Le Screening Toxicologique Aux Urgences

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133 URGENCES 2010 co-fondateurs LE SCREENING TOXICOLOGIQUE AUX URGENCES Correspondance : P. Nisse, Centre antipoison, toxicovigilance, CHRU de Lille, 5, avenue Oscar-Lambret, 59037 Lille cedex. Tél. : 0 825 812 822. Fax : 03 20 44 56 28. E-mail : [email protected] Décrire les méthodes d'analyse toxicologique qualitative et quantitative et exposer les principaux pièges interprétatifs pour l'urgentiste. Préciser la place de l'analyse toxicologique dans la prise en charge d'une intoxication aiguë. Points essentiels L’approche clinique incluant l’anamnèse, l’examen clinique, l’électro- cardiogramme et une biologie minimale sont indispensables et souvent suffisants dans la démarche d’identification d’un toxique. La méthode qui détecte tout, rapidement et pour un faible coût n’existe pas encore. Le dialogue est indispensable entre le clinicien et le biologiste, notamment pour établir une liste minimale d’analyses toxicologiques à effectuer en urgence. L’analyse biologique prévaut sur l’analyse toxicologique car elle permet d’évaluer la sévérité de l’intoxication. La recherche de toxiques « tous azimuts » est souvent inutile et toujours coûteuse. Le diagnostic d’intoxication ne peut être retenu que si toute cause non toxique a été formellement éliminée. Le dépistage sanguin par immunochimie des benzodiazépines, des anti- dépresseurs tricycliques, des opiacés n’a pas sa place en urgence. Chapitre 19 Le screening toxicologique aux urgences P. NISSE

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    LE SCREENING TOXICOLOGIQUE AUX URGENCES

    Correspondance :

    P. Nisse, Centre antipoison, toxicovigilance, CHRU de Lille, 5, avenue Oscar-Lambret,59037 Lille cedex. Tl. : 0 825 812 822. Fax : 03 20 44 56 28. E-mail : [email protected]

    Dcrire les mthodes d'analyse toxicologique qualitative et quantitative etexposer les principaux piges interprtatifs pour l'urgentiste. Prciser la place del'analyse toxicologique dans la prise en charge d'une intoxication aigu.

    Points essentiels

    Lapproche clinique incluant lanamnse, lexamen clinique, llectro-cardiogramme et une biologie minimale sont indispensables et souventsuffisants dans la dmarche didentification dun toxique.

    La mthode qui dtecte tout, rapidement et pour un faible cot nexiste pasencore.

    Le dialogue est indispensable entre le clinicien et le biologiste, notammentpour tablir une liste minimale danalyses toxicologiques effectuer enurgence.

    Lanalyse biologique prvaut sur lanalyse toxicologique car elle permetdvaluer la svrit de lintoxication.

    La recherche de toxiques tous azimuts est souvent inutile et toujourscoteuse.

    Le diagnostic dintoxication ne peut tre retenu que si toute cause non toxiquea t formellement limine.

    Le dpistage sanguin par immunochimie des benzodiazpines, des anti-dpresseurs tricycliques, des opiacs na pas sa place en urgence.

    Chapitre

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    Le screening toxicologiqueaux urgences

    P. N

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    Les analyses semi-quantitatives doivent tre proscrites.

    Le dosage sanguin est indiqu sil a une incidence sur la prise en chargemdicale.

    Les prlvements vise conservatoire doivent tre systmatiques ds la priseen charge du patient (srothque et urothque).

    Les intoxications mdicamenteuses, volontaires ou accidentelles, sont une causefrquente dadmission dans les services durgences. Lventail des molcules encause est en perptuelle volution. Parmi les mdicaments les plus frquemmenten cause, les antidpresseurs tricycliques et les barbituriques sont maintenantsupplants par les inhibiteurs de la recapture de la srotonine (IRS), les benzo-diazpines (BZD) et les cardiotropes. Lapproche clinique des patients intoxiqusrepose sur lanalyse de lanamnse de lintoxication, la recherche des signes cli-niques et biologiques constituant un toxidrome

    (1)

    . La prise en charge duneintoxication reste essentiellement symptomatique et repose avant tout sur cetteapproche clinique

    (2)

    .

