendre chaque enfant et trouver des pistes dans le comportement et l’évolution de ce dernier.Tout au long du tournage les enfants intè-grent la caméra ou la réalisatrice, qui porte la

caméra, dans leurs activités. La cinéaste est accueillie dans chaque réunion entre les dif-férents intervenants/adultes.

Mariana Otero a toujours été intriguée par le monde de la ″folie″. Elle s’est toujours de-mandé si l’on pouvait y comprendre quelque chose.

Pour réaliser son documentaire, elle s’est rendue dans différents centres. Le Courtil a retenu toute son attention. Pour elle, ce centre est bien plus, chaque enfant est avant tout considéré par les intervenants comme une énigme, chaque enfant est mis en avant et les intervenants abandonnent tout a priori.

Tout au long de son tournage Mariana Otero découvre toute une manière extraordinaire de penser et de vivre avec la ″folie″ dans une institution qui met au cœur de son travail le sujet et sa singularité.

Un film documentaire bouleversant, tou-chant, captivant et intrigant par l’inconnu… À ciel ouvert nous ouvre le regard sur un autre monde, un monde qui n’est pas si loin du notre.

Best Night Everde Jason Friedberg

sortie le 26 février 2014

Comédie (90ʼ)

Avec Desiree Hall, Samantha Colburn, Eddie

Ritchard

À ciel ouvertde Mariana Otero

sortie le 26 février 2014

Documentaire (110ʼ)

Avec Mariana Otero, Anne Paschetta

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Astrid Flahaux

Inès Bourgeois

mars 2014

Page 18: Le suricate magazine - Vingt-neuvième numéro

Adaptation fidèle d'un livre pour en-fants, ce dessin animé nous ramène dans les années 70.

C'est l'histoire d'un petit garçon de 6 ans, Jean, qui fait son entrée à l'école primaire. À la question de la maîtresse qui lui demande: « Que font ton papa et ta maman? », Jean ré-pond correctement à la première interroga-tion et invente une réponse à la deuxième... Car en réalité, il ne sait pas quoi répondre...

La bande dessinée, écrite par Jean Regnaud, est directement inspirée de sa propre enfance.

Jean vit avec son papa, son petit frère Paul et une nounou, Yvette. Yvette est un rayon de soleil dans cette maison un peu triste...Mais où est donc la maman de Jean ?

Ce dessin animé brosse le tableau d'un jeune garçon plein de rêves et très candide.

Le film nous plonge de façon poétique dans le monde de l'enfance et raconte une période particulière dans la vie de Jean.On navigue entre le quotidien de cette famil-le, les scènes d'école et les jeux en cachette

avec Michèle, la grande voisine qui sait déjà lire et qui invente tout un monde à Jean.

Tout est dit et ressenti : les émotions, les interrogations, les jeux parfois cruels et mali-cieux des enfants entre eux...

Le scénario amène les choses avec justesse et délicatesse. En découvrant que sa maman n'est peut-être pas en voyage, l'univers de Jean bascule ; il passe alors de la petite en-fance à un monde plus réaliste.

Rien ne pèse dans ce long métrage tout en fi-nesse.

Le graphisme est simple et les décors mono-chromes, mais tout est voulu par la réa-lisation, et ce, dans un souci de fidélité par rapport au livre. Et finalement, cela corres-pond bien à l'époque des années 70 dans laquelle nous nous retrouvons. C'est donc très sobre en matière d'animation.

Un film pour jeunes entre 6 et 8 ans.

Enrico Oliveri, secrétaire général du parti de l’opposition est inquiet : les sondages le donnent perdant. Un soir, il disparaît brus-quement laissant une note laconique. C’est la panique au sein du parti, tout le monde s’in-terroge pour essayer de comprendre les rai-sons de sa fuite pendant que son conseiller Andrea Bottini et sa femme Anna se creusent la tête pour trouver une solution. C’est Anna qui évoque en premier le nom du frère ju-meau du secrétaire général, Giovanni Ernani, un philosophe de génie, atteint de dépression bipolaire. Andrea décide de le rencontrer et élabore un plan dangereux.

Une comédie politique italienne qui par l’hu-mour dénonce certains blocages du monde politique réel. Le film prend quelques risques en dépeignant avec humour certaines carica-tures de personnages politiques. Si dans certains pays, cela serait assez mal vu voire déplaisant, en Italie visiblement, on rigole plus facilement de ces choses-là.

L’acteur principal, Toni Servillo, est tout sim-plement un génie. Il joue à la fois un homme politique froid et morne, et un philosophe complètement déjanté et plein de vie. On

déteste l’un, on adore l’autre. L’un dénonce tout ce qui ne fonctionne pas dans le système politique, l’autre propose des solutions sur comment mieux penser la politique, en y mettant plus d’humanité. L’acteur s’appro-prie brillamment les deux personnages à un point tel que l’on en oublie qu’il ne s’agit que de Toni Servillo et uniquement lui. L’acteur prouve, après avoir excellé dans La Grande Bellezza de Paolo Sorrentino, qu’il est l’une des figures marquantes du cinéma italien.

Notons également la prestation de Valerio Mastandrea, qui joue le conseiller du secré-taire général, et qui donc jouera le conseiller de son frère jumeau. Sa prestation est remar-quable, il nous touche et on s’identifie rapi-dement à lui.

Roberto Ando signe ici un long métrage pre-nant, plein d’humour et d’humanité, qui fait réfléchir sur ce que pourrait être la politique avec des personnalités plus drôles. À aller voir dès sa sortie en salles.

Ma maman est en Amériquede Marc Boreal

sortie le 5 mars 2014

Animation (75ʼ)

Viva La Libertade Roberto Andò

sortie le 5 mars 2014

Comédie (94ʼ)

Avec Toni Servillo, Valerio Mastandrea, Valeria Bruni

Tedeschi

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Cinéma / Musique / Scène / Littérature / ArtsCinéma

Edouard Jacqmin

Inès Bourgeois

Page 19: Le suricate magazine - Vingt-neuvième numéro

Ne nous trompons pas, Le vent se lève n'est pas le film adulte de Miyazaki pour son enchantement sceptique, mais pour sa philosophie douce-amère.

Si la passion est une douleur, il faut tenter de vivre.

Jiro Horikoshi, brillant ingénieur, voudrait s’envoler vers l’azur. Le film trouve ici ses plus lumineuses images, et trace les contours d'un rêve bigger than life : pouvoir, les bras vers le ciel, se faire emporter par les avions qui décollent.

Ce rêve - profondément mélancolique car vieux comme le monde - n'avait pas trouvé aussi belle figure depuis, disons, le générique de fin de Nadia et le secret de l'eau bleu. Justement, son créateur, Hideaki Ano, inter-prète ici le personnage principal.

Mais le film va plus loin : vivre, et vivre pour son rêve, a malheureusement un prix.

Alors que deux drames menacent à l'horizon - la guerre et la tuberculose de sa femme - Jiro maintient obstinément son cap, en dépit

de tout, au risque de précipiter les choses (son chef d’œuvre restera le chasseur Zéro, l'avion kamikaze de Pearl Harbor. Quant à sa femme, il la laissera mourir auprès de lui par amour pour elle, plutôt que de la faire hospitaliser).

Est-ce cela « tenter de vivre », comme le suggère la citation de Valéry ? Vivre la pas-sion à tout prix, quand bien même le monde s’effondrerait ?

Aveugles les vivants, donc, et paradoxale-ment sensibles à tout précise Miyazaki. Cette sensibilité, celle du peintre (très juste choix d'affiche), c'est au fond celle du cinéaste dont on sait à quel point l'animation foisonnante témoigne d'un plein ressenti pour le moindre détail (une tasse qui vacille, la surface d'un lac, etc...). En dédiant cette sensibilité à ses personnages, Miyazaki prouve de la plus bel-le des façons que, même au milieu des rui-nes, la vie reste une possibilité. Faut-il du moins la tenter.

Une comédie douce amère qui a le mérite de poser des questions.

Un couple de quinquagénaires anglais vient à Paris pour fêter leur trente ans de mariage... et ainsi lui redonner un second souffle, car c'était bien dans la Ville lumière qu'ils avaient jadis passé leur lune de miel. Ils redécouvrent la ville, redécouvriront-ils leur couple ?

Et ainsi nous suivons Nick et Meg dans leurs pérégrinations parisiennes. Nous suivons aussi l'évolution de leur couple : les hauts et les bas, les interrogations sur le temps qui passe, celui qui est passé. Les enfants partis, que devient le couple ? Quelle est encore la place de l'amour ? Que sera l'avenir ?

Dans cette petite production britannique loin des grosses machines américaines, on retrou-ve le réalisateur Roger Michell (Coup de fou-dre à Notting Hill, Dérapages incontrô-lés,...) qui a travaillé avec une toute petite équipe, et qui nous livre un film qui sonne juste, où le rire ne débouche pas sur le fou-rire et où la petite pointe cynique très british pousse la porte de temps en temps. Les rôles de Nick et Meg sont respectivement tenus

par Jim Broadbent (le professeur de potions dans deux Harry Potter et le mari de Mme Thacher dans La dame de fer) et par Lindsay Duncan plus connue par ses rôles dans des séries télévisées telles que MI5 et Rome. Leur interprétation est parfaite, pour ne pas dire impeccable. Mais le rôle étonnant est celui de l'ami américain qui vit à Paris depuis des années : Morgan est débordant d'une agaçante énergie, parfois ridicule, toujours lucide. Et ce rôle est tenu par Jeff Goldblum.

Si quelques clichés font leur apparition, si on regrettera une fréquentation trop appuyée d'hôtels, restaurants, voire de chambres et de couloirs, il n'en reste pas moins une belle interprétation d'acteurs réunis autour d'une problématique peu commune, étonnante par-fois, où les moments de tension ne sont pas absents. Un portrait en nuances d'un couple à la recherche d'une deuxième vie.

Le Vent se lèvede Hayao Miyazaki

sortie le 5 mars 2014

Animation (126ʼ)

Un week-end à Parisde Roger Michell

sortie le 5 mars 2014

Comédie dramatique (93ʼ)

Avec Jim Broadbent, Lindsay Duncan, Jeff

Goldblum

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Philippe Chapelle

Léopold Pasquier

mars 2014

Page 20: Le suricate magazine - Vingt-neuvième numéro

Adapter une pièce de théâtre au cinéma est une habitude courante mais pas forcément gageure de réussite. Il faut réussir à sortir de la scène et obtenir le mouvement dans l’espace propice à un long métrage des-tiné au grand écran. Pour Diplomatie, l’Alle-mand Volker Schlöndorff (Le Tambour, Mi-chaël Kohlaas) adapte la pièce de Cyril Gély. Sous coproduction franco-allemande (Arte), le film garde les deux interprètes originaux : André Dussolier et Niels Arestrup. Inspiré de l’histoire officielle, Diplomatie re-prend la conversation qu’auraient pu avoir le Général Von Choltitz et le consul de Suède Raoul Nordling dans la nuit du 24 au 25 août concernant la destruction de Paris ordonnée par Hitler. Les alliés sont aux portes de la capitale française, Von Choltitz n’a plus qu’une poignée d’hommes à sa disposition et Nordling tente de persuader le général alle-mand de l’inutilité de cet acte. S’ensuit un tête à tête entre deux hommes qui se respec-tent mais qui ont chacun leurs motivations personnelles. Von Choltitz pense à sa famille qui pourrait pâtir de sa trahison et l’intérêt qu’aurait la conservation de Paris à l’heure où la fin de la guerre est proche et que son

jugement ne penchera peut-être par en sa fa-veur (il est entre autre impliqué dans la dé-portation de juifs quand il était sur le front russe). Le film, comme l’on pouvait s’y attendre, reste la majeure partie du temps, en huis-clos et se concentre sur l’affrontement verbal en-tre un Dussolier (impeccable de justesse) et un Arestrup (un peu faible au début mais au final très inquiétant dans sa manière de chan-ger d’attitude en quelques secondes). C’est d’ailleurs la grosse réussite du film qui étran-gement se révèle moins crédible quand on quitte la chambre d’hôtel pour des scènes de reconstitution assez moyennes. Malgré tout, le film est assez intelligent pour ne pas s’attarder sur cette note négative et in-sère dans son récit des images d’archives, pour certains déjà vues dans Paris brûle-t-il ?. Finalement, à part quelques scènes un peu trop épiques (sûrement pour toucher un large public), Diplomatie se révèle un beau condensé de cet épisode sur Paris à la fin de la Seconde Guerre mondiale et une remar-quable joute entre deux acteurs au sommet de leur forme.

L’histoire nous ramène en 1909, sur une île de l’océan Indien. Dans un moment d’abattement, un écrivain anglais vient y sé-journer quelques temps pour oublier ses déboires amoureux. Là-bas, aux prises avec ses vieux démons de séducteur, il finira par ferrer une jeune fille lumineuse grâce à quelques mensonges plutôt sincères au com-mencement. Sur l’île, les deux amants vi-vront une idylle portée par un souffle roma-nesque. Et puis, entrainés vers d’autres con-trées, ils prendront la véritable mesure de leur passion.

Entre sentiments purs et frelatés, l’histoire aux variations attendues démarre sur un couplet romantique avant de prendre la tour-nure d’une complainte. À travers le portrait d’un dandy éclairé, le film épingle les beaux parleurs brillants d’un faux éclat ; ceux aux discours flamboyants et plein d’humour en société qui se retrouvent lâches et pitoyables dans l’intimité.

Rosenn est un film d’époque qui puise ses racines dans le cycle S(c)eptique, entamé il y a une quinzaine d’années par Yvan Le Moine avec les sept péchés capitaux. Depuis, le

cinéaste français a enchainé les vices: le Nain rouge portait la colère et Vendredi ou un autre jour déclinait l’orgueil. Son dernier long métrage, librement adapté d’un roman de Jean de Kerlecq, dépeint l’envie.

