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LE SEMEUR DU KASAÏ Revue pluridisciplinaire Numéro 1, Premier semestre 2006 Bakole wa Ilunga Une vie pour le Kasaï et le Congo Numéro thématique dirigé par André KABASELE Mukenge, Jean-Adalbert NYEME Tese, Boniface BEYA Ngindu et Lambert MUSEKA Ntumba.

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LE SEMEUR DU KASAÏ Revue pluridisciplinaire

Numéro 1, Premier semestre 2006

Bakole wa Ilunga

Une vie pour le Kasaï et le Congo Numéro thématique dirigé par André KABASELE Mukenge,

Jean-Adalbert NYEME Tese, Boniface BEYA Ngindu et Lambert MUSEKA Ntumba.

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LE SEMEUR DU KASAÏ ISRD-TSHIBASHI ET ISDI(ISSR)

B.P.70 KANANGA/KASAI OCCIDENTA

REPUBLIQUE DEMCRATIQUE DU CONGO

La publication de cette revue est un des résultats escomptés du projet «Leadership en développement coopératif» financé par l’Agence canadienne de développement international, dans le cadre du Programme de partenariat des Collèges canadiens (PPCC). Le Collège Boréal en est le maître d’œuvre.

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« Quia ego servus »

S.E. Mgr Martin-Léonard Bakole wa Ilunga,

Archevêque émérite de Kananga

IN MEMORIAM : 3 février 2000 - 3 février -2006

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LIMINAIRE

LE FRÈRE AÎNÉ

Faire mémoire de Son Excellence Mgr Martin-Léonard Bakole wa Ilunga c’est me souvenir de celui que j’ai connu alors que j’étais tout petit dans ma première année du Petit Séminaire, et que j’ai retrouvé au Grand Séminaire de Kabwe comme un frère aîné, dynamique et bien apprécié. Il est aussi celui qui fut mon père durant mes dix ans de formateur au Grand Séminaire et pour qui je fus un collaborateur direct en tant que Recteur du Grand Séminaire de Kabwe et ensuite de Malole, après avoir transféré le cycle de théologie dans l’actuel Centre Thabor pour nous fixer enfin dans la brousse de Malole, pleine de serpents ntoka.

Durant vingt-cinq ans, il fut notre frère aîné dans l’épiscopat en tant que Métropolitain de Kananga. Nous avons eu la joie de vivre et de travailler avec lui dans la collégialité effective et affective. Devenu son successeur sur le siège épiscopal de Kananga à partir de sa retraite, il fut pour moi un fils évêque émérite parmi les autres fils prêtres, et un père expérimenté. Dans sa maladie comme dans sa mort, j’ai toujours vu en lui un père, un frère, un fils. Faire mémoire de lui est pour moi un service fraternel, filial et paternel. C’est dans cet esprit que je suis heureux de donner cette préface à l’ouvrage dédié à sa mémoire.

FAIRE MÉMOIRE

A partir d’un petit silex frappé avec une petite pierre pour produire l’étincelle qui tombait sur la poudre de palmier, nos ancêtres produisaient le feu qui pouvait brûler les forêts et les savanes. Ainsi fit le Créateur. D’un petit silex ramassé sur le bord de la rivière Kasaï, au village Pamba près d’Ilebo, Dieu

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a fait jaillir un feu qui a brillé dans l’archidiocèse de Kananga, dans la province ecclésiastique du Kasaï, dans la République Démocratique du Congo notre pays, et dans le monde.

Célébrer la mémoire de cette personnalité forte, riche et féconde, est une gageure, car elle est comme un arbre planté au bord du cours d’eau, qui, tout en vieillissant, fructifie encore, plein de sève et de verdeur (cf. Ps 92,15) : même après sa mort, son esprit et ses œuvres parlent avec éloquence.

Célébrer Mgr Bakole c’est parler de ce chrétien qui se trouvait à l’aise dans sa foi et qui a opéré une symbiose heureuse entre sa culture ancestrale et l’évangile du Christ. Appelé au service de l’Eglise comme prêtre et comme évêque, il a su allier, dans sa vie pastorale, l’évangélisation et la promotion intégrale de l’homme.

Faire mémoire de Mgr Bakole c’est s’engager pourtant dans une oeuvre périlleuse, comme dans ce village des aveugles, où un éléphant a été tué et chaque aveugle veut décrire le pachyderme. Chacun le réduit au membre qu’il touche. Qui vient à toucher la grande patte dit que l’éléphant est une énorme colonne ! Qui touche le ventre affirme que l’éléphant est un grand mur ! Qui touche l’oreille dit que l’éléphant est une grande natte ! Pour parvenir à saisir la réalité entière, il faut un témoignage unifié de la mémoire plurielle. L’accumulation des souvenirs fragmentaires nous lance dans une vision aussi fragmentaire. La multitude et la diversité de témoignages doivent être dépassées pour rendre vivant aujourd’hui le personnage appartenant au passé. En effet, transmettre le souvenir seul ne peut satisfaire le cœur de l’homme. Il faut le rendre présent et vivant aujourd’hui par les actes et les oeuvres accomplis selon son esprit et son enseignement. La mémoire est ainsi une lutte qui veut sauver l’être aimé du spectre de l’oubli, lequel deviendrait chez nous

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une ingratitude. Car ceux qu’il a servis sont devenus le monument édifié auquel les générations reconnaîtront le bâtisseur.

Réactiver le souvenir seul ne suffit pas. Il s’agit de relancer le tissu des relations encore vivantes par-delà la mort. Il ne s’agit ni d’inventaire de ce qui n’a pas été fait, ni d’invention de ce qui n’a pas existé, ni même d’interprétation de ce qui a été fait. Il importe pour nous, en faisant mémoire de ce personnage attachant, de donner le passé pour l’ouvrir au présent et à l’avenir de notre vie et de notre action. Car c’est en ouvrant ces relations dans le présent et en leur donnant un avenir dans notre vie que nous pouvons proclamer la pérennité de l’esprit et de l’œuvre du défunt : il faut que le mystère de sa personne ne s’enferme pas dans le passé, mais qu’il se prolonge et se perpétue.

Faire mémoire dans cet ouvrage est donc notre combat commun pour maintenir vivant parmi nous ce personnage bien-aimé. C’est affirmer notre choix de rester branchés sur le courant vital issu de sa vie et de son action comme une source d’impulsion pour nous. Ainsi sa mémoire deviendra notre héritage à nous ses contemporains et à ceux qui viennent après. La mémoire que nous voulons faire de Mgr Bakole est le grand voyage que nous accomplissons en suivant son chemin dans les méandres de sa vie et de son action, et cela en lisant avec attention le livre de sa vie, en écoutant avec sérieux sa parole, et en suivant son itinéraire avec ses stations, ses arrêts et ses tournants.

LE PRÊTRE ET LE PASTEUR

Faire mémoire de Mgr Bakole c’est rencontrer l’homme, le chrétien, le prêtre et le pasteur à travers le système des valeurs de son temps, c’est-à-dire en remontant jusqu’à la

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dernière période de la colonisation et au temps de l’indépendance du pays.

Ayant été façonné aux valeurs de l’époque coloniale, il a fait l’expérience des valeurs et d’anti-valeurs du temps de l’indépendance et des transitions renouvelées vers des régimes de type démocratique toujours promis et jamais arrivés jusqu’aujourd’hui. Il a goûté à la douceur des unes (valeurs) et à l’amertume des autres (anti-valeurs).

L’action pastorale de l’évêque est fonction tant de son génie et de son zèle pastoral que du discours théologique et des options pastorales fondamentales de la Conférence épiscopale nationale et provinciale. C’est dans cette lumière qu’elle doit être mieux saisie quand nous en faisons mémoire. Loin de poursuivre une fin apologétique, la mémoire d’une vie passée comme une comète traversant l’atmosphère terrestre en laissant un sillon lumineux, veut plutôt contempler l’avènement de cet homme comme une histoire dans l’histoire des hommes, et la vie chrétienne de ce chrétien comme un événement dans la vie de l’Eglise, et l’action de ce pasteur et homme d’Eglise non seulement comme une impulsion qui a pu marquer le cercle de ceux avec qui et pour qui il a oeuvré, mais aussi comme un impact sur l’histoire du Kasaï, du pays et du monde.

La mémoire renonce donc à tout procès et ne recherche pas tant de porter le jugement de valeur que de se délecter dans l’intimité de la personne. Car la mémoire veut garder le souvenir pour provoquer à l’action, fournir une référence à l’action et fortifier le lien particulier avec le personnage. Il appartient enfin à la mémoire de faire jaillir du brouillard du temps surtout les moments promontoires qui pointent dans la brume du passé comme les sommets de la vie.

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LE SERVITEUR DE DIEU ET DE L’EGLISE

Son Excellence Mgr Bakole ayant été appelé à l’existence en dehors de son choix et uniquement par le bon vouloir divin, a accepté par son choix libre, l’appel divin au service de l’Eglise et des hommes. Il a pris comme devise épiscopale Quia ego servus ! Désormais c’est une vie de serviteur qu’il veut mener. Tout devient pour lui service de Dieu et de l’homme. Et quand le temps de sa retraite sonne pour abandonner le gouvernement de l’archidiocèse de Kananga, il l’accueille avec la sérénité de la foi et de l’abandon à Dieu. Et quand la cloche sonne enfin l’heure suprême de la souffrance et de la mort, le serviteur de Dieu contemple et accueille, toujours dans une grande tranquillité, la volonté de Dieu en prononçant son engagement définitif : quia ego servus, à l’exemple de son Maître sur la croix, qui dit à son Père avoir accompli toute sa mission : Consummatum est - „Tout est achevé“ (Jn 19,30).

Mgr Godefroy MUKENG’a KALOND

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PREMIÈRE PARTIE

RETOUR AUX SOURCES

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Mgr M.- L. BAKOLE Wa Ilunga Notice bio-bibliographique

NAISSANCE

Né près de Pamba ex Port Francqui, actuel Ilebo, le 24 avril 1920, fils de Joseph Ilunga et Madeleine Keyi, Bakole est originaire de la chefferie de Muamba Mbuyi, à 20 km de Kananga. Ses parents s’étaient établis à Port Francqui, une station ferroviaire et fluviale pour la B.C.K., actuelle S.N.C.C. et l’OTRACO devenu ONATRA. A cette époque, Port Francqui est un centre extra-coutumier qui se présente comme un carrefour en extension après la 1ère guerre mondiale avec les débuts des travaux d’aménagement du territoire du Congo belge.

EDUCATION FAMILIALE

C’est l’éducation familiale et traditionnelle qui déterminera d’abord les premiers pas de Bakole dans la découverte du monde et la connaissance des principes de la vie. L’éloignement de sa famille par rapport à ses origines ancestrales, va marquer les premières années de son existence. Le paysage des peuples Kuba, Kete, Lele… de la contrée est celui d’un métissage culturel dans lequel évoluera ainsi Bakole. Il y a lieu de noter que le reste de sa vie est marqué par cet appel de deux mondes. Ainsi, pas à pas, le futur prêtre, recteur d’une université africaine, archevêque et grand bâtisseur, sera devant des choix déterminants : appel de Jésus Christ comme source de vie et pratiques de Bilumbu. Education ancestrale et école coloniale. Vie publique et civile ou état consacré dans le sacerdoce.

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DÉCOUVERTE DE JÉSUS-CHRIST ET ÉTUDES PRIMAIRES

En souvenir de cette période de sa vie, et du choix opéré, il témoigne « j’avais alors 8 ans quand un homme blanc est venu pour la première fois dans mon village éloigné. C’était un missionnaire catholique c’est à travers lui et plusieurs autres prêtres que j’ai fait la profonde connaissance de Jésus-Christ, qui m’a enthousiasmé, qui m’a appelé à le suivre pour me conduire finalement au sacerdoce et à l’épiscopat ». La rencontre émouvante s’est réalisée au petit village de Pamba dans la forêt entre Mweka et Ilebo, où Bakole entame son catéchisme qu’il poursuivra à Brabanta, actuel Mapangu, où il débute ses études primaires. Ici pour survivre dans le semi-internat « Mbesa » de l’époque, il réalise de petits travaux de débrouille. Il offre des noix de palme à la Société des huileries UNILEVER, il est danseur de troupe musicale traditionnelle, « Boy » (domestique) dans des familles des Européens résident la contrée…

C’est en mai 1934 déjà en 2e primaire qu’il quitte Brabanta pour rejoindre ses parents retournés déjà à Malandji wa Nshinga actuel Kananga. Heureuse coïncidence : le 1er juillet 1934, abbé Charles Mbuya Mukwa Mbumba sera ordonné. Il s’agit du premier prêtre du Kasaï. Bakole est informé et brûle d’envie d’être le témoin privilégié de ce grand événement. Dans la cité de Brabanta et à l’école des Missionnaires où il étudiait, cette nouvelle de l’ordination du 1er prêtre noir galvanise les discussions. Dans le secret de son cœur, Bakole a déjà fait son choix. Il veut aussi devenir prêtre. Aller proclamer la Bonne Nouvelle. Evangéliser à l’exemple des pères missionnaires qu’il a connus : les R.P. Vermeillen, Alidor Samain, Jef Timmermans, Bracq, Oscar Van Coste. Ce dernier, directeur de son école à Brabanta-mission lui avait parlé du sacerdoce, et Bakole vivait dans l’esprit, cet état de vie à son bas âge.

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De retour à Malandji wa Nshinga, Bakole poursuit le voyage. Il sera présent le 1er juillet 1934 à Mikalayi St Joseph Mfuki pour voir Charles Mbuya ordonné premier prêtre du Kasaï. Un grand événement qui annonçait une nouvelle ère dans l’évangélisation des populations autochtones. Bakole vivait ainsi les joies de l’âge d’or de la proclamation de l’Evangile. En assistant à cette grande cérémonie d’ordination, Bakole ne savait pas que lui aussi deviendrait prêtre, et même évêque de Kananga !

Fort de l’ambiance qui a prévalu à Mikalayi, Bakole se voit marqué par l’appel su Seigneur et cherche aussi à marcher sur les sentiers de Jésus-Christ. Il se fait de promesses. Il reprend alors ses études primaires à l’actuelle paroisse St Clément. En 1935, il est inscrit en 3e primaire de cette école de la mission St Clément en construction. Il y poursuit sa formation à la grande satisfaction de ses enseignants parce qu’intelligent et déterminé à aller de l’avant. Il est justement motivé car il a des aspirations profondes. Malgré le décès de son père en avril 1936, Bakole a ses études comme unique préoccupation.

ETUDES SECONDAIRES

A la fin de son cycle primaire, il choisit d’aller au Séminaire pour devenir prêtre. Le 28 décembre 1937, il arrive au séminaire de Kabue où il entame les études anciennes des humanités gréco-latines jusqu’en 1943. C’est un autre monde qui forge petit à petit sa personnalité qui s’épanouit aux côtes d’autres condisciples.

FORMATION SACERDOTALE

C’est à partir de 1944 que Bakole entame sa formation sacerdotale avec des brillantes études de Philosophie et de Théologie au Grand Séminaire de Kabue pendant 9 ans de vie sans visite en famille. Après une année de probation et d’apostolat comme professeur à l’école Normale St Joseph de Mikalayi, il sera ainsi ordonné prêtre à Kabue, le 19 mars

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1953. Il est utile de noter qu’après l’ordination de l’abbé Charles Mbuya, beaucoup de vocations sacerdotales et religieuses se sont manifestées chez les jeunes du Kasaï. Des promotions de prêtres sont ordonnées dans la ferveur chrétienne parce que l’on note aussi une augmentation de baptisés et de foyers chrétiens. Des nouvelles missions sont en extension par des œuvres sociales de santé et d’enseignement. 50 ans après l’érection de l’Eglise en terre du Kasaï, avec la célébration de l’eucharistie par le R.P.Cambier le 8 décembre 1891, la graine de l’évangélisation est en train de porter des fruits et l’abbé Martin-Léonard Bakole est aussi parmi ces ouvriers du Seigneur de la première génération du clergé autochtone.

VIE SACERDOTALE ET PROFESSIONNELLE

Quand l’Abbé Martin-Léonard se consacrait à la vie sacerdotale, son imaginaire était quelque peu limité aux activités passionnantes de prêtre routier, d’évangélisateur des peuples sortis de nuits ancestrales et des pratiques païennes. Mais hélas ! C’était sans compter avec les voies de Dieu en train de bouleverser les événements et les attentes des hommes. Quand on regarde derrière les 50 ans de vie sacerdotale de l’abbé Martin-Léonard Bakole décédé au rang d’Archevêque Emérite de Kananga, on jubile d’admiration pour cette vie débordante, cette existence de pasteur, cette carrière de bâtisseur d’un peuple nouveau dans une communauté d’espérance.

Après son ordination, abbé Martin-Léonard Bakole est nommé par son évêque Mgr Bernard Mels, abbé routier ou prêtre itinérant dans la région entre Tshikapa-Kamonia vers l’Angola, où vivent en majorité les Tchokwe. Son bâton de pèlerin lui permet de parcourir les villages, connaître les hommes et comprendre les peuples. C’est ainsi qu’il commence des études anthropologiques dans cette région. En cette période, les études de Père Placide Tempels, des Abbés

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Alexis Kagamé, Vincent Mulago ont des échos auprès des intellectuels Noirs, des prêtres surtout, Abbé M.L. Bakole dans ses débuts s’inscrit dans cette problématique. Cette expérience sera interrompue parce que en 1954, abbé M.L. Bakole est nommé professeur au collège saint Jean Berchmans de Kamponde par où sont passées de grandes personnalités du pays telles que Etienne Tshisekedi, Dr Kalala Kizito, Paul Kapita…

A l’année scolaire 1955-1956, abbé Martin Léonard Bakole est nommé directeur d’école centrale à la mission catholique Saint Pierre Claver de Kabuluanda fondée en 1940. En dehors de ses charges professionnelles, il consacre son temps pour organiser le développement communautaire, le mouvement de jeunesse Patros tout en découvrant sa dévotion mariale lui qui est aumônier de la légion de Marie.

ETUDES UNIVERSITAIRES

En octobre 1956, abbé M.L. Bakole est envoyé aux études à l’université Lovanium de Léopoldville, actuel Kinshasa où il décrochera avec brio sa licence en Sciences Pédagogiques en 1960. Il faudra noter aussi qu’il participa encore étudiant en 1959 à Bruxelles à la commission gouvernementale de la Réforme de l’Enseignement au Congo-Belge et au Ruanda-Urundi.

VICE-RECTEUR À L’UNIVERSITÉ LOVANIUM

Avec l’accession de notre pays à sa souveraineté, Monsieur l’abbé Martin-Léonard Bakole restera jusqu’à sa mort, le témoin privilégié de l’histoire de notre pays dans ses mutations socio-politiques et l’évolution de l’Eglise.

En 1960, nommé Président du Bureau de l’Enseignement Catholique (BEC), il sera vite rappelé au diocèse où il est Vicaire Général pour quelques temps parce qu’il retournera à Léopoldville pour y occuper les fonctions de Vice-Recteur de l’Université Lovanium de 1961-1966. Il

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faudra signaler entre autre que le 29/06/1961, il est élevé à la dignité de Monseigneur, Prélat domestique du saint Siège par la Bulle de sa Sainteté le Pape Jean 23 et son mandat sera alors validé pour participer au Concile Vatican II.

A l’université Lovanium, Mgr Martin-Léonard Bakole déploie d’intenses activités académiques, scientifiques et pastorales. Il prend à cœur les charges importantes qui sont les siennes et la valeur du travail qu’il doit réaliser pour son peuple. A cet effet, il prend part active aux différentes rencontres internationales, régionales ou nationales sur les problèmes de l’éducation, de la science, de la culture, de la technologie et du développement qui déterminent les perspectives et les engagements de la vie future.

A ce titre, il participe aux rencontres telles que :

- Commission de la réforme de l’Enseignement du Congo Léopoldville sous l’égide de l’UNESCO ;

- Commission de l’éducation et de la culture dans le cadre de l’OUA ;

- Premier Festival mondial des Arts Nègres à Dakar.

Ces contacts importants et sa forte personnalité lui permettent d’être :

- Administrateur de l’Institut Pédagogique National (Léopoldville) ;

- Administrateur de l’Association des Universités entièrement ou partiellement de langue française (AUPELF) ;

- Membre du Comité directeur de International African Institute (Londres)

- Vice-Président du Congrès mondial des Africanistes

- Membre du Conseil Scientifique de la Société africaine de Philosophie (Dakar)

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- Président du Comité National pour l’Encyclopédie africaine

- Président de la Commission de l’ONU relative à la Conférence sur le progrès par la coopération en Afrique.

Dans son expérience à l’Université Lovanium, Mgr M.-L. BAKOLE a été longtemps perçu comme le témoignage d’un premier africain noir, autorité académique de grande valeur intellectuelle et dont la compétence professionnelle a été appréciée sans oublier ses qualités d’un homme engagé pour la construction d’une nation aux lendemains d’espoir.

EPISCOPAT de Mgr Martin L. BAKOLE WA ILUNGA

En juillet 1966, le Pape Paul VI nomme Mgr M.L. Bakole Evêque titulaire de Sallets et auxiliaire de Luluabourg. Il sera sacré évêque le 18 septembre 1966 avec comme devise : « Quia ego servus ».C’est le 26 novembre 1967 qu’il est nommé Archevêque Métropolitain de Kananga le 4 novembre 1967 pour être intronisé le 10 décembre 1967.

Quand aujourd’hui on observe le mandat épiscopal de Mgr Bakole à la tête de l’archidiocèse de Kananga, on exprime des sentiments de fierté pour ce grand homme d’Eglise, ce pasteur des Communautés humaines et ce bâtisseur dont le travail pastoral a été tout voué à la libération d’un peuple et au développement intégral d’une Nation au cœur de l’Afrique. Il a traduit ces préoccupations en répondant aux attentes de son peuple par son dynamisme apostolique doublé de son engagement patriotique avec des initiatives audacieuses et édifiantes. Ce n’est pas pour rien que Mgr Bakole n’a cessé de prononcer ces paroles : « Evangéliser, c’est développer … » parce qu’il a laissé derrière lui des œuvres, des structures mais surtout des femmes et des hommes pour la vie d’un peuple en marche vers le Salut.

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Depuis son intronisation jusqu’à sa retraite, combien de prêtres n’a-t-il pas ordonné dans son diocèse ? Combien de missionnaires n’ont-ils pas accepté de venir œuvrer à Kananga. On n'oubliera pas la boutage de la décennie 70-80 : « Avec Mgr Bakole, on décolle. Il a été celui qui a compris la place et la promotion d’un laïcat adulte et responsable devant ainsi faire rayonner la foi en Jésus-Christ dans le vécu quotidien des communautés chrétiennes et des centres pastoraux qui participent de façon positive à l’évangélisation en profondeur dans les milieux villageois et les paroisses de la ville de Kananga.

Tout l’épiscopat de Mgr Martin-Léonard Bakole a été celui du développement intégral où « le genre humain a pu renforcer sans cesse sa maîtrise sur la création et a institué un ordre politique, social et économique qui soit toujours plus au service de l’homme » dans une Eglise enracinée dans le monde de ce temps et devant répondre positivement aux questions d’une société en proie aux multiples et incessantes mutations. Il n’est pas nécessaire de compter le nombre de ponts érigés, d’écoles construites dans des villages reculés ou des dispensaires et centres de santé. Combien d’églises et chapelles ont poussé dans des savanes perdues pour des fidèles… Tout cela est le témoignage d’une œuvre pastorale qui a placé l’homme au centre de l’action. Néanmoins, Bakole en tant que grand pasteur de notre Eglise du Congo n’a pas ménagé ses efforts pour consigner ses réflexions par écrit. La liste de ses publications est importante.

Mgr Martin léonard Bakole wa Ilunga est aujourd’hui identifié surtout à son œuvre devenue classique et traduite dans plusieurs langues à travers le monde et intitulée Chemins de libération. Il s’agit sans nul doute d’un chef d’œuvre de pastorale et de conscientisation dont les écrits non moins majeurs constituent une constellation bibliographique riche sur des sujets divers en rapport avec le destin de l’homme. Quand

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il s’adresse aux chrétiens de l’archidiocèse de Kananga, le 11 février 1975 dans son livre au titre prometteur Paroles de Vie, il exprime son profond désir d’être près du peuple de Dieu afin de répondre ensemble aux questions que pose la situation de crise que connaît le pays afin que les hommes et les femmes ne soient désemparés et tristes comme si le souffle de l’Esprit n’avait pas annoncé la Bonne Nouvelle qui donne courage et espoir. Cette publication porte déjà les thèmes qui seront amplifiés au cours d’autres écrits sur les fléaux de notre pays, la responsabilité des citoyens chrétiens dans la nation, la libération à travers le message de Jésus-Christ…

En 1976, Mgr Bakole publie l’Eglise locale de Kananga et le développement intégral et aussi Assassinat de l’amour. Si dans le premier document l’ordinaire du lieu présente la physionomie de l’Eglise locale qui est à Kananga, le lecteur se rend bien compte que la préoccupation pour le développement intégral devient un leitmotiv dans cette expression dense qui montre bien que Kananga a choisi de prendre ses sentiers de libération. C’est ici que l’auteur interroge les fils et les filles de cette Eglise : Comment êtes-vous appelés là où vous êtes à répondre aux défis de notre temps de crise mais dans la foi en Jésus Christ ?

Assassinat de l’amour publié la même année est avant toute une lettre pastorale qui donne le tableau sombre dans lequel évolue notre peuple. A la lecture, la situation préoccupante observée dans notre pays est conséquente de refus de l’amour, message libérateur apporté par Jésus Christ. A cette époque le pays traverse un calvaire et aussi le précipice n’est pas si loin pour des hommes et des femmes pris dans l’engrenage des dérives de ce monde. C’est face à cette interpellation, que l’auteur propose la voie de l’amour qui doit galvaniser les cœurs.

La publication de Chemins de libération 1978 est l’expression des préoccupations d’un pasteur qui a travaillé

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pour son peuple et avec son peuple pour comprendre à la lumière de Pape Paul VI que « le développement est le nouveau nom de l’évangélisation. Il s’agit de s’engager en faveur de la promotion intégrale de toute personne humaine, individuellement et collectivement. » Le lecteur de ce texte, est passionné par le style ample et réaliste d’un auteur qui a su mettre la main à la charrue et appeler la multitude pour tracer les chemins de libération, indiquant dans toute circonstance de notre vie au Congo, qu’à travers les tempêtes et les secousses, tâtonnements et désespoirs, les hauts et les bas, il y a toujours la parole de Jésus Christ, centre de l’histoire humaine et Homme de Dieu qui conduit son peuple vers la libération totale.

Quand nous prenons l’ensemble des écrits après Chemins de Libération, le ton pédagogique est centré sur la conscientisation- responsabilisation des citoyens zaïrois devenus congolais, à prendre à cœur les aspirations profondes d’un peuple, de répondre positivement aux préoccupations quotidiennes des hommes et des femmes de notre pays dans leur recherche du salut. Il faudra noter dès le départ que toute la démarche de Mgr Bakole wa Ilunga a été « celle d’un pasteur qui essaie, poussé par l’appel du Seigneur et aidé par la lumière des sciences du développement de s’interroger sur la façon dont le commandement de l’amour s’incarne dans la situation concrète de notre société »

C’est ainsi qu’en 1980 quand on pose le diagnostic des décennies de développement, il dresse : Les Conditions et voies du développement intégral au Zaïre. Dans sa vision, le problème de mentalité et des comportements de l’homme dans une situation en crise devient la question fondamentale sur laquelle il faut se baser pour réaliser les efforts vers le développement.