    Actuellement, pratiquement tous les toxiques peuvent tre identifis et quan-tifis

    (3)

    . Lutilit de la recherche systmatique en urgence des toxiques lors dela prise en charge de patients intoxiqus est controverse et la pertinence de cesprescriptions nest pas avre ce jour. Par ailleurs, du fait de contraintes co-nomiques (tarification lactivit ou T2A), le choix de la prescription de tellesanalyses toxicologiques devra tre pertinent et motiv.

    Les situations o lindication dune thrapeutique spcifique, lvaluation de lagravit ou du pronostic sont lies aux rsultats des investigations toxicologiquesrestent rares

    (4)

    .

    1. Mthodes danalyses

    De nombreuses techniques, de plus en plus performantes, existent, mais les pos-sibilits didentification et de quantification de chaque toxique vont dpendredes mthodes disponibles dans le laboratoire de toxicologie

    (5-8)

    . Le cliniciendoit connatre celles qui lui sont accessibles, leurs limites et leurs contraintes detemps afin de ne pas les prescrire inutilement. Actuellement, nous avons 2 typesdanalyses : le dpistage (rsultats qualitatifs ou semi-quantitatifs) et le dosage(rsultats quantitatifs). Le screening toxicologique associe gnralementplusieurs mthodes de dpistage et de dosage.

    La mthode qui permet de tout dtecter, rapidement et pour un faible cotnexiste pas encore.

    Colorimtrique : Une substance mise en contact avec un ractif produit uneraction colore :

    raction de Forrest pour les phnothiazines ;

    raction de Trinder pour les salicyls (dpistage et dosage) ;

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    raction de Ludwig-Hoffmann pour le mprobamate (dpistage et dosage) ;

    raction avec le dithionite pour le paraquat (dpistage et dosage).

    Avantages : mthode rapide, peu coteuse. Inconvnients : prsence dinter-frences, manque de sensibilit, souvent utilise pour indiquer la prsence duneclasse de mdicaments.

    Spectrophotomtrie UV : lidentification du toxique se fait sur la dterminationdu spectre UV de la molcule. Elle peut tre ralise sur la molcule elle-mmeou aprs couplage de la molcule avec un autre compos chimique.

    Avantages : mthode rapide, peu coteuse. Inconvnients : prsence dinterf-rences.

    Immunologiques : fondes sur la raction dun antigne (molcule ou famillechimique) avec un anticorps spcifique de la molcule recherche

    (9)

    . Ondistingue :

    les mthodes en phase homogne sans tape de sparation : Enzyme Mul-tiplied Immunoassay Technique (EMIT), Clone Enzyme Donor Immuno Assay(CEDIA), Fluorescence Polarization Immuno Assay (FPIA), Kinetic Interaction ofMicroparticles in Solution (KIMS) ;

    des techniques en phase htrogne, ncessitant une phase de sparation :les immuno-essais tels que Radio Immuno Assay (RIA), Enzyme Immuno Assay(EIA), Enzyme Linked Immuno Sorbent Assay (ELISA).

    Avantages : mthodes souvent rapides. Inconvnients : sensibilit variable, exis-tence de ractions croises et cot lev

    (10,11)

    .

    Enzymatiques : consistent faire agir une enzyme sur la molcule. On mesurela quantit de produit rsultat de la raction enzymatique au bout dun laps detemps dtermin.

    Avantages : peu coteux, rapide. Inconvnient : souvent peu spcifique.

    Chromatographie : consiste sparer les molcules en fonction de leurs affi-nits diffrentes lgard de 2 phases : une phase liquide et une phase station-naire. Cette technique permet de sparer des composants en fonction de leursproprits physicochimiques.

    Chromatographie en couche mince : consiste dposer une faible quantitdchantillon analyser et de quantits gales de tmoins reprsentant les subs-tances recherches sur une plaque recouverte dune phase stationnaire, migra-tion laide dun luant et rvlation aprs schage de la plaque. Utilise pourla recherche qualitative ou semi-quantitative des mdicaments et des drogues.