On saura gré au réalisateur de ne pas avoir cédé à la tentation de porter à l’écran une actrice populaire, à la séduction consen-suelle, pour incarner Rosenn. La Belge Han-de Kodja campe avec justesse et retenue ce rôle de femme parfaite. Rupert Everett, quant à lui, peut s’enorgueillir d’avoir joué en fran-çais mais n’a malheureusement pas l’indé-finissable charme qu’il dégage dans ses au-tres films.

Si l’on suit cette adaptation avec un certain intérêt, on regrettera toutefois le manque d’inventivité au niveau de la réalisation, très télévisuelle jusque dans le cachet des images. Malgré quelques belles prises de vue sur l’île Bourbon et séquences remarquables, il man-que à Rosenn une puissance visuelle qui légi-time sa présence en salle. La mise en scène est un peu trop lisse à notre goût, à l’image de la personnalité de son héroïne.

Diplomatiede Volker Schlöndorff

sortie le 12 mars 2014

Historique, Drame (84ʼ)

Avec André Dussollier, Niels Arestrup, Burghart

Klaußner

Rosenndʼ Yvan Le Moine

sortie le 12 mars 2014

Drame (100ʼ)

Avec Hande Kodja, Rupert Everett, Béatrice Dalle

20

Cinéma / Musique / Scène / Littérature / ArtsCinéma

Marie-Laure Soetaert

Loïc Smars

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Kill You Darlings raconte l’histoire du meurtre qui unit Allen Ginsberg (Daniel Radcliffe), Jack Kerouac (Huston) et Wil-liam Burroughs (Foster) à l’université de Co-lumbia en 1944, provoquant l’étincelle qui mènera à leur « Beat Revolution ». Une his-toire d’amitié et de meurtre qui donna nais-sance à une génération toute entière.

Ginsberg. Kerouac. Burroughs. Aujourd’hui, ce sont des icônes, considérés comme trois des plus grands poètes de cette époque, fondateurs d’un mouvement qui a réécrit les règles de la littérature américaine.

L’histoire raconte la rencontre entre Allen Ginsberg et Lucien Carr. Fraichement accep-té à l’université de Columbia, Allen fait la rencontre de ce mystérieux étudiant qui va changer sa vie. Lucien est sûr de lui, joueur, manipulateur, charismatique, et par dessus tout, libre. Il a tout ce dont Allen a toujours rêvé. Lucien va le faire entrer dans son uni-vers, un univers qui brise les règles établies pour créer sa propre réalité. Il va lui présenter Jack Kerouac et William Burroughs. À qua-tre, ils vont tenter de créer un nouveau mou-vement littéraire.

Malheureusement, on ne tarde pas à se ren-dre compte que Lucien est dérangé mentale-ment, a des idées parfois trop radicales, et est incapable de s’occuper correctement de lui-même. Le film nous conduira jusqu’à un meurtre dont l’histoire de la littérature améri-caine se souviendra.

Le rôle titre a été attribué à Daniel Radcliffe. Bien qu’il joue assez bien l’étudiant tour-menté, en recherche de lui-même, on le trou-vera plutôt effacé. Il a encore du mal à s’affirmer, malgré les quelques années de carrière qu’il affiche déjà à son compteur. On pourrait presque penser que le premier rôle revient à Dane DeHaan, pour sa prestation de Lucien Carr. L’acteur prend tellement de pla-ce et joue tellement juste que Daniel Rad-cliffe est par certain moment à peine remar-qué.

Le film a été réalisé par John Krokidas. Bien que basé sur une histoire vraie, le scénario a tout de même été fort romancé. Un choix narratif qui n’est pas pour nous déplaire, loin de là.

Kill Your Darlingsde John Krokidas

sortie le 19 mars 2014

Drame (104ʼ)

Avec Daniel Radcliffe, Elizabeth Olsen, Dane

DeHaan, Michael C. Hall

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Edouard Jacqmin

mars 2014

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Page 23: Le suricate magazine - Vingt-neuvième numéro

l’actu cinéma

Die Hard est une saga culte connue de tous et mettant en scène l’un des personnages mythiques du cinéma d’action, John McClane. Pourtant, peu nombreux sont ceux qui pour-ront citer le nom de l’artisan des deux premiers volets de la série. De fait, John McTiernan, après avoir réalisé ces deux films mais aussi Predator, À la poursuite d’Octobre rouge, Last Action Hero ou encore Thomas Crown, est quelque peu retourné dans l’oubli.

Et pour cause, depuis l’échec de Rollerball (remake du film de 1975), le cinéaste était parti dans un combat juridique avec le producteur du film, Charles Roven, accusant ce dernier de fomenter un complot contre lui. John McTiernan avait alors engagé un détective privé, An-thony Pellicano, afin de confondre son ennemi. Un scénario digne de ses propres films qui s’était finalement refermé sur l’intéressé et qui lui avait valu un an de prison ferme. Aujour-d’hui, le réalisateur est sorti de prison et s’attèle déjà à un nouveau projet intitulé Red Squad, une histoire de traque sur fond de trafic de drogue au Mexique. Déjà vu ?

John McTiernan sort de prisonLa 29ème édition du Festival Interna-tional du Film Francophone de Na-mur se déroulera du 3 au 10 octobre 2014. Outre le Jury Officiel qui décerne les célèbres Bayards d'Or, le Festival de Namur accueille chaque année un Jury Junior composé de sept jeunes ciné-philes, âgés de 13 à 14 ans, qui peuvent ainsi exprimer eux aussi leurs préfé-rences cinématographiques.

Durant le FIFF, les membres du Jury Junior sont invités à visionner huit longs métrages destinés au jeune public. Ils ont ainsi l’occasion de découvrir les richesses du cinéma francophone, ren-contrer des acteurs et professionnels du cinéma, confronter leurs opinions avec celles d'autres jeunes, débattre des diffé-rents thèmes abordés et développer leur esprit critique. Une expérience unique et inoubliable dans un contexte convivial! Le Jury Junior décernera son Prix du Jury Junior, œuvre de l’artiste namu-rois Jean-Claude Simus, au réalisateur lauréat au cours de la traditionnelle Cérémonie des Bayards d'or le vendredi 10 octobre 2014.

Comment participer ?

L'appel à candidatures pour la sélection de ce jury est dès à présent lancé et vise les élèves de 1ère année secondaire. Le formulaire d'inscription est disponible sur le site du festival : www.fiff.be

Faites partie du jury Junior du prochain FIFF

Tout le monde se souvient de Phil la Marmotte. Cette petite bestiole annonçant la pluie ou le beau temps dans la peti-te bourgade de Punxsu-tawney, en Pennsylvanie. Un jour sans fin d’Harold Ramis avait immortalisé à l’écran cette coutume bien réelle.

Aujourd’hui, Phil ne sortira pourtant pas de sa cachette puisque Harold Ramis a tiré sa révérence à l’âge de 69 ans. Le réalisateur originaire de Chicago avait illuminé le cinéma américain avec des films notables comme S.O.S. Fantômes ou encore Mafia Blues. Même si son dernier film en date, L’an 1 : des débuts difficiles avait été boudé par le public, le cinéaste restait une référence de l’humour sans en être pour autant le principal artisan. Bref, une disparition regrettable d’un homme qui aura marqué son temps.

Harold Ramis est décédéBox office Belgique

1. K3 Dierenhotel

2. Le trois frères 2

3. Peabody & Sherman

4. American Bluff

5. Le Loup de W.S.

6. 12 years a slave

7. La belle et la bête

8. De Behandeling

9. Awkward moment

10. FC de kampioenen

DVD - Blu ray Turbo de David Soren

Turbo est un escargot qui n’a qu’un seul rêve en tête : être incroyablement rapide ! Son obsession pour la vites-se l’a rendu quelque peu impopulaire chez les siens, où lenteur et prudence sont de rigueur. Mais il est hors de question pour lui de se conformer. C’est alors que se

produit un étrange accident qui lui donne soudainement le pouvoir de foncer à toute vitesse. Il s’embarque alors dans une aventure extraordinaire pour accomplir son in-vraisemblable destinée : courir contre le plus grand champion de course automobile, Guy La Gagne.

M.M.

M.M.Source : Box Office Mojo

Du 12 au 16 février 2014

©D.R.

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23mars 2014

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Page 24: Le suricate magazine - Vingt-neuvième numéro

Musique

Rencontre avec Christoph Hessler de The Intersphere

Formé en 2006, The Intersphere est un groupe allemand un peu particulier. Nous avions déjà eu un coup de cœur pour Interspheres><Atmospheres, leur précédent album que l’on peut retrouver à la page 29 du numéro 4. Subtil mélange de

puissance et d’onirisme, Intersphere nous emmène dans un autre monde. Relations In The Unseen, leur quatrième album sortira en mars prochain. Nous avons donc discuter un peu de celui-ci avec Christoph Hessler, le chanteur et guitariste qui

fait office également de leader au sein du groupe.

Parlons d’abord de ce nouvel album : Relations In The Unseen. Celui-ci est très différent du précédent où vous mélangiez un peu les ambiances et où tout était un peu fondu… Ici, chaque chanson semble encore davantage travaillée et a une identité propre..

Oui, sur ce nouveau disque, nous avons essayé d’insérer de nouvelles couleurs au son. Sur nos albums précédents, nous étions juste un groupe de rock « normal ». C’est-à-dire un ensemble guitare, basse, batterie. Ici, c’est différent, car nous

avons essayé d’expérimenter de nouvelles choses. Nous avons, par exemple, essayé diverses sortes de claviers comme le String Machine, etc… Cela a contribué à ajouter de la couleur au son et c’est aussi ce qui rend cet album si particulier.

Comment s’est passé l’enregis-trement ?

Nous avons enregistré les principales pistes en conditions « live », puis ajouté quelques parties par-dessus l’ensemble.

Il y aura une édition très spéciale de cet album. Peux-tu nous en parler ?

Oui, en effet, cette édition reprendra un double vinyl avec une clé USB sur lequel nous avons enregistré des vidéos live des chansons et un making of. Il y aura aussi un onglet de guitare pour les collectionneurs ainsi que les partitions de nos chansons pour ceux qui voudraient jouer nos chansons !

Comment décrirais-tu votre style musical ?

28

Interview

Page 25: Le suricate magazine - Vingt-neuvième numéro

Comment composez-vous ?

En général, je commence à composer les chansons. J’essaie des accords, des mélodies, des riffs de guitare. Parfois, cela part simplement d’une phrase que j’ai écrite pour des paroles. Ensuite, j’enregistre cette chanson dans mon studio, et je la transmet aux autres membres du groupe. Après, nous discutons dans la salle de répétition et construisons la version finale au fur et à mesure.

Quand tu regardes en arrière, comment perçois-tu l’évolution du groupe au fil des ans ?

Eh bien, lorsque nous nous sommes formés en 2006, nous voulions juste faire de la musique énergique, faire du bruit. Mais durant les deux dernières années, je pense que l’on a essayé de mettre davantage de profondeur et de couleur à notre musique. Et nous avons essayé de trouver de meilleures façons de communiquer avec les gens au travers de notre musique. On ne veut pas jouer du rock « normal ». On veut expérimenter des choses nou-velles comme le fait d’incorporer des

accords de jazz dans nos compo-sitions. Ou encore divers accordages, des changements de rythme,… Nous essayons toujours de rendre les choses plus intéressantes.

En effet, cela s’entend d’autant plus dans ce nouvel album.Vous allez commencer une tournée bientôt…

Oui, nous allons jouer pour la première fois en Angleterre pour quelques dates. Puis nous reviendrons en Allemagne, en Hollande. Nous essayons de trouver un nouveau tourneur pour jouer dans le reste de l’Europe. Nous jouons beaucoup en Allemagne, mais nous

souhaitons jouer maintenant plus souvent à l’étranger. Nous avions également prévu une tournée avec Tides From Nebula, mais ces dates ont été postposées à l’automne. Je pense que notre genre se marie bien avec les groupes de post-rock.

De quoi rêveriez-vous à l’avenir ?

D’une tournée américaine, ce serait fantastique ! En effet ! En tout cas, nous vous souhaitons le meilleur ! Espérons que le public européen pourra vous voir bientôt.

25mars 2014

Christophe Pauly

Page 26: Le suricate magazine - Vingt-neuvième numéro

Hard Rock Hard Rock

Les Touffes Krétiennes, depuis 10 ans, comme une pierre qui n’amasse pas de la mousse mais bien des artistes, embrigadent des musiciens de différents groupes tels que les Hurlements d’Léo, Les fils de Teuhpu, Mabreuch, Babylon circus, Los tres puntos, Jungle juice, ou encore Fumuj.

Ils se sont fait au fil de leurs tournées une réputation d’épicurien de la scène et de véritables faiseurs d’ambiance. Il est clair qu’avec un tel casting, on ne peut espérer que du son entrainant et de qualité.

Et effectivement, ça dépote, ça pète dans tous les sens, ça fait du bien à entendre, ça réveille et ça met de bonne humeur! En une onomatopée, je dirai waouuuuh!

Les Touffes Krétiennes nous balan-cent du jazz, du rock, du groove, du funk, du disco, quelques moments électro-beats transcendantales, des

reprises énergiques, bref, tout pour donner envie de se lancer dans quelques déhanchés dignes d’Elvis Presley.

Si on peut reprocher trop d’éclec-tisme, mieux en vaut trop que trop peu. Il est difficile de résister à l’envie de danser et de remuer de la croupe. Il y a comme un goût de lâcher prise dans l’air et surkiffage de musique. Je m’imagine bien en concert à sautiller comme une démente à profiter de l’énergie que dégagent chansons et reprises de cet album.