En effet, à partir des années 80, Mgr Bakole multiplie ses voyages à travers le monde pour répondre aux

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sollicitations qui sont faites pour témoigner son expérience d’homme de terrain et partager ses idées au cours des conférences, des rencontres et ateliers de débat et échanges. A la face du monde, au Kasaï et à Kananga, il montre comment il est en train de tracer ses chemins de libération. A la première décennie de l’indépendance congolaise, Mgr Bakole a l’expérience de notre pays. Intellectuel universitaire et dans ses charges de recteur à l’université Lovanium, il comprend le monde nouveau qui se bâtit sous ses yeux.

A partir des années 1970, évêque à Kananga, il tente de lier la théorie des sciences du développement aux réalités vécues dans une praxis qui porte le souffle d’un combat véritable. Il s’agit de ce pasteur d’un peuple, au milieu des hommes et des femmes partageant avec eux les mêmes conditions. Ce bâtisseur à l’œuvre bravant l’épouvante des pluies torrentielles ou la chaleur d’un soleil des tropiques, maçonnait avec les maçons à chantier de construction d’une école, d’une chapelle ou d’un pont. Avec les femmes dans les champs de soja, il expliquait et montrait comment piquer en ligne en respectant les techniques culturales adaptées. Il était au milieu de jeunes pour les édifier comme futurs responsables de l’Eglise et de la nation. Tout son discours révélait le souci pour comprendre l’homme et connaître son milieu afin de se lever ensemble et marcher.

En dehors des communications tenues sous d’autres cieux, ses activités au pays sont contenues dans la collection « Ponts » des éditions de l’archidiocèse, cadre de vulgarisation d’une pensée sur le développement rural. Il tient une conférence dont la publication prendra le titre Université et Développement rural (1982) qui montre combien l’université et l’universitaire doivent se préoccuper et consacrer leurs recherches au développement rural qui reste le cadre indiqué pour le décollage socio-économique de notre pays.

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En 1984, Signification et pratique chrétienne des droits de l’homme reprend le titre d’une conférence tenue à Zurich (Suisse) en même temps qu’il publie sous forme de brochure sa conférence tenue à la Paroisse Universitaire St Marc de Kananga sous le titre : « Intellectuel face au développement du pays ». Cette interpellation adressée à la catégorie des intellectuels montre combien Mgr Bakole a mis en exergue une dynamique dans son action pastorale en identifiant les catégories spécifiques appelées à la vigne du Seigneur.

Dans les efforts d’évangélisation en profondeur, Mgr Bakole a eu des approches pédagogiques qui marquent tout son mandat. Il a superbement allié la culture de l’écrit avec l’oralité de nos ancêtres. Si ce relevé bibliographique doit être complété par d’autres textes, il faudra archiver les lettres pastorales, les discours et allocutions de circonstance mais surtout les exhortations apostoliques lors de journées pastorales, des rencontres catégorielles et réflexions de vie. Durant tout son mandat, 43 lettres pastorales sur des sujets divers écrits parfois en français, parfois en ciluba mais aussi, dans les deux à la fois, complètent une pensée consacrée à la recherche des voies pour sortir de la crise persistante et multiforme dans laquelle est plongé le pays.

La thématique des journées pastorales comme cadre d’évaluation et d’orientation de l’action pastorale, révèle un souci de vivre l’Eglise comme un temps de marche vers des horizons d’espoir. Ces grands moments de vie accordaient aux différents membres de l’Eglise locale de Kananga de vivre la fraternisation des expériences et réalités dans l’œuvre quotidienne d’évangélisation.

A côté de cette documentation riche et diversifiée s’ajoute son service apostolique de prédicateur marqué par l’annonce infatigable de la parole de Dieu. « Il était intarissable surtout quand il le faisait agréablement et admirablement dans sa langue maternelle, le ciluba : langage

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proverbial, anecdotes et images accrochaient des auditeurs qui se passionnaient d’écouter leur pasteur. » Toute cette pédagogie pastorale marque de son empreinte l’action épiscopale de Mgr Martin-Léonard Bakole wa Ilunga.

Quand on regarde derrière, plus de trois décennies à la tête de l’archidiocèse de Kananga, on note avec admiration que Mgr Bakole a mené le vrai combat, lui qui avait pris la ferme détermination de servir le développement intégral de l’Eglise de Kananga. Le Seigneur fit pour lui des merveilles.

Le projet pastoral de développement intégral est celui qui a déterminé la promotion humaine dans les communautés ecclésiales vivantes de base par l’éducation de la conscience sociale des hommes et femmes de l’archidiocèse de Kananga. Mgr Bakole s’est véritablement investi à cette tâche par des œuvres telles que les centres Mpandilu pour enfants handicapés, institutions d’enseignement primaire, secondaire, supérieur et universitaire, les expériences de l’industrie Bisoka ou de l’électrification de Kananga. La promotion des femmes ou l’éducation des jeunes ont contribué aux efforts de respect des droits de la personne humaine. Il y a lieu de comprendre que : « le développement intégral nous est confié comme une tâche du Très Haut. C’est de Lui que nous attendons au bout du chemin. Car nous le savons : ce que nous faisons, avec nos mains d’hommes n’est finalement qu’une préparation de l’avènement de cette terre nouvelle. »

Mgr Martin-Léonard Bakole wa Ilunga prenait sa retraite en la célébration eucharistique d’adieux, le 11 mai 1997 à la suite de sa renonciation à l’office comme Archevêque de Kananga auprès du saint Siège, présentée depuis 1995. En son temps de retraite, Mgr Bakole vivait retiré en la résidence épiscopale à Muamba Malole. Il écrivait ses mémoires en même temps qu’il effectue des voyages. Son capital de confiance auprès de nombreuses personnes de conditions diverses, acquis par son œuvre et de publication, lui consacrait

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des titres honorifiques, des consécrations dans différents secteurs de la vie au plan local, national ou international. Cet homme a béni son Dieu pour la protection lui réservée de 80 ans, lui qui gérait sa santé précaire depuis plusieurs années.

A partir du 14 janvier 2000, pour Mgr Bakole, la situation de sa santé s’empirer. Des soins intensifs lui sont administrés à Kananga ensuite à l’hôpital Bondeko de Kinshasa, puis à St Raphaël à Milan (Italie) où il rendra son âme, pour entrer dans la paix éternelle du Seigneur le 3 février 2000. Que son âme repose en paix mais que son exemple nous aide à vivre avec espoir.

Boniface BEYA NGINDU

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Dernière interview de Mgr Bakole wa Ilunga

Le 21 décembre 1999 à 11h00, Monseigneur Martin-Léonard Bakole wa Ilunga, Archevêque émérite de Kananga, a accordé une interview à l’occasion de l’ouverture et de la célébration de l’Année Jubilaire 2000. Reçu dans le cadre de l’émission „Société et perspectives“, animée par l’abbé Bruno Ntumba Muipatayi à la RTKM (Radio Télé Kananga Malandji), Mgr Bakole - cette bibliothèque vivante qui a traversé presque tout le 20e siècle et présidé aux destinées de l’Archidiocèse de Kananga pendant 30 ans - nous a ouvert son cœur.

Abbé Bruno Ntumba :

Mgr l’Archevêque émérite, la nuit du 24 décembre 1999, nous célébrons l’ouverture de l’Année Jubilaire, nous avons voulu vous interroger car vous représentez toute une histoire qui a conduit l’Eglise Catholique de Kananga au seuil du jubilé de l’an 2000. Beaucoup de gens parlent de vous, que dites-vous de vous-même ? Qui êtes-vous ?

Mgr Bakole :

Merci Monsieur l’abbé. D’abord vous touchez mon cœur au soir de ma vie, parce que je suis un „ Mujika Ngondo“ (retraité), au crépuscule de la vie. Que vous soyez venu m’interroger, cela me touche et je vous en remercie. Bien qu’il soit difficile de parler de soi-même et de se rendre témoignage, je remercie Dieu de fournir cette occasion de vous parler cœur à cœur, parce que vous avez touché mon cœur.

Ce que je suis, vous le connaissez parce que vous me voyez. Moi, Bakole wa Ilunga, je me suis converti sciemment et librement au christianisme sous le nom de Martin-Léonard. Il s’agit de Saint Martin de Tours dont j’ai admiré la vie et dont j’ai voulu imiter l’exemple. Je suis né aux environs de l’année 1920, le 24 avril, dans une bourgade de la forêt

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équatoriale, près de Mushenge, chez Lukengu roi des Bakuba, dans le Territoire de Mweka, où mes parents, Ilunga et Keyi, étaient descendus avec la grande campagne de caoutchouc comme effort de guerre, la grande guerre mondiale de 1914-1918. Et c’était dans cette bourgade Pamba que j’ai vu le jour, au sein de la forêt équatoriale, dans l’Afrique profonde où j’ai passé les débuts de ma vie.

Abbé Bruno Ntumba :

Monseigneur, quand avez-vous senti l’appel pour devenir prêtre du Seigneur ?

Mgr Bakole :

Comme je l’ai dit, dans l’Afrique profonde dès le premier âge et selon la tradition de mes ancêtres, on m’a appris l’existence d’un seul Dieu Tout-Puissant, Créateur de tout, Maweja Nangila, Diba katangila cishiki, wa kutangila dia mosha nsesa, kafukela muena bantu, muena bakaji muena bana, Musangana muenapu. Et c’est Dieu qui est rémunérateur des bons et qui punit les méchants au-delà (mu kala kakomba). Le christianisme que j’ai embrassé a confirmé l’unité que tous les hommes sont des frères, enfants d’un même père, qui donne sans distinction et qui enrichit sans aucun mérite de notre part. C’est cette communion - cette solidarité fraternelle - qui m’a toujours marqué et même poussé à comprendre que nous devrions travailler pour cette cause. Puisque nous sommes d’un même père, nous devons être solidaires pour le même destin. Quand j’étais tout jeune, c’est cela qui m’a poussé, qui m’a rendu conscient. En outre, on me disait que j’étais sans doute marqué d’une empreinte spéciale. Je l’ai compris plus tard. Maintenant, quand je revois ma vie, je trouve que j’étais mis à part dès le sein de ma mère, que Dieu voulait de moi quelque chose. En fait, je suis allé à l’école d’abord pour apprendre, car en ce moment-là, savoir lire et écrire était considéré comme la magie des Blancs. Alors, très tôt, j’ai senti le désir de connaître cette magie et je voulais

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savoir lire et écrire. J’ai d’abord rencontré un catéchiste que le Père avait envoyé dans notre village. Je ne connaissais pas le Père, je n’avais jamais vu un missionnaire blanc et, à l’âge de huit ans, voilà que le catéchiste nous apprend le catéchisme et la Bible dans lesquels la première prière était le Notre Père.

Quand le Père vint pour choisir les catéchumènes, il nous demanda de réciter le Notre Père et je lui ai posé la question sans détour : « vous parlez de Notre père, est-il Votre Père et Mon Père aussi » ? Il répondit que Dieu était aussi Mon Père. Je poursuivis : « Alors, s’il est votre Père et mon Père, sommes - nous frères » ? « Assurément », dit-il. J’ai compris que dans cette mystique de Notre Père, Blancs et Noirs, nous devrions travailler pour sa gloire.

Un beau jour, alors que j’étais déjà parti à l’école à Brabanta, une Mission dirigée par les Pères de Scheut et qu’on appelle actuellement Mapangu, et où la société Unilever avait déjà construit une grande usine d’huile de palme, le Père Directeur nous apporte le journal Nkuruse qui était le périodique de l’époque. Mgr De Clercq y annonçait, sous forme de lettre pastorale, l’ordination sacerdotale d’un Noir, l’abbé Mbuya, le 1er janvier 1934, en la fête du Saint Sang. Il disait : Muanenu Charles Mbuya neatambule bunsaserdose (« votre frère Mbuya sera ordonné prêtre »). C’était une nouvelle fulgurante. L’évêque voulait solenniser cet événement à Mikalayi. Avec un compagnon nous avons demandé au Père : « qu’est-ce que devenir prêtre comme vous ? Va-t-il changer de peau » ? Nous ne savions pas. De toutes les façons, cette nouvelle nous a poussés à lui demander ce qu’il fallait faire pour devenir prêtre comme lui. Et il nous a répondu : « Pour devenir prêtre, il faut étudier, apprendre le latin, les mathématiques et cela demande de longues études ». Cette réponse n’était pas tombée dans l’oreille d’un sourd. C’est ainsi que je me suis décidé, à l’occasion de la visite de ma maman, d’aller assister à cette ordination dont on parlait

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tant à Mikalayi. J’ai fait le trajet de Brabanta à Mikalayi St Joseph à pieds. Arrivé à Mikalayi, j’ai vu la pancarte où il était écrit : Lelu, Mvidi Mukulu wakunutuishila mesu. (« Aujourd’hui Dieu a posé sur vous son regard“), un peu comme Isaïe disait : „le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière » (Is 9,1).

Tout ce que j’ai vu, tout ce que j’ai entendu à cette occasion ne faisait que raviver en moi le désir de devenir un jour comme Charles Mbuya. C’est ainsi que je suis entré au Séminaire et j’ai continué au Grand Séminaire.

Abbé Bruno Ntumba:

La formation au Séminaire était pour vous un chemin obligé pour devenir prêtre au sein de notre Eglise Catholique. Comment avez-vous apprécié cette formation ? Est-ce que vous êtes déçu ou c’est quelque chose de très bien pour vous ?

Mgr Bakole :

Eh bien, si j’étais déçu, vous ne seriez pas venu me voir. C’est un signe que cette formation était pour moi comme une perle pour laquelle j’ai vendu tout ce que je pouvais et Dieu sait pourquoi je le dis en ce moment-ci. Donc j’ai apprécié cette entrée au Séminaire, la formation y donnée est une chose voulue et acceptée, et je dois dire que la vie du Séminaire m’a marqué.

On ne vivait pas dans la crainte d’être renvoyé, non ! Je suis allé pour devenir prêtre et les autres l’ont dit quand j’entrais au Séminaire : le Père Directeur de mon école primaire, Père Bolland ici à Kananga, parce que c’est à St Clément que j’ai terminé mes études primaires en 1937. Le Directeur qui me voyait aller au Séminaire disait Bakole udi nsaserdose kashidi (« Bakole, tu es prêtre pour toujours »). Et il est venu me le rappeler plusieurs fois : « vous avez la vocation » ; et moi je lui disais : « oui ». Evidemment, j’ai fait tout pour ne pas démériter. Et je remercie Dieu de cette grâce,

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car la formation qui m’était donnée, je l’ai appréciée et elle m’a imprégné. Je crois que c’est une bonne chose et on doit y revenir malgré la sévérité de l’époque.

Abbé Bruno Ntumba :

Excellence, tout tourne, si vous le voyez bien, autour de la grandeur du Sacerdoce. Quand est-ce que vous êtes devenu Prêtre ?

Mgr Bakole :

Je suis devenu prêtre en 1953, le 19 mars, jour de St Joseph. Vous voyez que je garde toujours l’image-souvenir de mon ordination (il brandit l’image) qui est encore ici. Nous étions quatre : Munzombo Sylvain, Tshibuabua Léon, Tshibamba Louis et moi-même. Nous avons placé notre sacerdoce sous la guidance de la Vierge en disant : „à Jésus par Marie“, qui est le chemin pour pouvoir mener à bien notre apostolat. Ça je l’ai fait en ce moment-là et, plus tard pour l’épiscopat et pour le reste jusqu'à maintenant : „Infirma mundi eligit Deus“, Dieu choisit les plus humbles pour confondre les sages. Je suis allé dans l’abandon total dans les mains de Dieu et de la Vierge-Marie.

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Abbé Bruno Ntumba :

Vous êtes devenu évêque dans un Congo Indépendant; qu’attendiez-vous de l’Indépendance du Congo ?

Mgr Bakole :

Vous avez dit „dans un Congo Indépendant“ ? Abbé Bruno Ntumba :

Oui. Mgr Bakole :

En rapport avec l’Indépendance, je n’étais pas un spectateur indifférent ni un juge acerbe, mais j’étais un engagé de la première heure. La providence a fait qu’à l’approche de cette Indépendance, j’étais parmi les premiers étudiants à l’Université Lovanium. En fait, après mon ordination sacerdotale, j’ai exercé le ministère pendant quelques années, entre autres au Collège de Kamponde où j’ai eu parmi les premiers élèves Tshisekedi wa Mulumba devenu célèbre aujourd’hui; et puis j’étais à Kabuluanda. Dès 1954-1955, on a ouvert l’Université, malgré les préjugés qui prétendaient que le Noir n’était vraiment pas capable d’entreprendre des études supérieures. Je fus parmi les premiers étudiants de Lovanium et j’en suis sorti en 1960, juste au moment de l’Indépendance du Congo. Quand on dit qu’il y avait seulement dix diplômés à l’Indépendance, je suis parmi ces dix diplômés-là. A Lovanium qui était considéré comme le milieu privilégié parce que nous étions des élites, des influents, j’ai côtoyé tous les grands, j’étais leur familier, tous ceux qui ont pesé de leur poids pour arracher l’Indépendance. J’étais avec eux à Bruxelles en 1959 pour demander le gouvernement provisoire, j’étais avec eux le jour de l’Indépendance, le 30 juin 1960. En voyant tout ce qui se passait, je me suis dit que l’oiseau noir ne fait qu’occuper le nid abandonné par l’oiseau blanc, sans aucune mystique du donner et du recevoir et cela est vrai : à l’Indépendance, nous avons pris un nid que nous n’avions pas

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construit, que nous n’avions pas choisi, il n’y avait rien qui était sorti de notre terroir.

Mais nous avons voulu seulement embrasser l’écorce. De cette manière, nous n’avons pas travaillé en profondeur. D’où mon grand effort pour que nous puissions arriver à la conscientisation par nous-mêmes , pour que nous puissions réaliser quelque chose qui soit sorti de nous-mêmes. Voilà pour l’Indépendance que j’ai vécue. Alors, j’étais nommé Vice-Recteur de l’Université Lovanium en 1961 et en même temps Administrateur de toutes les Universités de langue française dans le monde. Ce qui m’a fait beaucoup voyager : j’ai fait deux fois et demi le tour du monde. J’ai rencontré des sommités, en diverses circonstances. Finalement, je fus nommé Archevêque de Kananga, au bord du fleuve Lulua. C’est ainsi que je revins à Luluabourg.

Abbé Bruno Ntumba :

Si je regarde bien les armoiries qui se trouvent sur votre mitre, on dirait que vous êtes habité par une passion, laquelle ?

Mgr Bakole :

Ah vous avez lâché le mot, parce que je suis un passionné et vous l’avez compris. J’ai dit que l’oiseau noir n’avait fait qu’habiter le nid abandonné par l’oiseau blanc. Je suis un passionné du développement de l’homme noir. Lors de mon sacre, Mobutu venait de prendre le pouvoir et le slogan était : „Retroussons les manches“. Alors j’ai dit : le Seigneur me prend et me place dans son champ au bord de la Lulua pour pouvoir donner de la nourriture en abondance comme fidèle serviteur. C’est pourquoi j’ai pris comme devise : Quia ego servus - „je suis serviteur“.

J’ai compris que j’étais serviteur au bord de la Lulua, le champ était l’archidiocèse de Kananga (Luluabourg) et je devais planter la nourriture. Ce travail était un service, servir comme le Christ, comme la Vierge Marie le demandent. C’est

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pourquoi, j’ai mis la Vierge Marie de la Sagesse sur mes armoiries d’autant plus que je venais de l’Université où nous parlions de la lumière radieuse. C’est dans cet esprit que je suis venu pour travailler avec mes frères, collaborer pour construire un monde où il fait bon vivre. Le pays est fantastique ; il ne reste que nous-mêmes, que nous mettions du nôtre. Monsieur l’abbé, je suis donc un passionné au vrai sens du terme, passionné du développement et du développement intégral de l’homme du Congo.

Abbé Bruno Ntumba:

Monseigneur, vous avez écrit beaucoup de livres et de messages. Je vois quelques ouvrages devant vous. Est-ce que vous pouvez nous les présenter ?

Mgr Bakole :

Eh bien, comme je vous l’ai dit, je suis venu pour collaborer avec mon peuple, j’ai vu que mon peuple m’écoutait, mais chez les responsables j’ai constaté une sorte d’indifférence, une sorte d’inertie, alors que nous pourrions conjuguer nos efforts. En outre, j’ai vu un recul ; la richesse dont nous avions hérité en monnaie ou en autre chose était continuellement anéantie. Je me suis alors dit qu’il fallait non seulement parler, mais aussi faire quelque chose. Comme les dirigeants se perdaient dans la voie de controverses inutiles, d’enfantillages alors que nous avions une noble cause à défendre, la cause que Jésus-Christ nous a apprise, j’ai pris la plume.

Mon premier ouvrage a été pour mes chrétiens en 1975 au moment où on parlait de tout. C’était Paroles de vie, un ouvrage de 45 pages. Si vous le lisez, vous verrez que j’ai pu y écrire toutes sortes de choses à partir de notre authenticité. Ce livre a été l’ancêtre, si je peux dire, de mon ouvrage le plus célèbre, Chemins de libération, réédité quatre fois et traduit en plusieurs langues. La traduction anglaise de cet ouvrage de 360 pages ajoute un sous-titre significatif : A Third World

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Spirituality (« Une spiritualité du Tiers-Monde »). Ce livre a été lu et apprécié.

Ces « chemins de libération » une fois tracés, le reste ce sont des applications que je voulais toujours mettre par écrit. Appelé à Kinshasa pour une conférence, j’ai parlé des Conditions et voies de développement au Zaïre, ce qui a été publié sous forme d’une brochure. A ce développement dont je rêvais, j’ai tracé les voies et les conditions en croyant que nous allions tous emboîter le pas, car nous avions détaché une pirogue sur une rivière agitée et que nous ne savions pas pagayer, ce qui expliquait que nous étions à la dérive. C’est un proverbe Barega que j’avais utilisé pour dire le contraire. En tant que pèlerin à travers le monde, j’ai eu à faire une intervention sur La signification et la pratique chrétiennes des droits de l’homme, ce qui a conduit à une autre brochure. En effet, la pratique chrétienne des droits de l’homme est une interpellation pour tous ceux qui ont le pouvoir et ceux qui font l’histoire sur le plan de l’économie. Après, j’ai été appelé à Lubumbashi où j’ai pu parler aux Intellectuels et à l’Université que je considère toujours comme un lieu de réflexion. Mon propos est contenu dans cette brochure : Université et développement rural. Je constatais que même dans ma région où nous avons beaucoup de diplômés et universitaires, nous n’avions pas d’Université. J’ai écrit également beaucoup de lettres pastorales, à l’occasion de sessions et de circonstances de tous genres, toujours dans la même optique de passionné pour le développement intégral de l’homme qui est basé sur la loi de l’amour.

Abbé Bruno Ntumba :

Excellence, l’Afrique a connu la traite négrière et puis la colonisation et des Indépendances de drapeau comme on dit et vers les années 1990, il y a eu le processus de démocratisation, des Conférences Nationales un peu partout et surtout vers ces années-là, on parlait de l’explosion du Congo et de l’Afrique

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Centrale. Aujourd’hui nous vivons cette situation catastrophique où tous les maux se conjuguent : guerre, maladies, massacres, famine, Sida, génocides... Est-ce que vous avez quelques perspectives d’avenir en lisant les événements du Congo et de l’Afrique Centrale ?

Mgr Bakole :

Monsieur l’abbé, vous posez la question et vous prêchez à un converti et je vous dis, si vous lisez tous mes écrits, tous mes sermons et si vous les regardez de plus près, vous verrez que nous sommes dans ce qu’on appelle en ciluba cimvundu cidikebela. C’est nous-mêmes qui sommes à la fois cause, objet et victime de notre propre situation. Dans Chemins de libération, j’ai toujours lutté pour que nous puissions prendre conscience. Si nous prenions conscience de la lourdeur de la question que vous me posez, si nous prenions conscience du mal dans lequel nous vivons ! Devant ce refus de voir la réalité en face, devant ce désir de se laisser tromper, de chercher des mirages, il n’y a rien à faire. Vous ne pouvez nier l’existence du soleil parce que vous cachez sa clarté de la paume de la main ! Devant l’apathie, la misère, devant l’inertie, toutes ces situations de guerre... Il y a un moment où je regardais et je disais : « Pleure ô pays bien-aimé »; cela parce que ce pays a tout, mais n’arrive pas à décoller. J’entendais une voix comme dans les Lamentations, „la ville qu’on disait la plus belle, voilà ce qu’elle est devenue“. Regardez ce qu’est devenue la ville de Kananga qu’on disait « ville de lumière ». Et on dit qu’on a changé notre danse en deuil, mais j’ai gardé courage. J’ai regardé chez Ezéchiel : « Fils d’homme, je t’ai fait le guetteur d’Israël mon peuple, si tu ne parles pas, si tu ne dis pas au méchant de changer sa conduite, le méchant mourra de sa faute, mais moi je demanderai à toi de rendre compte de son sang » (cf. Ez 3,18). Et moi durant toute ma vie d’évêque je me suis dit : Dieu m’a fait par sa providence pasteur de son peuple ; si je ne parle pas, si je ne dis rien de tout ça, alors il me demandera compte du sang de son peuple. C’est pourquoi

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tout ce que je vous ai dit et tout ce que j’ai produit, je l’ai fait dans cette conception de ma responsabilité. Et on ne pourra pas m’accuser de m’être tu. Nous mourrons parce que nous ne connaissons pas le chemin.

Abbé Bruno Ntumba :

Excellence, nous arrivons à la fin de notre entretien, avez-vous un message pour les générations à venir du XXIe siècle ?

Mgr Bakole :

Le message, je ne fais que le ressasser peut-être. Mon message, mon souhait, mon rêve, le voici : il faut que les gens cherchent et découvrent les chemins de libération, qu’ils se tournent vers l’évangile de Jésus-Christ. Cet évangile rend neuve l’humanité. Qu’ils cherchent dans l’évangile de Jésus-Christ l’énergie et un nouveau souffle pour que nous bâtissions notre maison sur le roc. J’en reste convaincu, et le Pape Paul VI l’avait dit : l’évangile rend neuve l’humanité. Les luttes mesquines, les guerres, les tueries, etc. ne peuvent pas nous arriver si nous suivons le juste chemin. Et donc c’est inutile qu’on fasse maintenant des guerres; la guerre ne fait pas aboutir à la paix. La véritable paix, la civilisation de l’amour, c’est à cela que Dieu nous appelle. Un monde sans paix, sans amour n’est pas le monde voulu par Dieu. Ce que nous faisons maintenant, à l’aube du troisième millénaire et du grand jubilé, moi je le regarde avec un œil d’espérance et de foi. Maintenant vous êtes venu me voir dans ma solitude ; l’humanité entière se trouve maintenant comme Lazare dans le tombeau de la mort. Alors que tout semblait perdu, Jésus arrive devant le tombeau de Lazare à Béthanie et Jésus, fils du Dieu vivant, lui le Messie envoyé, il crie d’une voix forte : « Lazare, sors ». Et Lazare sortit. Moi aussi je dis maintenant que dans la situation de mort que traversent notre peuple et notre société; que nous puissions nous aussi sortir et entendre cette voix qui dit : « peuple du Congo, peuples du monde, sors, sortez ». Et nous

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devons sortir et marcher. Nous devons espérer que le troisième millénaire pourra nous faire ouvrir les oreilles pour écouter et rechercher le véritable chemin qui nous mène au bonheur, à la paix et pas ailleurs comme nous sommes en train de le rechercher vainement. C’est mon souhait le plus ardent, mon souhait le plus cher et aussi mon rêve. Je ne suis pas un désespéré. Je suis un homme de foi et d’espérance et que cette espérance nous conduise. Amen.