    Avantages : mthode peu coteuse. Inconvnients : peu sensible, quantifica-tion peu prcise trs longue, incompatible avec lurgence.

    Chromatographies en phase gazeuse (CG) ou en phase liquide haute per-formance (HPLC) : techniques sparatives sur colonne qui, couples diffren-tes mthodes de dtection, permettent daugmenter la sensibilit et laspcificit

    (12)

    : spectromtrie de masse (CG-SM ou CG-SM/SM en tandem ou

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    LC/SM ou LC-SM/SM), la spectromtrie UV avec dtecteur barrettes dediodes (HPLC-DAD). Ces matriels puissants mais coteux ncessitent un per-sonnel trs spcialis. Le systme REMEDI

    utilise la mthode HPLC-DAD luipermettant de quantifier jusqu 500 molcules en moins dune heure.

    Avantages : permettent la fois lidentification et la quantification de nom-breuses substances avec une grande fiabilit et des niveaux de concentrationparticulirement faible (notamment pour les CL-SM/SM, CG-SM/SM ou UPLC-SM/SM). Inconvnients : Le dlai dobtention des rsultats par les mthodeschromatographiques est souvent incompatible avec les contraintes lies laprise en charge mdicale du patient intoxiqu. Par ailleurs, les molculesrecherches sont limites celles contenues dans sa bibliothque.

    Spectrophotomtrie dmission ou dabsorption atomique : les chantillonssont atomiss dans une flamme trs haute temprature ; elle consiste mesurerla lumire absorbe ou mise par llment doser une longueur dondes uni-que. Elle permet de doser des lments (arsenic) et des mtaux (plomb, mercure).

    Avantages : technique trs sensible et spcifique. Inconvnients : mthodecoteuse.

    La torche plasma couplage inductif couple un spectromtre de masse(PCI-SM) : pour le dosage des mtaux, des lments minraux, des mtallodes.

    Avantages : technique trs sensible et spcifique. Inconvnients : mthodecoteuse

    Llectrophorse capillaire (EC) est une technique complmentaire des mtho-des chromatographiques qui permet la sparation dun grand nombre de mol-cules.

    La spectroscopie par rsonance magntique nuclaire (RMN) est capable demettre en vidence des substances de faibles masses molculaires (propylneglycol, mthanol, isopropanol, actone, glyphosate)

    (13)

    .

    Avantages : lchantillon est prserv et peut ensuite tre analys par CPG-SM,permet la distinction des isomres et des mtabolites. Inconvnients : manque desensibilit.

    1.1. Modalits du prlvement

    Les analyses sont effectues de prfrence sur le sang car la concentration dutoxique y est souvent mieux corrle la toxicit. Lanalyse des urines apporteplutt des informations sur les consommations de produits au cours des24-48 heures prcdentes mais aussi sur les produits dont la demi-vie sanguineest brve. Lanalyse du contenu gastrique ou du liquide de lavage gastrique nestpas utile

    (14)

    .

    Des chantillons de sang (2

    5 ml, sur anticoagulant) et durines (30 ml)doivent tre systmatiquement prlevs titre conservatoire ds ladmission delintoxiqu

    (3,14,15)

    . Mme si lanalyse nest pas demande en urgence, une

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    recherche ou un dosage de toxiques pourra toujours tre demand rtrospecti-vement si lvolution clinique diffre de celle attendue initialement ou dans uncadre scientifique (publication) ou mdico-lgal.

    Des dosages raliss suite un prlvement trop prcoce aprs ladministrationdu mdicament doivent tre interprts avec prcaution (ex. : une paractamo-lmie prleve 2 heures aprs lingestion dune forme solide sera ininterprta-ble). Lingestion de grandes quantits de mdicaments retardant labsorption dutoxique, un dosage trop prcoce pourrait, l encore, tre faussement rassurant(ex. : mprobamate). Linterprtation dun dosage sanguin sur un prlvementtrop tardif sera difficile et devra prendre en compte de nombreux paramtrestoxicocintiques et toxicodynamiques.

    2. Piges interprtatifs

    De nombreuses tudes ont montr une concordance variable entre les produitssuspects, les donnes cliniques et les rsultats analytiques

    (16-19)

    .