Notons les reprises délicieuses de Dr Beat de Miami Sound Machine transformé en La Clinique du Dr Beat ou encore Laisse tomber de France Gall.

Trois voix viennent épicer certaines chansons, la voix chaude et sexy de Lauren, puissante de TurboBilly et celle plus ‘rap’euse de Syrano. On ne répètera jamais assez que la meilleure

manière de ressentir la musique c’est en concert.

Et sans aucun doute, les Touffes Krétiennes font partie de ces groupes qui explosent et prennent toute leur ampleur sur une scène.

Les Touffes Kretiennes« Breakfast in cloud »

Label AT(h)OME

Cinéma / Musique / Scène / Littérature / ArtsMusique

26

Crazy Punk

Elodie Kempenaer

Page 27: Le suricate magazine - Vingt-neuvième numéro

Hard Rock

Quelle belle surprise pour les fans de Beyoncé avec la sortie de ce cin-quième album de la chanteuse au-teure-compositrice et actrice amé-ricaine.

La belle chanteuse de R&B, âgée de 33 ans, est au sommet de sa gloire, elle qui avait débuté en tant que membre du groupe Destiny's Child.

Comme nous vous l'avions annon-cé précédemment, ce nouvel opus est sorti sur la plate-forme de téléchar-gement iTunes sans avoir fait aucune annonce ou promotion, surprenant ainsi tous les utilisateurs et les fans .

Cette sortie surprise aura d'ailleurs fait trembler le réseau social Twitter puisqu'il a généré 1,2 millions de tweets en 12 heures. L'effet surprise a payé puisque l'album s'est directement classé numéro un dans 97 pays en seulement 24 heures. Il s'est vendu à plus d'un million d'exemplaires sur iTunes en à peine 5 jours.

Au niveau des performances com-merciales, BEYONCE est le 24ème album le plus vendu en 2013 aux States. Ce succès se poursuivra puisqu'en janvier 2014, l'album s'était

déjà vendu à 3 millions d'exemplaires dans le monde.

Mais que dire du contenu ? Eh bien, il contient quatorze nouvelles chansons. Certains titres sont le fruit de la collaboration avec son mari Jay-Z, Kanye West ou encore Drake. Beyoncé a déjà annoncé qu'elle réaliserait dix-sept clips, soit un clip par titre et trois clips de chansons qui n’apparaissent pas sur la liste des pistes : Ghost, Yoncé et Grown Woman.

Les clips ont été tournés durant l’année 2013, dans plusieurs endroits à travers le monde tels que Houston, New York, Paris, Sydney, Melbourne et Rio de Janeiro.

Le premier single de l’album, Drunk In Love, cartonne en ce moment sur les ondes. Ce morceau, dont le rythme est très lent avec un côté ultra sensuel, a été réalisé avec la collaboration de son mari et avec le rappeur Jay-Z. Dans le clip, on peut voir la belle en tenue légère le soir sur la plage se baladant un trophée à la main.

Dans le titre Mine, Beyoncé chante avec Drake. Parmi les autres titres, on

peut retrouver un savant mélange de pop, soul, électro et R&B. Un album multi-genres qui se laisse agréa-blement écouter et dont certains morceaux vont faire danser dans les clubs.

A partir du 20 février, la belle américaine débutera son The Mrs Carter Show World Tour. Beyoncé a choisi de commencer sa tournée par certaines grandes villes d’Europe de l’Ouest.

Après quelques dates en Angleterre, Beyoncé se produira en concert au Sportpaleis à Anvers les 20 et 21 mars prochains. Elle poursuivra la tournée en Europe de l’Est. Puis, elle changera de continents car elle se rendra en Australie, en Nouvelle Zélande.

Un bon conseil : si vous souhaitez acheter ou offrir une place, ne trainez plus!

A bon entendeur…

Beyoncé«Beyoncé»

Columbia Records

R&B

mars 2014 27

Céline Poissonnier

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Hard Rock Hard Rock

Une fois n’est pas coutume, c’est de Blues-Rock et de Stonner dont nous allons parler aujourd’hui avec ce nouvel album de Kamchatka : The Search Goes On.

Au-delà de cette pochette loufoque représentant des plongeurs en pleine expédition que l’on doit une fois de plus à Per Wiberg (ex-Opeth) qui se charge aussi de jouer de la basse au sein du trio. Un thème aquatique, donc, mais qui n’a rien à voir avec le nom du groupe.

En effet, Kamchatka est le nom d’une région volcanique située en Russie, non loin de la Mer de Béring. (En parlant de cela, il faudra un jour m’expliquer pourquoi certains grou-pes de Stonner comme Queen of the Stone Age portent un nom qui fait référence à la pierre... Est-ce pour dire qu’ils sont immuables, soudés comme un rock,… ? Ou pire encore, solides comme un wok, comme le disait Nadia. Bref, revenons à nos mou-tons…)

Kamchatka est donc un trio suédois, formé en 2001 et qui est déjà l’auteur de quatre albums ! (Dont Kamchatka

Volume I, II et bien sûr III). On y retrouve Thomas Andersson à la guitare et au chant, Tobias Strandvik à la batterie et enfin, Per Wiberg à la basse et au grifouillage.

Alors, d’entrée de jeu, il faut être honnête, ce groupe n’est pas une révolution en soit. Mais il joue un style que certains apprécieront. C’est-à-dire du blues rock bien propre et des solos bien ficelés. On replonge dans les 60’s dès que l'on entend Somedays qui ouvre le bal. Le groupe enchaîne de très bons morceaux comme Tango Decadence qui ravira les fans de bons refrains accrocheurs.

Coast to Coast est aussi intéressant pour son mélange funky et blues-rock. Pressure démarre très fort avec un bon solo et cette ambiance particulière pendant les couplets.

Cross The Distance, quant à lui, est un titre un peu différent du reste de l'album avec une part de mystère dans cette suite de deux accords qui se répètent tout au long du morceau. Andresson nous gâte là aussi de très bons solos à la Gibbons. Mais, chose étonnante, le morceau se coupe net en

plein entrain… Est-ce une erreur technique ? Ou une volonté un peu particulière de l’artiste… Mystère.

Outre cette mauvaise surprise, l’al-bum se déguste sans aucun soucis et l’on ne voit pas le temps passer à écouter ce trio déjà bien expérimenté.The Search Goes on est un album certes très bien écrit et joué par de bons musiciens, mais qui ne sort pas vraiment du lot au final, ce qui est un peu dommage.

Kamchatka est sans doute le genre de groupe à apprécier davantage en concert car il doit certainement faire ressortir son identité propre que sur disque où il est finalement assez banal pour les férus de ce style.

Kamchatka« The Search goes on»

Despotz Records

Cinéma / Musique / Scène / Littérature / ArtsMusique

30

Blues Rock

Christophe Pauly

Page 31: Le suricate magazine - Vingt-neuvième numéro

Hard Rock

A tous les gosses élevés par MTV et, à tous les amateurs de musique électronique, j’ai pour vous tous une grande nouvelle : Royksopp revi-ent…

Pour ceux dont le cerveau était encore trop fainéant pour lire le nom des artistes des clips dont MTV nous gavait – j’en suis – ce nom vous évoque vaguement quelque chose, mais soyons honnête, c’est franche-ment nébuleux…

Par contre, si je dis Poor Leno ou Remind me tous les gosses bercés par la télévision entre les années 1990 et 2005 s’en souviendront : « ah oui, le clip avec le petit ours enfermé… ». Nous ne remercierons jamais assez MTV. Mais qu’importe la façon dont les notes nous reviennent, on a à présent une donnée commune : Royksopp, c’était vraiment bon.

Mais encore ? Eh bien, pour ceux qui débarquent, c’est un groupe norvé-gien de musique électronique compo-sé de Svein Berge et Torbjorn Brundtland. Après quelques années fastes et de nombreuses récompenses pour leur musique, leur production musicale se ralentit, si bien qu’aucune nouveauté n’avait été produite depuis 2011.

Et puis, surgit de nulle part, fin 2013, Running to the sea, et avec ce

morceau, un maxi de cinq chansons (y figurent par définition cinq versions différentes de la même chanson). La production originale s’est faite avec la collaboration de Susanne Sundfor, une artiste chanteuse norvégienne reconnue qui avait déjà prêté sa voix au groupe pour réaliser une cover de Depeche Mode, avec le titre Ice machine. La voix douce, mélanco-lique et glacée y occupe donc une place importante.

La deuxième version est un remix des Panchaga boys proclamés prêtres de la nouvelle église hippie qu’ils ont par ailleurs créée. Le duo germano-mexi-cain s’est amusé à trafiquer Running to the sea à sa sauce, y glissant bien entendu les couleurs qui les caracté-risent : une électro-pop hallucinante et hypnotique. Il s’agit d’une version club de 12 minutes, où les beats ont pris le pas sur la mélodie. Un son dépouillé mais efficace.

La troisième piste, d’une durée de cinq minutes, est un remix de Villa, un duo belge qui conserve également la mélancolie du morceau original. On y trouve un parmi d’autres ingrédients, quelques touches de disco décalée, propre au duo. C’est un producteur australien qui s’est occupé du quatrième morceau : Late Nite Tuff Guy. L’interprétation est bien plus particulière que les versions précé-dentes, d’une part parce que la voix y

a été totalement reconstruite, d’autre part, parce que la ligne de basse acide donne un côté funky au morceau. Subtile reconstruction house d’envi-ron huit minutes. Le dernier remix a été pondu par Man without country, un duo qui malgré son sentiment de grande indépendance artistique est initialement issus du pays de Galles. Le remix proposé par ces sieurs marque le retour et la réappropriation de la voix glaciale de Susanne Sund-for. Les accentuations portées sur celle-ci tranchent d’autant plus avec le fond électro indus, créant ainsi la divine sensation d’une complainte spectrale.

Avec Running to the sea, Royksopp signe un beau retour. Certes pas au niveau quantitatif, mais au niveau qualitatif, tout y est. La version origi-nale est bien entendu délicieuse, mais force est de constater que les diffé-rents remix ont énormément de poten-tiel. Le maxi aurait pu encore s’éten-dre à quelques autres remix disponi-bles à l’écoute sur internet, afin d’offrir un panel complet des varian-tes proposées, mais à l’heure actuelle, le titre a déjà été remixé des dizaines de fois.

Royksopp«Running to the sea»

EMI Music

Electro

mars 2014 31

Claire Rigaux

Page 32: Le suricate magazine - Vingt-neuvième numéro

Hard Rock Hard Rock

Si Bruce Sprinsgteen est avant tout une figure de proue du rock mains-tream d’Outre-Atlantique, il faut lui reconnaître qu'il n'a jamais eu peur de brasser large.

En effet, encore une fois l’americana, le blues et les sons de brass bands ne sont jamais loin. C’est bien une synthèse de sa carrière dédiée à la musique américaine que le Boss nous offre ici. Un nouveau portrait d’une Amérique tendre et cruelle, pure et sale à la fois. Et elle le lui rend bien.

Actuellement en tête des charts aux États-Unis (le 11ème de sa carrière, une performance qui rivalise avec les Beatles et Jay-Z). Springsteen ne pourrait probablement pas faire autre chose que de la musique américaine, d’ailleurs.

Alors, évidemment ce n’est pas l’album le plus révolutionnaire de la décennie, ni même de l’année mais il fait toutefois preuve d’une certaine constance, d’un certain son. Dés la première minute c’est du Springsteen pur jus. À noter quelques écarts où il s’essaye à des sons bowiesques, avec Harry’s place ou encore Just like fire

would, avec ce même danger de passer cette fontière très tenue du génie au kistsch que l’un comme l’autre ont déjà traversé plusieurs fois par le passé.

La crainte avec High Hopes, un album entièrement composé de reprises et de versions et chansons non publiées, c’était surtout de se retrouver avec une énième resucée, comme beaucoup de songwriters un peu sur le retour l'ont fait avant lui.

Mais il est de retour avec ce son et cette vision de la musique si carac-téristiques quoique toujours en évolu-tion. Une vision qui semblent par ailleurs se rapprocher de celle d’Eddie Vedder, le chanteur de Pearl Jam. Il n’est d’ailleurs pas étonnant de les voir partager la scène à plusieurs reprises.

Springsteen reste bel et bien un chanteur mainstream à textes (plus ou moins élaborés) dans lesquels il y a toujours la politique dans le fond, ou tout au moins une sorte de « Zeit-geist » musical. Pour preuve cette nouvelle version studio de American Skin (41 shots), hommage à Amadou

Diallo, le jeune guinéen victime d’une des pires bavures policières de l’histoire. Morceau emblématique et atemporel de High Hopes, à l’image du travail de Springsteen, ici revisité par lui-même.

Bruce Springsteen« High Hopes »

Columbia Records

Cinéma / Musique / Scène / Littérature / ArtsMusique

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Rock

Nicolas Bruwier

Page 33: Le suricate magazine - Vingt-neuvième numéro

Hard Rock

« Rien ne se perd, rien ne se créé », tout se transforme, comme la musique de Peter Peter depuis son premier album éponyme, beaucoup plus indie et moins authentique qu'Une version améliorée de la tristesse.

Déjà, avant la première écoute, ce titre intrigue, donne à penser, vient cher-cher l'auditeur. Peter Peter est un poète, ce n'est plus à prouver : auteur de l'ensemble des textes de l'album, il nous envoûte à coup de figures de style toutes plus profondes et réflé-chies les unes que les autres.

A ce merveilleux lyrisme s'ajoute une instrumentation tout aussi travaillée : claviers et synthétiseurs apprivoisés, langoureux, des années 80 et d'au-jourd'hui ; boîtes à rythmes ; guitares et saxophone confèrent aux écrits des émotions tantôt mélancoliques, tantôt délirantes.

