Le stéréotype

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Nature et fonctionnement du stéréotype

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Pour ou contre le

stéréotype

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Définir ce qu’est un stéréotype n’est jamais facile. Ce terme regroupe

des sens qui différent selon le contexte de son emploi. La fonction d’un

stéréotype est paradoxalement à la fois positive et négative. L’origine d’un

stéréotype est à rechercher dans l’histoire économique, politique et culturelle

d’un groupe plus ou moins important d’individus. Il existe une variabilité,

une instabilité des stéréotypes qui à quelque chose à voir avec la mode, avec

l’histoire d’un individu, avec l’exposition aux médias, avec la race, le genre,

l’âge, le niveau socioculturel et l’éducation, avec l’époque. Le stéréotype est

écartelé entre la norme indispensable au fonctionnement de l’esprit humain et

la caricature comme trait inhérent de l’esprit critique et vindicatif qui nous

habite.

Origine du stéréotype Les stéréotypes sont appris, ce sont des jugements, des images mentales

qui nous ont été léguées par la famille, les amis, l’expérience passée et qui

sont sans cesse renforcées ou nuancées par ce que nous entendons, ce que

nous lisons, ce que nous voyons à la télévision ou au cinéma. Que ce soient

nos livres d’enfants, nos bandes dessinées, nos dessins animés, ils véhiculent

les mêmes images qui sont étayées lors de rapports sociaux ludiques ou

conflictuels et qui perdureront à l’âge adulte, justifiant une fois de plus la

formule qui veut que l’enfant soit le père de l’homme adulte.

Fonctionnement du stéréotype Il existe cependant une marge de variation d’un individu à un autre.

Pour penser par stéréotypes, il faut ignorer volontairement ou

involontairement les nuances, les différences qui existent entre les individus,

les groupes et les choses. Les images de l’autre se transmettent, se

transforment, mais nous pensons grâce à ces images, nous écrivons grâce à

elles et le contrôle qu’un individu peut avoir sur ces prêts-à-penser est

incertain. Ces images stéréotypées pensent à notre place et influent sur nos

comportements. Il n’y a pas de raison d’en avoir honte, car ce mode de

regroupement qui se fait sur des critères de similitude plus ou moins exacts et

en gommant les différences est la base même du langage et de la pensée

humaine.

Utilité du stéréotype

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Les Américains ont tort de diaboliser à outrance les stéréotypes raciaux

ou sexistes, en prétendant qu’ils ne sont basés sur rien de solide, qu’ils sont

inexacts, dangereux. En fait, s’il est vrai que les stéréotypes jouent un rôle

prépondérant dans nos rapports avec les personnes appartenant à d’autres

cultures, ou à d’autres groupes, il n’en est pas moins vrai que ce sont des

raccourcis utiles qui nous permettent de bâtir un pont entre un territoire

familier et un territoire inconnu et peut-être menaçant.

Le pourquoi du stéréotype Les différences entre individus et groupes d’individus sont nombreuses

et souvent plus "visibles" que les traits communs, elles incluent le sexe, l’âge,

la religion, l’apparence physique, le rang social ou la place dans la famille, les

capacités physiques et mentales, les préférences sexuelles et les revenus. Par

contre les ressemblances entre individus d’un même groupe effacent les

différences aux yeux d’un individu appartenant à un autre groupe. Ce sont à

la fois ces différences exogènes indéniables et ces ressemblances endogènes

patentes qui sont à l’origine des stéréotypes.

Persistance du stéréotype Ces stéréotypes ne prennent pas en compte la diversité qui peut exister

à l’intérieur du groupe, mais ce n’est pas là la fonction du stéréotype dont la

finalité est de catégoriser et de normer. Les stéréotypes apparaissent dans les

livres, les manuels scolaires, la musique, le cinéma, la télévision, la publicité,

les jeux vidéo, les bandes dessinées. Ils font partie de la culture dans laquelle

baigne un individu depuis son enfance et servent d’expérience par

procuration. La confrontation avec la réalité ne fera pas éclater le stéréotype,

bien au contraire c’est lui qui dictera l’inscription de l’expérience dans la

mémoire d’un individu, comme toute image, il imposera un filtre cognitif à

l’expérience vécue de l’autre culture, de l’autre groupe. De même que l’on

ne voit que ce que l’on sait voir, on n’appréhende que ce que l’on a été

préparé à expérimenter ou à concevoir.

Faut-il combattre le stéréotype ? L’existence d’un stéréotype n’est dangereuse que pour qui en ignore la

force, que pour qui en fait un dogme, une certitude qui ne souffre aucune

mise en doute. C’est la foi en un stéréotype qui ouvre la porte à tous les

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débordements comportementaux. Dans la mesure où le stéréotype se

rapproche de la caricature, il n’est pas plus dangereux qu’un croquis de

Reiser pour un esprit normalement éclairé.

Les stéréotypes sont présents dans tous les secteurs de la vie, ce sont

les habitudes et les connaissances que l’on a acquises tout au long de la vie.