    Ainsi les drogues suspectes cliniquement ne sont confirmes par lanalytiqueque dans 22 53 % des cas. Des toxiques supplmentaires sont dtects dans10 62 % des chantillons biologiques : ils correspondent souvent au traitementde fond du patient

    (20,21)

    . Enfin la recherche est ngative dans 9 25 % descas selon les tudes soit parce que la molcule en cause nest pas dtecte parla mthode utilise (molcule non recherche ou seuil de dtection suprieur auxtaux circulants), soit parce quil ny pas dintoxication lorigine des troublesobservs

    (18-19,22)

    .

    Afin dviter les piges analytiques, le dialogue entre le clinicien et lanalyste estindispensable

    (14,23)

    . Ce dernier, connaissant parfaitement les limites de latechnique quil va utiliser, sera mme den interprter les rsultats (tableau 1),et pourra alors proposer une mthode de dosage plus spcifique

    (24)

    . Dolintrt de fournir, avec lchantillon biologique, une fiche de suivi donnant desindications sur le patient (sexe, ge, symptmes), lheure de prise et celle du pr-lvement, les ventuelles interfrences (mdicamenteuses en particulier). La listedes mdicaments dtectables par le screening utilis doit tre connue du clini-cien afin dviter tout malentendu lorsquune recherche est rapporte ngative(sans autre explication).

    2.1. Les faux ngatifs

    Lors du dpistage par les techniques immunochimiques, les anticorps utiliss (quipeuvent diffrer selon les fabricants de tests) sont spcifiques dune substanceappartenant la famille considre (par exemple, le diazpam pris comme cali-brateur pour les benzodiazpines, la nortriptyline pour les antidpresseurs tricy-cliques). Les autres molcules de la famille seront dtectes par des ractivitscroises qui vont conditionner la sensibilit et les seuils de positivit. De ce

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    fait, certaines benzodiazpines qui ont des taux toxiques sriques infrieurs la limite de dtection de la mthode ne seront pas retrouves (tableau 2). Cestnotamment le cas de lalprazolam, du bromazpam, du lorazpam ettriazolam

    (11,25)

    . Les pdiatres doivent tre informs des limites de sensibilitqui peuvent expliquer une discordance entre les rsultats et la clinique (rsultatsBZD ngative alors que la clinique est vocatrice). Les substances imidazopyri-dines apparentes aux benzodiazpines (zolpidem, zopiclone) ne sont pasreconnues par les anticorps antibenzodiazpines

    (26)

    . Un rsultat ngatifnexclut pas le diagnostic dintoxication.

    Les antidpresseurs de type IMAO, ISRS ou quadricycliques ne sont pas dtectspar les tests immunochimiques antidpresseurs tricycliques (ADT).

    Les mthodes complmentaires chromatographiques, tel que le systme Remedi

    ,permettent de complter les mthodes de dpistage de routine (tel le classique

    Tableau 1

    Limites des mthodes de dpistage aux urgences

    Mthode de dpistagede classe Limites

    Antidpresseurs tricycliques(immuno analyse : IA)

    Faux positifs : carbamazpine, phnothiazines, buflomdil

    Faux ngatifs : antidpresseurs ttracycliques (amoxapine, miansrine, maprotiline), inhibiteur de la recapture de la srotonine

    Benzodiazpines (IA) Faux ngatifs : seuil de dtection trop lev : alprazolamApparents (zolpidem, zopiclone)

    Opiacs (IA)

    Faux positifs (pour une recherche de stupfiants) : sirop antitussif (pholcodine, dextromtorphane, codine)

    Faux ngatifs : mthadone, buprnorphine, dextropropoxyphne

    Amphtamines (IA)Faux positifs : dcongestionant nasal (phdrine, phnylphrine) anorexigne (clobenzorex, fenfluramine) benzathine cyammazine ofloxacine - heptaminol

    Phnothiazines (colorimtrie) Faux positifs

    :

    les salicyls (avec la raction de Forrest)