Les thèmes abordés poétiquement restent sensiblement les mêmes que sur le premier album. On accom-pagne l'artiste au gré de ses balades dans les rues de Montréal, dans les soirées avec ses amis, dans ses réflexions, et surtout auprès de ses conquêtes.

On pourrait s'ennuyer, mais non, Peter Peter nous fait voyager à travers la beauté de ses textes, et ça fait du bien. Lui et ses amis, le multi-instru-mentiste Emmanuel Ethier (Cœur de Pirate, Jimmy Hunt), Pascal Shefteshy (Martha Wainwright, Daniel Bélanger…), le saxophoniste Adam Kinner, le batteur Francis Mineau (Malajube) et le bassiste Grégory Paquet (The Stills), tra-vaillent fort « pour noyer la douleur et l'ennui, se forgeant au sein de (leurs) ivresses, une version amé-liorée de la tristesse. »

Cet album est aussi une version améliorée (ou modernisée) de la new-wave et du post-punk des années 80, obscure et mélancolique, mais teintée d’électronique, omniprésente sur tou-tes les pistes.

Les rythmes aérés et vintage, la musique vaporeuse mélangés à sa voix si particulière ébranlent, boule-versent, troublent : on ne finit pas l'écoute de l'album en restant indif-férent.

Peter Peter« Une version améliorée de la

tristesse »

Audiogram

Pop/Rock

mars 2014 33

Pauline Vendola

Page 34: Le suricate magazine - Vingt-neuvième numéro

Arnaud Ducret pour trois dates en Belgique

Récemment devenu l’un des humoristes phares de sa généra-tion, Arnaud Ducret n’en finit plus de remplir les salles de spectacle. Dévoilé au grand public par l’émis-sion Vendredi tout est permis présen-tée par Arthur, ce grand homme ne recule devant rien ni personne pour faire rire son public.

Pourtant, derrière sa carrure im-pressionnante et son énergie débor-dante se cache un homme humble, simple, aussi drôle dans la vie qu’en spectacle. Un joyau de la scène qui se produira avec son spectacle J’me rends les 20, 21 et 22 mai prochains à Auderghem, Ath et Verviers.

Rencontre sympathique avec le père de Maître Li.

Arnaud Ducret, avant d’être humo-riste, vous êtes avant tout comédien. Ce métier était-il pour vous une vo-cation ?

Oui. J’ai toujours souhaité devenir comédien. Je ne me suis jamais posé la question de savoir si j’étais fait pour un autre métier. Dès le départ, j’ai dit à ma mère que je serais comédien et c’est ce qui est arrivé.

Outre cela, je pense que faire un one man show fait partie de mon métier d’acteur en quelque sorte. D’ailleurs, dans celui-ci, j’incarne des personna-ges, ce qui prouve bien que mon plai-sir est avant tout de jouer la comédie.

Maintenant, j’ai eu la chance de tour-ner des films avant de faire mon one man show. Cela a évidemment permis que le métier me voit en temps que comédien et pas uniquement en tant qu’humoriste.

Vous avez joué dans des films, des téléfilms, des séries, fait du théâtre et créé un one man show. Peut-on dire de vous que vous êtes un touche-à-tout ?

Tout à fait, je suis une agence d’inté-rim à moi tout seul. (rires)

Plus sérieusement, il est vrai que j’ai déjà fait pas mal de choses. À treize ans, j’ai démarré sur scène dans une chorale où je chantais du gospel. Cela m’a donné des bagages pour la suite car j’ai enchaîné avec des cours de théâtre. Par exemple, dans la comédie musicale Spamalot que je joue actuel-lement à Bobino avec PEF (Ndlr : Pierre-François Martin-Laval), j’ai un avantage grâce à ma formation en chant.

Mais oui, je suis un touche-à-tout si l’on peut dire.

Il y a un point commun dans la plu-part de vos prestations : l’humour. Est-ce vous qui êtes allé vers le comi-que ou est-ce l’inverse ?

Cela s’est fait naturellement. Depuis que je suis gamin, j’aime faire rire mes potes, ma famille et les gens avec qui

je suis. C’était dès lors évident que j’aille plutôt vers la comédie.

Cela dit, comme je l’ai précisé plus tôt, j’ai eu la chance d’être acteur avant d’être humoriste. Je peux donc évoluer dans un univers plus dramatique. Actuellement, je prépare un film avec André Dussollier, qui sera dirigé par Laurent Herbiet avec qui j’ai eu la chance de travailler auparavant dans Adieu, de Gaulle, adieu. Ce prochain film sera un drame et non une comé-die.

Mais il est vrai que mon atout premier est l’humour. C’est moi qui suis allé vers la comédie et pas l’inverse. D’ail-leurs, ma mère m’a rappelé récem-ment que lorsque l’on se rendait au cinéma, je lui disais : « Tu sais maman, un jour je jouerai dans un film moi aussi ».

En Belgique, nous vous avons sur-tout remarqué lors de vos passages dans l’émission Vendredi tout est permis présentée par Arthur. Peut-on dire que cette émission a donné un plus grand élan à votre carrière d’humoriste ?

La vitrine a été évidemment incroya-ble, surtout pour mon one man show. Avant cela, j’étais connu dans le métier mais moins du grand public. Cette émission m’a permis de me faire con-naître un peu plus, c’est certain.

Attention, je ne l’ai pas fait initia-

Arnaud Ducret ©Pascalito

Scène

L’interview

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-lement dans ce but-là mais il est vrai que j’ai eu plus d’opportunités et de public après cette émission.

Venons-en à votre spectacle intitulé J’me rends. C’est votre deuxième spectacle qui a déjà été une fois pré-senté en Belgique alors que le pre-mier ne l’a jamais été...

Oui, j’ai présenté J’me rends aux Chiroux à Liège, dans le cadre du VooRire Festival. Le premier spectacle n’a effectivement pas été présenté en Belgique.

Par rapport à mon passage au VooRire, il faut savoir que j’ai retravaillé cer-tains passages. Le texte a été, avec l’expérience et le temps, amélioré.

Dont le fameux sketch de Maître Li ?

Alors Maître Li, c’est devenu en quel-que sorte un tube. Aujourd’hui, plein de gens m’arrêtent dans la rue en imi-tant les cris que je fais dans mon sketch. Que ce soit en boîte de nuit où le videur m’imite ou les pompiers du haut de leur camion qui crient, c’est formidable.

Ce personnage et les cris qu’il pousse me sont venus de l’époque où je faisais pas mal de sport dont de la muscula-tion. Les mecs qui s’entrainaient à mes côtés, lorsqu’ils soulevaient des poids très lourds, criaient en même temps.

Cela me faisait tellement rire que je les imitais en exagérant bien évidemment.

Ensuite, Maître Li est directement ins-piré d’un professeur de karaté que j’ai eu. Je lui ai bien sûr rajouté un accent mais l’histoire du prof qui frappe et qui se casse la main, c’est véridique. Le mec a fait un malaise juste après.

Et vous incarnez d’autres person-nages je présume...

Oui, bien entendu. J’ai un sketch avec des personnes âgées ou un autre avec un mec qui, en chantant, chope les interférences de radio. Par contre, mê-me si cela peut paraître loufoque, je leur donne toujours un côté très hu-main.

Il est important lorsque tu fais de l’hu-mour, de ne pas tomber dans la simple blague. Il faut amener de la profondeur à ses personnages.

Pour avoir choisi le titre J’me rends pour votre spectacle ?

Premièrement, parce qu’il fallait bien choisir un titre. Deuxièmement, je voulais quelque chose de facile à dire et à retenir. Avec ce titre, je peux dire : demain, j’me rends à Bruxelles. D’un autre côté, ce titre symbolise le fait que je me donne aux gens.

Même si vous avez joué en Belgique dans le cadre du VooRire, appré-hendez-vous l’accueil du public bel-ge pour les trois dates qui sont pré-vues ?

J’ai plutôt hâte d’y être car mon spectacle avait été très bien accueilli à Liège. Et puis, le public belge est tou-jours là dans l’esprit de se marrer. Les belges sont des bon vivants, sympathi-ques et bienveillants, ce qui est très agréable pour un artiste.

Et je me souviens que des gens à Liè-ge n’ont pas hésité à venir me dire qu’ils m’aimaient. Je trouve cela très beau car on sent une grande sincérité.

Par contre, j’appréhende la réception du public parisien où je vais bientôt jouer. C’est un public plus difficile.

Maintenant, si ça se trouve, j’aurai une excellente surprise.

Selon les rumeurs, une femme au-rait démarré son accouchement lors d’un de vos spectacles. Est-ce vrai ?

Oui, tout à fait. En fait, un monsieur a demandé à me voir avec sa femme avant mon spectacle car elle était fan de ce que je faisais. Alors, quand je peux le faire, en général, je n’hésite pas à rencontrer le public. Nous avons fait des photos ensemble puis elle est allée dans la salle pour voir le spec-tacle.

Mais à la fin de celui-ci, j’apprends que cette même femme a perdu les eaux pendant la représentation. Alors, est-ce le rire qui a déclenché l’accou-chement, je ne sais pas mais je me plais à le croire. Puis, c’est une chouet-te anecdote. J’espère qu’ils l’ont appe-lé Arnaud, je n’en sais rien. (sourire)

Actuellement, le film La Grande Aventure Lego est sorti sur les écrans où vous prêtez votre voix au person-nage principal, Emmett. Comment avez-vous vécu cette première expé-rience de doublage ?

Entre Les Profs et Vendredi tout est permis - et puis je le vois tous les jours dans la rue - les enfants m’aiment bien. C’est donc probablement pour cela que la Warner a pensé à moi.

Mais cela faisait partie d’un rêve. Lorsque l’on est acteur, on rêve de fai-re un jour du doublage.

C’est vraiment un très bon film. Il y a deux lectures dans celui-ci. D’un côté, une histoire pour les enfants et de l’au-tre, un côté plus nostalgique qui plaira aux adultes.

Une chose est certaine : la vente de Le-go va exploser avec ce film.

Enfin, quels sont vos futurs projets ?

Les Profs 2 pour janvier 2015. Ensuite, je pars à Avignon pour présenter mon spectacle pendant tout le mois de juil-let. Et pour finir, je devrais jouer dans deux films dont je ne peux encore rien dévoiler si ce n’est qu’il y aura une comédie et un drame.

35mars 2014

Matthieu Matthys

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Le jeune dramaturge parisien dans le vent, Florian Zeller, a un goût certain pour les retournements de situation sur scène. Sa nouvelle pièce « La vérité » ne déroge pas à la règle. A la lisière du théâtre de boulevard, elle reprend les thématiques qui sont chères à son auteur, le regard acide et désabusé sur l’amour ainsi que l’inaccessibilité de la vérité, tout en emportant le public dans un tourbillon de situations cocasses.

Au départ, c’est un vaudeville qui a tout d’un classique : un triangle amoureux (ou plutôt un quatuor) sur fond de mensonges, secrets et trahisons. Michel trompe sa femme avec l’épouse de son meilleur ami, Paul. Menteur patenté, il s’accommode, sans trop d’états d’âme, de sa double vie. Jusqu’au jour où, d’aveu en révélation, ses petits arrangements parfois maladroits avec la vérité vont finir par se retourner contre lui. Déballée par strates, la vérité n’est jamais vraiment où on l’attend. Florian Zeller s’amuse allègrement à semer le doute, sans jamais tomber dans le piège du moralisme. La pièce n’échappe, cependant, pas à certaines facilités et répétitions dans les dialogues.

Dans le rôle de Michel, Pierre Pigeolet assure totalement en mari volage aux prises avec ses doutes. A ses côtés, Marie-Paule Kumps se coule à merveille dans son rôle de femme bafouée. En meilleur ami, Michel Poncelet fait, pour notre plus grand bonheur, le grand écart entre ruse et (fausse) naïveté. Marie-Hélène Remacle, quant à elle, incarne la douce maîtresse tour à tour hésitante et déterminée.

Drôle et enlevée, la mise en scène de cette comédie mordante doit beaucoup à ces décors installés sur un plateau tournant qui offrent à chaque acte un lieu. Dans ce chassé-croisé de couples, le spectateur est pris d’un vertige et ne sait plus sur quel pied danser. Finalement, on se demande si, selon Zeller, dire la vérité dans un couple, ce n’est pas tout simplement changer de mensonge !

Après 50 ans de présence marocaine en Belgique, il est souvent question des hommes arrivés en Belgique suite à une grande demande de main-d’œuvre mais qu’en est-il de la présence féminine ? Ces femmes ont aussi leurs histoires. Farida Zouj met en avant les femmes marocaines. Qui sont ces femmes ? Comment sont-elles arrivées en Belgique ? Comment s’en sor-tent-elles ? Certaines sont venues sans mari, pour d’autres un grand désir d’émancipation ou encore le désir de rejoindre la famille…

Durant 1h15 Farida Zouj raconte l’histoire de Mimouna et de sa fille Jamila. Mimouna est née au Maroc et vit en Belgique. Elle est issue de la première génération marocaine présente en Belgique. Et sa fille Jamila, deuxième génération, suit des cours à l’uni-versité, travaille à la radio et rend souvent visite à sa mère.

Seule en scène, Farida Zouj interprète la mère et la fille. Mimouna aborde les différents passages de la vie avec bon sens, intelligence et sensibilité mais ce petit bout de femme a aussi un grand cœur, elle con-sole, elle est présente pour son entourage.

Tout au long de la représentation de nom-breux textes, témoignages, photos, images et musiques retiennent l’attention du spectateur. Par moment des passages en monologue et d’autres des dialogues entre mère-fille, des moments forts en humour en tendresse où mère et fille ont bien du fil à retordre…

À travers cette pièce et pour les 50 ans de la présence marocaine en Belgique, la réalisa-trice veut communiquer, transmettre diffé-rents messages : les droits égaux entre hom-mes et femmes, la question de la double appartenance culturelle, les tensions identi-taires…

1h15 de fortes émotions, une histoire touchante, qui nous fait réfléchir et nous laisse sans voix.