Par exemple si l’on vous donne les lettres A, B, C, D à disposer dans le

cercle ci-dessous :

Il y a de fortes chances pour que vous placiez le A dans le cadran

supérieur gauche. Des personnes appartenant à d’autres cultures le placeront

ailleurs. Ce choix est donc dicté par un stéréotype. Lorsque vous lisez les

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phylactères d’une vignette de bande dessinée où plusieurs personnages

prennent la parole, vous lirez en premier le phylactère le plus haut et le plus à

gauche. C’est le même stéréotype qui guide votre choix. L’ensemble de nos

actes réflexes dans la plupart des situations obéissent à des stéréotypes dont

nous n’avons pas une conscience claire. Si nous arrivons à communiquer

entre individus appartenant à une même société et sachant que dans une

situation donnée le langage laisse la part belle à beaucoup d’implicite, force

est de reconnaître l’utilité de ces stéréotypes culturels. De même les échanges

langagiers sont basés sur de nombreux poncifs, truismes et expressions

figées. Les interactions verbales sont elles-mêmes soumises à des règles,

étiquettes, conventions et autres scénarios protocolaires. Il est vrai que ces

expressions que nous utilisons de manière automatique pour faire face à une

situation déterminée nous évitent la fatigue de la recherche d’une expression

plus personnelle, moins convenue. La loi du moindre effort qui nous le

savons joue en phonétique est aussi à l’œuvre ici.

Stéréotype et société Le stéréotype est aussi le produit de la vie en société et la règle dans la

vie en société. Les enfants et les adolescents sont victimes des stéréotypes en

vigueur dans leur entourage. Tout ce qui peut les rendre différents des autres

leur fait peur. Par exemple, la façon de s’habiller, les jeux, le langage sont

autant de domaines dans lesquels le conformisme enfantin est de rigueur.

Plus tard, l’adulte gardera des traces de cet habitus et trouvera dans le

conformisme social un refuge contre la peur de l’originalité, de la différence.

Se fondre dans le troupeau, dans le banc de poissons est toujours un moyen

de survivre. Être Monsieur-tout-le-monde reste un statut que beaucoup

d’individus revendiquent. Quand les Américains utilisent l’expression "to

keep up with the Joneses", n’indiquent-ils pas cette nécessité sociale de ne

pas être différents du stéréotype commun.

Stéréotypes et médias Créateurs et négociants tablent sur cette particularité humaine qui fait

que la majorité de la population cherchera à suivre la Mode. Les tissus, les

formes, les couleurs se conforment à des stéréotypes qui changent

périodiquement ou plutôt qui sont volontairement changés grâce à une

manipulation orchestrée entre autres par les médias.

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Les médias sont devenus des créateurs de stéréotypes, ou plutôt les

microsociétés qui gravitent autour des médias imposent à l’ensemble de la

population des stéréotypes qui n’auraient dû appartenir qu’à ce microgroupe.

Publicitaires, cinéastes, acteurs, chanteurs, sportifs dictent des

comportements qui leur sont propres à l’ensemble de la société et cela dans

tous les domaines, vestimentaires, alimentaires, sexuels et autres. Les

comportements d’achat, de mode de vie, de conduite sont téléguidés. Les

goûts, les aspirations, les valeurs sont uniformisés, normés afin de mieux

cerner les publics cibles captifs. C’est en ce sens que le stéréotype est

dangereux et qu’il peut être assimilé à un programme qui robotise l’esprit

humain en lui enlevant toute possibilité de recul critique.

Stéréotype et norme culturelle Paradoxalement il est des stéréotypes qui ne s’imposent pas, des

stéréotypes que l’on tente d’éradiquer au nom d’une mondialisation, d’une

globalisation des populations, et des stéréotypes qu’il faut défendre.

Les stéréotypes alimentaires sont, par exemple, des stéréotypes

auxquels nous restons fortement attachés et pourtant beaucoup tentent de

nous les faire abandonner au nom de la sécurité sanitaire, du profit, de la

nécessité d’ouvrir les marchés, de l’ouverture au monde et aux saveurs

exotiques ou standardisées. Des milliers de personnes manifestent leur

attachement à leurs stéréotypes alimentaires et revendiquent l’exception

culturelle et gustative.

Par ailleurs, on essaie grâce aux médias de nous convertir à d’autres

stéréotypes au nom de la raison. Mais le stéréotype ne connaît pas la raison

dans la mesure où il est appris de manière non formelle, insidieuse. On aura

beau essayer de nous convaincre qu’il faut conduire moins vite, il y a

toujours autant de morts chaque week-end, ni la prévention, ni les sanctions,

ni la peur du gendarme ne nous feront lever le pied avant longtemps. On peut

d’ailleurs se demander si les causes stéréotypées des accidents sont vraiment

les seules à être fondées et s’il ne faudrait pas chercher ailleurs des

stéréotypes moins évidents pour expliquer le carnage sur les routes et y

remédier.

Défense du stéréotype

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Le stéréotype est de nature variée et variable, caricature, norme utile,

convention nécessaire, habitude inconsciente, mode passagère. Il est le mode

de fonctionnement normal de l’esprit humain. Le vilipender ne sert à rien, il

suffit d’en prendre conscience, de le débusquer, de le regarder en face et de

s’en accommoder au mieux.