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DEUXIÈME PARTIE

TEMOIGNAGES

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Mgr MARTIN L. BAKOLE WA ILUNGA UN PASTEUR ET PROPHETE DU GRAND KASAYI

Un grand monument, une figure de proue, un don précieux aux peuples du Kasaï, a été rappelé dans la maison céleste le 03 février 2000. A l’occasion du sixième anniversaire de sa mort, nous voudrions revenir sur son parcours de pasteur, prophète, bâtisseur et grand intellectuel de notre pays afin de rallumer la flamme de l’espoir de vivre dignement dans notre monde d’aujourd’hui et de demain.

Et d’abord, quand et comment avons-nous connu Son Excellence Monseigneur Martin-Léonard Bakole wa Ilunga ?

1. KABWE : LES PREMIÈRES RENCONTRES

En ce qui me concerne, j’étais encore étudiant en philosophie au Grand Séminaire Interdiocésain Christ-Roi de Kabwe, en 1966, lorsque Monsieur l’Abbé Martin-Léonard Bakole à peine nommé Evêque Auxiliaire, est venu nous rendre visite dans cette maison de formation où je me trouvais. La deuxième rencontre a eu lieu lors de son ordination épiscopale à la Pro-cathédrale Saint Clément à Kananga le 18 septembre 1966 alors je faisais partie de la chorale qui animait cette ordination. Après mes études de théologie à Rome en 1975, j’ai eu l’occasion de rencontrer plus d’une fois ce grand homme d’Eglise que j’ai trouvé toujours aussi dynamique et aussi présent dans l’histoire de notre pays.

2. A LA DÉCOUVERTE D’UNE GRANDE PERSONNALITÉ

Lors de ces rencontres et d’autres encore de ce grand Prélat, ce qui m’a le plus frappé, c’était le fait que ce Fils du Kasaï avait encore toujours beaucoup d’idées, de bonnes idées, de visions d’avenir et de grands projets pour notre Eglise et notre pays. J’ai retenu de lui ces paroles en quelque

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sorte prophétiques de notre première rencontre de Kabwe : « Quand je serai assis sur vous, je ferai ceci, cela, pour le plus grand bien de notre communauté chrétienne et congolaise ». Il était plein de rêves. Voyant grand et loin. Et effectivement, ce Pasteur a su faire preuve de sa détermination de réaliser ses ambitions initiales.

A son actif, nous pouvons épingler :

- La construction d’églises, d’écoles primaires et secondaires, d’écoles spécialisées ou de centres de récupération communément appelés Centres « Mpandilu » ou Centre de libération, de salut, … ;

- L’aménagement des routes et la construction des ponts reliant différents villages et postes de mission perdus ;

- L’usine de Bisoka à Ntambwe Saint Bernard, une œuvre de taille et de portée industrielle ;

- La promotion des femmes rurales (PROFER) et les « Bamamu Tabulukayi » (Nos mères, nos mamans, réveillez-vous ! » ;

Homme de grandes visées, il figure d’abord parmi les initiateurs d’une structure bien connue au Kasaï, à savoir la Conférence pour le Développement Social du Kasaï Occidental (Codesko). Il a conscientisé ainsi tous les Kasaïens à travailler pour le développement durable et vrai de cette partie du Congo. A l’instar de cette initiative, une autre structure de développement a été mise sur pieds au Kasaï Oriental. Il s’agit de la Conférence pour le Développement Social du Kasaï Oriental (Codekor).

Un des projets qui lui tenaient tant à cœur dans ce domaine du développement était celui de l’électrification de l’ensemble de cette région du Kasaï. En effet, il s’est investi personnellement dans la construction du barrage hydroélectrique de Katende, quoique de son vivant ce projet ne soit pas parvenu à son achèvement. Dieu merci qu’après lui, ce

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projet se révèle actuellement un des plus urgents du grand Kasaï.

Compté parmi les premiers universitaires du Congo indépendant, nommé Président du Bureau de l’Enseignement Catholique (BEC) à Léopoldville ; plus tard il fut désigné comme premier Vice-Recteur noir de l’Université Catholique Lovanium en 1961. Comme il ne cessait de le dire lui-même, c’est grâce à ces fonctions qu’il a su nouer beaucoup de relations nationales et internationales. En ce qui concerne sa fonction de Vice-Recteur, il a eu « de très nombreux contacts avec le monde universitaire et scientifique dans de nombreux pays où » il devait «assister à des réunions d’universités, à des congrès scientifiques ou culturels ». Ces contacts et voyages lui ont appris ce qui peut se réaliser, et ce à quoi notre pays pouvait être appelé à son tour ». (Cf. L’archidiocèse de Kananga, Collection « Ponts », n°11, Editions de l’Archidiocèse, Kananga, 1988, p.22).

Muni de cette expérience, Monseigneur Bakole rêvait d’implanter une Université digne de ce nom dans le grand Kasaï, une université appelée à former de hauts cadres au service de l’Eglise et de la Nation. Lui et ses pairs ayant entendu le cri des chrétiens réunis à Malandji Makulu le 8 décembre 1991, à l’occasion de la célébration du premier centenaire de l’évangélisation du Kasaï, leur demandant la fondation d’une Université catholique dans cette contrée, couronnement de l’œuvre missionnaire en matière de l’enseignement et de l’éducation de la jeunesse, se sentir fortement interpellés. Et de fait, ensemble avec les autres évêques du Kasaï, ils ont accepté l’idée de création d’une université. Par la suite, ils ont mis une structure d’étude qui a abouti au décret d’érection de l’université catholique au Kasaï en date du 27 juillet 1996, décret signé par les évêques de huit diocèses du Kasaï.

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Comme premier Grand Chancelier de cette université naissante, il lui assignait la mission et les finalités suivantes : «C’est principalement pour élever l’âme, le cœur et le corps de l’homme et de la femme au Kasaï que cette Université doit travailler. L’U.KA. doit se distinguer par son respect des repères éthiques et écologiques ». C’est lui qui, le premier, a procédé à l’ouverture solennelle de la première année académique de l’U.KA. le 15 octobre 1996. Et c’est encore lui, tout acquis à la noble cause de l’U.KA., qui nous a indiqué le site de Kambote devenu définitif pour la construction de la cité universitaire actuelle en pleine expansion. Sur cette colline devenue la colline sacrée, l’U.KA. lui a réservé une place d’honneur dénommée « Place Monseigneur Bakole wa Ilunga ».

Monseigneur Bakole a été pour moi un intellectuel exemplaire. En effet, il avait participé au premier colloque du Centre d’Etudes sur les Cultures Africaines de l’U.KA. organisé à Luluafilm, du 26 avril au 1er mai 1998. Ce qui m’avait le plus frappé à ces assises : c’était sa participation assidue à ces journées scientifiques en tant que conférencier et intervenant sur un thème d’actualité : « L’Université au Congo : hier et aujourd’hui » et, c’était ensuite sa présence remarquée, régulière et attentive à tous les travaux, du début à la fin. Compte tenu de leur attachement à l’U.KA., lui et Monseigneur Paul Mambe Mukanga, l’U.KA. leur a dédié en hommage posthume l’ouvrage intitulé « Les défis de l’intellectuel kasayen au troisième millénaire » (328 p.).

Monseigneur Bakole a toujours tenu à l’U.KA. comme symbole de la consolidation de l’unité des peuples du Kasaï, unité de foi et unité de savoirs scientifiques mis au service du développement. Contre vents et marées, il m’a toujours soutenu et encouragé dans ma lourde mission de donner forme et vitalité à cette Université en devenir, partie de nulle part et promise aujourd’hui à des destinées radieuses. Aussi donc, à

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moi, Recteur de cette jeune Université, m’avait-il légué le testament suivant : « Adalbert, jamais, mais jamais ne laisse tomber l’U.KA., espoir de tous les peuples du Kasayi ! ».

Tout bien considéré, l’U.KA. me paraît être une de ses grandes réalisations décisives et, pourquoi pas ?, le couronnement de son œuvre pastorale au Kasaï ?

3. LES GRANDS HOMMES NE MEURENT PAS TOUT ENTIERS : ILS LAISSENT DES TRACES DERNIERE EUX

Les chemins de Libération, titre du premier ouvrage cité ici, nous livre ses visées prophétiques. Les prophètes, on le sait, devancent et défient leurs temps, ainsi en est-il de Monseigneur Bakole. Ce livre représente pour moi une mine, une mosaïque d’informations et d’éléments dont nous nous rendons de plus en plus compte qu’ils sont incontournables si nous voulons réellement nous développer aujourd’hui. Le développement ne nous viendra ni par enchantement ni par procuration ! Il requiert et requerra toujours un engagement de soi, une implication personnelle, un choix des techniques et des partenariats. Il exige surtout ténacité, entêtement, travail rationnel et persévérant. Cheminer méthodiquement vers un développement vrai et durable dans le grand Kasaï et dans l’ensemble de la République Démocratique du Congo et, pourquoi pas ?, dans l’Afrique tout entière, n’est-ce pas là faire honneur à ce grand pasteur qui a consacré toute sa vie au service du peuple kasaïen, congolais et africain !

De tous temps, Dieu aime son peuple du Kasaï. Il lui envoie des pasteurs dignes et zélés. La question qui se pose est celle de savoir : quel accueil réservons-nous à ces pasteurs, à ces prophètes que le Seigneur nous envoie ? Et aussi quel souci de suivi avons-nous fait de leurs œuvres ? En effet, il y a un danger de n’avoir rien compris à ces grandes visées prophétiques, de les refuser purement et simplement, de faire du sur-place ou de faire de grands pas en arrière. Ce grand fils

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du Kasaï a aimé du fond de son cœur et nous a appris à aimer de nos cœurs le Kasaï natal, la chère République Démocratique du Congo et l’Afrique qu’il rêvait nouvelle, prospère et libérée. Faisons-lui honneur en bâtissant un Kasaï, un Congo et une Afrique meilleurs, plus justes, plus solidaires et plus libres !

Jean-Adalbert NYEME Tese

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J’ai connu Mgr M.L. Bakole WA ILUNGA Témoignage et réflexions

En laissant dans l’ombre ce qui appartient au strict secret de la relation interpersonnelle, je considère comme une grâce et une interpellation d’avoir pu connaître, pendant pratiquement 35 ans de vie, S.E.Mgr M.L. Bakole Wa Ilunga dans son existence comme dans sa mort. Et je voudrais en dire un mot pour l’histoire.

1. TÉMOIGNAGE : L’HISTOIRE AU PASSE

L’histoire passée remonte pour moi aux années 1965, lorsque, à l’intersection des études au petit et au grand séminaire de Kabue, j’ai commencé à voir arriver, de temps en temps, au séminaire un visiteur pas comme les autres, le Prélat Mgr Bakole, alors Vicaire général à distance, de l’archidiocèse de Kananga, puisqu’il était, en même temps, Vice-Recteur de l’Université Lovanium à Kinshasa…Prélat que j’observais avec admiration pendant qu’il priait son bréviaire en déambulant dans la cour du séminaire, au terme de la messe matinale, alors qu’il était le premier prêtre noir universitaire qu’il m’était donné de connaître…Prélat dont j’entendais de loin la voix puissante et chaude égayer la table à manger de nos professeurs

Lorsqu’un jour, déjà devenu, en 1966, évêque auxiliaire de Kananga, à l’occasion d’une de ses visites à Kabue, il me prit à bord de son véhicule, sur sa route de retour, pour me laisser à l’hôpital de Mikalayi, je découvris en lui un conducteur casse-cou, qui roulait à tombeau ouvert, signe d’un dynamisme et d’un enthousiasme presque inconscients du danger et de l’obstacle. C’est une des images fortes que j’ai gardées de lui et qui ne s’est pas démentie jusqu’à sa mort, si je me réfère, par exemple, à l’héroïsme avec lequel il a effectué, cinq heures durant, son dernier pèlerinage au Sanctuaire de Malandji Makulu, le 5 décembre 1999, à l’occasion du 28è anniversaire d’ordination épiscopale de son

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successeur, Mgr G. Mukeng, ou si je me réfère encore au même héroïsme avec lequel il a tenu à vivre, sur l’esplanade de la Pro-Cathédrale St Clément, l’ouverture de l’année jubilaire 2000, le 25 décembre 1999, provoquant peut-être par-là une aggravation fatale du mal qui le rongeait.

L’histoire au passé c’est, de manière encore plus personnelle, mon envoi, en 1968, aux études de Théologie à Rome, encore grand séminariste, comme premier ecclésiastique de son mandat archiépiscopal à partir aux études à l’étranger, en compagnie de deux jeunes confrères alors finalistes du petit séminaire, Zacharie Beya et Bruno Kabemba, pour leur cycle de Philosophie, sans avoir demandé, comme je l’entendais souvent dire de lui, à quelle tribu et clan j’appartenais.

J’en ai gardé cette leçon que Mgr Bakole était profondément, à la fois, un homme d’Eglise à la vision large et un stratège lucide qui savait comment forger et utiliser les instruments nécessaires à la promotion de son diocèse.

Sur ce point, non plus, je n’ai pas connu de démenti, depuis le jour de mon ordination sacerdotale, en 1972, jusqu’à ce mois de juillet 1997 où il a quitté ses fonctions, moi qui, tout au long de ces années, excepté la parenthèse de mes nouvelles études en Belgique, me suis considéré comme un des collaborateurs les plus réguliers de sa plume, en particulier, pour l’enseignement des choses de la foi qu’il a abondamment prodigué à son peuple par le discours et l’écrit. Et j’ai découvert, à ce sujet, un pasteur qui aimait le partage d’idées justes et fortes ; un homme amoureux de l’art et du beau style en toutes choses, bref, un homme soucieux de la grandeur et de l’excellence, à côté de toutes les ambiguïtés dont notre condition humaine se trouve affligée.

Le dernier maillon de cette histoire au passé concerne la brève période de son éméritat, de 1997 à 2000, où ses vertus de foi chrétienne et d’intérêt passionné pour l’homme ont

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brillé d’un éclat renouvelé. En effet, ayant participé à ses adieux, comme archevêque, au peuple de Kananga qui avait été confié à ses soins pastoraux 31 ans durant, et à l’accueil qu’il avait réservé à son successeur, passé le premier moment de surprise, j’ai admiré la grandeur d’âme et l’aimante soumission à la volonté de Dieu avec lesquelles il a assumé ce dernier virage de son cheminement.

Suivi alors la paisible et chaleureuse retraite d’un véritable homme de Dieu que l’on vit, tour à tour, faire le simple curé à la quasi-paroisse de Malole-Oasis, au Noviciat des Pères serviteurs des pauvres, prendre part, aux côtés de son successeur, aux grandes célébrations liturgiques diocésaines, réconforter de sa présence ses anciens co-diocésains frappés par le deuil ou par la maladie, accueillir à bras ouverts et avec reconnaissance la moindre visite et le moindre signe d’amitié qu’il recevait à sa résidence de Muamba-Malole.

Je n’oublierai jamais les deux dernières visites que je lui ai rendues de son vivant. D’abord, dans les premiers jours du mal qui allait l’emporter, lorsqu’il me répétait la joie intérieure et extérieure avec laquelle il vivait cette maladie, entouré des meilleurs soins médicaux à domicile et des services attentionnés de ses Sœurs du Cœur Immaculé de Marie, des visites nombreuses et empressées de son successeur comme de son peuple, toutes catégories confondues, ainsi que de la prière unanime de tous, au point qu’il disait ne pas souhaiter être déménagé vers quelque hôpital que ce soit. Ensuite, la toute dernière visite, lorsque à la veille de son transfert obligé vers Kinshasa et Milan, ayant perdu l’usage de la parole à la suite d’une chute nocturne de son lit et les yeux fermés, il me serra longuement les deux mains, quand je murmurai à ses oreilles mon nom, dans un véritable geste silencieux d’adieu, ainsi qu’il le faisait avec toutes les personnes accourues à son chevet.

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Quand, enfin, à l’annonce de son décès, à Milan, le 3 février 2000, je me rendis à Muamba Malole pour présenter mes condoléances et réconforter sa vieille grande sœur qui vivait dans sa compagnie depuis de longues années, c’est l’horrible sensation de vide qui m’envahit devant ce vaste et magnifique domaine qu’il avait rempli de beauté esthétique et de chrétienne humanité.

2. REFLEXIONS

a) Une interpellation Si avoir été mêlé à une histoire aussi chargée est un point

d’honneur, cela est sûrement aussi une forte interpellation. Je l’ai lue, pour ma part, cette interpellation que m’ont lancée la vie et la mort de Mgr Bakole, dans le sens suivant : la réussite et la grandeur d’une vie d’homme se trouvent dans le contraste positif de ses valeurs consciemment intégrées. Ainsi, le chrétien le découvre-t-il, en premier, dans la personne de Jésus-Christ, le Dieu qui ne dédaigna pas de prendre la condition humaine, excepté le péché, le Tout-Puissant qui se fit faible, par amour, jusqu’à la crucifixion, l’Immortel qui embrassa librement la mort pour donner aux mortels l’immortalité…

Ainsi, de même, le familier de feu Mgr Bakole a-t-il observé combien l’enfant de la forêt équatoriale initié au mysticisme dit païen s’est radicalement converti à la foi chrétienne ; combien l’universitaire chevronné et le fonctionnaire ecclésiastique de renommée internationale est resté, en même temps, l’homme du peuple, parlant son langage, vivant de sa sagesse ancestrale, mêlé à ses problèmes de société, partageant ses tristesses et ses joies, ses échecs et ses succès ; combien le pasteur et le pédagogue a été capable de se dévouer sans calculer, de punir sans blesser, d’encaisser les coups sans haïr, d’imposer une ligne de conduite sans se fermer aux suggestions d’autrui, et d’écouter les conseillers

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sans renoncer à sa propre inspiration, de prêcher l’idéal sans cesser de comprendre la faiblesse de l’homme, de lutter avec acharnement sans se laisser écraser par l’échec, de souffrir dans son corps avec héroïsme sans perdre la bonne humeur ni l’espérance, de mourir avec sérénité et sans rien regretter…

« Qu’ils se reposent de leurs fatigues, car leurs œuvres les suivent » Ap. 14,13

Si l’on voulait embrasser d’un regard synthétique ces « œuvres » de Mgr Bakole qui l’ont suivi dans l’au-delà, frappées de sa marque propre que je viens d’évoquer, on pourrait s’arrêter sur les suivantes parmi toutes celles que d’autres contributions de ce « In Memoriam » auront développées :

b) L’homme de foi et de prière

Lorsque Mgr Bakole écrit, dans son fameux livre « Chemins de libération » : J’ai eu la chance – la plus grande de ma vie- de rencontrer quelqu’un qui m’a montré le chemin du bonheur, au-delà de ce que je soupçonnais : Jésus de Nazareth, le Fils de Dieu… J’ai trouvé, en lui, le sens d’une vie fondée en Dieu et partagée avec les autres… Je me suis alors laissé prendre par ce Jésus pour être, auprès de mes frères et sœurs, le témoin de son Evangile de vie1 ». Il livre, là, le secret intime de l’esprit de prière et de foi qui l’ont caractérisé : c’est son attachement enthousiaste et inconditionnel à la personne de Jésus-Christ

Ceux qui l’ont fréquenté dans sa prière savent que celle-ci était comme partagée en deux pôles corrélatifs : du Fils à sa Mère Marie et de Marie nécessairement à son Fils Jésus.

L’Eucharistie, comme il se doit, était manifestement au cœur de sa prière. Il tenait à la célébrer quotidiennement, avec

1 Bakole wa Ilunga (Archvêque de Kananga), Chemins de Libération). Edition de l’Archidiocèse. B.P. 70 Kananga, 1978, p. 10

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la solennité des grands jours et du grand public ou dans la simplicité de sa chapelle privée, toujours aux premières places dans ses résidences épiscopales, aussi bien de la Paroisse Notre Dame que de Muamba-Malole. Qu’on se rappelle comment il aimait présenter, avec autant de plaisir que d’esprit, les quatre pièces occupant les quatre coins de la cour carrée de sa résidence de Muamba-Malole. A l’entrée principale de la résidence : la salle d’attente ou le lieu du dialogue avec l’homme, qu’il venait accueillir toujours avec une bonhomie exemplaire ; au coin suivant : la chapelle ou le lieu du dialogue avec Dieu qu’il ornait, à son goût raffiné, des plus belles pièces d’art africain, lieu où il aimait rassembler son personnel ouvrier tout comme les visiteurs de passage à l’heure de l’Eucharistie, lieu qu’il remplissait de sa voix puissante et convaincue, à travers les prières communes ou le chant liturgique, le tout, avec une dévotion presque d’enfant de chœur ; au troisième coin : la bibliothèque privée ou le lieu du dialogue avec l’esprit, qu’il nourrissait par des lectures continuelles, même lorsque le diabète avait commencé à attaquer sa vue ; au quatrième coin, enfin : la salle à manger ou le lieu du dialogue avec le ventre, occupant avec raison la dernière place qu’il lui concédait par nécessité, ayant été conduit par une longue vie de malade à exclure de sa table toute boisson alcoolisée et tout excès, en même temps qu’il s’était éduqué, depuis toujours, à ne jamais réclamer à propos de la nourriture, mais à manger simplement tout ce qui venait à table. Peu de personnes pourraient croire, à moins d’y avoir assisté, que la table du prestigieux archevêque était généralement frugale et que durant son éméritat, il lui arrivait même d’y manquer le nécessaire !

L’amour du dialogue avec son Dieu amenait Mgr Bakole à y tourner spontanément les esprits de ses interlocuteurs dans les diverses circonstances de la vie. Aux raisonnements humains était de plus en plus substitué, chez lui, surtout avec l’âge et la nette perception de la fugacité des choses présentes,

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l’argument évangélique avec ses exigences. Le mot « transcender » était fréquent sur ses lèvres pour inviter à aller au-delà des contingences et de leurs contrariétés. Une autre de ses idées-force, dans le même sens, était qu’il fallait s’accrocher à Dieu » à travers tout, par delà tout malgré tout ». Et lorsque, comme il est propre à tout mortel, ses collaborateurs lui faisaient parfois reproche de tel ou tel défaut, il répliquait promptement : « Et pourquoi ne considérez-vous pas plutôt mon exemple de vie de foi ? »

Il ne fait pas de doute que, pour lui, aller vers son Dieu reposait, comme jadis pour les Douze, sur « un choix obligatoire » : « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle… ? » (Jn. 6,68).

Ces « Paroles de vie », Mgr Bakole ne les aimait pas seulement pour lui-même, mais aussi pour son peuple. C’est la raison pour laquelle il en fit le titre d’une de ses publications pastorales en 1975. C’est aussi la raison pour laquelle il s’en fit le héraut passionné par des prédications aussi prolixes qu’inculturées, afin, aimait-il à « blaguer », de « fatiguer son peuple avec la Parole de Dieu ».

c) Le Prédicateur « inculturé »

« Malheur à moi si je n’annonçais pas l’Evangile ». (I Co 9,16)

Voilà ce qui fut certainement le fil conducteur du ministère épiscopal de Mgr Bakole. En plus de la conviction profonde qu’il devait en avoir retirée de sa longue formation sacerdotale et de son travail de prêtre, il doit avoir intériorisé, à ce sujet, l’enseignement de ce concile Vatican II auquel il avait personnellement pris part en tant que prélat domestique du Saint-Père. « Parmi les charges principales des évêques, dit Lumen Gentium, 25, la prédication de l’Evangile est la première. Les évêques sont, en effet, les hérauts de la foi, qui amènent au Christ de nouveaux disciples ; et les docteurs

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authentiques, c’est-à-dire pourvus de l’autorité du Christ, qui prêchent au peuple à eux confié la foi qui doit régler sa pensée et sa conduite, faisant rayonner cette foi sous la lumière de l’Esprit-Saint, dégageant du trésor de la Révélation le neuf et l’ancien, faisant fructifier la foi, attentifs à écarter toutes erreurs qui menacent leur troupeau ».

Qui a eu l’occasion d’entendre prêcher Mgr Bakole a acquis la nette certitude que pour lui était évident et fort le lien établi par Paul entre la prédication et la foi- « la foi vient de la prédication et la prédication, c’est l’annonce de la Parole du Christ » (Rm 10,17) – cette foi où le prélat découvrait la piste de toutes les solutions aux problèmes fondamentaux de l’homme comme de sa société. En effet, ayant compris qu’ « évangéliser, c’est faire retentir la Parole au milieu de l’histoire », d’après l’heureuse expression d’Olivier de la Brosse2 , l’évêque défunt peut être situé en bonne place dans la lignée de ces Pères de l’Eglise antique pour qui Olivier de la Brosse, dit encore que : « la prédication reflète très exactement les soucis pastoraux des chefs de communautés à l’égard de leur peuple3 » : un Saint Jean Chrysostome, évêque de Constantinople en 398, qui a « laissé six cents homélies et plus de cent sermons dans lesquels transparaît la vie mouvementée de sa communauté orientale ; un Saint Ambroise de Milan (374), défenseur de son Eglise contre les ingérences du pouvoir civil et adversaire de l’hérésie arienne, auteur d’une « œuvre toute marquée de ces préoccupations pastorales, exprimées dans la forme du commentaire biblique » ; un Saint Augustin, évêque d’Hippone (392), qui « demeure le type achevé du chef du diocèse, fondateur de communautés sacerdotales et religieuses, infatigable lutteur contre les hérétiques, laissant près de 500 sermons reflétant une

2 O. de la Brosse, ‘’ La prédication’’. In Initiation à la pratique de la théologie. T.V. Cerf, Paris. 1983, p. 114. 3 Ibid, p. 122

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prédication doctrinale, enracinée dans l’Ecriture, au service direct de la formation religieuse de ses nombreux auditeurs ; un Saint Grégoire le Grand (604), » dont les quarante ‘Homélies sur l’Evangile’ et les vingt-deux commentaires ‘sur Ezéchiel’ témoignent d’une clarté d’esprit directement mise au service d’un apostolat auprès des fidèles les plus simples ainsi que d’une grande expérience des hommes de son temps… Sa prédication est à la fois spirituelle et pratique, affrontée sans illusions aux situations humaines les plus concrètes.4 »

Pour s’en convaincre, rien n’aurait valu, si c’en était ici le lieu, la publication – certainement à venir – des quarante trois lettres pastorales et autres allocutions et homélies écrites laissées par feu Mgr Bakole . Il n’est vraiment pas exagéré de reprendre à son compte ce que de la Brosse affirme de l’abbé Henri Lacordaire : « Rares ont été, dans la vie de l’Eglise, écrit-il, les hommes qui ont su à un tel degré comprendre de l’intérieur les aspirations d’une époque et les confronter à l’Evangile. ‘Apôtre de son siècle’, partageant avec lui son besoin de liberté, de certitude, de justice, homme de son temps jusque dans l’emploi d’une langue romantique et passionnée… »5 « Mgr Bakole ne semblait-il pas, des fois, avoir été à l’école du « De Doctrina christiana », de Saint Augustin qui donne à la prédication chrétienne les trois caractéristiques suivantes héritées de Cicéron et ainsi exprimées ; « Parler de manière à Instruire, à charmer et à toucher », car « Instruire est une nécessité, charmer, un agrément ; toucher, une victoire »6 ?