Le spectacle trouve son origine dans le parcours de Farida Zouj, via différents témoignages de femmes que la réalisatrice rencontre lors de visites dans des associations d’éducation permanente et d’alphabétisation.Ici Mimouna est un spectacle qui fait réflé-chir mais aussi permet de mieux comprendre l’autre…http://www.ici-mimouna.be/

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Astrid Flahaux

Marie-Laure Soetaert

Cinéma / Musique / / Littérature / Artsscène

La Vérité de Florian Zeller

Du 5 février 2014 au 2 mars 2014

Mise en scène Patrick MinckeAvec Marie-Paule Kumps,

Marie-Hélène Remacle, Pierre Pigeolet, Micehl Poncelet

Théâtre des Galeries

Ici Mimouna

Du 16 janvier 2014 au 15 février 2014

Mise en scène Véronique Castanyer

Texte et interprétation Farida Zouj

Théâtre des Martyrs

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Quatre jeunes comédiens se dandinant sur scène, de la musique plein les oreilles, une bouteille de gin, un froid glacial qui envahit la salle et des cou-vertures disposées sur les sièges….Tel est l’accueil "Yukonstyle" réservé aux spectateurs de la pièce, jouée au théâtre le Public, du 14 janvier au 1er mars 2014.

Kate, adolescente perturbée et sans limite ni attache, se promène en bus suivant la côte canadienne au gré de ses envies. Le hasard de ses choix la fait atterrir à Whitehorse, ville ancrée dans l’immensité polaire du Yukon. Recueillie par Yuko, elle s’installe sur son canapé en faisant enrager Garin, le colocataire. Comme Kate, il dérive. Il tente de faire tenir sa vie debout entre l’absence de sa mère, et les démons de son père alcoolique.

L’histoire se délie et saute de personnage en personnage; chacun devient à son tour narrateur. Avec un canapé comme seul décor, le vide de la scène fait écho au vide du grand nord et permet de

transporter la salle directement dans l’histoire. Les effets de lumière, tour à tour néon d’hôpital blafard, lumière chaude et intimiste du salon, ou encore éclairage froid et distant d’un lampa-daire au milieu de la rue, permettent de faire ricocher le regard de scène en scène, d’habiller l’espace et d’animer la pièce. Le jeu des acteurs est un sans faute et le texte original en québécois, pourtant si lointain de notre français, est parfaitement compréhensible (une brève explication du contexte par les comé-diens permet au spectateur de situer le Yukon, et d’adopter provisoirement les expressions québécoises). Le spectateur se retrouve véritablement transporté outre-Atlantique, sans avoir besoin de sous-titres. Le seul regret à émettre portera sur la chanson d’ouverture et de clôture chantée par les comédiens dans un anglais... très frenchie.

Vieilles chansons Maléfiques - un titre moyenâgeux pour une pièce contemporaine qui raconte le lien qui se tisse à Vienne, en 1986, entre un professeur de chant et son élève arrivé tout droit des Etats-Unis.

La pièce n’est pas facile mais Alexandre Von Sivers, dans le rôle du Professeur Mashkan, nous la fait traverser en la portant de bout en bout avec une dextérité déconcertante, témoi-gnant, une fois de plus, de son talent im-mense appliqué au travail de son personnage.

Le spectacle dure 1h45 et nous emmène dans un voyage : nous parlant, tour à tour, du devoir de mémoire et de la capacité inouïe de dénier cet inoubliable trop insupportable, de la force des mots et des notes choisies par les compositeurs – de cette subtilité à les exprimer, en voltigeant d’une émotion à une autre comme un funambule qui garde l’équi-libre tout le long du chemin.

Le jeune homme américain, Stephen, interprété par Jean-François Brion, non moins talentueux, se montre pressé et pressant, colérique et zélé, à vouloir traverser trop vite une musique ou un texte qu’il se

refuse à rencontrer, apparemment par désintérêt, mais plus intimement, par peur de perdre son repère principal : celui d’un homme qui porte la colère comme un soldat en croisade porterait son étendard. Subtil attribut de sa personnalité, la colère va être mise en déroute par la rencontre tout à fait inattendue avec le professeur Mashkan, homme de sagesse, de conscience et de modération. Ce Professeur, bien que brillant, a une manière de communiquer assez cu-rieuse et pour le moins étrange : par les détours des méandres, il arrondit ce que la droite du flux aurait de trop indécent ou trop violent. Offrant des biscuits avant des les faire payer, il racontera aussi, discrètement, en minimisant d’abord un peu, ce qui lui coûté le plus : l’ostracisme viennois.

Malgré le grave qu’elle conduit, la pièce nous fait non seulement rire mais également vibrer grâce à la musique qui accompagne épisodiquement et qui transcende lumineu-sement la noirceur de l’histoire.

Vieilles chansons maléfiques

Du 22 janvier 2014 au 2 février 2014

Mise en scène Jean-Claude Idée

Avec Jean-François Brion et Alexandre von Sivers

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Françoise Royer

Déborah Lo Mauro

mars 2014

Yukonstyle de Sarah Berthiaume

Du 14 janvier 2014 au 1 mars 2014

Mise en scène Armel RousselAvec Emile Falk-Blin, Lucie

Guien, Baptiste Toulemonde, Coline Wauters

Théâtre des Martyrs

Comédie Claude Volter

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2013Reprise du Mystère du château d’Hoogvorst

jusqu’au 8 mars 2014

Le Magic Land Théâtre con-tinue l’exploration de son répertoire et rejoue cette fois-ci un autre grand succès de 1996 : Le Mystère du châ-teau d’Hoogvorst. Inspiré de la rue où est situé le théâtre, l’équipe du Magic Land crée un mythe autour d’une supposée famille qui aurait donné son nom à cet endroit.

Il est loin le temps où la famille d’Hoogvorst a installé son château et donné son nom à cette ruelle de Schaerbeek. Le dernier descendant, Herman d’Hoogvorst, a disparu depuis deux ans et le Docteur Snitzel avec qui il partageait son laboratoire, devient de plus en plus le maître des lieux. Normal, il a réussi à séduire toutes les femmes de la maison (mère, belle-fille et assistante).

Au moment où la famille décide d’organiser l’enterrement d’Herman, il revient miraculeusement d’une faille temporelle présente dans le château. Pour éviter la fin du monde, il doit refermer la porte et détruire ses tra-vaux. Mais attention à Snitzel qui veut devenir maître du monde ! A moins que la fameuse Malédiction de Liège ne tombe sur lui ! Sans oublier les surprises pouvant venir du dévoué Scipion, assistant d’Herman d’Hoog-vorst ou encore d’Igor, sorte de créature digne de Frankenstein créée par Snitzel.

Seuls Philippe Drecq et Daniel Cap gardent leurs rôles tandis que le reste du casting est modernisé avec les

acteurs actuels du Magic Land. C’est donc, pour ceux qui ont déjà vu la pièce, un vent de fraîcheur sûrement plus que bienvenu. Les deux anciens ont malgré tout les rôles les plus croustillants : le vilain Snitzel pour Drecq qui jubile en méchant vicieux et la créature « Igor » pour Daniel Cap qui, avec ce rôle touchant, est au sommet de son art.

Heureusement, les autres acteurs ne sont pas en reste ! Christelle Del-brouck est toujours aussi dingue et savoureuse, Camille Henrard ou Tho-mas Linckx sont impeccables et la petite nouvelle, Bénédicte Philippon, confirme tout le bien que l’on pensait d’elle après son remplacement de Virginie Hock dans Le Magic Land règle ses contes. Seul John-John Mos-soux, acteur au corps gigantesque et élastique lasse un peu à cause de son jeu parfois trop outrancier. Un peu comme Jim Carrey qui, malgré tout son talent, finit souvent par en faire trop.

Malgré les gags souvent drôles, les décors qui nous font retomber chaque fois en enfance, on doit se poser une question douloureuse après la repré-sentation. Ne sommes-nous plus sur-pris à force de voir toutes les folies du Magic Land ou bien l’histoire du Mystère du château d’Hoogvorst est-elle plus faible ? Ou a-t-elle vieilli ?

Dans tous les cas, malgré un charme certain, on se sent moins emporté par cet univers. Il est, bien sûr, logique de

ne pas aimer toutes les créations, mais, méditons tout de même sur la phrase, populaire au sein de l’équipe du Magic Land : « Votre pièce préférée au Magic Land Théâtre sera toujours la première que vous découvrez ! »

Le Mystère du château

d’Hoogvorst

du 7 février 2014 au 8 mars 2014

Mise en scène : Patrick Chaboud

Avec Daniel Cap, Christelle Delbrouck, Philippe Drecq, Camille Henrard, Thomas Linckx, Bénédicte Philippon, John-John Mossoux

Il est loin le temps où la famille d’Hoogvorst a installé son château et donné son nom à cette ruelle de Schaerbeek...

La critique

Loïc SmarsM

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Cinéma / Musique / / Littérature / Artsscène

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Nés poumon noir de Mochelan et Rémon Jr. au National

Quand le slam nous raconte ce que c’est d’être carolo, enfin, carolorégien.

« Si la Belgique était un corps humain,Charleroi en serait le poumon,un poumon noirci par la fumée. »

Dans ce spectacle mélangeant slam, musiques électroniques et vidéo, ce sont les habitants de Charleroi qui sont Nés Poumon noir. Cependant, le slameur Mochelan n’en fait pas une maladie ; il en fait une particularité et une fierté.

À la musique, on y trouve Rémon Jr, qui nous offre une composition et une interprétation musicales assez impres-sionnantes, alternant et combinant piano, harmonica et console électro-nique, le tout dans une décontraction déconcertante.

Pour que les amateurs de ce genre de musique puissent se faire une petite idée du rendu musical, suivant les morceaux, on peut comparer les instrus à celles d’Abd Al Malik, d’Hocus Pocus ou encore La Rumeur.Des sons mécaniques du monde ouvrier, des passages à l’harmonica teintés d’Ennio Morricone, des mor-ceaux purement électro ou encore des accompagnements au piano, c’est tout cela qui fait de Rémon Jr un musicien

polyvalent aux choix toujours judi-cieux.

« Moi j’ai six mille bonnes raisons d’aimer ma ville, tout d’abord y a ma maison, un cordon, mon nombril. »

Du côté de Mochelan, il parle de lui, de sa ville et son histoire, des ouvriers, des filles, de l’école, etc. Il parle de toutes les choses qui font ce qu’il est maintenant. Le flow et les lyrics sont vraiment bons mais on regrette un ou deux textes qui sont assez en-dessous des autres. Quant à Notre ville et Résignation, elles s’écoutent en boucle sans aucun problème.

Les deux comparses sont mis en scène avec justesse. Ils se répondent, se disputent, ne se comprennent pas, sont complices, se complètent. Chacun a sa personnalité et joue le jeu de l’histoire, et bien qu’ils ne soient pas comédiens, le tout est bien balancé.

L’ambiance est très bien construite. La machine à fumée, loin d’un simple accessoire, est le moyen permettant aux deux amis carolos de prendre régulièrement une bonne bouffée d’air leur rappelant les cheminées de leur ville de naissance. Le dispositif vidéo est également très intéressant, avec trois moniteurs qui tantôt se complè-tent, tantôt s’opposent. Rien dans la

mise en scène et la scénographie n’est anecdotique, tout est justifié.

Et que ceux que le mot slam rebute n’aient pas peur et osent aller au spectacle, car Nés Poumon noir va au-delà du simple concert de slam.

Né poumon noir

du 18 au 22 février 2014 au National

le 30 avril 2014 à la Maison de la Culture

de Tournai

Mise en scène : Jean-Michel Van den Eeyden

Textes et interprétation : Mochélan et Rémon Jr.

La critique

Baptiste RolTh

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39mars 2014

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2013

La Vie devant soi, c’était fin janvier au Théâtre Le Public

La vie devant soi, tel est le credo des personnages principaux de cette pièce, qui n’ont pas été épargnés par la vie mais se rattachent à l’amour qu’ils se portent l’un l’autre. Chacun voudrait être ailleurs mais aucun ne souhaite quitter cet appartement rempli de souvenirs et de tendresse.

Mohammed, 10 ans à peu près, vit à Paris chez Madame Rosa qui l’a recueilli lorsqu’il était enfant. Il est le dernier petit « locataire » de cette ancienne prostituée qui accueille et élève les enfants temporairement ou définitivement abandonnés des « dé-fenseuses du cul », comme ils les nomment entre eux. Cette situation fait émerger les souvenirs et matérialise le temps qui passe, et avec lui, la vieil-lesse de Madame Rosa qui s’installe et son esprit qui s’embue de plus en plus. Momo passe du statut d’enfant à celui de garde-malade lorsque sa gardienne, la seule famille qu’il possède, perd la tête et s’enfonce peu à peu sur un chemin sans retour.

La vie devant soi est une pièce tirée de l’oeuvre de Romain Gary, sous le nom d’emprunt d’Emile Ajar, qui a été couronnée du prix Goncourt en 1975. Ce texte traite de sujets assez lourds comme la prostitution, l’extermination des juifs lors de la deuxième guerre mondiale, le racisme et les défaillances de l’esprit lorsque le temps fait lentement son oeuvre. La mise en scè-ne est de Michel Kacenelenbogen, acteur, metteur en scène et fondateur du théâtre le Public.