    Mthode de dpistagespcifique dune molcule Limites

    Mthadone (IA) Faux positifs : vrapamil, cyammazine, lvompromazine, alimmazine, diphnydramine, doxylamine

    Buprnorphine (IA) Faux positifs : dihydrocodine, tramadol

    Dextropropoxyphne (IA) Faux positifs : diphnydramine, drivs tricycliques

    Cannabis (IA) Faux positifs : acide niflumique, ibuprofne

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    barbituriques, benzodiazpines, antidpresseurs tricycliques, opiacs ) qui nerecherchent pas certains produits tels que : inhibiteurs calciques, btabloquants,clonidine, anti-arythmiques, digitaliques, colchicine, antipaludens, thylne gly-col, mthanol, amatoxines.

    La recherche non cible des opiacs dans les urines est base sur la prsencedun noyau morphinane : elle nindique pas la nature de lopiac (mme positi-vit sans distinction pour la morphine, hrone, codne, codthyline). Elle nereconnat pas la buprnorphine, ni la mthadone, ni le dextropropoxyphne, nile tramadol

    (27)

    . Il faut utiliser des tests avec un anticorps spcifique si on veutles rechercher.

    Linterprtation des rsultats est parfois difficile, il faut tenir compte des donnestoxicocintiques et toxicodynamiques de la substance retrouve : il est importantde connatre le dlai entre lingestion du toxique et le prlvement. Trop court,le produit nest pas encore absorb mais trop long, la molcule-mre est djmtabolise voire limine.

    Tableau 2

    Test DRI

    Benzodiazepines Srum Tox : concentration de benzodiazpines ncessaires pour produire un rsultat positif (calibrateur : diazpam 50 ng/mL)

    Compos Seuil de dtection(en ng/mL)Concentration minimale

    toxique (en ng/mL)

    Alprazolam 200 100

    Bromazpam 750 300

    Chlordiazpoxide 3 000 3 000

    Clonazpam 150 1 000

    Diazpam 50 1 500

    Flunitrazpam 50 50

    Lorazpam 600 300

    Nitrazpam 100 1 000

    Nordiazpam 50 1 500

    Oxazpam 200 2 000

    Tmazpam 70 1 000

    Triazolam 50 40

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    2.2. Les faux positifs

    Les phnothiazines positivent de nombreux tests immunoanalytiques pour lesantidpresseurs tricycliques.

    Certaines mthodes ne dosent que les digitaliques totaux ; cest une notionimportante connatre lors de lutilisation de fragments Fab antidigoxine. Si leclinicien souhaite vrifier lefficacit du traitement antidotique par Digibind

    , ildoit prescrire un dosage du digitalique libre en prcisant le traitement Faben cours, au risque davoir pour rsultats une digoxinmie faussement leve (etsouvent bien plus que linitiale) qui additionnerait la digoxine libre, le complexedigoxine fragments Fab et ventuellement les fragments Fab libres

    (25)

    . Cetteaugmentation nest pas un signe dinefficacit mais le reflet de la mobilisationdu toxique tissulaire et de sa fixation aux fragments Fab circulants. Il est, parailleurs, admis quil nest pas ncessaire de vrifier le taux de digitaliquesrsiduels aprs ladministration de fragment Fab antidigoxine.

    Il est crucial de connatre les antcdents et le traitement actuel du patient ; lapositivit dune recherche de benzodiazpines ne suffit pas retenir le diagnosticdintoxication, mais peut tre le simple reflet dune imprgnation thrapeutique sice patient est trait au long court par une benzodiazpine. Et il en est de mmede linterprtation dun rsultat semi quantitatif dune famille mdicamenteuse.Seule la quantification dune molcule prcise permet de faire la diffrence

    (28)

    .

    Lacide niflumique et libuprofne positivent certains tests de dpistage urinairepour le cannabis. Ces anti-inflammatoires tant dusage courant, il est importantdmettre des rserves sur un rsultat positif tant quil na pas t confirm parune technique spcifique, une interprtation trop rapide pouvant tre lourde deconsquences.