Mais au-delà de toutes les techniques de la prédication dont Mgr Bakole pouvait être doté, c’est surtout sa profonde connaissance de son peuple, sa totale « complicité » avec lui

4 Ibid, pp. 123-124 5 Ibid, p. 136 6 Ibid, p. 139

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qui assurait l’impact de sa parole sur son auditoire. C’est qu’il avait, en psychologue et pédagogue de formation qu’il était, intégré à son art cette recommandation attribuée aux anglais : Pour enseigner le latin à John, ce qu’il faut d’abord connaître, c’est …John.

« Les habitudes de pensée et de langage d’un auditoire conditionnent sa capacité à comprendre, recevoir et admettre ce qui lui est proposé, affirme encore avec raison de la Brosse (à la suite du vieil adage latin : Quidquid recipetur ad modum recipientis recipitur). On ne peut pas dire tout l’Evangile à tout le monde d’une seule et même manière. Chaque prédication est une nouvelle Pentecôte, dans laquelle chacun doit pouvoir « accueillir dans sa propre langue les merveilles de Dieu » (Ac.2,11)7

Vous avez dit : « sa propre langue » ? Voilà où se situe la pointe originale de la prédication inculturée de feu Mgr Bakole. Si l’inculturation – ce néologisme tant utilisé et tant incompris, à la fois se définit, ainsi que l’a fait avec bonheur le Pape Jean II, comme « l’incarnation de l’Evangile dans les cultures autochtones et, en même temps, l’introduction de ces cultures dans la vie de l’Eglise »8 et si la langue d’un peuple, comme on le comprend aisément, est la porte d’entrée de sa culture, alors il est permis de tenir Mgr Bakole pour un véritable champion de cette prédication inculturée de la Parole de Dieu qui signifie, dans notre contexte, proclamation du message évangélique par un africain pour des africains et en langage africain. C’est, d’ailleurs, l’unique façon d’évangéliser, selon la pittoresque expression du Pape Paul VI, « non pas de façon décorative, comme par un vernis

7 Ibid, p. 147 8 Jean-Paul II, Slavorum Apostoli

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superficiel, mais de façon vitale, en profondeur et jusque dans leurs racines, la culture et les cultures de l’homme »9

En cela également notre prélat se place dans le droit fil de l’enseignement de Vatican II qu’il importe de rappeler ici comme une espèce de justification posthume et autoritaire de sa pratique si appréciée dans ce domaine :

- « Les évêques, dit Christus Dominus, n° 13, doivent proposer la doctrine chrétienne d’une façon adaptée aux nécessités du moment, c’est-à-dire en répondant aux difficultés et questions qui angoissent le plus les hommes » ;

- « Entre le message de salut et la culture, déclare Gaudium et Spes, n° 58, il y a de multiples liens. Car Dieu, en se révélant à son peuple jusqu’à sa pleine manifestation dans son Fils incarné, a parlé selon des types de culture propres à chaque époque. De la même façon, l’Eglise, qui a connu au cours des temps des conditions d’existence variées, a utilisé les ressources des diverses cultures pour répandre et exposer par sa prédication le message du Christ à toutes les nations, pour mieux le découvrir et mieux l’approfondir, pour l’exprimer plus parfaitement dans la célébration liturgique comme dans la vie multiforme de la communauté des fidèles ». ;

- « Dès les débuts de son histoire, affirme le même document conciliaire, au n° 44, en ciblant particulièrement le problème de la langue, (l’Eglise) a appris à exprimer le message du Christ en se servant des concepts et des langues de divers peuples et, de plus, elle s’est efforcée de le mettre en valeur par la sagesse des philosophes : ceci afin d’adapter (ce mot aujourd’hui dépassé qui appartenait à son temps) l’Evangile, dans les limites convenables et à la compréhension de tous et aux exigences des sages. A vrai

9 Paul VI, Evangelii Nuntiandi, N° 20

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dire, cette manière appropriée de proclamer la parole révélée doit demeurer la loi de toute évangélisation ».

« Exigences des sages », : les plus grands sages de chez nous, aussi anonymes qu’éternels, sont nos Ancêtres, nos Maîtres de vie, de morale, de religion, de savoir-vivre, de vie communautaire, etc.

Mgr Bakole les a fréquentés avec assiduité et brio, notamment dans leurs dictons, proverbes, mythes et récits fondamentaux dont il faisait, avec une maîtrise rare, le véhicule de sa prédication. Qui douterait que, même étant un parfait bilingue – français et ciluba – il n’était jamais aussi bon, aussi captivant, aussi persuasif, dans une homélie, que lorsqu’il passait de la langue française à la langue ciluba, se détachant alors de tout papier et nouant avec son public un interminable dialogue vibrant ?

En véritable pionnier de ce genre d’éloquence sacrée à l’africaine, il a entraîné derrière lui une file de prêtres et d’autres prédicateurs de l’Evangile qui ne cesse de s’allonger pour le plus grand bénéfice du peuple de Dieu qui vit chez nous.

Rien d’étonnant, dans cette ligne, qu’il ait désiré ardemment, pendant de longues années, et considéré comme le plus beau cadeau du premier centenaire de l’évangélisation du Kasaï, la parution, en 1994, du « Mukanda wa Mvidi Mukulu », traduction en ciluba de la Bible.

Ne déclarait-il pas, avec raison, dans sa préface à cette parution : « Bakubi ba tshisa tshia Maweja, badiambike balume ne bakaji, batatu ne bamamu ba nzubu, bansonga ne bana, bena midimu mishilangane ya panu, badi ne bukole bua mudibi ne babedi, bena biuna ne bapele, baludiki ba misoko ne bena ditunga babo, bonso buetu tunyemenayi kudi Muaku wa Mvidi Mukulu, « Musungu wetu wa lupandu » « Mpokolo wetu wa muoyo, »tshiamu tshietu tshia mudimu, bua

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tukudimune nawo mpala wa buloba buetu ne tufike ku diakalenga dia tshiendelele, »,

Prêtres, religieux et religieuses, pères et mères de famille, jeunes et enfants, hommes de toutes les professions, bien-portants et malades, riches et pauvres, pouvoirs publics et citoyens, recourons tous à la Parole de Dieu « notre bâton de sauvetage », « notre source de vie », notre outil de travail pour changer la face de notre terre et parvenir au bonheur éternel.

Peut-on juger cette œuvre de prédicateur de la Parole de Dieu aux résultats obtenus en trente quatre ans d’épiscopat ? Quelqu’un a raconté, par mode de boutade, que lorsque le talentueux Père Lacordaire prêchait, les gens montaient sur les confessionnaux (pour le voir et l’admirer), tandis qu’à la prédication de son contemporain Abbé Jean-Marie Vianney, le saint et peu brillant curé d’Ars, les gens entraient dans les confessionnaux (pour se convertir et se réconcilier avec Dieu). Feu Mgr Bakole a-t-il laissé son peuple chrétien plus saint, plus converti à Dieu et à l’homme qu’il ne l’avait trouvé ? Question à réponse difficile dans une matière aussi mystérieuse que délicate, aussi complexe que personnelle, aussi invisible que manifeste, qui peut dépendre autant du cœur des auditeurs de la Parole et des structures conditionnantes qui les enserrent que de la sainteté du prédicateur lui-même, selon cette image saisissante du ‘’bassin et du canal’’ émanant de Saint Bernard. « Il en est, dit-il, qui montrent une telle ardeur pour communiquer aux autres les biens célestes, qu’il leur semble pouvoir les répandre avant de les avoir reçus… Si vous voulez agir avec discernement, ayez soin d’être un bassin avant de devenir un canal ; car celui-ci a pour office tout à la fois de recevoir et de répandre tandis que

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l’autre attend d’être rempli pour verser au dehors de sa surabondance »10.

Souhaitons seulement qu’à son départ de ce monde vers le Maître du « troupeau », l’évêque défunt ait pu dire, pour sa part dans son cœur, comme Saint Paul dans ses adieux aux anciens d’Ephèse : « Vous savez vous-mêmes de quelle façon, depuis le premier jour où j’ai mis le pied en Asie, je n’ai cessé de me comporter avec vous, servant le Seigneur en toute humilité, dans les larmes et au milieu des épreuves que m’ont occasionnées les machinations des Juifs. Vous savez comment, en rien de ce qui vous était avantageux je ne me suis dérobé quand il fallait vous prêcher et vous instruire, en public et en privé, adjurant Juifs et Grecs de se repentir envers Dieu et de croire en Jésus notre Seigneur… Je n’attache aucun prix à ma propre vie, pourvu que je mène à bonne fin ma course et le ministère que j’ai reçu du Seigneur Jésus : rendre témoignage à l’Evangile de la grâce de Dieu » (Ac 20,18…24).

Il n’y pas de meilleur vœu à formuler pour lui en faisant mémoire de son ministère épiscopal de la prédication.

Mais n’a-t-il été qu’un prédicateur installé dans la chaire de vérité, sans descendre dans l’arène de l’action au service de son peuple ?

d) L’homme des rêves et d’action

S’il y a un qualificatif qui ferait l’unanimité parmi ceux qui ont connu, de près ou de loin, Mgr Bakole, c’est bien celui-ci : il fut un homme des rêves les plus ambitieux, ceux-là précisément qui cessent d’être simple poésie pour devenir le moteur de l’action.

1 0 Saint Bernard, sermon 13 sur le Cantique des Cantiques. Cité par O. de la Brosse, op. cit, p. 148

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Son rêve peut se résumer en un seul mot : la vie. C’est le mot qui ouvre l’introduction de son fameux livre « Chemins de libération. »

« Vivre, écrit-il, vivre pleinement, augmenter et renforcer la vie, voilà notre désir le plus profond. Car la vie est le plus beau cadeau que nous ayons reçu de nos parents et, à travers eux, de Dieu, source de toute vie. Dès lors, le premier devoir qui s’impose est que cette vie soit développée, renforcée, rendue plus belle, plus heureuse. Et nous devons aussi la transmettre aux enfants, aux membres de famille, aux amis et à tous les hommes avec qui nous formons ensemble la grande famille « zaïroise ». Ainsi, la vie est un grand cadeau mais une tâche difficile ; nous en sommes réciproquement responsables. »11

La responsabilité d’œuvrer pour la vie, Mgr Bakole l’a prise pour sa part, à bras le corps, aidé certainement par ce tempérament dynamique déjà mentionné, mais aussi par sa formation universitaire spécifique. En effet, alors que la tradition romaine allait dans le sens du choix des évêques de préférence parmi les anciens étudiants en Droit Canonique et autres sciences sacrées des universités pontificales, Mgr Bakole provient de l’Université Lovanium de Kinshasa, porteur d’une forte sensibilité aux problèmes de l’homme reçue de sa formation en sciences psycho- pédagogiques.

Mais son inspiration fondamentale dans l’action, comme cela doit l’être pour tout chrétien, se trouve dans les deux niveaux précédents de la prière et de la foi ainsi que de la prédication de la Parole de Dieu dont nous venons de parler. Car, comment évoquer le Dieu libérateur d’Israël « à main forte et à bras étendu » (Deut. 7,19), et son Fils Jésus-Christ qui « a passé en faisant le bien » (Ac.10,38), sans se laisser provoquer à l’action, non pas de manière facultative,

11 Bakole wa Ilunga, op. cit. P. 9

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volontariste et extérieure, mais par une exigence interne à cette évocation-invocation elle-même ?

Dans ce contexte, on a l’habitude de citer, à l’actif de Mgr Bakole, les dizaines d’églises construites et de ponts jetés sur des cours d’eau de son diocèse pour raccourcir les distances, sans oublier son action en faveur d’une riche alimentation, par la fabrication du biscuit de soja, ni celle de la dernière tranche de sa vie en faveur du projet d’électrification de la ville de Kananga et au-delà, projet qu’il vaudrait vraiment la peine de poursuivre et d’achever en mémoire de lui.

De même, on aime à rappeler combien cet évêque passionné du développement intégral de l’homme et qui fut appelé par ses pairs à présider, pendant de longues années, la commission du Développement de la Conférence épiscopale nationale du Congo, à l’instar des organisations du même genre qu’il avait montées avec succès dans son diocèse, fut en même temps préoccupé d’y éduquer son peuple, et notamment son élite intellectuelle, décideur du sort de ce peuple. En font foi des publications de sa plume comme celles reprises ci-haut dans sa notice bio-bibliographique en cet « In memoriam » :

Vraiment son clergé, en lui offrant des Mélanges à l’occasion de son jubilé épiscopal d’argent, en 1991 ne pouvait pas choisir un autre titre qui reflète fidèlement ses convictions de foi, son ministère de la Parole et son engagement social que celui-ci : « Evangéliser, c’est développer »12 avec, en épigraphe, ces paroles de l’intéressé lui-même qui se passent de tout commentaire : « Pour moi, la passion pour le développement est inséparable de la passion pour l’Evangile de Jésus-Christ. Elle en est l’incarnation concrète dans la

12 Evangéliser, « ’c’est développer ». Mélanges en l’honneur de Mgr Bakole wa Ilunga, Archevêque de Kananga. Edités par A. Kalamba Nsapo. Edition de l’Archidiocèse. Kananga/Zaïre 1993.

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situation qui est la nôtre. Si l’évangile nous est donné comme une source de vie, de liberté, de bonheur, il ne saurait rester planer au-dessus de nos réalités économiques, politiques, sociales, culturelles »13

Oui, feu Mgr Bakole a su marcher fermement parmi nous et à notre tête sur ses deux pieds de la foi et de l’action, conjuguant avec bonheur ce principe de vie chrétienne attribué à saint Ignace de Loyola : « prier comme si tout ne dépendait que de Dieu et agir comme si tout ne dépendait que de nous ».

Nul doute que de l’au-delà, où il ne saurait oublier ceux et celles à qui il avait consacré son long ministère épiscopal, il ne cesse de nous répéter ces paroles engageantes du Seigneur Jésus au paralytique de l’évangile : « lève-toi et marche » (Lc 5,23), comme il avait lui-même beaucoup marché vers les autres à servir sans ménager ses forces.

Conclusion : « Une personnalité complexe et chatoyante »14

C’est encore Olivier de la Brosse qui caractérise le prélat français du 17è siècle, Fénélon, de cette manière qui semble aller à Mgr Bakole comme un gant, ce par quoi je clôturerai ce témoignage et réflexions.

Complexe, la personnalité de Mgr Bakole le fut jusqu’au bout des ongles, dans ce sens du dictionnaire qui signifie : Qui contient plusieurs idées, plusieurs éléments à la fois.

Rien là de surprenant pour un être humain, dira-t-on. Mais il y a de ces êtres humains chez qui le phénomène atteint des degrés impressionnants. Ce fut le cas de notre prélat, parfois jusque dans la manière de parler en phrases inachevées qui rendaient insaisissable sa pensée. Qui a côtoyé Mgr Bakole n’a pas manqué d’être parfois dérouté par un homme à qui il arrivait de préférer à une planification rigoureuse ce qu’il 13 Ibid. 14 O. de la Brosse, op. Cit, p. 134

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appelait « saisir la balle au bond », avec tout ce que cela pouvait comporter de volte-face et d’improvisation. Il a déjà été suffisamment dit précédemment du contraste positif des valeurs consciemment intégrées dans une personnalité pour qu’on se passe d’y revenir ici, qu’on l’exalte ou qu’on le déplore.

Et chatoyante, la personnalité de Mgr Bakole le fut également, ne pouvant pas passer inaperçu, ne laissant personne indifférent, qu’on l’aime ou non. C’est sa mort qui en a administré la plus belle preuve. En effet, même attendue confusément par ceux qui l’ont approché dans les dernières semaines de sa vie, depuis Kananga jusqu’à Milan, en passant par Kinshasa, la nouvelle fulgurante de son décès, le 3 février 2000, a fait l’effet d’une bombe et le vide ressenti par tous, dans le décor habituel, signifiait la grande place qu’il y occupait. Qui a vécu l’événement de ces funérailles, en direct ou par les ondes et l’image, aux différentes étapes de Milan, de Bruxelles, de Kinshasa, de Kananga et de Mikalayi, doit avoir été impressionné par l’affluence des foules comme si de partout, parents, confrères, amis, connaissances et badauds faisaient une haie autour de lui pour l’empêcher de nous quitter,…

Que Mgr M.L. Bakole wa Ilunga repose en paix, et que ses œuvres l’accompagnent au paradis, par la miséricorde de Dieu.

Lambert MUSEKA

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Hommage à Son Excellence Monseigneur Martin-Léonard BAKOLE wa ILUNGA

Archevêque Emérite de Kananga In Memoriam : 3 février 2000 – 3 février 2006

Je suis parmi ceux qui ont pu jouir du privilège de faire connaissance avec Son Excellence Monseigneur Martin BAKOLE non seulement parce que j’ai passé toutes mes études secondaires au Petit Séminaire de Kabue, mais aussi et surtout parce que c’est lui qui m’a admis au Grand Séminaire de Kabue et que c’est sous son autorité que j’ai évolué au sein de cette institution jusqu’au jour où, pour des raisons personnelles, j’ai librement décidé de réorienter le parcours de mon existence.

Et aujourd’hui, c’est à plus d’un titre que je suis heureux de participer à cet hommage posthume adressé à cet Homme universel.

Je lui rends donc hommage d’abord en tant qu’ancien séminariste. C’était lui « le supérieur spirituel » et le dernier rempart pour tout problème qui pouvait surgir dans ma vie de séminariste durant mon parcours.

Ensuite, en ma qualité de fils de Kananga et du Kasaï, je rends hommage à ce monument inébranlable. BAKOLE wa ILUNGA a toujours fait la fierté des natifs de cette Province et son influence s’est manifestée, directement ou indirectement, sur chacun de ceux qui l’ont côtoyé.

Enfin, comme Ministre de la Culture et des Arts, je rends des honneurs mérités à cet opérateur culturel. En effet, ainsi que l’atteste sa notice biographique, Martin BAKOLE wa ILUNGA a travaillé pour la promotion de la Culture et des Arts, aussi bien au Congo qu’en Afrique et dans le monde.

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Déjà en 1959, encore étudiant à l’Université de Lovanium, Monsieur l’Abbé Martin-Léonard BAKOLE a participé aux travaux de la commission gouvernementale de la réforme de l’enseignement au Congo-Belge et au Ruanda-Urundi, tenus à Bruxelles.

Devenu Vice-Recteur de la même Université, il a pris une part active aux différentes rencontres nationales, régionales et internationales sur les problèmes relatifs à l’éducation, à la science, à la culture, à la technologie et au développement. En effet, on l’a vu à la commission de la réforme de l’enseignement du Congo-Léopoldville sous l’égide de l’UNESCO, à la commission de l’éducation et de la culture dans le cadre de l’OUA, au Premier Festival Mondial des Arts Nègres à Dakar, etc.

Homme multidimensionnel, Mgr BAKOLE mérite, de ma part, un hommage multivarié, tentant de cerner certaines de ses facettes qui nous ont été accessibles.

C’est ainsi qu’en premier lieu, je rends hommage à l’intellectuel. Nul n’ignore que Monseigneur Martin BAKOLE compte parmi les premiers intellectuels du Congo et qu’il n’a pas été des moindres. Séminariste de Kabue et universitaire de Lovanium bien formé, l’homme nous a légué une œuvre abondante et une pensée solide.

Pour lui, « évangéliser » signifiait « développer ». En d’autres termes, il ne pouvait pas concevoir l’évangélisation en dehors de l’épanouissement intégral de l’homme.

Partisan de l’inculturation évangélique, il prônait que la Parole de Dieu devait s’incarner, c’est-à-dire rencontrer les aspirations profondes de la population pour le bien-être de chacun et de la communauté.

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En deuxième lieu, c’est à l’éducateur que va mon hommage. Prêtre, plutôt que de se spécialiser en philosophie ou en théologie, Monseigneur BAKOLE embrassera, à l’Université, les Sciences Pédagogiques. Nommé Vice-Recteur de Lovanium, il déploiera d’intenses activités académiques et scientifiques, prenant à cœur les charges qui étaient les siennes et la valeur du travail qu’il avait à réaliser pour les fils de son peuple. Il était un véritable « pater ».

Et, c’est pour avoir manifesté ses qualités d’éducateur qu’il fut, le premier, à être nommé, en 1960, Président du Bureau de l’Enseignement Catholique (BEC).

Mon hommage s’adresse, en troisième lieu, au prélat. C’est à 8 ans, alors qu’on lui apprenait à peine à balbutier le catéchisme, que le petit Martin BAKOLE sèmera en lui la graine de la foi qui ira grandissant jusqu’à embrasser les études sacerdotales, aux Petit et Grand Séminaires de Kabue, avant d’être ordonné prêtre le 19 mars 1953.

Il mena passionnément ses activités de prêtre routier, d’évangélisateur des peuples « sortis de nuits ancestrales et des pratiques païennes » et ce, jusqu’à sa mort, mort qui l’a rencontré au rang d’Archevêque Emérite de Kananga.

Quel parcours que celui d’une « vie débordante, d’une existence de pasteur, d’une carrière de bâtisseur d’un peuple nouveau dans une communauté d’espérance. »

Bien que nommé Recteur à l’Université, il ne négligea nullement ses tâches pastorales et, en dépit de tous ses déplacements dans les sphères des intellectuels, il demeura avant tout Prêtre à la foi inébranlable.

En quatrième et dernier lieu, je rends hommage à un homme de culture. Profondément prêtre, intellectuel avéré,

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Martin BAKOLE wa ILUNGA est resté pétri de culture, enraciné dans la tradition. Ses conversations, ses homélies, ses conférences, ses conseils étaient empreints de riches proverbes et adages du terroir. Prêtre, Evêque, il n’avait jamais négligé les cultures traditionnelles où il puisait pour une inculturation pastorale réussie.

Pour terminer cet hommage, disons que Monseigneur Martin-Léonard BAKOLE wa ILUNGA mérite d’être cité en exemple à tous les jeunes, à tous les Congolais, comme exemple de Prêtre et, surtout, comme modèle d’intellectuel engagé, pour le développement total, global et harmonieux de notre peuple.

Philémon MUKENDI

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DE LA MALADIE A LA MORT

DE Mgr BAKOLE WA ILUNGA

Depuis plus de dix ans, je me suis occupée de la santé de Mgr Martin-Léonard Bakole, qui souffrait de l’hypertension artérielle et du diabète insulino-dépendant depuis une vingtaine d’années. Ces deux maladies étaient surveillées, soignées chaque jour et contrôlées dans des hôpitaux spécialisés tous les deux ans au début et ces derniers temps chaque année à l’hôpital Saint Raphaël de Milan.

Mgr Bakole, un homme de foi, une âme pieuse, simple, charitable et disponible, un travailleur infatigable, ne tenait pas toujours compte de sa santé lorsqu’il était plongé dans un travail de développement intégral de l’homme. Pour justifier son dévouement, il nous disait qu’à trop s’occuper de sa santé, on risquait d’en devenir esclave et de ne pas faire grand’chose dans sa vie. Homme d’endurance et de patience, il m’a appris à supporter les souffrances avec joie et à éviter des plaintes inutiles.

Le dernier contrôle de sa santé a eu lieu le 14 octobre 1999 à l’hôpital Saint Raphaël de Milan. Ses médecins traitants étaient contents de lui ; ils admiraient sa joie, sa capacité de communication et sa souplesse dans l’application des conseils médicaux prodigués.

Comment la situation s’est-elle dégradée, jusqu’à conduire à la mort ? Tout a commencé le 25 décembre 1999, à la messe solennelle d’ouverture de l’année jubilaire, une longue cérémonie qui a duré cinq heures trente minutes environ. Tatu Bakole wa Ilunga étant une personne de foi ne pouvait rater un événement de cette importance. Mais une position fixe et prolongée, avec des souliers fermés, n’a pas arrangé sa situation; elle a plutôt bloqué la circulation

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périphérique. Conséquence : une inflammation très prononcée de la jambe accompagnée des douleurs intenses dans le mollet. Après la messe, Mgr Bakole, complètement fatigué, est rentré sans tarder à sa résidence de Muamba-Malole.

Au terme de deux jours de repos strict et de soins de la jambe, nous avons remarqué de multiples bulles qui se sont éclatées rapidement, donnant l’aspect d’ulcères superficiels à la jambe. J’ai fait intervenir le Docteur Kabuya Willy pour que les idées soient partagées dans la thérapeutique. Au bout de dix jours, les plaies se sont cicatrisées et une amélioration rapide a été constatée : Mgr Bakole a alors commencé à marcher tout doucement avec sa canne, même si la jambe était encore légèrement gonflée. Le mercredi 14 janvier, il était content de sa jambe, il a marché tout seul et a bien mangé. Le soir, avant d’aller au lit, il a demandé de regarder un film pour se distraire. Christine Kapinga, l’infirmière de garde chargée de la surveillance et du suivi des soins en mon absence, lui tenait compagnie. Vers 22h30, Monseigneur est allé se coucher. Le matin, à 6h30, l’infirmière Kapinga, venue pour les soins comme d’habitude, a trouvé Monseigneur par terre. Elle m’a fait venir d’urgence. A mon tour, j’ai averti aussitôt le Dr Kabuya qui n’habite pas loin de chez nous. Nous avons tout tenté pour le récupérer, mais Monseigneur est resté privé de parole, entendant tout, mais ne répondant qu’avec des gestes. Cet état s’est prolongé toute la journée du vendredi jusque samedi soir. C’est alors qu’à la satisfaction de tous, il a prononcé sa première phrase : „Loué soit Jésus-Christ à jamais. Amen“. Quel soulagement ! Déjà samedi matin, Mgr Godefroy Mukeng avait pris la décision d’envoyer Mgr Bakole sans tarder en Europe dans un hôpital spécialisé.

Depuis le 27 décembre 1999, Mgr Mukeng et de nombreux chrétiens venaient voir le malade pour prier avec lui. Même le Gouverneur de la Province, A. Claudel Lubaya et plusieurs autorités civiles lui ont rendu visite dans sa maladie.

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Tatu Bakole était très content de ces multiples visites. Quand j’ai voulu savoir si ces visites n’étaient pas fatigantes pour lui, il m’a répondu : « Mama, l’isolement tue; je suis heureux de prier et de partager avec l’Archevêque, les prêtres, religieuses, religieux et laïcs sur l’Eglise-famille de Dieu et le développement de l’homme. C’est important pour moi ».