Un imposant décor occupe toute la moitié gauche de la scène par un amoncellement d’objets a priori sans lien les uns avec les autres : une porte, un WC, une chaise, ou encore une bassine, ainsi qu’un fauteuil et une lampe trônant fièrement au sommet. Au fur et à mesure du récit, le tas inerte commence à s’animer et donner vie au décor. Ici un lit apparait, là une corde à linge est tendue et nous transporte dans la salle de bain. Une cave servant de repère « juif » à Madame Rosa constitue l’antre du monticule. On regrette toutefois que cet amas ne soit pas mieux rentabilisé afin de dynamiser le jeu des comé-diens et les déplacements sur scène. La moitié de cette dernière étant occupée, les entrées et sorties se font par le même emplacement et la pièce est limitée à la partie droite de l’espace scénique.

Madame Rosa est interprétée par Janine Godinas qui nous livre le portrait d’une vieille femme fatiguée et usée par les années. On sent l’amour qu’elle porte à ses enfants recueillis et tout particulièrement à Momo. Il faut souligner les jeux d’intonation qui fournissent du corps à cette inter-prétation et permet à Madame Rosa d’apparaitre réellement devant le spec-tateur. Quelques accros sur le texte viennent néanmoins butter contre l’histoire et nous en extirper. Momo passe du narrateur adulte sur le bord de la scène en enfant de 10 ans avide de questions de manière globalement bien réussie, la gestuelle accompagnant

l’interprétation. La notion « d’amour pour tous quel que soit le chemin de vie emprunté » transparait clairement dans le lien entre les deux personnages principaux.

Malgré la diversité des thèmes abordés et l’usage des stéréotypes rattachés, le récit glisse à regret dans une mono-tonie relayée par un dialogue qui se meurt. Cela fait écho, à juste titre, au sort de Madame Rosa, mais entraine avec lui le spectateur qui regrettera peut-être la perte de dynamisme que subit la pièce au fil du déroulement du récit.

La Vie devant soi

du 28 janvier 2014 au 1 février 2014

Mise en scène :

Michel Kacenelenbogen

Avec

Janines Godinas, Itsik Elbaz, Nabil Missoumi et Benoît Van Dorslaer

La critique

Déborah Lo Mauro

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Cinéma / Musique / / Littérature / Artsscène

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2013

Punk Rock, c’était jusqu’au 8 février au Théâtre de Poche

Tout droit débarqué d’Angleterre où il avait été accueilli très favorablement par la critique, Punk Rock de Simon Stephens vient faire un petit tour au Théâtre de Poche dans une version française frénétique et entraînante habilement mise en scène par Olivier Coyette.

Le brouhaha de la salle ne s’est pas encore dissipé qu’entrent déjà en scène deux comédiens obnubilés, dans la pénombre, par la froide lumière de leurs téléphones portables. Avant même que se soient éteintes les lumières de la salle, déjà la mise en scène explose le cadre conventionnel de la scène: entrées par la salle, jeux avec le public, utilisation d’images multimédia, tout est fait pour nous montrer que Punk Rock et ses personnages ne comptent pas rester en place.

Dans Punk Rock les ados sont livrés à eux-mêmes dans un monde où les adultes ont cessé de jouer leur rôle. Vous avez déjà entendu ça quelque part? C’est que vous avez déjà sans doute lu L’Attrape-Coeur, vu Elephant ou plus récemment The We and The I de Michel Gondry. Dire que les problèmes d’une adolescence moderne ont déjà été traités est un euphémisme. Reste donc à voir si la pièce de Simon Stephens mise en scène par Coyette se démarque du lot.

Lilly, Cissy, Bennet, William et les autres ont trop d’énergie mais pas assez de place. Ils étouffent dans une

ville trop petite pour eux, dans une vie trop monotone et ils sont bien décidés à bombarder tout ça. Ils rêvent de grandes études, de professeurs plus vieux, d’ailleurs et de bombe ato-mique; Mais ils sont coincés. Alors ils s’insultent, ils martyrisent, ils rient et jouent à être des adultes miniatures. Mais leur rage prend trop de place et pourrait bien finir par exploser sans qu’on s’y attende.

La pièce a l’intelligence de com-mencer comme un soap américain et d’évoluer vers quelque chose de rugueux et violent tout en conservant un goût absurde typique du théâtre anglais et un ton 100% british : répliques cinglantes, jeux de langage, ça fuse dans tout les coins et les personnages électrisés sont presque constamment en mouvement. Rien ne tient en place: bienvenus sur la planète Jeunes.

La mise en scène de Coyette prend le parti d’un certain minimalisme - 4 tables et des chaises, c’est tout - mais utilise paradoxalement des images multimédia pour habiller l’espace entre les scènes. Ces images qui replacent la pièce dans un contexte à la Bowling For Columbine font figure de resucée et n’apportent pas grand chose à l’ensemble de la pièce. On ne lui en tiendra pas rigueur car l’ensemble est orchestré très habilement.

Mais la grande force de Punk Rock, se situe dans tous ses débordements: des intermèdes poético-psychédéliques,

des répliques qui claquent, des entrées et sorties de scène fracassantes et une bande son musclée. On tirera notre chapeau aux comédiens et particu-lièrement à Jérémie Petrus (William) qui porte la pièce de bout en bout et semble tout droit sorti d’une pièce d’Harold Pinter.

Vous l’aurez compris, ça pète, ça claque, c’est fort et psychédélique. Il y a certes quelques imprécisions de jeu et de mise en scène mais quelle pièce est parfaite? Si vous allez voir “Punk Rock” nous vous garantissons que pas une fois vous ne regarderez votre montre.

Punk Rock

du 14 janvier 2014 au 8 février 2014

Mise en scène :

Olivier Coyette

Textes et interprétation :

Grigory Collomb, Olivia Harkay, Jérémie Petrus, Timothy Fildes, Fanny Donckels, Arthur Oudar, Violette Pallaro, Flavia Papadaniel

La critique

Mathieu Pereira

Théâ

tre

de P

oche

41mars 2014

Page 42: Le suricate magazine - Vingt-neuvième numéro

Interview d’Olivier Bocquet et Léonie Bischoff

Pour commencer, pouvez-vous vous présenter ? Quel est votre par-cours ? D’où venez-vous ?

Olivier Bocquet : Je suis français et La Princesse des glaces est mon troisième album paru. J’en ai publié deux chez Dargaud, dont un est sorti la semaine dernière : La Colère de Fantomas, tome 2. Avant ça j’ai aussi publié un roman et travaillé un peu pour la télévision.

Léonie Bischoff : Je suis Suisse et j’habite en Belgique depuis plusieurs années. J’étais venue pour faire l’école Saint-Luc et La Princesse des glaces est mon troisième album, en comptant un tout petit album sorti il y a longtemps qui s’appelait : Princesse Supplex (ndlr : publié chez Mano-losanctis). Je fais donc des histoires de princesse.

Vous venez tous les deux de pays différents, comment la rencontre s’est-elle faite ? Vous connaissiez-vous déjà ?

L.B. : C’est Casterman qui nous a contactés dans le but de faire cette adaptation, et qui nous a mis en contact, en espérant que ça colle et, heureusement, cela fonctionne.

Comment le travail se déroule-t-il quand on est éloigné l’un de l’autre ?

O.B. : J’écris le scénario et je l’envoie à Léonie et ensuite elle m’envoie les

planches. Je pense que ce n’est pas très différent que si on travaillait dans la même pièce, même s’il y a des petits délais entre l’envoi et la réception. On a travaillé dans le même atelier pendant le mois de juillet, c’était confortable mais on se débrouillait assez bien tout de même.

L.B. : Il y a un côté agréable dans le travail en live, mais, en soit, ce n’est pas du tout nécessaire. C’est aussi des métiers où nous sommes assez concentrés, très solitaires. Et même quand l’on est dans la même pièce, on se montre notre travail par petits coups mais on reste chacun de son côté. Donc, beaucoup par e-mail et parfois par téléphone.

O.B. : En général, ça va. Par exemple, la dessinatrice de La Colère de Fantomas est québécoise. Je ne l’ai rencontrée qu’après la sortie du premier album.

Vous avez choisi de passer une semaine sur les lieux de l’histoire. Comment cela s’est-il passé et qu’est-ce que cela vous a apporté pour l’élaboration de l’histoire ?

O.B. : Une complicité ! On s’est découvert là-bas. On a su que le travail allait fonctionner en étant là-bas. Pour la BD en elle-même, ça l’a enrichie considérablement.

Aussi bien Léonie que moi, on a travaillé sur des fantasmes. Dans Hoodoo Darlin, Léonie a imaginé le bayou de Louisiane et sur La Colère de Fantomas, j’ai imaginé une sorte de Paris des années 1910. C’est agréable à faire, mais, ici, on était face à l’histoire d’une personne qui vivait à l’endroit décrit. Il n’y avait rien de particulièrement outrancier. On est allé là-bas car on avait besoin de réel, de trouver les lieux, l’ambiance. On sait aussi quelle est la lumière, quel est le son. Par exemple, si on avait fait cet endroit imaginaire, on aurait été sur Google Map voir les photos, on aurait vu que c’était une cité balnéaire où il y a plein de touriste en été et on aurait mis plein de figurants dans la rue aussi en hiver. Alors qu’en hiver, il n’y a pas un chat, la plupart des maisons sont fermées. Ou encore des détails com-me : comment sont fait les maisons, …

L.B. : Ça donne un véritable côté exotique à l’album car il y a de l’authentique suédois dedans.

Comment Casterman est-il venu vers vous avec ce projet ? Quels étaient leurs objectifs avec ce pro-jet ?

Je pense qu’ils ont eu envie d’adapter cette série et que l’éditrice a bien aimé

« On travaillait sur des fantasmes. Cette fois

on avait besoin de réel, de trouver l’ambiance,

les lieux. »

Cinéma / Musique / Scène / / ArtsBD

Littérature

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rencontre

Page 43: Le suricate magazine - Vingt-neuvième numéro

le livre. Pourquoi pas des auteurs stars ? (Camilla Läckberg a publié environ 40 millions d’exemplaires)

Ils avaient sûrement juste envie de miser des jeunes.

L.B. : C’est un mystère !

A contrario, quels étaient vos objectifs avec cette BD ? Que comp-tiez-vous apporter de plus par rapport au bouquin ? Quel est le but de faire une BD sur un livre qui a déjà touché des millions de personnes ? Qu’est-ce que cela apporte en plus ?

L.B. : C’est justement d’apporter une relecture. Le livre est tout de même assez long, dilué ; les choses se passent lentement. De plus, un des points qui nous intéressait le plus, c’est le rapport à l’enfance, les regrets, la nostalgie, le secret, l’innocence perdue, etc. C’est juste évoqué dans le roman et on voulait mettre ces points plus en avant. En gardant la même trame narrative, on pensait pouvoir raconter cette histoire d’une autre manière, et pas juste une redite.

Ces thèmes sont-ils des thèmes qui vous tiennent à cœur ou bien vous les avez découvert pour cette BD ?

O.B. : On accepté cette BD après avoir lu le livre. Et le livre n’est pas précisément ce que, nous, on aime. Par contre dedans, les choses qui nous plaisent sont communes. Les thèmes qu’on a mis en avant, sont ceux qui nous plaisent, qui nous touchent et feraient de cet album, notre album et pas seulement un roman illustré. C’est aussi universel : on a tous une nostalgie de notre enfance, tous eu des drames, des tristesses. C’était présent dans le livre et on l’a fait remonter à la surface. C’est en ça que la BD est différente du livre, dans la narration.

C’est assez rare de passer d’un livre à une bande-dessinée. Comment passe-t-on d’un livre à une BD ?

O.B. : En pensant en termes visuels plutôt que littéraires. En transformant au maximum ce qui est dit en choses montrées. En évitant aussi au maxi-mum les références au livre, de ne pas utiliser une « voix off ». C’est assez facile de prendre des extraits du

bouquin et les illustrer. Mais ça ne m’intéressait pas. Je voulais en faire un véritable objet de BD. Et pour Léonie c’était pareil, elle avait plein d’idées pour le raccourcir.

L.B. : Dans le découpage, on a un dialogue qui dit quelque chose et des personnages qui se montrent par leur attitude, leur position, …Il suffit parfois d’un regard ou d’un demi-sourire pour faire dire complètement autre chose au dialogue et, du coup, on peut se servir aussi du second degré : les personnages peuvent faire preuve d’humour pour qu’on le sente directement, plutôt que d’utiliser tout un discours pour démentir ce que quelqu’un vient de dire. Il suffit d’un regard en coin, de quelqu’un en arrière pour comprendre qu’il se désolidarise de ce discours. Par un regard, une attitude, un haussement d’épaule, on peut le faire comprendre alors que, dans le livre, cela peut prendre une demi-page.

Par à rapport à la compréhension, j’ai justement beaucoup aimé le début, où l’on présente chaque personnage, comme si la BD était déjà commencée. Était-ce nécessaire pour la compréhension du lecteur ? Comment cette idée est-elle venue ?

O.B. : Tout d’abord aller à l’économie. Je n’avais pas envie de faire des pages et des pages sur les personnages ; ce n‘est pas les scènes les plus passion-nantes d’un bouquin. Je voulais les mettre directement dans l’action. La solution était de mettre une sorte de petite bible, que les gens lisent en comprenant plus ou moins, mais où ils pourront revenir par la suite. Il y avait plusieurs moyens de les présenter, et

on a décidé de les faire s’adresser au lecteur. On a même un personnage qui dit directement qu’il est mort. Cela met tout de suite une proximité, ça dit venez dans notre univers.

On a aussi montré la perte de l’enfance en mettant le même personnage adulte et enfant dans la même case. Ce qui montre que l’on va parler des deux et de ce qu’il y a entre.

Une image qui m’a fort marquée, c’est l’héroïne, qui est morte, sur la table du médecin légiste et son mari qui lui fait une déclaration d’amour sur son corps, en trame de fond, alors qu’elle est ouverte pour le rap-port médico-légal. C’est la scène qui m’a paru la plus trash alors que d’autres thèmes sont bien pires.