    2.3. Place de l'analyse toxicologique dans la prise en charge d'une intoxication aigu

    Lanalyse toxicologique a pour objectifs didentifier, de doser le toxique afin de confir-mer ou non lhypothse dintoxication, mais aussi dvaluer la gravit de lintoxicationet parfois den dterminer un pronostic. Aux urgences, seule lanalyse quantitativelorsquelle conditionne la stratgie thrapeutique venir est indispensable

    (17,29)

    .Les analyses semi-quantitatives doivent tre proscrites aux urgences : en effet, comptetenu des ractivits croises diffrentes pour les molcules dune mme famille, unerponse lgre positivit ou inversement trs forte ne traduirait pas obligatoi-rement un taux toxique ou non, une intoxication bnigne ou svre.

    En pratique, 4 situations sont envisageables aux urgences

    (4)

    :

    lintoxication est certaine, le toxique est connu, la symptomatologie estconcordante avec le toxique et la dose suppose ingre : aucune analyse toxi-cologique nest demande en urgence sauf si les rsultats posent lindication demesures thrapeutiques spcifiques ou permettent dtablir un pronostic(ex. : paractamol) (tableau 3). Limmunoanalyse sanguine pour le dpistage desmdicaments est inutile

    (2,23,26,29-31,32-34)

    ;

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    Tableau 3

    Dosages analytiques indispensables la prise en charge aux urgences

    Dosages ayant une incidence thrapeutique

    Produit Mthode Taux toxique Utilit

    Paractamol Emit, FPIA > 200 mg/L H4> 50 mg/L H12> 30 mg/L H15

    Nomogramme de Rumack et Prescott, calcul de la 1/2 vie : indication de la N-actylcystine

    > 225 mg/L H2 Uniquement pour les formes sirops pdiatriques

    Digitaliques FIA Fab (en mg) =38x[ng/mL]xpoids/100

    Calcul de la quantit de fragments Fab administrer.

    Salicyls Colorimtrique, IA > 300 mg/L

    Nomogramme de Done :Indication de la diurse alcaline

    > 900 mg/L puration extra rnale

    Thophylline Emit, FPIA > 100 g/mL Indication puration extrarnale

    Mprobamate Emit, FPIA, CPG > 200 mg/L Indication puration extrarnale

    Lithium SAA > 2.5 4 mEq/L Indication puration extrarnale

    Acide valproque Emit, FPIA > 850 g/ml Risque de coma et dacidose majeur ; indication de la L-carnitine

    Mtaux : plomb SAA 450 699 g/L (ou 2,25 3,5 mol/L)

    Chlateur DMSA

    > 700 g/L(ou > 3.5 mol/L)

    Chlateur DMSA - EDTA

    Fer Colorimtrie > 5 mg/L Chlateur (deferoxamine)

    Mthanol thylne glycol

    CPG, enzymologie

    > 250 mg/L> 500 mg/L

    Indication antidotes 4MP Indication de lhmodialyse

    Phnobarbital IA > 150 mg/L Doses rptes de charbon activ

    Dosages ayant une valeur pronostique

    Paraquat Colorimtrique Sang :> 4 mg/L H4> 0.30 mg/L H10> 0.10 mg/L H24Ou SIPP > 10

    Courbe de Proudfoot ou de Scherrmann : 100 % de dcs pour les valeurs suprieures (au-dessus de la courbe)SIPP : paraquatmie [ng/mL]

    Dlai (en heure) entre ingestion et prise en charge

    Urines :> 0.5 mg/L ou 1 mg/h

    Chloroquine Spectrophotomtrie UV

    < 2 mol/L : 0 %12 25 mol/L : 2 %25 50 mol/L : 22 %> 50 mol/L : 60 %

    Concentration corrle au pronostic : % de risque de dcs

    Dosages pour le diagnostic de mort crbrale

    Barbituriques Mprobamate Ethanol Chloralose

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    lintoxication est certaine, le toxique est suppos mais la symptomatologie neconcorde ni avec le toxique ni avec la dose suppose prise ou lvolution divergeavec celle qui tait attendue. Un screening orient par la clinique peut trerequis ; les substances identifies doivent tre quantifies. Il faut envisager unecause non toxique surajoute ;

    lintoxication est certaine mais le toxique nest pas connu ; un screeningorient par le tableau clinique (toxidrome) et adapt la recherche des substan-ces les plus souvent impliques localement peut tre propos ;

    devant un tableau clinique svre inexpliqu (coma, convulsions, dpressionrespiratoire, arythmies, altrations mtabolique) et en labsence de notion deprise de toxique, lanalyse toxicologique large de type REMEDI

    , oriente par lesperturbations biologiques (kalimie, gaz du sang) ou de lECG, peut prciserlhypothse toxique ou en labsence didentification de toxique, envisager uneautre tiologie

    (15,19,20,34)

    .