Dimanche, le 16 janvier 2000, nous avons embarqué pour Kinshasa à trois : le malade, l’abbé Gustave Tshilumba chargé des formalités et d’autres démarches du voyage et moi-même l’infirmière soignante. A Kinshasa, Mgr fut interné à la Clinique Bondeko, soigné par le Dr Kalonji, Directeur de la Clinique et par l’équipe soignante qui a pensé alors à un diagnostic trombo-phlébite de la jambe. Le Père Lido, responsable de l’Hôpital, était continuellement présent pour s’entretenir avec Monseigneur. De nombreux médecins sont également passés le voir, sans compter les autorités ecclésiastiques, civiles, les amis et connaissances. Monseigneur s’est particulièrement réjoui de la visite de son ancien étudiant, le professeur Kanjingu, premier diabétologue congolais.

Pendant les sept jours passés à Bondeko, dans l’attente des formalités du voyage, la sœur Rosalie Odie Beya, infirmière aux études à Kinshasa, m’a prêté main forte dans les soins et la garde du malade.

Samedi le 22 janvier, à bord d’un vol régulier de la Sabena, nous sommes partis pour Milan, en transitant par Bruxelles où nous avons passé la nuit chez les Pères de Scheut. Les sœurs Félicitas Malu et Victorine Bafuafua m’ont aidée dans les soins à porter au malade. Le lendemain, nous étions accueillis, à l’aéroport de Milan, par l’abbé Clément Mutamba et la Sœur Françoise Kalengele. A notre arrivée à l’hôpital Saint Raphaël, nous avons trouvé la sœur Jacqueline Tshiendenda qui s’était déjà occupée de toutes les formalités

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au service d’urgence et d’hospitalisation. Le Dr Sylvain Mukenge, médecin congolais travaillant à Saint Raphaël, ainsi que d’autres médecins nous ont reçus à bras ouverts pour les examens et les soins d’urgence. Ils ont fait un bilan sanguin complet qui était peu inquiétant, à part l’élévation légère de la créatinine et l’urée ainsi que des transaminases qui se sont d’ailleurs régularisées après six jours de soins. Les examens radiologiques réalisés en urgence, tels que l’électrocardiogramme, l’échographie hépato-rénele et la radio-thorax ont donné des résultats normaux. Même le doppler fait pour vérifier le diagnostic trombo-phlébite de la jambe suspectée à la clinique Bondeko s’est montré négatif. En revanche, la TAC (tomographie axiale computérisée) a fait suspecter une ischémie cérébrale probablement responsable de la chute du 14 janvier à Kananga, ainsi qu’une lésion hémorragique, dangereuse d’après les neurologues.

Trois jours plus tard, la résonance magnétique était réalisée pour mettre en évidence cette lésion cérébrale ischémique dépistée par le scanner. Au bout de six jours, le prélèvement sanguin a montré une anémie brusque d’origine inconnue, ce qui a induit à administrer deux unités de sang et à procéder à un grand nombre d’examens : biologiques, hématologiques, urologiques et écho-abdominaux, pour détecter la cause de cette anémie. Tous les résultats étaient négatifs.

Mardi le 1er et mercredi le 2 février étaient deux jours d’espoir pour les médecins et pour nous tous : Monseigneur a parlé à l’aise et mangé sans problème. Aux médecins qui venaient s’enquérir de la situation, il répondait que tout allait bien. Espoir.

Il faut signaler que pendant son séjour à l’hôpital, Monseigneur a eu plusieurs visites qui le réconfortaient. Déjà, le Responsable de la communication et des relations sociales

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de l’hôpital, Mgr Charles Vella, lui avait souhaité la bienvenue par ces mots : « Monseigneur, ici à saint Raphaël, vous êtes chez vous ». Ces mots l’ont mis tellement à l’aise qu’il se sentait en famille. Nos deux sœurs étudiantes à Rome, Angélique Odie et Jacqueline Nkaya, les abbés de Kananga séjournant en Europe, Bruno Kabemba, Crispin Bakadisula, Jean Mabundi, ainsi que l’abbé José Muamba de Luebo ont fait le déplacement pour lui rendre visite, sans compter de nombreux laïcs. Tous repartaient avec l’espoir d’une guérison prochaine et lui se sentait fort réconforté par ces visites.

Mercredi matin, j’ai trouvé Monseigneur, joyeux, causant avec l’abbé Clément Mutamba. Il avait bien mangé. Après le départ de l’abbé, nous sommes restés à deux, parlant de beaucoup de choses et même de certaines propositions à réaliser après sa guérison. A chaque proposition, il me répondait : "oui, mama, si Dieu le permet encore, car nous devons compter beaucoup sur Lui, les yeux fixés sur son Fils Jésus sur la croix et sur sa Sainte Mère aux pieds de la croix ". Cette réponse m’étonnait. Vers 11h45, il en vint aux remerciements : « Mama, merci beaucoup pour tout ce que vous avez fait pour me maintenir en vie jusqu’aujourd’hui. Que le Seigneur qui voit tout vous rende autant. Merci à Mgr Godefroy Mukeng’a Kalond et toute la population kanangaise et kinoise pour leur assistance et leur union intense de prières. Mgr Godefroy a été toujours présent pendant ma maladie, lui et les chrétiens de Kananga. J’en suis vraiment reconnaissant. Cela m’a beaucoup encouragé car je ne me suis pas senti isolé, au contraire, je suis comblé. Merci à tous nos prêtres et religieuses étudiants qui se sont dérangés jour et nuit pour moi, surtout ceux de Milan qui ont perturbé leur programme pendant cette période des examens. Que seul le Seigneur daigne les consoler dans leurs études ». J’écoutais attentivement, mais surprise et angoissée par ces remerciements. Quand il a terminé de parler, j’ai posé

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spontanément une question : « Tatu, pourquoi notre dialogue change – t - il d’un coup des propositions d’avenir aux remerciements comme pour mettre fin à tout ? ». Il m’a répondu avec sourire : « Mama, il faut que je vous dise ces remerciements. Je peux aussi les mettre par écrit après ma guérison, si Dieu le veut ». Puis il ajouta : « Mvidi Mukulu mmuena kuenza muende mudiye musue, soyons toujours attentifs à sa volonté. Toute la population de Kananga demande que Dieu opère le miracle pour ma guérison, mais n’oubliez pas qu’Il peut vous répondre dans le sens de son choix. Dans tout ceci, soyons des hommes de foi, car c’est la foi qui sauve ».

A 12 h 30’, il a bien mangé, puis il est allé au lit pour la sieste. A 16 h 30’, il demanda de s’asseoir et, une heure plus tard, alors que nous étions de nouveau en train de causer, j’ai remarqué qu’il s’était effondré dans la chaise avec une respiration très rapide - 46 à la minute - et une pulsation de 126 à la minute. Il était fort fatigué. Avec deux infirmières, nous l’avons remis au lit. Le médecin accouru à son chevet a constaté qu’il avait fait un malaise cardiaque brusque mis en évidence par l’électrocardiogramme. Une heure plus tard, j’ai pris de l’eau bénite, j’ai aspergé dans la chambre; quelques gouttes sont tombées sur lui. Il s’est alors réveillé et a demandé : « Mama, c’est quoi qui tombe comme la pluie ? ». Je lui ai répondu que c’était de l’eau bénite que Mgr Godefroy Mukeng nous avait donnée à Kananga pour utiliser au moment de la prière. Il a ouvert les yeux et dit : « merci beaucoup, alors prions ». Nous avons prié 10 Ave Maria, un Notre Père et la célèbre prière à la Vierge « Sous votre garde nous nous réfugions, Sainte Mère de Dieu... » Après cette prière qu’il aimait réciter jour et nuit, il a dit : « En tes mains Seigneur, je remets mon esprit ».

A 18h00, la sœur Françoise Kalengela nous trouve en train de parler comme d’ordinaire. Nous avons alors proposé à

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Monseigneur de manger. Mais, après avoir mangé la moitié de la soupe, il a tout rendu, ce qui m’a fort inquiétée, car Mgr Bakole me disait souvent qu’il n’avait jamais vomi et que le jour où il vomirait serait le jour de son départ. Beaucoup plus tard, vers 22h00, l’abbé Clément Mutamba est arrivé pour nous relayer: Je lui ai transmis ce qui s’était passé dans la journée afin que lui et l’abbé Gustave Tshilumba soient attentifs en restant avec lui. Vers 1h00 du matin, tandis que ces abbés veillaient sur le malade, le malaise cardiaque s’est reproduit, cette fois avec la chute de la tension artérielle jusqu’à 9/5. Après la réanimation hydrique, la tension est redevenue normale à 12/8.

Jeudi le 3 février, à mon arrivée, j’ai trouvé l’abbé Clément triste et Monseigneur endormi de fatigue. L’abbé m’a fait le rapport de ce qui s’était passé la nuit. Nous avons appelé le Dr Mukenge et le Neurologue. Ce dernier décida de refaire la TAC pour voir si l’ischémie cérébrale ne s’était pas répétée. Je voyais, pour ma part, que Tatu Bakole s’enfonçait dans le coma. Avec l’abbé Clément, nous l’avons lavé et habillé. Vers 10 h 00’, j’ai demandé à l’abbé Clément, Don Louis et l’abbé Benjamin qui travaillent comme aumôniers de l’hôpital de réadministrer le sacrement des malades à Monseigneur. Ce qui fut fait aussitôt. Alors tout s’est précipité. Le Neurologue est venu chercher le malade pour la résonance magnétique qui a confirmé le diagnostic de vasculopathie cérébrale déjà dépistée dès les premiers examens. L’abbé Clément est allé communiquer avec Mgr Godefroy qui se trouvait à Kinshasa pour lui annoncer la dégradation brusque de l’état de santé de Mgr Bakole.

Ramené dans la salle vers 12 h 15’ après l’examen, Tatu Bakole aura encore à subir une intubation pour pouvoir mieux respirer car il avait une insuffisance respiratoire discrète. Etant une infirmière expérimentée, j’ai vu qu’il partait dans la discrétion et j’ai commencé l’accompagnement des mourants

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en récitant le chapelet qu’il aimait tant. Vers 12 h 50’, j’ai remarqué qu’il s’éteignait tout doucement, sans ronflement. J’ai pris ses mains dans les miennes et j’ai récité la prière à la Vierge « Sous votre garde nous nous réfugions... » Ensuite j’ai commencé le Notre Père. Je n’avais pas encore terminé que je l’ai vu expirer paisiblement comme pour dire oui. Il est parti dans le calme, sans agitation, les yeux bien fermés comme s’il dormait. J’ai dit au Seigneur : « entre tes mains je remets son âme, comme il l’a toujours dit ». Les médecins et infirmiers sont venus tout de suite pour dresser le procès-verbal de décès. Alors, j’ai appelé l’abbé Clément pour qu’il communique la triste nouvelle à Mgr Godefroy Mukeng qui se trouvait encore à Kinshasa, ainsi qu’à tous nos prêtres, religieux et laïcs qui séjournent en Europe. Avec les sœurs Françoise et Jacqueline Tshiendenda, nous avons commencé à réciter le rosaire, larmes aux yeux, jusqu’au moment où les agents des pompes funèbres sont venus pour descendre le corps dans le funérarium, vers 16 h 00’.

Ainsi s’acheva la vie de notre père Martin-Léonard Bakole wa Ilunga, Archevêque émérite de Kananga, à l’hôpital Saint Raphaël de Milan au nord de l’Italie, emporté par une vasculopathie cérébrale et un arrêt cardio-respiratoire. Il m’a beaucoup édifiée par sa patience, sa vie de prière et sa foi profonde. Que son âme repose en paix et qu’il intervienne pour nous auprès du Seigneur.

Thérèse ODIE KATALA

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Mgr BAKOLE, HOMME DE FOI DANS LA SOUFFRANCE ET LA MORT

Dans le rite ambroisien, les lectures de la messe des funérailles pour diacre, prêtre ou évêque sont des récits tirés de trois évangiles différents. Il s’agit de Lc 22,7-20.24-30; Mt 27,45-52 et Jn 20,19-23. Le premier récit parle de l’institution eucharistique que l’on considère en même temps comme moment de l’institution du sacerdoce ministériel néotestamentaire. Jésus en donne l’esprit, à savoir le service jusqu’au don de sa vie en rançon pour la multitude. Mt 27,45-52 décrit la mort de Jésus dans une grande déréliction, paradigme de la nuit de la foi. Par contre, en Jn 20,19-23, le Christ, vainqueur de la mort, envoie les disciples en mission après le don de son Esprit pour la promotion de la vie par la rémission des péchés.

Son Excellence Mgr Angelo Mascheroni, Vicaire épiscopal chargé de la pastorale sanitaire au diocèse de Milan, qui a présidé la messe des funérailles de Mgr Martin Bakole wa Ilunga, a fait allusion dans son homélie, à ces trois lectures en les appliquant à la vie pastorale du défunt dans ses axes les plus importants, notamment son dévouement au service de l’Eglise et de son peuple, ses épreuves, entre autres sa maladie et sa mort qui, en Christ, débouchent sur la vie sans couchant. Pour notre part, nous voulons nous arrêter sur le témoignage de foi de Mgr Bakole wa Ilunga dans l’épreuve de la souffrance et de la mort.

Certes, il faut, comme dit St Jean (cf. 1 Jn 1,1-3), avoir entendu, vu de ses yeux, contemplé, touché de ses mains, c’est-à-dire avoir pénétré le secret d’une vie aux multiples péripéties comme celle de Mgr Bakole pour en rendre témoignage adéquatement, surtout dans ses moments cruciaux

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et intimes tels que la souffrance et la mort. Les derniers événements, à savoir la maladie de Mgr Bakole suivie de son hospitalisation à Milan qui s’est terminée avec sa mort le 03 février 2000, nous ont contraint à survoler sa vie de pasteur à la recherche de la source d’énergie spirituelle et de force d’âme dont il a fait montre jusqu’au bout. Dans cette recherche, on ne peut passer outre aux motifs, c’est-à-dire aux convictions religieuses dont cet illustre disparu a vécu, comme, par exemple, celles exprimées dans sa devise épiscopale « Quia ego servus » et sa foi indéfectible dans la résurrection. Notre témoignage porte sur la manière dont Mgr Bakole wa Ilunga a affronté la souffrance et la mort sous ce double aspect.

MGR BAKOLE, SERVITEUR DE DIEU DANS LA SOUFFRANCE ET LA MORT

Nous soulignons, en guise de prémisse, qu’on ne peut pas réduire la souffrance à l’état de maladie qui a conduit Mgr Bakole à la mort. Il faut y inclure les épreuves de sa vie d’homme et de pasteur pour essayer de comprendre son comportement au moment de l’épreuve finale. On pourrait citer parmi ces épreuves, les soucis et problèmes de son Eglise en croissance, l’insuccès dans certaines entreprises de grande importance à ses yeux, la maladie et la mort de ses proches et de ses agents pastoraux. Autant de tribulations qui, comme St Paul (cf. Rm 8,18-24.31-35), au lieu d’ébranler sa foi dans la bonté et l’amour de Dieu, n’ont fait que lui procurer, selon le parcours tracé par l’apôtre pour la maturité de la foi (cf. Rm 6,3-4), constance, persévérance et espérance. Foi et psychologie qui se dégagent clairement de différents documents qu’il nous a laissés, dont Chemins de libération et la lettre pastorale du 08 décembre 1993 intitulée Le temps de l’épreuve, lettre écrite à l’occasion des pillages de la Procure-Economat de l’Archidiocèse de Kananga, avec assassinat de l’abbé Jean de Dieu Mukoma du diocèse de Lwiza.

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Chemins de libération est un livre publié en 1978, pendant la période du culte et de la presque déification de l’autorité politique suprême, période qui marque en même temps le début de notre débâcle sociétaire. En réaction à la tentation du culte de la personne, l’auteur proclame sa foi en Jésus-Christ. En plus, en tant que pasteur soucieux du bien-être de son peuple, il stigmatise le mal social du pays et propose comme voie d’issue la foi au Christ et la conversion à son évangile.

Quant à la lettre pastorale de décembre 1993, elle ne se limite pas à dénoncer les crimes de la violence, à interpeller les différentes catégories sociales. C’est aussi un message de foi et d’espérance qu’on lit à travers le psaume introductoire - la recherche de Dieu et de sa volonté (cf. Ps 25,4-6) -, une exhortation aux agents pastoraux pour ne pas sombrer dans le désespoir, mais chanter sans cesse l’amour de Dieu (cf. Rm 8,35-39) : „nous sommes terrassés, mais pas anéantis“ (2 Co 4,9),

Il faut noter une chose : formé à ce qu’il appelait „la pédagogie de l’effort“ doublée d’une foi inébranlable dans la providence, Mgr Bakole wa Ilunga ne s’est jamais laissé aller au découragement dans l’épreuve de l’insuccès. Il ne lui a jamais manqué non plus d’imagination pour envisager d’autres solutions aux problèmes, lancer de nouvelles initiatives et projets. Fidèle à sa devise épiscopale „ Quia ego servus“ et comme la Vierge Marie, il s’employait à méditer les événements à la recherche de la volonté de Dieu. Sans récriminer, il finissait par considérer avec St Paul, que tout concourrait au bien de ceux qui aiment Dieu, de ceux qu’il a appelés selon son dessein (cf. Rm 8,28). De là, sa soumission en toute circonstance à la volonté de Dieu, à ses desseins insondables. N’est-ce pas le message qui se dégage de l’anecdote de „ Muamba ne mpanga“ toujours présente dans ses propos sur la providence et sur l’imprévisibilité de la

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pensée et de l’action de Dieu ? En voici le contenu : „ Muamba ne mpanga, tatuende wa Muamba ne yende. Muamba ne pajika budimi nenye kuetu. Tatuende wa Muamba ne pajika budimi nemmupane“. Autrement dit, „ l’homme propose, Dieu dispose“.

Aussi Mgr Bakole wa Ilunga réussissait-il à amortir les chocs, s’effaçant devant Dieu sans trahir le dynamisme et la créativité qui lui étaient caractéristiques. On pourrait lui appliquer, surtout dans la dernière période de sa vie, cette tension entre la vie et la mort que Paul décrit en ces termes : „pour moi, vivre, c’est Christ, et mourir m’est un gain. Mais si vivre ici-bas doit me permettre un travail fécond, je ne sais que choisir. Je suis pris dans un dilemme, j’ai le désir de m’en aller et d’être avec Christ et c’est beaucoup préférable, mais demeurer ici-bas est plus nécessaire à cause de vous. Aussi, je suis convaincu, je sais que je resterai, que je demeurerai près de vous tous, c’est pour votre progrès et la joie de votre foi, afin que grandisse grâce à moi, par mon retour auprès de vous, la gloire que vous avez en Jésus-Christ“ (Ph 1,21-26). Tension qu’il a su gérer harmonieusement. En effet, il était aussi bien disposé à partir de ce monde qu’à vivre parmi les hommes surtout pour continuer son programme de développement intégral qui est resté jusqu'à la fin un motif, une passion de son existence. Ne faut-il pas prendre en compte cette tension pour expliquer aussi bien l’optimisme et les énergies spirituelles qui ne l’avaient jamais quitté un seul instant que la sérénité, la tranquillité dans sa maladie suivie d’une mort, on ne peut plus paisible ?

QUI VIT ET CROIT EN MOI NE MOURRA JAMAIS (JN 11, 26)

Comme dit St Paul, „s’il n’y a pas de résurrection des morts, Christ non plus n’est pas ressuscité, et si Christ n’est pas ressuscité, notre prédication est vide et aussi notre foi... Si nous avons mis notre espérance en Christ pour cette vie

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seulement, nous sommes les plus à plaindre de tous les hommes“ (1 Co 15,13-14.17). En effet, sans perspective du futur heureux en Dieu, combien se seraient libérés de l’angoisse de la mort ? Comment sortir de la fameuse crise vétérotestamentaire au sujet de la doctrine de la rétribution terrestre dès lors que l’on voit le méchant progresser et le juste sombrer dans la misère et la persécution ? Autrement dit, à quoi bon être serviteur de Dieu si son sort est identique si pas pire que celui des autres humains ? Mais à la lumière de la foi dans la résurrection, la vie revêt un sens nouveau. Les épreuves et la mort prennent une autre signification (cf. Rm 8,18-24.31-35; Col 1,24). La vie vaut la peine d’être vécue.

Il y a plus pour le chrétien. Il ne s’agit pas seulement de la résurrection au dernier jour qui n’a pas empêché Marthe de récriminer contre Jésus (cf. Jn 11,21-22.24). Il y a aussi et surtout une espèce de résurrection hic et nunc, une naissance à la vie nouvelle, à laquelle accède Marthe dans sa confession de foi en Jésus comme résurrection et vie (cf. Jn 11,25-27). Selon la logique du texte, on pourrait dire que cette „résurrection“ de Marthe, non seulement a précédé celle de Lazare, mais a présidé à celle-ci (cf. Jn 11,40.43-44).

L’attitude de Mgr Bakole face à la mort renverrait plutôt à cette seconde Marthe. Celle-ci a cru que celui qui croit en Jésus, même s’il meurt, vivra et que quiconque vit et croit en lui ne mourra jamais (cf. Jn 11,27). Elle jouissait déjà par cette foi, de la vie éternelle que la mort ne pouvait entamer. C’est cette même foi que Mgr Bakole wa Ilunga a toujours confessée devant la mort de tout homme, en particulier de ses proches par le sang et par la foi. Du reste, l’on connaît le refrain : Mfumu atumbishibue (« Dieu soit loué »), avec lequel il accueillait les annonces de décès. Ainsi, a-t-il toujours prêché avec conviction la résurrection du Christ et de celle de qui meurt en Lui, exhorté, comme St Paul, à ne pas pleurer comme ceux qui n’ont pas d’espérance (cf. 1 Th 4,13), jusqu'à se

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déclarer un « anti-deuil ». Sans cependant verser dans l’indifférence et l’apathie. En fait, c’était avec humanité et compassion qu’il s’employait à consoler les affligés par la mort. Il savait trouver les mots appropriés pour réconforter les cœurs meurtris. Moi-même, j’en ai bénéficié à la mort de mon père en octobre 1995. En plus, il n’oubliait pas de visiter et d’assister ses prêtres malades. On se rappellera des visites rendues aux Abbés Jean Mashala, mort en 1990 et Jonas-Pierre Kabasele qui a d’ailleurs rendu l’âme presque dans ses bras en 1991.

C’est fort de cette foi que Mgr Bakole wa Ilunga a affronté sa propre épreuve finale de maladie et de mort. On ne l’a pas vu s’agiter ou se préoccuper de son sort. Plus méditatif qu’expressif, il est resté tranquille jusqu'à son dernier souffle qui, selon sa foi, marquait l’entrée dans la vie nouvelle avec Dieu.

CONCLUSION

Il est vrai que la situation générale de notre société et de nos Eglises offre plus de motifs de découragement et de démission que des raisons pour espérer et s’engager. Mgr Bakole wa Ilunga, qui n’a jamais cessé d’être optimiste, nous laisse une arme pour affronter la vie, à savoir la foi dans la providence suivie d’un engagement concret pour écrire nous-mêmes notre histoire, transformer notre société. Il est question de promouvoir la vie et de réduire la souffrance et la mort.

Ainsi, célébrer sa mémoire ne va pas sans croire en Dieu, accueillir son souffle créateur, en l’occurrence l’Esprit du Christ. Foi qui va de pair avec l’esprit de créativité et d’entreprise qui ne seront que l’exécution de ce qui, dans Chemins de libération est l’ordre que Christ intime à tout croyant tenté de désespoir et de paralysie : « lève-toi et marche. » (cf. Mc 2,11-12).

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Mgr Bakole wa Ilunga nous laisse aussi un exemple d’humilité devant Dieu. Cette attitude n’est-elle pas la clé d’accès à la sagesse divine ? Il nous faudra, comme la Vierge Marie, laisser sans cesse un espace à Dieu dans notre vie pour que notre action devienne une contribution à la réalisation de ses desseins. Méditer les épreuves à la lumière de la foi dans la providence ne peut qu’aider à ne jamais être anéanti, même lorsqu’on est terrassé. C’est la condition pour reprendre le chemin de la vie. Car, dit Jésus, « C’est par votre persévérance que vous gagnerez la vie. » (Lc 21,19).

Clément MUTAMBA NGALAMULUME

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L’Archevêque Martin-Léonard Bakole wa Ilunga, digne successeur de ses prédécesseurs

A l’occasion de la mort de l’Archevêque Mgr Bakole wa Ilunga plusieurs homélies et discours ont été prononcés, mettant en lumière les qualités exceptionnelles de ce Pasteur de l’Eglise particulière de Kananga, les réalisations opérées par lui et l’influence extraordinaire qu’il a eue sur le cours des choses et les habitants de son diocèse et même en dehors de celui-ci. Mais la personnalité de Mgr Bakole était si vaste et si riche en qualités et talents, qu’il n’est pas possible d’en donner, en quelques pages, une description exhaustive.

J’ai eu le bonheur de pouvoir travailler, pendant de longues années, dans l’ombre de Mgr Bakole, de parler souvent avec lui, d’entendre et d’écouter ses pensées et ses réflexions, de suivre ses indications pour rédiger des textes ou de la correspondance. Souvent j’ai même dû contenir mon impatience devant le flot intarissable de ses paroles et les explications tirées de son expérience qui était comme une bibliothèque volumineuse.

En entendant Mgr Bakole, je constatais toujours la richesse de ses vues, la droiture de ses opinions et le souci du bien commun et de l’Eglise. En toutes circonstances et pour toutes les décisions à prendre il voulait agir en évêque ayant le sens et le souci de l’Eglise. En agissant ainsi il se plaçait dans la ligne des grands évêques du Kasaï, ses prédécesseurs.

Mgr Bakole a été à la base de très nombreuses réalisations durant la période de son épiscopat dans l’Archidiocèse de Kananga de 1967 à 1997. Il a été le promoteur de nombreuses constructions qui devaient améliorer le bien-être spirituel et matériel de la population : églises, dispensaires, hôpitaux, ponts, écoles, etc. Il a travaillé beaucoup pour le développement et pour l’amélioration de la

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santé. Il a fait des efforts sans nombre dans tous les domaines de la vie de la population afin que celle-ci vive mieux. La dégradation progressive de la situation générale l’attristait énormément ; il essayait de la combattre par tous les moyens possibles, par des actes aussi bien que par la parole, mais il devait constater son impuissance devant les négligences et le désintéressement de la part des pouvoirs publics.

En tant qu’évêque, Mgr Bakole avait comme premier devoir évangéliser la population, c’est-à-dire faire connaître, aimer et suivre Jésus-Christ. Mais il était convaincu que la seule action de l’évangélisation proprement dite était insuffisante. Pour lui, l’évangélisation devait être comprise comme une libération de l’homme complet ; par conséquent elle devait aller de pair avec des actions dans le domaine du développement humain sous tous ses aspects. L’amélioration de l’agriculture, la construction des ponts pour désenclaver des régions entières, la structuration de la médecine préventive, l’introduction de la farine soja dans la nourriture, la formation de l’esprit communautaire dans les villages, tout cela était, pour Mgr Bakole, des aspects de l’évangélisation qui devaient être réalisés de concert avec l’enseignement de la Bonne Nouvelle. C’est pourquoi il parlait toujours du développement intégral. Il disait : « évangéliser, c’est développer et développer, c’est évangéliser ». Il a expliqué cette conception dans son livre Chemins de Libération, paru d’abord en français à Kananga et traduit ensuite en anglais (Paths of Liberation).