L.B. : Ce qui est terrible c’est que ce sont les mots d’amour qui la rendent si violentes. Des scènes d’autopsie, on en a déjà vues assez dans des films. Ce n’est plus si violent, mais le fait d’avoir des mots d’amour ou éroti-ques, au-dessus de l’image, la rend très triste.

O.B. : Le côté un peu trash est là aussi, car il n’y a qu’une seule image aussi dure dans tout l’album. Ce qui la rend encore plus frappante.

Si on avait fait un autre livre, on aurait plus multiplié les images choquantes, mais, au bout d’un moment, ce n’est plus si intéressant, ça ne fait pas le même effet.

Est-ce que vous avez eu des contacts ou des retours de l’auteur original ?

L.B. : Pas encore. C’est une curiosité de savoir ce qu’elle en pensera. L’agence qui gère les droits a reçu le bouquin. Elle nous a dit que c’était très beau et qu’ils allaient montrer la BD à l’auteur. Peut-être que l’on aura un retour plus tard…. On a eu beaucoup de libertés, donc on ne peut pas exiger quoique ce soit.

Le septième tome de la série vient de sortir en français, est-ce que cela développe un univers à explorer ou avez-vous juste développé un one-shot ?

O.B. : On a signé pour les trois premiers, suite au contrat entre caster-

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Page 44: Le suricate magazine - Vingt-neuvième numéro

-man et l’agence des droits de Camilla Läckberg, avec une option pour les trois suivants. Et c’est assez rare dans le monde de la BD, de pouvoir signer pour les trois premiers tomes, sans savoir s’ils vont fonctionner. En tout cas, dans les trois premiers tomes, on essaye de se faire interpénétrer les trois albums.

Avez-vous déjà commencé à tra-vailler dessus ou allez-vous les con-cevoir un par un ?

O.B. : Sur le deuxième, par exemple, on a décidé d’insérer des personnages qui vont mourir dans le troisième, pour qu’on ait un peu plus le temps de s’y attacher. Ce qui n’était pas le cas dans le livre où Läckberg ne savait pas forcément déjà ce qui allait se passer dans le roman d’après. On a l’avantage de pouvoir connaitre le futur.

Combien de temps mettez-vous pour faire un album ?

L.B. : On a été assez vite sur celui-ci. On a mis huit mois à tout faire. Et surtout grâce aux coloristes, car sans eux on aurait mis six mois de plus. Il y avait aussi beaucoup de travail en amont de la part d’Olivier.

Pour terminer, avez-vous chacun des projets personnels ?

O.B. : J’ai le troisième tome de La Colère de Fantomas, l’année pro-chaine, et je suis en train de travailler sur une nouvelle série originale pour Casterman. Mais, il y a un blocus absolu. Par contre, ils aiment tellement l’idée qu’ils ont décidé de me payer pour le développement, plutôt qu’à la livraison des planches.

L.B. : Pour le moment, je peux pas trop en parler. J’aurais sûrement un projet qui irait vers le western. Mais c’est tout ce que je peux dire.

Adapter un best-seller scandinave en BD, ça, c’est une idée saugrenue. Après Millenium chez Dupuis, il fallait, pour les autres éditeurs, contre-attaquer. Casterman s’empare, lui, de La Princesse des Glaces de Camilla Läckberg et confie les rênes à deux jeunes auteurs encore assez méconnus du public.

Pour rappel, l’histoire suit Erica Falck, biographe qui s’installe, pour quelques temps, dans son village d’origine de Fjällbacka, tentant de faire le deuil de ses parents décédés dans un tragique accident. Elle essaye aussi de renouer des liens avec son amie d’enfance. Elle la retrouvera, finalement, morte dans sa baignoire. Suicide ou meurtre ? Elle se retrouve plongée dans une enquête qui va faire ressortir tous les secrets de cette petite bourgade.

Adapter un livre en Bande Dessinée n’est pas forcément courant, et il faut avouer que le duo Léonie Bischoff (dessin) et Olivier Bocquet (scénario) s’en sort plus que bien. Ils arrivent à explorer les thèmes qui leur sont chers (la nostalgie de l’enfance, les drames familiaux, etc.) tout en restant fidèles au roman d’origine. Le découpage et le scénario de Bocquet n’est pas trop bavard et fait la

part belle aux dessins froids et doux de Bischoff.

Ce dessin très doux ne rend que plus violent l’histoire vécue par les protagonistes. Avec comme image clé, le corps ouvert de la victime sur fond de déclarations d’amour de son mari.

L’histoire est parfois très difficile à suivre, malgré les premières pages présentant chaque personnage de l’intrigue. Il vous faudra revenir sur vos pas plusieurs fois, pour retrouver le lien qui unit chaque personne, sous peine de bâcler quelques informations cruciales.

Le septième tome du roman de Läckberg venant de sortir, on attend avec impatience la suite, les auteurs ayant signé pour adapter les trois premier tomes. La réussite ne pourra que porter vers l’avant deux jeunes auteurs prometteurs.

La Princesse des glaces

d’Olivier Bocquet et Léonie Bischoff

Editions Casterman, 128 p.

Cinéma / Musique / Scène / / ArtsBD

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Loïc Smars

Loïc Smars

Page 45: Le suricate magazine - Vingt-neuvième numéro
Page 46: Le suricate magazine - Vingt-neuvième numéro

Cubitus, l’ami des grands et des petits est de retour dans L’Ecole des chiens, dans lequel il va apprendre bien des choses (parfois à ses dépens) au travers de gags hilarants.

Créé à l’origine par Dupa en 1968, notre canidé a toujours gardé son caractère bougon et attachant, qui a su séduire des générations de jeunes lecteurs.

L’Ecole des chiens est le neuvième tome de la série Les Nouvelles Aventures de Cubitus. En effet, après la mort de Dupa, en 2000, c’est Michel Rodrigue qui reprit l’œuvre du maître, en la rebaptisant de la sorte.

Au fil des tomes, le talentueux dessinateur a su se fondre dans le style original, et proposer une série d’albums de qualité tout en incorporant Bidule, le neveu de Cubitus, qui a la particularité de s’exprimer par des gazouillis.

Bien entendu, vous retrouverez Sénéchal, ce chat moqueur, qui insupporte tant Cubitus, mais qui rythme aussi sa vie monotone. Ainsi que Sémaphone, son maître, qui trouve son chien trop intelligent. Il va donc décider de le

« recaniser » en l’envoyant, lui et Bidule, à l’école des chiens où ils vont apprendre à défendre la maison, attendrir le « maimaître » ou encore se débarrasser du chat.

Vous l’aurez compris, notre clébard a bien du travail s’il veut accomplir toutes ses tâches parfaitement.

Le lecteur y trouvera largement son compte au travers de ces quelques 46 planches très réussies. Cubitus reste une valeur sûre et un personnage immuable qui séduit encore les plus petits. Comme c’est le cas pour beaucoup de séries anciennes, les grands y retrouveront une certaine nostalgie et auront peut-être envie de lire ces histoires à leurs enfants avant de les mettre au lit. Cubitus est comme un gros nounours qui réconforte et rassure. Un très bon moment de lecture pour tous !

Cette Bande Dessinée retrace l’histoire d’une amitié inattendue, lors du conflit mondial de la guerre 14-18, qui lia Hans, un ennemi allemand à des enfants perdus et réfugiés derrière les lignes allemandes.

Les dessins sont à la mesure de l’histoire : réaliste et sombre, mais parsemée ci et là de touches plus harmonieuses qui témoignent de la douceur rencontrée paradoxalement, dans la noirceur de l’Histoire.

A ce qui paraît impossible pour des enfants, survivre au sein de la grande guerre, seuls et sans provision dans un environnement hostile, les planches vont intégrer une composante pleine d’espérance. Celle d’un adulte ennemi, Hans, un Allemand déserteur, qui dit non à la guerre, et qui choisit d’accompagner les enfants, de les initier à l’art du jeu et de la débrouillardise, à l’habileté de réinventer la vie, même quand tous les signes montrent qu’elle aussi a déserté.

La Guerre des Lulus, c’est parfois, une représentation de visages d’enfants qui donne à faire peur et qui montre, à travers le trait, l’absence de tout écrin, la violence de ces conditions dans lesquelles sont plongés

des êtres qui grandissent trop vite ; une promiscuité, un manque de repères et de biens de nécessité, des circonstances bien dures les plongeant précipitamment dans le monde des adultes.

J’ai eu l’impression d’être dans une grotte en parcourant le livre, tant l’atmosphère qui y régnait était sombre et froide. Et puis, soudain, une source de chaleur s’anime, pleine de lumière et d’humanité partagée, qui redonnent vie et immobilisent le temps, l’espace d’un jeu ou d’un fou-rire. Ce sentiment qui dit l’horreur et, en même temps, la force d’échappées miraculeuses.La force de la Bande Dessinée La Guerre des Lulus - Hans vient de sa capacité à montrer l’humain à travers la machine de la guerre. De montrer le choix – toujours possible – de dire oui ou non à la guerre – à commencer par celle d’enfermer l’autre derrière une étiquette qui stigmatise la différence.Des personnages viendront aussi montrer qu’on peut être ennemi, très différemment.

Un bon début de réflexion pour des enfants qui jouent à la guerre, en attendant d’en savoir plus sur l’histoire d’autres enfants, qui ont pu continuer à jouer pendant la guerre.

Les nouvelles aventures de Cubitus, tome 9 : L’Ecole

des chiens

de Erroc et Rodrigue

Editions Le Lombard, 48 p.

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Cinéma / Musique / Scène / / ArtsBD

Françoise Royer

Christophe Pauly

La Guerre des Lulus : Hans

de Hautière et Hardoc

Editions Casterman, 56 p.

Page 47: Le suricate magazine - Vingt-neuvième numéro

Bukowski : une courge pleine éclairée de l’intérieur

La première fois que j’ai lu un poème de Charles Bukowski, un écrivain poète US d’origine allemande, il m’a direct prise aux tripes. Son style, caractérisé par une franchise sans concessions, et l’absence de formules prétentieuses, qui rendent la poésie souvent inaccessible pour moi, m’ont chamboulés.

Malgré le pessimisme et la désillusion ambiants, je voyais ce poème comme une ode à la vie. Ecrite par un misan-thrope assumé, qui ne se retrouve pas dans le rêve américain, trop lisse, mais qui aime assez la vie pour la retrans-crire, l’habiller de formules belles ou laides. Assez pour s’attacher à essayer de la cerner et de la contenir dans des récits ou sous forme de poèmes.

En lisant Goodbye Bukowski, le roman graphique de Flavio Montelli paru chez Casterman Ecritures, j’ai été touchée de retrouver cet homme-là. Le roman dévoile l’homme derrière l’au-teur à travers ses relations avec les femmes ; principalement sa fille Mari-na, Jane, la femme qui a partagé dix ans de sa vie et Diana, celle qui lui a redonné goût aux femmes.

Au travers des images du quotidien d’un écrivain qui est parfois en mal d’inspiration mais aussi celui, plus ordinaire, d’un américain moyen.

Auteur de nouvelles, de romans et de recueils de poèmes reconnu, Bukow-ski semble errer dans la vie. Il organise des soirées chez lui parce que son entourage aime faire la fête. Lui, pas tellement. Tour à tour, sa franchise

désarme ou vexe les femmes qui ont la chance ou le malheur de le rencontrer.

Les gros plans sur les visages des différents protagonistes, le peu de mouvements, les nombreux silences créent un rythme qui rappelle le débit de parole de l’auteur. Un rythme pro-che de celui de la vie, celle qui se passe dans l’ordinaire, la vraie. Une banalité teintée de poésie, comme lorsque sa fille lui avoue avoir eu une mauvaise note à l’école.

Il la rassure, lui dit de ne pas s’en faire parce que les notes, ce n’est pas l’essentiel. Marina lui demande alors ce qui compte, et son père lui répond : « Je sais pas, peut-être l’intérieur du soleil, ce feu éteint et solidifié » qui ressemblerait « plus ou moins à un avocat ».

Lorsque Bukowski compare l’Amé-rique « à une courge vide éclairée de l’intérieur", il est tentant de lui appli-quer cette métaphore. Cette citrouille que les Américains vident pour Hallo-ween et dans laquelle ils posent une bougie qui dévoilera les monstres qu’ils auront sculptés dans ses parois ; figures effrayantes censées décourager les moins intrépides à approcher de leurs maisons. A l’image de l’œuvre de Bukowski, qui, en abordant l’intime sale et parfois honteux, a mis en lumi-ère une Amérique en déroute, une âme humaine mal ajustée à la société dans laquelle elle vit.

Allant au-delà des débats sur le génie littéraire de l’auteur, poète américain, Flavio Montelli s’attarde sur les petites

choses qui nourrissaient l’œuvre de Bukowski et en dresse un portrait subtil et touchant qui m’a fait sourire plus d’une fois. Montelli dessine ce qu’il imagine avoir été le quotidien de l’auteur et nous offre, avec Goodbye Bukowski, une œuvre poétique, con-templative hautement cinématographi-que.

Goodbye Bukowski

de Flavio Montelli

Editions Casterman Ecritures

64 p.

Roman graphique et biographique sur la vie de Bukowski ...

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critique

Marie-Laure Bahati

47mars 2014

Page 48: Le suricate magazine - Vingt-neuvième numéro

1000 maillots de foot de Bernard Lions

Les livres sur le football sont légion, tant ce sport est populaire. Pourtant, un thème assez souvent oublié, ce sont les maillots de football : que ce soit leur histoire ou la volonté de les collec-tionner. Il n’y a d’ailleurs pas de noms officiels pour ceux qui se passionnent pour ces vareuses toutes moites. Dans tous les cas, c’est curieux que l’on tourne les premières pages de cet ouvrage.