    2.4. IMPACT du screening sur la prise en charge du patient

    La prcision diagnostic apporte par le screening modifie rarement le traitement,valu dans certaines tudes entre 0 % et moins de 5 % des cas

    (18-19,22)

    . Eneffet, lanamnse, lexamen clinique, quelques examens biologiques et lectro-cardiographiques permettent didentifier le toxique sil tait inconnu ou de leconfirmer sil tait identifi dans 86 96 % des cas selon les tudes

    (19)

    . Fabbriet al. tirent les mmes conclusions dans une tude o un screening large (typeHPLC-DAD) effectu aux urgences permettait pourtant didentifier 900 mdica-ments et mtabolites dans un dlai court de 20 60 minutes

    (35)

    .

    Ceci sexplique par le fait que la prise en charge des intoxications est trssouvent symptomatique, que si une thrapeutique spcifique est envisage(ex. : cyanures et Cyanokit

    ), elle est souvent dbute avant mme de connatreles rsultats de lanalyse (confirmation du diagnostic), que dans les tableaux cli-niques svres, les gestes thrapeutiques dterminants ne peuvent pas attendreles rsultats toxicologiques et enfin, que souvent les discordances analytiques neconcernaient que des drogues jouant un rle secondaire

    (19)

    . Dans tous les cas,les auteurs concluent la ncessit de limiter et de cibler les analyses toxicolo-giques dans les services durgences.

    Une mention particulire pour les intoxications par les champignons, plus parti-culirement par Amanita phallodes, Lepiota sp. et Galerina sp. Une

    -amanitineest responsable de ces intoxications potentiellement mortelles ncessitant uneprise en charge lourde (ranimation). Le dosage de l

    -amanitine est possible parla technique ELISA dans le sang (48 premires heures) et les urines (3 jours) etpermet de confirmer ou dexclure la suspicion dintoxication avant mme lappa-rition des perturbations hpatiques. Un rsultat ngatif vite la mise en uvredun traitement lourd et une surveillance coteuse alors quils ne sont pas nces-saires. Malheureusement, ce test nest disponible que dans trs peu de centreshospitaliers universitaires.

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    3. Conclusions

    Lapproche clinique dune intoxication aigu repose sur lanamnse et la recher-che de toxidrome. Le bilan biologique prime toujours sur lanalyse toxicologique.Lanalyse toxicologique est un complment dans la prise en charge.

    Des prlvements titre conservatoire (srothque, urothque) doivent tre sys-tmatiques pour tout patient admis aux urgences pour suspicion dintoxicationet ce, ds sa prise en charge. Leur analyse ne sera pas systmatique mais dpen-dra du contexte et de lvolution clinique. Le screening aveugle est coteuxet dune faible rentabilit clinique. Aux urgences, les examens toxicologiquesnont dintrt que sils sont spcifiques, avec un rendu rapide des rsultats etsils ont une incidence sur la prise en charge du patient.

    Cette demande de dosage doit tre slective, motive et accompagne de donnescliniques pertinentes. Le choix peut tre orient par les toxidromes et les ventuel-les perturbations biologiques. Linterprtation des rsultats des analyses toxicologi-ques doit rester prudente. La positivit confirme la prise de mdicaments maisnexclut pas la prise dun autre toxique non recherch, la ngativit, quant elle,nexclut pas lintoxication si lon ne connat pas les limites de la mthode utilise.

    Les analyses ralises dans un but scientifique ne doivent pas tre ralises enurgence.

    Schma dcisionnel aux urgences devant une suspicion dintoxication

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