Proclamer la Bonne Nouvelle du salut tout en laissant la population dans la pauvreté et le dénuement, n’est pas conforme à la volonté et aux intentions de Jésus-Christ. Celui qui évangélise doit également et en même temps faire des efforts et entreprendre des actions afin de promouvoir le bien-être temporel et matériel des évangélisés. Mais l’évangélisateur doit aussi savoir que le développement stable ne peut être obtenu que s’il émane de la population elle-même.

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Le rôle de l’évangélisateur, dans le domaine du développement, commence toujours par des actions de sensibilisation de la population afin que celle-ci comprenne qu’elle doit elle-même se mettre à l’œuvre pour obtenir ou réaliser ce qu’elle veut avoir. Une assistance et une aide données par d’autres personnes ou organisations ne sont souhaitables que pour ce qui dépasse les possibilités de la population qui s’est mise à l’œuvre.

L’évangélisation conçue de cette façon est en même temps une marche vers le développement et vers la libération de la population. Quand pendant une visite à une communauté chrétienne, à une mission ou une autre entité, la population demandait un dispensaire, une église, un pont ou autre chose, Mgr Bakole répondait toujours de la même façon : „commencez vous-mêmes“. Quand plus tard il se rendait compte que la population s’était effectivement mise au travail de façon organisée, il promettait et donnait de l’aide.

L’Eglise du Kasaï est née quand le Père Emery Cambier célébra pour la première fois l’eucharistie sur la colline de Mikalayi le 8 décembre 1891. Par l’évangélisation, cette jeune Eglise allait prendre un essor extraordinaire et le nombre de chrétiens et de nouvelles missions allait augmenter d’année en année. Jusqu’en 1913 le responsable de cette Eglise était le Père Cambier, un pionnier, un bâtisseur, un fonceur, un pragmatique, porté plutôt sur l’action que sur la réflexion. Il était devenu Préfet Apostolique en 1904, mais n’était pas investi de la dignité épiscopale.

En 1917 cette jeune Eglise du Kasaï devint un Vicariat Apostolique. Pour le diriger il fallait un homme sage et pastoral, capable d’organiser la vie chrétienne de l’Eglise. Rome désigna Mgr Auguste De Clercq qui était arrivé à Mikalayi comme jeune missionnaire en 1894. Comme Vicaire Apostolique, il était investi de la dignité épiscopale et dirigea

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l’Eglise du Kasaï pendant 20 ans, jusqu’en 1938. C’était un homme de valeur et de piété exceptionnelles, très érudit, connaisseur de la théologie, spécialiste en langues et ethnologie africaines. C’est surtout par ses Lettres Pastorales - il en écrivit 62 - qu’il dirigea et organisa son Eglise. En même temps il forma ses missionnaires par une série de conférences sur les dix commandements, éditées en 1930 dans un recueil intitulé : Recueil d’Instructions Pastorales.

Après Mgr De Clercq, Mgr Georges Demol dirigea l’Eglise du Kasaï de 1938 à 1948. C’était un homme intelligent, mais très humble et très simple. Il se contenta de diriger son Vicariat selon les directives et les usages laissés par son prédécesseur.

L’évêque suivant était Mgr Bernard Mels, de 1949 à 1967. Pendant son épiscopat plusieurs nouveaux diocèses furent érigés au Kasaï : Kabinda (1953), Mueka (1953), Luebo (1959), Mbujimayi (1963) et Luiza (1967). En 1959 la hiérarchie fut érigée et les vicariats devinrent des diocèses ou archidiocèses. Mgr Mels était un homme d’une grande intelligence et d’une force exceptionnelle de travail. Il a fait beaucoup pour l’enseignement et les institutions de santé ; il a fondé une série de nouvelles paroisses et missions et a grandement amélioré l’infrastructure matérielle de celles-ci. Comme Mgr De Clercq, il donnait ses directives et instructions par la voie de Lettres Pastorales ; il en a publié une quarantaine.

En 1966 Mgr Martin-Léonard Bakole fut nommé évêque. D’abord Auxiliaire de Mgr Bernard Mels ; il devint son successeur à la tête de l’archidiocèse de Kananga en décembre 1967. Cette charge était lourde et comprenait une grande responsabilité, car il devait porter la succession des évêques de la valeur de Mgrs De Clercq et Mels. Martin-Léonard Bakole s’en acquitta avec brio.

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Il avait une grande admiration pour ses prédécesseurs, surtout pour Mgr Auguste De Clercq qu’il avait encore connu. En effet, quand le jeune Bakole fut admis au Petit Séminaire de Kabue en janvier 1938, Mgr De Clercq était encore à Mikalayi et ne quitta le Kasaï définitivement qu’en octobre 1938 pour des raisons de maladie qui allait le conduire à la mort. Mgr Bakole parlait souvent de Mgr De Clercq et de son Recueil d’Instructions Pastorales dont il a fait rééditer une partie en 1985 dans la Collection Ponts, sous les numéros 9 et 10 : Les chrétiens devant les Manga, Bakishi, Mikiya ; Les chrétiens devant le Mupongo-Buloji.

Comme ses prédécesseurs, Mgr Bakole communiqua ses directives et conseils à ses prêtres et ses chrétiens par la voie de Lettres Pastorales. Il en a écrit une cinquantaine. Certaines d’elles sont de vrais petits traités : L’assassinat de l’amour ; L’année mariale ; L’Eucharistie, etc. D’autres sont plutôt des lettres communiquant des directives ou des conseils. Ensemble, elles donnent un bel aperçu et un résumé de l’action pastorale et humaine de Mgr Bakole dans son diocèse.

Mgr Bakole voyait trois grandes priorités pour le bien de son diocèse : la formation 1) de prêtres, 2) de religieux et 3) de laïcs engagés. Quand il devint Archevêque de Kananga en 1967, il n’y avait que huit prêtres séculiers incardinés dans le diocèse et seulement quelques religieux et religieuses. A la fin de son épiscopat, il y avait dans son diocèse 120 prêtres séculiers et environ 250 religieuses africaines. En même temps de nombreux laïcs avaient été formés soit par l’œuvre des Balami soit par l’Institut de Sciences Religieuses, fondé par lui.

Ce que j’admirais le plus chez Mgr Bakole, c’était son sens de l’Eglise, sa préoccupation pour l’Eglise au Kasaï. Dans les décisions qu’il devait prendre, dans les nominations ou les choix qu’il devait faire, il se laissait conduire par ce souci pour l’Eglise. Je suis convaincu que l’esprit clanique ou tribal ne

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jouait jamais un rôle dans ses actions, ses choix et l’exercice de ses responsabilités. Ce qui comptait pour lui était le bien de l’Eglise et des chrétiens ; aucune autre considération n’entrait en ligne de compte.

Mgr Bakole a été Archevêque de Kananga pendant environ 30 ans. Quand nous pensons aux changements qui se sont opérés pendant cette période dans le domaine politique, économique et dans la vie de la population, nous voyons que la fonction épiscopale a exigé de lui un dévouement de tous les jours. Il s’en est acquitté de façon exemplaire : il a été un grand évêque qui a continué très dignement la lignée des évêques du Kasaï.

Joseph VAN KEERBERGHEN

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Témoignage de Gérard Bulcke

J’ai eu la joie d’être missionnaire au Kasaï de 1956 à 1994. Dans les années difficiles qui ont suivi l’indépendance, il était devenu clair qu’il fallait une nouvelle approche de l’engagement missionnaire, qu’il fallait inventer de nouvelles méthodes pour le travail pastoral, aussi bien en ville qu’en milieu rural. Le contexte colonial dans lequel l’Eglise avait vécu et fleuri n’existait plus. Beaucoup de missionnaires ne se retrouvaient plus dans le nouveau Congo.

Deux faits historiques, mieux deux dons du ciel, ont fait tourner la marée. D’abord le Concile Vatican II et puis la venue de Mgr Martin-Léonard Bakole comme archevêque de Kananga, succédant à Mgr Bernard Mels. Mon témoignage comprend deux volets dans la mesure où, avec Mgr Bakole, j’ai dû travailler d’abord en tant que responsable de l’œuvre des Balami, ensuite comme Provincial des missionnaires de Scheut.

1. L’œuvre des Balami est née à Tshikula. La nouvelle compréhension de l’Eglise nous poussait à aller vers les chrétiens avec un message clair et simple : « Vous êtes le peuple de Dieu, vous êtes l’Eglise. Il faut que parmi vous, il y ait des hommes et des femmes qui prennent soin de cette Eglise; des responsables dans chaque village... Que dans chaque village, avec l’aide du Saint Esprit, les chrétiens se constituent en communauté chrétienne encadrée par un Mulami mandaté par la hiérarchie ».

Tout n’a pas été si clair au début. Je crois qu’une bonne vision théologique et une sérieuse expérience pastorale ont permis de cheminer. De temps en temps nous étions comme les disciples d’Emmaüs, déçus, désorientés, jusqu’au moment où le nouvel Archevêque venu de Lovanium est venu se joindre à nous et nous a ouvert les yeux.

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Dès le premier contact que j’ai eu avec Mgr Bakole au sujet des Balami, j’ai su que nous allions réussir. Il n’était pas seulement enthousiaste, il ne m’a pas envoyé sur le terrain avec une bonne bénédiction et la promesse de l’aide nécessaire; mais il voulait tout savoir : ce que je faisais, ce en quoi consistait cette oeuvre des Balami, le but poursuivi, les moyens de formation et ce que j’avais sur mon agenda pour les mois à venir.

Pendant toutes les années que j’ai travaillé avec lui, Mgr Bakole n’a jamais manqué de montrer son intérêt pour cette oeuvre. Partout où il arrivait, il encourageait les Balami. Il a présidé lui-même presque toujours la cérémonie des promesses et de l’envoi. Il était préoccupé de la formation intégrale de l’homme et de tout homme et il avait vite compris que le Mulami dans les communautés rurales était appelé à jouer un grand rôle. Il ne voyait pas le Mulami comme prolongement du Père ou de l’Abbé routier, mais comme animateur de la communauté, issu de la communauté et se dévouant simplement pour elle. C’est ainsi que Mgr Bakole a toujours plaidé pour le bénévolat : le Mulami devait avoir un gagne-pain soit comme agriculteur, soit comme artisan, infirmier ou enseignant. C’est le mérite de l’archevêque Bakole d’avoir institutionnalisé et officialisé pour ainsi dire la vocation du Mulami.

Il est évident que l’œuvre des Balami a évolué et connu des hauts et des bas. Fort heureusement la formation des Balami s’est intensifiée au cours des années. Apprendre aujourd’hui que l’Institut de Sciences Religieuses pour Balami en chef devient un Institut supérieur pour former des gradués en Sciences Religieuses, est un signe que l’Eglise du Kasaï a résolument choisi pour la diversification des ministères pastoraux. Là encore nous devons remercier Mgr Bakole qui, dans sa grande lucidité, a créé l’infrastructure nécessaire pour cette évolution heureuse.

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Pour conclure ce point, je peux dire qu’en relation avec l’œuvre des Balami je n’ai jamais eu la moindre difficulté avec lui. C’était toujours l’encouragement, la confiance. Il aimait bien être informé de ce qui se passait, des réussites et des difficultés. J’ai toujours apprécié qu’il ait mis cette oeuvre dans un cadre plus large, notamment dans sa pastorale de développement intégral du milieu rural, tout en insistant sur les tâches simplement pastorales comme le service de la prière dominicale, la catéchèse, les soins des malades, les cérémonies de deuils, etc.

2. J’arrive à mon deuxième point : mes relations comme Provincial de Scheut avec Mgr l’archevêque Bakole wa Ilunga, de 1972 à 1980.

C’est durant son épiscopat que l’Eglise de Kananga est devenue une Eglise vraiment locale, avec des cadres et des structures propres. L’Archevêque n’y allait pas à toute vitesse, il ne prenait pas ses décisions à la hâte; une authenticité bon marché ne l’intéressait pas. C’est dans cette même période que, à mon avis, Scheut au Kasaï a retrouvé son identité, notamment celle d’être un groupe missionnaire au service de l’Eglise locale, sensible aux besoins concrets de cette Eglise et soucieux de la rendre autonome. Je n’aurais pas pu écrire cela il y a vingt ans. C’est à la lumière de l’histoire que je peux maintenant dire que nous avons retrouvé notre place dans une Eglise kasaïenne devenant chaque année plus adulte et plus africaine.

Avant tout je tiens à souligner que Mgr Bakole avait une grande confiance dans les missionnaires. Il nous aimait. Il connaissait chacun de nous. Comme il avait une vision claire et qu’il avait stipulé le chemin à suivre, il insistait aussi qu’on le suive sur cette voie. Tout en laissant une grande marge de créativité, il demandait de le suivre.

Quand j’ai commencé mon mandat de Provincial de Scheut, j’avais déjà travaillé cinq ans avec lui comme Tatu wa

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Balami. C’était en 1972. J’avais l’habitude d’être ouvert avec lui et vice versa. Mgr Bakole était un homme d’accueil, un homme de dialogue. On pouvait toujours exposer son point de vue.

Les tensions entre l’Archevêque et la congrégation de Scheut qui constituait la grande majorité de ses prêtres ne pouvaient pas surprendre. Nous, moi-même ainsi que la plupart de mes confrères, n’avions pas encore intériorisé toute la richesse de ce qu’est une Eglise locale. Souvent, nous nous comportions comme des prêtres diocésains, mais avec un propre supérieur religieux. Je crois que là était la source de tensions. Comme fondateurs de cette Eglise nous nous comportions souvent inconsciemment en maîtres de cette Eglise. Que cela énervait l’Archevêque ne peut surprendre ; il devait lui aussi être fidèle à sa mission et prendre sa responsabilité de pasteur.

Lentement on a appris à dialoguer, à écouter, à relativiser et souvent à se pardonner. Au fur et à mesure que le clergé local grandissait, le groupe de Scheut diminuait. Parfois nous étions pressés ou trop lents pour céder certaines responsabilités clés. Toute cette transition d’une congrégation qui a tout en mains dans l’archidiocèse à une congrégation qui connaît son terrain et ses limites, s’est réalisée pendant l’épiscopat de Mgr Bakole.

Moi-même j’ai quitté la scène comme Provincial de Scheut en avril 1980. L’Archevêque est resté un grand ami. Tout le cheminement que j’ai fait avec lui m’a formé, m’a enrichi, m’a aidé à faire confiance dans l’avenir de l’Eglise du Kasaï. Les dernières années, j’ai souvent rencontré Mgr Bakole à Scheut-Bruxelles. Quelle joie de rencontrer un homme si simple, si cordial, si joyeux, si paisible et ouvert. Notre relation continue, et un jour, dans l’au-delà, nous allons rire beaucoup en nous racontant les souvenirs du passé.

Gérard BULCKE

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TROISIÈME PARTIE

MESSAGES

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Message de Claudel André LUBAYA

Dituku dia lelu, tudi basangile bonso muaba ewu bua kuvuluka muntu munene ewu uvua muyishi munene, uvua musadidi wa bantu.

Mu dina dia Mfumu wa ditunga dietu dia Kongo, tudi tunuela mioyo ya dibungama.

Excellence Monseigneur l’Archevêque,

Il est de ces occasions, comme celle d’aujourd’hui, où les mots à eux seuls ne suffisent pas pour exprimer ce que du fond du cœur on ressent. Car en ce jour, la ville de Kananga, la Province du Kasaï Occidental, la République Démocratique du Congo, nous tous, nous avons perdu.

En Monseigneur Bakole, nous avons perdu un homme, en Monseigneur Bakole, nous avons perdu une idée, en Monseigneur Bakole, nous avons perdu une pensée, en Monseigneur Bakole, nous avons perdu un esprit.

Il nous faudra, certes, beaucoup de mots, beaucoup de jours, beaucoup de temps et beaucoup d’années pour accepter ce qui n’est d’autre que la volonté de Dieu. Il nous faudra beaucoup de temps, beaucoup de jours, beaucoup de mois et beaucoup d’années pour avoir encore la copie ou sinon l’original de Monseigneur Bakole.

J’ai rencontré Monseigneur Bakole le jour où il se rendait à Kinshasa à destination de l’Europe pour aller se faire soigner.

Dans sa chambre à coucher à Muamba Malole, il m’a dit ceci : « Gouverneur, merci d’être venu me visiter, en ce temps où je dois partir. Je dois me rendre en Europe pour me faire soigner. Mais, je sais que tout est fini pour moi ».

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Je lui dis : Monseigneur, vous ne pouvez pas parler ainsi, allez en Europe et revenez-nous en bonne santé.

Il m’a dit : « Gouverneur, tshintu mmmakumi a Nzambi ». J’ai parlé avec Monseigneur Bakole. Il m’a dit : « J’ai consacré toute ma vie à la prière pour la prospérité de cette province, pour la prospérité de ce pays, pour la prospérité de ce peuple. Je ne regrette rien, je dois partir. Et maintenant que je dois partir, Gouverneur, je ne vous demande qu’une chose : Gardez ce peuple, gardez cette province, gardez cette voie que vous avez commencée ».

Evidemment, c’est difficile en des jours pareils d’exprimer ce que l’on peut ressentir du fond du cœur. Evidemment, c’est difficile en ces jours pareils de dire des mots, d’adresser des mots à Monseigneur Bakole Martin.

Tout ce que nous pouvons dire c’est : A Dieu Monseigneur ! A Dieu, parce que Dieu a demandé que vous alliez chez Lui, A Dieu et à bientôt Monseigneur. Merci.

Claudel André LUBAYA

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Message de Paul Kapita Shabangi

C’est sur mon lit d’hôpital en Belgique où je viens de subir une opération chirurgicale au Centre Hospitalier du Bois de l’Abbaye de Hesbaye à Liège, que j’ai douloureusement appris le décès de Son Excellence Mgr Martin-Léonard Bakole wa Ilunga. Cette triste nouvelle a eu sur mon être l’effet d’une bombe. C’est avec beaucoup de peine que j’adresse ce message par personne interposée. J’aurais voulu être physiquement aux obsèques jusqu'à Mikalayi, en passant par Kananga, mais hélas.

Mgr Bakole wa Ilunga est une grande personnalité historique de notre pays et de notre Province, le Kasaï Occidental. Si je dois laisser aux autres qui sont plus compétents que moi le soin de présenter en profondeur ses multiples facettes, j’aimerais par contre, en ce moment précis, évoquer quelques souvenirs personnels.

D’abord, un souvenir d’enfance. En 1953, alors que j’étais à ma première année primaire à Kamonia, lui y était Abbé vicaire, quelques mois avant son ordination. Chaque fois lors de ses tournées, il ne manquait jamais de passer chez mes parents. A ma mère, il disait souvent : „Mua Paulo, ngenzela kawulu“ (entendez le bidia avec une boîte de sardines, car pour lui, ça se préparait à la vitesse et la rapidité d’un train) ; tandis qu’à mon père, il disait en me fixant dans les yeux : „Muana eu yeye kayi mulue mukalenge Abbé nealue mukalenge munene wa bantu“. Paroles toutes prophétiques.

Ensuite, il y a ce souvenir d’âge mûr. En 1982, pendant que j’étais en prison à Osio (Province Orientale) pour des raisons d’opinion politique, j’ai appris, par indiscrétion d’un missionnaire que Mgr Bakole comptait parmi les grands pasteurs en Afrique Centrale, en raison de ses oeuvres, de son envergure. Saisissant cette opportunité, je lui adresserais une lettre par laquelle, je lui demanderais de peser de tout son poids pour que l’Eglise Catholique accepte de nous soutenir dans notre combat politique contre la dictature. A la lecture de cette lettre, Mgr

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Bakole était bouleversé jusqu'à laisser couler des larmes, m’a-t-on appris dans ma prison. La suite, nous la connaissons tous.

Encore un autre souvenir : à l’intronisation de Mgr Tshibangu Tshishiku en 1992 à Mbuji Mayi, où je représentais le Gouvernement de Transition, Mgr Bakole, qui était du nombre des intervenants, avait prononcé un discours d’une profondeur qui tranchait nettement avec d’autres discours précédents. En un mot, Mgr Bakole était une personnalité marquante de notre histoire, d’une énergie incommensurable et l’un des modèles de notre société.

Enfin, pas plus tard que samedi le 22 janvier 2000, nous avions pris ensemble le même vol de Sabena, mais sans nous rencontrer. C’est à la descente d’avion à l’Aéroport de Zaventem en Belgique que Mgr Bakole me reconnaîtra, au grand étonnement de la Mère Générale Odie Katala qui l’accompagnait et de l’abbé Tshilumba Washara qui poussait sa chaise roulante. A cette occasion, Mgr Bakole m’a lancé : „Mukalenge Kapita, mukalenge Ministre, nunteke mu masambila, Nzambi amfuile luse“. Et je lui ai répondu : „Monseigneur, wewe udi muenzele Nzambi mudimu mupite bunene, Nzambi akufuile luse“. Depuis lors, mon épouse et moi-même, n’avions cessé, dans nos prières, de le recommander à la miséricorde du Tout-Puissant.

A la famille de l’illustre disparu, aux fidèles de l’archidiocèse de Kananga, à l’ensemble du clergé de la République Démocratique du Congo, aux amis et connaissances, je présente mes condoléances les plus attristées. Que l’âme de Mgr Martin-Léonard Bakole wa Ilunga repose en paix.

Paul KAPITA SHABANGI

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Hommage du Président National de la Conférence pour le Développement Socio-économique du Kasaï

Occidental ( CODESKO) aux obsèques de Mgr Martin- Léonard BAKOLE wa ILUNGA, Archevêque Emérite de Kananga.

- Excellence Monseigneur l’Archevêque de

Kananga, Godefroid Mukeng’a Kalond - Excellence Monseigneur le Vice-Président de la

Conférence Nationale des Evêques du Congo, Monseigneur Emery KABONGO KANUNDOWI, Archevêque – Evêque de Luebo,

- Leurs Excellences Nosseigneurs, - Révérends Abbés, Révérends Pères, Révérendes

Sœurs, Révérends Frères, - Peuple bien aimé de Dieu ;

C’est avec les larmes aux yeux que j’ai suivi

l’émouvante homélie de Monseigneur l’Archevêque de Kananga ainsi que les différents messages prononcés en hommage au Prélat qui gît ici inanimé, Monseigneur Martin BAKOLE wa ILUNGA. De tout ce que j’ai entendu, j’ai retenu une seule chose, et c’est là mon hommage au grand serviteur de Dieu que nous pleurons tous aujourd’hui : il nous faut poursuivre et parachever l’œuvre titanesque commencée par Monseigneur BAKOLE wa ILUNGA. Nous devons réhabiliter et reconstruire les églises, les écoles, les centres de santé, les routes, les bacs et les ponts que cet infatigable animateur du développement intégral a réalisés durant plus de trente ans d’épiscopat. Nous devons prolonger sa réflexion et faire vivre ses nombreux écrits. Nous devons sauvegarder la BISOKA (

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Biscuiterie de soja du Kasaï ) pour laquelle un brevet d’inventeur a été décerné à l’Archevêque émérite. Pour ma part, en ma qualité de Président de la Codesko, je tiens à remercier spécialement Monseigneur BAKOLE pour son implication sans réserve dans la réalisation du barrage hydroélectrique de Katende. Avec lui, nous avons commencé le projet qui a pris corps et a connu un début d’exécution. C’est pourquoi, par amour pour Monseigneur BAKOLE, par amour pour notre peuple, nous avons le devoir sacré de poursuivre cette œuvre grandiose jusqu’au jour où le Kasaï Occidental va voir s’allumer dans chaque ville, dans chaque Bureau, dans chaque usine et dans chaque case une ampoule électrique provenant de notre source d’énergie autonome. Nous avons déjà cotisé beaucoup d’argent, le Gouvernement a donné sa contribution. Tout cela est logé dans un compte bancaire avec une comptabilité rigoureuse et transparente. Continuons nos collectes des fonds et travaillons en partenariat Eglise-Etat-Peuple souverain, pour terminer la centrale hydroélectrique de Katende. C’est là le grand hommage bien mérité que nous avons le devoir de rendre à ce grand et digne fils du Kasaï, du Congo et de l’Eglise Universelle. Que l’âme de Monseigneur Martin Léonard BAKOLE repose dans la paix du Seigneur Jésus Christ qui a vaincu la mort par sa résurrection.

Le Président de la CODESKO Gilbert TSHIONGO TSHIBI NKUBULA wa NTUMBA

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Message du diocèse de Kabinda

Bena Maweja, muoyo wenu au ! Sangayi wabo ! Badyanoo ! Badyaano !

Bena diiku dya Maweja didi mu diocèse dya Kabinda badi ne cinyongapelu cinene bwa lufu lwa Taatu Bakole wa Ilunga, mwarkepiskopo mubikuke wa Kananga.

Madilu adi manukwate aa mmatukwate twetu bonso. Ke bwalu kaayi, nansha mutudi ku luseke ludi mvita, tudi baditacishe bwa kuvwa kunusamba nwenu baana beetu bonso beena Kananga pamwe ne mukubi wenu mukulu Taatu Mukeng’a Kalond.

Tudi bavwe ne baasaserdose banaayi ne ba-mansele babidi. Tusambila ne tulomba kudi Mwena Kuulu bwa afikishe mu diikisha dya kashidi mumusadidi wende udiye mubikile, ne abweje bupole mu Kasayi wetu, mu ditunga dyetu dijima dya Kongo.

Taatu Bakole Martin, waya bimpe ! Mgr Valentin MASENGO NKINDA

Evêque de Kabinda

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Message du diocèse de Lwiza

Excellence Monseigneur l’Archevêque,

C’est avec consternation et douleur que l’Eglise sœur de Lwiza a appris le vendredi 04/02/2000 le décès de Son Excellence Mgr Martin-Léonard Bakole wa Ilunga, Archevêque émérite de l’archidiocèse de Kananga, décès survenu à Milan un jour plus tôt.

Le diocèse de Lwiza représenté par son pasteur et quelques-uns de ses membres partage votre douleur et vient rendre un hommage bien mérité à l’illustre disparu. Il vous accompagne de sa sympathie et de sa prière.

S.E. Mgr Martin Léonard Bakole wa Ilunga dont la mort nous réunit en ce jour a joué un rôle très important dans l’évangélisation de notre Kasaï. De lui, nous gardons dans nos cœurs le souvenir d’un Pasteur et Homme de foi profonde en celui qui a dit voici 2000 ans : « Je suis la résurrection et la vie, qui croit en moi, même s’il meurt vivra » (Jn 11,25). De lui, nous gardons également le souvenir d’un acteur très actif et toujours engagé dans le développement.

A vous son successeur sur le siège métropolitain, au clergé local, aux religieux et religieuses, à toute la famille de Dieu qui est à Kananga et particulièrement à sa famille, nous présentons nos condoléances les plus attristées. Qu’il repose en paix dans la cité céleste où, nous en sommes sûrs, il intercédera pour tous ceux qu’il a servis jusqu’au bout.

René KALUME KAMWE

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Message du diocèse de Mbuji Mayi

Son Exc. Mgr Bakole wa Ilunga, maintenant disparu à nos yeux, fait partie sans conteste du nombre des évêques les plus remarquables de la génération des évêques africains du XXe siècle. Il constituait une personnalité très dynamique, en même temps que très attachante.