On commence tout d’abord avec une préface du truculent président de Montpellier : Louis Nicollin. Au voca-bulaire étrangement sage (quand on se souvient de sa verbe fleurie …), le mot de Nicollin n’en est pas moins celui d’un passionné du sujet. Il fait partie d’ailleurs des 6 ou 7 gros collec-tionneurs vivant en France. On passe assez vite l’introduction de l’auteur (Bernard Lions, journaliste à L’Equipe et fana de maillots), qui ne dépasse pas la motivation pour l’écriture de son livre, pour se plonger dans l’histoire des tenues des différents footballeurs à travers le monde.

Que ce soit pour les nations ou les clubs, le schéma est le même : une présentation du maillot sur une double page avec un texte explicatif, 4 maillots emblématiques et le maillot actuel. Les deux pages suivantes sont généralement une anecdote ou une histoire sur un joueur ou un numéro de maillot emblématique suivi d’une photo. Parfois, une anecdote sur le maillot en général (voir le Barça). Une

photo en double page conclut à chaque fois le dossier abordé.

Ce schéma répété de manière récur-rente, est une bonne idée mais on y trouve aussi sa limite. Car on reste trop souvent sur notre faim au niveau des explications peu complètes ou parfois absentes. Le plus gros problème sur-vient quand le texte ne sert qu’à remplir ce schéma, l’auteur n’étant que peu inspiré.

Le livre, 1000 maillots de foot, se termine avec un paquet d’annexes assez intéressantes. C’est d’ailleurs dans les maillots classés par théma-tiques que l’on retrouve le plus d’infos croustillantes. Des parties aussi préci-ses que « Les maillots les plus popu-laires (par ventes) » ou « Les maillots les plus chers », que des parties un peu plus délurées comme « Les maillots les plus déjantés » ou « Les maillots les plus vintages ».

La dernière partie, avant les essentiels index, se compose d’un tour du monde des maillots d’équipe par pays. Assez sympa pour découvrir des pays moins connus la Malaisie ou l’Ouzbékistan. Par contre, le mystère reste entier : pourquoi ne pas les avoir mis par ordre alphabétique ? Cela nous aurait évité de faire un paquet de pages pour trouver les maillots belges, par exem-ple.

Au final, on est un peu partagé quant à la qualité de l’ouvrage. Des textes

parfois inintéressants, un manque de logique dans la manière d’enchaîner les maillots, etc. Malgré tout, le livre plaira au fan de football qui y verra un livre sympa à mettre sur son étagère et un assez bon résumé sur les maillots de foot.

1000 maillots de foot

de Bernard Lions

Editions La Martinière

304 p.

Savez-vous pourquoi le Real Madrid joue en blanc et l'Italie en bleu ? Comment le roi Pelé s'est-il vu attribuer le numéro 10 du Brésil ? Connaissez-vous la légende des 7 d'or de Manchester United ? Ouvrez ce livre et pénétrez les secrets les plus surprenants de la planète Football ! De l'Arménie à la Zambie, 1000 maillots de Foot vous propose un tour du monde au cours duquel vous découvrirez les mail-lots les plus chers, les plus populaires, les plus symboliques ou les plus déjantés. Bon voyage ! Et n'oubliez pas votre maillot.

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La critique

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Loïc Smars

Cinéma / Musique / Scène / Littérature / ArtsLittérature

Page 49: Le suricate magazine - Vingt-neuvième numéro

Sur une route désolée du Nevada, un gang de motards est pris en chasse par un camion fou, apparemment bien décidé à les éliminer un à un. Il n’existe qu’une seule issue pour sauver sa peau : ne jamais ralentir…

Inspiré par le classique Duel de Richard Matheson, adapté ensuite au cinéma par Steven Spielberg, Plein Gaz marque la première collaboration entre Stephen King et Joe Hill. Cette coopération père-fils nous emmène sur les routes désertiques et arides de l’Ouest américain. On y découvre une bande motards à la dérive répondant à tous les clichés du genre.

Dans cette nouvelle écrite à quatre mains, on retrouve le style de Stephen King père mais avec la touche plus dynamique du fils. Malgré une intrigue qui ne démarre pas sur les chapeaux de roue, le lecteur ne pourra pourtant pas décrocher du livre. Une fois les premières lignes parcourues, impossible de faire marche-arrière…

Le texte est court et prend de la vitesse au fil du récit. On avale les pages comme les motards avalent le bitume sur leur Harley.

C’est là que l’on reconnait immédiatement la patte du maître ! King sait faire monter la tension en crescendo comme personne. Grâce à une brillante mise en situation le lecteur est littéralement pendu aux mots…

90 pages ça passe vite, même trop vite ! Ce serait d’ailleurs là son seul point faible. Car il faut bien l’avouer, on n’est pas habitué à passer moins d’une heure sur l’une des œuvres de Stephen King. On en redemande toujours !

Bref, Plein Gaz est le résultat d’un duo de choc. Père et fils se complètent à merveille grâce à leurs différents points forts. Une nouvelle que l’on dévore comme un bouli-mique de la littérature thriller/horreur. Terri-fiant, dérangeant et très bien rythmé, Plein Gaz se lit si vite qu’on reste un peu sur notre faim…

Charles Manx aime tellement les enfants qu’il les kidnappe pour les emmener à Chrismasland, le pays du Noël et de l’amusement éternels. Vic McQueen aime son vélo. Grâce à lui, elle retrouve ce qui est perdu. Charles Manx et Vic McQueen font partie de ceux qui transcendent leur imagination pour lui donner une consistance dans le monde réel. Lorsque Vic rencontre Charles, c’est un choc. Le combat com-mence. Là où certains écrivains mettent quelques pages à happer le lecteur, Joe Hill nous envoie de plain-pied dans un univers perturbant, enfantin et surtout malsain.

Commençons par le style du livre.

Joe Hill sert au lecteur une écriture travaillée mais sans lourdeur ni emphase inutiles. Un délicat mélange de vulgarité et d’envolée poétique qui donne au récit un véritable souffle, quasi épique. Le récit est souligné par les titres de chaque chapitre. Il est quand même bien rare que je porte une attention particulière à ce point précis d’un livre mais ici, les titres sont comme les cailloux du Petit Poucet et nous guident à travers l’univers de Joe Hill. De plus, ce chassé-croisé entre Charles et Vic donne la possibilité à l’auteur de jouer sur la narration double et de nous

conter un même fait à travers l’oeil des deux protagonistes.

L’écriture porte l’histoire.

Un professeur de français m’avait dit un jour que toute histoire peut se résumer en quelques mots. Même celle qui nous semble complexe. Nosfera2 est une histoire simple parlant du bien et du mal. Mais lorsque la notion de mal est bouleversée, lorsque la notion de bien en prend un coup, le récit se transforme en une plongée dans la nature humaine et dans ses méandres. Ce jeu du chat et de la souris qui se déroule dans la réalité et dans la psyché humaine est tout à fait délectable et jouissif.

Nosfera2 est un excellent thriller qui ne s’essouffle pas et qui portera le lecteur jusqu’à un final attendu mais tellement libérateur.

Plein Gaz

de Stephen King et Joe Hill

Editions JC Lattès, 96 p.

Elodie Kempenaer

Cynthia Tytgat

Nosfera2

de Joe Hill

Editions JC Lattès, 621 p.

49mars 2014

Page 50: Le suricate magazine - Vingt-neuvième numéro

La Légion de la Colombe Noire de Kami Garcia

Livre reçu par hasard et sans aucune envie particulière, La Légion de la colombe noire a été commencé sans connaître les antécédents de l’auteur, ni d’informations concernant le style de bouquin. On voit juste à la cou-verture que c’est une histoire de jeunes pour jeunes. Et les sociétés secrètes, cela attire toujours un peu.

L’héroïne, Kennedy Waters, a une vie simple à Georgetown (Washington D.C.) avec sa mère, ses meilleurs amis, ses dessins, sa musique, etc. Seule une peine de coeur récente vient ternir le tableau idyllique. Du moins dans un premier temps, car très vite, le plus grand malheur possible va s’abat-tre sur elle !

En rentrant à la maison, elle trouve sa mère morte dans sa chambre. Surgis-sent alors deux jumeaux (Lukas et Jared) qui se disent appartenir à la légion de la colombe noire, société secrète qui se bat contre les fantômes, dont celui, qui aurait tué la mère de Kennedy. Elle rencontre alors les au-tres sociétaires : Alara, l’autre fille du groupe et Priest, le petit génie. Doit-elle leur faire confiance ? Mérite-t-elle de rejoindre leur équipe, elle, qui n’a pas de talent particulier ?

Si on enlève le spleen de l’héroïne, courant dans les romans pour midi-nette, le livre démarre assez bien et installe un sympathique suspense. C’est déjà vu mais on se laisse prendre au jeu. On partage son questionnement

sur sa place dans le monde et ensuite sa place dans l’équipe de la société secrète. Comment avoir confiance en soi ? Que faire quand on se sent inutile pour répondre aux attentes de nos proches ?

Malgré tout, on a vite la puce à l’oreil-le sur le style du livre, le fil de l’histoire est souvent interrompu par la dualité amoureuse que subit Kennedy : doit-elle succomber aux avances de Lukas, le jumeau gentil et prévenant ou aux charmes de Jared, le taiseux qui souffre ? Une histoire d’amour est un incontournable des fictions mais à force d’arrêter l’action pour se consa-crer aux histoires de coeur de l’héroï-ne, Kami Garcia, fonce tête baissée vers la littérature ado bas de gamme de Twilight, Sublimes Créatures, etc.

C’est à ce moment, qu’après une recherche sur internet, on se rend compte que Kami Garcia est, comme par hasard, la co-auteure de Sublimes Créatures, une tentative inutile de plonger des adolescents dans le monde des sorciers plus matures qu’Harry Potter.

Mais on ne juge pas un ouvrage sur le passé de son auteur et en faisant abstraction de ses méfaits, le nouveau livre de Kami Garcia a du potentiel pour développer une histoire intéres-sante, ou du moins agréable à lire pendant un voyage en train. A condi-tion de ne pas continuer à forcer le trait de l’histoire d’amour impossible. La

qualité de l’obligatoire suite, confir-mera, dans tous les cas, si on a affaire à un nouveau Hunger Games ou à un énième Twilight.

La Légion de la Colombe Noire

de Kami Garcia

Editions Hachette Black Moon

360 p.

À la mort de sa mère, le monde de Kennedy vole en éclats. Mais elle ne se doute pas encore que ce drame est lié à des forces surnaturelles. Ce sont deux frères jumeaux, Jared et Lukas, qui le lui révèlent en la sauvant d'un dangereux esprit envoyé pour la tuer...

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La critique

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Loïc Smars

Cinéma / Musique / Scène / Littérature / ArtsLittérature

Page 51: Le suricate magazine - Vingt-neuvième numéro

Romain des villes, romain des champs ?

Ce livre nous propose une photo-graphie de la vie quotidienne des deux premiers siècles de notre ère en Alsace alors sous domination romaine.

En s’appuyant sur des documents matériels, des photographies aériennes ou encore des schémas, l’équipe du Pôle d’Archéologie Interdépartemental Rhénan (PAIR) nous fait découvrir l’habitat urbain et rural, les matériaux et les techniques de construction, la vaisselle et les outils du quotidien, la monnaie ou encore la langue parlée.

L’objectif de cet ouvrage est de montrer que ces vestiges d’aujourd’hui ont, un jour, été des lieux animés par la vie. Par le dialogue des sources et des champs de recherche comme l’archéo-logie, l’histoire, l’architecture et l’envi-ronnement, les historiens veulent exprimer par ce biais une expéri-mentation, un lieu de partage d’inter-rogations actuelles et l’espoir de discussions à venir.

Auparavant occupée par les Celtes, l’Alsace, située sur la rive gauche du Rhin, fut conquise par Jules César lors de la Guerre des Gaules - campagne militaire qui dura de 58 à 51 avant Jésus-Christ.

Dès la fin du IIIe siècle, la région fut intégrée au diocèse des Gaules et séparée des Germains par le Rhin. En passant par les cités antiques de

Brocomagus (Brumath), d’Argen-torate (Strasbourg) ou encore d’Au-gusta Raurica (Augst en Suisse actu-elle), c’est un voyage dans la plaine rhénane et le Piémont vosgien qui nous est proposé.

Enrichi par des textes rédigés pour un large public, agrémenté de nombreuses illustrations et ponctué de questions posées aux archéologues pour en comprendre les clés, ce livre nous plonge dans la vie quotidienne gallo-romaine où sont confrontés les modes de vie ruraux et urbains.

A l’époque romaine, la majorité des hommes vit dans les campagnes, dans des exploitations agricoles dispersées, de taille et de forme variées. L’espace rural est exploité, occupé, aménagé et structuré par un vaste réseau de chemins et de limites où l’on retrouve çà et là des villae. Le cadre urbain, quant à lui, se développe clairement à partir du Ier siècle à travers le tracé d’un réseau de rues et de lotissement de quartiers à immeubles collectifs ou maisons standardisées.

La dualité entre milieux urbains et ruraux est toujours d’actualité. Il n’y a dans les villes et les campagnes que peu de choses à transposer mais notre vision s’en trouve influencée. Les recherches archéologiques récentes qu’ils ont menées dans la région appellent à creuser le sujet. Les Ro-

mains des villes et les Romains des champs existent-ils ? Ce livre nous propose de le découvrir en faisant une plongée dans l’Alsace romaine.

Romain des villes, romain des champs ?

de Le P.A.I.R.

Editions Actes Sud128 p.

Grâce à l'archéologie préventive, de nombreux sites archéologiques ont pu être mis au jour en Alsace, en particulier des sites d'habitat antiques.

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critique

Elise Poissonnier

51mars 2014

Page 52: Le suricate magazine - Vingt-neuvième numéro