Personnellement ; je suis entré en rapport avec lui, alors que j’avais encore 16-17 ans. C’est lorsque, avec Célestin Mubengayi, le Petit Séminaire de Lubumbashi, nous autorisait à aller passer un séjour d’une dizaine de jours au Kasaï. Nous ne manquions pas d’aller alors saluer les grands séminaristes à Kabue. Spécialement, nous allions dire bonjour en particulier à l’abbé Martin Bakole qui était dans ses dernières années de théologie. Le geste que personnellement je n’ai pas oublié, c’était celui qui manifestait beaucoup de respect et de foi au sacerdoce. Spontanément, avant de nous séparer, nous nous mettions à genoux devant le Grand Séminariste Bakole Martin pour qu’il nous donne sa bénédiction de voyage. Plus tard, l’abbé Martin Bakole, alors prêtre, fut de la première promotion des prêtres envoyés aux études universitaires, en Psychopédagogie.

En 1957, je fus pour ma part l’un des deux premiers séminaristes envoyés à l’Université Lovanium de Kinshasa pour poursuivre les études théologiques. L’abbé Martin se comporta toujours devant moi et les autres comme bon grand aîné qu’il était. A la fin de ses études universitaires, il reçut presque immédiatement de grandes responsabilités pour l’Eglise et pour la société : celle de la première organisation du système de l’enseignement catholique, au début de l’Indépendance du Congo ; celle d’être Vice-Recteur de l’Université Lovanium.

C’est en 1966, qu’il fut élu Evêque Auxiliaire de S. Exc. Mgr Bernard Mels, alors Archevêque de Luluabourg/Kananga. Je ne sais qui en fut l’auteur principal, mais ce fut comme par

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un miracle véritable, que je pus, comme j’y tenais, assister à l’ordination épiscopale de Mgr Martin Bakole à Kananga en 1966. Jusqu'à l’après-midi de la veille à 16h00, je me trouvais encore à Londres où je venais de prendre part à un grand congrès scientifique. A l’Aéroport de Londres, on m’informa que la correspondance Sabena que je devais prendre pour arriver à Kinshasa avant 8h00 du matin le lendemain, était en train de quitter Bruxelles. Ce qui m’empêcherait de prendre à Kinshasa à 8h00 la correspondance pour Kananga. Il était donc impossible de pouvoir me rendre à Kananga. Mais avec une foi profonde, j’ai fait des supplications auprès du personnel de Sabena (c’était des hôtesses) pour tout tenter. Finalement, il me fut obtenu que le vol Bruxelles-Kin, fut retardé d’une heure à Bruxelles. Je pus ainsi me rendre à Bruxelles où l’avion m’attendait sur le tarmac et, dès mon arrivée de Londres, je montai directement avec ma valise dans la cabine. L’avion arriva à Kinshasa, et trente minutes après, je partis pour Kananga, arrivai juste au moment où la cérémonie commençait. Je rends grâce à Dieu. Ceci est relativement secondaire. Ce qui est le plus important, ce sont les grands axes de l’épiscopat de Mgr Bakole, qu’il s’est efforcé de bien accomplir, suivant sa devise épiscopale „Quia ego servus“ - Service de Dieu, service de l’Eglise, service des hommes.

Mgr Bakole fut éminemment Serviteur de Dieu, par la prédication et l’annonce infatigable de la Parole de Dieu. Et aussi par son zèle apostolique. Lorsqu’il avait l’occasion de prêcher, il était intarissable. Il savait surtout prêcher admirablement et agréablement, lorsqu’il le faisait dans sa langue maternelle, le ciluba, s’appuyant sur sa riche connaissance des proverbes et recourant à des particularismes qui étaient bien compris par tous. Par ailleurs, il était d’un dynamisme apostolique à toute épreuve, surtout à l’époque de ses pleines forces physiques.

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Mgr Bakole fut un grand Serviteur de l’Eglise. Nous n’avons pas à comptabiliser le nombre de sacrements qu’il a conférés, ni à énumérer toutes les oeuvres touchant les structures ou les personnes qui sont maintenant léguées à l’archidiocèse.

Mgr Bakole a été reconnu et félicité par les observateurs et les hommes de bonne foi qui l’ont vu à l’œuvre au service du peuple et des communautés. Par sa préoccupation d’assurer l’énergie électrique à Kananga, en promouvant notamment les travaux sur la Lulua à Katende, et ces dernières années, l’appui qu’il donna sur un grand projet de tirage électrique sur la ligne d’Inga, c’était des grands projets pour le grand développement du Kasaï, avec les prolongations et retombées positives sur les Provinces avoisinantes.

Aux yeux de l’Episcopat et aux yeux de tous, Mgr Bakole était devenu une grande référence pour le développement : il était consulté et sollicité. Sa grande Lettre Pastorale Chemins de Libération (libération signifiant en même temps développement) est devenue un classique. Du haut du ciel où il est maintenant, dans la communion des Saints, il interviendra pour la réalisation au mieux de ses souhaits.

Cher Mgr Bakole, soyez dans la Paix de Dieu, après avoir accompli pour votre part l’amour que Dieu nous destinait sur cette terre. Nous restons unis.

A l’Archevêque de Kananga, Mgr G. Mukeng, j’exprime encore une fois nos condoléances personnelles et fraternelles, tout en vous assurant de la communion totale à votre deuil, de toute la communauté chrétienne de Mbuji Mayi, ici représentée par la présence de notre Evêque Auxiliaire et de la grande délégation qui l’entoure.

Mgr Tharcisse TSHIBANGU TSHISHIKU

Evêque de Mbuji Mayi

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Message du clergé diocésain de Kananga

Mgr Martin-Léonard Bakole wa Ilunga et cher Père,

Vous avez été et vous restez pour l’Eglise de Dieu qui est à Kananga, son Père Fondateur. Car une Eglise locale n’est réellement fondée que lorsque son fonctionnement, sa vie et sa destinée sont assumées par ses propres fils.

Après le travail louable réalisé par nos vaillants Missionnaires, vous avez été appelé par Dieu, comme vos aînés dans l’épiscopat, Joseph Nkongolo Kabua ka Ntanda et Joseph Albert Malula, à présider à la destinée de cette Eglise de Kananga. Vous vous y êtes pris avec beaucoup de dévouement et de zèle apostolique. D’un petit noyau de six prêtres séculiers dont vous-même faisiez partie lors de votre élévation à la dignité épiscopale, vous avez formé un Presbyterium imposant par son effectif en ordonnant plus d’une centaine de prêtres. Mais vous vous étiez en même temps suffisamment engagé pour l’épanouissement de la vie religieuse dans notre archidiocèse.

Vous avez aimé beaucoup cette Eglise de Kananga. Et vous vous êtes dépensé corps et âme pour la promotion de la vie et du bonheur de toute notre population.

Votre action pastorale était fondée sur une vision holiste de l’évangélisation, visant une libération totale de l’homme dans sa dimension individuelle et sociétaire. Aussi le développement socio-économique du Kasaï était-il au cœur de vos préoccupations quotidiennes. Votre réputation d’évêque constructeur des ponts et des Eglises, des écoles et des centres de Santé, a dépassé les limites du Grand Kasaï et de notre pays, le Congo. Vous nous quittez aujourd’hui avec la soif qui vous a habité depuis longtemps : celle de voir électrifiée notre ville de Kananga et notre Province du Kasaï.

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Monseigneur, Nous, vos prêtres, nous vous remercions de tout cœur de la confiance que vous nous faisiez en tant que vos plus proches collaborateurs dans la tâche pastorale. Vous aviez une affection remarquable pour chacun de nous. Nous gardons de vous le souvenir d’un père toujours aimant, qui savait trouver des mots pour relever, encourager et réconforter. Tuasakidila, Tatu.

Vous laissez derrière vous une Eglise de Kananga debout et fière de son clergé nombreux, de ses nombreux religieux et religieuses, de son laïcat engagé et responsable, de ses vaillants pères et mères de familles ; tous tournés vers Jésus-Christ, leur unique et véritable libérateur. Que ce Jésus que vous avez servi avec beaucoup de zèle et de passion vous introduise dans le Royaume de son Père. Que sa bienheureuse Mère, la Sainte Vierge Marie, Mère de l’Eglise et notre Mère, intercède pour vous. Waya bimpe Tatu Martin-Léonard Bakole wa Ilunga et merci pour tout ce que vous avez été pour tous vos Prêtres Séculiers de Kananga.

Pierre TSHIMBOMBO MUDIBA

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Message des missionnaires

Excellence Mgr Bakole,

C’est en tant que missionnaire et au nom de tous et de toutes les missionnaires ayant œuvré dans votre archidiocèse, que j’ai le bonheur de m’adresser à vous. Et dans l’espoir que les missionnaires ici présents puissent se retrouver tant soit peu dans mes paroles, je vous livre ces quelques réflexions.

En arrivant pour la première fois auprès de vous, le jeune missionnaire que j’étais se trouvait devant un évêque dynamique et plein de foi, un homme fier de sa propre identité africaine et chrétienne et très ouvert à toutes les cultures. Votre accueil était cordial et vous sembliez heureux de toutes ces nouvelles forces, de quelle origine, de quelles congrégations, de quelles organisations qu’elles soient, ces nouvelles forces qui désiraient s’engager pour le Royaume du Seigneur dans votre Eglise particulière. Cette attitude mit le jeune missionnaire en confiance et l’encouragea dès le départ.

Vous désiriez de lui beaucoup de disponibilité, de générosité et l’insertion dans la pastorale d’ensemble du diocèse. Mais une fois nommé, vous lui donniez carte blanche pour bien concevoir et réaliser la mission à lui confiée. Ce fut un nouveau stimulant pour bien travailler, car votre confiance le confirmait dans sa tâche.

Ensuite ces missionnaires vous voyaient à l’œuvre et votre exemple de zèle apostolique ne pouvait que les toucher profondément. Quel travail n’avez-vous pas abattu, quels programmes chargés et surchargés dans vos visites pastorales aux paroisses et missions et, en vous taquinant un peu, à quelle vitesse vous traversiez l’ensemble de l’archidiocèse ! Quels soucis aussi pour le développement intégral de l’homme, le respect de sa dignité et vos initiatives sociales répétées, sans que le courage vous manque. Votre écoute inlassable des personnes où se dévoilait une grande simplicité; votre sens de

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coopération avec les autorités et les hommes de bonne volonté aussi longtemps que cette coopération s’avérait juste et qu’elle respectait la personne et le projet de Jésus-Christ sur les hommes; votre exemple d’ardeur évangélique avaient une force incisive et se transmettaient à nous comme une contagion bienfaisante. Et puis vous nous connaissiez chacun par son nom, comme un Bon Pasteur et vous nous protégiez contre menaces et dangers.

Merci, Monseigneur, pour votre attention particulière à chacun de nous et pour votre ouverture à tout un éventail de congrégations missionnaires ayant œuvré avec vous. Tous et toutes ont coopéré avec vous pour le bonheur et le développement de votre et de notre peuple. Quelques-unes de ces congrégations ont envoyé des missionnaires dans des régions diverses du monde entier. Des sœurs de Charité annoncent la Bonne Nouvelle en Afrique du Sud, au Mali et en Centre Afrique. Des missionnaires de Scheut oeuvrent au Cameroun, au Nigéria, en Zambie, en Amérique (U.S.A.), au Brésil, au Guatemala, en République Dominicaine et Haïti, en Belgique, en Mongolie et au Japon. Parmi eux, plusieurs dizaines de ressortissants de l’archidiocèse de Kananga. Vous-même, Monseigneur, avez envoyé quelques Abbés, prêtres fidei donum, pour renforcer l’action pastorale dans d’autres diocèses de l’Eglise. Cet envoi et tout votre travail d’évangélisation accompli dans la force de l’Esprit Saint, sont une preuve de votre engagement missionnaire. Ainsi, Monseigneur, nous reconnaissons en vous un grand apôtre des temps présents.

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Puisse le Maître de la Moisson vous accueillir comme vous avez si bien accueilli vos missionnaires. Nous vous souhaitons plénitude de vie auprès du Seigneur et nous prions avec gratitude pour vous. Mgr Léonard-Martin Bakole wa Ilunga, nous tous et tous vos missionnaires vous remercions du fond de notre cœur.

Jacques MEVIS

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Message des Auxiliaires de l’apostolat

Comme tous ceux qui m’ont précédé à cette tribune l’ont fait, je voudrais, moi aussi, rendre hommage à notre illustre disparu, Mgr Bakole wa Ilunga, Archevêque Emérite de Kananga. Je soulignerai la disponibilité à l’Esprit du Seigneur qui le caractérisait comme Evêque et Pasteur.

En effet, dans notre Eglise ouverte au laïcat depuis le Concile Vatican II, Mgr Bakole est l’un des premiers évêques du Congo et du Kasaï à avoir désiré et accepté que soit implantée à Kananga une vocation laïque particulière, à savoir la vocation d’Auxiliaire d’apostolat. C’est une vocation diocésaine, par laquelle l’évêque fait participer à sa mission apostolique des jeunes filles, en les laissant vivre et évoluer dans leur milieu de vie ordinaire, avec ses valeurs humaines, culturelles, spirituelles et intellectuelles. L’apôtre laïc est ainsi appelé à être une semence de vie évangélique dans le monde.

Défiant toutes les résistances et se laissant guider par la seule volonté de Dieu, Mgr Bakole fit confiance à la jeune fille du Kasaï, en dotant notre archidiocèse, dès l’année 1971, de cette nouvelle vocation qui n’est ni un institut séculier ni une association non plus ; mais simplement un appel spécifique de l’évêque à une jeune fille qu’il fait un instrument de sa mission apostolique dans son diocèse.

Mgr Bakole Martin wa Ilunga, Tatu wa Kua Muamba ! Pour votre foi profonde et solide, pour cette marque de confiance à la fille du Kasaï, nous ne saurons jamais assez vous remercier. Nous comptons sur vos prières pour la continuité de cette vocation que vous avez tant désirée.

Que la terre de nos ancêtres où vous reposez vous soit douce et accueillante et que la Vierge Marie, Mère de Dieu et Mère de l’Eglise, Notre-Dame du Kasaï, que vous avez si

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souvent invoquée, intercède pour vous auprès de son Fils bien-aimé. Amen.

Marie-Jeanne TUDIMUENE MUNDA

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Hommage des Sœurs C.I.M.K à MGR BAKOLE

Cher Père BAKOLE, Archevêque Emérite de Kananga et Fondateur de notre congrégation, à l’occasion de vos funérailles, nous sœurs du Cœur Immaculé de Marie de Kananga, voulons faire vôtres ces paroles de St Paul à Timothée « Quant à moi, l’heure est arrivée où je vais être offert en sacrifice, le moment est venu pour moi de mourir. J’ai mené le bon combat, je suis allé jusqu’au bout de la course, j’ai gardé la foi. Et maintenant, le prix de la victoire m’attend : c’est la couronne de justice que le Seigneur m’accorde, lui, le juste juge… » (j’ai cité, 2 Tim 4,6-8).

Certes, vous avez vécu avec nous, nous vous avons connu comme un père et voulons en ce moment providentiel, rendre grâce à Dieu, le véritable artisan de toute histoire, celle de l’Eglise de Kananga et de manière particulière, celle de notre congrégation de CIMK.

Cher papa, votre vie parmi nous a été marquée d’un sceau profondément religieux. Vous avez en tout et pour tout œuvré pour que l’évangile s’enracine dans la vie du peuple de Dieu et ce travail, vous l’avez accompli dans la prière et la dévotion particulière à la Vierge, Mère du Rédempteur. Notre mère, Vierge au Cœur Immaculé, que nous avons apprise à connaître et à aimer grâce à vous.

Par « Quia Ego servus », votre devise, vous avez montré que vous étiez cet apôtre de l’évangile parcourant jusqu’au bout tout notre diocèse de Kananga sans aménager votre propre santé, sans tenir compte du mauvais état de nos routes, pour que l’évangile arrive dans tous nos villages.

Comme véritable berger, votre vie d’apôtre nous a marquées par votre dynamisme, votre dévouement, votre combativité et votre assiduité. Vos nombreuses œuvres en sont la preuve pour toutes les générations.

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Oui, père, à travers cette œuvre grandiose et multiforme, nous recueillons encore l’écho de cette riche sagesse de chez nous qui dit : « Kashinguke kuna nsanga, nsanga ashala tshimuenu tshia ne : ke mua kashinguke muamua. »

Papa Bakole wa Ilunga ne Keyi, vous avez été le promoteur de la vie religieuse consacrée en créant des structures solides d’animation pour la promotion et la maturité de la vie religieuse.

Cher Papa, vous avez été le père de cette congrégation des filles de CIMK, congrégation pour laquelle vous n’avez épargné aucune de vos énergies dans l’unique souci de nous voir grandir, prospérer et nous épanouir.

De votre vivant, ces expressions venaient sans cesse sur vos lèvres témoignant de votre affection à notre endroit. Ramassons-en au passage quelques-unes : « Mes chères filles, bien aimées, vous êtes la prunelle de mes yeux ; ba mudingi kubalotshi, biwalota badingi kuyi kuenda. Ba muena muabo, bana ba pa malaya ;… »

Papa Martin Léonard, que vous soyez au diocèse ou en déplacement, vous aviez toujours une pensée pour vos filles. Que de nombreuses lettres d’exhortation n’avons- nous pas reçues ! En toute circonstance, vous avez assumé courageusement votre paternité.

Oui, cher papa, vous connaissiez chacune de nous particulièrement et nos parents, mêmes nos frères et sœurs. Plein de tendresse et d’amour, compatissant, simple et toujours disponible. Assurément, vous avez rempli votre devoir de père.

Homme social, que vous étiez, vous avez pleuré avec ceux qui pleuraient et vous vous êtes réjoui avec ceux qui étaient dans la joie.

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Papa, vous avez été pour nous un vrai consolateur dans les durs moments et un conseiller averti dans nos multiples difficultés.

Tatu muena Muamba, vous étiez un homme de culture éclairée, soucieux du développement intégral de vos ouailles. Et combien d’honneurs académiques n’avez-vous pas récoltés ? Vous avez matérialisé ce noble binôme : « Evangélisation et développement », traduit par un ouvrage en hommage bien connu : « Evangéliser, c’est développer », qui vous a été dédié en hommage par votre clergé. Votre livre « chemins de libération » et de nombreux articles de votre main sont une véritable interpellation dans notre apostolat. Aujourd’hui vous nous quittez en homme de foi, homme d’église et homme d’espérance.

Notre cher papa, vous avez été le grand combattant pour l’unité de notre famille religieuse du CIMK, à l’occasion de nos différends. Devant nos multiples égarements, votre cœur de père n’avait qu’une ambition : nous rappeler avec tendresse à l’ordre pour nous ramener à l’essentiel qu’est l’évangile du Christ. « Tshiena nnulongesha tshintu tshikuabo to, amu evangelio wa Yezu Kilisto. »

Eyi ! Tatu wa kua Muamba ! Katuikadi nansha bana ba tshiteya matshio !

Papa, pardon pour tes filles,

Pardon pour tous nos manquements,

Pardon pour l’endurcissement de nos cœurs,

Pardon pour toutes les fois que nous n’avons pas suivi vos sages conseils.

Ushale mutuakuidi kudi Mfumu ;

Cher papa, en définitive, votre mort crée un vide et en même temps une dette morale et spirituelle pour notre

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congrégation. Bien sûr, vous nous laissez physiquement mais votre pensée nous guidera pour toujours. Nous vous promettons père, qu’avec la grâce de Dieu, nous nous battrons pour que cette pensée s’enracine dans nos vies.

Bakole wa Ilunga ne Keyi, anyisha bana bakutue mena a bukole :

- Udi muena Muamba wa mu masangu mua ba Kashala Ntoyi ;

- Mbuyi luanyi luipi bi wamumona watua panshi ;

- Mbuyi luanyi lule biwamumona wasokoma ; - Bakole mubadiate bonso mudie bukalenga ne

buana ; - Mukua Mbuyi wa tshiasa muitu patuka asa

munkuanga bakumonyi bakutula milongo ; - Wa ku lubulu baluenza mushete ; - Wa ku bianga ni nyoka ya ntoka ; - Ntambue nyama, katu bualu tshiadi utu

wabumana mpata ; - Bakole wa ba moyo ne bafue ; - Wa ba Declercq kele katue ne Mels ; - Wa ba Kabangu wa Mutela ne Nkongolo Kabua

ka Ntanda ; - Wa ba Yungu, mutetela muana ngongo ; - Wa ba Mukeng’a Kalond ne Tshibangu

Tshishiku ; - Wa ba Mulumba ne Kabongo; - Wa ba Djomo ne Masengu Kinda ; - Wa ba Kasanda Lumembu ne Lukumuena ;

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- Wa ba Bernard Kasanda kafu mutekete utu wafua pakulakajaye, pasaye minyengu pa matama;

- Waya bimpe, tatu muena muabo ; - Waya bimpe, mulume a tshimpanga ; - Waya bimpe, wa ba Tuabile Muambuyi ; - Maweja akubueje mu tshisombelu tshiende.

Christine MUANJI

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Disparition d’un guide

Homélie aux obsèques de S.E.Mgr Bakole wa Ilunga à Kinshasa

Excellences Nosseigneurs les Evêques, Chers frères dans le sacerdoce,

Chers membres de la famille de Mgr Bakole,

Vous tous membres du clergé, Religieux et Religieuses du diocèse de Kananga,

Frères et Sœurs, distingués membres du peuple de Dieu de Kinshasa,

Nous sommes heureux de vous saluer. L’homme que voici couché pour l’éternité devant vous, dans son cercueil, en ces premiers jours de l’an 2000, c’est l’Archevêque Martin-Léonard Bakole wa Ilunga. Sa vie durant, depuis les premiers pas de son sacerdoce, il a essayé de vivre cette spiritualité : « le chrétien est un homme à qui Dieu a confié d’autres hommes» - « Nul n’a le droit d’être heureux tout seul ». Ces deux sentences illustrent, mettent merveilleusement en relief la vie sacerdotale et l’exercice de la charge pastorale de Son Excellence Mgr Bakole wa Ilunga. Nous avons eu la chance et la grâce de vivre à ses côtés : il nous parlait comme s’il communiquait son testament spirituel.

La mort de Mgr Bakole est la disparition d’un guide. Peuvent le dire : les membres de sa famille, sa grande famille, les innombrables laïcs qui furent ses élèves au Collège de Kamponde ou des jeunes de la mission catholique de Kabuluanda, qui fut en son temps honorée de la visite du Délégué Apostolique, Mgr Brugnera, et qui, à cette occasion, bénéficia de l’Indulgence Plénière du Pape de Rome.

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Fondateur d’une école de comptabilité en pleine brousse de Kabuluanda, Mgr Bakole se révéla homme de foi intrépide et inébranlable. La foi est une force spirituelle de créativité. Elle nous inspire d’entreprendre toute bonne action qui favorise le progrès et le développement intégral de l’homme, de tout l’homme et de tout homme. Ce fut la mystique de la vie de Mgr Bakole wa Ilunga dans et par l’engagement total de lui-même. Sans reculer quand il s’agissait du bien du peuple de Dieu, à la manière de Saint Paul pour les chrétiens d’Ephèse (Ac 20,24-35), Mgr Bakole manifestait sa foi dans sa capacité d’épouser les vues de l’Eglise et dans le respect du plan de Dieu sur son parcours. Il avait une foi qui lui donnait la force de marcher sur les répugnances naturelles et sur ses sentiments, pour le triomphe de l’amour. Répugnances, il en avait fait des expériences parfois lancinantes. Dans une lettre du 19 octobre 1956, il me confia que toutes ces difficultés de parcours, il les supportait comme sacrifices librement consentis pour moi, pour ma persévérance : j’étais déjà en 3e année de théologie au Grand Séminaire Saint Thomas d’Aquin à Baudouinville (Moba), au Katanga. J’étais donc porté par lui comme un père porte son enfant.

Oh, revirement de l’histoire ! Dans la même lettre du 19 octobre 1956, Monseigneur m’annonce une nouvelle : Bamfumu bakufunda bua nye kulonga malonga a université ku Kimwenza (ku Lovanium) - („Les Supérieurs de l’Eglise ont décidé que je dois aller faire des études universitaires à Kimwenza-Lovanium“). Il poursuit : „Ce changement brusque m’attriste, quand je pense que je dois encore me mettre sur les bancs de l’école après tant d’années de ministère dans la pastorale. Cependant, que la volonté de Dieu soit faite ; Ditaba ndipite mulambo („ l’obéissance vaut mieux que le sacrifice“).

De l’obéissance, Mgr Bakole en connaissait les deux significations théologiques : obéissance comme sacrifice et renoncement, obéissance comme communion avec l’Eglise. Il

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nous a donc guidés plus par son exemple que par des théories, afin que nous agissions de même. Loué soit Dieu pour celui dont nous célébrons aujourd’hui la mémoire et dont nous respectons religieusement le témoignage de chrétien, de prêtre et d’évêque.

L’amour de l’homme que l’on voit a toujours été la constante de l’activité pastorale de Mgr Bakole wa Ilunga. A force de sillonner son grand diocèse de Kananga, il voyait la misère du peuple pour y apporter un peu de soulagement. Ainsi, il voulait raccourcir les distances, donc construire des ponts pour relier des villages et des groupements isolés ou enclavés. La population locale s’impliquait avec enthousiasme dans la réalisation de ces travaux comme dans „les chemins de sa libération“. Jusqu'à ce jour, je n’ai jamais compris pourquoi certaines gens, par ailleurs „intellectuels“, reprochaient au pasteur Mgr Bakole d’entreprendre des actions sociales qui, selon eux, relèveraient uniquement de l’autorité municipale. Un jour, un Gouverneur est allé jusqu'à rembourser le ciment que l’Archevêque avait utilisé pour réparer le tronçon d’une route. Alors, dans ma fougue de disciple, j’ai dit ceci à l’Archevêque : „devant un tel aveuglement et une telle ingratitude, Monseigneur, cessez tout simplement ce genre d’activités“. Mgr Bakole m’a répondu comme pour me remettre sur les pas du Christ : „si je cesse ce genre d’activités, je ne suis plus chrétien“. J’ai saisi son enseignement. Jusqu'à ce jour de sa nouvelle naissance au ciel, j’en ai fait un grand principe de ma vie sacerdotale et pastorale : savoir marcher sur les répugnances et sur certaines critiques sans fondement.

Chemins de libération est une autre brèche de l’enseignement pastoral de Mgr Bakole. Il a voulu donner du pain coupé à ceux qui ont faim et soif de la justice, à ceux qui désirent panser les plaies qui minent la société, notre société, les plaies qui empêchent les hommes de croître et de se construire eux-mêmes dans l’amour. D’abord conçu comme

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lettre pastorale, c’est finalement un grand volume qui est mis sur le marché. Cet ouvrage déjà traduit dans plusieurs langues étrangères, se veut un „guide pratique“ pour une analyse d’une société qui se recherche, qui recherche à tâtons son chemin, afin d’éviter une mort spirituelle plus ou moins prévisible. Chemins de libération est „ une voix qui crie dans le désert“ et qui appelle à la conversion et au changement des mentalités : „Aplanissez les montagnes, comblez les ravins pour tracer le chemin de Seigneur“. Ce faisant, Mgr Bakole wa Ilunga s’est en somme adressé à toutes les catégories des hommes et des femmes qui peuplent le grand Congo Démocratique. Sans ambages, il a indiqué à chacun les exigences de son état de vie, de la fonction qu’il exerce dans la société, en vue de la rétribution à venir, selon la justice de Dieu. C’est pourquoi, Mgr Bakole a écrit une autre lettre pastorale comme corollaire, intitulée Assassinat de l’Amour, et que nous avons traduit laconiquement en Ciluba : Mbashipe Dinanga, deux mots percutants qui crient et interpellent à la fois. On a tué l’amour, dans ce sens que la permissivité érigée et sciemment entretenue, entame inévitablement des valeurs fondamentales qui doivent conserver l’éthique socio-familiale. Mgr Bakole , guide, a ainsi offert aux populations congolaises un Code de Bonne conduite. C’est tout un chapitre du livre de l’éducation à la vie pour les jeunes, adultes de demain.

Cher Mgr Martin-Léonard Bakole wa Ilunga, merci pour ce que vous avez été pour nous : un frère, un pasteur, un guide. Si, avant d’expirer, de rendre votre âme entre les mains du Seigneur, si, à cette heure suprême, on vous avait tendu un micro, vous auriez pu nous dire votre dernier mot de cette façon : „Pour vous, soyez prudents en tout, supportez l’épreuve, faites œuvre de prédicateur de l’Evangile, acquittez-vous à la perfection de votre ministère. Quant à moi, je suis déjà répandu en libation et le moment de mon départ est venu. J’ai combattu jusqu’au bout le bon combat, j’ai achevé ma course, j’ai gardé la foi. Et maintenant, voici qu’est préparée

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pour moi la couronne de justice qu’en retour le Seigneur me donnera ce jour-là, lui le juste Juge, et non seulement à moi, mais à tous ceux qui auront attendu avec amour son apparition“ (2 Tim 4,5-8).

Célestin MUBENGAYI LWAKALE

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Homélie aux obsèques de S. E. Mgr Bakole wa Ilunga dans la Pro-Cathédrale Saint Clément Kananga

Par S.E.Mgr G. Mukeng’a Kalond, Archevêque de Kananga

“Je suis le chemin, la vérité et la vie“(Jn 14,6); „Là où je suis, là aussi sera mon serviteur“ (Jn 14,3).

Excellences Messieurs les Ministres,

Excellence M. le Gouverneur de la Province du Kasaï Occidental,

Excellence Mgr le Vice-Président de la Conférence Episcopale Nationale du Congo,

Excellences et chers frères dans l’Episcopat,

Toutes les Autorités Civiles, militaires et coutumières,

Messieurs les Représentants des Institutions Internationales,

Révérends Représentants des Confessions religieuses,

Toutes les Délégations venues de Kinshasa, Lubumbashi, des diocèses du Kasaï et de toutes les Eglises-Sœurs,

Chers Prêtres de l’Archidiocèse de Kananga, Révérends Pères, Révérends Frères, Révérendes Sœurs et tous les Consacrés,

Peuple bien-aimé de Dieu qui est à Kananga et au Kasaï, Chers frères en Christ et dans la foi, Hommes et femmes de bonne volonté, Chers amis,

1. Qui était cet homme ?

Il y a 34 ans, le 18 septembre 1966, ici à Kananga, sur l’esplanade de cette Pro-Cathédrale de St Clément, une grande

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assemblée en liesse acclamait son Evêque Auxiliaire dans la personne de S.E. Mgr Martin-Léonard Bakole wa Ilunga dans la célébration eucharistique de son ordination épiscopale. Aujourd’hui, 34 ans après, au même endroit, nous voilà rassemblés dans la tristesse et la douleur ! Ce jour-là, on était rassemblé autour de l’Evêque plein de vie, aujourd’hui, nous sommes autour de l’Evêque qui gît là, inanimé, dans un cercueil ! L’Eglise de Kananga pleure celui qui fut, durant de nombreuses années, son pasteur bien-aimé. Car il n’est plus ! Il s’est éteint !

Appelé par le Père céleste, le 3 février courant à Milan, il a répondu comme un bon et fidèle serviteur : „Me voici ! Quia ego servus - Car je suis ton serviteur“. C’était sa devise qui l’a conduit tout au long de sa vie de pasteur. Pour lui, toute sa vie était un service rendu à Dieu et aux hommes ses frères.

Il était un serviteur vigilant, avisé et dévoué ; passant partout en faisant le bien et en semant la semence de l’Evangile avec zèle. Même sa mort est pour lui un service d’obéissance à Dieu et une offrande pour son salut et celui des hommes qu’il aimait tant servir ! Aujourd’hui son Maître peut l’accueillir dans sa demeure céleste lui disant : „C’est bien, bon et fidèle serviteur, tu as été fidèle en peu de choses, sur beaucoup, je t’établis, viens te réjouir avec ton Maître“ (Mt 25,21).

Chers frères et sœurs, Oui, un grand homme est parti ! L’homme de Dieu ! L’homme de foi profonde, de grande envergure a disparu ! Cet homme connu et apprécié du monde de science, de culture, de développement et de toutes confessions religieuses ! Cet homme aimé des petits et des grands n’est plus ! Un grand arbre, le baobab du Kasaï, est tombé ! Sa chute s’est fait entendre aux quatre coins du monde ! Une figure de proue, un monument de culture et de sagesse ancestrales ; le grand livre de proverbes Luba a fini de tourner ses pages ; il s’est fermé ! Une personnalité forte et

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talentueuse qui a su mettre tous ses talents au service de Dieu et des hommes nous a quittés ! La richesse de cette personnalité ne pouvait se confiner à Kananga et au Kasaï, elle s’est répandue dans notre pays et dans le monde. Le combattant valeureux que rien n’arrêtait sur le chemin de la foi, de l’évangélisation et du développement de son peuple, a terminé sa course ! Ce grand Cœur qui a su aimer son peuple, n’épargnant rien pour lui assurer son développement intégral, a cessé de battre sur terre ! L’Educateur attitré de son peuple ; de la jeunesse et des adultes, des intellectuels, du laïcat adulte nous a quittés. Oui, l’homme comblé d’années, à quatre-vingts ans, le fil de ses jours s’est subitement rompu ; la navette de la machine s’est arrêtée ! Il est parti pour être comblé au ciel, d’une éternité bienheureuse et recevoir une couronne de gloire ! C’est dans la joie qu’il s’est envolé en chantant avec le psalmiste : „Quelle joie quand on m’a dit: Allons dans la maison du Seigneur“ (Ps 122,1).

Ce Pasteur intrépide, de la trempe de ses prédécesseurs, les fondateurs de l’Eglise du Kasaï, les pionniers de l’évangélisation et du développement des peuples du Kasaï, il convenait, dans le dessein de Dieu, qu’il aille rejoindre ceux qui ont donné leur sueur et leur vie pour la fondation de cette Eglise de Kananga et du Kasaï : à savoir les serviteurs de Dieu Mgr Auguste DE CLERQ - „ Kele Katue“-, Georges DEMOL et Bernard MELS. L’enfant de Marie qu’il aimait tant invoquer, est allé voir la Mère et la Reine des Apôtres. Voilà l’homme qui nous rassemble aujourd’hui.

2. Notre devoir

Cher peuple de Kananga, vous êtes les fruits vivants de son travail apostolique et de son œuvre socio-pastorale. Est-il besoin de lettres de recommandation pour cet homme de Dieu ? En vous regardant, il peut dire fièrement comme l’Apôtre Paul : „Notre lettre, c’est vous ; lettre écrite dans vos cœurs, connue et lue par tous les hommes. De toute évidence,

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vous êtes une lettre du Christ confiée à notre ministère ; une lettre écrite non avec de l’encre, mais avec l’Esprit du Dieu vivant ; lettre écrite non sur des tables de pierre, mais sur des tables de chair, sur vos coeurs“ (2 Co 3,2-3). Vous êtes le document vivant laissé par l’illustre disparu. Il vous appartient d’être ce qu’il a fait de vous ! Et voici comment nous pouvons lui témoigner notre reconnaissance !

Peuple bien-aimé de Kananga, votre reconnaissance, c’est votre prière et votre effort commun pour promouvoir cette œuvre immense que le vaillant pasteur a pu réaliser ensemble avec vous tous, ainsi qu’avec les missionnaires infatigables et toujours à l’œuvre. Oui, votre reconnaissance doit s’exprimer par l’ardeur commune pour parachever ce qu’il a commencé, réhabiliter ce qui a été endommagé, reconstruire ce qui a été détruit et continuer la créativité en vue de la croissance et de la maturité de toute notre vie chrétienne. Car l’œuvre de l’évangélisation qui est la mission de l’Eglise est toujours actuelle. Elle se poursuit jusqu'à la fin des temps, en se renouvelant en profondeur et en ardeur à chaque époque et à chaque génération, selon les signes des temps et sous la mouvance de l’Esprit-Saint.

3. L’énigme de la mort

Frères et Sœurs bien-aimés ! La mort vient d’arracher cet homme illustre à notre affection. L’énigme de la mort désoriente l’esprit, secoue le cœur de l’homme et défie son imagination. Mais la foi nous relève, nous réconforte et nous rassure. Car la mort qui nous frappe aujourd’hui nous conduit à celle d’il y a 2000 ans, à cette mort glorieuse, qui a sauvé le monde de tout péché et de tout mal et qui s’est transformée en victoire. Il s’agit de la mort du Pasteur Suprême, Jésus-Christ, qui a donné sa vie pour que les hommes aient la vie et l’aient en abondance. Par sa mort et sa résurrection, il donne un sens nouveau à la mort. Car, par lui, „la mort a été engloutie dans la victoire“, la victoire du Christ ressuscité (1 Co 15,54-55).

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Le Christ a vaincu la mort par sa résurrection. C’est cette résurrection qui illumine la mort du serviteur de Dieu, Mgr Martin-Léonard Bakole wa Ilunga.

Ainsi, frères et sœurs bien-aimés, „Soyez fermes, inébranlables dans la foi“ (1 Co 15,57). Oui, chers frères et sœurs, comme dit S. Braulion : „Il serait trop long de rappeler tout ce qui, dans les Saintes Ecritures, devaient nous apporter à tous de la consolation. Qu’il nous suffise d’espérer en la résurrection. Si nous sommes morts avec le Christ, nous croyons que nous vivrons aussi avec lui. Car le Christ ressuscité des morts ne meurt plus. La mort n’a plus aucun pouvoir sur lui“ (Rm 6,8). „Et nous, nous ne nous appartenons pas à nous-mêmes, mais à lui qui nous a rachetés, lui dont la volonté doit régler notre volonté. Si nous vivons, nous vivons pour le Seigneur, si nous mourrons, nous mourrons pour le Seigneur : soit que nous vivions, soit que nous mourrions, nous sommes au Seigneur“ (Rm 14,8). (Cfr Lettre de S. Braulion de Saragosse, v. 590-651 : Lettre 19, PL 80, 665-666).

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4. La mort dans la communion ecclésiale

Frères et sœurs bien-aimés, en cette Année Jubilaire, que nous avons consacrée à l’édification de l’Eglise-Famille rassemblée autour de la Trinité Sainte, la mort du serviteur de Dieu Mgr Martin-Léonard Bakole wa Ilunga nous rassemble dans la communion de toute la famille diocésaine de Kananga ainsi que de l’Eglise du Kasaï tout entière.

En ses derniers jours de souffrances, le serviteur disparu ne cessait d’exprimer sa gratitude pour le soutien moral et spirituel qu’il trouvait dans cette communion ecclésiale quand tous les enfants de cette Eglise se pressaient autour de lui pour lui manifester leur affection et leur sympathie et l’entourer de leurs prières en ces moments difficiles. Il recevait avec reconnaissance tout visiteur en lui serrant longtemps la main pour lui exprimer sa gratitude pour le réconfort qu’il trouvait dans la communion ecclésiale. Ainsi, après avoir participé aux grâces divines de l’ouverture solennelle de l’Année Jubilaire du Seigneur, le voilà parti pour aller célébrer le Grand Jubilaire du ciel, Jésus-Christ, ensemble avec toute la famille triomphante qui habite les demeures célestes.

Chers enfants de la famille ecclésiale de Kananga, Mgr Martin-Léonard Bakole était un don précieux, une perle donnée par Dieu à notre Eglise. Que sa disparition renforce davantage nos liens fraternels par-delà les clivages de clans, de tribus ou de confessions religieuses.

A vous, chers membres de la famille de l’illustre disparu, que sa mort, loin de provoquer le désarroi et la division, vous rapproche davantage et rende vos liens familiaux encore plus forts que de son vivant. Vivez dans la foi, dans l’harmonie et la paix du Dieu consolateur.

Et vous tous, chers frères et sœurs, je vous invite à continuer de faire monter nos suffrages vers le Père de

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miséricorde, afin qu’il accueille son serviteur dans sa lumière éternelle et le fasse asseoir sur le siège lui préparé depuis l’éternité. Amen.

Mgr Godefroy MUKENG’a KALOND

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Tusala

Luendu lua ndekelu

Ku ntuadijilu kua tshidimu tshia 2000,

Tuetu kumvua mukenji mu Kananga kajima :

Bakole wa Ilunga udi ne kusama kukole.

Mbamuambule baye nende ku Kinshasa bua kumondapabu.

Bafika ku, bamuna bikole.

Bambula mu ndeke, baya nende too ne ku mputu.

Bafika ku mputu kubangabo kumuondapu.

Bena Kananga ne Kongo mujima

Bakashala balomba Mulopo.

Mvidi Mukulu wa Tshiame, Tshitundu muenapu,

Ambuluisha musadidi webe, apete bukole.

Tuetu kushala ne ditekemena divule.

Kadi Mvidi Mukulu mudiye wamba bantu kabena bamanye.

Mu matuku a ngondo muibidi,

Tuetu kumvua dikubakuba dikole:

Bakole wa Ilunga wakuya kua Mulopo.

Bena Kananga bumvua nanku, kudila bikole.

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Balume ne bakaji kunyingalalabu.

Bulelela tuakujimija muntu mukole,

Mulela ne lungenyi ne meji matue.

Tuetu kushala bindile difika dis mubidi wa tatu Bakole,

Ne binsonji ku mesu tuenda ne mitshima mifue.

Eyi muledi wa bana wakuya, tuakushala bitupu.

Mu ditanu dia matuku 9, ngondo mubidi,

Pa diba dia dikumi ne dimwe wa mu munya,

Ndeke wa Cal kufikaye ne mubidi wa musadidi wa Mulopo,

Mumisha bua bidimu lukama bijima, ushala anu muawu amu too ne ku ndela.

Ndeke ufika mu tshipalu tshia Kananga,

bantu bavua baye bungi bu lusega lua mu mbuwu.

Bena nkristo ne banene ba Mbulamatadi,

Badiambike balume ne bakaji bambule

Mubidi wa tatu Bakole,

Badila miadi badiela maloba mu mitu :

Eyi, Tatu muledi waakutushiya nkayetu mu bula.

Bena bitendelelu bionso kulejabo dinanga divule,

Basalayi betu ne bampulushi,

Bena A.N.R, ne D.G.M.

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Mashinyi a mishindu ne mishindu

Kaayi ende bikole,

ntukutuku ne makalu bilonda munyima

Bumbuka ku Tshipalu, bakaya ne Tatu mu

Mwamba Malole muakadiye musombe bua kuikishaye.

Bumbuka mu Muamba Malole, bakuya

Ne Tatu mu nzumbu wa Clément Munsantu bua kuenza misa.

Mubidi wa Tatu wa buneme kushalawu panshi

Matuku asatu majima.

Munyungulula kudi Tatu Mukeng’a Kalond

Pamue ne Bakulu ba Kasayi mujima ,

Badiambike balume ne bakaji ne

Bena nkridto bavule,

Ne Mulombondi wa Kasayi ketu ne banene bonso

Ba bitendelelu ne ba Mbulamatadi.

Mu dialumingu, misa munene e kuenzekaye

Misoko ya pa mpenga yonso ne

Benamu badila bonso bakupa mitu.

Bulelela tuakujimija muadiamvita.

Amu dituku adio, kuangatabo mubidi

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Wa Tatu Martin Léonard Bakole,

Kuwelabu mu mashinyi, baya

Batangile ku Mikalayi bua kumujikabo

Bafika mu Notre Dame e kuimanabo,

muaba waakadiye musombe bidimu bivule. Bumbuka mu Notre Dame, bafika mu Bena Mande kuimanabo.

Bapueka too ne ku maayi a Lulua,

Basabuka, ekuyabo too ne

Ku Malandji Makulu, muaba wa tshivulukilu tshia difika dia Mukenji

Mulenga mu Kasayi.

Bumbuka aku, baya ku Mikalayi Joseph MUNSANTO

Muaba wakatuadija Buena Yezu mu buloba buetu ebu.

Mu nzubu wa Mvidi Mukulu wa Mikalayi

Mmuakujikabo Tatu Bakole wa Ilunga.

Bangabanga ne dimujika bakamuenzela

Misa wa ndekelu, bantu musumba biimane bakatshila bualu.

Tatu Martin Léonard Bakole,

Yaku wikishe kua Mulopo.

Eyi bana betu, tudilayi tunyingalale :

Lufu wetu lufu, tushala ne tshipawu

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Buanga buye !

Lufu, nkufuanyikije ne tshinganyi ?

Lufu, ndi, nkufuanyikija ne kapia wa losha ntanda,

Kaakosha ntanda ya Bakalenge,

Kapia wetu, koshi tshisuku nansha budimi,

Kapia, waya kutubumbuila diyeba

Dituakadi bateke nkunde bateke ne tumbele!

Lufu, kushipi kapumbu, kushipi mbowa,

Waya kushipa tshitala uvua utubisha ku tulu!

Mputa bunene nenku waa kumtapila tshinyi ?

Kuntapi ku tshibelu nansha pa nyima,

Waya kuntapa mu dimi, nkadi

Mpanga mua kunua maayi nyota minshipe!

Musadibi wa Mulopo, diba dibi

Ngondo ubala mitoto ikadi mimanye.

Dia lufu luebe Mulopo ukavua mumone,

Ukavua mumanye; mmukumbushe mu buloba

Bua makenga ne ntatu mivule,

Yaku mu diulu uye kuikishamu,

Ulale pa lusala kaluvi luenza lu mpeku.

Waya bimbe, muana wa Mariya,

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Dituku diadia netumonangane.

Tudisange ne bena mu diulu bonso,

Tuikale tutumbisha Mulopo.

Kadi Bakole wa Ilunga wakadi nganyi ?

Muntu wa lungenyi ne meji matue,

Muntu wa dikima ne moyo mukole,

Katende ka nteletente

Katshinyi muele nansha tshingoma,

Buakadi bulua buakadi bumusangana.

Bakole wakadi mole uvua utapila meshi,

Umena bowa, bana ne bakole baya kuboya.

Bakole wakadi mutshi wa mupatu

Ukuama mpatu minyikile,

Kamu kamonya kakayi kajima.

Bakole wakadi nzubu wa buyanga

Muakadi bantu babuela bua kupeta meji.

Bakole wa Ilunga wakadi tshidime

Munene, dituku dionso wangata

Kasuyi, wangata lukasu, ukuna

Biakudia, ukuna biseki bia kudisha

Bana bua bapete bunene .

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Bakole wakadi nkala wa ku mobo,

Tshienda ne bana ku mapangu.

Bakole wakadi muntu wa meji matue,

Ufunda mikanda yenda buloba bujima,

Yeye kakadi upingana kunyima,

Nansha tshisangilu muaba kayi,

Uvua uya kufila ngenyi mivule.

Bakole waakadi, bushuwa, musadidi mujima,

Bilondeshile disangu diakadiye musungule bua

kuendelamu :

‘’quia ego servus ‘’ : ke meme munusadidi ewu

mulue.

Tatu, Muena kulu akufute,

Pa mudimu muimpe uwakamuenzela.

Honoré TSHIYOYO Wa Muleba ne Tshiela

Tshibungu/Kananga

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Dia mufikilu wa mvula isambombo bulubulu Wa Ilunga tuitabe ! Bakuetu wanyi ! Bakuetu wa yaya ! Banyananyi ! Wa Ilunga utu kunyi, bena dianyi ? Kua ba muta ne mbua anyi, bena Kananga wa yaya ? Muena Muamba utu penyi, Bena Yezu ba mu Kananga ? Kua ba katende mutoke mu tshiadi anyi, Bana ba Lulua wa bidila ? Kua ba tubuluku tukosa mikila anyi, Bana ba mutuala kulu ? Katutshiyi tumvua diiyi dinene, Dia tshiondo wa mbisha balale, Dia Bakole wa Ilunga muena Mbuyi, diamba ne : « Bana bananga ba Tatu Mvidi Mukulu, Muoyo wenu ! Analengo moyanyu ! Sangayi, badiano ! » Katutshiyi tumvua nsumuinu misheme Ya mpanda njila wa mu Kasaï ka banyinka : « Muendenda lupenzu nzolo kamusuele ! » « Bintu kulengela pa kupa muana wa muanenu e kuanji kukenketa » « Kapepe ka mushipu kadi kanjula mashika, kiyi kawakangamba ku kale kadi kantua ku mutshima. » Wa Ilunga wakaya biende Ku ba kalukidi ne mu mvula ne mu mushipu

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Wakaya biende Kuakaya Keyi ne Ilunga muena Mbuyi Kuakaya mua Mbuyi wa bana Ne Matata muena diende Kuakaya Kabangu wa Mbombo ne Mutela Ne Kapanga Luanyi Mukua Kasanzu Kuakaya Mukeng’a Tunsele Ne Tshingeji Mulopo Kuakaya Mashala wa Tshibola ne Jorissen Kabata Kubala umue nkudibala. Wa Ilunga wakaya Mu ngondo wa luishi Tshitupa bowa ne meshi Mu matuku asatu, Dituku dia dinayi, Dishiya dia mayi. Kumona bu tshilota, Eku muena Muamba muye lonso, Muakaya Mbala ku Basonge. Bakuetu wa yaya ! Wa Ilunga se mmulume wa tshinkandi Tshitua malu tshiadi ! Wakatushila diiyi, Diiyi dia mushinga ne munga : Kuamba Mukenji Mulenga, nkukeba biakudia bua bana, Kuamba Mukenji Mulenga, nkulengeja kua misoko yonso, Kuamba Mukenji Mulenga, Nkushidimuna kua muntu mu bionso. Tuasakidila Nshandi’a bana ! Bilaamba pa maayi Bieyela buebe wewe !

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Bena ngendu basabuka Ne lubilu lonso ! Nzubu ya Nzambi Miasa mu misoko yonso ! Batendeledi batumbisha Nzambi, Bakuvuluka ne wewe. Muenji wa bimpe katu wafua tshiendelele Muenji wa bimpe, bimpe ne bimuakuile ! Muenji wa bimpe muoyo wa kashidi utu wandi ! Tatu Bakole wa Ilunga tuakuile bietu Kudi Nzambi tshipapayi, Ngongo wakafuila pa muanandi. Waya bimpe, kuakaya banyinka...

Mamu NYASHI Ntambue

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MOT DE LA FIN

Le peuple s’honore en honorant ses dignes fils. Le défunt Monseigneur Martin Léonard BAKOLE wa ILUNGA, Archevêque émérite de l’Archidiocèse de Kananga, dans la Province du Kasaï Occidental, est un des fils les plus méritants du terroir.

Six ans après sa mort, il vit encore, de manière intensive dans la mémoire collective du peuple Ouest-Kasaien en particulier, du peuple congolais en général et de l’Eglise Universelle qu’il a servie avec foi, espérance et charité durant toute sa vie.

C’est pourquoi, en ma qualité de Gouverneur de la Province du Kasaï Occidental, je joins ma voix à celle des prêtres, religieuses, religieux et laïcs, tant nationaux qu’étrangers, qui ont bien voulu rendre un hommage bien mérité à ce grand homme de l’Eglise catholique, à ce grand patriote et nationaliste, à ce héraut de l’Evangile et du développement intégral, que j’ai bien connu et aimé, et avec qui j’ai œuvré, dans le cadre de la Conférence pour le Développement du Kasaï Occidental ( CODESKO) pour l’électrification de notre Province.

En cette période décisive, où notre pays s’est engagé dans la véritable démocratie pour doter toutes les institutions de dirigeants élus du peuple, je formule le vœu le plus ardent de voir la mémoire de Monseigneur Martin Léonard BAKOLE WA ILUNGA se perpétuer par la réalisation des œuvres de développement de plus en plus nombreuses, sans oublier la réhabilitation du riche patrimoine qu’il a légué à l’Archidiocèse de Kananga grâce au partage et à la solidarité.

Puisse l’ouvrage « Chemins de libération » de feu l’Archevêque émérite de Kananga inspirer non seulement les professionnels de la prière et de l’évangélisation, mais aussi les opérateurs politiques pour qu’ils placent l’essor économique et social de notre Province au centre de leurs

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préoccupations, convaincus qu’en définitive, notre grand Parti c’est le Kasaï que nous devons tous aimer et développer ensemble.

Que l’âme de Monseigneur Martin BAKOLE wa ILUNGA repose en paix.

Gilbert TSHIONGO TSHIBI NKUBULA wa NTUMBA

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SOMMAIRE Liminaire..................................................................................... I Mgr Godefroy Mukeng’a Kalond Notice bio-bibliographique de Mgr Bakole.................................. 8 Boniface Beya Ngindu Dernière interview de Mgr Bakole .............................................. 23 Bruno Ntumba Mgr Bakole, un pasteur et prophète du Grand Kasaï ................. 36 Jean-Adalbert Nyeme Tese J’ai connu Mgr M.L. Bakole, témoignage et réflexions ............... 42 Lambert Museka Hommage à Mgr Martin Léonard Bakole wa Ilunga ................... 61 Philémon Mukendi De la maladie à la mort de Mgr Bakole wa Ilunga ...................... 65 Thérèse Odie Katala Mgr Bakole, homme de foi dans la souffrance et la mort ........... 74 Clément Mutamba Ngalamulume L’archevêque Bakole, digne successeur .................................... 81 Joseph Van Keerberghen Témoignage de Gérard Bulcke................................................... 87 Gérard Bulcke Message de Claudel André Lubaya ......................................... 93 Message de Paul Kapita Shabangi ............................................ 95 Hommage du Président du CODESKO...................................... 97 Message des diocèses de Kabinda, Luiza et Mbuji Mayi ........... 99 Message du clergé diocésain de Kananga................................. 105 Message des missionnaires ....................................................... 107 Message des auxiliaires de l’apostolat ....................................... 110 Hommage des Sœurs C.I.M.K. .................................................. 112 Homélies de Célestin Mubengayi Lwakale................................. 117 Homélie de Mgr G. Mukeng’a Kalond......................................... 122 Luendu lua ndekelu .................................................................... 129 Honoré Tshiyoyo wa Muleba ne Tshiela Dia mufikilu wa mvula isambombo bulubulu............................... 136 Mamu Nyashi Ntambue Mot de la fin................................................................................ 139 Gilbert Tshiongo Tshibinkubula wa Ntumba